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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 13 novembre 1838

Ouverture de la séance royale

(Moniteur belge du 14 novembre 1838)

Le Roi a fait hier l’ouverture de la session des chambres législatives.

Une double haie était formée sur la route que devait parcourir le Roi, pour se rendre de son palais à celui de la législature, par des bataillons, en magnifique tenue, des beaux régiments d’infanterie de lignes en garnisons dans la capitale. Des escadrons des guides se déployaient aux extrémités de ces haies.

A cheval, en costume de général de la garde civique, entourée d’un brillant et nombreux état-major, précédée d’un escadron des guides, et suivie d’un escadron de la garde civique, S.M. est partie de son palais à une heure de relevée ; des salves d’artillerie ont annoncé son départ. La foule qui remplissait les avenues du Parc parallèles à la route suivie par ce cortège a accueilli le Roi par ses acclamations.

S.M. le Reine s’était rendue au palais de la Nation quelques instants avant le Roi. Son cortège était composé de deux voitures précédées et suivies de détachements des guides et de la garde civique à cheval. Elle était dans la deuxième voiture, accompagnée de ses dames d’honneur ; d’autres dames d’honneur occupaient la première. Des acclamations l’ont également accueillie sur son passage.

MM. les sénateurs et MM. les représentants s’étaient réunis à midi pour procéder à quelques opérations préliminaires relatives à la solennité. Ils se sont formés en assemblée collective sous la présidence de M. Beke-Beke, sénateur, doyen d’âge ; MM Dubus (Bernard) et Dechamps, représentants, assistaient l’honorable M. Beke-Beke à titre de secrétaires.

L’assemblée était dans la salle des séances de la chambre des représentants, dont la tribune des orateurs et le fauteuil du président avaient été enlevés pour faire place au trône.

M. le président a tiré les noms de ceux des membres des deux chambres législatives qui devaient former les députations chargées de recevoir le Roi et la Reine à leur entrée dans le palais de la Nation.

La députation chargée de recevoir S.M. la reine s’est trouvé composée de :

MM. les sénateurs comte de Potesta, comte de Baillet ;

MM. les représentants Milcamps, Dequesne, Pollénus, Vandenhove.

La députation chargée de recevoir le Roi s’est trouvée composée de :

MM. les sénateurs vicomte de Jonghe d’Arloye, de Wouters, comte de Quarré, Thorn, Baron de Pélichty van Huerne, comte d’Ansembourg

MM. les représentants Fallon, de Renesse, Heptia, Schreyven, Perceval, de Terbecq, Lebeau, Beckaert, Constantin Rodenbach, Duvivier, Beerenbroeck, Wallaert.

Les tribunes publiques étaient remplies et ne pouvaient contenir la foule qui désirait entendre le Roi. Les tribunes réservées étaient également remplies. La galerie circulaire qui entoure les banquettes où siègent MM. les représentants était occupée par des dames parées de brillantes toilettes. C’est à MM. de Sécus et Liedts, questeurs de la chambre des représentants, que l’on doit cette innovation, ou cet ingénieux moyen d’embellir une salle déjà très belle de son architecture élégante et d’une noble simplicité.

Les membres du corps diplomatique occupaient les tribunes qui leur sont réservées. Ils étaient tous en grand costume. On remarquait parmi les dames du corps diplomatique lady Hamilton Seymour, Mme Sérurier et Mme Lisboa, placées dans la tribune vis-à-vis de la Reine.

MM. de Theux, ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ; Ernst, ministre de la justice ; d’Huart, ministre des finances ; Willmar, ministre de la guerre en costume d’officier général, et Nothomb, ministre des travaux publics, siégeaient au banc des ministres.

A une heure environ, S. M. la Reine était reçue dans le palais de la Nation et conduite par la députation de la législature dans la tribune qui lui est réservée. Toute l’assemblée s’est levée à son aspect et l’a accueillie par de vifs applaudissements.

A une heure et quelques minutes, le Roi a été reçu dans le palais de la Nation par la grande députation de la législature. Dès les premiers pas qu’il a faits en entrant dans la salle, les cris de Vive le Roi ! se sont fait entendre de toutes parts.

S. M. était accompagnée des officiers de sa maison, du général de division, chef de l’état-major général, des généraux présents à Bruxelles, du général et chef de la garde civique, et d’un nombreux et brillant état-major, qui se sont groupés autour du trône.

S. M., s’asseyant sur son trône, après avoir salué l’assemblée, s’est couverte et a prononcé le discours suivant :

Discours du trône

« Messieurs,

« Les relations de bonne amitié que j’ai établies avec les puissances continuent à subsister. Des traités de commerce et de navigation ont été conclus avec la France et la Porte Ottomane. Des négociations sont ouvertes avec d’autres puissances dans le même but : nous en attendons également un résultat favorable.

« Nos différends avec la Hollande ne sont point encore arrangés ; les droits et les intérêts du pays sont la règle unique de ma politique ; ils ont été traités avec le soin qu’exige leur importance ; ils seront défendus avec persévérance et courage. (Applaudissement prolongés, et cris de : Vive le Roi !)

« Vous serez immédiatement saisis des budgets généraux de l’Etat pour l’exercice 1839. Les développements dont ils sont accompagnés vous en rendront l’examen facile.

« Des dépenses extraordinaires considérables devront continuer à grever le pays pour conserver nos forces militaires sur un pied convenable. Cependant, messieurs, il ne vous est proposé pour le moment aucune charge nouvelle.

« Rien n’est changé dans la force numérique et la position de l’armée qui menace notre frontière du Nord ; l’état de notre armée doit aussi demeurer le même.

« Les troupes continuent à mériter, par leur discipline, leur progrès dans les manœuvres et le bon esprit qui les anime, notre approbation et notre sollicitude. Les réunions annuelles dans les camps exercent, à cet égard, la plus salutaire influence.

« Dans les garnisons, l’instruction, la santé et le bien-être du soldat sont l’objet de soins constants.

« La dernière session a doté l’armée de deux lois impatiemment attendues et accueilles avec empressement. Celle qui concerne les pensions militaires a paru susceptible d’une application plus étendue ; un projet supplémentaire sera, en conséquence, soumis à vos délibérations.

« Il en sera de même d’une partie de la nouvelle législation militaire, dont la rédaction a été confiée à une commission spéciale.

« Mon gouvernement a fait usage de la loi du 25 mai dernier ; par laquelle il était autorisé à contracter l’emprunt pour la continuation des travaux du chemin de fer. Cet emprunt, conclu à un taux favorable, a consolidé le crédit national et raffermit la confiance publique.

« Le cherté des blés avait alarmé les consommateurs ; mais les renseignements recueillis sur les produits de nos récoltes sont de nature à dissiper les craintes.

Des efforts multiples sont dirigés vers l’amélioration et l’extension de l’agriculture, du commerce et de l’industrie ; ils contribuent à répandre l’aisance dans les diverses classes des habitants et à cimenter la concorde.

« La culture des arts continue à s’étendre. Les succès obtenus par les artistes distingués qui honorent la patrie les récompensent de leurs travaux.

« Les encouragements que vous avez votés pour la construction des navires et pour la pêche ont donné des développements à cette branche importante de la richesse nationale.

« Nos moyens de communication s’améliorent et se complètent ; les travaux publics de tout genre ont reçu une vive impulsion ; partout les communes et les provinces joignent leurs efforts à ceux de l’Etat.

« Une grande partie de la tâche que le gouvernement a acceptée en vos proposant de décréter un système de chemins de fer est accomplie ; la nouvelle administration qu’exige l’exploitation des lignes livrées à la circulation est constituée ; les études et les travaux se poursuivent avec ensemble et activité.

« Une expérience de quelques années vous a servi à améliorer notablement, par une loi récente, l’organisation du jury en matière de répression.

« J’appelle votre attention, messieurs, sur les projets de loi destinés à régler la compétence judiciaire et la circonscription cantonale : la discussion de ces lois est d’autant plus urgente qu’elles tiennent en suspens l’organisation définitive des tribunaux de paix.

« La discussion du projet de loi sur le duel, déjà adopté par le sénat, n’est pas moins urgente : cette loi et une nouvelle loi sur les injures et les diffamations, dont le projet vous sera présenté pendant la session actuelle, produiront, je l’espère, un effet salutaire, et préviendront le retour de fâcheux excès.

« L’œuvre de l’amélioration des prisons se poursuit avec persévérance. Un projet de loi vous sera incessamment présenté pour l’établissement d’un pénitencier spécial pour les jeunes délinquants.

« Les institutions de bienfaisance ont reçu de nombreux encouragements : des subsides ont été accordés aux divers instituts de sourds-muets et d’aveugles, et, en général, aux établissements destinés à soulager la véritable indigence. La régie des maisons d’aliénés est sur le point de subir une réforme salutaire ; les conseils provinciaux se sont montrés animés des meilleures intentions à cet égard, et le gouvernement ne négligera aucun moyen de seconder les améliorations dont l’urgence est si généralement reconnue.

« L’émulation pour l’instruction et l’éducation de la jeunesse produit d’heureux résultats. La loi sur l’instruction primaire et moyenne, des améliorations à la législation sur l’enseignement supérieur qui vous seront proposées, et plusieurs autres projets d’une haute importance, vont être l’objet de vos travaux.

« L’activité que vous avez su imprimer à vos délibérations rendra la session dans laquelle vous entrez profitable au pays, en le dotant des lois importantes qu’il attend encore.

« C’est ainsi, messieurs, que vous vous assurerez de nouveau sa reconnaissance, et que vous répondrez à ma vive sollicitude pour tout ce qui peut augmenter son bien- être moral et matériel. »

Ce discours terminé, les cris prolongés de vive le Roi ! vive la Reine ! ont été répétés avec une force nouvelle dans l’assemblée et dans les tribunes.

LL. MM. ont été reconduites avec le même cérémonial qui avait eu lieu à leur réception, et des salves d’artillerie ont annoncé le retour du Roi à son palais.

Ouverture de la séance plénière

Après la séance royale, l’assemblée collective des deux chambres a été rompue, et chaque chambre législative s’est formée séparément en assemblée publique dans la salle de ses séances.

M. Pirson, doyen d’âge, a été appelé au fauteuil, dans la chambre des représentants, et MM Dubus (Bernard) et Dechamps, pris parmi les plus jeunes des membres présents, ont été appelés pour remplir provisoirement les fonctions de secrétaires.

M. Pirson a dit : Je crois que l’assemblée doit désirer que dans sa prochaine réunion elle puisse s’organiser, c’est-à-dire nommer un président, deux vice-présidents et quatre secrétaires, et nommer encore la commission qui sera chargée de préparer le projet d’adresse au discours du trône ; je crois que, pour parvenir à ce but, il conviendrait que nous nous réunissions demain à midi.

- Cette proposition a été généralement appuyée, et par conséquent la prochaine séance de la chambre des représentants aura lieu demain 14 novembre, à midi.

Il était deux heures environ quand les représentants se sont séparés.