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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 18
novembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment rapport de la commission d’enquête sur
l’industrie linière
2)
Interpellation relatives aux négociations commerciales en cours avec la France
(Delehaye, de Briey, Delehaye)
2)
Commission de vérification des pouvoirs (élection contestée de Cogels) (Lebeau, Dumortier, Delfosse, Dumortier, Devaux, Dumortier, Rogier, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), ((+indépendance
politique des fonctionnaires) Devaux, Nothomb,
Devaux, Nothomb), Pirson, Nothomb)
3)
Projet de loi allouant un crédit complémentaire au département de la guerre
pour 1841
(Moniteur
belge n° 323 du 19 novembre 1841 et Moniteur belge n°324, du 20 novembre 1841)
(Présidence
de M. Fallon)
(Moniteur
belge n°323 du 19 novembre 1841) M. Kervyn procès à l’appel nominal à 11 heures.
M.
Scheyven donne
lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; il est approuvé.
M.
Kervyn présente
l’analyse des pétitions adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Gysels
frères, négociants en fil à Anvers, demandent à être autorisés à faire entrer
en Belgique neuf balles de fil de lin expédiées de Belfast, moyennant le
paiement des doits fixés par le tarif sous l’empire duquel la commande et
l’envoi de ce fil ont été faits. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« Le conseil communal d’Assenede demande la
construction du canal de Zelzaete. »
- Renvoi à la commission qui a été chargée de
l’examen du projet sur le canal de Zelzaete.
________________________
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) adresse à la chambre 112 exemplaires du second
volume du rapport de la commission d’enquête sur l’industrie linière.
Pris pour notification.
M.
Delehaye – Messieurs,
j’ai demandé la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre des
relations extérieures.
Quoi que je n’ignore pas, messieurs, qu’il faut
mettre beaucoup de circonspection dans les interpellations adressés à M. le
ministre des affaires étrangères, alors surtout qu’il s’agit de négociations
encore pendantes, et alors aussi que je suis convaincu que M. le ministre doit
mettre la plus grande réserve dans ses réponses, je ne puis cependant me
dispenser de lui faire aujourd’hui une interpellation.
Je ne demanderai pas à M. le ministre comment il
se fait que des hommes qui avaient la confiance et l’estime du pays ont été
tout à coup rappelés de Paris où ils étaient chargés de négocier un traité. Je
ne lui dirai pas que, dans mon opinion, il est impossible, dans les
circonstances actuelles et avec les tarifs qui frappent nos produits aux
frontières, de faire un traité avec
Il paraît que notre ministre plénipotentiaire
n’aurait d’autre mission que d’obtenir quelque abaissement sur un tarif qui est
devenu aujourd’hui presque prohibitif, et qu’il s’agirait, pour nous, de faire
en retour à
Messieurs, en faisant ces interpellations, je n’ai
pas voulu provoquer de M. le ministre des révélations indiscrètes ; je
veux joindre mes efforts à ceux du gouvernement pour procurer au commerce et à
l’industrie un bien-être réel, mais je n’ai pas voulu les laisser dans une
inquiétude plus longue, et je crois que M. le ministre rendra service au pays
en déclarant que les bases indiquées par les journaux ne sont pas celles indiquées à nos agents.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) –
Quant au résultat de nos négociations avec
Vous comprendrez d’ailleurs la réserve que je dois
mettre dans les explications qui me sont demandées et qui viennent en quelque
sorte me surprendre à l’improviste.
M.
Delehaye – Je vous
avais prévenu hier.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) –
Vous ne m’aviez pas prévenu sur quel point porteraient vos interpellations.
M.
Delehaye – J’avais
dit que ce serait sur les négociations commerciales.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) –
Oui, mais comme il y en a de commencées avec plusieurs pays, je ne pouvais
prévoir que c’étaient celles avec
Je suis loin de contester le droit et souvent la
nécessité des interpellations au sujet des négociations pendantes, cependant je
dois dire, et l’honorable membre le reconnaîtra avec moi, qu’elles peuvent ne
pas être sans inconvénients, lorsqu’elles sont adressées ex abrupto, et
qu’elles exigent une réponse immédiate et sans préparation, sur des affaires
d’une nature souvent très délicate et confidentielle.
Peut-être, messieurs, serait-il dans ce cas
désirable que, conformément à ce qui se passe chez nos voisins, la chambre et
le cabinet fussent prévenus du jour où des interpellations de ce genre auront
lieu.
Mais j’en viens à celle qui m’a été adressée et
j’aborderai cette question avec toute la franchise compatible avec les intérêts
d’une négociation dont il est permis, quoiqu’on en dise, d’attendre encore
d’heureux résultats.
Messieurs, à peine formé, le ministère a dû porter
son attention sur nos relations commerciales avec
Le désir unanime d’ouvrir à nos diverses
industries des débouchés aussi près de nous et aussi avantageux, les intentions
bienveillances manifestées par le gouvernement français, nous ont donc engagés
à reprendre ces négociations avec une nouvelle activité.
Des commissaires ont été nommés. Dans notre choix,
messieurs, nous avons été guidés par le désir de donner satisfaction aux
diverses industries dont les intérêts allaient s’agiter à Paris ; nous
avons cru que la position des commissaires devait être en rapport avec
l’importance des objets qu’ils auraient à traiter.
D’après les préliminaires, nous avions lieu de
croire qu’il s’agirait d’une convention ayant des bases plus larges. Mais,
messieurs, il est arrivé ce qui arrive ordinairement dans des négociations de
cette sorte, c’est que la lutte des opinions diverses dans les conférences a
resserré de plus en plus les limites des négociations, et que lorsqu’elles se
trouvèrent réduites à des propositions plus modestes que nous n’avons dû le
supposer, nos commissaires, ne jugeant plus leur présence à Paris aussi
nécessaire, ont demandé d’être rappelés. Nous avons cru devoir consentir à leur
demande.
Aujourd’hui, de commun accord avec
M.
Delehaye – J’étais si
fondé à croire que j’avais annoncé à M. le ministre des relations extérieures
que je l’interpellerais sur les négociations commerciales, et particulièrement
sur celles avec
Je pense avec lui que, dans des affaires aussi
importantes, il conviendrait de poser au ministre les questions par écrit, et
pour ma part, je serais disposé à suivre ce mode, si tous les membres de la
chambre coulaient ainsi prendre l’engagement de s’y conformer. Je sais qu’il
est difficile pour un ministre de répondre ex abrupto à des questions
importantes.
Mais l’interpellation que j’ai faite n’avait pas
pour but de provoquer une réponse peu circonspecte ; je sais fort bien
que, dans ces sortes d’affaires, il faut beaucoup de réserve. J’ai voulu avoir
une explication sur un fait qui s’il était vrai comme l’ont annoncé les
journaux, compromettraient gravement la responsabilité ministérielle. J’ai cru
qu’il était de mon devoir de provoquer cette explication.
J’attendrai le résultat des négociations ;
mais s’il est tel qu’on le dit, je ne manquerai pas, pour ma part, d’en faire
un grief au ministère.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) – Je
n’ai fait, en répondant à l’honorable membre, que ce qui se fait et doit se
faire en pareil cas ; j’ai consulté les notes relatives aux différentes
négociations pendantes avec plusieurs Etats.
Elections d’Anvers
M. le
président – La parole
est continuée à M. Lebeau.
M. Lebeau – Hier, lorsque la chambre a terminé ses
travaux, je me disposais à aborder l’examen des quatrième et cinquième moyens
invoqués par les réclamants ; c’est-à-dire la participation à l’élection
de l’arrondissement d’Anvers, de deux électeurs qui ne paient pas le cens
électoral.
Dans la séance d’hier, j’ai eu occasion de faire
remarquer que le cens électoral est une condition que la loi regarde comme
substantielle et qu’elle place à côté de la condition de citoyen. La loi
électorale met en effet sur la même ligne l’obligation, pour être électeur et
pour en remplir les droits, d’être citoyen belge, d’avoir 25 ans et de payer le
cens déterminé par la même loi. Ce sont les termes de l’article 1er.
« Pour être électeur, il faut (dit la loi,
art. 1er) :
« 1°…
« 2°…
« 3° Verser au trésor de l’Etat la quotité de
contributions directes, patentes comprises, déterminée dans le tableau annexé à
la présente loi. »
Ainsi, il s’agit bien ici, messieurs, si un
électeur ne paie pas le cens électoral, d’une incapacité radicale, d’un vice
substantiel, par opposition à plusieurs conditions indiquées par la loi, et
notamment à celle du domicile inscrit dans l’article 19, disposition qu’on peut
qualifier de réglementaire. C’est la distinction faite par l’honorable M.
Dubus, dans une discussion antérieure. J’ai mis sous les yeux de la chambre
l’opinion qu’il a exprimée dans cette circonstance.
Il s’agissait alors de la participation à
l’élection de M Delamine ( ?), de M. de Sauvage,
dont le domicile avait été transféré de plein droit à Bruxelles, par suite de
sa nomination de président à la cour de cassation.
Mais, je l’ai déjà dit, il y a bien plus qu’une
incapacité légale dans celui qui ne paie pas le cens électoral, il y a une
incapacité constitutionnelle.
Lorsque vous admettez à voter un homme qui n’a pas
25 ans, vous violer simplement la loi. Mais lorsque vous admettez à voter un
individu qui ne paie pas le cens, vous violez non seulement les dispositions
textuelles de la loi électorale, mais encore les dispositions formelles de
l’article 47 de la constitution, qui place le cens comme condition à côté de la
qualité de citoyen belge.
Voici cet article 47 :
« La chambre des représentants se compose de
députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé par la loi
électorale. »
Vous voyez donc que la garantie est plus que
légale, qu’elle est constitutionnelle. La prévoyance du congrès constituant a
été portée si loin qu’il n’a pas voulu abandonner à l’appréciation de la
législature la question de savoir si on paierait ou non, pour exercer le droit
d’élire, un cens quelconque.
Je conçois, messieurs, que la prévoyance du
législateur constituant a été jusqu’à présenter un cens électoral parce qu’en
effet il s’agissait, dans l’opinion qui dominait au congrès, de ce qu’on
regardait comme une condition essentielle d’attachement au pays et à l’ordre
public, comme un témoignage officiel de l’esprit de conservation avec lequel on
exercerait ce droit important d’élire aux deux chambres. Il fallait, aux yeux du
congrès, que par un intérêt de propriétaires et d’industriel on offrît des
gages d’attachement au sol et aux institutions. Je n’ai pas à apprécier ce
système, je ne fais ici que le rappeler.
Eh bien, messieurs, il n’y a pas de condition dot
l’exécution doive être plus surveillée que celle du cens électoral, parce qu’il
n’en est pas à l’occasion de laquelle la fraude soit plus facile. Il est à peu
près impossible de cacher la fraude qui résulterait du défaut d’âge ;
l’âge est un fait très facile à vérifier ; il suffit de se transporter à
l’état-civil pour savoir si l’électeur a ou n’a pas l’âge requis. La jouissance
des droits civils et politique est encore un fait assez facile à
vérifier ; mais qu’un électeur ne paie pas le cens électoral, c’est
assurément là un des faits les plus difficiles à constater. Aussi la loi a eu
soin d’établir une disposition formelle pour que les tiers, qui pourraient
avoir intérêt à déjouer la fraude, puissent s’assurer si la condition du cens
est remplie par tous les électeurs.
Or, messieurs, comme la loi a été parfaitement
observée dans la formation des listes des communes de l’arrondissement d’Anvers
auxquelles appartiennent les électeurs réputés non censitaires, il sera facile
de fournir à la chambre la preuve évidente que les deux électeurs réputés ne
point payer le cens ne remplissent pas, en effet, cette condition, qui
cependant est requise non seulement par la loi, mais par la constitution même.
Il s’agit ici des sieurs Aerts
et Boey, de la commune d’Hemixem.
Voici d’abord un extrait authentique de la liste des citoyens qui, d’après la
loi du 3 mars 1831, réunissent les conditions requise pour concourir, comme
électeurs, à la formation des chambres : (détails non repris dans cette version numérisée).
Messieurs, pour infirmer les deux documents dont
je viens de donne lecture à la chambre, il faudrait aller jusqu’à les arguer de
faux, il faudrait aller jusqu’à dire que non seulement les receveurs des
contributions, agents directs du gouvernement, se seraient prêtés de gaîté de
cœur à une manœuvre de cette nature, s’exposant à une destitution
immédiate ; il faudrait aller jusqu’à dire que les receveurs des
contributions aient voulu risquer, je ne sais dans quel intérêt si puissant, de
se voir frappés d’une poursuite criminelle, aient voulu jouer leur existence
toute entière. Il faudrait non seulement aller jusque-là, il faudrait dire
encore que l’autorité communale a été la complice bénévole de cette action
frauduleuse. Or, il est impossible d’admettre de pareilles suppositions.
La cause de l’erreur est d’ailleurs assez facile à
comprendre : la loi communale exige aussi qu’il soit formé une liste des
votants pour les élections au conseil communal ; il y a tout lieu de
penser que c’est sur la liste des électeurs communaux que l’on aura dressé par
erreur la liste des électeurs pour la formation des chambres et dès lors on
comprend comment on a pu faire figurer sur cette liste ceux qui, ne payant le
cens, ni de leur propre chef, ni du chef de leurs enfants, ni par suite de
délégation de leur femme, le paient seulement du chef de leur mère veuve. La
loi électorale ne permet de se prévaloir que des impôts payés du chef de la
femme ou des enfants mineurs ; peut-être aussi s’est-on servi de la liste
destiné aux élections provinciales pour lesquelles la délégation des mères
veuves est également autorisée.
A cet égard, je devrai mettre sous les yeux de la
chambre l’opinion de l’honorable M. Doignon, auquel j’aurai à adresser quelques
mots de réponse.
M. Doignon, ne pouvant méconnaître que des
délégations d’impôt ont été faites à ces deux élections, dit ceci :
« On sait que sous le nom de contributions
déléguées on comprend ici les contributions de l’épouse déléguées au mari et
les contributions des mineurs qui profitent à leur père ; il résulte donc
de la liste électorale elle-même que les nommés Aerts
et Boey réunissaient les conditions voulues par la
loi pour être électeurs et payaient le cens… »
Ce qui veut dire, si je comprends M. Doignon, que
ces électeurs payaient le cens, par suite de contributions à eux déléguées par
leurs femmes ou payées par leurs enfants mineur.
Eh bien, messieurs, si l’honorable M. Doignon
admet que les sieurs Aerts et Boey
paient les contributions nécessaires pour être électeurs, non pas de leur chef,
mais par délégation et s’il reconnaît que la délégation est ici permise….
M.
Doignon – Je n’ai pas
dit cela.
M.
Lebeau – Voici vos
paroles :
« On sait que sous le nom de contributions
déléguées on comprend ici les contributions de l’épouse déléguées au mari et
les contributions des mineurs qui profitent à leur père ; il résulte donc
de la liste électorale elle-même que les nommés Aerts
et Boey réunissaient les conditions voulues par la
loi pour être électeurs et payaient le cens… »
Je ne comprends pas du tout votre pensée, si cela
ne veut pas dire que les sieurs Aerts et Boey paient les contributions nécessaires pour être
électeurs par suite de délégation.
M.
Doignon – J’ai parlé
des listes électorales. J’ai dit que les personnes en question figurent sur la
liste des électeurs et que par conséquent les autorités communales ont reconnu
que ces personnes paient le cens électoral.
M.
Lebeau – Je viens de
lire vos paroles, elles sont consignées au Moniteur.
M.
Dubus (aîné) –
Qu’est-ce que cela fait à la question ?
M.
Lebeau – Cela fait
beaucoup, parce que dans l’opinion de M. Doignon, il est admis que les deux personnes
dont il s’agit ne paient le cens que par délégation. Or, si vous soutenez que
ces deux personnes sont électeurs par délégation, comme la loi électorale ne
permet la délégation que pour les contributions de la femme ou des mineurs,
dites alors comment il se fait que le vicaire d’Hemixem
paie des contributions du chef d’une femme ou d’enfants ou d’enfants
mineurs ? (On rit.)
Il est constant, il est aussi évident qu’il soit
possible de l’être, que si l’on ne se contente pas des documents authentiques qui
sont sous les yeux de la chambre, il faut renoncer à tout jamais à prouver la
fraude en matière de cens électoral.
Mais, dit-on, les certificats dont il s’agit
portent eux-mêmes la preuve qu’ils sont faux ou du moins inexacts :
comment est-il possible que l’administration communale et le receveur des
contributions puissent déclarer que le sieur Boey ne
paie aucune contribution de son chef, lorsqu’il est qualifié de brasseur,
profession qui emporte nécessairement le paiement d’une patente.
On croit avoir fait là une grande découverte. Tout
ce qu’il y a de prouvé c’est qu’on exerce la profession de brasseur dans la
maison tenue par la veuve Boey. Il est probable que
le fils de cette veuve exerce matériellement la
professeur de brasseur, mais que la patente n’en est pas moins au nom de la
mère. C’est là ce qui se pratique presque toujours : lorsqu’un fabricant
laisse une veuve et des enfants, la profession se continue pendant un temps
plus ou moins long par la mère, ou sous le nom de la mère, par le fils et surtout
par le fils aîné. Voilà, messieurs, comment les choses se passent.
On a si bien voulu que chacun pût s’assurer en
tout temps si les personnes inscrites sur les listes électorales remplissent la
condition du cens, que la loi elle-même a pris soin d’indiquer les formalités à
remplir pour mettre les tiers sur la voie des fraudes qui auraient été commises
sous ce rapport. Voilà comment s’exprime le deuxième paragraphe de l’article 8
de la loi électorale :
« La liste
contiendra en regard du nom de l’individu inscrit, la date de sa naissance et
l’indication du lieu où il paie des contributions propres ou déléguées, jusqu’à
concurrence du cens électoral. S’il y a des réclamations auxquelles
l’administration communale refuse de faire droit, les
réclamants pourront se pourvoir à la députation permanente du conseil
provincial. »
Messieurs, quand
cette condition est remplie, quand dans la liste électorale formée par le
receveur des contributions et sanctionnée par l’autorité communale, on a pris
soin d’observer la seconde disposition de l’article 8, c’est-à-dire d’indiquer
non seulement le montant des contributions, mais les lieux, les communes où
l’impôt est payé ; si alors on apporte les certificats des receveurs dans
le ressort desquels les communes se trouvent situées, les certificats des
autorités communales administrant ces localités, on a la preuve évidente qu’on
a l’indication de toutes les contributions payées par celui qui figure sur la
liste électorale.
Cette condition,
messieurs, n’avait pas été remplie dans les listes électorales de Bastogne,
dont nous avons entretenu hier la chambre. Lors des élections de Bastogne, on a
soutenu ici que plusieurs électeurs ne payaient pas le cens électoral ;
mais on a répondu que cette allégation était dénuée de toute preuve, parce que
les administrations communales de l’arrondissement de Bastogne n’avaient pas
observé le second paragraphe de l’article 8 de la loi électorale ;
c’est-à-dire qu’on n’avait indiqué nulle part le nom des communes où le cens
électoral était payé ; d’où l’impossibilité d’exercer aucun contrôle sur
l’assertion des autorités communales.
Voici ce que
disait à cette occasion l’honorable M. Liedts, rapporteur de la commission de
vérification des pouvoirs de Bastogne :
« M. Liedts - Si vous examinez avec
quelle précaution méticuleuse la loi a prévu le cas qui nous occupe, avec quel
soin elle a indiqué les autorités où les réclamations doivent être portées, le
délai dans lequel elles doivent être formées, vous concevrez comment plusieurs
membres de votre commission sont arrivés à cette conclusion que toute
réclamation contre les inscriptions sur les listes électorales, et qui n’est
pas accompagnée des formalités prescrites par les articles 12 et suivants de la
loi électorale, est non recevable.
« Cependant
nous ne pensons pas qu’il faille aller jusque là, ni qu’il faille examiner la
question de savoir si l’autorité instituée par la loi électorale est seule
compétente pour juger les contestations qui s’élèvent sur le cens voulu par
cette loi pour être électeur.
« Nous
retranchant dans la question qui nous occupe, nous disons que dès qu’un
individu inscrit sur la liste des électeurs a exercé, sans qu’il y ait eu
réclamation, son droit électoral, il y a présomption qu’il paie le cens
électoral, sinon dans la commune qu’il habite, au moins dans d’autres
communes du royaume.
« Une fois
qu’il a exercé son droit, celui qui prétend qu’il ne l’avait pas est obligé
d’en fournir la preuve. »
L’honorable M. de
Brouckere répondait immédiatement :
« M. le rapporteur
a posé des principes que je ne puis en aucun manière admettre… L’on a prétendu
que sur les listes électorales du district de Bastogne, on avait porté un
certain nombre d’individus ne payant pas le cens voulu pour être électeur. Si
le fait est vrai, il est incontestable qu’il faudra déclarer que la personne
que le collège électoral a déclarée élue, a été élue par des individus n’ayant
pas droit à concourir à l’élection ; il ne faudrait pour cela que s’en
référer à la constitution qui proclame qu’il n’y a d’électeurs que ceux qui
paient le cens voulu par la loi.
« On a semblé
vous dire, messieurs, que du moment où les listes n’avaient pas été attaquées
en temps opportun par les ayants droit, par cela même les personnes portées,
même indûment, sur la liste électorale devaient être regardées comme ayant eu
la capacité de voter.
« En un mot,
l’on vous a insinué dans le rapport que la chambre n’avait pas le droit de
connaître de la composition des listes électorales. Il est bien vrai qu’on a
quelque peu modifié cette assertion, en vous disant que si on venait prouver
d’une manière positive qu’un individu porté sur la liste électorale ne paye pas
le cens, alors peut-être la chambre pourrait-elle annuler l’élection. Mais on
vous a dit aussi : c’est un fait négatif à prouver, il faudrait prouver
qu’un tel individu ne paye pas le cens ; or, a-t-on ajouté, cela est
presque impossible. Mais messieurs, non seulement cela n’est pas impossible,
mais je soutiens que la chose est extrêmement facile, là où l’on agit régulièrement.
Je vais vous le prouver. Pourquoi la loi (art. 8) ordonne-t-elle que les listes
portent l’indication du lieu où l’on paye les contributions propres ou
déléguées ? mais c’est précisément pour que la
vérification puisse être faite, de telle manière que si à Bastogne on s’était
conformé au prescrit bien positif de la seconde disposition de l’article 8
toutes les listes porteraient indication du lieu où les électeurs payent le
cens voulu ; c’est ce qu’on n’a pas fait à Bastogne. J’ai une liste sous
les yeux, où l’on y indique seulement que tels individus payent le cens, sans
dire où ils payent ce sens, de sorte qu’on a réellement rendu la vérification
très difficile ; mais c’est par le fait des autorités de Bastogne.
« Messieurs,
je vous prie de remarquer que la question que j’agite, est la question la plus
importante qui se puisse agiter en matière électorale. Si vous veniez à
consacrer d’une manière quelconque par votre vote que les listes une fois
formées, et n’ayant pas été l’objet d’aucune réclamation devant l’autorité
administrative dans le temps voulu ; que ces listes, dis-je, doivent être
regardées comme faisant foi devant vous, savez-vous ce qui en
résulterait ? C’est que du jour où vous auriez dans un district quelconque
une autorité supérieure qui voulût abuser de son pouvoir, elle ferait, par
l’intermédiaire de quelques bourgmestres complaisants, porter sur la liste
électorale tels individus qu’il lui plairait, sans que ces individus pussent
justifier du cens voulu par la loi…
« De là, messieurs,
la conséquence que la chambre doit nécessairement être en droit d’examiner les
listes électorales, et de s’assurer que l’on n’a pas porté sur la liste
d’individus ne payant pas le cens.
« Messieurs,
ce n’est pas d’aujourd’hui que je soutiens cette opinion, ce n’est pas
d’aujourd’hui que le cas s’est présenté ; en 1837, à l’occasion de
l’élection de M. Corneli, j’ai soutenu les mêmes principes qui sont, paraît-il,
les véritables : c’est que la chambre doit connaître des listes ;
quand par une protestation on lui fait connaître qu’on a porté sur les listes
électorales des individus ne payant pas le cens, la chambre doit pouvoir
déclarer l’élection nulle, attendu que celui qu’on a proclamé député n’a pas
été élu par des électeurs. »
Voilà ce que
l’honorable M. de Brouckere répondait à M. Liedts.
J’ai cité hier
l’opinion contraire de M. Milcamps et la réponse que lui a faite l’honorable M.
Lejeune, et qui disait, entre autres choses : « Ce que j’avais
principalement à dire vient d’être dit par l’honorable M. de Brouckere : à
savoir que le principe que l’inscription sur la liste des électeurs d’une
commune est une présomption que l’électeur paie le cens dans la commune, tombe
devant les certificats joints au procès-verbal. »
Et pour terminer
cette partie de la discussion, j’ai noté les propres paroles de l’honorable M.
Desmet qui, lui, se montrait avec raison quelque peu indisposé contre les
administrations communales du district de Bastogne, qui n’avaient pas rédigé
les listes, conformément aux prescriptions de la loi, et qui demandaient une
enquête. M. Desmet disait :
« On allègue
l’irrégularité des listes, c’est là qu’est la contestation, il faut qu’on ait
les moyens de prouver que les inscrits paient le cens. »
L’honorable M.
Desmet concluait par appuyer une demande d’enquête, pour vérifier si ceux qui
se trouvaient sur les listes payaient réellement le cens électoral.
Eh bien, l’enquête
que l’honorable M. Desmet demandait, il ne la voulait pas sans doute dans un
frivole sentiment de curiosité, mais pour arriver à une conclusion définitive
selon que l’enquête prouverait le fondement ou l’inexactitude des allégations
des pétitionnaires. Or ce fait qu’on voulait obtenir d’une enquête, vous l’avez
pour les élections d’Anvers, dans des documents authentiques, émanés des
fonctionnaires ayant seuls qualité pour les donner, c’est-à-dire des receveurs
des contributions des autorités communales. Qu’auriez-vous eu de plus, si pour
l’élection de Bastogne, vous aviez fait une enquête ?
Je démontre donc
qu’une enquête est inutile ici, parce qu’à la différence de ce qui s’est
pratiqué dans l’arrondissement de Bastogne en 1839, on a, dans les communes de
l’arrondissement d’Anvers auxquelles appartiennent les non-censitaires, observé
le deuxième paragraphe de l’article 8 de la loi électorale.
La preuve
authentique qu’il y a défaut de cens est sous les yeux de la chambre ;
elle est irrécusable ; elle constate l’absence d’une condition radicale,
d’une condition constitutionnelle dans la personne des sieurs Boey et Aerts.
Je le répète, si
cette preuve n’est pas considérée comme concluante, si elle n’est pas
accueillie, on peut frauder tant qu’on voudra en matière d’inscriptions
résultant du cens électoral ; je défie que dans aucune circonstance on
puisse mieux établir qu’il ne l’est dans l’espèce actuelle, l’irrégularité, à
défaut de cens, de l’inscription des sieurs Aerts et Boey, et par conséquent de l’irrégularité de leur
coopération à l’élection.
Le septième et
dernier moyen allégué est le double vote d’un sieur Bollens
de Borgerhout, qui aurait voté à l’appel et au réappel.
Je dois à la
franchise que je me plais à apporter dans toutes les discussions, de rendre la
chambre attentive à un incident dont M. le rapporteur ne l’a pas entretenue,
sans doute par oubli. Le jour même que la commission a commencé l’examen des
élections d’Anvers, nous avons aperçu (et c’est ce que j’ai encore vérifié
moi-même hier) , nous avons aperçu, dis-je, une sorte de surcharge sur le
nom de Bollens ; il m’a paru même, en examinant
attentivement cette circulaire, qu’on avait essayé de transformer le nom de Bollens et celui de Bouwens,
transformation qui serait tout à fait au désavantage des réclamants, parce
qu’elle semblerait prouver contre eux que le double vote n’a pas eu lieu. La
chambre a les listes sous les yeux, chacun peut les consulter ; mais il
m’est resté à moi l’opinion, que primitivement il y avait sur ces listes le nom
de Bollens dont on a voulu faire Bouwens.
Cela me paraît probable, au moins sur une des listes le fait de cet essai de
transformation après coup semble résulter de ce que l’encre est tout fait différente.
Si l’encre état la
même, on pourrait croire que les scrutateurs, ayant reconnus qu’ils s’étaient
trompés, ont eux-mêmes fait la surcharge ; mais alors il est probable
qu’ils l’eussent approuvée, comme on approuve une surcharge ou un renvoi
quelconque.
La chambre
comprend que je n’ai pas à me livrer à l’examen de ce qui s’est fait, ni à en
tirer aucune conjecture. Je signale seulement ce fait qu’on a essayé de
transformer le nom de Bollens en celui de Bouwens.
Cependant je n’ai
pas entendu contester le fait du double vote de Bollens.
M. Cogels, et après lui la commission, se sont bornés à dire « la fraude
ne se présume pas. » Mais il est constant, et pour moi cette conviction est
acquise, que c’est bien Bollens qu’on a inscrit
originairement, s’il est constant qu’il a voté à l’appel et au réappel, circonstance qui a pu arriver de bonne foi, parce
que cet électeur a pu croire qu’il votait à un scrutin de ballotage, il y
aurait eu là un vote complètement inopérant. Il ne s’agit pas de prouver la
fraude ; les réclamants eux-mêmes ne parlent pas de fraude ; il y a
erreur et cela suffit. Il y aurait encore de ce chef une voix à retrancher.
Ainsi, me
résumant, j’arrive à la conviction que cinq voix doivent être retranchées à M.
Cogels ; d’abord celle de Charles-Sébastien Janssens, interdit, dont
l’alibi est constaté, qui, par conséquent, doit être assimilé à ce cas, dont se
sont occupés, dans des discussions antérieures, d’honorables collègues, du vote
émis à la place d’un défunt, d’un électeur mort. Voter à la place d’un électeur
mort ou d’un électeur interdit absent, c’est absolument la même chose.
La deuxième voix à
retrancher est celle de Victor Paternotre, nom
absolument inconnu et qui n’est celui d’aucun électeur. Les troisième et
quatrième, sont celles d’Aerts et Boey.
La cinquième est celle de Bollens. Si ces cinq voix
sont retranchées, l’élection est nulle ; si seulement on en retranche
deux, il y a encore nécessité de prononcer l’annulation de l’élection d’Anvers.
Car en retranchant une voix des 1,942 votants, il en reste 1,941, majorité
971 ; en retranchant aussi une voix à M. Cogels, qui a obtenu 972
suffrages, il lui en reste 971, c’est-à-dire encore la majorité. Mais en
retranchant 2 voix, le nombre des votants est 1,940, et le nombre des suffrages
obtenus par M. Cogels 970, c’est-à-dire la moitié juste des suffrages.
En terminant cette discussion, je dirais comme un
honorable collègue, que je fais ici abstraction de toute considération
personnelle. Je ne suis mû, dans les efforts auxquels je me suis livré, pour
faire annuler l’élection d’Anvers, que par mon respect profond pour lui et pour
la constitution, par mon respect pour les droits des électeurs qui ont, à juste
titre, le droit d’exiger qu’ils soient représentés ici par des mandataires dont
les pouvoirs ne soient sujets à aucune contestation.
Je suis encore mû par la conviction que si on veut
assurer à la chambre la dignité dont ce grand pouvoir a besoin, la force morale
qu’il doit imprimer à ses décisions, il faut qu’aucun doute ne puisse jamais
s’élever dans l’esprit de la nation, sur la pureté, sur la légalité de sa
composition.
Si j’avais pu, en pareille circonstance, transiger
avec les principes que je défends par des considérations de personnes, je
n’eusse pas hésité à fermer les yeux et à voter il y a quelques jours pour
l’admission d’un de nos collègues dont le nom se rattache aux plus glorieux
souvenirs de notre révolution, d’un collègue envers lequel des dissentiments
politiques ne me rendront jamais injuste.
Lorsque j’ai, pour obéir à ma conscience de
représentant, voté contre l’élection de l’honorable M. de Mérode, je crois
avoir acquis le droit de voter contre celle de M. Cogels, sans être accusé de
consulter autre chose que la loi, la constitution et mon
serment.
(Moniteur
n°324 du 20 novembre 1841) M. Dumortier – Pendant les premiers jours de cette
session, je croyais que mon devoir m’aurait obligé de voter contre l’élection
de l'honorable M. Cogels. J’étais fermement convaincu d’après ce que j’avais lu
et ouï dire de toutes parts, que c’était un mort venu émettre son vote, puis
c’était un P.-J. Janssens qui avait voté deux fois, un Bollens
qui avait aussi voté deux fois. Jamais nullités n’avaient paru plus claires que
celles dénoncées dans l’élection dont il s’agit. En présence de pareilles
assertions, je vous le déclare, malgré toute l’affection que je porte à notre
ancien collège, j’étais prêt à remplir un devoir rigoureux. Mais lorsque
l’honorable M. Cogels a eu le temps d’examiner toutes ces accusations venues au
dernier moment, dans l’intention formelle d’empêcher une rectification, lorsque
l’honorable M. Cogels est venu prouver que pour faire annuler son élection, on
avait accumulé des pièces falsifiées ou au moins des certificats dénaturés, je
me suis dit que je manquerais au plus sacré de mes devoirs, si je ne prenais
par chaudement la défense de notre honorable collège.
Messieurs, chacun voit les élections à sa
manière ; pour moi, j’y ai toujours vu des questions de bonne foi, des
questions de loyauté et de moralité. Quant aux questions de principe, je n’aime
pas d’en poser en matière d’élection, pas même celui de la permanence des
listes. Je crois que la chambre est omnipotente, que le droit que la
constitution lui a conféré ne peut pas être un vain mot.
Je répète qu’à mes yeux les questions d’élection
sont des questions de bonne foi, des questions de loyauté, et quand je vois des
personnes qui réclament contre l’élection de l'honorable M. Cogels, fournir des
pièces dont la fausseté est avancée par ceux qui défendent les réclamants, je
déclare qu’à ma manière d’apprécier les questions électorales, je croirais
manquer à mon devoir si je votais comme ceux qui sont ici mes adversaires.
L’honorable préopinant s’est longuement étendu sur
la question de la permanence des listes. Je viens d’avoir l’honneur de vous
dire que ni moi ni un grand nombre de mes honorables amis ne reconnaissons le
principe de la permanence des listes, malgré les explications si lucides de
l’honorable M. de Theux. Nous pensons que la chambre a toujours le droit
d’examiner la fraude, s’il s’en introduit dans la formation des listes
électorales.
Mais, nous dit-on, pourquoi avez-vous voté pour la
validité de l’élection de M. de Mérode, tandis que là il ne s’agissait que
d’une simple question, celle de la permanence des listes électorales. Ma
réponse sera simple, et je suis charmé d’avoir l’occasion de la faire, car ce
serait probablement celle de beaucoup de mes honorables amis. L’honorable M. de
Mérode avait été élu à la simple majorité, il est vrai ; mais aucune
réclamation ne s’était élevée après la lutte violente qui avait eu lieu à
l’occasion de cette élection ; dans le sein de la commission de
vérification de pouvoir, un membre, en examinant la liste des électeurs, a
trouvé un nom à côté duquel se trouve une date de naissance de laquelle il
résultait que l’électeur inscrit n’avait que 24 ans et quelques mois. Là-dessus
on demande l’annulation de l'élection de M. de Mérode.
Eh bien, messieurs, je me suis dit quand un homme
aussi honorable que M. de Mérode, dont le nom se rattache si glorieusement à la
révolution, et qui a exposé, ainsi que son illustre famille, sa fortune et sa
vie, pour nous faire ce que nous sommes ; un homme dont le frère a versé
son sang pour la patrie et est mort pour notre cause sur le champ de
bataille ; quand un tel homme vient dans cette enceinte avec un mandat des
électeurs et qu’après une lutte violente, par un de ceux qui ont pris part à
l’élection n’a réclamé, j’aurais été moi, homme de la révolution, contribué par
mon vote à repousser de cette assemblée celui qui a attaché glorieusement son
nom à notre révolution, alors qu’il est possible de croire à l’erreur d’un
copiste ! Non, jamais je n’aurais émis pareil vote, jamais je
n’aurais pu me prêter un telle expulsion. Voilà ce qui
m’a dirigé dans l’élection de Nivelles, et ce qui a dirigé la plupart de mes
honorables amis.
Messieurs, je fais ici franchement cette
déclaration, parce que ne veux pas qu’un jour il soit possible que des hommes
quels qu’ils soient, sous prétexte de la permanence des listes, parviennent à
vicier les élections et par suite la représentation nationale. Je le déclare, à
mon avis, les questions d’élection sont avant tout des questions de bonne foi
et de moralité.
Examinons maintenant la question de l’élection de
M. Cogels.
Deux personnes ont parlé jusqu’ici contre cette
élection. Ce sont MM. Delfosse et Lebeau. L’honorable M. Delfosse, plus adroit
que son honorable ami, a restreint la question à trois points. Il a compris
qu’il était de toute nécessité d’abandonner les autres. L’honorable député de
Bruxelles a voulu défendre tous les points.
M.
Lebeau – C’est une erreur ;
il en est deux que je n’ai pas défendus.
M.
Dumortier –
L’honorable membre n’a pas défendu la question du faux constaté par une pièce,
mais il a essayé de justifier ceux qui l’ont commis et ceux qui en ont fait
usage. Parler de la sorte, c’est donner appui à ceux qui se servent de pareils
moyens.
M. Pirson – Le ministre de la justice a justifié le
greffier.
M.
Dumortier – Le
ministre a expliqué les faits, il n’a pas cherché à les justifier.
Comment les choses se sont-elles passées : un
homme avait été condamné, il y a 22 ans, à une peine infamante pour un crime.
Cet homme avait commis une faute de jeunesse, dont on devait le considérer
comme entièrement lavé, car la clémence royale avait étendu sur lui son droit
de réhabilitation. Eh bien, tandis que le sort de l’élection de M. Cogels peut
dépendre d’une voix, on vient chercher à tromper la chambre au moyen d’un
certificat faux qui déclare la condamnation sans maintenir la réhabilitation.
Remarquez bien, messieurs, comment les choses se
passent : on se souvient fort bien qu’il y a 22 ans, cet homme avait
commis un crime, mais on n’a pas de mémoire pour se rappeler qu’il y a 4 ans le
Roi lui a rendu la plénitude de ses droits !
On a dit que le greffier qui a délivré la copie du
jugement ne connaissant pas la réhabilitation ; mais si le greffier ne la
connaissait pas, elle ne pouvait pas être ignorée de l’un des réclamants, qui
faisait partie du barreau et qui a rempli les fonctions d’officier ministériel
près du tribunal du ressort. Cet homme ne pouvait ignorer quels sont ceux qui
ont été réhabilités, puisqu’il doit par état connaître quels sont ceux qui ne
peuvent ester en justice, et lorsque je le vois venir rappeler un crime qui a
été commis il y a 22 ans, et oublier la réhabilitation qui a effacé ce crime,
je dis qu’il y a là autre chose qu’une erreur, qu’il y a là mauvaise foi,
intention de tromper la législature.
M.
Rogier – Il ne vous appartient
pas d’inculper les intentions.
M.
Dumortier –
Comment ! vous avez eu la parole pour justifier
des actes semblables, et il ne nous sera pas permis d’attaquer ces actes !
Vous avez des paroles pour justifier des actes aussi dégradants, et vous n’en
avez pas pour cette famille infortunée dans le sein de laquelle vous plongez le
poignard !
Un membre – Vous calomniiez.
M.
Dumortier – Les
calomniateurs sont ceux qui se prévalent d’actes faux et de nature à flétrir
des citoyens.
Ainsi, messieurs, on nous a présenté un acte qui
est faux. Cet acte, vous le connaissez. Il constate qu’un citoyen a été
condamné en 1822 pour un crime, et il ne se trouve pas en marge de cet acte ce
qui est prescrit par l’article 632 du code d’instruction criminelle, la mention
de la réhabilitation.
Que vient répondre à cela l’honorable M.
Lebeau ? « Mais cela est très excusable, cela est très
explicable. »
Eh bien, messieurs, je dis que cela n’est ni
excusable ni explicable ; ce n’est pas d’après un répertoire qu’on peut
délivrer un acte de cette nature, c’est sur le jugement même qu’aurait dû le
copier. Que diriez-vous d’un notaire qui viendrait vous donner une expédition
d’un acte de vente d’après son répertoire ? Ce n’est donc pas d’après un
répertoire qu’on peut délivrer un acte aussi important que celui dont il
s'agit, un acte qui porte atteinte à l’honneur d’un citoyen. Un acte de cette
nature devait être copié sur le titre même et alors on aurait trouvé en marge
la réhabilitation.
On expliquera ou on justifiera autant qu’on le
voudra le fait dont il s’agit, il n’en est pas moins vrai qu’une semblable
manœuvre constitue un faux et un faux calomnieux, commis par un agent public
exploité par un autre agent public et au moyen duquel on voulait vicier la
composition de la chambre.
Voilà dix ans, messieurs, que je siège dans cette
enceinte, souvent j’ai vu des choses fort sales, mais je n’ai jamais rien vu de
sale comme les moyens avec lesquels on cherche à faire annuler l’élection de
l’honorable M. Cogels.
Maintenant, messieurs, il s’agit d’un Pierre-Jean
Janssens qui aurait voté deux fois. C’est là un des arguments présentés par
l’honorable M. Delfosse, et le sixième de ceux qu’invoquent les deux
pétitionnaires.
Eh bien, messieurs, je tiens ici en mains la liste
des votants de la première section d’Anvers, et que trouvez-vous dans cette
liste ?
« Janssens, Pierre-Jean, n°509, né à Anvers,
le 25 avril 1785 »
Et à la page suivante :
« Janssens, Pierre-Jean, n°2377 1°, né à
Anvers, le 12 août 1783. »
Voilà, messieurs, deux individus qui portent le
même nom et les mêmes prénoms, mais ce sont bien certainement deux individus,
puisqu’ils habitent deux domiciles différents et qu’ils sont nés à des époques
différentes.
Ce sont cependant ces deux individus qu’on
nous représente comme un seul et qui aurait voté deux fois. Justifier donc une
annulation basée sur de pareils moyens ?
M.
Delfosse – Je demande
à rectifier un fait. L’honorable M. Dumortier suppose que c’est le sixième
moyen de nullité que j’ai entendu faire valoir, lorsque j’ai parlé de la double
inscription du même nom sur les deux listes des votants ; l’honorable
membre se trompe, ce n’est pas le sixième mais le septième moyen de nullité que
j’ai entendu invoquer ; je devais tenir le fait de cette double
inscription pour vrai, puisqu’il n’était nié ni dans la lettre de M. Cogels, ni
dans le rapport de la commission ; ce n’était pas le fait en lui-même,
mais la conséquence qu’on voulait en tirer, que la commission et M. Cogels
contestaient.
M. Lebeau – Je n’ai pas non plus fait valoir ce moyen.
M.
Dumortier – il n’en
est pas moins vrai que ce moyen a été invoqué comme un des principaux chefs de
nullité et cela donne toujours une bonne idée de la moralité de la pétition qui
excite si fort votre sympathie et il reste démontré que l’on a voulu tromper la
chambre par ce prétendu double vote.
Vient maintenant le septième moyen de nullité,
c’est qu’un autre Bollens aurait voté deux fois. Eh
bien, messieurs, que porte la liste tenue par les scrutateurs et qui se trouve
annexée au dossier ? Sur l’une de ces deux listes, vous voyez d’abord
figurer sous le numéro 61 comme ayant voté au premier appel Pierre-Joseph Bollens, domicilié à Borgerhout,
et sous le numéro suivant, Pierre-Joseph Bauwens, domicilié également à Borgerhout, mais il faut bien
remarquer (et M. Lebeau a rendu hommage à cette vérité), que les deux noms ont
été effacés et que l’on a mis à coté …..
M.
Devaux – Le nom de
Pierre-Joseph Bollens n’est pas effacé.
M.
Dumortier – Vérifier
la liste.
M.
Devaux – Je l’ai
vérifiée hier.
M.
Dumortier – Vous vous
êtes trompé. Voici la liste !
- L’honorable membre remet la liste à M. Devaux
M.
Devaux (après avoir
examiné la liste) – Eh bien, le nom de Pierre-Joseph Bollens
n’est pas effacé ; ce nom subsiste au n°61, et il se trouve encore au
n°319.
M.
Dumortier – Comment,
le nom n’est pas effacé ! Mais M. le président, faites une enquête à
l’instant même. Je prie tous les membres de la chambre de vérifier les listes.
M.
Devaux – Je demande à
m’expliquer. Je dis que le nom n’est pas effacé ; le nom est surchargé,
mais il est très facile de lire : Pierre-Joseph Bollens.
Ce qui prouve que l’on n’a pas voulu effacer le nom, c’est qu’on a laissé
subsister le numéro, et si le nom devait être retranché, il y aurait erreur
dans le chiffre des votants.
Voici, messieurs, la deuxième liste. Sur cette
deuxième liste le nom subsiste au n°61, mais avec un changement, il y avait
bien évidemment Bollens, on peut encore très bien le
lire, mais on en a fait Bouwens après coup. J’avais
donc raison de dire que le nom n’est pas effacé.
M.
Dumortier – Cela
prouve clairement qu’il y a eu erreur ainsi que je vais le démontrer.
M.
Verhaegen – Mais
c’est le contraire de ce que vous disiez.
M.
Dumortier – Je prie
les membres de la chambre de vérifier la liste, rien n’est plus facile.
- La séance est suspendue un instant ; divers
membres viennent examiner la liste.
M.
Dumortier – Je vais
maintenant reprendre ma phrase, que je n’avais pas achevée lorsque l’honorable
M. Devaux m’a interrompu. Je me suis arrêté alors pour lui mettre la liste sous
les yeux, afin de lui prouver que je disais vrai…
M.
Devaux – Vous
conviendrez que vous étiez dans l’erreur.
M.
Dumortier – Je
n’étais pas du tout dans l’erreur, et je vais le prouver. Je répète donc que
lors de l’appel nominal, le scrutateur qui tenait la première liste a d’abord
inscrit sous le n°61 Bollens, Pierre-Joseph, et sous
le numéro 63 Bouwens, Joseph, qu’ensuite ces deux noms
se trouvent effacés, et qu’à côté de l’in d’eux se trouve celui de Celis (Evrard)…
M.
Devaux – Mais non.
M.
Dumortier – Je vous
prie de ne point m’interrompre.
M. Dubus (aîné) – La liste est en double ; l’orateur parle
d’après l’une et on lui répond d’après l’autre.
M.
Dumortier – Je
reprends ma phrase. Je dis qu’au numéro 62 les deux noms sont effacés, et à
côté de l’un des deux noms se trouve Celis Evrard.
Maintenant, au réappel,
vous voyez Bollens, Pierre-Joseph, qui vient voter.
M. Devaux vous dit : Bollens a voté deux fois,
et la preuve c’est que son numéro n’est pas non plus effacé. Le numéro de Bouwens, Joseph, ne se trouve pas non plus effacé. De sorte
qu’il faudrait conclure de la manière d’argumenter de M. Devaux que puisque ce
sont les numéros qu’il faut consulter, trois personnes auraient voter sous deux numéros, Bollens,
Bauwens et Celis.
Vous le savez, messieurs, le numéro n’est qu’un
accessoire. Mais pour vous donner l’explication de ce qui se passe sur la
première liste consultez l’autre liste, vous trouverez toute l’explication.
Prenez la liste tenue par l’autre scrutateur ; eh bien ! à ce même numéro 62 vus trouvez Bauwens (Joseph). Or le nom
de Bouwens (Joseph), porté au numéro 62 dans la
première liste, se trouve effacé et remplacé par celui de Celis
Evrard.
D’où il résulte que dans l’appel, il y a eu
confusion, que les scrutateurs ont rectifié cette liste, et que c’est cette
rectification qui a donné lieu aux chicanes que l’on suscite. Mais l’examen de
la seconde liste démontre de la manière la plus claire que l’un des deux a voté
à l’appel et l’autre au réappel.
MM. les pétitionnaires eux-mêmes ont reconnu que
c’était là une chicane, car ils vous disent : « Pour cet individu,
nous n’osons, messieurs, comme pour le précédent, affirmer que le fait du
double vote doivent lui être personnellement imputé. »
Les pétitionnaires ont tellement reconnu qu’ils
voulaient induire la chambre en erreur, qu’ils viennent confesser leur faute
dans la pétition. Et il se trouve des membres qui insistent encore sur un
pareil moyen !
M.
Rogier – Continuez la
phrase.
M.
Dumortier – Voici la
phrase entière :
« Pour cet individu, nous n’osons, messieurs,
comme pour le précédent, affirmer que le fait du double vote doive lui être
personnellement imputé, parce qu’il n’existe pas, que nous sachions, comme dans
le premier cas, aveu de la part de l’électeur lui-même. »
J’espère que voilà bien de la chicane ; car
de deux choses l’une, ou vous n’ajoutez pas foi aux listes, ou vous y ajoutez
foi. Si vous y ajoutez foi, il est démontré que Bouwens
a voté à l’appel et Bollens au réappel,
et si vous n’y ajoutez pas foi, qu’avez-vous à leur opposer ? La fausseté
est tellement évidente, que les pétitionnaires eux-mêmes se bornent à nous
prier de vérifier sur la liste s’il ne figure pas deux fois le nom de Bollens. Que dit maintenant M. Lebeau ? Il est possible,
dit-il, qu’on ait falsifié les listes ; l’encre n’est pas la même.
Messieurs, je n’admets pas une pareille supposition ; ces sortes
d’accusation sont tellement graves, qu’on ne peut décemment les admettre. Mais
d’ailleurs, si une falsification a eu lieu, si l’encre n’est pas la même, sur
qui doit peser la présomption de la fraude ? Visiblement elle ne peut
peser que sur ceux qui ont examiné les listes, qui les ont manié
de tous les sens pour y trouver des arguments contre M. Cogels. Ceux-là seuls
ont pu falsifier les listes, puisqu’ils les ont eues en leur pouvoir. Vous
voyez que j’avais raison de dire tout à l’heure que jamais affaire aussi sale
ne s’était présentée dans cette enceinte.
Maintenant, après tout cela, voyez ce que
signifient ces grands mots de despotisme, d’oppression. Où est
ici le despotisme et l’oppression ? est-ce chez
nous qui repoussons des moyens aussi bas, aussi vils, qu’il faut voir du
despotisme, ou est-ce chez ceux qui veulent justifier de pareils moyens ?
Messieurs, il me reste maintenant à examiner deux
choses ; je viens de détruire les 2°, 6° et 7° moyens. Voyons ce qui est
du mort. Un mort est venu voter aux élections d’Anvers ; ce mort ne
pouvait voter ; par conséquence c’est un électeur qui a voté. L’honorable
M. Lebeau a insisté très longuement sur cette observation. Il a insiste malgré
la déclaration formelle de la régence d’Anvers, qui affirme qu’il est notoire
que Victor Palmaert a succédé à Jacques Paternotre, que le prénom porté sur la liste est le sien,
que le domicile est le sien, que les contributions payées sont les siennes, que
le cens est le même, quand il est notoire que la date de naissance est la
même ; en un mot, qu’il n’y a qu’une seule différence, c’est que l’on a
inscrit la raison sociale au lieu du nom propre, raison sociale que le sieur Palmaert prend lui-même et qui, dans les villes
commerciales, est le mode de désignation le plus fréquent.
Eh ! n’avez-vous
donc jamais vu de pareilles erreurs ? N’avez-vous jamais vu des noms
tronqués sur les listes électorales ? mais je le
demande à l’honorable M. Lebeau lui-même si, par l’erreur d’un employé, sur les
listes qui le concernent, au lieu de son nom on avait mis Lebrun, Lenoir, Lerouge, un de ces noms enfin qui commence par Le,
l’honorable M. Lebeau viendrait-il prétendre qu’il n’est pas élu, que l’erreur
d’un copiste lui ôte son droit ? Il ne le ferait pas, il viendrait se
récrier avec raison contre un pareil abus.
Messieurs, quand il est manifeste que le nom est
identique, que celui qui se trouve sur la liste est le même, que le prénom, la
date de naissance sont de toute exactitude, que l’appellation est celle de sa
raison sociale, évidemment vous qui n’avez pu croire que Janssens ait émis un
double vote, vous ne croirez pas qu’un mort soit venu voter. Vous expliquerez
la chose comme elle doit l’être, par une de ces erreurs qui se commentent si
souvent dans des copies.
Restent maintenant les deux électeurs qui paient
le cens en vertu d’une délégation de veuves. Que vous apporte-t-on à l’appui de
ce fait ? C’est une déclaration du collège des bourgmestres et échevins de
la commune de Hemixem portant que MM.
François-Jacques Boey, brasseur à Hemixem,
et Henri Aerts, vicaire, ont été inscrits par suite
de délégations de leur mère veuves et non de leur propre chef. L’honorable M.
Lebeau dit que la preuve, qu’ils sont non censitaires, est palpable, qu’elle
est sous les yeux de la chambre. On appelle cela une preuve et une preuve
palpable ! Eh bien, je dirai à M. Lebeau que la preuve donnée par les
bourgmestre et échevins de la commune d’Hemixem n’est
pas plus forte, à mes yeux, que celle donnée par le dernier manant de cette
commune Depuis quand, messieurs, les bourgmestre et échevins sont-ils
percepteurs de contributions ; depuis quand connaissent-ils les
contributions que l’on paie ? Les bourgmestre et échevins n’ont pas dans
leurs attributions la délivrance des listes électorales. Cette déclaration
devait venir du percepteur des contributions.
Et lors même qu’elle viendrait du percepteur des
contributions, ce ne serait pas encore une démonstration palpable comme on le
dit, ce ne serait qu’un commencement de preuve, une démonstration négative.
Rappelez-vous ce qui s’est passé à l’occasion de
l'élection de M. d’Hoffschmidt. Dans cette élection des ressemblances frappantes
avec le cas actuel se présentaient.
Là, messieurs, quatre morts étaient venus
voter ; c’est bien plus d’un, j’espère. Là, messieurs, une personne était
venue voter pour son père. Là, messieurs, 80 électeurs sur 400 et quelques-uns,
étaient venus voter sans être censitaires et même sans payer aucune espèce
d’impôts. Les réclamants qui étaient nombreux, car je crois qu’ils étaient 80
électeurs qui demandaient l’annulation de l’élection, les réclamants
fournissaient non des déclarations de bourgmestre et d’échevins qui, comme je
l’ai dit, sont insignifiantes en matière de cens électoral ; mais des
déclarations des percepteurs des contributions, établissant que 80 électeurs ne
payaient pas les impôts.
Eh bien, qu’ont fait les membres qui siègent du
côté qui s’oppose aujourd’hui à l’élection de l’honorable M. Cogels ; ces
mêmes membres ont tous parlé pour faire valider l’élection de M.
d’Hoffschmidt ; ceux qui trouvent aujourd’hui d’excellents arguments
contre M. Cogels en trouvaient alors d’excellents pour M. d’Hoffschmidt.
Quant à moi, messieurs, j’ai voté en faveur de
l’élection de M. d’Hoffschmidt, et je m’en réjouis tous les jours ; nous
avons trouvé en lui un excellent collègue, un homme plein de moyens et de
talents. Nous avons validé son élection, parce qu’on nous a dit qu’il n’était
pas démontré que les 80 électeurs dont il s’agissait ne payassent pas le cens
dans d’autres communes. Et cet argument ne s’appuyait pas sur la permanence des
listes électorales. Un seul orateur parla alors de la permanence des listes
électorales. Et l’honorable M. Liedts, rapporteur de la commission, déclara
qu’on ne devait pas avoir égard aux certificats produits, attendu qu’ils ne
constataient pas que ces électeurs ne payassent pas le cens à un autre bureau.
Eh bien ! messieurs,
voyez ; pour M. Cogels, il n’y a
pas 76, il n’y a pas 80 électeurs qui ont voté indûment. Et on vient
vous dire que la preuve est évidente, qu’elle est palpable, et cette preuve
c’est un certificat de bourgmestre et d’échevins.
Ici, messieurs, j’invoque en faveur de l’élection
de M. Cogels les mêmes arguments que la chambre a approuvés en cette
circonstance, et à plus forte raison qu’on n’a pour preuve que des allégations.
Car, je le répète, le certificat des bourgmestre et
échevins ne signifier rien, et l’autre certificat ne prouve qu’une chose, c’est
que la personne à laquelle il se rapporte ne paie pas dans la commune où le
receveur a donné ce certificat.
Mais qui vous dit que la mère ne paie pas du chef
du mari, que la propriété sur laquelle on paie des impôts n’appartient pas au
père de famille, et dans ce cas peut-on soutenir que le fils n’est pas
propriétaire du même bien ? Avez-vous sous les yeux les contrats de
mariage ?
Il y a plus : l’administration de la commune
de Hemixem vient déclarer que M. Boey
(François-Joseph), brasseur, ne paie aucune contribution. Vous voyez donc qu’il
exerce la profession de brasseur. Mais s’il exerce cette profession,
nécessairement il paie une contribution. Il y a donc un faux dans la
déclaration. Boey est brasseur, ou il ne l’est pas.
S’il est brasseur, il paie un impôt ; la déclaration est donc
fausse ; s’il n’est pas brasseur, la déclaration est encore fausse ;
car elle donné à Boey une qualité qu’il n’a pas.
Vous voyez que cet échafaudage dressé à grand’peine contre l’élection de l’honorable M. Cogels se
compose de pièces tronquées et falsifiées.
Reste encore un prétendu moyen de nullité ;
c’est l’interdit que l’on dit avoir voté. Cet interdit (Charles-Sébastien J…)
était colloqué dans une maison de santé ; donc il n’a pas pu voter ;
donc (ajoute-t-on) il y a eu un vote émis par quelqu’un qui n’avait pas qualité
pour voter. Je n’admets pas cette conséquence. Tout ce qu’on peut en conclure,
c’est comme l’a dit mon honorable ami M. Doignon, que dans la presse des opérations
électorales, un électeur a voté pour un autre. Au reste, défalquez cette voix,
que la majorité reste encore acquise à l’honorable M. Cogels. En effet, le
nombre des votants était de 1942 ; M. Cogels a obtenu 972 suffrages. Si
vous défalquez une voix, le nombre des votants reste de 1941 ; donc M.
Cogels a toujours la majorité absolue.
Il faut en outre tenir compte de ce que plusieurs
votes ont été annulés comme ne contenant pas des désignations suffisantes.
Ainsi un bulletin portant Jean Cogels, c’est-à-dire un seul des prénoms de M.
Cogels ne lui a pas été compté. Il faut tenir compte de cette circonstance. Ce
vote ne devait-il pas être compté à M. Cogels ? cela
présente au moins quelque doute. Sans doute il appartient au bureau de
connaître de la validité des votes ; mais lorsqu’on vient alléguer contre
l’élection des doubles votes qui évidemment n’existent pas, nous pouvons bien
sans doute regarder ce qui se trouve au fond du scrutin électoral.
Je répète donc qu’il y a erreur probable de la
part du bureau. Un électeur dûment inscrit, ayant émis son vote, aura été par
erreur inscrit sur la liste des votants, au nom de Charles-Sébastien J… Les élections se font pas petit bureau. Chacun se connaît ;
l’interdit est nécessairement connu ; un autre n’aurait pu être admis à
voter à sa place.
Voilà donc comme s’écroule ce grand échafaudage de
pétitions, d’adresses, de réclamations, de certificats. Et veuillez remarquer
une chose bien singulière : la première pièce produite contre l’élection
de M. Cogels est levée à la date du 5 juillet. Le certificat relatif à la
condamnation porte cette date. On a donc eu 4 mois pour en apprécier la
valeur ; mais on n’a pas mis ce temps à profit dans ce but ; on avait
cette pièce ; on a voulu s’en servir. C’est dont le 5 juillet qu’a
commencé l’instruction du procès qu’on voulait faire à l’élection de M. Cogels.
Le dernier certificat d’Anvers porte la date du 20
octobre. Ainsi, pendant quatre mois et demi, on a travaillé à la
pétition ; et cependant elle ne porte que deux signatures. On doit trouver
singulier qu’un travail pour lequel on s’est donné tant de peine ait trouvé en
4 mois et demi, aussi peu d’adhérents. Mais lorsqu’on voit les moyens si vils,
si bas, si dégoûtants, qu’on faut valoir dans la pétition, on ne s’étonne plus
qu’aussi peu de personnes aient voulu apposer leur signature à un acte aussi
dégoûtant.
Les Anversois se sont respectés assez pour ne pas
s’associer à de pareilles infamies.
Messieurs, je déplore amèrement la discussion qui
vient de s’ouvrir, parce qu’elle n’est pas de nature à amener le bien. La
pétition qui a donné lieu à cette discussion prouve à quel degré d’immoralité
on peut descendre pour combattre une élection qu’on veut faire annuler. Je
déplore cette discussion ; mais je ne l’ai pas fait naître. Il était de
mon devoir de défendre l’élection de l’honorable M. Cogels. J’ai rempli ce
devoir, en démontrant de la manière la plus évidente que les six moyens que
l’on a fait valoir ne prouvent rien contre la validité de l’élection et qu’en
ajoutant foi au premier, il ne suffit pas pour invalider l’élection. D’après
cela, je crois qu’il est de la dignité de la chambre de ne pas prolonger cette
discussion et de voter l’admission de M. Cogels ; car jamais nous n’avons
eu à résoudre une question qui fût plus claire.
M.
Rogier – J’avais
demandé la parole à l’occasion d’accusations violentes dirigées…
(Ici l’orateur est interrompu par M. le président,
qui lui fait observer que si son intention est de faire allusion aux débats
irritants qui viennent d’avoir lieu, il doit faire remarquer à la chambre que,
puisque d’un côté ceux qui demandent l’annulation de l’élection avaient, dans
l’intérêt de cette annulation, cherché à atténuer la faute d’un fonctionnaire,
il était juste que, de l’autre côté, ceux qui défendent la validité, jouissent
du droit de chercher à démontrer la gravité de cette faute, et que c’est par
cette considération qu’il a cru devoir interrompre le dernier orateur.)
M.
Rogier – Il est une
circonstance de plus, c’est qu’on a proféré les paroles les plus outrageantes
contre deux électeurs d’Anvers. Les autres députés qui ne connaissent pas ces
honorables citoyens ne sont pas en mesure de les défendre. Cependant les accusations
lancées contre eux sont de nature à exercer une grande influence sur la
décision de la chambre, dans le cas où elle voudrait prendre une décision immédiatement. Je désirerais dire quelques mots en faveur des
pétitionnaires qui ont été attaqués de la manière la plus violente et la plus
brutale.
M. de Theux – Il me semble qu’il n’y a pas lieu de
s’arrêter à cet incident. La moralité de la pétition a été défendue d’une part,
attaquée d’autre part. La chambre n’est pas appelée à statuer sur la moralité
des pétitionnaires. Chacun peut se former une opinion favorable ou défavorable,
suivant l’impression qu’a produite sur lui l’examen des pièces. Mais la chambre
n’a à cet égard aucune décision à prendre ; et ce qui a été
dit de part et d’autre ne préjuge rien, soit pour, soit contre la moralité des
pétitionnaires.
M.
Devaux – Si l’on ne
veut pas entendre un mot de M. Rogier en faveur des pétitionnaires, dont la
conduite a été qualifiée de dégradante et dégoûtante, il sera dit que des
citoyens d’Anvers qui ont exercé le droit de pétition ont été attaqués, dans
cette salle, avec la plus grande violence ; et qu’un député d’Anvers, le
seul qui pût les dépendre, n’a pu être entendu.
M. le
président – Il ne
s’agit pas de refuser la parole à M. Rogier. Il s’agit de savoir s’il aura la
parole maintenant ou avant la clôture.
Plusieurs
membres – Qu’on suive
les tours de parole.
M.
Doignon – Qu’on exécute
le règlement.
M. le président – La parole est a M.
d’Hoffschmidt, premier orateur inscrit.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je regrette de devoir
prendre la parole dans des débats qu’on a, je ne sais par quel motif, rendu
aussi irritants ; je ne l’aurais pas fait si l’on n’avait parlé d’une
élection à laquelle je dois naturellement m’intéresser, et des débats
auxquelles elle a donné lieu, de l’élection de Bastogne.
Les phrases sonores que l’on a prononcées,
l’animation qu’on a apportée dans cette discussion, ne m’empêcheront pas de
m’exprimer avec calme et consciencieusement, comme j’ai l’habitude de le faire.
Il y a quelques jours on nous parlait d’union et
l’on nous promettait que nos débats se passeraient sans irritation, et d’après
le débat de la session, on pouvait espérer qu’on allait s’occuper activement
des intérêts matériels du pays. Malheureusement on doit croire qu’il n’en sera
pas ainsi, d’après ce qui se passe depuis deux jours, puisque à propos d’une
simple élection, chacun émet son opinion avec une telle vivacité.
Je ne m’occuperai que de comparer les moyens
allégués contre l’élection de Bastogne, avec ceux allégués contre l’élection
d’Anvers, à cause de l'analogie qu’on prétend y trouver. On me permettra sans
doute de faire cette comparaison ; car la chambre doit sentir que je suis
vivement intéressé dans la question.
Cinq moyens de nullité ont été mis en avant pour
faire invalider l’élection de Bastogne, en 1839.
Le premier moyen, qui, il est vrai, a de
l’analogie avec le troisième de la réclamation adressée à la chambre contre
l’élection d’Anvers, portait que quatre morts étaient inscrits comme ayant pris
part au vote. Le fait ne fut pas contesté. La commission reconnut que sur les
listes, il y avait quatre individus, récemment décédés, inscrits comme ayant
voté. Aussi, voici ce qu’elle disait dans son rapport présenté par l’honorable
M. Liedts.
« Le premier
motif est que, d’après les listes des votants tenues en double dans les
bureaux, quatre personnes mortes depuis plusieurs années ont cependant pris par
au vote. Ce sont : Nicolas Burnat, mort en
1819 ; J.-B. Kenler, mort en 1830 ; J.-P. Schellen, mort en 1835, et F. François, mort en 1836.
« La
conséquence rigoureuse de ces faits est que quatre intrus ont usurpé la place
de quatre électeurs décédés ; à moins toutefois, ce qui nécessiterait des
informations ultérieures, à moins que dans la commune il ne se trouve des
parents ou des étrangers portant les mêmes noms et prénoms que les individus
décédés. Mais, en supposant constant le décès de ces électeurs, et si ce nombre
eût suffi pour déplacer la majorité, la commission n’eût pas hésité à vous
propose l’annulation de l’élection, parce que tout moyen frauduleux mis en
œuvre pour arriver à une élection doit, alors même que l’élu, n’en a pas eu
connaissance, emporter l’annulation.
« Il faut que
l’élection soit le résultat vrai et
sincère de la volonté des électeurs, et non le produit de l’intrigue et de la
fraude. Y a-t-il rien de plus déloyal, de plus frauduleux que de venir usurper
dans une élection la place de personnes décédées ? La loi n’a pas prévu ce
cas ; et elle ne pouvait pas le prévoir. L’article 12 ordonne de réclamer
contre les inscriptions indues, contre les individus inscrits sur la liste des
électeurs, sans avoir le droit de voter. Il est évident que cet article ne
s’applique qu’aux personnes vivantes. La preuve en est que, d’après le deuxième
paragraphe de cet article, notification de la réclamation doit être faite à la
personne contre l’inscription de laquelle on réclame. Cette formalité ne peut
pas être remplie à l’égard d’une personne décédée.
« D’autre
part, lorsque la personne que l’on prétend indûment inscrite sur la liste est
vivante, on conçoit que l’on ait intérêt à protester contre son inscription.
Mais il serait au moins bizarre de voir protester contre l’inscription d’une
personne décédée, et faire des démarches pour l’empêcher d’exercer un droit
électoral. Vous voyez donc que l’article de la loi n’est pas applicable,
lorsque l’électeur inscrit est décédé, et que le délai qu’il détermine ne peut
s’appliquer à l’espèce.
« Toutefois,
vous remarquerez que les quatre voix dont il s’agit ne sont pas suffisantes
pour déplacer la majorité. M. d’Hoffschmidt a obtenu 228 voix. Qu’on en déduise
4 voix, il aura toujours la majorité absolue. »
En effet, le
nombre des votants était de 445; le
nombre des voix obtenues par l’élu était de 228 ; si de 445, nombre des
votants, vous retranchez les quatre voix contestés, il reste 441 votants ;
et si maintenant conformément aux précédents de la chambre, vous déduisez ces
quatre voix du nombre des suffrages obtenus par l’élu, il lui restera 223 voix,
c’est-à-dire deux voix de plus que la majorité absolue.
Je passe au second
moyen.
Les réclamants
prétendaient qu’un électeur qui était absent avait été porté comme ayant
voté ; mais à l’appui de ce moyen, ils n’apportaient pas la moindre
preuve ; c’était une simple allégation, et dès lors la commission et la
chambre ont très bien fait de le rejeter.
Le troisième moyen
consistait en ceci : que beaucoup d’électeurs avaient été omis sur la
liste. Voici comment s’exprimait la commission à cet égard :
« Ce moyen
consiste à dire qu’un grand nombre d’électeurs ont été omis sur les listes,
quoique payant beaucoup au-delà du cens électoral. Ce moyen ne nous a pas paru
plus sérieux que le précédent. Vous savez que la loi envisage la qualité
d’électeur comme un droit et non comme un devoir. Chacun est libre d’user de la
faculté que la loi lui confère. C’est là un principe fondamental de la loi.
Elle donne à ceux qui possèdent les qualités nécessaires pour être électeurs le
moyen de se faire inscrire sur la liste électorale, en justifiant de ces qualités.
Mais ceux qui n’ont pas usé de ce droit ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Leur négligence leur enlève le droit de se plaindre, lorsque les élections sont
consommées. Nous croyons donc que ce moyen n’est pas fondé. »
Ainsi, ce moyen
était encore tout à fait illusoire, et n’a, du reste, aucun rapport avec ceux
qu’on fait valoir contre l’élection d’Anvers.
Quatrième moyen.
Les réclamants
prétendaient que la liste des électeurs d’une commune n’avait pas été
affichée ; mais au bas de cette liste, qui a été produite à la commission,
se trouvaient l’attestation, de la part des autorités communales, que la liste
avait été affichée, conformément à la loi. Du reste, les réclamants ne disaient
pas que la liste n’avait pas été affichée, mais simplement qu’ils ne l’avaient
pas vue affichée. Or, en présence d’une attestation formelle des
autorités appelés par la loi à faire afficher les listes, on ne pouvait
pas non plus admettre une semblable allégation.
Reste le cinquième
moyen, qui a de l’analogie avec le quatrième et le cinquième mis en avant
contre l’élection d’Anvers.
Je demanderai la
permission de lire une partie du rapport de la commission sur ce moyen ;
je crois d’autant plus devoir faire cette lecture, que les principes qui y sont
développés en matière de listes électorales, sont des principes sages, qu’il
serait bon de voir adopter par cette chambre :
« La dernière
question, qui est peut-être la plus importante, est celle de savoir si les
élections doivent être annulées, parce que, disent les pétitionnaires, parmi
les électeurs portés sur les listes, il y a plusieurs personnes qui ne paient
pas le cens électoral. Pour faire la preuve de cette allégation, ils ont
produit un certificat du receveur de la commune, portant que ces individus ne paient pas le cens
électoral dans la commune où les certificats ont été délivrés. Messieurs, s’il
faut des garanties pour que personne n’exerce les droits d’électeur, sans
posséder les qualités exigées par la loi, il en faut aussi pour que ceux qui
remplissent les conditions voulues ne soient pas dépouillés sans examen de la
qualité d’électeur.
« Mais, pour
arriver à la preuve que telle personne n’a pas eu le droit de voter, il ne
suffit pas de produire un certificat constatant qu’elle ne paie pas le cens
dans la commune qu’elle habite, parce que cela ne prouverait pas que la
personne ne le paie pas dans d’autres communes. Il faudrait, pour que la preuve
fût complète, produire un certificat négatif de toutes les autres communes du
royaume, car c’est à celui qui invoque la nullité à l’établir, c’est à celui
qui prétend qu’une personne portée sur les listes a voté sans en avoir le droit
à le prouver. Ainsi la pièce qu’on produit dans le cas qui nous occupe n’est
pas admissible, puisqu’elle constate seulement que les citoyens auxquels on
dénie le droit électoral, ne paient pas le cens dans leur commune, mais ne
prouve point qu’ils ne paient pas ce cens dans d’autres parties de
« Il est vrai
qu’il y a presque impossibilité absolue de produire contre une personne un
certificat attestant que dans tout le pays elle ne paie pas le cens voulu par
la loi, mais résulte-t-il de là qu’on puisse exiger de l’électeur porté sur la
liste, et qui a voté sans réclamation aucune, la preuve qu’il avait le droit de
voter comme il l’a fait ? Personne, pensons-nous, ne le prétendra. Si la
chambre admettait le moyen invoqué par les pétitionnaires, c’est-à-dire, s’il
suffisait que la preuve fût produite qu’un citoyen, qui a voté sans opposition,
ne paie pas le cens dans la commune où il a été compris au nombre des
électeurs, à qui faudrait-il s’adresser pour obtenir la preuve ultérieure qu’il
ne paie pas davantage le cens électoral dans les autres parties du
royaume ? Serait-ce à l’autorité communale ? mais elle peut ignorer
ce que les citoyens paient ailleurs que dans leur commune, et vous courez le
danger d’exclure du corps électoral des citoyens qui peut-être avaient toutes
les qualités pour exercer ce droit politique. Faudrait-il avoir recours aux
électeurs dont on attaque les droits ; en d’autres termes, faudrait-il
mettre les électeurs contre lesquels on réclame, en demeure de prouver, dans un
délai donné, qu’ils paient le cens ? C’est là évidemment qu’il faudrait
arriver, et c’est dans cette conséquence inévitable que votre commission voit
le plus grand danger.
« Tant que
l’élection n’a pas eu lieu, chaque électeur, quand son droit est attaqué, a un
grand intérêt politique à faire preuve qu’il paie le cens ; il doit
craindre que sa voix ne manque au candidat de son choix pour l’emporter sur ses
concurrents ; mais l’élection une fois faite, les rôles peuvent changer et
des combinaisons nouvelles se présenter.
« En effet,
ceux qui réclament contre une élection ne sont pas les amis politiques de
l’élu. Supposons que l’élu soit également un adversaire politique des électeurs
dont on attaque les droits ; ne pourra-t-il pas se faire qu’il y ait
accord entre les uns et les autres ? Ne pourrait-il pas se faire que ceux
qui attaquent engagent ceux qui sont attaqués à garder le silence ?
« Or, de ce
que des électeurs mis en demeure de prouver qu’ils paient le cens, garderont le
silence, vous devrez en conclure qu’ils ne le paient pas, qu’ils ont pris
part illégalement à l’élection, et vous arrivez à cette conséquence monstrueuse
qu’une fois une élection faite, il dépendra des vaincus de faire prononcer la
nullité par la chambre, en se faisant passer un instant pour des personnes qui
ne paient pas le cens, et en s’abstenant de faire la preuve qu’on pourrait
exiger, soit par une enquête, soit de toute autre manière.
« Et veuillez
remarquer, messieurs, qu’il y aurait pour ces électeurs moins de danger à
suivre cette marche, que la chambre, en annulant une élection, ne redresse pas
les listes électorales, et que ces mêmes personnes qui auraient donné lieu à
l’annulation, prendraient encore part à la nouvelle élection, sauf à produire
alors la preuve qu’ils auraient sciemment négligé de faire. »
Que résulte-t-il,
messieurs, des principes énoncés dans ce rapport de votre commission, rapport
dont les conclusions ont été adoptées par la chambre ? Il en résulte que,
pour qu’une réclamation contre le cens payé par des individus portés sur la
liste soit admise par la chambre, il faut qu’elle soir accompagnée de la preuve
évidente que l’électeur ne paie pas la quotité de contributions nécessaire.
Il en résulte
encore que cette preuve est impossible de la part des réclamants, attendu qu’il
ne suffit pas de démontrer que, dans la commune habitée par l’électeur, il ne
paie pas le cens requis, il faudrait
encore que cette preuve s’étendît à tout le royaume. Eh bien, il suit du
système qui a été adopté par cette assemblée, que les réclamations contre le
paiement du cens électoral doivent être écartées par la chambre ; toutefois
je ferai un exception à cette règle, pour le cas, par exemple, où les listes
elles-mêmes donneraient la preuve de l’erreur qui est énoncée, c’est-à-dire que
si, vis-à-vis d’un individu porté sur les listes électorales, il se trouvait
démontré que cet individu ne paie, je suppose, que 10 francs de contributions,
il résulterait évidemment de ce fait qu’on ne pourrait pas adopter la
permanence des listes pour un pareil électeur, attendu que les listes
elles-mêmes démontreraient à l’évidence l’erreur qui aurait été signalée. Dans
ce cas, ce serait une liste irrégulière qui ne pourrait prévaloir contre la
démonstration palpable fournie par la liste elle-même. Mais dans tous les
autres cas (et ici je ne suis pas d’accord avec l’honorable M. Lebeau), la chambre
doit écarter toute réclamation faite sans preuve suffisante contre le cens
électoral.
On dira peut-être
que dans un cas pareil on pourrait procéder à une enquête. Mais, messieurs,
comme le dit fort bien le rapport dont j’ai eu l’honneur de vous donner
lecture, quel résultat pourrait amener une enquête ? et
d’ailleurs, il y a un immense inconvénient à ces enquêtes ; c’est que
pendant le temps assez long qu’elle doit durer, la chambre est incomplète, la
vérification des pouvoirs est arrêtée, et un arrondissement n’est pas
suffisamment représenté.
Par conséquent,
messieurs, sans vouloir cependant me prononcer d’une manière absolue contre le
droit d’enquête qui constitutionnellement appartient à la chambre, je dis qu’en
matière d’élection l’exercice de ce droit doit être excessivement rare.
L’honorable M.
Lebeau vous a dit, messieurs, que c’était avec raison qu’on s’était élevé
contre la manière dont les listes électorales avaient été rédigées à Bastogne.
Eh bien, j’ignore si à l’époque dont il s’agit les listes électorales devaient
être rédigées autrement, mais ce que je puis dire, c’est que dans le Luxembourg
elles ont été rédigées de cette manière pendant longtemps, et que si dès lors
on en tirait une conséquence fâcheuse contre l’élection de Bastogne, on
prononcerait par cela même la nullité de toutes les élections faites
précédemment dans le Luxembourg, tant pour la chambre que pour le conseil
provincial.
Maintenant,
j’aborderai la question qui est agitée dans cette enceinte. Je le ferai en peu
de mots, car le discours de M. Lebeau ne laisse rien à ajouter sur ce sujet. Je
commencerai toutefois par déclarer que c’est avec un vif regret que je ne
pourrai me prononcer pour l’admission de l’honorable M. Cogels, d’un ancien
collègue pour lequel je professe une profonde estime et avec lequel j’ai
toujours eu des relations les plus agréables ; mais dans ma conviction, il
ne m’est pas possible de voter pour son admission. Voici les motifs qui me
dirigent.
Je ne parlerai que
du premier, du troisième et du septième moyen, je ne ferai que formuler ma
pensée, parce que les développements ont déjà été si longs, ils ont été si
complets, que je crois inutile de m’étendre beaucoup sur ces questions et que
je craindrais surtout de fatiguer la chambre.
Le premier moyen
allégué est qu’un individu sans qualité a voté par Charles Sébastien Janssens.
Or, trois
certificats prouvent à l’évidence la vérité de l’allégué. Du reste, il n’est
contesté par personne. De deux choses l’une, ou un faux électeur a voté à la
place de Charles-Sébastien Janssens, ou un véritable électeur a voté deux fois,
savoir pour lui et pour Janssens. Dans l’un ou dans l’autre cas, on doit
annuler ce vote.
Je passe au
troisième moyen. Dans le troisième bureau, un individu a voté à l’appel du nom
de Victor Paternotre. Ici encore la liste fait preuve
de l’allégué des pétitionnaires ; c’est-à-dire que ce n’est pas Paternotre qui a voté. On annoncé que c’est un nommé Palmaert continuant les affaires du sieur Paternotre, décédé. Mais on ne fait pas attention que le
bureau ne pouvait l’admettre à voter. L’article 23 de la loi électorale ne
laisse pas le moindre doute à cet égard. Cet article porte :
« Nul ne peut
être admis à voter s’il n’est inscrit sur la liste électorale. »
Il n’y a qu’un
seul cas où le bureau peut admettre à voter quelqu’un qui n’est pas inscrit sur
la liste.
« Toutefois,
le bureau sera tenu d’admettre la réclamation de tous ceux qui se
présenteraient munis d’une décision de l’autorité compétente, constatant qu’ils
font partie de ce collège, ou que d’autres n’en font pas partie. »
Eh bien ce cas ne
s’est pas présenté. On a appelé le nom de Victor Paternotre,
et c’est Victor Palmaert qui s’est présenté, dit-on,
car cela n’est pas prouvé. Eh bien, ou le bureau ne s’est pas conformé à
l’article 23 de la loi électorale, ou un faux électeur a pris part au vote,
voilà ce qui me paraît évident. Je ne crois pas devoir entrer dans de plus
longs détails.
Quant au septième
moyen, je ne m’étendrai pas sur ce sujet ; il y a eu des allégués tout à
fait différents, tout à l’heure, qu’il m’a été impossible de saisir ;
cependant je crois, d’après les explications données par l’honorable M. Devaux,
qu’un électeur doit avoir voté deux fois. Dans tous les cas les deux autres
moyens sont suffisants pour invalider l’élection. On ne peut donc pas prononcer
l’admission de M. Cogels sans violer la loi électorale.
Quant à moi,
messieurs, c’est ce que je ne ferai pas, du moins sciemment.
Je regrette, je le
répète, d’avoir la conviction si profonde que l’élection doit être
annulée ; j’aurais désiré pouvoir puiser une opinion contraire dans les
débats qui ont eu lieu et dans le rapport de la commission. Du reste, je ne
prétends pas par mon vote déclarer la moralité ou l’immoralité de la
réclamation. Il me suffit d’être convaincu que M. Cogels n’a pas obtenu la
majorité absolue exigée par la loi électorale, pour me voir
forcé de voter contre son admission.
M. Dubus (aîné) – D’après ce que j’ai dit dans une
précédente séance, je n’ai pas le droit d’occuper longtemps votre attention.
J’ai signalé la question comme étant très simple, et je me suis trouvé d’accord
avec l’honorable membre qui a ouvert la discussion à la séance d’hier.
Il s’agit de
prononcer sur la validité d’une élection qui a eu lieu à Anvers, le 8 juin
dernier, élection qui alors n’a été l’objet d’aucune réclamation. Je crois
qu’il importe d’insister sur ce fait qu’aucune réclamation n’a eu lieu au
moment de l’élection, et de se rappeler qu’il y avait à Anvers la lutte la plus
vive, qu’on s’observait et que tout faux électeur devait être signalé à
l’instant par les personnes qui avaient intérêt à le signaler. Je pense que
vous devez attacher de l’importance à ce premier fait, qui ne sera contesté par
personne.
Maintenant j’appellerai
l’attention de la chambre sur un autre fait : c’est qu’une réclamation a
été longuement élaborée, puisque les pièces produites démontrent qu’on s’en
occupait déjà le 5 juillet, et qu’on s’en occupait encore le 8 novembre,
date que porte la réclamation elle-même. Voilà donc quatre mois pendant
lesquels on a fait de grandes recherches, on a fait un long travail, lequel a
abouti à la requête que vous connaissez tous. Or, dans cette requête, les
réclamants n’affirment aucun fait, ne citent pas un seul témoin sur un seul
fait. Tout leur travail se résume en ceci : dans une comparaison de la
liste des électeurs avec la liste des votants ; et quand cette comparaison
à donné lieu à des difficultés, les réclamants en ont tiré des inductions qu’ils
prétendent que vous devez admettre en aveugles.
Je répète donc que
non seulement aucune réclamation ne s’est élevée au moment de l'élection de la
part d’aucune des personnes présentes, mais encore que les réclamants eux-mêmes
ne prétendent pas avoir été présents à un seul des faits qu’ils relèvent, ni
que d’autres y auraient été présents et pourraient les affirmer. Je déclare
qu’on ne trouvera dans la pétition l’affirmation d’aucun fait comme ayant été
vu par les réclamants ni par quelqu’un dont ils invoqueraient le témoignage.
C’est dans de pareilles circonstances qu’on voudrait que la présomption fût
pour la nullité.
Remarquez-le bien,
messieurs, cette réclamation nous arrive avec cette circonstance tout à fait
extraordinaire que plusieurs des pièces produites à l’appui se trouvent
constater des faits tout au moins incomplets, si l’on ne peut pas dire qu’ils
sont faux ou inexacts. L’un de ces certificats vient constater la condamnation
d’un des électeurs à une époque déjà ancienne, alors que cette condamnation est
effacée par un arrêté de réhabilitation, et qu’en conséquence on n’avait plus
le droit de délivrer ni de produire un pareil certificat. Un autre
certificat a été délivré, qui est
formulé par un calcul et une astuce manifestes, par lequel on déclare qu’il
n’existe par de Victor Paternotre. On ne vous fait
voir qu’une partie de la vérité, et où toutes les expressions sont calculées de
manière à vous induire en erreur ; si l’on conteste qu’il ait été rédigé
dans ce but, au moins il devait avoir cet effet. Or, on peut juger du but par
l’effet que devait produire le certificat. Voilà comment se présentent les
pétitionnaires.
Sept moyens de
nullité ont été articulés. De ces sept moyens, il y en a deux qui sont
repoussés à l’unanimité par les membres de la commission. Ce sont les deuxième
et sixième moyens présentés. Ce n’est pas chose étonnante. La preuve contraire
des allégations des pétitionnaires a été faite par écrit, et faite dans quelle
circonstance ? dans la circonstance que les
pétitionnaires avaient eu plusieurs mois pour faire leurs recherches et
préparer leurs attaques, et que trois jours ont été donnés à l’honorable M.
Cogels, intéressé à la validité de l’élection pour y répondre ; et trois
jours ont suffi pour qu’il pût produire à la commission la preuve par écrit de
la fausseté des allégations.
L’un de ces moyens
est qu’un électeur ne jouissait pas du droit électoral aux termes de la loi,
puisqu’il avait été condamné il y a 22 ans à une peine afflictive ou infamante.
On a dit, dans l’intérêt des pétitionnaires, qu’ils ont pu ou dû ignorer
l’arrêté de réhabilitation de février 1837, puisqu’il n’aurait reçu qu’une
publicité restreinte, puisqu’on l’ignorait au greffe de Bruxelles, ce que
témoigne le certificat déclaré par le greffier.
Messieurs, ce qui
devait avoir été oublié, c’était une condamnation remontant à 22 ans. Mais ce
qui devait être connu de tout le monde, dans les localités dont il s’agit (car
nous ne sommes pas à Bruxelles, mais à Anvers, dans une commune des environs
d’Anvers), c’était l’arrêté de réhabilitation, précisément parce que les actes
de réhabilitation sont extrêmement rares, qu’ils s’obtiennent avec grande
difficulté. Plus un acte de réhabilitation s’obtient difficilement, plus il est
rare, plus il frappe les esprits et se grave dans la mémoire des personnes qui
en entendent parler. Cet acte de réhabilitation n’a dit-on, reçu qu’une
publicité restreinte. Or, non seulement l’arrêté a été publié, mais la demande
en réhabilitation a dû être publiée par la voie des journaux. Donc il a dû y
avoir une publicité double.
Je vous prie
d’observer la position respective du candidat et des pétitionnaires. Les
pétitionnaires, en quatre mois, ne seraient pas parvenus à découvrir cet acte
de réhabilitation, et M. Cogels, en trois jours, est parvenu non seulement à le
constater, mais à en rapporter l’acte. Cet acte était donc bien aisé à
découvrir. Cependant, après toutes leurs recherches, les pétitionnaires
l’auraient ignoré. Cette ignorance est peu vraisemblable et peu
excusable ; et si, malgré cela, on a pu défendre devant vous leur bonne
foi, d’un autre côté, n’a-t-on pas, au moins, le droit de la présenter comme
suspecte ? Bien loin donc que l’on soit fondé à adresser des paroles de
blâme aux députés qui ont qualifié sévèrement cette pétition, s’il y a un blâme
à faire planer, n’est-ce pas uniquement sur les pétitionnaires ? Si on a
pu les excuser sur l’intention, on ne les lavera jamais d’une légèreté des plus
coupables et des plus graves. Une pareille légèreté serait considérée comme telle
en justice réglée, si l’individu à la considération duquel on a porté atteinte
lui adressait sa juste réclamation. Il ne suffirait pas de dire : Je vous
ai imputé publiquement une tache d’infamie, mais j’étais dans l’erreur ;
je n’ai eu que quatre mois pour m’assurer du fait.
Maintenant il ne
s’agit plus de ce moyen de nullité. Cependant vous ne pouvez oublier qu’il a
été présenté ; car la question a résoudre c’est
une question de bonne foi. Vous devez apprécier la moralité de l’opération, et
la moralité de ceux qui l’attaquent.
L’autre moyen de
nullité consiste à imputer à l’électeur J… (Pierre-Jean) d’avoir voté deux
fois. Ici on ne dit pas qu’on l’aurait vu voter deux fois, quoiqu’on sache
qu’il y avait à tous les bureaux des personnes dont la mission était de
contrôler l’opération, de s’assurer qu’il ne s’introduisait aucun faux
électeur. On ne dit pas qu’on l’a vu voter deux fois, mais qu’il s’en est
vanté. On a grand soin de ne pas dire à qui il s’en est vanté. De sorte que si
l’assertion est fausse, personne n’en a la responsabilité. Mais le moyen tombe
devant cette circonstance, qu’il y avait à ce bureau deux électeurs portant les
mêmes noms et prénoms. Ainsi les listes des votants prouvent qu’ils ont voté
tous deux, et non pas que l’un se serait abstenu, tandis que l’autre aurait
voté deux fois. Il n’y a donc rien à vérifier sur ce point, et c’est avec
raison que la commission s’est prononcée à l’unanimité contre ce moyen.
J’arrive à un
autre moyen de nullité, qui consiste à prétendre qu’un faux électeur aurait
voté à la place d’un homme nommé Paternotre, qui se
trouve inscrit sur la liste des électeurs, tandis qu’il n’existe plus à Anvers
personne de ce nom. C’est ici qu’on avait pris soin de présenter un certificat
qui prouve qu’on s’était adressé à une maison qu’on indique à Anvers, qu’on
avait constaté qu’il avait existé dans cette maison un individu nommé
Jacques-Joseph Paternotre, qui était négociant à
Anvers et qui était un vieillard, habitait un jeune homme âgé de 26 ans, nommé
Victor Palmaert, neveu dudit Paternotre ;
qu’il était indiqué sur la liste par son prénom de Victor, par l’indication du
numéro de sa maison et de la date exacte de sa naissance. De sorte que toute
l’erreur provient de ce qu’on l’a mis sur la liste sous le nom dont il fait sa
signature au lieu de l'indiquer sous le nom que lui donne son acte de
naissance. Le certificat produit par les pétitionnaires, pour être complet, ne
devait-il pas contenir ces renseignements ? Mais c’est que le certificat
incomplet devait vous induire en erreur, tandis que l’erreur se dissipait si le
renseignement complet eût été fourni.
On a soulevé une
question de droit sur le sens de l’article 23 de la loi électorale ; on a
prétendu qu’il fallait, à peine de nullité (c’est ainsi que j’ai compris le
soutènement), qu’il fallait qu’on mît sur la liste électorale le nom que chacun
tient de son acte de naissance, que toute erreur sur ce point entraînait
nullité. Vous ne trouvez pas un mot de cela dans la loi électorale. L’article
invoqué de cette loi porte :
« Nul ne
pourra être admis à voter, s’il n’est inscrit sur la liste affichée dans la
salle et remise au président. »
Que l’on soit
inscrit sur la liste électorale, voilà tout ce que cet article exige pour que
l’on soit admis à voter. Or, à l’endroit dont il s’agit, sur la liste
électorale, i y a quelqu’un d’inscrit. Quel est ce quelqu’un ? c’est celui auquel conviennent les indications qui fournit
l’inscription sur la liste : c’est là une question d’identité ; et
comment se résolvent ces questions ? Chacun interroge sa conscience et, en
lisant l’inscription sur la liste, se demande qui on a voulu désigné. Or, je
vous le demande, peut-on au cas actuel avoir le moindre doute sur une pareille
question ? peut-on douter que l’individu désigné sur la liste ne soit, comme
nous le prétendons, Victor Palmaert, né à Anvers le 1er
février 1815 et domicile dans cette ville, section 3, maison n°870, où il a
repris les affaires de feu Paternotre, son oncle,
affaires qu’il continue sous le nom du même Paternotre,
alors que la liste porte Victor Paternotre, né à
Anvers, le 1er février 1815, et domicilié section 3, maison 870;
alors que les indications de la liste des électeurs concernant le prénom, la
date de naissance, le domicile et le cens s’appliquent exactement à Victor Palmaert, signant Paternotre et
nécessairement connu sous ce nom dans cette ville commerciale, toutes
indications qui ne peuvent se rappeler qu’à lui seul. Je crois que ce serait
abuser de vos moments qu’insister sur un tel moyen de nullité ; car il n’y
a aucun doute sur l’identité de la personne ; et toute la question est
là : c’est une question d’identité.
D’ailleurs ce
n’est pas la première fois que des erreurs de noms ou de prénoms ont été
commises sur la liste électorale, jamais cela n’a donné lieu à discussion.
J’opposerai à M. Lebeau qui a été porté sur la liste des électeurs de Namur
sous le nom de Charles Lebeau et qu’il a voté quoiqu’il s’appelle Joseph
Lebeau.
M. Dumortier (s’adressant à M. Lebeau) – D’après le
système que vous avez développé, vous n’auriez pas dû voter.
M. Lebeau – ce n’était qu’une erreur de prénoms.
M. Dumortier (s’adressant à M. Lebeau) – Vous ne vous
appelés par Charles Lebeau.
M. Dubus (aîné) – M. Lebeau a compris que c’était une
erreur de penser, que d’après son nom, l’indication de sa profession de
gouverneur, l’indication du lieu et de la date de sa naissance, c’était
évidement lui qu’on avait porté sur la liste avec le prénom de Charles ?
Comme au cas actuel, les autres indications de la liste électorale à chacun le
moyen de rectifier l’erreur et faisaient disparaître tout doute.
J’aborde les
quatrième et cinquième moyens de nullité. Deux personnes, prétend-on, auraient
voté quoique ne payant pas le cens. L’honorable M. Lebeau a prétendu qu’on
avait fourni la preuve la plus complète que ces électeurs ne payaient pas le
cens ; mais il me semble que l’honorable M. d’Hoffschmidt lui a répondu de
la manière la plus péremptoire. Il a rappelé ce qui a été décidé, il y a deux
ans, à une immense majorité dont peut-être M. Lebeau lui-même a fait partie
pour l’élection de Bastogne. Là ce n’étaient pas deux personnes qui étaient
signalées comme ne payant pas le cens, c’étaient quatre-vingt personnes, et
pour chacune elles on produisait un certificat constatant qu’elles ne payaient
pas le cens dans la commune de leur domicile. Par ces certificats on constatait
que, pour former le cens de tels électeurs, on avait ajouté aux contributions
payées à l’Etat les centimes provinciaux et communaux ; qu’on avait
compris à d’autres les contributions de leurs pères encore vivants, etc. Il y
avait un certificat pour chaque individu ; la question était tout à fait
la même ; elle était de savoir ce qu’emportent ces certificats. Il a été
établi par la commission dont M. Liedts était rapporteur, et la chambre a
décidé après discussion, que ces certificats ne prouvaient pas. M. Lebeau
cependant soutient que dans le cas actuel ils forment une preuve
complète ; mais il a signalé une raison de différence.
Dans l’affaire de
Bastogne, en faisant les listes, on ne s’était pas conformé à la loi, on
n’avait pas indiqué les communes où le cens était payé. Ici on s’est conformé à
la loi ; on a indiqué ces communes ; voilà, selon lui-même, la
différence. Mais qu’emporte-t-elle ? Quand la liste ne dit pas qu’on paie
le cens dans une commune étrangère au domicile. Ainsi, sous ce rapport il n’y a
pas de raison de différence. Mais cette considération même mise à part, la
différence signalée dans la confection des listes efface-t-elle les motifs qui
ont déterminé la commission et la chambre ? En aucune manière, ces motifs
subsistent dans toute leur force.
Quels sont les
motifs invoqués par la commission ? Messieurs, c’est la manière même dont
les listes sont formées, la position dans laquelle la loi place l’électeur
avant et après l’élection, et tous ces motifs viennent ici nécessairement
s’appliquer.
Ainsi, on vous a
dit que tous ceux auxquels on contestait le droit électoral, s’il leur avait
été refusé lors de la confection des listes, avaient le droit de réclamer,
qu’ils auraient eu alors intérêt à fournir la preuve qu’ils payaient le cens,
si pas dans la commune de leur domicile, au moins dans une autre commune du
royaume ; que le certificat produit pour prouver qu’ils ne payaient pas le
cens de la commune de leur domicile ne prouvait pas assez, parce qu’il laissait
subsister la possibilité qu’il payassent dans une autre commune, et que chacun
d’eux eût été appelé à en justifier si on avait omis son nom sur la liste
électorale ; mais que du moment où on le portait sur cette liste, il
n’avait pas de justification à faire.
Mais maintenant,
vous a-t-on dit, cette preuve est-elle possible ? Nous, vous ne pouvez la faire en vous adressant aux receveurs de
contributions ou aux administrateurs des communes ; car il faudrait faire
une preuve négative qui s’appliquerait à toutes les communes de
Il y a plus, ils
peuvent avoir intérêt à faire tomber l’élection dont le résultat contrarie
peut-être leur opinion politique, et alors ils s’abstiendront de fournir aucune
preuve ; ils vont conniver ainsi avec ceux qui nous demandent la nullité
de l’élection, et vous ouvre la porte à un moyen d’annuler les élections les
plus régulières.
Voilà, messieurs,
ce qu’on a fait valoir et voilà les mêmes raisons qui militent au cas actuel.
Je défie qu’on fasse ressortir la moindre raison de différence. La seule
différence qu’il y ait, je le répète, c’est que dans le cas de Bastogne, il
s’agissait de 80, c’est-à-dire de près d’un cinquième des électeurs qui avaient
pris part aux opérations, et qu’ici il s’agit de deux électeurs sur à peu près
deux mille. Je ne sais si c’est de cette différence qu’on fera ressortir la
nécessité, dans le cas actuel, de prononcer la nullité.
On vous a donné
lecture, tout à l’heure, du rapport où sont développés les moyens dont je viens
de présenter un simple sommaire, mais dans la discussion à laquelle ce rapport
a donné lieu, on a encore insisté sur ce point, et notamment M. Liedts qui
était rapporteur de la commission. Voici comment il s’est exprimé à propos d’un
électeur à l’égard duquel on prétendait avoir prouvé que c’était en réunissant
les centimes provinciaux et communaux, à ce qu’il payait au trésor qu’on lui
avait donné le cens suffisant. Ce passage vous fera d’ailleurs remarquer,
messieurs, dans le cas dont je parle, une différence encore avec le cas
actuel ; ceux qui ne voulaient pas admettre l’élection, ne proposaient pas
la nullité. On ne nous présentait pas le certificat produit comme une preuve
complète, mais on demandait une information ultérieure, et c’est cette
information que la chambre a refusée ; tandis que maintenant on va jusqu’à
demander la nullité, à prétexte qu’il y aurait une preuve complète dans des
certificats qui, dans la cas de Bastogne, ont été
reconnu ne faire aucune preuve.
« Admettons
pour un instant, disait M. Liedts, que l’administration communale que le
préopinant veut consulter vînt dire que M. Fonk ne
paye pas dans la commune le cens voulu, qu’elle a commis une erreur en le
portant sur la liste, je dis que vous ne pourriez pas encore annuler l’élection
en déclarant M. Fonk un électeur intrus. Lorsque M. Fonk a vu son nom figurer sur la liste des électeurs
affichée dans sa commune, lorsqu’il ne s’est élevé à ce sujet aucune
réclamation, M Fonk n’avait aucun intérêt, aucun droit
pour réclamer, et il n’avait pas besoin de faire des recherches pour vérifier
avec quelles contributions on avait formé son cens électoral. Si on était venu
lui dire : vous ne payez le cens qu’au moyen des centimes additionnels qui
ne doivent pas vous être comptés, il aurait fallu qu’il prouvât le contraire, à
défaut de quoi il aurait été éliminé de la liste. Mais si maintenant
l’administration communale vient dire à M. Fonk qu’il
ne paye pas le cens, lui, qui ne partage pas l’opinion politique du député élu
déclarera que cela est vrai et qu’il est un électeur intrus. En supposant qu’il
y en ait plusieurs dans ce cas, vous devrez déclarer l’élection nulle.
« Si vous
admettez un tel système, vous mettrez entre les mains de celui qui succombera
dans une élection le moyen de faire annuler l’élection de son concurrent, car,
comme je l’ai dit dans le rapport, il suffira que quelques amis ne payant pas
le cens dans la commune de leur domicile, mais dans d’autres communes, se
coalisent pour prouver après l’élection qu’ils ne paient pas le cens, et je
défie alors à l’élu, au ministère, à qui que ce soit de prouver que ce sont des
électeurs ayant le droit de voter qui ont fait l’élection. Voyez si vous voulez
consacrer un tel système, que je regarde comme monstrueux. »
Eh bien,
messieurs, c’est ce système qu’on veut faire prévaloir aujourd’hui.
Mais, vous a-t-on
dit, l’administration communale reconnaît elle-même quelle a été la cause de
l’erreur ; dans son certificat elle dit que c’est à raison des
contributions des mères veuves de ces deux électeurs et par délégation de leurs
mères, qu’on les a portés sur la liste. Messieurs, ce n’est pas dans un
certificat délivré après coup par l’administration communale que l’on devrait
trouver ce fait constaté, c’est dans les listes mêmes.
Admettez-vous
qu’il ne dépend pas de l’administration communale d’enlever à ces individus
leurs droits électoraux ? et dès lors que prouve
le certificat ? L’administration ne peut pas le retrancher de la
liste ; et sur la foi d’un simple certificat de l’administration
communale, vous pourriez faire l’équivalent, c’est-à-dire annuler leur
vote !!
Et si ces
électeurs avaient été mis en demeure, en temps utiles, de fournir la preuve
qu’ils paient le cens, qui vous dit qu’ils ne l’auraient pas fournie ? Et
cependant, par cela seul que vous admettez comme prouvé qu’ils ne paient pas le
cens dans un commune déterminée, vous annuleriez leurs
votes, même sans les avoir entendus ! On n’aurait pas pu les rayer de la
liste sans les avoir entendus, mais on pourrait annuler leurs votes, et les
considérer comme n’étant pas électeurs, sans les avoir entendus. Et
l’administration communale, qui vient vous dire dans son certificat qu’elle a
violé la loi par la manière dont elle a composé la liste, doit être crue sans
hésitation, tandis que vous n’ajouterez aucune foi à la liste qui suppose le
contraire, puisqu’elle suppose que c’est de leur chef qu’ils paient les
contributions !
Réellement, sous
ce rapport encore, ce système serait monstrueux.
Mais au reste, il
suffit de vous avoir fait remarquer qu’à une immense majorité vous avez
consacré le système contraire il y a deux ans, lorsque vous avez admis la
validité des élections de Bastogne. Car si quelque chose est important, si
quelque chose est loyal et moral, c’est que la chambre n’ait qu’un poids et
qu’une mesure ; c’est que la règle qu’elle applique à l’un, elle
l’applique à l’autre. Si une fois elle déviait de ce principe de loyauté et
d’équité, il faudrait renoncer à l’idée de se constituer en assemblée législative.
Il me reste à
m’occuper des deux autres moyens de nullité. Quant à l’un, il consiste à
présente comme possible un double vote de la part d’un électeur nommé Bollens, je dis à présenter comme possible ; car en
effet la pétition porte expressément que ses auteurs n’affirment pas que ce Bollens aurait voté deux fois. D’ailleurs la pétition,
ainsi que je l’ai dit en commençant, ne constate aucun fait comme ayant été vu
par les pétitionnaires ou comme leur ayant été rapporté par des personnes qui
l’auraient vu. Personne n’a vu Pierre-Joseph Bollens
voter deux fois, ni les pétitionnaires ni qui que ce soit. Mais on veut que
vous présumiez ou que Pierre-Joseph Bollens a voté
deux fois ou qu’un tiers est venu voter une fois pour lui, et que ce tiers
était un faux électeur.
Nous allons,
messieurs, examiner si vous devez admettre cette présomption.
Je débuterai par
vous dire que ces sortes de difficultés n’en sont réellement pas lorsque les
réclamations sont instantanées, parce que rien n’est plus facile alors que de
faire la vérification. Les personnes devant lesquelles les faits se sont passés
sont encore là ; les documents à consulter sont sous la main ; la
vérification se fait à l’instant même ; elle est facile.
Ce qui amène la
difficulté, c’est précisément cette circonstance que l’élection a eu lieu il y
a cinq mois, et que l’on n’indique personne qui pourrait rendre témoignage de
la manière dont les faits se sont passés ; de sorte qu’à la vérification
des faits on veut substituer une simple présomption.
Ici, messieurs, je
crois devoir m’élever contre ce système, parce qu’il tend en effet à amener
l’annulation des élections les plus régulières, et il tend encore à ceci, que
l’on pourrait différer une réclamation tout exprès, afin de rendre la
contestation du fait impossible et afin de substituer une présomption à la
vérité qui serait tout à fait contraire à la présomption.
Il faut être sobre
de ces sortes de présomptions de nullités ; les nullités doivent être
prouvées et vous devez, messieurs, regarder de près les preuves qu’on en
fournit.
Quelle est la
pièce d’où on veut faire résulter la nullité de l’élection de M. Cogels ? c’est la liste des votants que l’on convertit tout d’emblée
en un titre authentique faisant foi. Je ne sais où on a été cherché la qualification
que l’on donne à cette pièce ; quant à moi, j’ai toujours regardé cette
liste comme un document utile à consulter comme renseignement ; mais la
seule pièce authentique, c’est le procès-verbal, où l’on doit insérer les
réclamations ; et je crois que tous les jurisconsultes seront de cet avis.
Je ne m’attends pas à ce que cette allégation, que je regarde comme certaine,
soit contestée par personne.
Mais, s’il en est
ainsi, quel sera le fondement de votre présomption de nullité ? Cette
liste de votants de qui est-elle l’œuvre ? Elle n’est pas l’œuvre du
bureau. C’est le procès-verbal qui est l’œuvre du bureau. La liste des votants
se compose de deux doubles, dont chacun est l’œuvre d’une personne : un
des scrutateurs tient un des deux doubles, le secrétaire tient l’autre. Cette
pièce, messieurs, est fort utile dans beaucoup de cas, à consulter comme
renseignement ; les renseignements qu’elle peut fournir, joints aux faits
qu’on peut constater, amènent toujours la découverte de la vérité lorsque la
réclamation a été instantanée. Mais ici la réclamation n’a été faite que le 8
novembre, et c’est de là que provient la difficulté. Il n’est plus possible
maintenant de vérifier les faits.
Les personnes qui
ont pris part aux élections, et surtout celles qui les ont quelquefois
présidées, peuvent se faire une idée de la facilité avec laquelle des erreurs
de noms se glissent dans les listes des votants. Je puis parler ici d’après mon
expérience personnelle. Qu’arrive-t-il dans beaucoup de cas ? Il y a des
groupes d’électeurs fort serrés, fort compactes, devant le bureau ;
l’appel des noms se fait par l’un des scrutateurs ; on appelle un
nom ; personne ne se bouge encore ; on appelle immédiatement un autre
nom ; quelqu’un fend la presse et s’avance vers le bureau. Eh bien, si les
membres du bureau ne connaissent pas personnellement la personne qui s’avance
ainsi après l’appel successif de deux noms, et si le président n’a pas
l’attention de lui demander son nom lorsqu’elle dépose son bulletin (comme
j’ai, moi, l’habitude de le faire dans ces cas), le scrutateur et le secrétaire
qui tiennent la liste peuvent fort bien inscrire le premier nom au lieu du
deuxième ou le deuxième au lieu du premier ; non seulement cela peut
arriver, mais je puis dire, d’après mon expérience personnelle, que cela est
déjà arrivé. Mais lorsque ce cas se présentait, après avoir demandé le nom de
l'électeur qui votait, je faisais immédiatement, d’après sa réponse, rayer le
nom qui avait été inscrit par erreur sur la liste des votants.
Eh bien, messieurs,
admettez-vous, après cela, que cinq mois après des opérations qui n’ont donné
lieu à aucune réclamation lorsqu’elles ont eu lieu, et par cela seul que l’on
trouve le nom de telle personne inscrit sur la liste des votants, il est
constaté jusqu’inscription de faux et d’une manière authentique, que cette
personne est réellement venue déposer son bulletin, et si l’on démontre que
cette personne était alors absente, en conclurez-vous que l’élection est
radicalement nulle ?
Mais, messieurs,
rien ne serait plus dangereux qu’un pareil système. Je comprends que lorsqu’il
y a eu réclamation au moment même des opérations, lorsque l’erreur, ainsi
signalée à l’instant et lorsque les faits viennent de se passer, est confirmée
par l’état des listes, je conçois qu’alors cela serait de nature à faire la
plus vive impression, ; mais lorsque, au contraire, tandis qu’il y avait
une lutte des plus vives, tandis que tant de personnes étaient présentes qui
avaient intérêt à contrôler les opérations, aucune réclamation n’a été faite,
ce n’est pas sur la simple inspection de la liste des votants que vous
admettrez une présomption de nullité. Quant à moi ce n’est point là le système
que j’embrasserai.
Mais il y a plus,
l’état matériel des listes nous donne lieu de croire qu’il y a eu erreur du
genre de celle dont je parlais tout à l’heure ; car remarquez-le,
messieurs, il y a deux électeurs dont les noms ont beaucoup de rapport et qui
votent dans ce même bureau ; l’un s’appelle Pierre-Joseph Bollens, l’autre Joseph Bouwens ;
cette ressemblance de noms paraît avoir donné lieu à une erreur qui a été
rectifiée sur les deux doubles de la liste des votants, quoique d’une manière
différente sur chacun de ces doubles ; en résultat, tout ce qui résulte de
la comparaison des listes, c’est que l’un de ces électeurs a voté au premier
appel et l’autre au réappel, et point du tout que
l’un d’eux aurait voté deux fois ; il est bien certain en effet que pour
ces deux électeurs vous ne trouverez pas 3 votes ; vous n’en trouverez que
deux.
Il y a aussi le
nom d’un électeur nommé Célis, qui sur l’une des
listes des votants est inscrit en marge du nom de Bouwens
effacés tandis que sur l’autre double il est dans le corps de la liste,
au-dessous du nom de Bouwens ; mais ce qui reste
certain, c’est qu’il y avait un électeur nommé Bollens,
un électeur nommé Bouwens, et un troisième électeur
nommé Célis, qu’il y a eu quelque confusion dans
l’inscription de ces trois votants, mais qu’en définitive vous ne trouvez pour
ces trois noms que trois votes.
Sur une des listes
on a écrit la première fois Bollens pour Bouwens, et l’on a écrit à la plume, par surcharge, Bouwens, sur l’autre liste c’est, paraît-il, le nom de Bouwens, qui a été rayé par erreur, et en face de Bouwens on a écrit Célis, tandis
que c’est Bouwens qui a voté au premier appel et Bollens qui a voté au réappel.
Voilà l’opinion
que peut donner l’examen des listes des votants. Et si l’on devait admettre ces
listes comme preuve, ainsi qu’on l’a dit, ou si on devait les admettre comme
renseignement, il n’en résulterait aucun élément suffisant pour nous permettre
de supposer qu’un électeur a voté deux fois et de prononcer la nullité.
En résumé,
messieurs, il ne reste absolument rien de ce moyen de nullité ; car en
admettant même entièrement le système de nos adversaires, nous trouvons
toujours dans l’état matériel des listes des votants des explications
suffisantes pour nous faire regarder au moins comme infiniment probable qu’il
n’y a pas eu double vote.
Ajoutez,
messieurs, qu’il faut supposer une grande dose d’effronterie à une personne
pour penser ou qu’elle se soit présentée deux fois pour voter si elle est
électeur, ou qu’elle soit venue voter pour un autre si elle n’est pas électeur,
et cela en présence des voisins des amis de la personne dont elle eût ainsi
emprunté le nom.
Je le répète
encore, lorsqu’on songe à la vivacité de la lutte, au grand nombre des
personnes qui se trouvaient présentes et qui avaient intérêt à signaler toute
irrégularité qui se serait commise, il est moralement impossible qu’une fraude
de cette nature n’eût pas été constatée à l’instant même.
Le moyen dont il
me reste à parler est celui qui est invoqué le premier dans la pétition, et qui,
dans la discussion, a été considéré comme le plus grave.
Sur la liste
électorale figure un sieur Charles-Sébastien Janssens. D’après la liste des
votants cet individu aurait voté. Il est cependant constaté qu’il est interdit
pour cause de démence et qu’il se trouve, pour la même raison, reclus dans une
maison de santé dont il n’est pas sorti pour venir prendre part aux opérations
électorales. « Dès lors, dit-on, un faux électeur est venu voter à sa
place. »
A cela je
répondrai, messieurs, par les considérations que j’ai fait valoir tout à
l’heure sur la manière dont se dressent les listes des votants. Lorsque les
listes sont arrêtées depuis un temps si long qu’il est devenu impossible de
vérifier les faits, doit-on supposer un crime, un délit, doit-on supposer qu’un
faux électeur soit venu voter, ou doit-on supposer qu’il y a eu erreur de la
part de ceux qui ont tenu la liste des votants, supposition qu’il est si facile
de justifier.
Mais il y a ceci
de particulier dans cette affaire que, comme on l’a déjà fait remarquer, il
s’agit ici d’un nom extrêmement commun à Anvers. Il y a en effet plusieurs
Janssens sur la liste électorale, peut-être même n’y a-t-il ici tout simplement
qu’une erreur de prénom au lieu d’une erreur de nom. Certes, personne n’oserait
assurer qu’on n’a pas inscrit « Sébastien » au lieu de Jacques ou
Jean-Baptiste ou de tout autre prénom, que pouvait avoir le votant. Et au lieu
d’admettre une erreur semblable, vous supposerez qu’il y a eu un délit et vous
annulerez l’élection.
Mais il y a plus,
messieurs, c’est que vous n’avez pas même besoin d’examiner cette question. On
vous a démontré que M. Cogels a eu une voix de trop ; eh bien,
retranchez-lui le suffrage dont il s'agit, et il sera encore élu. Admettez ce
moyen de nullité qui est considéré comme le plus grave, et vous devrez encore
valider l’élection.
Par ces considérations, je voterai l’admission de M. Cogels.
M. Devaux – Il y a très longtemps, messieurs, que
je n’ai pris part à une vérification de pouvoirs. J’éprouve, en général,
beaucoup de répugnance à me mêler à des débats de ce genre, surtout lorsque ce
n’est pas pour soutenir la validité de l’élection. J’en éprouve encore cette
fois, parce qu’il s’agit de l’honorable M. Cogels qui, lorsqu’il est entré dans
cette chambre, est venu s’asseoir dans mon voisinage, en qui j’ai trouvé un
très aimable voisin ; avec lequel je n’ai eu que d’agréables relations.
Mais lui-même, je crois, a fait appel à notre loyauté et me saurait mauvais gré
de sacrifier mon opinion à des considérations personnelles. Car, messieurs (et
c’est pour cela que j’ai pris la parole), il s'agit de tout autre chose que
d’une question de personnes.
Il y a, messieurs,
déjà quelque chose de fâcheux dans une élection qui se trouve résolue par une
seule voix de majorité, en présence de deux mille électeurs. Je dis que quand
le vœu des électeurs ne se manifeste pas plus clairement, cela est déjà en
soi-même une chose fâcheuse. Il faut bien l’accepter comme une nécessité, mais
il faut presque toujours le regretter ; En général, nous devons désirer
que l’opinion des électeurs se manifeste d’une manière plus claire que par une
deux millième partie de leur puissance.
Il y a, messieurs,
une autre raison qui me porte à prendre la parole, c’est que j’ai entendu dans
cette enceinte depuis plusieurs jours prononcer différentes fois le mot
d’ « omnipotence parlementaire. » Il m’a semblé que quelques
personnes, peut-être pas encore en grand nombre, rattachaient à ces mots des
idées que je crois dangereuses. Je ne crois pas que, dans une vérification de
pouvoirs, la chambre puisse se mettre au-dessus des lois.
Nous jugeons
souverainement dans la vérification des pouvoirs : cela veut dire qu’il
n’y a pas d’autre pouvoir qui puisse contrôler le nôtre sur cette matière. Nous
jugeons comme le jury juge les faits, comme la cour de cassation juge en
droit ; mais le jury peut-il se dire qu’il a droit de juger selon sa
fantaisie, selon son caprice ; la cour de cassation n’a-t-elle à écouter
que la partialité dans les arrêts qu’elle prononce ?.
plus notre pouvoir est élevé et exempt de contrôle,
plus nous devons nous-mêmes en surveiller rigoureusement l’exercice.
Si jamais il
pouvait passer en doctrine ou en habitude dans cette assemblée, qu’il faut
accueillir ou repousser les membres dot on vérifie les pouvoirs, d’après
l’opinion à laquelle ils appartiennent, nous ne serions pas loin des épurations
parlementaires ; nous ne serions pas loin d’expulser de notre sein ceux
dont les pouvoirs sont vérifiés et qui déplaisent à la majorité. Avec de telles
capitulations de conscience, on arrive à des doctrines qui constituent les
assemblées révolutionnaires et contre-révolutionnaires ; on arrive à
écarter l’abbé Grégoire comme indigne, à expulser Manuel comme antiroyaliste ;
on arrive à d’autres temps et avec d’autres passions au 31 mai. Quelle serait
l’autorité des lois, de qui pourrions-nous en exiger l’exécution, si
nous-mêmes, qui les faisons, nous les foulions aux pieds, si nous montrions au
pays que là où la loi seule doit être notre guide, ce n’est pas d’après elle,
mais d’après nos convenances que nous décidons ?
Ce sont,
messieurs, ces considérations et d’autres encore que j’aurai l’honneur de vous
exposer plus tard, qui m’engagent à intervenir dans cette discussion.
Je tâcherai, pour
éviter les redites, de passer rapidement en revue les principaux moyens de
nullité qu’on a invoqués, mais je me sens en quelque sorte obligé de parler
d’abord en faveur des pétitionnaires que je ne connais pas, mais qui viennent
d’être traités ici avec tant de violence et tant d’injustice. Je crois que nous
devons au droit de pétition d’autres égards.
On a reproché aux
pétitionnaires d’avoir tardivement fait leur réclamation ; je demande à
quoi aurait servi qu’ils nous l’eussent adressée plus tôt ? Pouvait-on
raisonnablement exiger qu’ils nous envoyassent leur pétition en l’absence de la
chambre ? En la lui faisant parvenir le jour même où la chambre ouvrait
ses séances, ne réclamaient-ils pas en temps utile ? A qui donc eût servi
qu’ils eussent réclamé plus tôt et que leur pétition fût resté cachetée dans
notre greffe jusqu’au jour de l’ouverture des chambres ?
On a accusé les
pétitionnaires de faux, de menées dégradantes, de je ne sais quels autres
crimes encore, à propos d’abord d’un certificat délivré par le greffier de la
cour d’appel de Bruxelles. On a prétendu qu’ils devaient savoir que l’individu
doit il s’agissait avait été réhabilité ; qu’il y a eu fraude de leur
part, et connivence de la part du fonctionnaire de la cour d’appel de Bruxelles,
qui constatait que l’individu avait été condamné, sans parler de sa
réhabilitation.
Peut-il y avoir,
messieurs, une accusation lancée avec plus de légèreté ?
Comment ? un homme que tout le monde, y compris l’honorable M. Cogels
lui-même, semble ici entouré d’estime, le greffier de la cour d’appel de
Bruxelles, aurait été de connivence avec des électeurs d’une autre province
pour commettre un faux dans l’exercice de ses fonctions ?
Le bruit s’est
répandu à Anvers qu’un individu qui avait pris part à l’élection et qui demeure
non à Anvers, mais dans une autre localité de l’arrondissement, avait été
condamné à une peine infamante et avait, par conséquent, été indûment porté sur
la liste électorale ; que devaient faire les pétitionnaires, que pouvaient-ils
faire pour s’assurer du fait ? Pas autre chose que ce qu’ils ont fait. Ils
devaient s’adresser au greffe de la cour d’appel de Bruxelles et demander un
extrait de la condamnation. Mais, dit-on, ils devaient connaître l’arrêté de
réhabilitation. Messieurs, il est possible, il est probable que dans le pays
que j’habite il y ait eu des réhabilitations, mais je vous assure que je n’en
connais pas une seule. Pour savoir si un individu est réhabilité ou ne l’est
pas, je ne connais pas d’autre moyen que de lever un extrait de la condamnation
au greffe de la cour et de voir si ce certificat fait mention de la
réhabilitation qui, aux termes de la loi, doit se trouver en marge. Ce moyen
n’est pas seulement le plus sûr, mais il paraît que c’était le seul pour
s’assurer de la vérité, car on a affirmé hier ici, et je l’entends affirmer
encore, que cet arrêté de réhabilitation, dont on vient de nous donner dans le Moniteur une copie qui ne porte pas de
date, n’a jamais été publié ni dans le Bulletin
officiel, ni ailleurs.
Alors même donc,
supposition d’ailleurs fort gratuite, que le bruit de cette réhabilitation
serait venu jusqu’aux pétitionnaires, pour s’assurer s’il était ou non fondé,
ils ne pouvaient suivre une voie plus sûre que de s’adresser au greffe de la
cour d’appel de Bruxelles, demander l’extrait de l’arrêt, et voir s’il faisait
mention ou non d’un arrêté de réhabilitation. M. le ministre de la justice a
expliqué comment le greffier ou son employé, au lieu de consulter le registre
où se trouvait le jugement, n’avait consulté que le répertoire.
Est-ce de la faute
des pétitionnaires ? devaient-ils dire au
greffier ou à ses employés comment ils doivent exercer leurs fonctions ?
Avec le certificat authentique, qui leu a été délivré, les pétitionnaires
devaient avoir la certitude la plus complète que le fait de la condamnation
était vrai, la plus complète que le fait de la condamnation était vrai, et ils
devaient être tout aussi certains, le bruit d’une réhabilitation fût-il même
parvenu jusqu’à eux, que cette réhabilitation n’existait pas.
De ce chef encore,
il n’y a donc pas l’ombre d’un reproche à faire aux pétitionnaires.
On leur en adresse
un autre encore. Il est dit qu’un nommé Janssens avait avoué avoir voté deux
fois, une fois à l’appel et une fois au réappel.
Eh bien,
messieurs, ce fait est-il controversé ? Nullement. Quant au dire du nommé
Janssens, la commission ne s’en est pas informé. La preuve qu’en donnent les
pétitionnaires, qu’il se trouve deux fois sur la liste des votants, est exacte
en fait ; mais les pétitionnaires, qui n’ont sans doute pas eu assez
longtemps à leur disposition, la liste des votants, pour la confronter avec
celle des électeurs, n’ont pas su qu’il se trouvait sur cette dernière liste
deux Janssens avec les deux mêmes prénoms ; il est donc vrai, comme ils
l’affirment, que le même nom avec les mêmes prénoms se trouve porté deux fois
sur la liste des votants, mais il l’est également deux fois sur la liste des
électeurs, ce sont deux individus portant deux prénoms et un nom de famille
semblable. Il s’ensuit que la liste des votants ne prouve pas que le même
électeur a voté deux fois, mais elle ne prouve pas non plus le contraire ;
et un individu de ce nom disant avoir voté lui-même deux fois en présence du
nom porté sur les deux listes, il est impossible de savoir sans une enquête si
l’irrégularité a eu lieu ou non. Le fait invoqué par les pétitionnaires n’est
pas prouvé, mais le contraire ne l’est pas non plus. Et loin qu’on puise
incriminer les intentions de la pétition de ce chef, il serait fort possible
qu’une vérification réelle des faits prouve qu’ils ont eu raison dans leur
allégation.
Je passe aux
moyens de nullité invoqués par les pétitionnaires.
Le premier fait n’est
plus guère contesté, son importance ne l’est guère non plus. Il semble en effet
que tous les orateurs qui ont plaidé la validité de l’élection ont cependant
fini par convenir plus ou moins que le fait relatif au nommé Charles-Sébastien
Janssens, porté sur la liste comme ayant pris part au vote, quoique détenu dans
une maison d’aliénés, dont il n’est pas sorti depuis six ans ; que ce
fait, dis-je, était grave ; et que si l’élection de l’honorable M. Cogels
dépendait de ce vote, elle devrait être annulée. (Dénégations de la part de plusieurs membres.) Si telle n’a pas été
la pensée des honorables membres dont je parle, je leur répondrai en peu de
mots : je sais qu’on a commencé par combattre cette nullité, mais on a
fini aussi par passer plus ou moins condamnation.
Messieurs, c’est
la liste des votants qui fait foi de ce grief ; la liste des votants
prouve qu’un individu a voté sous le nom de Charles-Sébastien Janssens, et,
d’autre part, il est prouvé qu’il était détenu pendant les élections à la
maison des aliénés. Vous ne pouvez savoir qui a voté sous le nom de
Charles-Sébastien Janssens ; mais il est prouvé que quelqu’un a voté sous
un faux nom ; or il y a incertitude complète sur la question de savoir si
celui qui a voté était porté sur la liste électorale, s’il avait le droit de
voter.
Un honorable
préopinant vient de dire qu’il fallait avoir peu d’égard à la liste des
votants, que c’est un document peu important ; ceci s’accorde mal avec la
doctrine émise l’autre jour sur la permanence des listes électorales. Cette
liste disait tout, elle était sacrée ; y découvrît-on les irrégularités
les plus certaines, les plus graves, vous n’aviez rien à y redire. Maintenant
la liste des votants n’est plus rien ; et cependant que devient la liste
des électeurs, si elle ne peut plus être contrôlée par celle des votants ?
Qu’importent les soins pris pour dresser une liste électorale, s’il n’est pas
prouvé que ceux qui y sont inscrits sont les seuls qui
aient voté ?
La liste des
votants est un document tellement important, que la loi a voulu qu’elle fût
tenue en double et jointe au procès-verbal, parce qu’en effet c’est le seul
contrôle de la liste électorale. Or, ici la liste des votants, attestant qu’un
individu a voté sous le nom d’un autre qui n’a pas pu voter, constate
l’irrégularité la plus certaine et une des plus graves qui puisse affecter une
élection.
Je passe
maintenant au fait concernant le nom de Victor Paternotre.
Les pétitionnaires
exposent et prouvent par des attestations émanées des autorités communales, que
l’individu Victor Paternotre porté sur la liste
électorale n’existe pas. Pour compose ce nom, il a fallu prendre un prénom à un
habitant d’Anvers, et un nom propre à un autre qui est mort depuis 1840, et
l’on est ainsi arrivé à une désignation qui ne représente plus personne.
Mais d’abord rien
ne prouve ce que la commission avance : que cet individu soit connu sous
le nom de Victor Paternotre. La commission, dans le
reste de son rapport, est très difficile pour admettre des preuves. La liste
des votants, les certificats authentiques sont pour elle des pièces qui doivent
à peine vous arrêter ; et ensuite, sans apporter aucune preuve, elle vient
vous dire que Victor Palmaert est connu sous le nom
de Victor Paternotre, nom sous lequel il a voté. Ce
fait, il faudrait une enquête pour l’établir. Il n’y en a aucune preuve ;
cela ne s’appuie que sur le dire de la commission. On dit que M. Victor Paternotre est du même âge, habite la même maison que
l’individu inscrit. Mais n’est-ce rien que le nom propre ? Le nom propre
est tout. C’est sans doute par plaisanterie qu’on a voulu comparer ce cas avec
celui de Charles Lebeau, gouverneur de la province de Namur, votant à Namur. Il
n’y avait pas moyen là de se tromper sur l’identité de la personne. Comment
voulez-vous que, lors de la publication de la liste électorale, les électeurs
exerçassent à l’égard de Victor Paternotre leur droit
de vérification pour s’assurer s’il était dûment ou indûment inscrit sur la
liste électorale ? cela est impossible. Sous quel
nom fallait-il rechercher les contributions payées ? Sous celui de Paternotre ? mais Paternotre était mort, ce n’était pas lui qui voterait, peu
importaient ses contributions ; sous celui de Palmaert ?
Mais Palmaert n’était pas inscrit sur la liste, ce
n’était pas contre lui qu’il fallait réclamer. Et puis, supposer qu’on voulût
réclamer contre l’élection ; la loi oblige à notifier la réclamation à la
partie contre laquelle on réclame. Mais à qui faire la notification ? à Palmaert ; il eût
répondu : mon nom n’est pas sur la liste ; à Paternotre,
il n’y a pas de Paternotre, et la notification eût
été nulle. Cette inscription est donc tellement vicieuse qu’il y avait
impossible de la vérifier et de réclamer contre elle.
Pour être bref, je
passe à un autre fait qui me paraît encore plus concluant. C’est celui de deux
électeurs figurant sur la liste électorale du chef de contributions payées par
les mères veuves. On avait plaidé ici l’autre jour la doctrine de la permanence
des listes électorales en ce sens que la chambre ne pourrait exercer absolument
aucun contrôle à raison des faux électeurs qu’elle contiendrait, quelques
graves que fussent d’ailleurs les erreurs et les fraudes.
J’ai vu avec
plaisir que dans la séance d’aujourd’hui cette doctrine semble déjà trouver moins
d’écho ; l’honorable M. Dumortier a expliqué autrement son vote en faveur
de l’élection de Nivelles. Si j’ai bien suivi M. Dubus, je crois qu’il n’a pas
invoqué non plus le principe de la permanence des listes ainsi entendu,
principe d’ailleurs combattu autrefois. Si vous étendez à ce point, comme on
l’a fait l’autre jour, la permanence des listes, si vous les excluiez d’une
manière absolue de tout contrôle de la chambre, vous remettriez aux mains d’une
autorité inférieure le sort de élections, vous donneriez à un bourgmestre, à
une députation provinciale le pouvoir de faire des élections à peu près ce
qu’ils voudraient. Rappelez-vous comment se font les listes électorales :
l’autorité communale dresse une liste provisoire et l’affiche. On peut réclamer
si l’autorité communale ne fait pas droit à la
réclamation ou la porte à la députation. La députation prononce ; mais
quand elle a prononcé, il reste bien peu de recours contre elle. On peut aller
en cassation ; mais remarquez qu’on n’a qu’un délai de cinq jours. La loi
électorale ne dit pas positivement quand la députation doit faire connaître sa
décision. Elle force le bureau électoral à admettre quiconque se présente avec
une décision de la députation, ne fût-il pas sur la liste. La députation, peut
donc décider au dernier moment sans que personne le sache, elle n’est obligée
de notifier sa décision qu’à la partie intéressée et au commissaire de
district. Qu’une députation politiquement passionnée, au dernier moment, dix,
vingt, cinquante faux électeurs, on sera sans recours possible contre elle, si
vous défendez aux électeurs de s’adresser à vous.
Il y a plus. Il ne
faudrait pas qu’une députation commît la fraude ; un seul bourgmestre
pourrait introduire dans les listes 10 ou 20 faux électeurs. En effet, ne
serait-il pas facile dans quelque commune rurale éloignée du chef-lieu de
l’arrondissement à un bourgmestre qui n’aurait pas d’électeur dans sa commune,
ou qui n’en aurait qu’un ou deux de son opinion, d’en introduire une dizaine et
plus de la même opinion ? Qui réclamerait dans cette commune ? personne. Or, la députation provinciale ne révise que sur
réclamation. Il faudrait donc que des hommes zélés, des particuliers allassent
éplucher à 2 mille, tantôt 3 mille noms portés sur les listes électorales dans
les diverses communes d’un arrondissement, et vérifiassent si chacune paie le
cens. Si cela ne se faisait pas, un seul bourgmestre pourrait fausser les
élections dans un arrondissement. Contre des fraudes si faciles, la véritable
garantie dans l’état actuel de notre législation, c’est le recours à la
chambre.
Mais, messieurs,
déjà ce système, je m’en félicite, a rencontré moins d’appui aujourd’hui de la
part de ceux qui semblaient l’appuyer si vivement il y a quelques jours. On a
senti qu’exclure complètement votre censure de l’examen de la liste électorale,
pour s’assurer si elle n’était pas entachée de fraude ou d’erreur, ce serait
faire un appel aux fraudes électorales, nécessiter dans le pays une
surveillance de tous les instants, faire commencer la lutte électorale non pas
comme aujourd’hui au mois de juin, mais dès le mois de mars pour se prolonger
jusqu’au mois de juin, car c’est parce que vous êtes là, c’est parce que les
électeurs qui s’apercevraient de la fraude peuvent réclamer devant vous, que cette
vérification des listes par les électeurs eux-mêmes a pu être
jusqu’ici moins sévère.
D’ailleurs,
messieurs, je ne crois pas, dans aucun cas, le principe de la permanence des
listes tel qu’il a été invoqué puisse s’appliquer aux deux prétendues électeurs
dont il s’agit. Il s’agit en effet de deux électeurs qui sont portés sur la
liste électorale du chef des contributions payées par leurs mères veuves.
Or, pour admettre
de pareils électeurs il faudrait d’abord étendre le principe de la permanence
des listes au point de lui faire couvrir des infractions à la
constitution ; il faudrait aller plus loin encore, comme je vais le faire
voir.
La loi électorale
n’a pas admis la délégation de contributions de la mère veuve à son fils. Ceux
d’entre nous qui faisaient partie de la législature à cette époque où cette loi
fut faite, savent qu’on n’a pas admis cette délégation, parce qu’on l’a
regardait comme inconstitutionnelle. La constitution dit qu’il faut payer tel
cens, au plus tel autre. On a dit que les contributions déléguées n’étaient pas
payées par l’électeur lui-même. On a compté au mari des contributions
payées sur les biens de la femme, parce que le mari administre les biens de sa
femme, comme chef de la communauté, et les paie lui-même. On a admis également
les contributions des enfants mineurs pour le père, parce que c’est le père qui
administre leur fortune et paie ces contributions. Voilà par quels motifs on a
écarté la délégation des contributions de la veuve de la loi électorale.
Quand on est
arrivé à la loi provinciale, là on a permis la délégation de la mère veuve,
parce que la constitution n’a pas parlé des électeurs provinciaux.
Il résulte de ceci
que les électeurs appelés à nommer les membres des chambres sont les mêmes que
ceux qui prennent part à la formation des conseils provinciaux, avec cette
différence que pour ces dernières élections on y adjoint les délégués des
veuves et les étrangers qui n’ont obtenu que la naturalisation ordinaire.
Pour les élections
provinciales la loi a décrété qu’on se servirait de la liste électorale dressée
pour l’élection aux chambres et qu’on ferait dans chaque commune une liste
supplémentaire comprenant les délégués de veuves et les étrangers ayant reçu la
naturalisation ordinaire. Mais la confusion de ces listes est si facile que si
vous veniez à vous interdire tout contrat à cet égard dans la vérification des
pouvoirs, de toutes parts ces électeurs inconstitutionnels pourraient finir par
envahir les listes faites pour les élections aux chambres.
En fait, comment se
passent les choses ? cette seconde liste, cette
liste de quelques électeurs spéciaux, très peu nombreux dans chaque
arrondissement, moins nombreux encore dans chaque commune, qui n’ont droit de
voter que pour les seules élections au conseil provincial, doit être adjointe
comme liste supplémentaire à la liste générale des électeurs pour les chambres.
La loi dit que la liste supplémentaire doit être faite en même temps et d’après
les mêmes règles que la liste des électeurs pour les chambres.
En fait, dans certaines
communes, les électeurs qui ne peuvent voter que pour le conseil provincial
sont confondus avec ceux qui peuvent aussi voter pour les chambres, tellement
qu’il n’y a qu’un même ordre alphabétique pour tous. La loi parle d’une liste
supplémentaire, mais elle ne dit pas que les deux listes ne puissent pas se
faire d’un même contexte. Comment dans ce cas réclamer contre l’inscription
d’un délégué de veuve ? On répondrait que l’individu figure sur la liste
comme électeur pour le conseil provincial.
Il y a telle
grande ville que je pourrais nommer, où les deux catégories d’électeurs sont
ainsi confondues, et où un astérisque seul distingue les quelques électeurs qui
n’y figurent que pour élections au conseil provincial. En supposant que tous
les électeurs qui veulent réclamer, comprennent le sens de ce signe, il
suffirait encore qu’un astérisque eût été oublié soit à l’impression, soit par
l’employé subalterne du commissaire de district chargé de copier la liste
définitive, pour qu’un électeur provincial devînt électeur pour les chambres.
C’est ce qui arrivera infailliblement dans beaucoup de communes, si vous ne
vous réservez pas votre contrôle, si vous ne donnez à l’électeur le droit de
dénoncer comme faux électeurs ceux qui ont pris part aux élections pour les
chambres, alors qu’ils ne payaient le cens que par délégation de leur mère
veuve, ou bien n’ayant que la naturalisation
ordinaire.
Cela est si vrai
que si je voulais étendre cette discussion, je vous montrerais sur la liste des
électeurs d’Anvers déposée sur le bureau le nom de plusieurs étrangers qui,
d’après les indications de la liste même, n’avaient droit de voter qu’aux
élections provinciales. Mais on a déjà invoqué assez de moyens de nullité, il
n’est pas besoin d’aller au-delà.
On a prétendu que
les questions de cens ne pouvaient occuper la chambre, parce qu’il n’y avait
pas de moyens de vérification, attendu que si l’on peut prouver qu’un électeur
ne paie pas le cens dans une commune, on ne peut prouver qu’il ne le paie pas
dans les 2,500 communes de
C’est sans doute
encore pour entacher de faux les certificats, qu’on a insisté sur la qualité de
brasseur donnée au sieur Boey, et qu’on a fait remarquer
que, s’il était brasseur, il devait payer au moins sa patente. Il est vrai que
dans le certificat de l’autorité communale, Boey est
porté comme brasseur, ce n’est pas à l’autorité communale qu’il payait sa
patente. Elle l’a appelé brasseur comme tout le monde probablement
l’appelle ; pourquoi ? parce que c’est sa
mère, qui lui délègue les contributions, qui est brasseur ; c’est elle
sans doute qui paye la patente, comme elle paye les contributions sur la
brasserie. En voulez-vous la preuve ? Elle se trouve dans le certificat du
receveur D4.
Le receveur ne lui
donne pas la qualité de brasseur, parce qu’il sait bien qu’il ne paye pas de
patente. Ce certificat est ainsi conçu : « Le receveur des
contributions directes et accises du bureau d’Hoboken déclare que le sieur Boey, François-Jacques, demeurant à Hemixem,
ne paye à son bureau aucune imposition, ni pour 1840, ni pour 1841. » Il
arrive tous les jours qu’un homme est appelé brasseur, un autre négociant,
alors que c’est sa mère qui paye la patente. Il y aurait dans tous les cas à
remarquer que le vicaire Aerts n’est pas patenté.
Je crois que je
n’ai pas besoin de revenir sur l’incident de tout à l’heure, relatif à
l’électeur Bollens. L’honorable M. Dubus vient, si
j’ai bien entendu, d’expliquer l’état des listes, comme je l’ai vu aussi.
J’avais interrompu M. Dumortier, en lui disant qu’il se trompait sur un fait.
J’ai dit qu’on n’avait pas effacé le nom de Bollens
pour écrire celui de Célis Evrard à la place ;
que le nom de Célis Evrard figurait sous le numéro
suivant, et que celui de Bollens était surchargé mais
non effacé.
En définitive,
messieurs, la question est de savoir s’il y a un pâté ou s’il n’y a pas un
pâté. (On rit.) Pour moi, dans des
questions semblables, j’aime mieux m’abstenir. Le nom est écrit deux fois de
telle manière qu’on pourrait en faite deux noms. Il est fâcheux qu’il y ait une
surcharge, je ferai remarquer seulement que cette surcharge, qu’il me semble
qu’on a encore essayé de faire retomber à charge des pétitionnaires, est tout à
fait à la défaveur de la pétition, car si les noms étaient écrits comme ils
l’étaient originairement, le fait du double vote de Bollens
serait prouvé.
Ainsi, messieurs,
pour moi il y a quatre nullités établies : celle qui concerne l’individu,
qui est prouvé avoir été détenu dans la maison des aliénés au moment des
élections et qui est porté comme ayant voté ; celle des deux électeurs
provinciaux, qui, contrairement à la constitution, ont voté dans une élection
pour les chambres. Enfin il y a la nullité relative à Victor Palmaert, qui, prétend-on, sans que cela soit prouvé,
aurait voté sous le nom de Paternotre ; car tout
ce qui est prouvé, c’est que celui qui figure sous ce dernier nom sur la liste
électorale n’existe pas, et que quelqu’un a voté sous ce nom. Je pense que ces
nullités sont assez graves pour amener une décision de la chambre. Jamais,
depuis que je siège dans cette enceinte, je n’ai vu d’élection contestée où les
motifs de nullité fussent aussi bien établis. Certes on peut voter qu’un homme a
pu se trouver en même temps dans une maison d’aliénés et dans une assemblée
électorale ; on peut décider qu’un vicaire et un autre fils de veuve ont
pu violer la constitution ; que le nom propre ne fait rien dans les listes
électorales ; mais je crois qu’en décidant cela, nous déciderions que nous
fermons les yeux à la lumière ; que ce sont les passions politiques qui
dirigent nos votes et non pas les lois, ce vote signifierait que nous
considérons plutôt l’opinion de l’élu que son droit. De là aux doctrines
dangereuses, aux mesures plus que dangereuses dont je vous ai parlé, il n’y a
pas loin.
On a beaucoup
parlé de ce qu’on a appelé la moralité de cette élection, permettez-moi
d’ajouter quelques mots à ce sujet.
Je veux vous parler
d’un fait qui concerne la moralité de cette élection, et qui, s’il ne doit pas
avoir une conséquence décisive sur son sort, prouve cependant que nous avons
quelques droits d’y regarder de près.
Messieurs, ce fait
est très grave ; il a été dénoncé par la presse, il n’a pas été
démenti ; on dit que des membres de cette assemblée en ont vu la preuve.
Eh bien ! si ce fait est vrai, et j’espère qu’on
s’expliquera, il y a eu une fraude électorale à Anvers ; il y a eu une
fraude éclatante. Et quel est le coupable ? Je regrette de la dire… c’est
le gouvernement.
Messieurs,
prenez-y garde, ce n’est pas ici la cause d’une opinion, c’est la cause de
toutes les opinions, c’est la cause des élections, la régularité, la sincérité
de votre mandat.
Un haut fonctionnaire,
récemment nommé dans une autre province, était électeur à Anvers. Ce haut
fonctionnaire s’est adressé au gouvernement pour obtenir l’autorisation de
sortir de sa province le jour des élections, afin d’aller déposer son vote dans
l’urne électorale d’Anvers. On assure que cette autorisation lui a été refusée.
Messieurs, vous
comprendrez tous que ce fait est de la plus haute gravité. Quant à moi, je ne
défendrai jamais au pouvoir de tâcher d’exercer sur les opinions une influence
loyale par des moyens raisonnables et légitimes. Mais le fait dont il s’agit
ressemble beaucoup à une violence matérielle ; le fait dont il s’agit,
messieurs, c’est un obstacle pour empêcher l’exercice des droits civiques d’un
électeur, c’est un électeur mis en quelque sorte en charte privée par le
gouvernement.
Rappelez-vous,
messieurs, lorsque sous le gouvernement hollandais un membre de la seconde
chambre des états-généraux fut un jour envoyé en mission pour l’éloigner des
séances de la chambre, quelle émotion le pays en ressentir. Ici, dans une
élection où les opinions se balançaient de si près qu’une seule voix pouvait
être décisive, c’est chose bien plus grave encore d’empêcher un citoyen de
déposer son vote dans l’urne électorale, de l’empêcher d’exercer un droit que
le citoyen belge n’est pas libre d’accepter ou de refuser, que la loi impose
comme un devoir à remplir, qu’il n’exerce qu’une fois tous les quatre ans, et
de l’exercice duquel dépend la composition du corps politique le plus influent
de l’Etat.
J’engage le
ministère à s’expliquer sur ce fait. Je ne l’ai signalé ici que pour faire voir
qu’il y avait quelque raison de se montrer sévère ; qu’il n’y en avait pas
au moins de mettre une grande indulgence à apprécier la moralité de l’élection
d’Anvers. Ce n’est pas de ce chef que je demande l’annulation de l’élection,
mais ce doit être une raison pour tous de passer moins légèrement sur les
nullités qui nous ont été signalées.
Plusieurs voix – La clôture !
M. Devaux – J’ai demandé une explication au
gouvernement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, d’après les doctrines que l’honorable préopinant a professées
dans cette chambre, le gouvernement aurait eu le droit de demander aux hauts
fonctionnaires de l'Etat de voter pour les candidats s’annonçant comme étant
dans l’intention de soutenir le ministère.
Le gouvernement
n’est pas allé aussi loin que l’honorable membre lui a reconnu le droit d’aller
(dénégation), je rappelle des
discussions mémorables dont plusieurs membres de cette chambre n’ont pas sans
doute perdu le souvenir. Il n’a pas dit aux hauts fonctionnaires : vous
voterez pour ceux qui se présentent avec l’intention de soutenir le ministère,
il a consenti à ce que de hauts fonctionnaires s’abstinssent. Il n’a pas été
au-delà de l’abstention, mais il a voulu qu’il y eût abstention.
Le haut
fonctionnaire dont on a parlé aurait même pu s’absenter vingt-quatre heures,
sans encourir de reproches ; ce qui était suffisant pour aller aux
élections. A chaque moment les gouverneurs s’absentent 24 heures et même
plus ; et on ne leur en fait pas d’observations.
Le gouvernement
dans les élections d’Anvers s’abstenait ; le haut fonctionnaire,
gouverneur de la provinces s’abstenait. Dès lors, le
ministre de l’intérieur ne devait pas sortir du système d’abstention en
autorisant un gouverneur de province à se rendre aux élections à Anvers.
Ce gouverneur nous
a demandé un congé, et je lui ai répondu que puisqu’il en référait à moi, je ne
lui donnerais pas de congé. J’avoue le fait, je le déclare conforme aux droits
du gouvernement, comme aux doctrines professées dans cette
chambre par l’honorable membre qui m’interpelle.
M. Devaux – Je demande la parole pour un fait
personnel. J’ai le droit d’avoir la parole pour un fait personnel puisque M. le
ministre de l'intérieur s’est mis derrière des opinions que je n’ai jamais
professées. Jamais, au grand jamais, il ne m’est arrivé de dire que le
gouvernement pourrait empêcher un fonctionnaire d’exercer ses droits civiques.
Certainement je ne restreindrai pas le pouvoir dans un cercle trop étroit, et
je ne lui conteste pas, dans des limites raisonnables, les droits à l’égard de
ses agents politiques. Si le gouvernement avait destitué le gouverneur du
Hainaut, il est possible que je n’eusse pas eu à prendre la parole sur ce fait.
(Réclamations.) Messieurs, si le
gouverneur du Hainaut avait été destitué au moment où on lui a refusé le congé,
son vote électoral eût été libre, et il est possible que M. Cogels n’eût pas
été élu. Le gouvernement a légalement le droit de destituer, mais non
d’empêcher un électeur d’aller déposer son bulletin dans l’urne électorale.
M. Demonceau. – C’est un service que le gouvernement a
rendu au gouverneur du Hainaut.
M. Devaux – Il ne s’agit pas d’un service
individuel, ni de l’intérêt d’un fonctionnaire, il s’agit de l’intérêt du pays,
de la moralité d’une élection. Au reste ceux qui murmurent admettent cette
doctrine et bientôt on pourra l’étendre plus loin ; on pourra l’étendre
aux commissaires de district, à tous les fonctionnaires dépendant du
gouvernement, on ne pourra ne plus leur laisser ce qui n’a jamais été contesté
dans aucun pays, le droit d’aller déposer un vote secret dans l’urne
électorale. C’est ce droit dont l’exercice a été empêché par le gouvernement.
C’est ce droit dont l’exercice a été empêché, car l’aveu est complet, et la conduite du gouvernement peut maintenant être jugée par tous.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Je me bornerai à répéter que ce haut fonctionnaire pouvait se rendre aux
élections sans demander au ministre de l’intérieur un congé formel à cet effet.
Il pouvait s’y rendre sans congé et le gouvernement ne lui en aurait pas fait
un grief. Mais je ne voulais pas accepter une fausse position. (La clôture ! la clôture !)
M. le président – La clôture est demandée ;
quelqu’un demande-t-il la parole contre la clôture ?
M. Pirson – Je la demande. Messieurs, ce n’est pas pour entretenir la discussion
plus longtemps que je réclame la permission de parler. C’est pour adresser des
observations à M. le ministre de l'intérieur et à la chambre.
Ces observations sont très courtes ; elles sont relatives à un moyen
facile de rendre les listes d’électeurs plus régulières.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Je me propose d’adresser aux gouverneurs de province une circulaire pour
appeler leur attention sur les débats qui ont eu lieu dans cette chambre à
propos des listes électorales et pour les recommander de veiller à ce qu’elles
soient exactes, en recourant à tous les moyens qu’offre la loi, et notamment en
usant de la plus grande publicité.
M. Pirson – C’est ce que je voulais proposer. Au reste, je communiquerai mes idées à
M. le ministre de l'intérieur.
- La clôture est
prononcée.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l’adoption des conclusions du rapport de la
commission. Voici le résultat du vote :
71 membres
prennent part au vote.
47 votent pour.
24 votent contre.
En conséquence les
conclusions de la commission sont adoptées et M. Cogels est proclamé membre de
la chambre des représentants.
Ont voté
pour : MM. Brabant, Buzen, Coppieters, de Behr, Dechamps,
Dedecker, de Florisone, de Garcia de
Ont voté
contre : MM. Cools, David, Delehaye, Delfosse, Devaux, de
Villegas, d’Hoffschmidt, Dumont, Duvivier, Jadot, Lange, Lebeau, Lys, Manilius,
Mercier, Jonet, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rogier, de Baillet, Sigart,
Vandenbossche et Verhaegen.
M. Cogels entre dans la salle et prête serment.
PROJET DE LOI ALLOUANT UN CREDIT COMPLEMENTAIRE AU
DEPARTEMENT DE
M. le président – Nous avons maintenant à l’ordre du jour
le projet de loi tendant à accorder au département de la guerre un crédit de 4,750,000 fr. pour parfaire les dépenses de 1841.
Ce projet, dont la
commission propose l’adoption, est ainsi conçu :
« Art. 1er.
Il est ouvert au ministère de la guerre un crédit de quatre millions sept cent
cinquante mille francs (4,750,000 francs), pour parfaire le solde des dépenses
de la guerre de l’exercice 1841 ; au moyen de cette somme et des
vingt-cinq millions (25,000,000 de francs) déjà votés, le budget de la guerre
pour 1841 est arrêté à la somme de vingt-neuf millions sept cent cinquante
mille francs (29,750,000 fr.) »
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le lendemain de sa proclamation. »
« Mandons et
ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin
officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et aux autorités
administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du
royaume. »
- Les deux
articles de ce projet sont successivement mis aux voix et adoptés sans
discussion.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité,
par les 63 membres présents.
Plus rien n’étant
à l’ordre du jour, la chambre s’ajourne jusqu’à convocation du président.
La séance est levée
à 4 heures.