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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 novembre 1840

(Moniteur belge n°316 du 11 novembre 1840)

Ouverture de la séance royale

A 11 heures les portes sont ouvertes au public.

La salle des séances de la chambre des représentants est disposée comme à la dernière séance royale.

La tribune diplomatique est occupée par les Exc. MM. le marquis de Romigny, ambassadeur de S.M. le roi des Français, le chevalier Hamilton Seymour, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire de S.M. la reine du Royaume-uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, le baron Falck, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire de S.M. le roi des Pays-Bas, le comte Seckendorff, chargé d’affaires de Prusse, le baron de Wahrendorff, chargé d’affaires de Suède, le chevalier de Coopmans, chargé d’affaires du Danemark, le vicomte de Santo-Amaro, chargé d’affaires du Brésil, de Noronha, chargé d’affaires du Portugal, les dames des membres du corps diplomatique, et MM. les secrétaires et attachés de légation.

MM. les ministres, en costume, sont à leur banc à midi et demi. M. le comte de Quarré, président (sénateur), en qualité de doyen d’âge, tire au sort les grandes députations chargées de recevoir le Roi et la Reine.

A une heure, la Reine est introduite dans la tribune qui lui est réservée. A son arrivée les applaudissements retentissent dans l’enceinte législative.

Bientôt après, un huissier annonce : Le Roi !

Tout le monde se lève et l’entrée de Sa Majesté est saluée par les acclamations de Vive le Roi ! et par les manifestations d’un vif enthousiasme.

Sa Majesté entre dans la salle précédée par la grande députation des deux chambres, et accompagnée de M. le grand-maréchal du Palais, de M. le grand-écuyer et adjudant-général, du général en chef de la garde civique et de M. le gouverneur militaire de la résidence royale ; des aides de camp les généraux comte Goblet et Nypels ; du général de division, chef de l’état-major général, présents à Bruxelles, des officiers de l’état-major général de la garde civique et de l’état-major général de l’armée. Le Roi monte sur son trône, et, après avoir salué l’assemblée, s’assied, se couvre, et prononce le discours suivant :

Discours du trône

« Messieurs,

« Mes rapports avec les différentes Puissances continuent à être satisfaisants. Les circonstances qui sont venues menacer de porter atteinte à l’harmonie existante entre les grands Etats de l’Europe me font sentir plus vivement le prix de cette bonne intelligence.

« La position de la Belgique a été déterminée par les traités, et la neutralité perpétuelle lui a été solennellement assurée. Mon gouvernement n’a négligé aucune occasion de faire connaître l’importance qu’il attache à cette garantie. Partout, je le dis avec satisfaction, nous n’avons rencontré que des sentiments de bienveillance et de respect pour le principe inscrit dans notre droit public.

« La neutralité, nous ne pouvons trop nous en convaincre, est la véritable base de notre politique ; la maintenir sincère, loyale et forte doit être notre but constant.

« Les négociations qu’entraîne l’exécution du traité conclu avec le royaume des Pays-Bas, se poursuivent avec toute l’activité que comporte l’examen de questions nombreuses et délicates. L’esprit de concorde et de rapprochement, dont les deux Etats ont eu naguère l’occasion de se donner un nouveau témoignage, continuera, je l’espère, à exercer une influence favorable sur les arrangements qui restent à conclure.

« Les bienfaits d’une abondance récolte commencent à être sentis par la classe ouvrière ; ils serviront utilement les intérêts de notre industrie, dont quelques branches appellent des soulagements, que j’aurai toujours à cœur de rechercher.

« Un nouveau projet de loi sur les céréales sera soumis à vos délibérations.

« Des traités de navigation et de commerce, qui seront présentés à votre sanction, ont été récemment conclus avec les Etats-Unis d’Amérique, avec la Grèce, avec la Porte ottomane.

« Des arrangements de navigation ont été également arrêtés avec le saint-Siège, avec l’Espagne et avec la Régence de Tunis ; ils vous seront communiqués.

« Des mesures vous seront proposées, pour remplacer les ressources qui n’étaient que temporaires, et pour établir un parfait équilibre entre les dépenses et les recettes de l’Etat. Votre concours sera également réclamé pour introduire dans quelques-unes de nos lois financières les modifications dont l’expérience a fait reconnaître la nécessité.

« Les travaux des ponts et chaussées se poursuivent avec activité. L’entreprise nationale de chemins de fer est l’objet de tous les soins de mon gouvernement. Bientôt des sections nouvelles seront livrées à la circulation ; et le temps n’est plus éloigné où les lignes belges, reliées aux lignes de l’Allemagne et de la France, multiplieront et faciliteront nos rapports avec ces deux grandes contrées.

« Durant ces dix dernières années, la Belgique a fait d’admirables efforts dans l’intérêt de ses voies de communication. Toutefois, les voies navigables n’ont pris que peu de part à ce grand mouvement. Sous ce rapport, il nous reste beaucoup à faire, et le gouvernement ne négligera rien pour réaliser successivement les améliorations qu’il a conçues.

« Si le pays s’est signalé par le développement de ses intérêts matériels, vous avez pu constater aussi ses progrès dans les travaux de l’intelligence. Les beaux-arts surtout ont jeté de l’éclat. J’appelle votre attention sur la nécessité de compléter l’organisation de l’enseignement public. Je ne doute pas qu’un patriotique esprit d’union et de conciliation ne préside à l’examen et à la solution des questions qui s’y rattachent.

« La justice et l’armée, ces deux puissantes garanties d’ordre et de sécurité, commandent aussi tout notre intérêt.

« Introduire dans les lois civiles et criminelles les perfectionnement dont l’expérience signale l’utilité ; compléter notre système judiciaire, en remplissant quelques lacunes qui résultent de nos nouvelles institutions politiques, tel est le but vers lequel se porte l’attention de mon gouvernement. La discipline judiciaire, quelque parfaite qu’elle soit, réclame, pour être à l’abri de toute atteinte, des dispositions dont la force obligatoire ne puisse être contestée. Une loi sur les conflits n’est pas moins utile pour régulariser les rapports de l’ordre judiciaire avec les corps administratifs. Il est temps d’établir des règles positives sur la mise à la retraite des magistrats que leur grand âge ou des infirmités placent dans l’impossibilité de remplir leurs fonctions ; il est à désirer aussi que l’on puisse bientôt s’occuper de l’amélioration du sort de la magistrature ; car il importe que, en se renouvelant, elle ne cesse d’appeler dans son sein des hommes distingués par la science et par le caractère.

« L’armée se montre toujours digne de ma sollicitude par sa discipline, son instruction et son dévouement au pays. Tout en lui conservant une organisation qui satisfasse aux besoins présents et qui serve de base aux éventualités de l’avenir, j’ai fait soumettre son administration aux réductions conciliables avec les droits acquis, les nécessités du service et la sûreté de l’Etat.

« Dans une bonne organisation militaire réside une des premières garanties de notre indépendance. Je vous recommande ce grand intérêt belge ; il n’en est pas de plus sérieux pour le pays.

« Messieurs, toutes mes pensées ont pour objet la consolidation de notre nationalité ; mes actes tendent à la faire de plus en plus apprécier à l’étranger et aimer à l’intérieur. Vous avez pris une grande part à cette double tâche. Vous continuerez à travailler, de concert avec moi, au bonheur de la patrie et à l’accomplissement des devoirs qu’elle impose. Qu’un vif sentiment national ne cesse de présider à nos communs efforts ; c’est le plus sûr moyen de traverser heureusement les temps difficiles et de rendre bienfaisantes et fécondes les époques de calme et de sécurité. »

De nouvelles acclamations et les applaudissements de toute l’assemblée éclatent à la fin de ce discours.

Sa Majesté salue et se retire, reconduite avec le même cérémonial qu’à son entrée.

De nouveaux applaudissements se font entendre lors du départ de S.M. la Reine.

Le sénat se retire dans la salle de ses séances.

Ouverture de la session parlementaire

M. Duvivier, président d’âge de la chambre des représentants, tire au sort la commission chargée d’examiner les pouvoirs des députés nouvellement élus.

Les membres désignés par le sort sont : MM. Dechamps, de Renesse, de Florisone, Coghen, Milcamps, de Perceval et Dubois.

La séance est levée à 1 heure et demie.