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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 27 avril 1840
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Vérification des pouvoirs de M. Nothomb
3)
Projet de loi relatif à la réduction du péage sur
(Moniteur belge
n°119 du 28 avril 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente dont la
rédaction est adoptée.
Le même secrétaire rend ensuite compte des pièces
adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Pierre Bourgeois, à Beveren (Flandre
orientale), demande que la chambre décide si sa nièce, qu’il a élevée depuis
l’âge de 6 ans et qui n’a plus quitté sa maison, doit payer la contribution
personnelle comme servante. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
« Le général Vandersmissen adresse des
observations sur sa conduite en 1831. »
- Pris pour notification.
_____________________
Par message du 25 avril, le sénat informe la chambre
qu’il a adopté le projet de loi relatif à la convention entre l’Etat et la
société rhénane des chemins de fer.
- Pris pour information.
_____________________
M. Cogels demande un congé de quelques jours.
Accordé.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Liedts) adresse à la chambre les pièces relatives à l’élection
d’Arlon.
Il est tiré au sort une commission de 7 membres qui
sera chargée de faire un rapport à la chambre sur le procès-verbal de cette
élection. Cette commission est composée comme suit :
MM. Dolez, Raymaeckers, Lange, Troye, Delfosse, de
Langhe et Van Cutsem.
Discussion générale
M. le président – La discussion générale est ouverte.
M. Sigart – Messieurs, par le travail d’ailleurs
si lucide et si complet que vous a soumis l’honorable M. Nothomb, vous avez pu
voir que le but de la loi était de mettre Charleroy en concurrence avec Mons
sur le marché de Paris. Cette concurrence devait alarmer nos intérêts. Sans
exagérer son importance et ses conséquences tout en appréciant la spécialité
des produits, il est évident que nous n’avons que du mal à en attendre :
nous devions donc combattre la loi. Mais nous comprenons que ce qui nous nuit
ne nuit pas au pays ; il est temps que chaque localité sache faire un
petit sacrifice aux intérêts généraux. Il était nécessaire que quelqu’un
commençât : nous saisissons l’honneur de l’initiative : dans cette
chambre où les sentiments généreux abondent, nous sommes sûrs d’avoir des imitateurs.
Au reste, ce sacrifice nous était rendu facile : nos sympathies pour
Charleroy nous ont aidés à faire taire nos instincts d’égoïsme.
Je n’ignore pas combien on doit être sobre
d’abnégation pour compte d’autrui, mais dans un moment solennel, si quelque
acte de dévouement personnel devenait nécessaire, je ne sais si je m’abuse,
mais il me semble que j’aurais peine à m’interdire les douceurs d’un sacrifice
à mon pays. Ces sentiments un peu candides peut-être, m’ont donné confiance
pour professer cette opinion.
Il faut confesser encore que l’on doit avoir l’espoir
que le gouvernement, juste envers tout le monde, tenant en main la balance,
l’établira de manière à épargner nos intérêts et saura, au besoin, nous donner
des compensations. Une belle occasion ne tardera pas à s’offrir : que, par
ses négociations avec
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, le projet primitif diffère du projet qui nous a
été soumis par la section centrale, en ce que, dans le premier, il y avait des
limites, c’est-à-dire que le gouvernement ne pouvait réduire le péage en
dessous de la moitié des droits actuels.
Je crois que la suppression de cette disposition est
aussi dangereux pour le ministère que pour le pays lui-même.
Et en effet, nous ne devons pas nous dissimuler que,
de toutes parts, le ministère sera accablé de réclamations, à l’effet d’obtenir
que le péage soit réduit au taux le plus bas, à tel point qu’il est très
possible qu’on vienne lui demander de faire disparaître toute espèce de péage
sur
Messieurs, vous le savez, de hauts personnages dont
nous avons besoin à présent, sont intéressés dans la canalisation de
Au surplus, j’aurai l’honneur de faire remarquer que
je suis très disposé à accepter les propositions primitives du gouvernement, à
la condition que le gouvernement ne soit pas autorisé à réduire le péage
au-delà de la moitié du droit existant actuellement.
Je désire encore que le gouvernement prenne
l’engagement de se conformer aux recommandations de la section centrale, et aux
motifs qui l’ont engagé à proposer son amendement.
Voici la première recommandation de la section
centrale :
« A côté de l’intérêt de la production et de
l’industrie, vient immédiatement se placer celui du trésor, que le gouvernement
ni la chambre ne peuvent négliger. La réduction doit être combinée de telle
manière qu’au lieu d’être lésé, il trouve plutôt un profit dans la réalisation
de la navigation nouvelle vers Paris. »
A la vérité la section centrale a puisé ce
raisonnement dans les paroles mêmes de l’honorable M. Nothomb qui est l’auteur
du premier projet.
Une seconde recommandation que fait la section
centrale, est celle-ci :
« Enfin, messieurs, la réduction ne peut être
accordée en Belgique, que pour autant que les droits soient simultanément
abaissés en France dans une juste proportion : j’ajouterai même, qu’il y
aurait imprudence, de la part du gouvernement belge, à la consentir avant
d’avoir obtenu à cet égard des garanties pour l’avenir. »
Je conçois très bien que ces dispositions ne peuvent
être insérées dans la loi ; cependant, je ne voterai le projet de loi
qu’autant que le gouvernement s’engage à se conformer à ces deux dispositions
que prescrit en quelque sorte la section centrale. Je voudrais encore qu’on
insérât dans le projet cette clause, que le taux du péage ne pourra, en aucun
cas, être réduit à plus de la moitié du droit actuel.
Je me bornerai, pour le moment, à ces observations.
M. Pirmez – Messieurs, l’honorable préopinant qui ne veut pas que le
gouvernement puisse abaisser le droit actuel sur le canal de
Je ferai remarquer que c’est d’abord un
concessionnaire qui a obtenu le péage sur
Je ferai remarquer encore que le gouvernement n’est
limité par aucun péage ; en ce qui concerne les chemins de fer, par
exemple, n’a-t-il pas liberté de le diminuer autant qu’il veut ?
Dirons-nous qu’il agit arbitrairement, sans motifs, sans calcul ? Mais
non, il établit ses péages en raison de l’expérience, en raisons des
renseignements qu’il reçoit.
Je pense, messieurs, qu’en pareille matière il faut
laisser toute latitude au gouvernement pour fixer le sens du péage de la
manière la plus profitable au pays.
M. Dumortier – Messieurs, je crois qu’il
est difficile de répondre aux observations qu’a présentées M. Eloy de Burdinne,
tant ces observations sont fondées.
L’honorable M. Pirmez vous a dit que le gouvernement
peut trouver qu’il y a plus de profit, pour le trésor public, à réduire le
péage sur
Et ceci répond à l’observation de l'honorable
préopinant, lorsqu’il vous dit : mais vous n’avez posé aucune limite au
gouvernement en ce qui concerne les péages, et notamment en ce qui concerne les
péages sur le chemin de fer.
Mais, si l’on n’a pas posé une limite au gouvernement,
quant au chemin de fer, la raison en est toute simple : c’est qu’en cette
circonstance nous ne dépendions de personnes ; aucune intérêt opposé ne
venait nous dicter la loi, tandis qu’ici c’est tout l’inverse : un intérêt
rival cherchera à dicter la loi au gouvernement, et comme l’a dit avec beaucoup
de raison l’honorable M. Eloy de Burdinne, cela est surtout important dans les
circonstances actuelles, où il est possible que nous contractions des emprunts
avec les personnes qui sont intéressées dans la canalisation de
Je crois donc, messieurs, qu’il serait infiniment sage
de s’en rapporter au projet qui a été primitivement présenté, et c’est dans ce
sens que je voterai.
M. Rodenbach – Messieurs, je pense qu’il faut diminuer le droit sur le
canal de
Mais je saisirai cette occasion pour inviter le
ministre à faire en sorte que le combustible soit à bon compte dans le pays.
Dans une autre circonstance, j’ai fait remarquer que, dans le département du
Nord, le charbon de Mons était à meilleur marché que dans
J’ai eu l’occasion de parler d’une petite voie
fluviale qu’on pourrait rendre navigable, moyennant une dépense de 80 mille
florins. Le précédent ministère a donné des ordres, pour qu’on fît des études.
Si cette voie était établie dans la moitié de
Je prie M. le ministre des travaux publics d’examiner
le système anglais sur les petites voies de communications fluviales. Il en est
qui n’ont que
Sous le gouvernement précédent, on a fait un devis des
dépenses qu’entraînerait la canalisation dont je viens de parler. L’honorable
M. Angillis a, je crois, un plan qui a été fait sous le gouvernement
autrichien. D’après ce plan, il suffirait, je crois, de 60 à 70 mille florins.
Je prie l’honorable député de Courtrai de me dire si la somme que j’indique est
exacte. Par suite du canal de l’Espierre, le combustible ne diminuera presque
pas dans
Je prie M. le ministre de faire attention à les
observations.
M. Dubus (aîné) – Dans la section dont je faisais partie lors de l’examen du
projet de loi dont il s’agit, j’avais donné mon assentiment à ce projet ;
mais ayant remarqué que la section centrale proposait une importante
modification, j’ai demandé, à la dernière séance, l’ajournement de la
discussion, afin de pouvoir examiner avec maturité s’il y avait lieu de
modifier en ce sens le projet du gouvernement. L’examen auquel je me suis livré
m’a convaincu qu’il n’y avait pas lieu d’admettre la modification, et que ce
que propose le gouvernement présente la possibilité d’une réduction si énorme
qu’il serait étrange de lui dire : vous ne demandez pas assez, nous vous
accordons davantage.
Quand une section centrale dit cela, elle doit
démontrer l’erreur du ministre ; mais elle se borne à dire que le ministre
n’a pas prouvé que le maximum de réduction qu’il propose de faire est
suffisant, et pour cela on lui donne le droit de réduire à zéro. Je ne puis
admettre cette manière de raisonner et de livrer le trésor public à la
discrétion d’un ministre, sans qu’il le demande.
La section centrale pose certains principes qui
devront diriger la conduite du gouvernement, et les lui recommande. Je remarque
que ce sont précisément les règles que le précédent ministère avait déclaré
s’imposer à lui-même.
« Néanmoins, la nécessité d’une loi nouvelle et
particulière offre l’avantage de faire connaître et d’éclaircir dès à présent
la question.
« L’usage de ces pouvoirs est subordonné à
plusieurs conditions.
« La réduction doit se faire dans des proportions
telles que Mons ne soit point exclu du marché destiné à être désormais commun.
« La réduction ne peut être accordée en Belgique que
si les droits sont réduits en France, dans une juste proportion.
« Enfin, la réduction doit être telle que le
trésor public n’en soit point lésé, qu’il trouve plutôt un profit dans la
réalisation de la navigation nouvelle sur Paris. »
Voilà une triple condition dont la conclusion est
l’autorisation de réduire dans une proportion qui n’excédera pas la moitié.
Vous devez croire que le ministre trouve la latitude suffisante pour obtenir le
triple résultat dont il vient de parler, et vous ne devez pas lui accorder une
latitude plus grande que celle qu’il a demandée. Remarquez, en effet, que plus
vous étendez la latitude, plus vous rendez difficile l’exécution de la première
condition, plus vous mettez Charleroy dans une position meilleure que Mons,
plus vous rendez difficile le maintien de l’équilibre que le ministère avait en
vue. Vous devez croire qu’il a posé la limite de manière à ne pas rompre cet
équilibre. La réalisation de la troisième condition, de ne pas léser l’intérêt
du trésor, se trouvera également compromise ; car, si la réduction est
poussée trop loin, quel que soit le nombre des bateaux qui passeront, le
produit sera réduit. Le ministre a voulu une réduction modérée, qui, augmentant
le nombre des bateaux, mît le trésor à l’abri de tout préjudice. Nous devons
tenir beaucoup à cette condition ; dans l’état de nos finances, elle
mérite toute notre considération.
Je vous prie de remarquer que le ministre avait sous
les yeux les prétentions des industriels dont les intérêts étaient en
opposition. La chambre de commerce, je crois, de Charleroy avait demandé que la
réduction fût des deux tiers. La chambre de commerce de Mons et les industriels
de ce district s’opposaient à une réduction. Le ministre, après avoir procédé à
une enquête et avoir tout examiné, a pensé que le maximum de la réduction
devait être la moitié. Sur quoi vous baseriez-vous pour aller plus loin ?
Si vous démontriez qu’en ne réduisant le droit qu’à la moitié on n’obtiendrait
aucun résultat, et qu’en dépassant cette limite, il en serait autrement, vous
pourriez accuser le gouvernement de n’avoir pas compris la question, et,
rétablissant les données, établir une solution. Mais rien de semblable n’étant
démontré, vous êtes réduits à prendre la disposition du gouvernement telle
qu’elle est.
Quant au trésor, je vous prie de considérer ce qui a
été déjà fait quant aux péages de
Je ne crois pas qu’il y ait une autre voie fluviale
pour laquelle le trésor ait fait, en pure perte, de pareils sacrifices. Nous
devons tenir beaucoup à ce que ce produit si exigu de dépenses si énormes ne
subisse pas encore une nouvelle réduction. Il y a plus, c’est que les péages de
La section centrale craint que ce ne soit pas
assez ; moi, je crains que ce soit trop, je crains que le ministre se
fasse illusion sur les intérêts du trésor, et n’aille trop loin dans ses réductions,
et qu’au lieu de l’intérêt de 4 millions et demi, il ne tire plus de
D’après ces considérations, je voterai contre le
projet de la section centrale et pour le projet du gouvernement.
M. de Brouckere, rapporteur – Je commencerai par rendre hommage à la conduite pleine de
noblesse et de générosité que tiennent dans cette circonstance les députés de
Mons.
Il est certain qu’au premier abord, le projet que nous
discutons aujourd’hui peut paraître, aux exploitants de Mons, défavorable à
leurs intérêts réels. Vous avez entendu, cependant, les députés de ce district
déclarer que quel qu’en doive être le résultat, ils considéraient ce projet
comme conforme à l’intérêt général, et que selon eux cet intérêt prévalait sur
l’intérêt de localité.
C’est un noble exemple que donnent ces députés. J’aime
à croire que cet exemple sera souvent suivi.
Les honorables députés qui ont parlé jusqu’à présent
ne se sont pas élevés contre le principe du projet. On reconnaît de toutes
parts que les droits sur
L’honorable M. Eloy de Burdinne a cependant fait observer avec raison qu’il fallait que
la chambre fût certaine que le gouvernement, entrant dans les vues de la
section centrale, qui sont entièrement conformes à celles du prédécesseur du
ministre actuel, aurait soin, de ne faire aucune réduction sans s’assurer que
les concessionnaires des autres voies fluviales qui correspondent avec
Ainsi, par exemple, le gouvernement serait très
imprudent s’il accordait une très forte réduction sur
Toute la question est donc de savoir si la chambre
préférera le projet primitif qui consiste à autoriser le gouvernement à réduire
le tarif de
Mais, enfin, pourquoi aller plus loin que le
gouvernement ? Lorsque le gouvernement a présenté le projet, il y avait
une véritable lutte entre les arrondissements de Mons et de Charleroy. Car nous
voyons, dans le rapport fait par M. Nothomb, que la chambre de commerce de Mons
s’opposait à toute réduction, que le gouverneur lui-même ne semblait pas porté
pour une réduction ; et qu’il concluait par la déclaration suivante (page
307) – « Cependant, si l’on pouvait prévoir qu’un léger abaissement des
droits pût considérablement augmenter la navigation, et compenser ainsi la
perte que l’Etat aurait d’abord à faire, je ne verrais aucun inconvénient à ce
que la demande fut accueillie en partie. » Le gouvernement était dans une
position assez difficile : tandis qu’il reconnaissait, dans l’intérêt des
exploitants de Charleroy, et dans l’intérêt du trésor, la nécessité de réduire
le tarif ; d’un autre côté, il craignait de froisser des intérêts en
opposition avec ceux des exploitants de Charleroy. Mais depuis les choses se sont modifiées ; ce qui le prouve,
c’est la conduite que tiennent ici les organes naturels du district de Mons.
Pour ma part, j’ai la conviction que le projet ne portera aucun préjudice aux
exploitants de Mons.
Il y a une différence énorme entre les produits du
bassin de Charleroy et ceux du bassin de Mons. Après cela, la consommation de
M. de Theux – Je demande la parole.
M. de Brouckere – Mais, dit-on, si vous
donnez un droit aussi étendu au gouvernement il sera assailli de réclamations
par les concessionnaires français et il sera forcé d’y céder. Pour moi, je
crois que le gouvernement a la même force pour défendre les intérêts du trésor
belge que les concessionnaires pour défendre les leurs ; et je ne vois pas
pourquoi il céderait sur l’intérêt du trésor plutôt que les concessionnaires français
ne céderaient sur leurs intérêts ; car les intérêts du trésor belge sont
les intérêts du gouvernement comme les intérêts des sociétés sont ceux des
administrateurs de ces sociétés.
Selon moi, il n’y aurait aucun danger à accorder en
général au gouvernement le droit de modifier le tarif, soit sur les canaux,
soit sur les rivières navigables. On ferait peut-être une bonne chose
(l’occasion se présentera sans doute de discuter cette question) en laissant au
gouvernement, administrateur des intérêts du trésor, le soin de régler les
tarifs.
Quel est le rôle du gouvernement ? Celui des
concessionnaires. Eh bien, quand une concession est accordée, on limite le
droit que peuvent imposer les concessionnaires, c’est-à-dire qu’on fixe un
maximum, mais jamais on ne fixe un minimum. Ainsi, quand on dit à un
concessionnaire qu’il peut imposer un droit de 3 francs, il ne peut aller
au-delà ; mais s’il trouve de son intérêt de descendre même au-dessous de
la moitié, le gouvernement ne l’en empêchera pas, parce que c’est dans
l’intérêt général. Eh bien, il doit en être de même à l’égard du gouvernement.
S’il juge qu’il est dans l’intérêt général que le tarif soit réduit au-dessous
de la moitié, laissez lui faire cette réduction.
La réduction ne doit pas porter d’une manière uniforme
sur tous les objets transportés par
« Il serait impossible d’indiquer une réduction
définitive et détaillée.
« A quelque degré même que l’instruction pût être
parvenue, il serait très difficile de régler par une loi tous les détails d’un
tarif.
« Il y a probablement des articles à l’égard
desquels les droits actuels doivent être maintenus. »
L’honorable M. Dubus a fait valoir une autre
considération pour combattre la suppression de la clause restrictive. Le
ministre, a-t-il dit, a compris qu’une réduction trop forte peut-être
préjudiciable aux intérêts du bassin de Mons, c’est pour cela qu’il a mis une
restriction : imitons sa prudence. J’ai déjà réfuté cet argument en
commençant ; j’ai fait voir qu’il tombait entièrement devant la position
prise par l’honorable M. Sigart, qui a été ici l’organe des intérêts du bassin
de Mons.
La canalisation de
En résumé on n’a aucune crainte à avoir sur l’usage
qui serait fait par le gouvernement du droit illimité de réduire les péages sur
M. Demonceau – La question qui s’agite en ce moment a été agitée deux fois
au sein de la section centrale des voies et moyens en 1838 et en 1839. En 1838,
le gouvernement était d’avis qu’il n’y avait pas lieu de réduire les péages sur
En 1839, la question agitée de nouveau a été examinée
plus attentivement. Le gouvernement nous a dit qu’il espérait qu’au moyen d’une
réduction, il serait peut-être possible d’obtenir des débouchés pour le
district de Charleroy sans préjudice au district de Mons.
Mais il a toujours posé, au sein de la section
centrale, pour condition, qu’il fallait que les sociétés de
S’il ne s’agissait, messieurs, que d’examiner la
question dans l’intérêt du district de Mons ou de Charleroy, on pourrait
peut-être, vu le silence que gardent les représentants du district de Mons,
silence que je concilie bien difficilement avec les réclamations des véritables
intéressés de ce district, on pourrait peut-être prendre moins de précautions.
J’ai sous les yeux les réclamations de la chambre de
commerce de Mons. Cette chambre s’oppose de tout son pouvoir à la réduction. Le
gouverneur de la province du Hainaut s’oppose également de tout son pouvoir à
la réduction.
Voici les raisons que j’ai entendu donner pour
soutenir qu’il n’était pas de l’intérêt général de faire des concessions à
Charleroy au préjudice de Mons : s’il était démontré, a-t-on dit, que nos
exportations vers
Les défenseurs de Charleroy disent que les produits de
leur district ne ressemblent en rien à ceux de Mons ; qu’on peut diminuer
les droits sur
Je ne sais jusqu’à quel point ce que disent les
défenseurs de Charleroy est vrai : mais si cela est vrai, je comprends le
silence des députés de Mons.
Maintenant, messieurs, j’examinerai la question sous
un autre point de vue, car il ne s’agit pas seulement des intérêts de Mons et
de Charleroy, il s’agit encore des intérêts du trésor.
Nous avons fait de grands sacrifices pour racheter
Vous trouvez ensuite que, d’après le tarif actuel, les
recettes de
Ainsi, vous voyez un déficit pour le trésor. Quel sera
ce déficit si vous réduisez les droits à moitié ? A cela je ne puis donner
une réponse parce qu’il ne peut se faire qu’en réduisant les droits sur
La section centrale a modifié le projet du
gouvernement.
Le projet du gouvernement avait, selon moi, plusieurs
avantages sur celui de la section centrale. Il plaçait le gouvernement dans la
position de pouvoir dire ; je ne puis descendre qu’à titre d’essai. Il
donnait aussi à la chambre la certitude qu’au moins les revenus ne seraient
diminués que de moitié, tandis qu’en donnant un pouvoir illimité nous n’avons
pas cette certitude ; et le gouvernement, avec les meilleures intentions
du monde, pourrait faire des réductions dont il se repentirait plus tard.
Ensuite, messieurs, le projet du gouvernement était
conçu dans cette idée qu’il fallait préalablement ou simultanément obtenir des
concessions : 1° des sociétaires de
La loi, telle que la propose la section centrale,
contient un pouvoir très étendu. Déjà je considère comme fort étendu le droit
de réduire le tarif de moitié. Je sais bien qu’on me dira que le gouvernement
est autorisé à régler à volonté les tarifs sur les chemins de fer ; mais
cette loi est révisée tous les ans ; nous avons montré tous les mois des
calculs qui montrent si les tarifs du gouvernement sont ou non
productifs ; ici, messieurs, il n’en est pas ainsi, nous ne pourrions réviser
la loi que par une loi nouvelle.
Par le projet du gouvernement, il est demandé à la
législature une autorisation suffisante pour opérer une réduction jusqu’à
concurrence de la moitié, c’est après s’être entouré de tous les documents
nécessaires pour l’éclairer sur la matière que le précédent ministère nous a
présenté son projet. Si cette faculté de réduire à moitié n’est pas suffisante,
l’expérience l’apprendra, et le ministère n’aura qu’à se présenter de nouveau
devant la chambre, et il obtiendra, j’ose l’espérer, une autre réduction. Ainsi
tout le monde devait être satisfait de la mesure primitive.
Je pense donc qu’il faut donner la préférence à cette
proposition. Et puisque nous n’avons plus en présence le ministère qui a fait
cette proposition, je me permettrai, en finissant, d’engager le ministère
actuel à bien vouloir s’expliquer sur les deux propositions qui font l’objet de
ce débat.
M. Angillis – Comme l’honorable
rapporteur de la section centrale, j’apprécie la conduite noble et
désintéressée des députés de Mons ; ces députés ont senti avec raison que
l’intérêt général devait prévaloir sur l’intérêt de localité ; ils ont
senti avec raison que lorsque la généralité gagne, la localité gagne aussi dans
un temps plus ou moins éloigné. Je les félicite de leur détermination.
Quant au projet, messieurs, je pense que lorsqu’il
s’agit d’une grande voie de navigation, l’intérêt pécuniaire, l’intérêt du
trésor n’est qu’une question très secondaire. D’ailleurs, comme j’ai eu
l’honneur de le dire dans une autre occasion, le trésor ne perd rien en
diminuant les droits de péage, parce que la circulation augmente peut à peu, et
que l’équilibre se rétablit.
Je pense donc que, moyennant les précautions désignées
par la section centrale, il est impossible que le gouvernement use de la
latitude qu’on propose de lui donner ; et pour ce motif le projet en
discussion obtiendra mon assentiment.
Mais on dit que l’abaissement des péages sur
L’utilité de la canalisation dont il s’agit a été reconnue,
et sous le gouvernement autrichien et sous le gouvernement hollandais. Je suis
encore en possession de la première enquête qui a été faite à cet égard, en
1777. Le gouvernement hollandais avait ordonné les études de cette
communication, et il a été reconnu alors qu’elle coûterait peu de chose.
Ainsi donc, messieurs, tout en appuyant le projet de
loi présenté par la section centrale, je me joins à l’honorable M. Rodenbach
pour prier M. le ministre des travaux publics de ne pas perdre de vue cet objet
qui est d’une si haute importance pour les Flandres et pour le pays en général.
J’espère qu’il ordonnera la continuation de l’étude que son prédécesseur avait
fait commencer.
M. de Theux – Messieurs, le péage sur
M. le rapporteur de la section centrale qui a appuyé
l’amendement d’après lequel le gouvernement serait autorisé à réduire le droit
d’une manière illimitée a cru que le gouvernement, en insérant dans le projet
une disposition législative, n’avait été mû que par une seule considération, la
crainte de nuire aux intérêts du bassin houiller de Mons, qui se trouve jusqu’à
certain point en concurrence avec le bassin de Charleroy ; cela n’a point
été là, messieurs, le seul motif qui a dicté cette disposition : le
gouvernement n’a pas voulu réclamer un droit illimité tout à la fois quant à la
hauteur du péage et quant à la durée de la réduction. Cette considération
détruit l’analogie que l’on a voulu établir à l’appui de l’amendement de la
section centrale entre le projet dont il s’agit en ce moment et ce qui se
pratique relativement au chemin de fer ; car, veuillez bien remarquer,
messieurs, qu’en ce qui concerne le chemin de fer, l’autorisation accordée au
gouvernement de fixer le péage n’est qu’annuelle, tandis qu’en vertu de la
présente loi, l’autorisation serait perpétuelle. Il y a là une différence
immense.
Il ne faut point perdre de vue qu’il s’agit ici d’un
impôt, d’une branche des revenus de l’Etat. Déjà, M. le rapporteur de la
section centrale a exprimé l’opinion qu’il serait bon que la même autorisation
fût accordée au gouvernement relativement aux péages établis sur les divers
canaux et rivières navigables. D’après cette seule observation, vous devez
prévoir, messieurs, toutes les conséquences de votre vote sur l’amendement de
la section centrale, il pourrait résulter d’un semblable système un déficit
énorme dans les revenus de l’Etat ; car, enfin, il peut arriver tel
ministère qui estime qu’il serait tout à fait dans l’intérêt général que les
péages établis sur les canaux et rivières navigables fussent, pour ainsi dire,
insensibles ; sans doute il résulterait de là, je le reconnais volontiers
avec l’honorable député de Courtrai, un avantage pour le commerce ; il
doit aviser aussi aux moyens de faire face aux dépenses générales de
l’Etat ; l’on en peut donc pas abolir les péages établis sur les canaux et
rivières lorsque le budget des voies et moyens n’excède pas celui des dépenses,
sans s’obliger en même temps à imposer de nouvelles charges aux contribuables
pour couvrir le déficit.
Veuillez remarquez que s’il est populaire de réduire
certains péages, il est extrêmement impopulaire de proposer l’augmentation des
impôts, et c’est ce dont on s’apercevra lors de la discussion du budget
prochain, si l’on vient proposer d’augmenter les contributions existantes ou
d’introduire de nouvelles contributions.
J’ai cru devoir, par ces courtes observations,
m’opposer à l’entraînement auquel on pourrait se laisser aller si l’on ne
faisait attention qu’aux seuls intérêts commerciaux et de localité.
Remarquez d’ailleurs, messieurs, que si l’on admettait
le principe que le gouvernement doit fixer seul les péages sur les rivières et
canaux, il faudrait également admettre que le gouvernement doit avoir la
faculté de réduire d’une manière illimitée le péage sur les chaussées, car il y
a pour cela le même motif d’équité, le même intérêt commercial : il est
évident que si l’on réduisait considérablement les droits de barrière, si on
pouvait les réduire presque à rien, l’on favoriserait les intérêts agricoles et
commerciaux ; Il est donc bon d’envisager les choses dans leur ensemble et
de ne point s’arrêter à une question isolée ; sans cela, on pourrait poser
des précédents propres à entraîner des conséquences que l’on aurait plus tard à
regretter.
Veuillez d’ailleurs remarquer que, s’il ne suffisait
point de réduire de 62 ½ p.c. le péage sur
On vous a fait remarquer, messieurs, que le
gouvernement a déjà engagé 15 millions pour le rachat de
On vous a dit, messieurs, que
Je termine, messieurs, en reproduisant cette pensée
qu’il est extrêmement populaire de réduire les péages sur les canaux, mais
qu’il le serait également de réduire les péages sur les routes
ordinaires ; il serait encore plus populaire de réduire les impôts
généraux de l’Etat ; tout cela serait parfaitement populaire, mais ce qui
serait impopulaire ce serait le déficit qui résulterait de ces différentes
mesures dans les ressources de l’Etat, et qui nécessiterait bientôt
l’introduction d’impôt très onéreux, d’impôts nouveaux contre lesquels la masse
des contribuables viendrait protester.
Ainsi, messieurs, j’engage la chambre à se borner
actuellement à admettre le projet tel qu’il a été présentée par les anciens
ministres des finances et des travaux publics, et à se réserver de statuer sur
une réduction ultérieure jusqu’au moment où une semblable réduction serait
reconnue nécessaire, jusqu’au moment où l’on saura quelles sont les réductions
qui auront été opérées sur
M. Dolez – Messieurs, je ne comptais
pas prendre part à ce débat, mais j’ai cru devoir vous soumettre quelques
explications sur la conduite tenue en cette occurrence par les députés du
district de Mons, en réponse aux observations dont cette conduite a été l’objet
de la part d’un honorable député de Verviers.
Cette conduite,
dont s’étonne l’honorable M. Demonceau, n’atteste qu’une chose, c’est que nous,
députés de Mons, comprenons tout autrement que ne paraît le faire l’honorable
membre, le mandat que nous avons à exercer dans cette chambre.
Sans doute, messieurs, nous nous croyons les gardiens
des intérêts de la localité qui nous a députés parmi vous, mais nous ne nous
croyons pas les aveugles esclaves de toutes les exigences qu’on voudrait
produire au nom de ces intérêts.
Toutes les fois que nous défendons dans cette chambre
les intérêts du district que nous représentons, c’est que nous avons la conviction
qu’ils n’ont rien de contraire aux intérêts généraux du pays, intérêts qui
doivent, avant tout, nous servir de guide.
Il y a quelques mois, je pense, j’ai moi-même insisté
pour que le gouvernement entourât la question de toutes les lumières possibles ;
de mon côté, j’ai étudié la question qui vous est soumise aujourd’hui. Je me
suis entouré de renseignements impartiaux ; ces renseignements et la
lecture des documents que le gouvernement a mis sous nos yeux, m’ont convaincu
que l’intérêt bien entendu du pays réclamait la réduction demandée. En présence
de cette conviction, mon devoir de député était de donner mon assentiment au
projet.
D’ailleurs, je ne crois point en cela froisser les
intérêts bien entendus du district de Mons ; et j’aime à penser que les
industriels éclairés qu’il renferme le reconnaîtront avec moi. J’aime à le
penser, parce que je vois dans le projet qui nous occupe aujourd’hui la
reconnaissance d’un principe peut-être trop longtemps méconnu parmi nous, et
qui est pourtant pour notre industrie d’un très haut intérêt.
Les voies de navigation et les routes, pour accepter
l’exemple cité par l’honorable M. de Theux, ne doivent pas être des voies
fiscales. Les voies de communications doivent être envisagées comme des voies
commerciales, des voies agricoles, dont l’accès facile et peu dispendieux nous
apporte et à notre industrie et à notre agriculture de puissants éléments de
prospérité. Ce sera donc toujours avec plaisir que je verrai diminuer les
droits qui grèvent nos canaux et nos routes.
Je le verrai avec d’autant plus de plaisir que j’ai la
conviction que, loin de nuire aux intérêts du trésor, semblable réduction les
servira toujours à merveille.
En effet, de telles questions ne doivent point
s’envisager d’une manière étroite, il ne faut pas voir d’une manière directe ce
que rapporte tel canal, telle route ; mais il faut s’enquérir encore des
produits qui résultent, pour le trésor, de l’accroissement de la prospérité de
l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Je pense que toutes les
améliorations dans nos voies de communication en donnant plus d’extension à
l’industrie et à l’agriculture, rendent au centuple au trésor ce qu’on lui
enlève en apparence par l’abaissement des doits sur ces voies de communication.
Je crois donc
que ceux (et je suis du nombre) qui aiment à défendre les intérêts du trésor,
de même que ceux qui aiment à protéger l’industrie, ne doivent pas être
effrayés de la réduction que nous discutons en ce moment, ni de toutes celles
qui pourront être demandées par la suite.
Et à cette occasion, je ne puis que me joindre à ce
que disait tout à l’heure l’honorable M. Rodenbach : je reconnais avec lui
qu’il est désirable de faire parvenir nos charbons à plus bas prix dans les
Flandres, et avec lui, je pense qu’il est au pouvoir de la chambre, au pouvoir
du gouvernement, d’atteindre ce résultat, en créant ou en améliorant, d’une
part, certaines voies de communication, et en diminuant, d’autre part, les
droits qui grèvent nos canaux intérieurs.
Quand viendra le moment où ces questions seront
instruites, je les appuierai comme étant conformes non seulement aux intérêts
de ma localité, mais encore aux intérêts généraux du pays, et j’aime à croire
que nous trouverons alors cette même sympathie que nous montrons aujourd’hui à Charleroy.
J’appuie donc de toutes mes forces la réduction du péage sur
Je ne recule point, d’ailleurs, devant la latitude
absolue que le projet de la section centrale accorde au gouvernement, parce que
j’ai la conviction qu’il en usera avec prudence et sagesse, et d’une manière
conforme aux intérêts généraux du pays.
Voilà les explications que je tenais à donner à la
chambre, que je tenais à donner à l’honorable député de Verviers ; il
verra maintenant si la conduite des députés de Mons atteste qu’ils sont peu
soigneux de l’exercice du mandat qu’ils ont reçu.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, la loi en discussion a un double but : elle
tend, en premier lieu, à favoriser l’exportation des houilles du bassin de
Charleroy vers Paris ; elle a pour but ensuite de favoriser la navigation
elle-même du canal, paralysée en quelque sorte à la frontière par suite de
l’élévation des droits existants, non seulement sur ce canal, mais encore sur
les canaux français qui le continuent.
Pour atteindre ce double but, le gouvernement est venu
vous demander l’autorisation d’abaisser les droits actuels.
Cette faculté, la trouvait-il dans ses pouvoirs
mêmes ? ou avait-il besoin d’une investiture législative ?
Ce point pouvait être mis en question. Si nous
consultons les antécédents, nous trouverons que déjà quatre fois le
gouvernement avait pris sur lui de baisser les droits sur les canaux sans
recourir à l’intervention législative.
Ainsi, l’on vient de rappeler que, sous un de mes
prédécesseurs, les droits sur le anal de
Sous le gouvernement provisoire, alors que les pouvoirs
avaient été remis au congrès national, et qu’il ne restait plus investi que du
pouvoir exécutif, les droits sur le canal d’Antoing furent diminués de moitié
par un simple arrêté du gouvernement : c’était au mois de janvier 1831,
alors que le congrès siégeait.
Je crois donc que le ministère, se rapportant à ces
antécédents, aurait pu à certain point abaisser les droits ; il l’eût fait
alors dans la plénitude de ses pouvoirs ; il ne faut pas venir nous
demander de lui imposer des limites ; il eût usé de ses pouvoirs devant
l’intérêt général du pays et suivant l’intérêt spécial que cette diminution de
droits avait pour but de favoriser.
Mais enfin il n’a pas procédé ainsi, il a eu recours à
l’intervention de la législature. La section centrale allant plus loin que le
gouvernement n’a demandé, propose de lui accorder l’autorisation de diminuer,
non pas dans une certaine limite, mais de la manière qu’il jugera la plus
profitable, les droits établis sur un de nos canaux.
On a cru voir jusqu’ici dans l’autorisation générale
proposée par la section centrale, une espèce d’invitation au gouvernement
d’abaisser les péages au-delà de la moitié du droit actuel, voire même de
supprimer entièrement le droit.
Messieurs, ce
n’est pas ainsi que j’interprète l’autorisation générale proposée par la
section centrale ; j’y vois une faculté illimitée, il est vrai, dans les
termes ; mais cette faculté est limitée par le bon sens, limitée par
l’appréciation saine des choses, limitée par les intérêts que le gouvernement a
mission de défendre.
Ainsi, si la proposition de la section centrale était
adoptée, j’en tirerais, pour ma part, cette conséquence que je puis bien, dans
les négociations à intervenir, dépasser la limite primitivement demandée ;
mais j’en inférerais aussi que je dois faire tous mes efforts, s’il était
nécessaire, pour rester en deçà de cette limite ; et il est très possible
que les négociations amènent le gouvernement à ne pas franchir la limite
qu’ l avait d’abord demandée.
Si, au contraire, vous maintenez cette limite dans la
loi, que va-t-il arriver ? C’est que ceux avec lesquels nous avons mission
de négocier se reporteront immédiatement à cette limite, en nous disant :
Vous avez pouvoir jusque-là, vous irez jusque-là, ou nous ne traiterons pas. A
ce point de vue, cette limite serait donc pour les négociateurs un inconvénient
et même un danger.
Je crois, messieurs, qu’en autorisant le gouvernement
à négocier, il serait utile de lui laisser la plus grande latitude possible. Il
y a diverses circonstances, d’une application assez délicate, à prendre en
considération dans cette affaire. Il ne s’agit pas seulement pour le
gouvernement belge, de traiter avec les concessionnaires français ; le
canal de
Le canal de
Je dis qu’à cause de ces différentes appréciations, il
serait intéressant de laisser au gouvernement la plus grande latitude dans le
mode d’arriver à la réduction des droits.
L’on dit, messieurs, que l’on ne veut pas empêcher,
entraver les négociations que le gouvernement sera dans le cas d’entreprendre,
que si, plus tard, on rencontre des embarras, on viendra proposer à la chambre
une nouvelle loi, pour obtenir une nouvelle diminution. Je crois que la chambre
a déjà trop de lois à discuter, qu’un trop grand nombre de lois se trouvent
arriérées pour que la chambre ne désire pas qu’inutilement on vienne la saisir
de nouvelles propositions.
Si la chambre croit que le gouvernement peut sans
inconvénient avoir la faculté de réduire le péage de moitié, elle peut
également lui laisser la même latitude pour une réduction des deux tiers, en
supposant que la chose fût utile aux divers intérêts qu’il s’agit de concilier.
Arrivé à cette réduction, il s’agit d’une proportion
tellement minime qu’on peut dire avec raison que la chambre ne devrait pas s’en
occuper.
Quoi qu’il en soit, quelle que soit l’étendue de la
limite que la chambre veuille donner au gouvernement, elle peut être assurée
qu’il en sera usé avec la prudence et la réserve nécessaires.
Il y a, outre
la réduction équivalente proportionnelle à obtenir des concessionnaires
français, une autre précaution à prendre. Je n’hésite pas à dire qu’il ne
suffirait pas que les concessionnaires français consentissent à une réduction
en rapport avec la nôtre ; il faudra avoir, en outre, l’assurance que la
navigation des canaux français ne laisse rien à désirer. Sous ce rapport, le
gouvernement aura à s’entourer de toutes les lumières nécessaires. Si la
chambre croit devoir s’arrêter à la proposition faite par mon prédécesseur, je
ne crois pas devoir me montrer plus exigeant que lui. Cependant, je crois avoir
démontré qu’il serait, sinon nécessaire, au moins utile, d’ajouter à cette
latitude. Je renouvelle la promesse que si cette extension était donnée à la
loi, je ferai tous mes efforts pour en user conformément aux intérêts divers
qu’il s’agit de défendre.
Puisque j’ai la parole, je répondrai aux honorables
députés des Flandres qui ont fait ressortir l’utilité qu’il y aurait à établir
dans certaine localité le système de petite canalisation.
Je crois, en effet, sans être parfaitement au courant
des besoins de cette localité, qu’il y a beaucoup à faire en Belgique, sous le
rapport de la canalisation, et surtout de la petite canalisation, que
j’appellerai la petite voirie fluviale. En Angleterre, une des grandes causes
de la prospérité industrielle et agricole, réside dans les canaux à petites
sections, construits à peu de frais et dont les péages sont modérés. On sait
que pour les matières pondéreuses, pour le charbon, par exemple, toute la
question du prix se résume souvent dans les frais de transport. Nous avons
encore beaucoup de localités inaccessibles à nos charbons et aux matières
pondéreuses en général.
C’est ainsi que
Je me réserve de porter l’attention de mon
administration sur les observations qui ont été faites et d’en tirer parti, non
seulement pour la localité indiquée, mais pour toutes celles où le même besoin
se ferait sentir.
M. Demonceau – Lorsque j’ai demandé la parole, c’était pour répondre un mot
à l’honorable M. Dolez, qui croyait que je lui avais fait un reproche de ne pas
avoir défendu les intérêts de sa province. Je crois n’avoir pas fait de
reproche à qui que ce soit. J’ai dit que la chambre de commerce de Mons,
représentant naturel de cette localité, était contraire à la réduction. La
conduite des députés de Mons prouve qu’ils sont d’un avis contraire à celui de
la chambre de commerce ; je n’en fais de reproche à personne.
M.
Dolez – Je n’ai pas dit cela.
M. Demonceau – Je crois avoir prouvé que si parfois j’ai défendu les
intérêts de ma localité, ce qui est bien naturel et ce qui est arrivé souvent à
l’honorable M. Dolez, c’est que je croyais que j’étais plus à même que qui que
ce fût de donner des renseignements sur cette localité. Mais quand il s’est agi
de l’intérêt général, on m’a toujours vu voter avec tous ceux qui veulent faire
prévaloir l’intérêt général ; j’en appelle à tous mes collègues.
M. de Brouckere, rapporteur – L’honorable ministre des travaux publics a parfaitement
traité la question. Après lui, il me reste peu de choses à dire. Cependant, en
qualité de rapporteur, je demanderai à la chambre la permission de répondre aux
arguments qu’on a fait valoir contre le projet de la section centrale. (Parlez ! parlez !)
J’ai annoncé que M. le ministre des travaux publics
n’avait eu aucun motif réel pour limiter le droit de réduction du tarif, et
qu’il ne l’avait fait que par condescendance. Un de mes anciens collègues l’a
contesté. Mais j’en trouve la preuve dans le passage suivant du rapport qui
accompagne le projet de loi :
« La nécessité d’une réduction étant reconnue, tout ce
que l’on peut faire, c’est d’accorder au gouvernement des pouvoirs généraux.
« On peut insérer dans la loi comme garantie un
maximum qui ne pourra être dépassé dans nouvelle autorisation. »
Vous voyez donc que l’opinion du ministre était qu’il
fallait accorder des pouvoirs généraux, et que, s’il a consenti à des pouvoirs
limités, c’a été par condescendance. J’ai donc eu raison dans mon allégation,
qui du reste est confirmée par le bon sens.
Je ne crains pas de dire que si vous posez des limites
au gouvernement, vous diminuez la responsabilité du ministre, qui fera de prime
abord la réduction de moitié, tandis que si vous ne lui imposez pas de limites,
la responsabilité pèsera toute entière sur lui.
On est venu, pour la seconde fois, présenter des
chiffres de nature à faire impression. La proposition du gouvernement suffit,
dit-on ; car il demande le pouvoir de réduire le tarif d’une somme telle
que le droit ne sera plus que de 37 ½ p.c. de ce qu’il était primitivement.
Mais si quelqu’un venait demander à la chambre pour le gouvernement une espèce
d’obligation de réduire uniformément les péages sur
Est-il donc question d’une réduction uniforme de 62 et
½ pour cent sur les péages de
Mais, dit-on, si vous avez, indépendamment des droits dont
nous nous occupons, d’autres tarifs dont vous laissez la fixation au
gouvernement, vous ne la lui accordez qu’annuellement. A cela, je répondrai
que, s’il y avait possibilité de rendre cette loi annuelle sans léser les
intérêts du trésor, je n’hésiterais pas à le proposer, tant je suis convaincu
qu’une diminution serait avantageuse au trésor. Qu’on propose de rendre la loi
temporaire, je ne m’y opposerais pas. On ne peut pas adopter le terme d’une
année, car on ne trouverait pas de concessionnaire pour un terme aussi
court ; mais qu’on fixe le terme à cinq ou six ans, et je suis prêt à me
rallier à cette proposition, tant je suis assuré que, dans cinq ou six ans, on
aura à nous rendre un compte très favorable de la réduction qu’il aura opérée.
J’ai dit,
lorsque j’ai parlé la première fois, que peut-être la chambre reconnaîtrait un
jour la convenance d’accorder au gouvernement le droit de régler les tarifs sur
tous les canaux, sur toutes les rivières navigables. M. de Theux s’est emparé
de cette assertion pour chercher à vous effrayer. Il vous a dit : Si vous
accordez un tel droit au gouvernement, les revenus de l’Etat diminueront, il y
aura déficit, et autres paroles non moins rassurantes. Dans cette occasion
comme en bien d’autres, M. de Theux s’est trouvé en désaccord avec M. Nothomb,
avec qui j’ai l’avantage d’être parfaitement d’accord.
Dans son mémoire, M. Nothomb, après avoir dit qu’il
convient d’accorder au gouvernement, relativement à la chambre, des pouvoirs
généraux, ajoute :
« Il est peut-être à regretter que le
gouvernement ne trouve point déjà cette autorisation dans les lois
existantes », et en note : « l’Etat ayant repris
l’administration des fleuves et des rivières, la nécessité d’une loi sur la
navigation intérieure ne tardera pas à se faire sentir ; cette loi
déterminerait, entre autres, les droits du gouvernement, par rapport au tarif,
à la police de l’entretien, ainsi que ses relations avec les riverains. »
Vous voyez que l’honorable M. Nothomb lui-même, a
reconnu la nécessité, qui sera sans doute reconnue par la chambre, de modifier
le tarif sur les canaux et les rivières navigables.
Je terminerai par une dernière réflexion, c’est que le
projet de la section centrale a été voté à l’unanimité par tous les membres
présents, qui tous ont reconnu qu’il y aurait imprudence, qu’il y aurait danger
à limiter le droit que nous voulons accorder au gouvernement.
M. Eloy de Burdinne – Un honorable préopinant vous a dit qu’il verrait avec
plaisir la réduction des péages sur les routes, canaux et rivières. Je partage
complètement son opinion et j’ajouterai que je verrais également avec beaucoup
de plaisir réduire l’impôt des patentes, les impôts sur le sel et la bière et
généralement tous les impôts ; mais vous jugerez comme moi que pour
administrer, pour gouverner, pour construire, il faut de l’argent. Je sais que
jusqu’à présent nous n’en avons pas manqué. Les capitalistes ont toute
confiance dans
On vous a dit que la question de réduction des péages
sur
En vérité de réductions en réductions, je ne sais où
nous marchons.
Un honorable préopinant vous a dit aussi qu’en
réduisant les péages sur
Au surplus, on vous a déjà dit que la réduction sur
les impôts produirait un revenu non pas égal, mais plus considérable. Nous en
avons eu un exemple dans la réduction du droit d’accises sur les eaux-de-vie
indigènes. Alors on vous a dit que le revenu de cette branche d’impôt serait
doublé, qu’elle produirait 5, 6, 7 millions et en définitive, qu’a-t-elle
produit ? Un million. Je prétends que votre réduction de péages sur
D’ailleurs, je crois qu’en autorisant le gouvernement
à réduire le péage jusqu’à la moitié, il en fera l’essai et qu’ensuite, comme
l’a fort bien dit un honorable préopinant s’i y a lieu de faire une réduction,
il pourra en faire la proposition à la chambre. Je crois du reste qu’il s’en
gardera bien, parce que cet essai suffira pour lui prouver que la mesure est mauvaise.
Je le répète, nous cherchons constamment à dépense
notre argent à faire de nouvelles entreprises et nous voulons réduire nos
impôts. Mais il faut que le gouvernement puisse marcher ; avant tout, il
faut qu’il ait les moyens de pourvoir aux charges de l’Etat. Nous devons donc
nous borner aux dépenses strictement nécessaires. Ce n’est pas par des impôts
et des emprunts que nous ferons le bien-être du pays.
M. d’Huart – En règle générale, il est incontestablement dans l’intérêt du
pays de livrer à l’étranger la plus grande quantité possible de nos
produits ; cependant, il est essentiel que ces exportations s’opèrent sans
nuire au trésor de l’Etat qui, dans les circonstances actuelles, et en tout
temps, a besoin de toutes ses ressources. Il importe, enfin, que les facultés
d’écoulement données spécialement à certaine contrée, ne portent pas détriment
à telle ou telle autre contrée. Il convient donc de poser dans la loi le
principe de dispositions, qui soient de nature à faire nécessairement pondérer
ces différents intérêts dans l’exécution ; or, messieurs, je crois qu’il
ne serait pas impossible d’y parvenir, et c’est dans ce but que je vous
présenterai la rédaction suivante, en remplacement de celles dont vous êtes
saisis :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à
réduire le tarif de
« Il stipulera du reste les conditions qu’il
jugera les plus utiles au trésor de l’Etat et à l’industrie du pays en
général. »
Cette rédaction aurait l’avantage de garantir que
Je ne vois d’ailleurs aucune espèce d’embarras pour le
gouvernement dans une telle stipulation, qui rentre, j’en suis persuadé, dans
ses intentions, car il ne peut désirer que le trésor belge supporte seul la
réduction du tarif, réduction qui serait au surplus insuffisante si elle ne
s’étendait pas simultanément en France.
Un second avantage de cette rédaction, c’est de rendre
explicitement le ministère responsable quant aux exigences légitimes du trésor
et de l’industrie en général. En parlant spécialement de ces deux grands
intérêts dans la loi, l’attention du gouvernement restera avant tout fixée sur
eux, et ainsi découlera nécessairement pour lui l’obligation de veiller, par
exemple, à ce que la houille du bassin de Mons puisse continuer à s’exporter,
et ce, dans des conditions en quelque sorte parallèles avec l’exportation de la
houille du bassin de Charleroy.
Voici comment je comprends l’opération que le
gouvernement sera chargé d’amener à bonne fin : que vous adoptiez l’un ou
l’autre projet ; le résultat doit être, selon moi, celui-ci : la
perception la plus forte de droits de navigation combinée avec l’exportation la
plus considérable de produits des deux bassins houillers du Hainaut ;
telle est, à mes yeux, l’équation à poser ; renfermée dans ces termes, je
suis convaincu que la solution en sera favorable à la fois à la somme des
revenus du trésor et aux intérêts généraux de l’industrie houillère.
Ma proposition est conforme à celle de la section
centrale en ce sens que je n’indique pas de maximum de réduction ; il m’a
paru que la limite du projet primitif renferme des inconvénients signalés par
d’honorables préopinants et surtout par M. le ministre des travaux publics.
En déterminant que la réduction pourra être de la moitié
du droit actuel de navigation, on donne à ceux qui demanderont l’abaissement du
tarif, en quelque sorte, le droit de le réclamer tout d’abord de moitié ;
cependant il n’est pas démontré qu’il puisse descendre jusque-là et d’un autre
côté, il pourrait être conforme aux intérêts bien entendus du trésor de
descendre même jusqu’au tiers ou au quart.
Il est donc indispensable de laisser à cet égard au
gouvernement la plus grande latitude. Si vous admettez ma proposition, il en
ressortira suffisamment, ainsi que de la discussion, qu’il ne s’agit point de
restreindre les revenus de l’Etat, et que la législature a entendu que
l’abaissement du tarif, favorable directement à une localité, doit être
organisé de manière à ne blesser nullement les intérêts de la généralité.
M. de Theux – Je ne sais si l’amendement
obtient l’assentiment du ministère et de la section centrale ; mais je
ferai remarquer que cet amendement donne les garanties que nous avons réclamées
lorsque nous avons appuyé le projet primitif du gouvernement. Je suis convaincu
que si cet amendement était adopté, il ne pourrait en résulter aucun préjudice
pour le trésor.
On s’est demandé si une loi était nécessaire pour
autoriser le gouvernement à réduire les péages, et l’on a invoqué quelques
précédents à l’appui de l’opinion contraire, notamment l’arrêté du 13 octobre
1832 que j’ai proposé au Roi. Mais l’on a perdu de vue que cet arrêt était
motivé sur ce qu’à cette époque les travaux de
Cet arrêté n’a pas posé un antécédent. Il est vrai que
d’autres arrêtés antérieurs ont posé le précédent. Mais en présence des
dispositions de la loi du budget, je ne crois pas que le gouvernement puisse
réduire spontanément les droits existants sur les canaux et sur les rivières.
En effet, les canaux sont une propriété de même nature que celle des routes de
l’Etat ; or, de même qu’il a fallu une loi pour établir le droit de
barrière et qu’aujourd’hui on ne pourrait y déroger par un simple arrêté, les
tarifs sur les canaux ne peuvent être modifiés que par une loi, ou en vertu d’une
loi.
L’on a objecté contre le projet présenté par mes
honorables collègues, qu’en limitant la réduction à la moitié, l’on conviait en
quelque sorte les actionnaires de
On a dit que l’on procéderait avec la prudence
nécessaire : je n’en doute pas ; mais remarquez que c’est un
précédent que l’on pose ; et déjà plusieurs orateurs ont fait observer
qu’il pourrait en résulter des conséquences très préjudiciables au trésor. Une
fois les tarifs des canaux réduits, il est très difficile de les augmenter,
parce que des intérêts s’établissent sous l’empire de cet abaissement des
tarifs.
Il faut donc, messieurs, procéder avec beaucoup de
réserve à l’abaissement des péages.
L’on a dit que
l’honorable M. Nothomb était partisan d’une autorisation illimitée : il est
évident que non, puisque le projet présenté par lui contient une limite ;
et quant aux expressions dont il s’est servi, concernant les canaux en général,
il a seulement indiqué l’utilité qu’il pourrait y avoir d’accorder au
gouvernement une certaine latitude dans une loi de principe ; mais il
n’est pas entré dans sa pensée de demander des pouvoirs illimités.
Si des réductions sont nécessaires à l’égard d’autres
canaux, je ne m’y opposerai pas ; mais avant de les consentir, je
demanderai qu’un rapport sur chaque canal soit présenté, et que la nécessité de
semblables réductions y soit bien constatée. La chambre pourrait dans ce cas
accorder la même autorisation spéciale qu’elle est dans l’intention d’accorder
aujourd’hui pour
Je dis donc, pour me résumer, que si la chambre est
déterminée à adopter l’amendement de M. d’Huart, elle y trouvera une garantie
suffisante ; que si cet amendement n’est pas adopté, je voterai pour le
projet du gouvernement.
M. le général Willmar – Il me semble que l’amendement laisse subsister le doute sur
la préférence qu’il faut donner au projet du gouvernement ou au projet de la
section centrale. Ce que je trouve de très bien dans cet amendement, c’est la
simultanéité qu’il établit entre les réductions qui pourront être opérées sur
Quant à l’idée d’établir une réduction successivement,
je pense que cette succession devrait être rapide, car il y a véritablement un
changement à apporter à ce qui existe.
Je voterai pour le projet primitif du gouvernement.
Mon motif principal est qu’en l’absence du véritable auteur de ce projet, je
dois admettre qu’il a eu des raisons suffisantes pour croire que la limite
qu’il a assignée, serait propre à lui faire atteindre le but qu’il se
proposait.
Cependant il me reste des doutes à cet égard. Le
travail intéressant de M. Nothomb ne me paraît pas avoir démontré que la
réduction à la moitié suffirait pour rendre praticable la voie de navigation
dont il s’agit ; d’un autre côté je n’ai pas trouvé dans le rapport de la
section centrale la démonstration du contraire ; et dans cette espèce de
doute je crois devoir persister dans ma détermination et voter dans le sens du
projet primitif.
Je crois cependant devoir rappeler l’attention de la
chambre sur le véritable objet du projet de loi, une ligne tout entière de
navigation a été ouverte et du moment qu’on a connu même le projet d’ouvrir
cette voie, un développement considérable a été donné à l’exploitation du
bassin houiller de Charleroy.
Je fais cette
observation pour répondre à ce que vient de dire un honorable préopinant, que
le bassin houiller de Charleroy n’éprouve point d’embarras à placer ses
produits. Il y a embarras réel, parce que dans l’état actuel des choses, la
nouvelle ligne de navigation n’est pas praticable. Je dis qu’elle n’est pas
praticable parce qu’il coûte beaucoup trop cher d’envoyer les houilles du
bassin de Charleroy à Paris, à cause des droits élevés qui existent sur toute
cette ligne de navigation. Il s’agit donc de savoir dans quelle limite les
droits devront être abaissés pour que le canal soit rendu praticable sans que
l’on porte un trop grand préjudice aux intérêts du bassin de Mons d’une part et
aux intérêts du trésor d’autre part.
Quant au premier objet, j’ai déjà dit que je ne
trouvais pas qu’il fût démontré par le rapport de l’honorable M. Nothomb, qu’en
baissant le droit de moitié, on rendrait le but de cette ligne de navigation,
le marché de Paris, accessible aux produits du bassin de Charleroy, il est
évident que l’on ne portera aucune espèce de préjudice au bassin de Mons ;
mais alors aussi, l’on ne procurerait aucun avantage à Charleroy. Je ne conçois
pas, du reste, que l’on puisse ouvrir le marché de Paris au bassin houiller de
Charleroy sans porter un préjudice quelconque au bassin de Mons ; mais le
préjudice qu’éprouverait celui-ci ne serait jamais proportionné au bénéfice que
l’on procurerait au bassin de Charleroy, voici pourquoi :
On a déjà dit que les produits du bassin de Charleroy
sont d’une nature différence que ceux du bassin de Mons ; d’après cela on
devrait croire que les houilles de Charleroy pourraient arriver sur les marchés
français, sans porter préjudice aux houilles de Mons, mais il y a ici quelque
chose à remarquer. Les houilles du bassin de Mons sont d’une qualité
particulière, cela est bien connu mais elles servent aussi à des usages
auxquels elles ne sont pas tout à fait propres, et cela en rend l’emploi plus
cher et moins utile. Si maintenant on faisait arriver au marché de Paris les
houilles de Charleroy, qui sont particulièrement propres à une destination à
laquelle les houilles de Mons ne conviennent que d’une manière imparfaite, il
est évident que les houilles de Mons seraient abandonnées pour ces objets, mais
d’un autre côté l’emploi des houilles de Charleroy aurait lieu en plus grandes
quantités, parce que l’industrie qui n’en use maintenant que dans une mesure
très limitée, à cause de leur emploi onéreux, en ferait alors une plus grande
consommation.
D’ailleurs, messieurs, la ligne de navigation entre
Charleroy et Paris, parcourt un pays assez considérable où il ne s’emploie pas
de houilles de Mons ; sous ce rapport donc l’abaissement du droit
favoriserait encore les houilles de Charleroy sans porter un préjudice
proportionné à celle de Mons.
Voyons maintenant si l’abaissement du tarif ne
coûterait pas un préjudice trop grand au trésor public. Remarquez, messieurs,
que la proposition de diminution les droits est général, tandis qu’il n’est pas
bien démontré qu’il soit nécessaire d’opérer une réduction générale. Il s’agit
de rendre accessible la ligne de navigation de Charleroy à Paris ; eh
bien, dans l’état actuel des choses, cette navigation n’existe en quelque sorte
pas, au moins pour la houille ; on peut donc diminuer le tarif sans nuire
au trésor. Une observation qui a été faite par M. le ministre des travaux
publics, c’est que la diminution du tarif ne doit pas être uniforme, qu’elle ne
doit pas s’appliquer également aux trois parties distinctes dont se compose le
nouveau canal. La partie aujourd’hui véritablement productive est celle de
Charleroy à Namur, et j’avoue que quant à celle-là je ne suis pas bien
convaincu de la nécessité d’une réduction de tarif, surtout d’une réduction
analogue à celle qu’il pourra être convenable de faire pour d’autres parties.
J’appuierai, messieurs, le projet qui a été présenté
par le gouvernement, parce que s’il est reconnu qu’une réduction de moitié
n’est pas suffisante, on pourra présenter un nouveau projet qui donne une plus
grande latitude au gouvernement.
M. de Brouckere – Je crois, messieurs, que la discussion serait arrivée à son
terme si l’honorable M. d’Huart n’avait cru devoir présenter une nouvelle
rédaction. Cette rédaction est proposée dans un but excellent, celui de
répondre à toutes les objections qui ont été faites soit contre le projet du
gouvernement, soit contre celui de la section centrale, mais je crois que le
but que l’honorable M. d’Huart a en vue, ne serait pas atteint par l’adoption
de sa proposition ; je crois que l’adoption de cette proposition aurait un
tout autre résultat : celui de gêner extrêmement le gouvernement dans sa
marche et de nuire aux intérêts que l’honorable membre veut favoriser.
« Le
gouvernement, dit l’honorable M. d’Huart, est autorisé à réduire le tarif de
L’amendement ajoute que les réductions ne pourront
être faites qu’à mesure que des réductions analogues seront opérées en France.
Ce mot « analogues » exige une explication, une sorte de
commentaire : cela signifie-t-il que sur toute la ligne navigable il
faudra opérer des réductions dans la même proportion qu’on le fera ici ?
S’il en était ainsi, il valait mieux ne pas faire de loi, car il y a
certainement des parties de la grande ligne de navigation de Charleroy à Paris,
où il est impossible de faire des réductions aussi fortes que celles qu’il y a
lieu d’opérer sur
Quant à la dernière stipulation de l’amendement de M.
d’Huart, ce n’est qu’une recommandation faite au gouvernement, et qui, selon
moi, n’est pas de nature à trouver place dans une loi ; je crois qu’il suffit
que les orateurs qui ont pris part à la discussion aient fait cette
recommandation dans leurs discours pour que le gouvernement y ait égard ;
je crois, d’ailleurs, que le gouvernement comprend assez ses propres intérêts
pour qu’il soit inutile d’insérer une semblable recommandation dans la loi.
Je ne puis donc pas appuyer la rédaction proposée par
l’honorable M. d’Huart ; et s’il persistait à la soutenir, je crois que la
chambre ferait bien de la renvoyer à la section centrale, pour être l’objet
d’un nouveau rapport.
Je crois, messieurs, que la rédaction suivante serait
plus propre que celle de l’honorable membre à atteindre le but qu’il se
propose :
« Le
gouvernement est autorisé à réduire le tarif de
Cela rend toutes les idées de l’honorable M. d’Huart,
et cela répond à toutes les réclamations qui ont été élevées dans la
chambre ; cependant cette réduction ne lierait pas le gouvernement au
point de le gêner dans sa marche.
Toutefois, je dois m’empresser de déclarer que je ne
propose cette rédaction que comme subsidiaire, comme destinée à remplacer celle
de l’honorable M. d’Huart ; mais je donne la préférence à la proposition
de la section centrale, qui, comme je m’en suis expliqué, ne donne lieu à aucun
inconvénient, et qui répond mieux aux intérêts de l'industrie et du trésor.
En résumé, messieurs, si l’honorable M. d’Huart
persiste, je demande le renvoi à la section centrale.
M. d’Huart – Je ne tiens pas beaucoup,
messieurs, à ce que telle ou telle rédaction soit adoptée par la chambre ;
mon seul but c’est que la loi soit aussi bonne que possible ; toutefois,
d’après les observations qui ont été présentées de plusieurs côtés, je persiste
à penser qu’il importe de retrancher un peu du trop grand vague que présente le
projet de la section centrale.
L’honorable préopinant n’a, en définitive, attaqué que
deux parties peu essentielles de mon amendement : ce sont les mots
« successivement » et « analogues » ; quant au premier
point, je ne tiens pas à ce que la réduction se fasse successivement ; je
suis même disposé à croire, d’après les observations que vient de présenter
l’honorable M. Willmar, qu’il est convenable que le mot
« successivement » soit retranché, puisque le droit pourrait en effet
devoir être réduit tout d’un coup, de manière à ce que l’exportation sur Paris,
qui n’est pas praticable aujourd’hui, puisse avoir lieu, bien entendu sans
nuire au bassin houiller de Mons, ni à l’industrie en général.
Quant au mot « analogues », je n’ai pas du
tout voulu y donner la signification qu’y attache l’honorable M. de Brouckere,
car si j’avais eu cette intention je me serais servi de l’expression
« proportionnelles » ; j’ai voulu laisser le gouvernement juge
de la quotité de la réduction à exiger des concessionnaires français.
Je crois, messieurs, que, sauf examen ultérieur, la
rédaction que j’ai proposée a un but utile, puisqu’elle donne au gouvernement
une arme certaine, pour obtenir des réductions simultanées en France et qu’elle
offre des garanties au trésor et à l’industrie.
Par ces motifs, je crois ne pas devoir retirer ma
proposition. Comme l’heure de la séance est déjà très avancée, peut-être la
chambre jugera-t-elle convenable de faire imprimer l’amendement et de le
renvoyer même à l’examen de la section centrale.
M. le président – La parole est à M. Dubus
aîné, pour une motion d’ordre.
M.
Dubus (aîné) – Messieurs, ma motion
d’ordre est précisément relative à la proposition de l’honorable M.
d’Huart ; cet amendement ayant été présenté vers la fin de la séance, nous
devons avoir le temps d’y réfléchir jusqu’à demain. Mais il ne me paraît pas
nécessaire de le renvoyer à la section centrale, il a été développé, et ces
développements nous mettent à même de nous prononcer dans la séance de demain.
Je demande donc la remise à demain de la discussion.
M. de Brouckere, rapporteur – Je me rallie à la
proposition de l'honorable M. Dubus ; et je demanderai que le bureau fasse
imprimer l’amendement présenté par l’honorable M. d’Huart, et à la suite de cet
amendement, la rédaction que j’ai proposée subsidiairement.
M. le président – M. de Foere qui a assisté à la séance, demande que sa
proposition soit mise à l’ordre du jour de demain, après le vote du projet de
loi dont la chambre est occupée dans cette séance… S’il n’y a pas d’opposition
la proposition sera mise à l’ordre du jour de demain.
- La séance est levée à 4 heures et demie.