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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 février 1840
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre (notamment pétition relative aux inondations de
l’Escaut (Doignon), à la concession de la route de
Ligny à Dencé (de Garcia))
2)
Projet de loi sur la refonde des anciennes monnaies provinciales et autres.
Discussion générale (de Foere, Pirmez,
d’Huart, de Foere, Cogels, Duvivier, Pirmez, de Foere). Discussion des
articles : délai des retraits des anciennes monnaies et utilité d’une
monnaie de bas aloi (article 1) (Cogels, Devaux, Desmaisières, Devaux, Hye-Hoys, Pirmez,
Dumortier, Desmaisières,
Dubus (aîné), Dumont, Desmaisières, Pirmez, Dumortier, Cogels, Dumortier, Pirmez, Demonceau, Desmaisières, d’Huart, Pirmez, Desmaisières, d’Huart) ;
démonétisation des pièces hollandaises (article 2 nouveau) (d’Huart,
Desmaisières, Demonceau,
Dubus (aîné), Pirmez, d’Huart, Desmet, Desmaisières, d’Huart, Coghen, de Brouckere, Desmaisières, de Mérode, Meeus, Coghen, d’Huart,
Desmaisières) ; crédit nécessaire (Desmaisières, d’Huart, Demonceau, Delehaye)
(Moniteur belge
n°37 du 6 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M. Mast de Vries procède à l’appel nominal à
une heure.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La
rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M. Mast de Vries donne communication des
pièces adressées à la chambre :
« Les propriétaires et fermiers du polder Lillo
demandent que la chambre s’occupe de la loi relative aux indemnités. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet
sur la matière.
« Des notables et cultivateurs de la commune de
Ruyen demandent que le droit sur le lin soit augmenté à la sortie. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande
d’un prompt rapport.
_____________________
« Les habitants de la commune d’Heule (Flandre
occidentale) demandent une augmentation du droit sur le lin à la sortie. »
- Renvoi à la commission avec demande d’un prompt
rapport.
______________________
« Le sieur E. Vanmigem, instituteur, demande que
la chambre s’occupe de la discussion de la loi sur l’instruction primaire et
moyenne. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi sur la matière.
_____________________
« Le conseil communal
de Laplaigne (Hainaut) se plaint des dommages considérables causés au village
par les inondations de l’Escaut. »
M.
Doignon – Messieurs, je demande que
cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un
prompt rapport. L’administration de l’Escaut est aujourd’hui dans les
attributions du gouvernement, et c’est à lui qu’il incombe de pourvoir aux
moyens de remédier aux inondations dont le conseil communal de Laplaigne se
plaint. Ce village est, à l’heure qu’il est, en grande partie sous les eaux. Il
est donc de tout urgence de prendre des mesures pour prévenir les ravages du
fleuve. Je demande donc que la commission fasse un prompt rapport.
- Cette proposition est acceptée.
______________________
« Le conseil communal
d’Auvelais demande le prompt achèvement de la route de Ligny à Dencé. »
M. de Garcia – Je demande que cette
pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics, avec invitation de
donner des explications à la chambre sur cette requête.
Voici le motif de ma proposition :
Dans le pays d’Entre-Sambre-et-Meuse, la construction
de certaines routes est adjugée par voie de concession ; ces routes
devraient être achevées depuis longtemps, mais les adjudicataires n’ont pas
rempli les conditions du cahier des charges ; il en résulte que dans cette
partie de la province de Namur il n’y a des routes ébauchées qui empêchent la
circulation sur les chemins vicinaux.
M. le président – Je ferai observer à M. de Garcia que le règlement s’oppose à
ce qu’une pétition soit renvoyée directement à un ministre, à moins d’avoir
passé par la filière de la commission.
M. de Garcia– S’il en est ainsi, je
demande que la pétition soit renvoyée à la commission, avec invitation de faire
un prompt rapport ; je viens de justifier cette proposition. Une population
entière se trouve privée de communication. La ville de Frosse est, par suite de
l’ébauchement de ces routes, dans une sorte de blocus.
- La proposition de M. de Garcia est adoptée.
Discussion
générale
M.
de Foere – Messieurs, la section
centrale laisse en blanc les principales questions qui se rattachent au projet
de loi.
D’abord, elle n’a pas décidé, dit-elle, s’il
était vrai, ainsi que le prétend la deuxième section, que la rareté du
numéraire se fît vivement sentir en Belgique. Elle n’a pas décidé non plus si,
en achetant
Voilà deux questions que la section centrale ne décide
pas. Ce sont cependant deux points qui dominent le projet sous le rapport de
son exécution la plus favorable. En effet, si on convertit les anciennes
monnaies en lingot, il importe de savoir ce qu’on fera de ces lingots.
La section centrale ne décide pas si le besoin de
numéraire se fait sentir en Belgique. Pour vérifier ce fait, il ne fallait pas
qu’elle se livrât à des recherches de statistiques pénibles sur la question de
savoir quelle est à l’intérieur du pays, dans les transactions journalières de toute nature, la somme de l’un moyen des échanges
et, de l’autre, la somme de l'autre moyen des échanges qui est l’argent,
question d’autant plus pénible à résoudre que la présence ou l’absence du
crédit public et en particulier, avec toutes les fluctuations qu’il subit et
auxquelles il est à chaque instant exposé, doit exercer une grande influence
sur sa résolution. Mais sans se livrer à des recherches laborieuses et souvent
inutiles, il existe des symptômes auxquels la section centrale pouvait reconnaître
la rareté ou l’abondance de l’argent.
Avant d’énumérer ces symptômes de rareté numéraire, il
est nécessaire de distinguer entre l’argent qui prend la direction des biens
territoriaux et celui qui se jette dans le commerce, dans l’industrie, dans les
fonds publics et dans les autres transactions journalières. L’argent que les
valeurs territoriales absorbent est en dehors du crédit commercial et
industriel. Plus le numéraire du pays prend cette direction, plus aussi le
crédit commercial et industriel est affaibli. Or, personne ne peut nier
aujourd’hui que l’argent se jette en masse sur les biens fonds, attendu que
leur valeur est, depuis longtemps, très élevée et qu’ils ne donnent qu’un
intérêt de 2 ou de 2 ½ p.c. La raison en est simple, c’est que le crédit
commercial et industriel a reçu de graves atteintes et que les capitalistes
cherchent à donner à leurs capitaux un placement sûr, quoique désavantageux
quant aux intérêts.
C’est cette distinction, messieurs, que, dans une
séance précédente, l’honorable ministre de l’intérieur a perdu de vue,
lorsqu’il a voulu prouver l’abondance du numéraire qui existe dans le pays sous
le rapport commercial, car c’était sous ce seul rapport que la question de
l’abondance ou de la rareté du numéraire avait été soulevée. Il a donc pris
pour un symptôme d’abondance du numéraire ce qui est, au contraire, un symptôme
de sa rareté, car il est évident que, plus une marchandise, comme les terres,
est chère, plus le cercle des capitaux et des acheteurs qui se jettent sur
cette marchandise est agrandi, et plus, par conséquent, le cercle des capitaux
confiés au commerce et à l’industrie s’est rétréci.
La première cause de la rareté de l’argent et de
l’affaiblissement du crédit commercial est dans le fait que M. le ministre a
allégué pour prouver l’abondance du numéraire commercial.
Le deuxième symptôme est dans la suspension de la
banque de Belgique, qui a eu pour résultat aussi déplorable qu’infaillible
l’affaiblissement du crédit commercial et industriel ; résultat qui, de
longtemps, ne sera pas effacé. Il s’en est suivi que les bourses des
capitalistes se sont serrées, pour ne les ouvrir qu’en présence de placements
sûrs.
Le troisième symptôme sûr, c’est la défaveur que
présente continuellement notre balance commerce extérieure. Je persiste à
soutenir que la différence ne peut être payée à l’étranger qu’en numéraire. Il
est des adversaires, et notamment l’honorable rapporteur du projet, qui
conteste cette assertion que j’ai fondée sur des faits. Mais, en la contestant,
il ne nous indique aucun autre moyen, par lequel nous soldons cette différence.
Je désirerais connaître cet autre moyen ; alors une discussion régulière
pourrait s’établir sur cette question, si toutefois, c’en est une. L’honorable
rapporteur va même jusqu’à dire que le numéraire ne peut pas sortir du
pays ; mais c’est encore une assertion gratuite. Et quand, messieurs,
l’honorable M. Pirmez a-t-il lancé cette opinion dans nos discussions ?
C’était en présence des faits qui, coup sur coup, se déroulent aux Etats-Unis
devant les yeux du monde commercial tout entier. La rareté du numéraire aux
Etats-Unis est produite par la seule cause que les opérations commerciales ont
été conduites de façon à présenter une défaveur dans le commerce international.
La balance a été rompue ; il a fallu faire face, au moyen du numéraire,
aux avances que les banques d’Angleterre avaient faites à l’Amérique du Nord.
Ces banques, et notamment la grande banque de Londres, a ressenti le contrecoup
au point qu’il lui a fallu emprunter à la banque de France. Au surplus, le
dernier message du président des Etats-Unis a dû dissiper radicalement toutes
les hésitations qui pouvaient encre exister sur ce point.
Ne pensez pas que je veuille établir que la balance
commerciale du pays sera toujours aussi considérablement en sa défaveur qu’elle
les depuis … ans. Non, messieurs, la différence diminuera même malgré vous et
aux dépens de votre aisance et de votre prospérité industrielle et commerciale.
Voici comment vous serez amenés forcément à une espèce d’équilibre de votre
balance commerciale. Les importations diminueront en raison des obstacles que
rencontrent vos exportations ; l’industrie perdra de son activité dans la
même proportion, et vous importations chercheront le niveau de vos
exportations. Déjà les importations commencent à chercher cet équilibre, car il
est entré dans le port d’Anvers, l’année passée, plus de 300 navires moins que
l’année précédente, preuve évidente que vos importations sont déjà diminuées de
beaucoup et que l’industrie n’a plus demandé au commerce maritime autant
d’éléments de fabricats qu’elle en avait demandé pendant les années
précédentes. Vous ferez tout ce que vous voudrez, jamais vous ne pourrez vous
soustraire à une loi de la nature. Cette loi, c’est celle qui fait chercher à
toutes choses leur niveau. Si vous, pendant quelque temps, vous prétendez,
comme vous le faites maintenant, ne pas vous conformer à cette loi, pendant
tout ce temps, vous tomberez victimes de vos calculs téméraires et, à la
longue, la loi du niveau vous fera exécuter ses volontés impérieuses malgré
vous et en dépit de toutes vos prétentions.
Un quatrième symptôme de rareté du numéraire, c’est
celui qui déjà vous a été indiqué par l’honorable ministre des finances et par son
prédécesseur. Ils ont attaché une grande importance à lever des bons du trésor
à l’étranger, afin de faire arriver du numéraire dans le pays. Je ne concevrais
pas cette importance, si la circulation du numéraire avait été suffisante aux
besoins des transactions journalières. Dans ce dernier cas, et dans mon
opinion, ces deux ministres eussent commis une faute grave.
La section centrale se demande : « Que
faut-il faire de ces lingots ? » Les considérations que je viens
d’avoir l’honneur de présenter à la chambre nous mènent à la réponse que, dans
mon opinion, il faut convertir ces lingots en monnaie courante du pays ?
J’ajouterai même, d’après l’avis de tous les hommes d’Etat, qu’un des plus
grands devoirs qui incombent aux gouvernements de tous les pays est celui de
pourvoir à une circulation suffisante de numéraire. L’argent est l’un des
instruments des échanges qui s’opèrent chaque jour dans les transactions, et si
cet instrument manque, surtout en présence de la restriction du crédit, il en
résulte les plus déplorables perturbations. Il vous reste cependant un moyen en
dehors de ces principes généralement reconnus, c’est celui d’établir un système
de circulation, tel qu’il est établi en Ecosse ; mais alors je vous
demanderai : Quels sont les moyens que vous avez d’établir ce système chez
nous ? Pour ma part, je n’en découvre aucun.
La section centrale ne décide pas non plus, dit-elle,
si, en jetant cette monnaie que les lingots auraient produite, dans la
circulation, on parviendrait à augmenter réellement la masse de la monnaie
circulante en Belgique. « Il existe sur ce point, ajoute-t-elle, des idées
fort divergentes. » Si des idées doivent toujours prévaloir sur des faits
généralement reconnus, alors je comprends que, pour le malheur du pays, nous
resterons toujours plongés dans des doutes extrêmement pernicieux. Mais
remarquez, messieurs, que c’est surtout l’opinion des rapporteurs qui domine
dans les rapports qui nous sont présentés sur de semblables questions. Or,
l’honorable M. Pirmez a plusieurs fois soutenu dans cette enceinte, non
seulement que l’argent ne sort pas du pays, mais qu’il ne peut en sortir. Mais
si le numéraire ne peut sortir du pays, je ne comprends pas pourquoi il doute
que deux millions de numéraire n’augmenteraient pas dans cette proportion la
masse de la monnaie qui circule dans le pays.
Je bornerai là , pour le moment, mes
observations. Je conclus à la conversion des lingots en monnaie du pays, eu
égard aux causes qui, en présence surtout de l’affaiblissement du crédit,
produisent chez nous la rareté du numéraire et qui l’augmenteront encore.
M. Pirmez, rapporteur – Messieurs, l’honorable préopinant dénature le sens des mots
que j’ai pu prononcer dans d’autres circonstances. Quand j’ai dit que le
numéraire ne sortait pas du pays j’ai toujours expliqué que ce n’était pas le
numéraire qui fait la balance commerciale d’un pays. Si l’honorable membre
avait lu attentivement mon rapport, il aurait vu que mon opinion n’est pas
telle qu’il l’a commentée.
Que la chambre me permettre de lire un passage de ce
rapport :
« Toutefois on a fait remarquer, sur cette
importante question, que l’exposé de motifs dit que le directeur de la monnaie
ne pourrait peut-être pas se procurer facilement les
Si l’honorable préopinant avait lu ce passage avec
quelque attention, il aurait vu que je suis loin de dire que le numéraire ne va
jamais à l’étranger, puisque j’expose une des causes pour lesquelles il
pourrait s’y rendre.
Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant sur le prix
des terres, je pense que la grande ou la petite quantité de numéraire n’exerce
aucune influence à cet égard ; mais ce qui influe sur cet objet, ce sont
les richesses, c’est la grande quantité de choses qui se trouvent dans le pays.
Ainsi, par exemple, si vous étiez quatre fois plus riches, et que vous eussiez
beaucoup moins de monnaies, les terres seraient encore plus chères que
maintenant. La valeur des terres doit toujours augmenter avec la civilisation.
Plus on créera les autres richesses avec facilité, plus la valeur des terres
augmentera, parce qu’on ne peut pas créer la terre ; mais on peut créer
avec facilité une infinité d’autres choses.
La monnaie n’influe donc nullement sur le prix des
terres ; ainsi que l’a dit l’honorable préopinant, M. le ministre de
l'intérieur s’est trompé, en avançant, dans une séance précédente, que la
cherté des terres prouvait qu’il y avait beaucoup de numéraire dans le
pays ; mais de ce que l’honorable préopinant a signalé une erreur de la
part du ministre de l’intérieur, il ne s’ensuit pas que lui-même ne se soit pas
trompé à son tour.
M. d’Huart – Messieurs, je pense que,
dans ma position d’ancien ministre des finances, il m’importe de donner à la
chambre quelques explications pour lui faire comprendre comment il se fait que
c’est seulement en 1839 que le projet de loi en discussion a été présenté à la
chambre ; il m’importe surtout de vous démonter qu’à cet égard, il n’y a
pas eu négligence de ma part, et qu’il n’y a pas eu non plus préjudice causé à
l’Etat, par suite d’un délai qui s’est écoulé depuis 1830.
Ce n’a été que dans les derniers temps de mon
ministère, c’est-à-dire vers la fin de l’année 1838, que j’ai appris, d’une
manière indirecte, qu’il existait dans les caisses du trésor d’anciennes
monnaies provinciales et autres. Après ma sortie du ministère, il m’est revenu
que, dès 1834, un ou deux mois après mon entrée aux affaires, le caissier de
l’Etat avait écrit à mon prédécesseur une lettre dans laquelle il parlait, en
quelque sorte incidemment, des monnaies dont il s’agit. Si je suis bien
informé, il fut répondu à la première partie de la lettre, et on annonça une
réponse ultérieure à la partie de la même dépêche qui concernait les anciennes
monnaies provinciales ; mais cette réponse ne fut pas donnée, j’entrai au
ministère, et jamais, jusqu’en 1838, mon attention ne fut éveillée sur cet
objet.
Vous savez, messieurs, que, chaque semaine, le
caissier de l’Etat transmet au ministère des finances un était de situation de
caisse, qui indique d’une part le montant des dépenses assignées sur les fonds
qui existent en caisse, et de l’autre, le solde disponible, défalcation faite
du montant de ces dépenses qu’on appelle dispositions courantes.
A aucune époque, il ne fut, de mon temps, fait mention
de ces états de situation des monnaies dont il s’agit, bien que la somme des
« cents » et des « demi cents », retirés de la circulation
par la loi monétaire de 1832, eût figuré dans ces états, comme un fonds en
quelque sorte immobile, comme une masse de métal dont il ne pouvait pas être
disposé pour le moment. Ainsi cette circonstance spéciale prouve encore qu’il
m’a été impossible de deviner qu’il se trouvait d’anciennes monnaies
provinciales dans les caisses du trésor.
Je ferai remarquer, messieurs, qu’il n’est résulté de
cette immobilisation d’anciennes monnaies dans les caisses de l’Etat, aucun préjudice
pour le trésor public, par la raison bien simple que je n’ai pas émis ni dû
émettre des bons du trésor, pour suppléer à la somme que ces anciennes monnaies
représentaient, puisque j’ignorais leur existence.
A présent que l’état des choses à été signalé à mon
successeur, qu’il est connu de la chambre et du pays, je crois qu’il n’y a pas
d’autre marche à suivre que celle que M. le ministre des finances a proposée et
que la section centrale a approuvée. Je pense qu’il a très bien fait de
s’empresser à vous présenter un projet de loi, afin de pouvoir disposer
activement du solde présenté comme disponible dans les états de situation de
caisse ; je suis encore d’avis qu’il a proposé les meilleurs moyens de
tirer parti de ces anciennes monnaies ; je crois enfin, que s’il ne
résulte pas de préjudice pour le trésor, par la transformation des lingots en
monnaie nationale, il convient de recourir à ce moyen plutôt qu’à la vente, à
moins toutefois que les bénéfices de ce dernier mode ne soient notables et évidents.
Les motifs de mon opinion à cet égard sont faciles à saisir : en
transformant les lingots en monnaies, dans le pays, on lui assure une
fabrication qui a toujours par elle-même une certaine importance, et, quoi
qu’on en dise, en envisageant les choses dans la pratique, je suis autorisé à
prétendre que déverser successivement dans la circulation de
M. de Foere – Au lieu de répondre aux questions de principe, que le rapport
avait soulevé, et que j’ai discutées, mon honorable adversaire s’attache à une
question d’exécution ; or, je n’ai pas parlé des mesures d’exécution.
C’est la grande richesse en numéraire du pays, qui
influe sur le prix exorbitant des terres. Je persiste à soutenir que c’est
l’affaiblissement du crédit commercial et industriel, qui jette les capitaux
sur l’achat des terres, et le grand nombre d’acheteurs, et la masse de
numéraire, qui se trouvent en présence d’une petite quantité de terres qui sont
présentées en vente. Il en est de même dans la vente de toutes les marchandises
lorsque la marchandise est rare, et que, d’ailleurs, il y a beaucoup
d’acheteurs, la marchandise est chère.
M. Cogels – Je partage l’opinion de l'honorable M. Pirmez en ce qui
concerne la valeur des terres ; elle ne dépend pas de l’abondance du
numéraire, mais des richesses et surtout des moyens de circulation, de ce
remarquable système de banque et de crédit. Le grand point est donc que ce
système soit bien établi, que le crédit soit à l’abri des atteintes de
l’intérieur ; car il est impossible de le mettre à l’abri des atteintes
qu’il peut recevoir de l’extérieur. Ainsi
Quant aux moyens de prévenir les atteintes que le
crédit peut recevoir de l’intérieur, cela ne dépend que de la bonne
organisation des banques. Toutes les banques de France ont dans les statuts un
article essentiel par lequel elles doivent avoir toujours, pour faire face au
remboursement des billets qu’elle ont en circulation, une réserve proportionnée,
soit en lingots, soi en numéraire ; je n’ai jamais vu cela dans les
statuts d’aucune de nos banques. C’est pour cela que nous en avons vu deux dans
une situation fort difficile : l’une suspendre ses paiements, l’autre
soutenir son crédit d’une manière admirable, mais cependant n’est pas à même de
prêter au commercer et à l’industrie tous les secours qu’ils pouvaient attendre
d’elle.
C’est choses n’ont pas lieu en France. Malgré la crise
anglaise et la crise américaine, toutes les banques de France ont continué
leurs paiements et leurs escomptes. On a vu la banque de France prêter 16
millions à la banque Laffite, et éviter ainsi une crise qui aurait eu un grand
retentissement, qui aurait affecté le commerce de Paris, et même le commerce en
général. Elle a agi dans son intérêt, en soutenant un établissement rival.
C’est donc des moyens de circulation et de la manière dont il sont établis, que
doit dépendre la richesse et le plus ou moins de cherté des terres.
Maintenant on veut que le gouvernement soit obligé de
convertir les anciennes monnaies en monnaies nouvelles. Je ne pense pas qu’il
faille imposer au gouvernement l’obligation d’opérer cette conversion, car il
pourrait en résulter dans l’avenir une abondance momentanée de numéraire sur la
place, car chez nous l’abondance du numéraire dépend de l’état de nos changes.
Quand le change sur Paris est avantageux, nous y envoyons des espèces ;
quand il est à perte, nous en recevons. La circulation n’en souffre pas, parce
que les billets de banque sont là et que le paiement en étant assuré, peu
importe qu’on paie en billets ou en écus.
J’ai dit qu’il pourrait résulter de la conversion une
abondance momentanée de numéraire en circulation dans l’avenir. On commencerait
peut-être par ressentir une gêne. Pour faire la conversion, il faudrait faire
venir de l’argent fin qu’on devrait aller chercher sur les places étrangères,
contre des remises soit en lettre de change, soit en écus ; de ces achats
jusqu’à la confection de la monnaie nouvelle, il y aurait plutôt rareté
qu’abondance. Il faut laisser au gouvernement la faculté dont il usera comme il
jugera bon, de convertir au fur et à mesure des besoins, ou de faire la vente
des lingots ; il nous viendra toujours de la nouvelle monnaie, car cette
vente se fera probablement sur le marché de Paris, d’où on pourra nous remettre
des écus de cinq francs.
J’approuve notre système monétaire, c’est ce qui nous
a sauvés d’une crise lors de la suspension de la banque de Belgique. Les
banquiers ont pu vider leurs portefeuilles, recourir à la banque de France et
recevoir plusieurs millions en huit ou dix jours. Par la facilité de nos
communications, nous serons toujours à l’abri d’une véritable disette de
numéraire. Elle pourra avoir lieu pendant quelques jours, mais jamais se
prolonger pendant quinze jours.
Voilà les seules observations que je voulais présenter
dans la discussion générale. Peut-être proposerai-je un sous-amendement ;
je me réserve de le faire lors de la discussion des articles, si je le crois
nécessaire.
M. Duvivier – Tout ce que vient de dire
l’honorable M. d’Huart m’a remis en mémoire ce qui s’est passé relativement à
la lettre écrite au ministre des finances en juin
Il me semble que, dans cet état de choses, la banque
aurait dû rappeler à mon successeur qu’une partie de sa dernière dépêche
n’avait pas reçu de réponse. L’affaire eût été remise sous les yeux de l’honorable
M. d’Huart qui m’a succédé. Il eût pu l’examiner et donner une réponse. D’après
ce que vient de dire mon successeur, la banque ne lui ayant pas réclamé les
réponses au second point de la lettre qu’elle m’avait écrite, les choses en
sont restées en cet état, sans qu’il y ait eu faute de ma part, non plus que de
celle de mon honorable successeur.
Quoi qu’il en soit, les observations de l’honorable M.
d’Huart restent dans toute leur force ; bien que les choses fussent
restées dans cet état, il n’en est résulté aucun préjudice pour l’Etat. Ce
qu’il y a à faire maintenant, c’est d’adopter, sauf toutefois quelques
amendements, les conclusions de la section centrale, et de voter le projet.
Je bornerai là mes observations, elles suffiront pour
prouver qu’il n’y a pas plus de ma faute que de la faute de M. d’Huart, si
cette affaire est restée jusqu’à ce jour sans être terminée.
M. Pirmez – La rareté de l’argent veut du crédit. Quand vous avez du crédit,
il est impossible qu’il y ait du numéraire. C’est lorsqu’il y a de la défiance
qu’il y a du numéraire. Lors de la suspension de la banque de Belgique, il y a
eu beaucoup plus de numéraire qu’avant. Cette suspension de la banque a du
faire revenir du numéraire.
Maintenant qu’il y a de la confiance, ce numéraire
doit partir. Si vous faites les échanges avec des billets, vous ne les faites
pas avec du numéraire. Les métaux précieux ont la vertu de satisfaire d’autres
besoins que celui d’échanger. Si vous faites vos échanges avec des billets, les
métaux précieux seront employés à satisfaire d’autres besoins. Quand les
billets existent, il n’y a pas de numéraire ; vouloir que le crédit existe
en même temps que le numéraire, c’est une contradiction.
M. de Foere – Je partage, sous tous les rapports, les observations que
l’honorable M. Cogels a soumises à la chambre, ainsi que le dernier principe
développé par l’honorable rapporteur. Mais ces deux honorables membres ont
continuellement subordonné leurs observations à la question du crédit.
Certainement, lorsque le crédit est grand, il opère en sens inverse sur le
numéraire. Vous n’avez besoin d’autant de numéraire, quand vous avez beaucoup
de crédit, que quand le crédit est affaibli. Eh bien, je partage, sous tous
rapports, cette opinion ; elle est incontestable. Les faits l’ont prouvée
dans tous les pays.
Mais remarquez que le crédit n’est pas seulement un
principe ; c’est un fait ; et il ne dépend pas de vous d’établir ce
fait. Ce fait doit être établi par des causes. Lorsque, comme en ce moment, le
crédit public est affaibli, je ne conçois pas qu’on admette les conséquences du
principes, comme si le crédit était dans toute sa force.
M.
Pirmez – Le crédit n’est pas
affaibli.
M.
de Foere – J’ai établi que le crédit
est affaibli par plusieurs causes, qui ont produit partout les mêmes effets. Si
vous pouviez augmenter le crédit, ce serait fort bien ; car plus il y a de
crédit, moins il y a de numéraire. Mais il ne faut pas admettre des paroles sur
le crédit comme un fait ; il faut établir le fait.
Je partage aussi l’opinion de l'honorable M. Cogels
sous le rapport des lingots, comme dépôt, comme garantie dans les banques. Ces
lingots n’appartiennent pas aux banques ; ils appartiennent au pays, à
l’Etat. Mais si l’Etat veux vendre ces lingots à la banque, ce dépôt servira de
garantie, non pour l’Etat, mais pour la banque.
C’est par ces simples observations que j’aurai
l’honneur de répondre à mes honorables contradicteurs.
- La discussion générale est close.
La chambre passe à la discussion des articles.
Article 1
L’article premier proposé par la section centrale,
auquel le gouvernement se rallie, est ainsi conçu :
« Les monnaies provinciales ou du pays dont fait
mention l’article 21 de la loi du 5 juin 1832, n°442, cesseront d’avoir cours à
une époque que le gouvernement indiquera. Il fixera en même temps un délai
postérieur à cette époque dans lequel ces monnaies pourront être échangées au
trésor, sur le pied des tarifs existants. »
M. Cogels – Le délai dont il est
question dans cet article étant illimité, j’avais l’intention de proposer comme
minimum un délai d’un ou deux mois. Mais M. le ministre des finances vient de
me donner des explications où j’ai trouvé des garanties suffisantes. Comme j’y
ai pleine confiance, je ne présenterai pas d’amendement.
M. Devaux – D’après l’article premier,
non seulement on pourra payer les contributions avec les anciennes
monnaies ; mais même ces monnaies pourront être échangées au trésor. Je
demanderai s’il ne résultera pas de cette disposition ce danger que des
monnaies de ce genre qui se trouveraient dans des établissements étrangers, par
exemple à Lille, à Utrecht, pourraient venir en grande quantité en Belgique
pour être échangés. Ne suffirait-il pas de refondre ce qu’il y a dans les
caisses ? Apparemment, il n’y a plus beaucoup de ces monnaies dans le
pays ; et si vous accordez la faculté d’échange, il pourra venir de ces
monnaies de l’étranger dans le pays, et la perte retombera sur
M. Cogels – Je crois que les craintes de
l’honorable préopinant ne sont pas fondées. Si elles l’étaient, il y a
longtemps que ces monnaies seraient arrivées dans le pays puisqu’elles y ont
cours légal, puisque nous sommes obligés de les recevoir.
Les anciennes monnaies provinciales ne forment pas une
somme considérable. Les escalins de Brabant et de Liège et les plaquettes ont
déjà été convertis en nouvelles monnaies, sous l’ancien gouvernement. Il n’y a
donc que les ducatons, etc. ce qui prouve le peu d’importance de ce qui reste
de ces monnaies, c’est qu’il n’y en a que pour 2 millions de francs dans les
caisses de l’Etat ; et il y en a fort peu aujourd’hui dans la circulation.
Nous qui sommes sur une place financière, où il y a le plus de mouvement de
monnaies, nous ne voyons de ces monnaies, ni dans nos transactions, ni entre
les mains de nos caissiers.
Je ne crois donc pas que les craintes de l’honorable
M. Devaux soient fondées. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de modifier la
loi.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – J’avais l’intention de faire l’observation que vient de lui
présenter l’honorable préopinant.
J’y ajouterai que c’est précisément parce que moi-même
j’avais fait l’observation que vient de faire M. Devaux, que j’ai engagé M.
Cogels à renoncer à son amendement.
Le délai pour l’échange doit être assez long pour que
tous les nationaux puissent en profiter. Aussi le gouvernement fixera un délai
assez long pour qu’il en soit ainsi ; mais il aura soin qu’il ne soit pas tellement
long qu’il puisse laisser à l’agiotage, aux spéculateurs étrangers le temps de
déverser dans les caisses de la banque les parties de ces anciennes monnaies
provinciales qu’ils peuvent encore posséder ; car il en est qui circulent
à l’étranger ; c’est ainsi que celles du Luxembourg circulent encore en
Allemagne.
M. Devaux – On répond faiblement aux
craintes que j’ai exprimées. On dit que, s’il existait des anciennes monnaies,
elles entreraient dans la circulation. Mais un fait prouve que cela n’est pas
exact. Le caissier de l’Etat ayant voulu remettre ces monnaies en circulation,
n’a pu y réussir. Les étrangers ont dû éprouver les mêmes difficultés. Si on
offre la faculté non seulement de payer les contributions avec ces monnaies,
mais encore de les échanger, il est certain que tout ce qu’il y en a à
l’étranger, en quelque quantité que ce soit, refluera en Belgique. Je crois
qu’il serait préférable d’admettre ces monnaies seulement en acquit des
contributions, mais de ne pas les admettre à être échangées.
M. Hye-Hoys – Je ne sais si à Anvers il n’existe pas d’anciennes monnaies.
Mais je puis assurer qu’à Gand il y en a pour 23 ou 30 mille francs. Je
demanderai à M. le ministre des finances s’il croit que la somme qu’il demande
suffira pour retirer ces anciennes monnaies de la circulation.
M. Pirmez, rapporteur – Sans doute il est possible qu’il y ait des monnaies
provinciales ailleurs qu’en Belgique. Mais cela n’est pas présumable. Comment y
aurait-il à Utrecht ? Elles ont cours dans ce pays-ci, et la tarification
légale dépasse la valeur intrinsèque.
La section centrale a cru devoir adopter l’article
premier dans les termes où elle l’a présenté, comme mesure de justice, pour
laisser le temps de se défaire de ces anciennes monnaies, qui ont été reçues en
vertu de la loi. Remarquez que ces monnaies provinciales devaient être reçues
non comme monnaie de billon, mais sur le même pied que les pièces de 5 francs.
On a trouvé juste de laisser à ceux qui les ont reçues le temps de les faire
rentrer au trésor.
M. Dumortier – Il me semble qu’on n’a pas
répondu aux observations de l’honorable M. Devaux. Ses observations restent
debout. Il ne me paraît pas rationnel d’autoriser l’échange des anciennes
monnaies provinciales, alors qu’il est probable qu’il y en a en dehors du
pays ; je conçois que l’on accorde la faculté de faire rentrer dans le
trésor la monnaie qui circule dans le pays ; je ne vois pas pourquoi l’on
accorderait cette faculté pour la monnaie qui circule à l’étranger.
Je pense donc, avec l’honorable M. Devaux, qu’il faut
supprimer dans l’article premier le mot « échange ». Comme il l’a
fort bien dit, la faculté de payer les contributions en ancienne monnaie c’est
tout ce qu’on peut désirer.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Il y a au contraire, selon moi, nécessité de maintenir le
mot « échange » car si, comme on paraît le vouloir, on n’opérait pas
la démonétisation, on pourrait continuer de payer les contributions avec ces
anciennes monnaies ; et, de cette manière, on arriverait au résultat
contre lequel on s’est élevé. Nous avons en ce moment deux millions de francs
de ces monnaies dans les caisses de l’Etat. Dans un an, deux ans, ce qui peut
s’en trouver hors du pays arriverait au trésor. On ne pourrait les remettre en
circulation ; il faudrait les refondre, et par suite il y aurait une
nouvelle perte à subir par l’Etat. Il est donc nécessaire de démonétiser et de
donner aux nationaux, mais seulement aux nationaux, tous les moyens possibles
de ce défaire de ces monnaies qu’ils ont reçues et dont la circulation était
permise par la loi.
M.
Demonceau – Je ne sais s’il y a
avantage à interdire l’échange. Car, s’il y a avantage à faire usage de ces
monnaies, ceux qui devront payer leurs contributions les achèteront. Le
résultat sera le même pour le trésor.
M. Dubus (aîné) – Il résulte de la loi du 5 juin 1832 que les monnaies, dont
il s’agit, ont cours égal en Belgique. Voilà la base, d’où est partie le projet
de loi et d’où est partie la section centrale, dans l’examen qu’elle en a fait.
Le projet de loi leur retire ce cours légal et fixe une
époque à laquelle il sera permis de refuser ces monnaies, mais jusqu’à laquelle
toute personne à qui ont les présentera sera forcée de les recevoir. Eh bien,
messieurs, nous avons pensé que nul ne devait être victime de l’exigence de la
loi ; supposons que le délai fixé soit le 30 juin : on sera donc
obligé, par une disposition impérative de la loi, de recevoir encore, le 30
juin, les monnaies dont il s’agit en paiement d’une créance légitime ;
évidemment il faut qu’on puisse le lendemain s’en défaire contre une valeur
équivalente ; or, puisqu’on ne peut pas obtenir cette valeur d’un
particulier quelconque en payant ses propres dettes, les monnaies en question
n’ayant plus cours légal, il faut qu’on puisse les rapporter au gouvernement,
puisque c’est le gouvernement qui est censé les avoir mises primitivement en
circulation, puisque ce sont des monnaies frappées du timbre légal, du timbre
du gouvernement ; sans cela il y aurait une sorte de violation de la foi
publique.
Une
voix – Vous n’êtes pas obligé de les
démonétiser.
M.
Dubus (aîné) – Messieurs, la loi de
Toute la question serait donc de savoir s’il y a
opportunité de démonétiser maintenant les monnaies dont il est question, ou
s’il convient d’attendre encore. La section centrale a aussi fixé son attention
sur la question d’opportunité ; si elle avait craint que réellement on
présentât de ces monnaies pour une valeur considérable, elle aurait pu croire
que le moment n’était pas encore venu ; mais, d’après les faits qui lui
ont été signalés, elle n’a pas cru que ce danger fût à craindre, d’abord elle
avait remarqué dans l’exposé des motifs de M. le ministre, qu’à une époque très
voisine de la révolution, on avait retiré de la circulation et fondu pour 12
millions et demi de francs des monnaies pour quelques centaines de mille
francs ; enfin les membres de la section centrale qui ont quelque
connaissance des faits assuraient tous qu’il y a fort peu ou point de ces
monnaies en circulation dans le pays. Or, s’il y en avait une masse
considérable entre les mains des particuliers, il est certain qu’on les verrait
circuler, puisqu’elles ne sont pas démonétisées ; il n’y a donc pas lieu
de croire que par cela seul qu’on les démonétiserait, il arriverait une somme
considérable de ce monnaies ; Pour cela il faudrait supposer que quelqu’un
les tient dans ses coffres dans l’intention de nous jouer ce tour-là.
On s’explique, d’ailleurs, facilement pourquoi l’on ne
voit plus de ces monnaies en circulation dans le pays, lorsqu’on fait attention
à ce qu’il en a déjà été retiré une masse considérable, et lorsque l’on
considère, d’autre part, que la loi de 1832, qui en a annoncé la démonétisation
plus ou moins prochaine, a dû nécessairement les faire refluer vers les caisses
de l’Etat où il s’en trouve maintenant pour plus de 2 millions.
On a fait remarquer encore, messieurs, que l’on a
essayé de remettre en circulation les monnaies dont il est question, et que
l’on n’y a pas réussi. Je crois que l’on n’a pas bien saisi le fait auquel on a
fait allusion. En effet, les fonds qui ont été avancés à la banque de Belgique,
se composaient, en partie, de ces monnaies qui furent ainsi remises en
circulation ; mais les monnaies dont il s’agit sont aussitôt rentrées dans
les caisses de l’Etat ; comme ces monnaies ont court légal, on ne peut pas les
refuser ; on les accepte donc, mais on s’empresse de s’en défaire et elles
reviennent au trésor. C’est là, messieurs, une raison de plus pour croire qu’il
en reste bien peu en circulation.
M. Dumont – Il me paraît, messieurs, qu’il s’agit seulement des anciennes
monnaies provinciales et nullement des monnaies de l’ancien royaume des
Pays-Bas, des pièces de 25, de 10 et de 5 cents. Cependant on allègue en faveur
de la mesure proposée la nécessite d’en venir à avoir des monnaies qui soient
en harmonie avec le système monétaire national. Dès lors il me semble qu’il
faudrait prendre une disposition générale ou n’en pas prendre du tout. On dit,
il est vrai, pour prouver l’urgence de la loi, que les pièces dont il s’agit
reviennent toujours dans les caisses de l’Etat ; mais je ne vois en cela
aucun inconvénient, puisque ces pièces, en circulant, font l’office de tout
autre monnaie. Il me semble donc qu’il n’y a pas de raison pour démonétiser
plutôt les pièces dont parle le projet de loi que les pièces de 25, de 10 et de
5 cents ; selon moi, si l’on a pour but d’obtenir de l’uniformité dans nos
monnaies, il serait beaucoup préférable de prendre une disposition générale, de
démonétiser toutes les monnaies étrangères.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, tout le monde comprend qu’il n’y a pas grande
nécessité de mettre hors de la circulation les pièces de 25, de 10 et de 5
cents ; car ces monnaies ont toujours cours légal dans le royaume actuel
des Pays-Bas, et nous avons assez de rapports avec ce royaume pour vouloir même
que ses monnaies circulent encore dans notre pays.
On dit que les pièces de 25 cents n’on pas la valeur
intrinsèque qu’elles représentent. C’est là une erreur ; ces pièces sont à
la vérité une monnaie de bas aloi mais elles ont plus que leur valeur, et c’est
là une faute commise par le gouvernement des Pays-Bas. Le titre des pièces de
un florin a été fixé à deux centimes trop élevé et comme les pièces de 25, de
10 et de 5 cents ont été mises en rapport avec le florin, il en résulte que les
pièces de 25 cents ont une valeur intrinsèque d’un demi-centime de plus que
leur valeur nominale. Aussi le gouvernement hollandais a-t-il, par une loi du
mois de mars, je pense, de l’année dernière, ordonné la refonte de cette
monnaie.
Je saisirai cette occasion pour répondre à une
observation qui a été faite dans une autre séance par un autre membre qui a dit
que nous devrions aussi battre une monnaie de bas aloi. Je ferai remarquer à
cet ho membre que tous les gouvernements renoncent aujourd’hui à fabriquer de
la monnaie de cette espèce, parce que la contrefaçon est trop facile.
M. Pirmez, rapporteur – Je ferai remarquer, messieurs, que la loi n’a pas la
puissance de faire circuler une monnaie qui n’ait pas sa valeur
intrinsèque ; si l’on voulait, par exemple , donner la valeur de un franc
à une pièce qui n’aurait qu’une valeur intrinsèque de 90 centimes, évidemment
le public ne recevrait de semblables pièces qu’avec la plus grande répugnance,
et en effet ce serait des espèces d’assignat, ou plutôt chacune de ces pièces
représenterait une pièce de 90 centimes, puis un assignat de 10 centimes, et il
ne serait pas juste de dire que la loi aurait la puissance de faire circuler
des assignats.
Quant à la démonétisation qu’il s’agit d’opérer, je
crois qu’elle est d’autant plus urgente que la loi force les particuliers
d’accepter les pièces dont il est question, les escalins, et., non pas comme
appoint, mais en telle quantité qu’on voudrait les donner.
M. Dumortier – Messieurs, c’est moi qui,
dans une séance précédente ai appelé l’attention de l'assemblée sur la
nécessité de créer pour
A la vérité, messieurs, l’on a contrefait en France,
une quantité énorme, les petits sous battus sous l’empire, et je tiens d’un des
membres de la commission qui est
maintenant chargée à Paris d’examiner cette question, qu’il existe pour plus de
12 millions de ces petits sous, tandis qu’il n’en a été battu que pour 4
millions. Je ne sais si je me rappelle bien exactement les chiffres, mais ce dont
je suis certain, c’est qu’il existe trois fois autant de ces petits sous qu’il
en a été battu. Savez-vous, messieurs, pourquoi il en est ainsi ? c’est
que les petits sous dont il s’agit n’avaient pas, à beaucoup près, la valeur
intrinsèque de 10 centimes, et que lorsqu’ils avaient circulé pendant quelque
temps, ils avaient tout à fait la couleur du cuivre.
En Belgique, nous n’avons jamais vu de semblables
contrefaçons ; cependant, sous le gouvernement autrichien, on a fabriqué
beaucoup de monnaie de bas aloi ; c’étaient les escalins, les plaquettes,
les pièces de cinq sous et de dix liards ; eh bien, ces monnaies n’on pas
plus été contrefaites que l’on n’a contrefait les francs ou les pièces de 5
francs. Plus tard, sous le gouvernement des Pays-Bas, on a battu une grande
quantité de pièces de 25 cents, de 10 cents et de 5 cents ; eh bien, ici
encore, nous n’avons vu guère de fausse monnaie sous ces types.
Est-il nécessaire d’établir une monnaie de bon aloi en
Belgique ? il ne peut exister aucun doute à cet égard ; évidemment
c’est un véritable avantage pour le pays d’avoir une monnaie qui ne puisse pas
aller à l’étranger. Aujourd’hui toutes nos monnaies, grandes et petites, sont
du même type ; il peut arriver un moment de crise où le pays se trouve
sans petites monnaies pour les transactions journalières ; ce serait une
entrave qui pourrait entraîner les conséquences les plus graves. Supposons que
nous soyons en guerre avec la puissance dont nous avons adopté les
monnaies ; eh bien, cette puissance, au moyen d’une opération de bourse,
peut retirer toute votre monnaie de la circulation, et par suite vous seriez
livrés à la merci de votre ennemi.
Je maintiens donc qu’il est extrêmement désirable que
Je tenais à faire ces observations, parce que je
considère qu’au lieu de refondre les anciennes monnaies provinciales, qui se
trouvent actuellement dans les caisses de l’Etat, pour en faire des monnaies
légales, on eût fait une monnaie de bas aloi pour
M. Cogels – Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l’honorable M.
Dumortier sur l’utilité d’introduire dans le pays une monnaie de bas aloi. Ce
serait une mesure tout à fait impolitique et extrêmement dangereuse, car ce ne
serait pas même le moyen de conserver cette monnaie dans le pays ; c’est
d’après la valeur réelle de nos monnaies que ce règle le change. Ainsi, quel
serait le résultat de ce système ? C’est que dans toutes les circonstances
où vous auriez de fortes remises, soit à Paris, soit à Londres, soit à
Hambourg, votre monnaie de bas aloi perdrait de sa valeur réelle ; elle
irait se convertir là en lingots ; vous seriez complètement privés de
monnaie, et vous n’auriez pas le temps d’en frapper de nouvelle. Dans ce
système, on pourrait donc provoquer la crise que l’honorable préopinant veut
éviter. Lorsque nous avions le même système monétaire que
M. Dumortier – Messieurs, loin que le système
que je propose tende à diriger notre monnaie à l’étranger, il est l’unique
moyen, au contraire, de la conserver dans le pays. C’est précisément pour ne
pas faire sortir l’argent du pays qu’il est désirable que nous ayons notre
monnaie à nous, une monnaie qui ne ressemble aucunement à celle de l’étranger.
M. Cogels – Messieurs, je n’avais
d’abord pas compris l’honorable préopinant ; je croyais qu’il voulait
étendre son système aux monnaies en général ; mais il paraît vouloir le
restreindre aux monnaies de bas aloi, et en vouloir d’autres d’une valeur plus
grande. Eh bien, vous ne conserveriez pas ces dernières ; et
pourquoi ? parce que la moyenne de votre change en permettra
l’exportation. C’est ce qui a lieu en Hollande ; je défie de trouver en ce
moment une pièce de trois florins en Hollande. Pourquoi ? parce qu’on
expédie ces pièces, et parce qu’il y a une autre monnaie de bas aloi qui est de
moindre valeur.
M.
Dumortier – Il est bien facile de
répondre à cette dernière observation : si ces pièces sortent du pays,
c’est que la monnaie dépasse la valeur légale ; dès lors il y a intérêt à
frauder.
M. Pirmez, rapporteur – Messieurs, par monnaie de bas aloi, M. Dumortier entend sans
doute une monnaie dont la valeur légale surpasse la valeur intrinsèque ;
eh bien cette monnaie est un obstacle à la circulation. Allez sur les
frontières où regorgent les sous français, et vous y verrez les marchands faire
avec l’acheteur cette stipulation : « Vous me donnerez autant en
sous, et autant en bon argent. » Eh bien, du moment qu’on peut faire une
semblable stipulation, cette monnaie est un obstacle à l’échange ; la
monnaie est faite pour favoriser les échanges et non pour les empêcher.
M. Demonceau – Messieurs, je prends la parole pour faire une simple
observation qui résulte de la discussion à laquelle on vient de se livrer.
L’honorable M. Dumont a pensé qu’il sera prudent de retirer de la circulation
les pièces de 25 cents. Si ce que vient de dire M. le ministre des finances est
vrai, j’appuierais de toutes mes forces l’opinion de l’honorable M.
Dumont ; car si on ne retire pas ces pièces de la circulation, il en
résulterait que, dans quelques temps, toutes les pièces de 25 cents seraient
transformées en pièces d’un titre inférieur au titre actuel. Ce qu’ont dit les
honorables préopinants a pour but de prouver que le gouvernement hollandais
réduit le titre de ses monnaies.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) –
M.
Demonceau – Si elle les refond, ce
n’est pas pour les refaire telles qu’elles sont aujourd’hui, mais c’est pour retrouver
les deux centimes qu’il y a de trop dans la valeur actuelle.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Encore une fois, il ne serait pas sans danger, il serait
complètement inutile même, que nous démonétisions les pièces de 25 cents, parce
que
M. d’Huart – Messieurs, il est très
important de savoir si
Je désirerais donc que M. le ministre des finances
s’expliquât formellement sur ce point. Je ne vois pas pourquoi l’on resterait
dans l’obligation de recevoir de l’étranger une monnaie dans la valeur
intrinsèque serait considérablement en dessous de la valeur nominale, et si
nous pouvions laisser imposer une pareille obligation à nos concitoyens, nous
devrions le faire au profit de notre propre trésor en frappant nous-mêmes une
monnaie de ce genre.
L’honorable M. Pirmez n’a pas été dans le vrai,
lorsqu’il a pensé que le public pouvait arbitrairement refuser les pièces de 25
cents. L’observation est formelle d’après la loi monétaire de 1832 ; il y
force d’accepter un dixième des paiements présentés en pièces de 25 cents.
M. Pirmez – Je n’ai pas dit cela : j’ai dit qu’il était impossible
de forcer les particuliers à recevoir de la monnaie dont le titre légal serait
plus élevé que la valeur intrinsèque. C’est en parlant des escalins que j’ai
dit qu’on aurait beau écrire dans les lois que des monnaies auraient cours
légal, que vous n’auriez pas la puissance de les faire accepter. Mais je n’ai
pas parlé des pièces de 25 cents, je n’ai pas même prononcé ce mot.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Je répète que
Sans doute il y a des cas où il y a bénéfice à
refondre les pièces de 25 cents ; cela est tellement vrai, que
M. d’Huart – Il est essentiel de bien
s’entendre sur le point que j’ai indiqué tout à l’heure, c’est-à-dire s’il
convient de savoir si, en démonétisant ses pièces de 25, 10 et 5 cents, il y a
probabilité que
Je n’aperçois aucun inconvénient à donner cette
faculté au gouvernement. En la posant dans la loi comme je l’indique, il en
usera suivant l’occurrence et probablement quand il y aura peu de cette monnaie
en Belgique. La mesure ne ferait donc exporter aucun numéraire du pays ;
seulement elle en préviendrait à l’avenir l’importation.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
M.
d’Huart – Voici, sauf rédaction,
l’amendement que je propose, soit comme article 2, soit comme deuxième
paragraphe à l’article premier
« Le gouvernement est autorisé à démonétiser,
lorsqu’il le jugera utile au pays, les pièces de 25, 10 et 5 cents du royaume
des Pays-Bas. »
Voici comment j’entends l’exécution de cette mesure.
Je ne détermine pas de délai parce qu’il ne peut être nullement question
d’obliger les caisses publiques à recevoir ces pièces après le jour où elles
seront démonétisées. Ceci ne portera d’ailleurs préjudice à personne parce
qu’ainsi que je l’ai dit, le gouvernement saisira, pour mettre la chose à
exécution, le moment où il y aura peu de ces pièces dans le pays. L’avis qui
résultera d’ailleurs de la disposition que je propose d’introduire dans la loi,
suffira pour en empêcher la grande affluence, et les relations commerciales
avec
Mon amendement peut avoir une grande portée aux yeux
de quelques personnes ; pour moi, je ne la vois pas telle, et je trouve
indispensable aux intérêts du pays de confier au gouvernement le pouvoir que je
propose de stipuler dans la loi.
Si d’honorables membres craignent toutefois de se
prononcer sur une proposition ainsi improvisée, qu’on la fasse imprimer et
qu’on en diffère les discussions de 2 heures ; voilà un moyen de prudence
que j’indique moi-même.
Au reste, la chambre serait toujours libre, au second
vote, de modifier ou de rejeter même l’amendement, si elle le jugeait inutile
ou dangereux.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Certainement, en principe, je ne m’oppose pas à ce qu’on
donne au gouvernement la faculté de démonétiser, quand il le jugera convenable,
les pièces de 25 cents, mais je dois faire remarquer qu’il y aurait danger à se
prononcer immédiatement sur cette question. Vous savez tous que les anciennes
monnaies provinciales sont arrivées toutes au trésor, parce que ces monnaies
avaient été frappées de défaveur par suite de la loi qui en avait ordonné la
refonte sous le régime précédent. Ne croyez-vous pas qu’en accordant au
gouvernement la faculté de démonétiser les pièces de 25, 10 et 5 cents, ces
pièces ne se trouvent aussi frappées de défaveur dans la circulation, et
n’affluent au trésor, qui ne saura pas comment les écouler.
Je pense que, si M. d’Huart persiste dans son
amendement, il faut le renvoyer à une loi spéciale, pour bien examiner la
question, la retourner sous toutes ses faces, et voir si la mesure est
opportune.
M. Demonceau – L’amendement de M. d’Huart lui a été suggéré par les
observations que j’ai faites. Cependant pour moi, je n’aurais pas voulu aller
aussi loin ; je trouve qu’il y a du danger à improviser des amendements,
quand on n’est pas d’accord en fait. Car le ministre n’a pas fait de réponse
positive sur les faits que j’ai énoncés. Si le gouvernement pense qu’il y a
nécessité de démonétiser les pièces de 25, 10 et 5 cents, son attention ayant
été appelée sur cet objet, étant prévenu du doute qui existe chez nous, il
présentera un projet de loi qui aura plus d’étendue que la proposition de M.
d’Huart. Car si nous arrivons à un système monétaire convenable, il faudra
étendre la démonétisation à d’autres monnaies que les pièces de 5 cents,
peut-être à la monnaie d’or qui n’a pas la valeur qu’elle devrait avoir.
Si vous dites que le gouvernement peut démonétiser les
pièces de 25, 10 et 5 cents, vous allez faire affluer toutes ces pièces dans
les caisses de l’Etat. Je crois qu’il y aurait danger à adopter cet amendement.
J’ai fait mes observations, et je pense que M. d’Huart, en y réfléchissant,
sera de mon avis qu’il vaut mieux laisser au gouvernement la responsabilité de
la proposition.
M. Dubus (aîné) – Je ne suis pas frappé du danger que craint M. le ministre
des finances. Il lui semble que, si l’amendement était admis, il jetterait de
la défaveur sur les pièces de 25, 10 et 5 cents, et les ferait affluer au
trésor. Si cela arrivait, il n’y aurait pas perte, puisque la valeur
intrinsèque est supérieure à la valeur nominale. On les fera fondre pour
frapper de nouvelles monnaies en harmonie avec notre nouveau système. Je
rappellerai à la chambre que, par un article de la loi de 1832, les pièces de
50 et de 25 cents ont été assimilées à des pièces d’un franc et d’un
demi-franc.
Cette assimilation a été faite, parce que nous
manquions de francs et de demi-francs, et qu’il fallait attendre qu’on eût
fabriqué de la nouvelle monnaie, avant de démonétiser l’ancienne. On était
obligé de recevoir un dixième de ces pièces, comme un dixième de pièces d’un
franc ou d’un demi-franc. Maintenant qu’on a jeté dans la circulation une
monnaie nouvelle, on pourra l’augmenter, et le moment pourrait arriver où le
gouvernement démonétisera les pièces de 25 cents. Si ces pièces affluent au
trésor, il les recevra et les enverra à la monnaie, pour faire des francs et
des demi-francs. Il n’y aura pas de perte.
On a mis en avant une autre crainte, c’est que cette
monnaie pût être changée et que l’on fabriquât en Hollande des pièces de 25
cents ne présentant pas les mêmes avantages. On a insinué dans la discussion
que le gouvernement hollandais paraît disposé à retirer ces pièces de la
circulation pour les remplacer par d’autres pièces n’ayant pas la même valeur.
Ces pièces, nous ne serions pas tenus de les recevoir ; elles n’auraient
pas cours légal en Belgique. Il n’y a que les pièces fabriquées avant la
révolution qui aient cours légal en Belgique ; les pièces fabriquées depuis
ne sont que des lingots qui n’ont pour nous aucun caractère officiel.
M. Pirmez, rapporteur – Je trouve un grand inconvénient à la disposition proposée
par l’honorable M. d’Huart. Elle discréditera es pièces de 2 cents et les fera
refluer vers le trésor. Le trésor en reçoit déjà beaucoup et ne les émet pas
facilement une fois qu’elles lui sont arrivées, parce qu’elles lui arrivent par
sommes considérables, et on ne peut les comprendre dans les paiement que dans
la proportion de 10 p.c.
On dit que la valeur intrinsèque de ces pièces est
supérieure à la valeur légale. Cela est vrai ; mais le titre de ces
monnaies est inférieur à celui des francs. Pour les refondre, il faudra acheter
une certaine quantité d’argent fin, qui devra être mêlé à la matière des pièces
de 25 cents. Commencez donc par ouvrir un crédit au ministre des finances avec
cette destination si vous voulez la refonte de ces monnaies.
Je crois qu’on ferait bien d’ajourner la disposition
proposée par M. d’Huart.
M. d’Huart – Jusqu’à présent, je
n’aperçois, par les objections présentées, aucun inconvénient à la disposition
que j’ai proposée ; on n’en a signalé aucun qui soit réel.
Quel est mon but, en faisant ma proposition ?
c’est de donner au gouvernement la faculté de démonétiser les pièces de 25
cents quand il le jugera convenable. Quand le fera-t-il ? Quand les
circonstances seront favorables, et alors qu’il y aura peu de ces pièces dans
le pays ? je ne suis pas au courant de ce qui en est ; je ne sais
s’il y a maintenant beaucoup de pièces de 25 cents en Belgique ; mais je
sais qu’il y a des moment où il n’y en a pas, ou presque point ; or, ce
serait un de ces moments que l’on choisirait.
L’honorable M. Dubus a dit qu’il n’y a pas que les
pièces de 25 cents fabriquées sous le gouvernement des Pays-Bas qui aient cours
légal en Belgique ; mais je vous demande comment il sera praticable
d’examiner, pièce par pièce, leur millésime dans des paiements de quelque
importance. Vous sentez que cela est, pour ainsi dire, impossible dans la
pratique, et qu’on ne pourrait user ainsi des termes rigoureux de la loi de
1832.
Je répète que mon amendement peut être admis dès
aujourd’hui puisqu’il sera soumis au second vote. Il n’y a nul inconvénient à
différer le vote de la loi de 48 heures. D’ici là chacun examinera ma
proposition, et si on me démontre qu’il y a eu moindre danger à l’introduire
dans la loi, je m’empresserai de la retirer, car je n’ai d’autre intention que
d’éviter un préjudice au pays.
M. Desmet – Je désire que la chambre ait égard à l’observation de
l’honorable M. Pirmez, portant sur ce que les pièces de 25 cents, quoique d’une
valeur intrinsèque supérieure à leur valeur légale, ne sont pas au titre de la
monnaie du pays. C’est meilleur que de l’argent ouvragé, mais ce n’est pas
aussi bon que l’argent de notre monnaie. Il y aurait donc perte pour le trésor
à refondre ces monnaies.
On dit qu’il n’y a pas beaucoup de cette monnaie en
circulation ; je ne suis pas de cet avis. Je vois qu’il en arrive toujours
de Hollande et, par parenthèse, si cela était aussi bon qu’on le dit,
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – J’en suis fâché, mais je dois répéter de nouveau à la
chambre que je crois que l’amendement de l’honorable M. d’Huart doit être
renvoyé à la section centrale, pour faire l’objet d’un projet de loi séparé.
Je ne suis pas moi-même, en ce moment, en mesure de
donner tous les éclaircissements nécessaires pour décider cette question. Il n’y
a que peu de jours que j’ai réussi à me procurer la loi hollandaise. Elle fait
l’objet d’une instruction suivie par la commission des monnaies ; ce n’est
que quand j’aurai reçu le rapport de cette commission que je pourrai me
prononcer sur ce point.
Je dois encore de nouveau ajouter qu’accorder, dans la
loi, au gouvernement cette faculté de démonétiser ces monnaies, ce serait en
frapper la circulation de défaveur ; ce serait les faire affluer au
trésor, qui a déjà de la peine à se défaire de celle qu’il possède. On ne
pourrait les refondre, parce que, comme l’a fait observer l’honorable
rapporteur, le prix de l’argent fin qu’il faudrait y mêler pour les mettre au
titre légal est trop élevé en ce moment.
M. d’Huart – Si c’est pour introduire,
le cas échéant, mon amendement dans la loi actuelle, qu’on veut le renvoyer à
la section centrale, je n’y vois aucune difficulté ; mais si l’on veut le
renvoi sous prétexte d’en faire une loi séparée, je m’y opposerai, par la
raison que, nous occupant aujourd’hui, de la démonétisation de certaines
anciennes pièces, il serait insolite de voter sciemment une loi incomplète. Ce
serait vouloir perdre du temps en nouvelles discussions.
Messieurs, la question est fort simple : quand
vous y aurez réfléchi quarante-huit heures, vous n’hésiterez pas à adopter ma
proposition. Je ne conçois pas en vérité, commet le gouvernement persisterait à
s’opposer à l’adoption d’un pouvoir que je demande de lui conférer et dont il
usera quand il le voudra, dans un an, dans deux ans, dans dix ans même s’il le
veut, pour éviter dans l’avenir l’affluence dangereuse de monnaies étrangères
qui pourraient être d’une valeur réelle infiniment inférieure à leur valeur
nominale. Veuillez remarquez, je le répète, que ma proposition m’a été suggérée
par l’information que nous a tout à l’heure donnée M. le ministre des finances
lui-même, que
M. Coghen – Je crois qu’il y aurait du danger à admettre l’amendement de
l’honorable M. d’Huart. D’abord si on veut démonétiser les pièces de 25 cents,
il faut les remplacer dans la circulation. Ce qui manque en Belgique, c’est la
petite monnaie, la monnaie d’échange à l’usage des prolétaires. A défaut de
demi-francs et de quarts de francs, il se sert des pièces de 25 cents. Si l’on
veut démonétiser ces pièces, il semble qu’il faut démonétiser aussi les pièces
d’or de 10 et de 5 florins, les pièces d’argent de 2 florins, d’un florin et
d’un demi-florin. Ces pièces d’argent donneraient du bénéfice à la
refonte ; les pièces de 25, de 10 et de 5 cents donneraient perte s’il
fallait les refondre ; mais il n’y aurait pas perte, il y aurait même
bénéfice si on pouvait ajouter à la matière de ces pièces la quantité d’argent
fin nécessaire pour les mettre au même titre que les francs ; Autrement,
il y aurait perte par suite des frais d’affinage et en raison de ce que le
cuivre mêlé de ces pièces d’argent serait brûlé.
Il me semble que la proposition de l’honorable M.
d’Huart pourrait être renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de
loi relatif à la fabrication des pièces d’or. Peut-être pourrait-on
l’introduire dans cette loi ; mais dans mon opinion il serait dangereux de
démonétiser des monnaies qui ne seraient pas remplacées dans le commerce
d’échange.
M. de Brouckere – Je conçois avec l’honorable M. Coghen qu’il y aurait du
danger à admettre l’amendement de l’honorable M. d’Huart ; mais l’auteur
de l’amendement lui-même ne demande pas que sa proposition soit votée, dès
aujourd’hui, il demande qu’elle soit renvoyée à l’examen de la section
centrale. Cette section pourrait nous faire un prompt rapport. Mais si vous
allez voter la loi sans vous prononcer sur l’amendement de M. d’Huart, ce sera
peut-être renvoyé à un temps très éloigné. Je crois, maintenant que la
proposition est faite, que la solution ne devrait pas en être très retardée.
On a fait valoir beaucoup de raisons à l’appui de la
proposition de M. d’Huart. J’en trouve une dans ce qu’a dit M. le ministre des
finances. Il a avoué que le trésor avait beaucoup de peine à faire circuler les
pièces de 25 cents qu’il possède en ce moment. Ainsi, la circulation de ces
pièces est, dès aujourd’hui, difficile, c’est une raison de plus pour que vous
ne retardiez pas indéfiniment le moment où le cours de ces pièces sera
obligatoire ; car une monnaie dont le cours est obligatoire et qu’on
reçoit avec répugnance est une gêne dans le commerce.
L’honorable M. Coghen dit que si on démonétise les
pièces de 25 cents, il faudra démonétiser aussi celles de 3 et de 1 florin ;
mais ces pièces ne sont pas au même titre, il y a une différence que M ;
Coghen sentira lui-même.
M. Coghen – Je l’ai indiquée.
M. de Brouckere – Il n’y a donc pas
d’analogie.
Quant à la perte qu’il en résulterait pour le trésor,
je crois qu’elle sera extrêmement minime, si toutefois perte il y a.
Enfin, en dernière analyse, ce n’est pas une
obligation qu’il s’agit d’imposer au gouvernement, c’est une simple faculté
qu’on lui donnerait et dont il userait quand le moment serait opportun.
D’après ces motifs, j’appuie la demande de M. d’Huart,
que la proposition soit renvoyée à la section centrale pour qu’elle en fasse
l’objet d’un prompt examen.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Je ne puis pas consentir, messieurs, à ce que la loi soit
ajournée jusqu’à ce que la section centrale ait fait un rapport sur la
proposition de M. d’Huart. Cet honorable membre a fait remarquer avec beaucoup de
justesse, au commencement de cette séance, que si, par une cause qui ne peut
aucunement lui être attribuée, ces monnaies anciennes sont restées pendant à
peu près cinq ans dans le trésor sans qu’il en ait pu être fait usage, il n’en
est cependant pas résulté de perte pour le trésor, parce que l’on n’a eu aucun
égard à l’existence de ces monnaies dans les états de caisse qui sont adressées
au ministère des finances deux fois par semaine, et que par conséquent l’on n’a
pas émis plus de bons du trésor que si les monnaies dont il s’agit s’étaient
trouvées remplacées par d’autres espèces dans les caisses de l’Etat. Mais,
messieurs, il n’en est plus de même aujourd’hui : je sais, moi, que ces
monnaies sont là et que je ne puis pas en faire usage ; par conséquent je
suis obligé de tenir l’encaisse disponible toujours au chiffre nécessaire sans
tenir compte de l’existence des monnaies dont il s’agit. Il en résulte que je
dois émettre des bons du trésor en plus jusqu’à concurrence du montant de ces
monnaies, ce qui donne lieu à une perte de 300 francs par jour. Je pense,
messieurs, que cette circonstance doit vous engager à ne pas retarder le vote
de la loi qui vous est soumise jusqu’à ce qu’on ait examiné la question
soulevée par l’honorable M. d’Huart, question, je le répète, qui est très
compliquée et sur laquelle je ne puis pas encore me prononcer moi-même, puisque
encore une fois, je n’ai réussi à avoir la loi hollandaise que depuis peu de
jours, et qu’elle fait l’objet d’une instruction de la part de la commission
des monnaies à laquelle je l’ai renvoyée.
M. F. de Mérode – Je voterai, messieurs, pour l’amendement de M. d’Huart parce
que, si cet amendement n’est pas reconnu utile d’ici au second vote, on pourra
le supprimer alors, et parce que les raisons par lesquelles on l’a combattu ne
me paraissent pas suffisantes.
J’ai entendu émettre des assertions contradictoires
par les honorable membres qui se sont opposés à l’amendement ; ainsi, M. Coghen
a dit qu’il manque de la petite monnaie et qu’il faut, pour ce motif, conserver
les pièces de 25 cents dans la circulation, tandis que, d’un autre côté, M. le
ministre des finances a dit qu’il y a dans le trésor public encombrement de ces
pièces. Je ne puis pas concilier ces deux assertions car s’il y a réellement
besoin de petite monnaie, rien ne doit être plus facile que de faire écouler du
trésor public les pièces de 25 cents qui y seraient entassées.
Quant à la monnaie d’or, je désirerais aussi qu’on en
vînt au projet qui tend à autoriser le gouvernement à frapper des pièces de 25
francs d’un titre à peu près égal à celui des pièces de 10 florins qui sont
encore en circulation ; de cette manière nous pourrions avoir de la
monnaie d’or dans la circulation sans devoir la tirer de l’étranger.
Si
J’ai dit, messieurs, qu’il manque de la petite monnaie
dans ce pays, et cela est très exact ; les francs, les demi-francs et les
quarts de franc ne sont pas assez abondants. Quant à l’embarras qui peut
résulter, pour le trésor et pour les fortes maisons, des pièces de 25 cents, il
provient de la difficulté de faire accepter ces pièces en grande quantité.
Si l’amendement de M. d’Huart est destiné à détruire
les effets que la nouvelle loi hollandaise pourrait avoir pour notre pays,
alors il serait possible que cet amendement ne fût pas complet ; car cette
loi ne frappe pas uniquement les pièces de 25, de 10 et de 5 cents, elle frappe
tout le système monétaire, aussi bien les pièces de trois florins, de un florin
et d’un demi-florin que les autres. Avant donc de prendre une mesure pour
détourner les effets de la loi hollandaise, il faut connaître les dispositions
de cette loi ; lorsque M. le ministre l’aura fait examiner, on pourra voit
s’il convient de prendre une mesure, et si cette mesure ne doit pas être
générale.
M. Meeus – Ce ne sont pas seulement les petites pièces de monnaie,
messieurs, qui sont rares en Belgique, ce sont les pièces de monnaie de toute
espèce, et cela parce que nous n’avons pas de monnaie à nous. J’ai déjà eu
l’honneur, dans d’autres circonstances, d’appeler l’attention de la chambre et du
gouvernement sur cette question que je regarde comme étant de la plus haute
importance pour le pays. Nous n’avons pas, je le répète, de système monétaire à
nous ; nous avons tantôt de la monnaie française, tantôt de la monnaie des
Pays-Bas, selon que les changes sur Londres et sur Amsterdam font refluer telle
monnaie de tel pays vers tel autre pays. Ainsi, il arrive bien souvent que
l’argent français manque entièrement en Belgique : il n’y a pas si
longtemps que l’on payait un agio considérable sur les pièces de 5
francs ; sur un encaisse très considérable qu’il y avait à la banque, il
n’y avait pas pour un million de pièces de 5 francs. Si dans un moment où le
change sur Paris est en avance, le change sur Amsterdam se trouvait également
en avance, ce qui est arrivé, mais fort heureusement pendant 15 jours
seulement, au commencement de 1839,
La loi monétaire qui est en vigueur dit bien que nous
frapperons des pièces de 5 francs à l’effigie de notre roi, mais elle n’a pas
créé de système monétaire belge ; il résulte tout bonnement de cette loi
que nous allons chercher à Paris ou ailleurs des lingots, que nous payons en
pièces de 5 francs, mais en dernière analyse il n’y a pas une seule pièce de 5
francs de plus dans le pays.
Eh bien messieurs, dans un pays comme
Toutes les nations, messieurs, ont un système
monétaire à elles ;
Après cela, messieurs, quel est le système monétaire
qui convient à
En France, messieurs, le système d’argent a prévalu par
la force des choses, et c’est ce qui a sauvé
En Angleterre on a admis le système d’or qui facilite
extrêmement l’exportation du numéraire ; eh bien, l’Angleterre, qui est en
relations avec le monde entier, s’est trouvée tout à coup dépourvue d’or, et
l’on a vu la banque d’Angleterre, après avoir eu en caisse plus de 12 millions
de livres sterling, n’en avoir plus que 3 millions, tandis que la banque de
France avait pour plus de 240 millions de pièces de 5 francs ; la raison
de cette différence est facile à saisir, c’est qu’on n’emporte pas l’argent
comme on emporte l’or.
Je pense, messieurs, que ces motifs devront engager
Je n’en dirai pas davantage sur ce point car je
m’aperçois, messieurs, que je me suis écarté un peu de l’objet en discussion.
Je ne voterai pas pour l’amendement de M. d’Huart, parce
que je suis convaincu que, dans l’absence d’un système monétaire ; il ne
faut rien démonétiser ; tout peut être utile, et je me rappelle que les 4
ou 5 millions de pièces de 25 cents qui se trouvent dans les caisses de l’Etat
sont venus très à-propos dans un moment où, par suite de l'élévation du change
sur Paris, le manque des pièces de 5 francs se faisait vivement sentir. Il faut
donc se garder de démonétiser légèrement ces pièces : car si nous ne les
avions pas eues dans la circonstance que je viens de rappeler, nous aurions pu
être embarrassés.
M. de Brouckere – Vous auriez eu autre chose.
M. Meeus – C’est fort bien, on a
toujours autre chose ; mais quand on n’a pas d’argent et qu’il en faut, il
se manifeste souvent une crise avant qu’on ait pu s’en procurer. En 1832, il
est arrivé qu’en moins de huit jours on a exporté de
M. Coghen – Messieurs, les considérations que mon honorable ami a fait
valoir pour le système monétaire a établir dans le pays, ont été celles qui ont
déterminé le gouvernement en 1832, à préférer le système d’argent au système
d’or. Mais je prierai mon honorable ami de bien méditer si, en abaissant le
titre des monnaies, on atteindrait le but qu’il se propose. Le seul moyen, à mon
avis, serait d’avoir beaucoup de petites monnaies, de celles qu’on ne fait pas
circuler facilement. Mais quant au titre des monnaies, comme le change à
l’extérieur se règle toujours d’après la valeur intrinsèque de la monnaie dans
les pays sur lesquels on opère le change, l’abaissement du change à l’étranger
sur
M. d’Huart – Messieurs, je vous ferai
remarquer que l’honorable M. Meeus a fait la guerre non à mon amendement, mais
à la loi monétaire de 1832, car il a signalé les inconvénients qui, selon lui,
devaient résulter du système consacré par cette loi.
Je me permettrai d’appeler l’attention de l'honorable
M. Meeus sur les motifs qui m’ont fait présenter mon amendement, motifs qu’il
n’a pu rencontrer dans son discours, parce qu’il n’était pas présent à la
séance, lorsque je les ai développés.
M. le ministre des finances nous a déclaré que
Craignant donc que
J’entends M. le ministre des finances dire qu’il n’a
pas déclaré qu’en Hollande on frapperait des pièces nouvelles de 25 cents d’une
valeur beaucoup inférieure à la valeur nominale ; il est vrai que M. le
ministre n’a pas dit cela, il n’a même donné aucune réponse aux questions
itératives que nous lui avons adressées à cet égard ; il nous a simplement
dit qu’on refondait les pièces de 25 cents en ce moment, parce qu’elles avaient
une valeur réelle trop élevée ; or nous en tirons ces conclusions, qu’on
ne retire ces pièces que parce qu’il y aura avantage à les transformer en
monnaie de bas aloi d’un titre inférieur à la valeur. C’est dans cette
prévision qu’il est utile de donner au gouvernement le pouvoir qui fait l’objet
de mon amendement, pouvoir qui est aussi large que possible, et je ne conçois
qu’il puisse refuser, puisqu’il est laissé juge en définitive.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, je n’ai pas dit que
Messieurs, l’amendement de l’honorable M. d’Huart me
semble, je le répète, devoir être renvoyé à la section centrale ; car
cette amendement soulève des questions très graves sur lesquelles je ne suis
pas à même de me prononcer quant à présent. Et si je n’ai pas répondu à la
question itérative de l’honorable préopinant qui désirait savoir si, en effet,
le but du gouvernement hollandais était de convertir les pièces de 25 cents en
monnaie d’un titre inférieur, c’est parce que réellement je ne le sais pas
moi-même. Je le répète, il n’y a que peu de jours que j’ai reçu la loi
hollandaise ; je l’ai transmise à la commission des monnaies pour en faire
l’examen ; il y a une instruction, et quand cette instruction sera
achevée, je serai alors, et alors seulement, à même de me prononcer sur la
question.
Ainsi, il faut un délai plus ou moins long pour que la
chambre puisse prendre une décision en connaissance de cause, sur l’amendement
de l’honorable M. d’Huart ; or, comme je l’ai dit tout à l’heure, chaque
jour de retard apporté au vote de la loi cause une perte d’environ 300 francs
au trésor.
M. le président – Personne ne demande plus la parole, je mets aux voix la
proposition de M. le ministre des finances, tendant à renvoyer l’amendement de
M. d’Huart à la section centrale, pour qu’elle en fasse, s’il y a lieu, l’objet
d’un projet de loi spécial.
La proposition de M. le ministre des finances est
adoptée.
Articles 2 et 3
Les deux articles ci-après sont ensuite mis aux voix
et adoptés sans discussion.
« Art. 2. Le gouvernement est autorité à faire
effectuer la refonte desdites monnaies, tant celles qui se trouvent déjà dans
les caisses du trésor que celles qui y rentreront par suite des dispositions de
l’article qui précède.
« Cette refonte se fera par les soins et sous les
yeux de la commission des monnaies. »
« Art. 3. Le gouvernement prendra les
dispositions nécessaires pour la conversion de ces monnaies en monnaies
légales, ou pour la vente des lingots qui en proviendront, après avoir fait
constater le poids et le titre par la commission ci-dessus mentionnée. »
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, la chambre se rappellera qu’un crédit avait été
demandé au budget pour faire face à la dépense de la refonte. Ce crédit
constituait une des trois majorations qui ont été non pas rejetées, mais
ajournées jusqu’au vote des lois spéciales qui s’y rapportaient. J’ai en
conséquent l’honneur de proposer une disposition additionnelle qui formerait
l’article 4 de la loi ; cet article serait ainsi conçu :
« Il est ouvert au gouvernement un crédit de
125,000 francs pour faire face aux frais et dépenses qui résulteront de
l’exécution des dispositions qui précèdent. »
M. d’Huart – Messieurs, d’après le
projet de loi, il n’était demandé aucun crédit pour faire face aux dépenses
d’exécution. M. le ministre des finances vient de présenter une disposition qui
comble cette lacune. Je me proposais de soumettre un amendement, pour arriver
au même but, et je crois, d’une manière plus certaine et plus convenable dans
l’espèce ; je voulais demander qu’un compte spécial fût ouvert pour cet
objet, et que le gouvernement opérât par voie de déduction. Ce mode de procéder
aurait l’avantage de ne pas obliger le gouvernement de revenir plusieurs fois à
la charge, car rien n’indique que le crédit soit suffisant. S’il entre de
nouvelles monnaies dans le trésor, il faudra demander de nouveaux fonds. Mais
puisque le gouvernement a adopté un système d’exécution qui lui paru sans doute
le plus convenable, je ne soumettrai pas d’amendement.
M. Demonceau – Messieurs, lors de la discussion du budget des finances, il
avait été convenu que l’article qui figurait dans ce budget pour la dépense
dont il s’agit, serait ajourné pour en faire un article de la loi que nous
venons de discuter. Comme M. le ministre des finances a présenté un amendement,
je pense que c’est cet amendement qui doit avoir la préférence.
M. Delehaye – Messieurs, à la première lecture de l’amendement de
l’honorable M. d’Huart, j’étais disposé à l’adopter parce qu’il m’offrait un
moyen de pourvoir à cette dépense, sans élever le chiffre du budget des voies
et moyens ; mais, réflexion faite, il s’agit ici d’autoriser le
gouvernement à user d’un chiffre sans limites, et par ce motif, j’aime mieux voir
porter une somme plus forte au budget des dépenses que de laisser du vague, de
ne rien déterminer. La proposition de M. le ministre des finances est
préférable, en ce qu’elle fixe le chiffre présumé de la dépense.
- L’article 4 nouveau est mis aux voix et adopté.
Vote sur
l’ensemble de la loi
M. le président – La chambre entend-elle passer immédiatement au vote sur
l’ensemble ?
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Cet article nouveau n’est pas un amendement, c’est la
reproduction d’un article du budget des finances, ajourné jusqu’au vote de
cette loi.
- La chambre décide qu’il sera passé au vote sur
l’ensemble.
On procède à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité de 55 membres
qui répondent à l’appel nominal. Il sera transmis au sénat.
Ces membres sont : MM. Brabant, Coghen, Cools,
Coppieters, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Garcia de
La séance est levée à 4 ½ heures.