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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 28 janvier 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’intérieur pour l’exercice 1840.
Discussion des articles.
a) Chapitre VI – Industrie, commerce et agriculture. Discussion générale
du chapitre. Modalités de l’intervention publique en faveur de l’industrie et
du commerce (Smits, Verhaegen
(+rôle commercial des diplomates), Dumortier, Rogier, de Foere, de Theux, Cools, Delehaye,
Desmet)
(Moniteur belge
n° 29 du 29 janvier 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
Scheyven procède à l’appel nominal à une heure un quart.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la
séance précédente, la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M.
Scheyven fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la
chambre :
« La veuve Corneille Roevens, meunière à Lillo, demande une indemnité du chef des pertes qu’elle a essuyées en 1831, par suite des inondations des poldres. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux indemnités.
____________________
« Le sieur André Lefebvre, vétérinaire, auteur de la méthode curative de la morve, demande que la chambre oblige le gouvernement à adopter son projet d’organisation d’une école vétérinaire, et demande aussi une indemnité pour ses travaux pour découvrir les moyens de guérir les maladies épidémiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
M. le président invite MM. les présidents des sections à les faire convoquer pour qu’elles s’occupent de la demande de crédit supplémentaire de 100,000 francs, pour l’érection d’un petit séminaire à Saint-Trond, en remplacement de celui de Rolduc.
Discussion des articles
Chapitre
VI – Industrie, commerce et agriculture
Discussion générale
M. le président – La discussion continue sur le chapitre VI – Industrie, commerce et agriculture.
M. Smits – N’ayant pas reçu le Moniteur avant d’arriver à la chambre et n’ayant trouvé le temps que de parcourir à la hâte les notes que j’ai prises hier, il me serait difficile, pour ne pas dire impossible, de répondre, d’une manière complète, aux honorables collègues qui ont pris la parole dans la discussion d’hier. Je tâcherai cependant de rencontrer les principaux arguments qu’ils ont présentés.
Je commencerai par M. de Foere.
Cet honorable membre trouve que le système suivi par le gouvernement est irrationnel. Il accuse le gouvernement d’avoir imposé ce système au pays, sans avoir consulté, soit les chambres de commerce, soit la législature. Il accuse le système suivi d’avoir provoqué les maux et les souffrances dont nos diverses branches d’industrie sont atteintes aujourd’hui. Ces attaques dans la bouche de l'honorable membre, je les conçois, parce qu’il a un tout autre système, système qui est en quelque sorte chez lui une idée fixe. Je respecte les convictions ; très probablement son système serait bon et profitable au pays. Mais les systèmes d’économie et d’application se résument en tarifs et en dispositions corollaires à ces tarifs. Or, j’ai souvent, pour ma part, demandé à l’honorable membre qu’il voulût bien formuler son système, et faire usage de son droit d’initiative parlementaire. Alors nous aurons une base rationnelle de discussion, et ces discussions qui se reproduisent tous les ans auront une fin.
Cependant, il y a quelquefois contradiction chez l’honorable membre ; car tantôt il dit : « Votre système est mauvais « ; tantôt il dit : « Vous n’avez pas de système. » C’est ainsi qu’il disait dernièrement que beaucoup d’armateurs et de négociants ne savaient ni avancer, ni reculer, ne connaissant pas les principes qui guident le gouvernement. Mais tous ceux qui sont dans le commerce, et ceux même qui sont hors du commerce, savent qu’il y a un système qui n’est pas nouveau, qui est ancien, qui a été créé par une loi de 1816, et qui a été amélioré par une loi de 1822. Il a été conservé pour la partie maritime ; mais il a été amélioré par les traités avec les divers pays, par les explorations maritimes et par diverses autres mesures.
Pour l’agriculture, le système a été modifié par la loi sur les céréales et par la loi sur le bétail étranger. Pour l’industrie manufacturière, il a été modifié par les tarifs en faveur des fers, des toiles de lin, des draps, des tissus de laine, de la bonneterie, de la verrerie, enfin pour une masse d’objets. Il y a donc bien réellement un système déjà ancien qui a été amélioré, de la manière que je viens d’indiquer, et, en outre par la loi du chemin de fer et par la loi du transit.
Je sais que la loi du transit n’a jamais obtenu l’approbation de l’honorable membre. Mais il n’est pas vrai de dire qu’elle a été imposée au pays. Jamais la loi n’a eu une sanction plus éclatante ; car elle a passé devant cette chambre à l’unanimité des suffrages.
L’honorable membre en veut au transit : il dit qu’une politique rationnelle devrait consister non à admettre les marchandises des nations étrangères à traverser notre territoire, mais à créer le marché intérieur. Mais si vous voulez (erratum au Moniteur du 30 janvier :) le marché intérieur, c’est-à-dire le marché exclusif, réfléchissez aux conséquences de ce système, on ne peut en donner le privilège à une industrie indigène qu’en repoussant les produits similaires des auteurs pays ; et quand vous aurez repoussé de votre marché les nations étrangères, celles-ci ne repousseront-elles pas vos produits ? Alors que sera votre marché intérieur, réduit à la consommation de 4 millions d’âmes ?
A cette occasion, je répondrai à ce
qui a été dit par un autre membre. On a beaucoup parlé de
Sous le gouvernement des Pays-Bas,
c’est-à-dire alors que
En 1831 de 36,000,000 francs.
En 1832, 44,000,000
En 1833, 53,000,000
En 1835, 54,000,000
En 1836, 60,000,000.
Et à partir de 1836, époque à laquelle le gouvernement
a fait, avec
Elles ont été de 60 millions en 1836 et de 83 millions
en 1837. Enfin du tableau de 1838 que je viens de recevoir, il conste que
Un
membre – La houille forme
presqu’exclusivement cette exportation.
M. Smits – Les toiles de lin y entrent
pour une somme considérable. D’ailleurs, les houilles sont un produit aussi
intéressant qu’un autre.
L’honorable M. de Foere a combattu le système de
transit. Je comprends encore cette opposition, parce que l’honorable membre n’a
pu encore apprécier les avantages de ce système. Tous ceux qui ont pu suivre
notre mouvement commercial avant la révolution ne sauraient nier ses avantages.
Avant 1830 le mouvement du transit vers les provinces
rhénanes était de 120 millions de kilogrammes, et c’est par ce mouvement
commercial, d’où résultait en grande partie notre prospérité de cette époque,
que nous avons pu nous créer un marché ; car ce n’est que par le mouvement
des arrivages commerciaux qu’on peut se créer un marché. Et remarquez,
messieurs, qu’à cette époque, le transit était limité aux provinces rhénanes
qui n’avaient qu’une population de 3 ou 4 millions d’habitants ; et du
moment que le chambre atteindra le Rhin et la frontière de France, cette
population ne sera plus de 4 millions d’hommes ; elle sera de 26 millions
d’hommes agglomérés dans une même confédération commerciale.
On doit remarquer d’ailleurs que le transit, qui a été
si souvent blâmé par l’honorable membre, est l’origine du chemin de fer, ce
grand œuvre de civilisation, de communication. Je ne fais aucun doute que si
Ainsi, messieurs, sous le rapport maritime, industriel
et commercial, il y a véritablement un système ; et ce système a été
constamment amélioré d’après la position du pays, d’après les nouveaux intérêts
qui se sont créés.
L’honorable M. Dumortier a dit que le premier
principal commercial c’était la création des marchés. Je suis de cette opinion,
mais je crois qu’il n’y a de marchés à établir qu’au moyen du transit,
c’est-à-dire qu’en se plaçant l’intermédiaire des peuples environnants, parce
qu’on établit ainsi un grand mouvement commercial, et par conséquent de grands
marchés. Mais je n’admettrai pas avec lui qu’il faille favoriser l’importation
directe des matières premières des colonies, afin d’avantager les industries du
pays. Il arrive souvent que, sur les grands marchés d’Europe, la matière
première est à meilleur marché qu’au lieux de production, à cause de la grande
concurrence qui s’y établit.
Nos industriels doivent jouir de leur libre arbitre,
comme ils l’ont fait jusqu’à présent, acheter les matières premières là où ils
les trouvent à meilleur compte.
Il y a d’ailleurs peu d’industries aussi favorisées
que celles de
Je pourrais citer l’industrie cotonnière et établir
une comparaison entre les droits payés sur la matière première en France, en
Angleterre et en Pusse et ceux qu’on paie en Belgique, certain que le résultat
serait tout à l’avantage des industriels de notre pays, mais je m’en
abstiendrai pour ne pas fatiguer votre attention.
Hier, messieurs, l’honorable député de Thielt nous a
fait une grande concession ; il a abondé dans notre système ; il est
convenu avec nous que la navigation n’était pas un but mais un moyen, que
conséquemment il allait favoriser les arrivages le plus possible, parce que
plus on a de moyens de transporter, plus il est facile d’importer des matières
premières et d’exporter les produits fabriqués. C’est le système que nous avons
toujours défendu dans cette enceinte. Mais l’honorable membre, en faisant cette
concession, devrait comprendre que le système qu’il préconise, celui des droits
différentiels, va à l’encontre de la concession qu’il nous a faite ; car
du moment qu’il y a des droits différentiels en faveur de la navigation
nationale, ce qui lui donnerait une espèce de privilège, on exclut, on éloigne
la navigation étrangère Or, la navigation étrangère diminuant, il est évident
que l’universalité des industries du pays en souffrira. Je prends pour exemple
l’industrie cotonnière. Je suppose la navigation étrangère exclue ou éloignée
de nos ports par les droits différentiels ; dès lors n’ayant plus assez de
navires pour importer vos matières premières et exporter vos produits
fabriqués, le fret augmentera et par suite l’augmentation du fret tombera sur
la matière première, importée et sur la matière fabriquée.
L’honorable député de Thielt a dit encore : Sous
un certain rapport je veux bien du transit, mais il y a transit et
transit ; il y a le transit actif et le transit passif. Le transit actif
est celui qui résulte du transport et de l’emmagasinage des marchandises
importées sous pavillon national ; celui-là est véritablement profitable
au pays. Le transit passif, au contraire, c’est celui des marchandises
importées sous pavillon étranger, cela-là ne profite pas au pays.
Je demanderai à l’honorable membre s’il croit
réellement qu’un tonneau de marchandises transporté de Bruges vers le Rhin,
importé sous pavillon national, coûtera moins cher en salaires d’ouvriers, en
frais de transport et d’emmagasinage qu’un tonneau de marchandises importé par
un navire étranger. Certainement non puisque les frais sont les mêmes.
D’ailleurs, comment ferait l’honorable membre avec les marchandises qui nous
viendront du nord de l’Italie, de
Vous voyez que cela est impossible. Votre système, dit
l’honorable membre, n’est suivi nulle part ; il est exotique, aucune
nation ne fait de son transit la base de son système commercial. Le transit
partout est considéré comme un moyen de commerce tout à fait secondaire. Mais
quand l’honorable membre raisonne de cette manière, il devrait, pour
l’application, jeter les yeux sur les pays qui ont une position identique à la
nôtre, il ne doit pas prendre pour point de comparaison l’Angleterre, car
l’Angleterre est un pays hors ligne, elle ne peut être comparée avec qui que ce
soit. La comparaison devait être faite avec
Je soutiens donc que les peuples que je viens de citer
favorisent le transit, parce que, comme nous, ils savent très bien que le moyen
d’avoir un marché, c’est d’avoir un grand mouvement commercial et une grande et
nombreuse navigation sans lesquels tout marché est impossible ; c’est
qu’ils savent, en outre, comme nous que le moyen de se donner ces avantages,
c’est de se placer comme l’intermédiaire des échanges entre les peuples dont on
est entouré.
Enfin, on a dit que c’était à notre système, au
système que mes honorables amis et moi défendions, système, je le répète, qui
est ancien et que nous n’avons fait qu’améliorer, qu’il fallait attribuer le
malaise du commerce et de l'industrie ; mais personne ne le croira. Le
malaise de quelques branches de notre industrie tient à des causes générales
qui ont agi sur tous les peuples, sur l’Allemagne, sur
Il y a perturbation, et cette perturbation se présente
à l’étranger sous des couleurs plus sombres qu’à l’intérieur ; car les
nations rivales exploitent cette situation, elles l’exagèrent et font naître
des craintes ; les négociants étrangers effrayés suspendent leurs
commandes et l’envoi de leurs cargaisons ; et à ces causes d’interruption
des affaires vient se joindre encore souvent une autre cause de malaise, c’est
le cri de détresse que jette l’industrie elle-même. Celui qui fait travailler
attend pour faire ses achats, parce que plus la détresse est grande, plus il a
de chances d’acheter à bon compte et de faire de gros bénéfices.
Qu’on cesse donc de dire que le malaise qu’éprouvent
quelques branches de notre industrie dérive du système suivi par le
gouvernement. Ce malaise, je le répète, tient à des causes générales, et il
résulte des circonstances fâcheuses dans lesquelles nous nous sommes trouvés.
Je concevrais cependant les reproches adressés au
gouvernement; lorsqu’une branche de commerce ou une branche d’industrie se
trouve momentanément en souffrance, si le gouvernement avait véritablement une
action sur le commerce et l’industrie. Mais je pose en fait que le gouvernement
n’en a aucune, il ne peut empêcher une branche de commerce de s’exploiter, ni
une industrie de s’établir. Aussi que voit-on ? Du moment où un article de
commerce ou d’industrie offre quelque bénéfice, tout le monde s’y jette à la
fois pour l’exploiter. De là une concurrence, une surexcitation de production à
laquelle le gouvernement ne peut rien. Et au milieu de cette surexcitation de
production, de cette concurrence effrénée, on ne fait pas attention à une
chose, c’est que tous les pays entrent successivement dans l’arène
industrielle, et que tous veulent être producteurs à leur tour. Ainsi, tandis
que d’un côté la production augmente, de l’autre les débouchés se restreignent
plus ou moins ; mais, encore une fois, cela ne tient pas au système
adopté, mais à la force, à la nature des choses.
Messieurs, je puis vous assurer que le gouvernement
n’a jamais négligé un conseil ; il en a donné chaque fois qu’il l’a
pu ; il a fait voir souvent à des industriels qui voulaient ériger de grands
et somptueux établissements le défaut de bases sur lesquelles on voulait bâtir.
Je le répète, à défaut de moyens d’action, il a dû se borner à des conseils
dont bien souvent, malheureusement, on n’a pas tenu compte.
Il est facile de dire à un gouvernement : Vous
n’avez rien fait pour le commerce et pour l’industrie ; mais moi, je
poserai une autre question, et je demanderai ce qu’il aurait fallu faire et ce
qui ne s’est pas fait ? Si le système suivi, système ancien mais amélioré,
comme je l’ai déjà dit, avait été réellement défectueux, votre industrie aurait
diminué, votre mouvement commercial se serait ralenti. Or, messieurs, c’est le
contraire qui est arrivé, et je vais le prouver par des chiffres, qui sont la
loi écrite des problèmes économiques.
Depuis 1831, nos exportations générales se sont
élevées de 104 à 155 millions ;
Nos exportations exclusivement belges se sont élevées
de 96 à 129 millions ;
Le mouvement de notre navigation s’est accru de
126,000 tonneaux à 288,000 tonneaux ;
Et les bâtiments chargés, partis de nos ports avec des
produits du pays, ont cru augmenter leurs chargements de 74,000 tonneaux à
180,000 tonneaux.
En présence de pareils résultats peut-on accuser un
système ? non, un pareil système est bon, puisque l’expérience prouve que
les résultats sont favorables.
Je disais tantôt, messieurs, que le gouvernement
n’avait rien négligé pour l’industrie et le commerce ; et ajoutez
maintenant, parce qu’il faut rendre hommage à la vérité, que jamais on n’a tant
fait pour toutes les branches de la prospérité publique, que depuis que les
ministères des affaires étrangères et de l’intérieur ont été réunis dans les
mêmes mains, dans les mains de l’honorable M. de theux.
Que d’autres se vantent de ce qu’ils font pour le commerce
et l’industrie, je le conçois. C’est une petite satisfaction qu’ils donnent à
leur petit amour-propre ; mais les hommes vraiment dévoués au pays, et qui
ne cherchent qu’en eux-mêmes et dans leur conscience, la seule récompense de
leurs travaux ne font pas si grand étalage. Ils travaillent et ne disent rien.
C’est ainsi qu’on ignore le plus souvent les
difficultés des gouvernements, et, pour ne citer que quelques exemples,
permettez-moi de rappeler celles que le cabinet actuel rencontra peu de temps
après son arrivée au pouvoir.
Le Danemark voulait nous fermer les eaux du Sond et
des deux Belt, en nous assujettissant à des droits additionnels qu’il eût été
difficile de supporter. A la même époque
Le Danemark admet nos navires dans le Sund et les
Belt, comme il admet ceux des nations les plus favorisées.
Aucun renseignement ne leur a été dérobé, à tel point
que leurs secrétariats doivent former aujourd’hui des petits bazars où presque
tous les produits du monde se trouvent déposés.
Chose singulière, messieurs, on dit sans cesse au
gouvernement : marchez, mettez-vous en mouvement, protégez le commerce et
l’industrie ; et quand il veut marcher, qu’il veut se mettre en mouvement,
on l’arrête, on lui dit : Vous ne marcherez pas !
Je concevrais une pareille conduite chez l’opposition
si le crédit annuellement voté pour l’encouragement du commerce et de
l'industrie avait donné lieu à des critiques fondées ; mais c’est tout le
contraire ; car, chose remarquable, messieurs, c’est que chaque fois que
la chambre a eu à s’occuper de l’emploi du crédit, jamais aucune difficulté ne
s’est élevée. Au contraire, on a toujours témoigné de la satisfaction au
gouvernement pour la manière dont ce fonds avait été réparti.
La section centrale s’est plaint de ce qu’on n’avait
pas donné assez d’explications ; mais ces explications sont souvent
impossibles ; car pourquoi demande-t-on des fonds ? C’est pour
encourager les efforts d’industries nouvelles, c’est pour venir aux secours des
anciennes industries qui souffrent par une cause accidentelle et inopinée.
Ainsi il n’est pas possible de déterminer d’avance l’emploi des crédits. Quand
même ce serait possible, quand même le gouvernement aurait la prescience de
l’avenir, il ne pourrait pas encore donner des explications ; car il est
imprudent quelquefois de dire comme on appliquera tel ou tels fonds. Je vais en
citer un exemple.
En 1835 le gouvernement, pressé par des sollicitations
nombreuses, eut égard à la souffrance extraordinaire de l’industrie cotonnière,
et prit une mesure pour la favoriser. Il préleva sur les crédits encore disponibles
des années antérieures une somme assez majeure pour aire quelque chose. Le
gouvernement dit : faites une association ; tâchez d’exporter, tâchez
de ressaisir vos anciens débouchés ; il y aura perte d’abord, mais cette
perte je la supporterai jusqu’à concurrence de telle somme.
Eh bien, cette combinaison marcha parfaitement
bien ; on avait pris pied dans des anciens parages, lorsqu’une malheureuse
indiscrétion commise par un journal qui ne devait pas la commettre vint révéler
l’existence de cette prime indirecte. Immédiatement après une mesure fut prise,
et les produits de notre industrie, au lieu d’être assujettis à un droit de 25
p.c. furent frappés d’un droit de 50 p.c. Vous voyez donc, messieurs qu’il
n’est pas toujours prudent de trop dire.
Quant à ce qui concerne le million Merlin, je ne pense
pas qu’il fasse naître de craintes sérieuses, puisque tous les ans la chambre a
la faculté d’examiner l’emploi qui a été fait des crédits, et jamais, dans
aucune circonstance, je le dis encore la chambre n’a trouvé aucune critique à
faire sur la répartition des fonds. Au reste il serait peut-être désirable que
le gouvernement eût un million à sa disposition, et quant à moi, je le voterais
volontiers.
On a parlé de bateaux à vapeur ; eh bien, je
demande si dix fois cent mille francs appliqués à la construction de deux
bateaux à vapeur pour établir une navigation régulière d’Ostende et d’Anvers
vers l’Amérique, le Brésil, le Mexique, ne seraient pas une chose
essentiellement utile au pays ? Et si ce ne serait pas un moyen de faire
connaître davantage nos produits dans des parages qui sont trop peu
exploités ? cette navigation ne serait-elle pas un bien nécessaire à notre
pays, à notre industrie ?
Je suis de très près le mouvement commercial des
autres nations qui nous environnent, et j’avoue que c’est avec tristesse que je
parcours les tableaux des importations de ces pays. L’Amérique du nord, entre
autres, reçoit des masses de marchandises de l’Allemagne et de
L’Angleterre dépense pour ses consulats seuls près de
7 millions ; et
M. Verhaegen – Messieurs, je croirais manquer à mon devoir si je ne disais
quelques mots sur une question aussi importante que celle qui s’agite dans ce
moment. Je n’examinerai pas s’il convient ou s’il ne convient pas de voter
l’allocation demandée par le gouvernement, c’est une question qui me paraît
être aujourd’hui assez controversée, que celle de savoir s’il fait, par des
subsides, venir au secours d’un commerce. Quoi qu’il en soit, messieurs, au milieu
de cette divergence d’opinion, je préfère voter l’allocation ; mais je ne
pense pas que là doive se trouver la solution de la véritable question ;
le commerce et l’industrie sont en souffrance ; tout le monde est d’accord
sur ce point ; quel est le remède qu’il faut y apporter ? c’est ce
que nous avons à examiner. Pour nous, messieurs, avant de nous prononcer sur
cette question délicate, il conviendrait que nous sachions quel est le système
du gouvernement en matière commerciale ; et, il faut le dire franchement,
le système du gouvernement sur cette branche importante nous est inconnu, aussi
bien que son système sur les autres branches de l’administration.
Le système du gouvernement en matière commerciale
est-ce un système de liberté illimité de commerce ? Ou enfin est-ce un
système de temporisation ? Impossible, messieurs, de distinguer auquel de
ces trois systèmes le gouvernement donne la préférence. Cependant le temps est
venu de ne pas rester dans l’incertitude et de prendre un parti, parce que tous
nos voisins s’occupent de cette question qui est vivace, et que si nous
attendons plus longtemps, nous arriverons trop tard.
J’au cru, messieurs, qu’il était d’autant plus de mon
devoir de prendre la parole dans cette circonstance que, dans les sessions précédentes,
je m’étais occupé des questions de douanes et que je vais à cet égard,
franchement énoncé mon opinion. Je marchais à cette époque d’accord avec
certain membre du cabinet ; j’ignore si ce membre a changé d’avis depuis
lors, mais il avait alors des opinions bien plus tranchées que nous. On m’a
reproché, en 1838, de professer des opinions anti-libérales en matière
commerciale ; je pense qu’on ne m’avait pas compris ou qu’on n’avait pas
voulu me comprendre, mais aujourd’hui on me comprendra mieux.
Je n’ai jamais été partisan des prohibitions, mais
j’ai été partisan et je serai toujours partisan, des mesures de
représailles ; j’adopterai des prohibitions, quand d’autres nous frappent
de prohibition, parce que je vois qu’en définitive (et l’expérience est là pour
me prouver que j’ai raison), parce que je vois qu’en faisant des concessions et
en en faisant toujours on finit par être dupe.
Messieurs, lorsque tous nos voisins s’occupent de
cette question importante, celle qui se rattache à la faveur qu’il faut
accorder au commerce et à l’industrie, pouvons-nous rester dans l’inaction, et
n’est-il pas du devoir d’un député de venir demander compte au gouvernement de
ce qu’il a fait pour se mettre à la hauteur des autres pays ? On nous a
dit, messieurs, que depuis que les ministères de l'intérieur et des affaires
étrangères avaient été remis et confiés à l’honorable M. de Theux, on avait
beaucoup fait pour le commerce, on avait fait ce que nous ne pouvions jamais
espérer. Et qu’a-t-on fait ? Je croyais, messieurs, que l’honorable
préopinant allait nous donner un détail de tout ce que l’on avait fait. J’ai
entendu parler des relations avec des pays lointains ; immédiatement après
j’ai entendu dire qu’il était désolant de voir que d’autres pays faisaient des
importations considérables en Amérique, tandis que nous, nous ne faisions rien,
et l’on a attribué cette position au défaut d’une navigation pour laquelle nous
avons des sacrifices à faire. Ainsi, nous aurions établi pour le moment des
relations avec les pays avec lesquels nous ne pouvons rien opérer, et avec les
pays voisins nous n’avons rien fait ou du moins presque rien. C’est cependant
avec nos voisins que nous avons à compter, c’est avec nos voisins que nous
avons à établir des relations pour éviter que nous ne soyons, comme l’a dit
hier l’honorable M. Dumortier, victimes d’un véritable blocus
continental ; c’est avec les pays limitrophes que nous avons à faire des
affaires. Peu importe dans les circonstances actuelles, surtout d’après
l’observation qui vient de vous être soumise par l’honorable directeur du
commerce, peu importe dans les circonstances actuelles quelles sont les
relations qu’ont a pu établir avec le Brésil, avec l’Amérique ; ces
relations, certes, pourraient nous être d’une
très grande utilité dans la suite, mais jusqu’au moment où
Dans une circonstance récente (et je me bornerai à
celle-là ; et je ne veux pas, messieurs, vous faire perdre votre temps en
énumérant tout ce qui s’est passé depuis 1838) dans une circonstance récente,
alors qu’il s’agissait du canal de l'Espierre, que je considérais comme un
sacrifice fait à
Une
voix – Ce n’est pas pour demander
l’approbation.
M.
Verhaegen – Vous ne savez pas quelles
seront les propositions qui feront suite à cette présentation ; au moins
est-il certain qu’on se conduit en France d’une toute autre manière qu’on ne
s’est conduit ici.
Voulez-vous savoir, messieurs, comment
Qu’on dise après cela qu’il faut être large dans les
concessions, que l’on dise, comme on l’a dit dans la discussion relative au
canal de l’Espierre, qu’il faut accorder des concessions pour trouver des
défenseurs lorsqu’il s’agira de nouveaux projets en matière de douane. A chaque
pas que nous faisons on nous frappe, et jamais nous n’obtenons rien. Je serais
fort curieux de savoir ce que nous avons obtenu en retour de tous les
sacrifices immenses que nous avons faits.
Il en est de même, messieurs, pour l’Angleterre.
Comment l’Angleterre nous traite-t-elle ? Eh bien à cet égard, je vous
dirai franchement ma pensée ; je crois qu’en ce moment l’Angleterre réunit
tous ses efforts pour détruite et notre industrie cotonnière, et notre
industrie linière, et nos hauts fourneaux. Et qu’on ne s’y trompe pas,
messieurs, dans les statistiques publiées par le gouvernement lui-même, nous
voyons, en ce qui concerne, par exemple, nos fontes, qu’à une certaine époque
(je crois que c’était en 1836), les importations surpassaient des deux tiers
nos exportations. D’après les statistiques qui nous sont fournies par le gouvernement,
l’Angleterre nous fournit pour plus de 60 millions ; et à combien se
montent nos exportations vers ce pays ? A peine à 17 millions. Et on
laisse subsister cet état de choses ! Et le gouvernement reste dans
l’inaction !
Voyons ce qui se passe autour de nous, et comment nos
voisins agissent ; voyons les précautions qu’ils prennent, et demandons
alors au gouvernement quelles sont les précautions que nous avons prises.
L’Angleterre elle-même paraît avoir fait des démarches
pour participer aussi aux avantages de l’union des douanes.
Tout le monde travaille donc autour de nous à l’effet
d’obtenir les meilleures voies de débouchés.
Et que faisons-nous ? Quels sont les traités que
nous avons conclus avec les pays limitrophes ? Quelles sont les démarches
que nous avons faites pour établir des relations ?
Nous avons des diplomates ; qu’ont-ils fait pour
le commerce ? Lors de la discussion sur le budget des affaires étrangères,
un honorable député a fait remarquer que, dans la position actuelle de
Eh bien, je viens demander au gouvernement ce que nos
envoyés dans les pays voisins ont obtenu. Je viens lui demander s’il est enfin
question d’établir des relations, s’il y existe des projet de traité de
commerce ; je viens en un mot demander au gouvernement, et je prends acte
aujourd’hui de mes interpellations, si toutes les précautions sont prises, pour
qu’en dernière analyse
Pourquoi, par exemple, ne dirait-on pas à l’Angleterre
qui nous fournit une masse des marchandises et même des cafés, que si elle
continue à nous traiter comme elle nous traite aujourd’hui, nous pourrons
changer nos relations et en établir avec
Voilà, messieurs, où est la véritable question. Je ne
la voix pas dans le chiffre qu’on demande. Quant à l’importante question de
savoir s’il faut ou non des primes, il y a divergence d’opinions, et, dans le
doute, comme je l’ai dit, je suis plus disposé à voter le chiffre qu’à le
refuser. Ce que je vois cependant, et il m’importe de le dire dans cette
enceinte, c’est qu’en France l’on vient de proposer, par un projet de loi, une
allocation de 40,000,000 de francs, pour indemniser les fabricants de sucre
indigène. En Angleterre, vous le savez, messieurs, il y a un fonds spécial des
douanes ; le produit des douanes y est destiné à être réparti en primes.
Voilà cependant d’un côté
Pour me résumer, je dis que mes principes sont
aujourd’hui ce qu’ils étaient en 1838 ; je ne suis, ni ne serai partisan
des prohibitions, mais je suis et je serai toujours partisan des mesures de
représailles. Alors que nous nous tiendrons dans cette position, alors que nous
pourrons dire à ceux avec lesquels nous aurions à traiter : « J’ai
encore quelque chose que je puis vous accorder ; à votre tour,
accordez-moi quelques avantages, » il y aura moyen d’établir des traités
de commerce ; mais aussi longtemps que vous ne vous serez pas mis dans
cette position, vous ferez des sacrifices et vous finirez toujours par être
dupes.
Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire dans les
circonstances actuelles, et j’avais à cœur de démontrer que l’opinion que j’ai
énoncée en 1838 est encore celle que j’énonce en 1840.
M. Dumortier – Messieurs, je remercie
l’honorable député d’Anvers d’avoir enfin défini le système commercial du
gouvernement. Je dis « du gouvernement » ; car quoique
l’honorable député n’appartienne plus au gouvernement, nous savons qu’il a été
pendant très longtemps à la tête de la direction du commerce, et que, par
conséquent, ce système ne lui est pas inconnu.
Vous l’avez entendu, messieurs, ce système se réduit à
des termes bien simples : « faciliter les arrivages », voilà le
système du gouvernement.
Faciliter les arrivages… certes, c’est là une bonne
chose, quand toutefois les arrivages ne sont pas l’affaire principale du
commerce ; car il faut distinguer entre les arrivages.
Sous ce rapport, je ne partage point l’opinion de ceux
qui prétendent que la navigation n’est pas un but, mais qu’elle est un moyen. Je
pense qu’en matière d’industrie, tout est moyen, tout en but : il n’est
aucune branche d’industrie qui n’amène avec elle des productions, et qui par
conséquent, ne soit un but pour celui qui l’exerce. Je ne comprends donc pas
les distinctions subtiles, toutes de théorie, que l’on a faites, dans la
pratique (et c’est toujours à la pratique qu’il faut d’attacher ; tout est
industrie ou moyen, et but ; tout ce qui rapporte est un but vers lequel
doivent tendre les efforts du gouvernement.
A la vérité, il existe dans l’industrie des positions
tout à fait différentes qui amènent des résultats aussi très différents.
Ainsi le commerce de transit est le moindre de tous
les commerces. J’insiste, messieurs, sur cette proposition, parce que nous
sommes habitués à avoir les oreilles blasées par ce grand mot de transit, et
que plusieurs d’entre vous, moins familiarisés avec les questions de commerce,
pourraient croire à l’immense avenir qui nous est préparé au moyen du transit.
Or, messieurs, le transit en lui-même, est l’opération
la moins lucrative de toutes les opérations commerciales. Le transit s’effectue
dans un pays, avec d’autant plus d’activité qu’il s’y fait à un taux plus
économique. Ainsi vous aurez plus de transit par un chemin de fer ou par une
voie d’eau que vous n’aurez de transports par voitures. Mais sera-ce un
avantage pour nous ? Evidemment non, car moins le transit nous laisse de
bénéfices, moins il est avantageux au pays. Dans mon opinion, le commerce pour
une nation consiste à amener, au moyen de toutes les opérations commerciales,
le plus grand nombre de bénéfices possible ; et certes, en pareille
matière, il est constant que la partie qui offre le moins de bénéfices est
précisément l’opération de la marchandise qui passe. Un exemple fera sentir cette
vérité. Si l’Angleterre et
Vous voyez donc, messieurs, ce que c’est que le
commerce de transit, c’est le moyen le plus économique pour les autres nations
de traverse notre territoire, et, par conséquent le moins productif pour le
pays qui en est l’objet.
En matière de commerce, et surtout de commerce
international, il faut distinguer trois choses : il y a à considérer
d’abord la navigation, en second lieu la vente, en troisième lieu la commission
qui est le transit.
De ces trois choses, celle qui rapporte
incomparablement le plus de bénéfices, c’est la navigation ; vient ensuite
la vente, la commission n’arrive qu’en troisième ligne, elle ne rapporte que
des bénéfices infiniment minimes ; ainsi elle ne procurera qu’un bénéfice
d’un quart p.c., tandis que la vente peut procurer à celui qui arrive dans nos
ports de mer un bénéfice de 5,6 et même 10 p.c.
Ce n’est donc pas le nombre des arrivages, mais la
qualité des arrivages qui est la question principale pour un pays. Ainsi,
Il ne faut donc pas que le gouvernement borne ses vues
à ces commissions et le transit, qui en est la suite, est au-dessous de toutes
les autres opérations commerciales.
En matière d’industrie, il faut réunir tous les
bénéfices possibles. Si vous pouvez faire le bénéfice de la navigation, faites
le bénéfice de la navigation ; si vous pouvez seulement faire le bénéfice
de la vente, faites le bénéfice de la vente ; si vous devez vous borner à
faire le bénéfice de la commission, faites encore le bénéfice de la
commission ; mais pour Dieu ! lorsque vous pouvez faire le bénéfice
de la vente et de la navigation, gardez-vous de borner vos vues au seul
bénéfice de la commission. Or, le système qu’on vient de développer ne tend à
rien autre chose, sinon à limiter le bénéfice commercial de
Eh bien, ce système, appliqué à la navigation par
l’honorable membre auquel je réponds, est la même chose que la liberté
commerciale appliquée à la tarification. Maintenant, je vous le demande, si on
venait vous proposer d’établir la liberté de commerce, qui oserait l’appuyer ?
Elevés que nous sommes dans les principes de liberté,
nous désirerions tous pouvoir admettre cette liberté commerciale ; nous le
désirerions d’autant plus que
Ce système, dit,-on, existait sous
Messieurs, quelles ont été les conséquences de cette
conduite ? vous les connaissez tous. A l’époque de la révolution, vous
aviez une marine très florissante, vous aviez à Anvers des chantiers de
construction magnifiques, des vaisseaux nombreux se trouvaient dans nos ports.
Eh bien, qu’est-il arrivé ? par suite du faux système ou plutôt de
l’absence de système commercial du gouvernement, les chantiers ont été fermés,
vos beaux navires vous ont abandonnés et sont allés dans les pays où on
accordait une protection à la navigation. Je vous le demande, est-il vrai de
dire qu’un système qui a produit d’aussi funestes résultats doit amener la
prospérité du pays, doit continuer à nous régir. Pour moi, je dis qu’un pareil
système est jugé et ne peut amener que la ruine du pays.
Depuis lors on a bien adopté quelques dispositions de
détail qui ont pu favoriser l’industrie ; on a accordé des primes à
l’industrie dans des moments de souffrance, on en a accordé également à la
pêche nationale. Par suite de ces primes, quelques navires ont été
construits ; mais nous sommes encore bien loin de l’état où nous étions au
moment de la révolution ; ce qui prouve que la situation de notre marine
tient au vice du système qui nous régit. Si nous pouvions revenir à un système
protecteur, soit par des colonies, soit par des traités sagement conçus, soit
par des droits différentiels, notre navigation redeviendrait bientôt
florissante. Messieurs, sans navigation, vous n’aurez jamais de commerce
prospère. Si nous pouvons revenir à un système protecteur, nous aurions bientôt
recréé une marine plus florissante que celle qui existait du temps du roi
Guillaume, et cette marine amènerait la prospérité du pays.
Messieurs, qu’est-il arrivé pendant les dix années qui
viennent de s’écouler ? Nous avons joui d’une prospérité inouïe dans les
fastes de
Voulez-vous un témoignage qui ne sera pas suspect de
la vérité que je viens d’avancer ? M. Huskisson, l’un des ministres les
plus distingués de l’Angleterre, disait relativement à cette haute question commerciale,
de la position de l’Angleterre et de
Voici ce que disait M. Huskisson, le 22 mars
1825 :
M. Smits – Il est mort en 1826 ;
M.
Dumortier – Sous l’influence de quelles
circonstances l’Angleterre fonde-t-elle son système de navigation ?
Lorsque, comparativement à ce qu’elle est maintenant, sa marine maritime était
insignifiante et ses capitaux médiocres ; avant que ses manufactures ne
fussent établies et lorsqu’elle exportait son grain, ses farines et beaucoup
d’autres de ses matières premières. Elle l’a établi à une époque où, d’un autre
côté,
Voilà, messieurs, les résultats d’un système
commercial bien entendu et pratique, voilà l’opinion du plus haut interprète
des intérêts commerciaux de l’Angleterre, sur cette grande question
commerciale. C’est la législation commerciale qui a poussé à un aussi haut
degré la prospérité de l’Angleterre, tandis que l’absence de cette législation
a fait tomber au plus bas de l'échelle l’industrie en Belgique.
Messieurs, vous voyez donc que le système du
laisser-faire, du laisser-passer, système qu’admet l’honorable député d’Anvers,
est un système qui n’aura d’autre résultat que celui obtenu depuis dix ans, de
laisser la haute industrie de navigation sans prospérité. L’honorable membre
lui-même en a fait l’aveu ; il a reconnu combien était vicieux le système
qu’il a défendu. « Lorsque, vous a-t-il, je parcours la statistique des
exportations faites en Amérique, ce pays qui consomme une si grande quantité de
produits européens, je vois que l’Amérique reçoit des produits de France,
d’Allemagne, de Suisse, d’Angleterre ; et de nous, rien. »
Mais pourquoi n’envoyons-nous rien dans les diverses
contrées de l’Amérique ? La raison en est bien simple ; parce que
nous n’avons pas de droits qui favorisent notre navigation directe aux grandes
Indes. Etablissons des droits protégeant notre navigation avec ces contrées, et
nous y enverrons des produits, tandis que maintenant notre marché n’existe pas
il n’est qu’un bureau de commissionnaires, il n’a pas de véritable négoce. Les
navires américains au contraire viennent décharger leurs cargaisons en France
ou en Angleterre et retournent avec des produits de ces pays. Ce n’est pas
étonnant, la législation des pays voisins frappant de droits beaucoup plus
élevés les navires qui, venant des colonies, ont touché quelque port d’Europe, tout navire arrivant
des colonies se rend d’abord dans ce pays avant de venir en Belgique, certain
de trouver le port ouvert, en sorte qu’il n’arrive chez nous qu’avec son rebut.
Messieurs, vous voyez que la cause, l’unique cause de
la stagnation de la navigation commerciale, de l’absence de toute relation avec
l’Amérique , est le défaut de navigation directe avec l’Amérique, si vous
n’établissez pas une législation semblable à celle qui régit les pays voisins.
Sans doute, si cette législation n’existait pas en France et en Angleterre,
nous aurions tort de la demander ; elle serait inutile. Il en serait de
même du tarif de douane. Mais il faut bien tenir compte des faits, et quand il
existe chez nos voisins des droits plus élevés pour les navires venant des
colonies lorsqu’ils touchent à un port d’Europe, que lorsqu’ils viennent en
ligne directe, vous devez mettre notre commerce dans la même position que ces
pays, si vous voulez avoir un marché. Comment voulez-vous créer un marché avec
un transit ! L’honorable membre dit que les grands marchés se créaient au
moyen de transit.
Je viens de démontrer le contraire. Le transit, c’est
le commerce de passage qui ne crée aucun marché. Comment voulez-vous créer un
marché si vous n’avez pas d’arrivages directs ? mais si vous n’avez pas
d’arrivages directs, et que vous deviez tirer vos marchandises des marchés de
Londres, de Liverpool et du Havre, ce sera toujours un marché de seconde main,
et vous serez pas là dans une position plus défavorable que les marchés
étrangers. Comment voulez-vous, en recevant les marchandises des ports de
l’Europe, vendre au même prix que sur les marchés qui reçoivent ces
marchandises des lieux de production ? Si vous voulez vendre au même prix
que sur ces marchés, commencez par avoir la marchandise par les mêmes moyens
qu’eux.
Lors de la discussion de l'enquête, il a été démontré
par les fabricants de l’industrie cotonnière que la différence du prix de la
matière première sur nos marchés et les marchés étrangers, était de 10 à 15
p.c. relativement au prix de revient. Comment voulez-vous que notre industrie
puisse lutter avec l’industrie étrangère ; avec une pareille différence,
la lutte devient impossible. Vous placez donc, par votre système, notre
industrie dans des conditions défavorables dont elle ne pourra jamais sortir.
Remarquez cependant qu’il n’y a pas de pays au monde plus heureusement situé
que
Dans la séance d’hier, M. le ministre de l'intérieur a
dit qu’avec les droits différentiels on n’aurait plus le coton au même prix
qu’aujourd’hui. C’est là une erreur matérielle avancée sans aucune connaissance
de la question. Quiconque a des connaissances en cette matière sait qu’au moyen
des arrivages directs nous aurons du coton à plus bas prix que nous ne l’avons
aujourd’hui qu’il nous vient des ports d’Angleterre ou de France. Cela se
conçoit aisément, puisque dans l’état actuel des choses on doit payer deux fois
les frais de chargement et de déchargement, double frais de commission les
frais de transport de la marchandise et l’intérêt des capitaux pendant tout le
temps qui s’est écoulé. Pour quiconque a des connaissances commerciales, il est
constant (cela d’ailleurs a été prouvé devant la commission d’enquête) que ce
système de provenance indirect cause à notre commerce un préjudice de 10 p.c.
C’est la même chose pour la question des sucres. Nous
consommons en Belgique une quantité considérable de sucre. Il a été démontré
dans l’espèce d’enquête qui a eu lieu il y a trois ans que les ¾ du sucre brut
qui vient dans le pays nous arrivent par
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je demande la parole.
M. Rogier (à M. Dumortier) –
Ce n’est pas plus exact que les autres faits que vous avez avancés.
M.
Dumortier (à M. Rogier) – Je défie
d’en contester un seul. Je vous porte, à cet égard, le défi le plus formel.
M.
Rogier (à M. Dumortier) – Je n’accepte pas, pour le moment, ce
défi-là. Je vous laisse aller aussi loin que vous voudrez.
M.
Dumortier – Je viens de vous établir
d’une manière incontestable, je pense, quoi que puisse dire l’honorable interrupteur,
que nous n’avons éprouvé aucun bien-être du système qui nous régit. J’ai
démontré, et l’on ne me répondra pas, qu’avec ce système toute notre belle
marine qui était à Anvers s’en est allée, qu’avec ce système, tandis que tout
était florissant en Belgique, que tous les capitaux étaient en activité, la
navigation seule se trouvait dans un état de souffrance. J’ai démontré que le
système suivi par le gouvernement n’était qu’un palliatif et que ce qu’il y
aurait à faire, ce serait d’adopter une véritable législation tendant à
développer l’industrie.
Maintenant comment qualifier le système de prime
adopté par le gouvernement ? Il n’y
a pas deux expressions pour le qualifier, c’est un système d’aumône.
Oui, ce système tend, non pas à protéger l’industrie en souffrance, mais à lui
faire l’aumône. Eh bien, je ne veux pas, moi, réduire l’industrie et le
commerce à l’aumône, je veux les voir florissants et prospères. Avec un tel système vous n’y arriverez jamais.
M.
Rogier (pour un fait personnel) –
Mon intention n’était pas de prendre part à la discussion théorique qui s’est
élevée à l’occasion du budget de l'intérieur, mais sur une observation que j’ai
adressée à l’honorable M. Dumortier, il m’a porté, pour me servir de son expression,
le défi le plus formel de répondre à aucune de ses allégations. Je demanderai à
lui répondre quelques mots (Parlez !
parlez !)
Lorsque l’honorable préopinant a avancé qu’il était
résulté de la discussion sur les sucres, ce fait que la plus grande partie des
sucres bruts nous arrive des ports européens et qu’une très minime partie nous
arrive des lieux de provenance, je n’ai relevé cette allégation que pour faire
observer à l’orateur qu’il se trompait, que ce n’était pas ce fait qui était
résulté de l’enquête, mais le fait contraire, et que la plus grande partie des
sucres bruts nous arrive des pays de provenance. C’est pour cela que j’ai
accusé l’honorable préopinant d’inexactitude. Voici donc ma première réponse au
défi formel que l’orateur a bien voulu me porter.
L’orateur a rappelé (et ce sera ma seconde réponse)
que le système suivi depuis 1830 avait entraîné la perte de notre marine, de
notre navigation. La perte d’un assez grand nombre de navires qui ont émigré à
l’époque de la révolution ne peut pas être attribuée au système suivi depuis la
révolution. Ce système est absolument le même qu’avant la révolution. Je défie
à mon tour l’honorable préopinant
d’indiquer en quoi ce système a été changé.
M.
Dumortier – Nous n’avons plus de
colonies.
M.
Rogier – Ainsi, le système du
gouvernement consiste a avoir perdu les colonies, à avoir perdu Java (on rit) ; or, je ne pense pas que
jamais cela ait fondé un système pour
M. le président – Je ferai remarquer à l’orateur qu’il ne s’agit plus là de
fait personnel.
M.
Rogier – Je conviens, M. le
président, que je m’éloigne un peu du fait personnel, mais comme il m’avait été
porté un défi, j’ai dû y répondre. Pour ne pas abuser des moments de la chambre,
je m’arrêterai ici.
M. le président – Si M. Rogier le désire, je l’inscrirai après les orateurs
déjà inscrits.
M.
Rogier – Je vous remercie, M. le
président ; je ne veux pas prolonger des débats sans conclusion.
(Moniteur n°30 du 30 janvier 1840) M.
de Foere – Messieurs, l’orateur qui,
le premier, a pris la parole dans cette séance, a soulevé des questions fort
importantes, des questions de principe qui intéressent le pays au plus haut
degré. Il s’est particulièrement attaché à l’examen du système commercial que
je défends dans cette chambre et qui, dans mon opinion, est le seul qui
convienne aux intérêts du pays.
L’honorable député d’Anvers a dit d’abord que j’avais accusé
le gouvernement d’avoir imposé au pays un système commercial sans le consulter.
C’est, sous le rapport des opinions que l’honorable membre m’a attribuées, la
seule assertion exacte qu’il ait formulée. Je n’aurai donc qu’à justifier mon
accusation ; je le ferai par des faits irrécusables. Mon accusation avait
exclusivement pour objet le traité de commerce et de navigation que,
dernièrement, le gouvernement a conclu avec
L’honorable député d’Anvers a qualité
d’ « idée fixe » le système commercial que je défends. Ce n’est
pas par des discours, a-t-il ajouté, que l’on soutient un système…
M. Smits – J’ai dit aussi qu’il aurait
fallu formuler votre système.
M.
de Foere – Un moment de
patience ; nous y arriverons. Je pris l’honorable membre de ne pas
m’interrompre. J’ai écouté son discours avec beaucoup d’attention et sans
l’interrompre, il aura le droit de répliquer.
De
plusieurs bancs – C’est vrai, c’est
juste !
M.
de Foere – L’honorable membre a ajouté
que ce n’est pas par des discours que l’on soutient un système commercial, mais
par les principes puisés dans les législations étrangères.
Je répondrai d’abord à mon honorable adversaire que
l’on ne répond pas à des raisons en qualifiant les discours. Les raisons n’en
subsistent pas moins. Je lui demanderai ensuite si ce n’est pas aussi par des
discours qu’il cherche à établir son système à lui ? En troisième lieu, je
lui dirai que c’est dans les législations et dans les faits commerciaux de
toutes les nations européennes, à la fois industrielles, commerçantes et
maritimes que j’ai puisé le système commercial que je défends. Il n’est donc
pas de mon invention ; ce n’est pas une nouvelle théorie ; je l’ai
puisé exactement, sans y rien ajouter, qui pût être attribué à mes propres
opinions, je l’ai puisé, dis-je, dans les législations de ces nations
étrangères et dans les faits commerciaux qu’elles ont régulièrement et
constamment développés. La chambre peut vérifier mon assertion et dans tous mes
discours et dans les mémoires que j’ai remis, l’année passée, à tous les
membres qui siégeaient alors dans cette enceinte. J’ai donc satisfait, sous ce
rapport, au vœu de mon honorable adversaire. Le système que je défends n’est
donc pas une « idée fixe » qui m’appartiendrait exclusivement, et je
ne le soutiens pas par des discours vagues qui ne seraient basés ni sur des
faits, ni sur des principes.
Cependant il semble que l’honorable membre ne l’a pas
tout à fait ignoré ; j’avais dit aussi que son système, qui est celui du
gouvernement, n’était suivi par aucune autre nation étrangère. Il répond à
cette objection que je ne devrais pas prendre l’Angleterre pour exemple ;
mais bien
D’abord, je ne vois pas de raison pour laquelle il
récuse l’autorité et l’exemple de l'Angleterre. Il y a similarité exacte de
position entre elle et
Ensuite, l’honorable membre passe sous silence toutes
les autres nations continentales et maritimes,
Mais
Messieurs, l’honorable membre lance encore
gratuitement cette assertion. Il ne l’appuie sur aucun fait. Il eut été
impossible de la prouver. D’abord
Telle est la législation d’une nation que mon
honorable contradicteur cite pour renverser mon assertion qui consistait à
affirmer que le système que je défends était celui de toutes les autres nations
maritimes, et que, par conséquent, celui du gouvernement n’était suivi par
aucune autre.
Le système qui convient à
L’honorable membre aurait encore voulu que j’eusse
formulé un système commercial ; alors, a-t-il ajouté, la chambre aurait pu
le discuter.
C’est encore ce que j’ai fait. En 1834, lors de la
discussion sur l’établissement du chemin de fer auquel l’administration
assignait aussi le but de servir de ligne de communication entre Anvers et
l’Allemagne, je prévoyais que le ministère de 1834 se proposait d’ériger le
transit en première ligne de commerce, ou que le transit allait servir de base
à notre système commercial. Pendant la discussion même, j’ai présenté à la
chambre un projet de loi basé sur le système opposé. J’ai développé cette
proposition ; elle a été prise en considération par la législature.
L’impression du projet et des développements a été ordonnée par la chambre. Le
projet de loi repose, parmi tant d’autres, dans les documents de la chambre.
S’il n’a point été discuté, à qui la faute ? J’ai donc encore, sous ce rapport,
rencontré les désirs de mon honorable adversaire.
J’aurais dit tantôt que le gouvernement n’avait pas de
système commercial, tantôt que son système était mauvais.
C’est confondre les choses les plus distinctes. Quand
j’ai dit que le système commercial du ministre était vicieux, c’était parce
qu’il n’avait pas de système régulier, fondamental dans toutes ses
applications, parce qu’il applique tel principe de politique commerciale,
tantôt dans tel sens, tantôt dans un sens inverse. Ce système, selon moi, n’est
pas un système, et c’est dans ce dernier sens que j’ai affirmé que le ministère
n’en avait pas.
Je pourrais prouver cette politique vacillante et
contradictoire du ministère, en matière commerciale, sur des faits nombreux. Je
me bornerai à des faits qui récemment se sont passés sous vos yeux.
Dans la séance d’hier, l’honorable ministre de
l’intérieur a levé un coin de voile qui couvre le système mystérieux qui sert
de base à ses négociations commerciales. Il nous a dit que son intention est de
mettre nos ports en communication directe avec le port du Havre, par la raison
que ce dernier port a des relations fréquentes avec les principaux ports des
autres nations ; il croit que, par l’intermédiaire de la navigation du
Havre, nous pourrions exporter les produits de notre industrie. Quelle est la
conséquence inévitable de ce système indirect ? L’exportation de nos
produits sera assujettie à un grand nombre de frais de commission, de
transports, d’embarquement et de débarquement, d’emmagasinage et d’entreposage,
d’assurances de port, de bassin, de fanal, etc. ; c’est aussi exposer nos
marchandises à la détérioration. Or, c’est, chargés de ces énormes frais, que
nos produits, souvent détériorés, et après avoir fait des circuits onéreux,
devraient arriver sur des marchés lointains de consommation, et lutter, sur ces
marchés, contre les articles similaires, transportés d’autres pays par des
voies directes. Ce système ne peut avoir aucun avenir. Il porte sa réprobation
sur son front. Je le repousse de toutes mes forces, comme excessivement
pernicieux au placement lointain des produits de notre industrie.
J’arrive à la contradiction dans l’application de ce
système.
Je suis charmé que l’honorable ministre des travaux
publics soit entré à propos dans la chambre. Il pourra être témoin de
l'exactitude de l’élément de contradiction, dans les principes commerciaux
ministériels, que je puise dans un des ses derniers discours. Dans la
discussion sur le canal de l'Espierre, cet honorable ministre a posé un
principe de politique commerciale entièrement opposé à celui de son honorable
collègue de l’intérieur ; c’est celui de l’exportation des produits belges
sur le marché étranger par la voie la plus courte, la plus directe et la moins
onéreuse ; c’est celui du rapprochement du centre de la production vers
celui de la consommation, sans assujettir les transports à des circuits qui
augmentent les prix de nos produits et les font présenter sur les marchés
étrangers dans des conditions défavorables. Ce principe est aussi le mien ;
c’est le seul admissible. Si l’honorable ministre des travaux public l’avait
appliqué d’abord au placement des houilles belges sur une grande partie de
Il en résulte que le ministère applique des principes
opposés, selon ses convenances parlementaires et ses positions particulières,
et qu’en conséquence il n’a pas de système de politique commercial fixe,
positif, bien dessiné, qui le conduit à des conséquences normales.
Selon mon honorable adversaire, je me serais encore
opposé au commerce de transit ; le transit aurait été l’objet constant de
mon blâme. J’aurais désapprouvé la loi du transit.
Messieurs, c’est encore une erreur manifeste. Loin
d’avoir émis des opinions semblables, j’ai, au contraire, toujours soutenu que,
conformément à la pratique des autres nations,
Le transit sur le commerce direct, qui en fait la base
du commerce du pays, système qui n’est admis par aucune nation.
Plusieurs
bancs – C’est vrai.
M.
de Foere – L’honorable membre semble
ne pas admettre la distinction que j’ai établie entre le transit actif et le
transit passif. Cependant, la distinction existe malgré son opinion
contradictoire. Elle est établie par les faits mêmes des marchandises importées
en transit, les unes sont importées en transit par votre propre commerce
maritime ; c’est le transit actif. Il vous donne les bénéfices de ce
commerce, il vous offre encore de nombreuses occasions d’exporter vos produits,
attendu qu’il assure au négociant du pays une cargaison de retour. Les autres
marchandises sont importées en transit par le commerce étranger ; c’est le
transit passif. Il ne laisse au pays que le misérable bénéfice de la
commission. Il met encore obstacle à l’exportation de nos produits par le
commerce maritime du pays, attendu que, lorsque nos entrepôts sont abondamment
fournis par le transit étranger, la navigation nationale, le commerce du pays
ne peuvent compter sur le placement facile de ses cargaisons de retour. Le
transit passif produit encore une lutte redoutable entre les articles de ce
commerce et les articles de notre commerce direct et de notre industrie.
Je ne partage pas l’opinion de l’honorable membre sur
les bénéfices de transport que donne le transit passif. Ces bénéfices ne
pourront jamais compenser les dépenses énormes de la construction du chemin de
fer d’Anvers aux frontières allemandes, de son exploitation, de son
administration et de sa réparation, dépense que le remboursement des droits de
tonnage est venu grossir dans le même but. Afin de pouvoir lutter avec
avantage, si toutefois la lutte est possible, contre le transit hollandais qui
s’effectuera par eux, il faudra que les péages sur ce chemin de fer soient très
légers. La chambre de commerce d’Anvers a réclamé plusieurs fois le bas prix de
ses péages. Je comprendrais les avantages de ces transports, si les
marchandises à transiter étaient le produit de notre propre commerce direct, de
notre commerce de transit actif ; la comparaison s’établirait par un grand
nombre d’autres avantages qui se rattachent à ce transit, surtout celui des
facilités qu’il nous donnerait d’exporter nos propres produits. Mais, comme
Anvers réclame ce bas prix pour le transit passif, pour les articles de
commerce étranger, je ne puis m’associer à l’opinion que le transport de ces
marchandises soit profitable au pays, en présence des dépenses
considérables dont ce chemin de fer et
le payement des droits de tonnage accablent le pays.
Quant aux bénéfices de chargement et de déchargement
que procure le commerce de transit, ils ne peuvent être acquis, avec ceux de la
commission, qu’à la place d’Anvers et non au pays tout entier qui porte les
charges du chemin de fer. C’est en vain que l’honorable membre a exagéré, sous
ce rapport, les bénéfices du transit par le mouvement commercial qui, en
matière de transit, eut lieu, en 1829, entre Anvers et les provinces rhénanes.
Ce mouvement, quelque grand qu’on le suppose, ne pouvait être profitable sous
le rapport des chargements et des déchargements, qu’à la localité d’Anvers et
non au pays.
Je serais d’accord avec lui, dit encore l’honorable député
d’Anvers, sur la manière d’apprécier la navigation. Selon lui, je la
considérerais comme moyen et non comme but.
C’est encore une nouvelle exactitude. J’ai toujours
établi une distinction essentielle qui existe, dans la nature de la question,
entre les deux faces sous lesquelles la navigation peut être envisagée. Lorsque
j’ai traité la question de la nécessité d’exporter au loin les produits de
notre industrie, j’ai établi que notre propre navigation et notre propre
commerce direct étaient la condition indispensable de cette exportation. Sous
ce rapport, il est évident que je considère la navigation comme le moyen, et
l’exportation comme le but. Lorsque j’ai considéré la navigation du pays sous
le rapport des avantages qu’elle procure au pays comme industrie particulière,
je l’ai considérée comme but et non comme moyen. Elle est donc, dans mon
opinion, tantôt moyen, tantôt but.
Mais l’honorable adversaire est tombé ici dans une
contradiction flagrante. Il a avoué, dans le discours qu’il vient de prononcer,
que nous n’exportons rien aux Etats-Unis, que nous n’avons avec ce pays aucune
relation directe. Or, la raison en est que nous n’avons pas de navigation
nationale régulièrement établie entre
Le système qui établit, en matière de droits, des
différences entre les importations faites par la navigation nationale et celles
opérées par la navigation étrangère, nuirait, selon l’honorable député
d’Anvers, à notre industrie. Celle-ci a le plus grand intérêt à pouvoir se
procurer les matières premières au plus bas prix possible. Or, les droits de
différence imposés sur la navigation étrangère feraient payer à notre industrie
ses matières premières plus cher ; la différence monterait à la totalité
de ces droits. Dans la séance d’hier, l’honorable ministre de l'intérieur m’a
fait la même objection qu’il a établie sur l’article coton. Les deux orateurs
en concluent que je suis en contradiction avec la protection que j’ai toujours
voulu accorder, sous tous les rapports, à notre industrie.
C’est encore une erreur manifeste, ajoutée à tant
d’autres. Tout ce raisonnement pêche par sa base. Loin d’avoir jamais voulu
imposer des droits différentiels sur les matières premières, nécessaires à
notre fabrication, j’ai toujours soutenu qu’il fallait les exempter de ces
droits, soit qu’elles fussent importées par nos navires ou par les navires
étrangers. Ce serait une faute énorme que d’assujettir notre industrie à cette
condition onéreuse. Le principe est incontestable. Il faut que nos manufactures
puissent se procurer les matières premières au plus bas prix. S’il y a, sous ce
rapport, contradiction quelque part, elle est évidemment du côté de l’honorable
ministre de l’intérieur qui veut établir une navigation entre les ports du pays
et celui du Havre. C’est de là que nous arriveraient les cotons chargés des
frais inutiles que je vous ai déjà énumérés. Aussi cette navigation indirecte,
une fois établie, nous empêcherait de tirer, par voie directe, les cotons et
plusieurs autres marchandises des lieux de production sur lesquels nous ne
pourrions plus placer nos produits industriels, sinon par la voie indirecte et
onéreuse du Havre.
J’avais attribué le malaise du commerce et de l’industrie
du pays au vicieux système commercial que le ministère prétend imposer au pays.
Ce système consiste à ériger le transit comme base du commerce du pays, à
établir le principe des provenances indirectes et à refuser à la navigation
nationale la protection qu’elle réclame comme moyen d’agrandir le cercle de son
activité et de ses précieux services, et de concourir à l’exportation de nos
produits. C’est à ce système que j’ai attribué la chute de notre industrie et
de notre commerce. Notre industrie d’exportation avait pris un bel élan,
partout on voyait surgir de beaux établissements industriels ; des
capitaux immenses prirent cette direction. Il y a deux ans, je vous ai prédit
que notre industrie aurait été replacé au delà de son point de départ. Je puisais
cette prévoyance dans le déplorable système commercial du ministère. Les faits
sont encore venus justifier mes prévisions. Le ministère, comme de raison, veut
le but de l’industrie, mais il repousse le seul moyen par lequel il est
possible de l’atteindre. Cependant mon honorable adversaire attribue ce malaise à d’autres
causes. Il serait véritablement fastidieux de les discuter, tant elles sont
improbables et futiles ; mais il soutient, en même temps, que notre
position commerciale s’est améliorée depuis 1836. Depuis cette époque, le
cercle de nos exportations s’est agrandi. En est-il moins vrai que, depuis
1831, jusqu’à l’année dans laquelle nous sommes entrés, notre balance
commerciale nous a présenté, chaque année, et terme moyen, une différence défavorable
de 40 millions ? Ce résultat n’est-il pas assez significatif pour
condamner votre système commercial et pour contredire les causes auxquelles
vous rattachez le malaise que nous subissons.
Si vous éprouvez une sollicitude intelligente pour les
intérêts généraux du pays, gardez-vous bien de prendre ce malaise pour une
crise passagère. Cette crise sera l’état normal du pays. Elle durera tant que
vous ne changerez pas de système commercial. Les mêmes causes produiront
toujours les mêmes effets. Les années précieuses, pendant lesquelles vous avez
persisté dans votre déplorable système, ont été perdues pour l’industrie et le
commerce du pays. Vous ne pouvez revenir assez tôt aux vrais principes
commerciaux établis et pratiqués partout ailleurs, si vous voulez relever
lentement, mais sûrement votre industrie et lui rendre la vie. L’opinion que
j’ai constamment soutenue n’a pas, comme la vôtre, pour objet la prospérité
d’une seule localité du pays ; elle s’étend à la prospérité de l’industrie
du pays tout entier. Il n’y a pas de coin dans le pays, où quelque industrie
est exercée, qui ne soit intéressée au système commercial que e défends dans
cette chambre. Je le répète, si vous ne changez pas de système, vous pousserez
notre industrie et notre commerce aux dernières extrémités. L’étranger viendra
vous exploiter radicalement sous le rapport du commerce extérieur et de
l'industrie d’exportation. Si, après ce déplorable résultat, vous n’êtes pas
assez sages pour assurer à votre industrie et au commerce intérieur la marche
du pays,
(Moniteur n°29 du 29 janvier 1840) – M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Messieurs, je répondrai très brièvement à quelques
observations qui ont été faites dans la discussion de ce jour.
Un honorable député de Bruxelles a trouvé une
contradiction entre la communication faite, à la chambre des pairs de France,
de la convention au sujet du canal de l’Espierre, et la conduite du
gouvernement belge.
Messieurs, il n’en est rien. Cette communication n’a
pas pour but de soumettre la convention à la sanction des chambres françaises.
Vous savez qu’aux termes de la charte constitutionnelle le roi des Français a
le droit de conclure de conventions, seulement s’il les communique aux
chambres.
Et pourquoi cette communication a-t-elle été faite à
la chambre des pairs ? parce que, comme je l’ai déjà dit dans cette
enceinte, c’est une convention qui lie
Le même orateur a prétendu que notre diplomatie avait
été inutile sous le rapport commercial.
Cependant, messieurs, il n’aurait pas dû perdre de vue
que plusieurs conventions importantes ont été conclues, et que d’autres
conventions sont négociées. Il est aussi à la connaissance de la chambre que
plusieurs mesures qui menaçaient notre commerce et notre industrie ont été
détournées, grâce à l’activité et à la sollicitude du gouvernement.
Indépendamment de cela, nos légations à l’étranger
nous ont toujours tenus au courant de tout ce qui s’y passait et qui pouvait
intéresser notre commerce ; et, j’ose le dire, il est résulté, tant des
informations que nous avons prises à l’étranger que de celles que nous avons
recueillies à l’intérieur, que toutes les questions importantes de commerce
extérieur sont élaborées d’une manière complète dans la direction du commerce
attachée à chacune des deux départements de l’intérieur et des affaires
étrangères ; nous pouvons donc dire que les archives commerciales des deux
départements sont complètes et que le gouvernement est en mesure de saisir
toutes les occasions pour faire quelque chose d’utile au pays, pour autant
toutefois qu’il trouve un concours bienveillant de la part des autres
Etats ; car il ne suffit pas de la volonté d’un seul Etat pour terminer un
arrangement commercial, il faut le concours de ceux avec lesquels on traite.
Messieurs, la discussion qui s’est élevée sur notre
système de navigation est véritablement prématurée, et je regrette qu’on ne
l’ait pas différée jusqu’à l’époque où les traités avec
L’on a, en premier lieu, eu tort de comparer la
situation de
L’on a beaucoup parlé des importations directes des
pays de provenances. Ici, messieurs, il y a une distinction à faire entre
l’importation du pays de provenance, par navire sans distinction de nation, et
l’importation par navires nationaux. Si l’on a eu uniquement égard à
l’importation diverse des pays de provenances, nous pouvons dire que dès
maintenant ces importations sont beaucoup plus considérables que les
importations indirectes ; nous pouvons fournir une preuve péremptoire de
cette assertion.
Le café est sans doute celui des articles qui se
présente sous le point de vue le plus défavorable, attendu qu’il est résulté de
l’union de
A propos de café, l’on a dit que nous devions menacer
l’Angleterre de ne plus nous approvisionner de cette denrée chez elle si elle
ne nous traitait pas plus favorablement.
Mais l’on a perdu de vue que ce n’est pas en
Angleterre que nous allons chercher le café. Le café nous vient, soit du B soit
indirectement de Java. S’il y avait une déclaration à faire, ce serait à
Quant aux autres articles coloniaux qui peuvent influer
sur nos rapports avec les pays de provenances, l’importation directe est dans
la proportion de ¾ à ¼. Veuillez bien remarquer cette circonstance. Voici des
détails qui en établiront la preuve.
Les importations directes de sucre en caisse ont été,
pendant les trois années 1836, 1837 et 1838, de 84 p.c.
Les importations de sucre en causse provenant des
entrepôts d’Europe n’ont été que de 16 p.c.
Cependant,
il n’y a qu’un instant qu’on vient d’assurer dans la chambre que les sucres
n’étaient pas importés directement, que presque tout venait des entrepôts
d’Europe.
Les
sucres en sacs et en balles et canastres importés directement s’élèvent 81 p.c. et les importations indirectes à 19
p.c.
Le
coton a été importé directement dans la proportion de 66 p.c., terme moyen de
trois années, et indirectement dans la proportion de 34 p.c.
Pour
le coton, j’ai cité les années 1836, 1837 et 1838.
Voici
dans quelle proportion ils ont été importés pendant les années 1836, 1837 et
1838 ; directement 62 p.c et indirectement 38 p.c.
Il est à remarquer que les importations
directes sur les autres articles ont toujours été croisant ; l’importation
des cuirs a été en moyenne pendant les années 1836 inclus 1838 dans la
proportion de 92 p.c. ; l’importation indirecte n’a été que de 8 p.c.
Les
potasses ont été importées directement en moyenne de 90 p.c. et indirectement
de 10 p.c. ; le tabac dans la proportion de 62 p.c.
Ces
divers chiffres concernent le port d’Anvers.
L’on
voudrait apparemment, pour que les importations directes en coton fussent dans
une proportion plus forte que 62 p.c., que l’on prît quelque mesure pour
empêcher les importations indirectes, mais voyez ce qui en résulterait.
En
1837, les importations de coton en laine par voie indirecte ont été plus
considérables que les importations indirectes. Cela a été une circonstance très
avantageuse pour nos fabriques. Car le coton était à meilleur marché au Havre
et en Angleterre qu’en Amérique.
Mais,
dira-t-on, nous ne voulons pas augmenter les droits sur les importations
indirectes, nous demandons seulement qu’on les diminue sur les importations
directes. Remarquez combien peu le fabricant y gagnerait.
Le
droit d’importation sur le coton en laine n’est que de 1,69 par cent
kilogrammes.
Le
droit de balance est ordinairement de 20 centimes par cent kilogrammes. Ainsi
en supprimant tout droit et en maintenant un droit de balance, il n’y aurait
d’économie sur cent kilogrammes que de 1 francs 49 centimes.
On
ne me fera jamais croire qu’avec cette légère différence les importations se
feraient directement et qu’il n’y aurait plus d’importations indirectes.
Lorsque des circonstances comme celles de 1837 se reproduiraient, que les
Américains retiennent leurs cotons dans l’espoir d’obtenir un meilleur prix et
qu’on peut s’en procurer à un prix plus bas dans les principaux entrepôts,
cette différence devient nulle quant au commerce.
Il
est d’ailleurs à remarquer que la navigation, pour la consommation seule de
J’ai
dit, messieurs, que dans les années de 1836, 1837 et 1838 les importations
indirectes avaient été constamment en décroissant. La navigation à vapeur, qui
est devenue plus considérable et qui sert beaucoup à l’importation indirecte,
par la grande facilité qu’elle procure, a cependant entretenu ce genre
d’importation, parce que nous n’avons pas encore de navigation à vapeur vers
les pays éloignés.
Il
est d’ailleurs inexact de dire qu’on ne fait rien pour la marine
nationale : on a réservé la pêche, le sel, et, je dois le dire, en grande
partie le sucre, d’après les droits différentiels qui existent sur cet article.
Il y a encore un autre article c’est le thé pour lequel notre marine est
favorisée, mais c’est un vice qui devra être réformé, parce que nous n’avons
pas de navigation directe vers
On
a prétendu que les importations indirectes grevaient considérablement la
marchandise par les différents frais et droits auxquels elle était assujettie
dans les entrepôts intermédiaires. S’il en était ainsi, il serait inutile
d’établir une distinction entre les importations directes et les importations
indirectes ; si les matières premières, en passant par les entrepôts, sont
chargées de frais et de droits, cette seule circonstance suffirait pour
déterminer les importations directes. Mais l’expérience a prouvé qu’il était
des circonstances qui faisaient que le prix d’entrepôt était inférieur à celui
du lieu de provenance. Ce sont ces circonstances dont nous ne pouvons
abandonner le profit sans préjudicier à nos manufactures.
On
s’est prévalu de ce que j’ai dit hier, en parlant de la convention de
navigation faite avec
Je
crois pouvoir borner là les courtes réponses que j’avais à faire à quelques assertions
complètement inexactes en fait, et, j’ose le dire, inexactes en théorie.
On
s’est étonné que les navires américains viennent en aussi grand nombre dans nos
ports et que nous n’ayons pas d’exportations vers l’Amérique. Cette observation
ne se borne pas à l’Amérique. Elle peut être étendue à d’autres contrées ;
cela tient à une considération qu’on perd de vue, c’est que nos négociants sont
d’une extrême prudence. Ils n’opèrent que lentement et en sécurité ; ce
n’est qu’après s’être assurés d’un placement qu’ils prendront sur eux de faire
des expéditions considérables. La preuve de la prudence de notre commerce,
c’est qu’il n’est peut-être pas de pays au monde où les faillites soient si
rares qu’en Belgique. Cette circonstance prouve la haute moralité de notre
commerce. Mais il ne faut pas douter que les exportations augmenteront, le
commerce trouvant plus de sécurité et devant plus confiant.
J’ai
déjà eu l’occasion de rappeler que sous le royaume des Pays-Bas, quand nous
avions l’importante colonie de Java, nos manufactures ont été pendant dix ans
dans un état languissant. Notre commerce maritime même n’était pas prospère. Ce
n’est que dans les dernières années du royaume des Pays-Bas que notre commerce
maritime a pris le plus d’extension. Or s’il a fallu au moins dix ans au
commerce maritime pour bien s‘établir, dans de telles circonstances, il n’est
pas étonnant que, lorsque nous comptons à peine dix années d’indépendance,
lorsque toutes les nouvelles relations maritimes étaient à créer en remplacement
de celles avec les colonies, le commerce n’ait pas atteint tout son
développement, alors que dans les premières années qui ont suivi la révolution,
en 1831, 1832 et 1833, il s’est trouvé dans la plus grande incertitude. Ce
n’est réellement que depuis que le traité de paix a été signé par toutes les
puissances et qu’il consacre définitivement la libre navigation de l'Escaut,
que le commerce a pu commencer avec assez de sécurité des opérations qui
exigent un temps et des capitaux considérables, et qui ne pouvaient être
hasardées dans un état d’incertitude.
M. Cools – Messieurs, un honorable
membre, qui a parlé à la fin de la séance d’hier, a cru trouver de la
contradiction dans mes paroles, alors que je condamnais d’une part les primes,
et que, de l’autre, je demandais l’établissement d’une société de commerce,
soutenue par le gouvernement. J’éprouve le besoin d’expliquer ma pensée. Ce
motif, tout personnel, ne m’aurait cependant pas engagé à prendre de nouveau la
parole, si une autre considération plus puissante ne m’y avait déterminé. Au
moment où plusieurs branches d’industrie se trouvent dans une situation
fâcheuse, des centres de production demandent aide et assistance au
gouvernement et aux chambres, je crois qu’il est de notre devoir tous de
chercher à nous éclairer mutuellement. A mes yeux, l’intervention du
gouvernement, dans la création d’une société de commerce, porterait d’heureux
fruits ; mais tout dépend de la nature de cette intervention.
Et
d’abord, répondant à l’honorable député de Charleroy qui, pas plus que moi, ne
désire voir adopter un système de primes, je lui dirai que c’est précisément
pour savoir si les encouragements que le gouvernement se propose d’accorder à
la société qui se chargera d’écouler les produits ne dégénéreront pas en
primes, que j’ai tant insisté pour savoir si la société serait ou non composée
de fabricants. Vous comprendrez ma distinction si vous voulez bien me prêter un
moment d’attention.
Des
fabricants qui s’associent pour établir des relations avec les contrées
lointaines ne sont pas en position de tirer tout le parti possible des
débouchés qui se présentent. Parmi les articles susceptibles de placement, ils
choisiront ceux qui offrent le plus d’analogie avec les genres de fabrication
de leurs propres établissements, et ce ne sont pas toujours les objets sur
lesquels il y a le plus de bénéfices à espérer.
Si,
comme il arrive souvent, ces articles ne diffèrent pas d’une manière sensible
de leurs fabricats habituels, ils feront à peu près la même chose, plutôt que
d’apporter des changements frayeux à leurs métiers ou mécaniques. L’intérêt
privé raisonne toujours ainsi. Il recule devant une dépense instantanée et ne
voit pas que le seul moyen de s’emparer d’un marché est d’y apporter des
produits appropriés, à tous égards et jusque dans les plus petits détails, au
goût des consommateurs. Lors maintenant que un vaisseau est chargé, il va
chercher non les meilleurs débouchés pour
Je
trouve ces primes ou subsides, n’importe quel nom on leur donne, nuisibles à
l’industrie, parce qu’ils arrêtent les progrès. Une société de cette nature a
été organisée à Gand en 1834, sous le nom de société cotonnière. Je ne dis pas
que la société a procédé de la manière que je viens d’indiquer, je n’en sais
rien. Mais je dis que tôt ou tard, par la force des choses, elle aurait été
amenée à procéder ainsi. Je ne blâme pas non plus les fabricants de Gand
d’avoir pris à l’association. Loin de moi cette idée. Je les loue au contraire
d’avoir réuni leurs efforts pour étendre leurs relations. Ce sont des efforts
qui dénotent de l’activité et du courage et qui honorent toujours ceux qui
osent les tenter. Mais je blâmerais le gouvernement s’il fondait sur une
société de cette nature des espérances d’une amélioration durable ; si,
avec cette préoccupation, il lui allouait des subsides permanents. D’abord le
gouvernement ne doit pas avoir eu en vue une seule industrie, exploitée par
quelques fabricants, mais toutes celles qui peuvent profiter des débouchés qui
se présentent ensuite, ainsi que je viens de le dire, les subsides qu’il
accorderait, seraient de véritables primes que pour ma part, je repousse. Des
subsides ont été accordés en 1834 et 1835, alors qu’une crise sévissait
également. Je veux bien admettre que le gouvernement ait bien fait de faire
taire un instant les principes et que des subsides étaient nécessaires. Ils
l’étaient si on avait des troubles à craindre dans la classe ouvrière. Mais des
remèdes de cette nature doivent être momentanés ; sans cela, ils
deviennent des abus. Sous ce rapport, j’ai peine à comprendre comment, ainsi
que M. le ministre de l'intérieur l’a dit hier, une partie des fonds que nous
allons voter pour 1840 doit encore servir à couvrir les pertes que cette
société a faites en 1835, alors que le roi Guillaume a pris, à l’égard des
colonies, un arrêté, auquel l’honorable M. Smits vient de faire allusion, qui a
exposé la société cotonnière de Gand à des pertes qui nous pouvaient entrer
dans ses prévisions.
Un
autre inconvénient qui reste d’une société composée de fabricants, exportant
leurs propres produits, c’est qu’elle ne profite qu’à la localité où elle est
établie, et que du moment que le gouvernement lui accordé des fonds, il traite
une seule localité en enfant gâté, au détriment des autres ; or cela ne
doit pas être, ni dans des moments de crise, ni en temps ordinaire, et ici je
dois relever une observation qui est échappée à M. le ministre de l'intérieur,
c’est que la dernière crise, qui malheureusement ne touche pas encore à sa fin,
aurait sévi exclusivement dans un grand centre de population. Cette assertion
n’est pas exacte. Les souffrances ne sont pas toujours les plus vives, là où
les réclamations sont les plus bruyantes. La crise a été forte à Gand, mais
elle n’a pas été moindre dans d’autres localités que je pourrais citer.
Voyons
maintenant si les mêmes inconvénients existent avec une société non composée de
fabricants.
Je
dois d’abord déclarer que j’entends par société de commerce, une société qui
ferait les opérations pour son propre compte, comme la société de commerce de
Hollande, et non pas une société qui feraient les opérations en commission, aux
risques et périls du fabricant. Une société agissant comme un courtier
inspirera toujours de la défiance aux fabricants qui doivent, pour les comptes
des opérations, s’en rapporter à la probité des agents de cette société, agents
qu’ordinairement ils ne connaissent pas. Ensuite, du moment que la société
opère en commission avec les contrées lointaines, les Indes par exemple, les
fabricants doivent attendre 15 et 18 mois après leurs rentrées, ce qui est un
autre inconvénient de ces sortes de sociétés tels, par exemple, que la société
voudra avoir ses frais de commission assurés sur les mauvaises opérations comme
sur les bonnes, ce qui diminue d’autant les bénéfices du fabricant, tandis
qu’une qui opère pour son propre compte se retrouve des mauvaises opérations
sur les bonnes, mais je les néglige pour arriver à l’inconvénient
principal : c’est qu’une société commissionnaire n’éclairera jamais
l’industrie du pays sur les intérêts, sur les améliorations à introduire, aussi
bien que le fera une véritable société de commerce. Une société commissionnaire
donnera bien des indications, des échantillons aux fabricants, mais après cela,
qu’on s’y conforme ou non, il ne lui importe guère, pourvu qu’on lui envoie une
cargaison. Du moment que le navire est chargé, ses frais de commissions sont
assurés, le reste est aux risques du fabricant.
Une
société de commerce au contraire, qui profitera exclusivement des bénéfices et
supportera aussi seule des pertes, étudiera avec soin le marché qu’elle veut
exploiter ; elle n’achètera pas chez tels et tels fabricants avec les
subsides du gouvernement, comme le Moniteur d’hier me le fait dire. De la
sorte, il y aurait véritablement primes passant par les mains de la société. La
société de commerce achètera au moyen de ses propres capitaux et chez tous les
fabricants où elle espère le faire avec avantage ; car une société ne doit
pas avoir de préférences. Elle ne doit pas s’approvisionner chez tous les
fabricants qui veulent exporter, mais uniquement chez ceux qui lui offrent les
meilleurs produits, et au plus bas prix. Si, après une première expédition, la
cargaison ne s’est pas bien vendue, elle en demandera la cause à ses agents,
agents qui s’identifient avec ses intérêts et qu’elle sait mériter sa
confiance. Pour un second voyage, elle dira aux fabricants de modifier leurs
produits, ou elle achètera chez d’autres. Il s’établira ainsi une lutte
continuelle entre les fabricants, au profit de l’industrie en masse. Les pertes
sont bien moins à craindre que pour les sociétés dont j’ai parlé au
commencement de mon discours, parce que les cargaisons se composeront, non pas
de produits qui ont des chances plus ou moins réelles d’être placées, mais
d’objets choisis, sur lesquels il y a surtout des bénéfices à prévoir. Les
opérations porteront ainsi, non pas à quelques localités, mais à toutes les
industries les plus avancées du pays.
Cependant
il y a des difficultés pour que des relations de cette nature s’établissent
d’une manière suivie. D’abord il y a des agents à envoyer pour étudier les pays
à exploiter ; de là des premiers frais ; ensuite dans les pays mêmes
où nous sommes admis sur un pied d’égalité avec les nations les plus
favorisées, d’autres, les Anglais surtout, nous ont devancés. Avec des produits
à valeur égale, il faut encore lutter contre l’engouement et la mode.
Quelques
efforts devront été tentés avec suite, et même avec des prévisions de perte,
avant qu’on puisse espérer les voir couronnés de succès. C’est pour couvrir ces
premières pertes, que je voudrais voir le gouvernement accorder des subsides à
une société de cette nature, mais sans la condition que les opérations seraient
conduites avec suite. A cet effet, le gouvernement pourrait assurer des
subsides pour un certain nombre d’années ; de manière, par exemple, que
des pertes seraient garanties à la société, jusqu’à concurrence d’une certaine
somme, sur une série donnée d’expéditions, dont les pertes et bénéfices
seraient d’abord compensés, avec obligation, pour la société, de continuer ses
opérations d’une manière suivie, pendant une période donnée d’années.
Maintenant,
je le demande, qu’y a-t-il de commun entre des primes et des subsides de cette
nature ? Ces subsides ne serviraient qu’à garantir des pertes inhérentes à
toute entreprise nouvelle, et n’auraient aucun rapport avec la valeur des
marchandises exportées. Ils seraient supprimées, lorsque les relations seraient
bien établies, lors que les frais et pertes, que je viens d’indiquer, ne se
présenteraient plus ; et cependant, ce n’est qu’à partir de cette époque
qu’on pourrait craindre de les voir dégénérer en primes. Pour ma part, je
serais heureux de voir le gouvernement donner cette destination aux fonds que
nous allons voter ; je crois qu’en adoptant ce parti il aurait réellement
travaillé pour l’avenir de l’industrie.
La
clôture de la discussion du chapitre VI est demandée ; elle est combattue par
MM. Donny, Dumortier et Delehaye ; elle est mis aux voix ; deux
épreuves sont douteuses.
M. le président – Dans le doute, la discussion continue. La parole est à M.
Delehaye.
M. Delehaye – Plusieurs honorables
membres ne m’ont pas compris lorsque j’ai dit que je ne voulais aucun subside
pour l’industrie et le commerce ; je n’ai pas voulu dire que le commerce
et l’industrie n’avaient pas besoin de subsides, mais que le commerce et
l’industrie devaient se ressentir de l’influence bienfaisante d’une bonne
administration. C’est ainsi que je comprends les primes à l’industrie, telles
que celles accordées au meilleur mode de fabrication, au perfectionnement d’une
industrie quelconque, à l’invention d’un meilleur procédé ; mais je ne
conçois pas une prime à une industrie souffrante.
Le
gouvernement demande un fonds plus considérable qu’il n’a demandé jusqu’à
présent ; mais il ne s’agit pas de venir au secours de l’industrie et du
commerce. Le gouvernement a mis les fabricants à même de conserver des ouvriers
que, sans cela, ils auraient dû renvoyer. Sous ce rapport, il a agi
sagement ; il a enlevé les produits qui encombraient le marché et a mis
les fabricants à même de continuer la fabrication ; mais quand le
gouvernement se propose un second but, celui d’établir un marché aux colonies,
je ne sauras l’approuver, car je suis convaincu que les marchandises
transportées aux colonies subiront une perte considérable.
Je
ne puis admettre non plus le système de l’honorable M. Cools. Lorsque le
gouvernement prendra des arrangements avec une association,
qu’arrivera-t-il ? L’association s’entendra avec quelques personnes qui, à
raison de relations d’amitié, obtiendront des commandes qu’elles
n’obtiendraient pas sans cela. C’est ce que nous avons déjà vu. Je préfère donc
que le gouvernement opère par lui-même. Alors seulement il portera la
responsabilité des es actes.
L’honorable
M. Smits, le seul qui soit à même par la nature des fonctions qu’il a remplie,
d’apprécier les vues du gouvernement, nous a fait voir que le seul système
consistait à favoriser uniquement le commerce proprement dit au détriment de
toutes les industries.
M.
Smits – C’est une erreur.
M. Delehaye – Je prouverai que ce n’est
pas une erreur.
D’après
l’opinion de l'honorable membre tout a été fait pour introduire en Belgique le
système de transit opposé à l’intérêt de notre propre industrie ; car on
transite pas ses propres produits. Vous ne transitez que les produits des
nations étrangères, vous voyez donc que ce système entraîne la perte de votre
propre industrie. Qui ne saurait lutter contre l’industrie étrangère à laquelle
ou saura accordé sur votre marché des avantages dont vous-mêmes ne jouissez
pas.
D’ailleurs
vous ne sauriez jamais établir sur votre sol un transit avantageux.
En
outre, elle possède une marine considérable qui lui permettra toujours
d’atteindre un avantage qui, à défaut de pareilles ressources, doit vous
échapper.
Quant
à la concurrence étrangère contre laquelle vous avez à lutter, voyez ce qui se
passe.
Il
arrive qu’en Belgique on vend quelquefois à 15 p.c. au-dessous du produit des
produits anglais et français, et la chose n’est pas difficile à
comprendre : les fabricants anglais et français sont d’abord en possession
de leur propre marché ; ils remplissent ce marché, mais quand il sont
fournis à la consommation intérieure, il leur reste ordinairement un excédent
dont il faut bien qu’ils se débarrassent ; eh bien, cet excédant, ils le
jettent sur nos marchés ; ils l’y vendent et ils viennent ainsi nous faire
une concurrence qui est mortelle pour notre industrie.
Pourquoi
ne faisons-nous pas comme
M.
Desmet – J’avais demandé la parole
pour répondre quelques mots à l’honorable député d’Anvers qui a parlé dans la
séance d’aujourd’hui. Pour prouver que le commerce de Belgique se trouvait en
prospérité, l’honorable membre nous a communiqué un extrait d’une statistique
de douanes, il nous produit le relevé des importations et des exportations de
France en Belgique et de Belgique en France, pour l’exercice 1839. Ce relevé
porte à la vérité que nos exportations vers
Ensuite,
quand on examine les espèces de produits que
Quant
on présent des statistiques d’importations et d’exportations, on ne doit pas
s’attacher aux totaux pris indistinctement entre les matières premières et les
objets manufacturés, mais si on veut avoir une donnée certaine sur le progrès
ou la décadence du commerce national on doit dans ces relevés, distinguer les
objets fabriqués avec les matières premières, car tout l’avantage n’est point
de beaucoup exporter, mais uniquement à exporter des objets fabriqués qui ont
produit du travail dans le pays.
Nous
savons bien que
Vous
avez fait des concessions à
Le
projet qui est pendant à la chambre des députés, est un coup mortel pour la
branche industrielle la plus importante de votre pays, celle qui donne
l’existence à la majeure partie de votre commerce et qui en est un des
principaux éléments ; ce projet, je n’en doute, passera, et je n’attends
aucune exception pour
Le
même membre a encore avancé que le seul moyen pour agrandir le marché
intérieur, c’était celui du transit ; messieurs, il faut distinguer :
si votre transit est bien dirigé et organisé, certainement il peut être
avantageux à l’exportation des produits nationaux ; mais si, au contraire,
il est mal établi, alors il fait plus de mal que de bien.
J’entends
par un transit bien établi celui qui surtout se fait, soit pas votre propre
marine marchande, soit par des arrivages des pays de production. Alors je peux
en espérer des exportations de nos produits, soit dans le départ, soit dans le
retour, mais quand c’est par navires étrangers ou par des arrivages indirects
que le transit se fait, alors je n’y vois aucun avantage pour nos exportations ;
les étrangers, et surtout nos voisins, ne viendront pas charger nos produits,
ils préfèreront les prendre de leur propre pays. Et c’est malheureusement ce
qui se passe le plus souvent dans nos ports ; des navires étrangers nous
apportent des marchandises à transiter et souvent adressées à des maisons
étrangères ; mais au lieu de prendre quelque changement, ils retournent le
plus communément sur lest ; je ne puis voir quel avantage tourne au profit
du pays de ces transits : quelques produits de commission, et, comme je
viens de le dire, qui sont encore gagnés par des maisons étrangères. Ce transit
est plus nuisible qu’avantageux à notre commerce et industrie ; et très
souvent il est très dangereux, car il donne l’occasion et la facilité
d’introduire dans le pays des produits étrangers sans payer les droits
d’entrée. Messieurs cela arrive plus souvent que vous le penseriez bien, et ce
en quoi je critique la loi sur le transit, c’est qu’elle n’a pas assez pris de
précautions contre la fraude qui pourrait se faire par le transit en laissant
dans les pays des produits étrangers déclarés en transit.
A
ce sujet, messieurs, je peux vous alléguer un fait officiel ; il existe au
bureau de West-Wesel, frontière hollandaise, un ballot de marchandises qui
avait été déclaré en transit et dont les objets ont été enlevés et remplacés
par d’autres. Quoique ce ballot fût plombé et scellé, et que le sceau comme le
plombage fussent restés intacts, tout a été enlevé et remplacé. Ce fait est
officiel et on peut s’en assurer au bureau que je viens de citer. J’ai donc
droit de soutenir que le transit tel qu’il est organisé par la loi existante
est dangereux pour le commerce et l’industrie du pays.
Messieurs,
je ne vois donc aucune prospérité dans notre commerce ; au contraire, je vois
une souffrance dans l’industrie et par conséquent dans le commerce national.
Cette souffrance n’est pas dans une seule branche ; toutes sont
atteintes ; elle n’est pas dans un seul pays, dans
On
doit en chercher la principale cause dans une trop grande production, dans une
production disproportionnée à la consommation ; mais si cette souffrance
et ce malaise existent partout, ils existent cependant plus fortement en
Belgique que dans beaucoup d’autres pays. La raison en est que
Messieurs,
j’ai cependant entendu avec une grande satisfaction dans le dernier discours
qu’a prononcé l’honorable ministre de l'intérieur et des affaires étrangères
qu’il était de l’opinion de ceux qui voulaient protéger les arrivages
directs ; nous pouvons donc dire que nous allons entrer dans une nouvelle
ère de commerce et que le gouvernement, d’accord avec la majorité de la
chambre, va travailler à rendre prospères le commerce et l’industrie du pays.
Mais
quand le ministre nous a donné l’échelle progressive des arrivages directs, je
ne crois pas que les proportions qu’il a été établies étaient tout à fait exactes ;
je pense qu’il y avait quelques
erreurs ; je citerai, par exemple, l’article coton ; je ne pense
point que les arrivages directs de cette matière première y soient pour une
soixantième partie, je pense, au contraire, que la plus grande partie nous arrive
encore par des expéditions indirectes ; que ce ne sont pas les contrées de
production qui nous les expédient directement, mais que ce sont des ports de
Liverpool et du Havre que le coton est expédié sur notre marché.
Nous
devons aussi garantir notre marché de l’intérieur de l’entrée de produits
étrangers, surtout de ceux qui nous proviennent de pays qui déploient un tarif
prohibitif à notre égard ; et je crois la chose très possible quand l’on
veut prendre les précautions nécessaires et quand nous accordons au
gouvernement tous les moyens dont il a besoin pour arrêter la fraude.
L’honorable
M. Dumortier a cru qu’il était impossible de prendre des mesures efficaces
contre la contrebande en Belgique, à cause, disait-il, de nos frontières trop
étendues ; je pense, au contraire, qu’il y a possibilité d’y
réussir ; et tout ce qu’il a à faire, d’après moi, c’est de faire ce que
font nos voisins, user de tous les moyens nécessaires, et même de l’estampille,
comme
Dans
la séance d’hier nous avons entendu l’honorable M Pirmez, qui ne veut d’aucune
protection, qui ne veut pas qu’on vienne en aide à l’industrie, par aucun
moyen, et qui soutient que plus on ferait pour le progrès de l’industrie
nationale, plus on ferait de mal au pays ; car, dit-il, vous augmentez la
production, et par conséquent vous rendez plus difficiles les échanges.
Quand
l’honorable membre soutient qu’on produit trop, et que la trop grande
production est la cause principale de la crise actuelle qui existe dans le
commerce et l’industrie, je pense comme lui. Mais s’il veut y songer, c’est à
cause de cette crise qu’il faut venir au secours de l’industrie nationale, et
prendre des mesures pour maintenir intact le marché intérieur.
Les
secours et la protection que je réclame pour l’industrie nationale n’ont point
pour but de produire beaucoup et encore
faire augmenter la production, mais particulièrement pour produire du beau et
du solide et le plus économiquement possible ; car ce sera en fabriquant
mieux et à meilleur marché que les autres nations que se trouvent les moyens de
triompher sur elles et de conserver la prospérité de notre industrie.
Avant
de terminer je témoigne le désir que le gouvernement porte un œil attentif sur
ce qui se passe autour de nous, pour ce qui regarde les traités de commerce qui
se négocient actuellement, et particulièrement sur celui entre
Quand
nous avons passé le traité qui concernait nos différents avec
Sur
la houille qui arrive dans les eaux intérieures par des navires belges, elle
perçoit un droit différentiel de 2 florins au tonneau, qui équivaut à l’import
du fret.
Sur
les centres de tourbes, dont elle peut se passer, et dont nous avons besoin
pour notre agriculture, elle perçoit un fort droit de sortie.
Pour
favoriser sa pêche, elle défend aux pêcheurs de Belgique de vendre en Hollande
les produits de leur pêche ; tandis que les pêcheurs hollandais ont la
faculté de débiter chez nous leur poisson.
Je
ne dis point que
J’ai
dit.
-
La séance est levée à 4 heures ½.