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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 15 mars
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative aux droits sur le lin (Bekaert) et à un
demande de secours d’un ecclésiastique (Andries), à la
construction d’une route dans la Campine (Peeters)
2) Fixation de l’ordre du jour. Droits d’accises
sur le sel (A. Rodenbach), organisation de
l’instruction primaire et moyenne (d’Hoffschmidt)
3) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour 1838. Ecole militaire. Politique commerciale
(droits différentiels) (de Foere, A.
Rodenbach, Willmar, Pirmez, Desmet, de Foere, Raikem,
de Foere, Raikem)
4) Projet de loi tendant à accorder un crédit
supplémentaire au budget du département de la justice pour l’exercice 1837.
Etablissements pénitentiaires.
5) Prise en considération de demandes en grande
naturalisation
6) Fixation de l’ordre du jour (Lebeau)
7) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à des demandes de pension d’anciens receveurs de la loterie royale (de Roo, Angillis, Verdussen, de Roo, A. Rodenbach, Lebeau, A. Rodenbach, Simons, A. Rodenbach, Angillis, de Brouckere), à une pension publique (de Brouckere, Mercier, de Jaegher, Dolez, de Brouckere, de Roo, Simons), au traitement des commissaires de police communaux
(Angillis, Simons, Dubus (aîné))
(Moniteur belge n°75, du 16 mars 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
B. Dubus fait l’appel nominal une heure 1/2.
M.
Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ;
la rédaction en est approuvée.
M.
B. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Un
grand nombre de cultivateurs des communes de Hamme, Zele, Thisselt, Ruysbroek, Ste-Anne
et Moeseve, réclament contre toute augmentation de droits sur les lins à la
sortie. »
________________
« Des
négociants en toiles, de Gand, demandent qu’il soit pris des mesures
protectrices pour cette industrie et pour l’industrie concernant les fils de
lin. »
________________
« Un grand nombre de marchands d’étoupes
de Thielt demandent que la chambre repousse la proposition faite de prohiber
les étoupes à la sortie. »
________________
« Le sieur Seydlitz, saunier à Liége et à
Venloo, adresse un mémoire sur le projet de loi relatif aux sels. »
________________
« Le conseil communal de la ville
d’Eecloo demande le rétablissement d’un tribunal de première instance dans
cette ville. »
________________
« Un grand nombre de cultivateurs de
Tourinnes, Beauvechain et communes environnantes (Brabant), adressent des
observations contre les pétitions des Flandres, par lesquelles on demande à
imposer le lin à la sortie. »
« Même
pétition du canton de Perwez (Brabant). »
________________
« Le sieur Volevices, géomètre de première
classe, demande le paiement des travaux d’arpentage que le gouvernement
français l’a chargé d’exécuter en l’an IX. »
________________
« Des habitants, propriétaires de bois du
district de Hasselt, demandent un droit modéré sur les bois étrangers. »
________________
« Des négociants et fabricants de tabac
de la ville de Menin adressent des observations sur le projet de loi relatif
aux tabacs étrangers. »
________________
« Le sieur J.-G. Maris, ancien religieux,
demande qu’il lui soit accordé une pension, ainsi qu’à tous les religieux qui
ont négligé de faire leur déclaration. »
________________
« Le conseil communal de Tessenderloo
(Limbourg) demande l’achèvement de la route de Beeringen à Hasselt et la
construction d’un embranchement de Zammel à Beeringen. »
M. le
président. - La
pétition sur les lins sera déposée sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi concernant les lins.
M. Bekaert.
- Je demanderai en outre le renvoi de la pétition à la commission d’industrie.
-
Adopté.
M.
Andries. - Il y a une pétition d’un religieux infirme ;
il est dans une position fort malheureuse ; je demanderai que sa réclamation
soit renvoyée directement au ministre de l’intérieur.
Plusieurs
membres. - Cela ne se peut pas !
M.
Andries. - Si on fait passer la pétition par la filière
ordinaire, il y aura un long temps perdu.
M. le
président. - On priera la commission de faire un prompt
rapport.
-
Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport est
adopté.
M.
Peeters. - Comme M. le ministre des travaux publics
paraît s’occuper en ce moment d’un travail général sur les routes à construire,
je viens demander que la commission des pétitions soit invitée à faire un
prompt rapport sur la pétition que le conseil communal de Tessenderloo vient
d’envoyer à la chambre, et dont M. le secrétaire vient de nous donner
connaissance.
Je
ne saurais assez le répéter, il est plus que temps que l’on s’occupe de la
Campine. Le mécontentement devient général ; et je dois le dire franchement,
les Campinois ordinairement si modérés, et qui ont supporté avec tant de
résignation les logements militaires, deviennent impatients, ils perdent leur
confiance dans un gouvernement qui n’exécute pas même les routes décrétées il y
a plus de quatre ans, comme celle de Turnhout à Diest, et c’est pourquoi les
pétitionnaires se sont adressés directement à la chambre ; je prévois que si le
gouvernement ne se hâte de faire mettre la main à l’œuvre, bientôt une masse de
pétitions va nous arriver de la Campine ; c’est donc pour éclairer le
gouvernement que j’insiste sur un prompt rapport sur la pétition en question.
-
La proposition de M. Peeters est adoptée.
_________________
-
Toutes les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M.
A. Rodenbach (pour une motion d’ordre.) - L’ordre du jour de
la séance prochaine est le projet de loi sur les lins ; je demanderai que la chambre
veuille bien fixer l’ordre du jour de nos discussions quand la loi sur les lins
sera terminée, et je proposerai qu’on s’occupe du projet de loi sur les sels.
M. le président.
- Mais c’est décidé.
M.
A. Rodenbach. - Voilà six ans que le projet sur les sels est
présenté. Je voudrais que l’ordre de nos prochains travaux fût ainsi réglé :
les fils de lin, les sels, les spiritueux à l’étranger.
-
Cet ordre est adopté.
M.
d’Hoffschmidt. - Je demanderai quand on discutera la loi sur
l’instruction publique ? On s’est occupé du troisième titre de cette loi, celui
concernant l’instruction supérieure ; nous n’avons pas encore de rapport sur
les deux autres titres concernant l’instruction moyenne et primaire, qui ont
été renvoyés depuis longtemps à la section centrale en faire rapport.
M. le
président. - La section centrale s’est réunie plusieurs fois
et s’est occupée à plusieurs reprises du projet de loi sur l’instruction
publique ; elle continuera de s’en occuper.
M.
d’Hoffschmidt. - Mais il y a quatre ans au moins que ce
projet important a été déposé : il me semble dès lors que le travail de la
section centrale devrait être terminé. Du reste, j’espère que le rapporteur de
cette section pourra nous présenter incessamment son travail.
M. le
président. - La section centrale s’en occupe activement.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
M. le
président. - Un crédit de 160,000 fr. a été demandé au
budget des dépenses de l’exercice de 1838 pour les dépenses de l’école militaire
; un crédit provisoire de 40,000 fr. seulement a été accordé lois du vote de la
loi de finances ; il s’agit maintenant de compléter le crédit de 160,000 fr. ou
d’en voter un de 120,000 fr. par une loi spéciale.
M. de
Foere. - Messieurs, il est de droit constitutionnel
que lorsque le ministère demande des subsides, chaque membre de la chambre a le
droit de motiver son refus dans le sens d’opposition ministérielle. Ma
conviction consciencieuse, à moi, m’impose le devoir de retirer au ministère
actuel toute ma confiance. J’ai la persuasion intime que, dans la position dans
laquelle se trouve le pays, relativement à ses intérêts matériels, ce ministère
est complétement incapable de gouverner le pays sous les rapports qui touchent
aux conditions mêmes de son existence. J’ai hésité, depuis longtemps, à faire,
comme député, cette protestation contre l’administration actuelle ; j’avais
espéré que le temps et les circonstances, et surtout les discussions de la
chambre, auraient mieux fait comprendre les vrais intérêts du pays aux
honorables membres qui composent cette administration. La voie parlementaire
dans laquelle le ministère s’est jeté dans la séance d’hier, a enfin éteint
dans mon esprit le dernier rayon d’espérance ; j’aurais compris qu’un membre de
la chambre eût proposé, pour des raisons dont je lui aurais laissé la juste
appréciation, l’ajournement d’une question qui se rattache à un degré si élevé,
à une des plus grandes sources de la prospérité publique ; mais que le
ministère même vienne nous proposer d’en étouffer la discussion, alors que la
question avait déjà été tant de fois écartée sous des prétextes qui n’ont pas
même le mérite d’être spécieux, c’est ce que je ne puis m’expliquer par d’autre
raison par son impéritie complète à gérer les affaires du pays, car je déclare
n’avoir pas de raisons d’inculper sa probité. Le ministère a assumé sur lui
cette grave responsabilité ; il la portera.
Quant
à moi, ma conscience m’impose le devoir de faire désormais tous les efforts
pour faire tomber un ministère qui, dans ma conviction intime, est, quoique
sans le vouloir, le plus grand adversaire du bien-être du pays. Eh quoi ! les
droits différentiels, appliqués, dans une proportion majeure, à l’importation
des cafés ; même la seule discussion de cette question apporterait, selon vous, ministres, des entraves à vos
négociations ! Faut-il, je ne dirai pas à la majorité de la chambre (j’ai mes
raisons pour user de cette réticence) ; mais je dirai : faut-il au pays d’autre
preuve, si déjà il n’en existait pas assez, pour lui donner la conviction la
plus profonde comme la plus pénible de votre incapacité à diriger vos affaires
! Fallait pousser l’ineptie jusqu’à faire naître dans les esprits les moins
exercés la présomption légitime que jamais vous n’avez lu ou médité le texte
d’un seul traité de réciprocité, ou, si vous en aviez lu ou médité un seul, que
jamais vous l’ayez compris ! L’article café vous entraverait dans vos
négociations ! C’est donc par de semblables niaiseries que vous entendez
soutenir les intérêts et la dignité du pays devant des nations toujours avides
de l’exploiter à leur profit exclusif ! Depuis plusieurs années, vous avez
bercé la chambre de votre espoir de doter bientôt le pays de traités de
réciprocité. Quelles ont été les entraves qui, avant cette épouvantable
question de café, se sont opposées à l’heureux résultat de vos négociations ?
Je n’hésite pas de me charger de la réponse ; la seule entrave est votre
profonde ignorance des affaires publiques et politiques.
Des
étrangers vous disent ouvertement : Vous n’importerez pas de café chez nous, et
vous n’avez pas le courage de leur répondre : C’est à vous à régler vos
intérêts comme vous l’entendez ; là, vous êtes dans votre droit. Mais vous êtes
nos aînés ; vous avez le génie des affaires ; vous avez acquis une expérience
accomplie ; nous suivrons votre exemple. Bien loin d’oser nous placer sur cette
ligne de réciprocité, de prendre cette digne attitude si nécessaire à toute
nation qui ne veut pas se suicider, vous n’osez pas même rester à une distance
immense de la sévérité et de l’oppression des lois étrangères à l’égard du
pavillon du pays. Vous n’osez pas accepter une légère différence de droits
d’importation sur un seul article, sur lequel il y a pour nous prohibition à
l’étranger. Eh quoi ! vous poussez même la pusillanimité et la servilité, au
point de craindre la discussion d’une question aussi simple ! Et ce serait de
vous, de vous, messieurs les ministres, que le pays devrait attendre des
traités de réciprocité ! Vous êtes les innocents continuateurs de l’infâme
traité de Munster. Vous allez même au-delà de cette horreur diplomatique ! Vous
ouvrez directement nos ports aux étrangers, et vous les fermez lentement pour
les nationaux. Vous allez plus loin encore : vous imposez sur le pays des
charges accablantes pour construire, administrer et entretenir un chemin de fer
destiné à servir à la voie du transit vers l’Allemagne. Pour qui faites-vous
ces dépenses énormes ? Pour le commerce maritime de l’étranger, tout en
entravant le nôtre ! Je ne vous considère pas comme traîtres ; je vous fais la
justice de croire que vous n’avez pas l’intention de trahir le pays ; mais aux
yeux de ses députés, votre ineptie a les mêmes résultats.
Le
lendemain du jour auquel vous avez eu le courage de proposer à la chambre
d’étrangler cette discussion sous des prétextes qu’il me répugne de définir
ultérieurement, ce lendemain même vous lui demandez des subsides pour un
établissement militaire. Je sais les motifs sur lesquels vous basez votre
confiance ; mais ici les convenances parlementaires m’imposent des réticences ;
toutefois mon silence parlera assez haut.
Sous
un semblable ministère, qu’avons-nous besoin d’un état militaire ? Permettez à
l’Angleterre de vous exploiter commercialement comme elle le fait, comme elle
exploite le Portugal et l’Espagne ; et elle défendra votre indépendance comme
elle a défendu celte de ces deux royaumes du midi de l’Europe, toutes les fois
que l’agression est partie de l’extérieur. La France vous défend d’importer
chez elle les marchandises coloniales par terre ; la sévérité de sa prohibition
est même portée jusqu’à l’introduction de simples échantillons ; et dans une
seule année, en 1837, le port du Havre a fourni, par terre ou par voitures, aux
fabricants de Gand 15,000 balles de coton, ou 20 cargaisons de ce produit
colonial et vous continuez de ne pas reculer devant une semblable oppression !
Oui, messieurs les ministres, continuez d’assujettir nos manufactures à des
conditions aussi ruineuses, et, à la gloire d’avoir étouffé la discussion sur
la question, vous ajouterez celle d’avoir détruit lentement notre industrie.
C’est là le vœu des étrangers ; c’est le but où ils tendent directement. Ce
but, sous le ministère qui gouverne le pays, ils l’atteindront. Avant peu
d’années, l’industrie du pays, qui avait pris un si bel élan, sera refoulée
au-delà de son point de départ. Ce bienfait, nous le devrons aux ministres qui
jusqu’ici ont gouverné le pays. En accumulant article sur article, je pourrais
vous dérouler un tableau effrayant d’oppressions nombreuses dans l’espèce sous
lesquelles gémissent le commerce et l’industrie du pays ; vous avez craint que
ce tableau ne vous fût présenté ; vous avez préféré étouffer la discussion.
Mais, je vous le déclare, vous n’échapperez pas à la honte de le voir porté
sous les yeux du pays.
La
Hollande, cet ennemi acharné de notre commerce maritime, a-t-elle besoin
d’autres instruments que vous, ministres, pour nous faire regretter notre
révolution ? Elle porte ordonnance sur ordonnance pour arrêter votre navigation
au berceau, et même pour détruire les échanges commerciaux qui pourraient
s’établir entre les deux pays. Elle vient de frapper encore de 50 p. c. vos
marchandises à l’importation à Java, et, depuis la révolution, vous vous
enveloppez dans une apathie cruelle pour le pays ; vous continuez de recevoir
bénévolement les cafés de la colonie hollandaise. Vous tremblez devant un léger
droit de différence au point d’étouffer même la discussion sur l’espèce.
Mais
les membres de la chambre de commerce d’Anvers sont venus supplier le ministre
de reculer devant les droits différentiels sur l’article café. Ces membres et
le ministre, ils rêvent donc encore les prodigieux résultats de notre commerce
de transit vers l’Allemagne ! Ils n’ont donc pas médité sur les conséquences
inévitables des articles 2 et 5 du traité que l’Angleterre vient de conclure
avec la Hollande ! Ils ne voient donc pas que les descendants des agents
diplomatiques qui ont amené l’infâme traité de Westphalie, tendent toujours au
même but, quoique par d’autres voies ! Ils n’ont donc pas vu que déjà la
Hollande a ruiné leurs compagnies d’assurances maritimes ! Ils ne comprennent
donc pas la position géographique et commercialement sociale de la Prusse, elle
qui commande, en grande partie, la navigation de la Vistule, du Niémen, de
l’Oder, de l’Elbe et du Rhin, c’est-à-dire, de toutes les communications par
eau, par lesquelles les produits importés par mer, soit pour la consommation,
soit en transit, sont distribués sur toutes les parties de l’Allemagne et même
sur la plupart des Etats de l’Europe centrale et orientale ! Ils continuent
donc de se bercer de l’espoir que, sans colonies, ils soutiendront la
concurrence contre les nations à la fois maritimes et coloniales ! Ils
s’obstinent à s’imaginer que la Hollande, la Prusse, Hambourg et les villes
anséatiques n’accorderont pas aux autres nations maritimes et coloniales autant
de facilités qu’il en faut pour écraser leur concurrence, ou que, les bras croisés,
ils permettront de leur enlever les immenses avantages qu’ils possèdent pour
exercer par eux-mêmes le commerce de transit vers l’intérieur de l’Allemagne.
Et ce sont ces palpables illusions d’une chambre de commerce, par lesquelles le
ministère se laisse aveugler, pour mépriser les avis contraires de 8 à 10
autres chambres du pays !
Je refuse tout subside à l’administration
actuelle. Un ministère qui vient étouffer la discussion sur une question qui
touche à un intérêt vital du pays ne saurait jouir de ma confiance ; si je
n’avais pas d’autres motifs de lui refuser mon appui, celui-là seul me
suffirait.
Messieurs,
je n’ai plus qu’un mot à vous dire. J’accepte la révolution comme un fait ;
mais si le pouvoir devait être continué à ce ministère, ce fait, je le
regretterais amèrement.
M.
A. Rodenbach. - L’honorable préopinant vient de décerner des
brevets d’impéritie aux ministres ; mais en leur décernant ces brevets, il en a
décerné de semblables à la majorité de la chambre qui a voté le projet de loi
adopté dans la séance d’hier ; ainsi 47 des membres présents dans notre
dernière séance sont ineptes, et 26 doivent seuls être reconnus des hommes
capables. Je suis du nombre de ceux qui ont défendu la loi ; le ministre s’est
même appuyé sur les chiffres que j’ai présentés, et s’en est référé à mon
opinion ; je dois donc prendre ma part du compliment adressé, par M. de Foere,
aux ministres et aux membres de la majorité.
Quant
à la question relative aux droits différentiels, qui paraît être la cause des
insinuations de l’honorable membre, je dirai que je l’ai soulevé dans la
section centrale qui a été chargée de l’examen de la loi sur le café, que je
l’avais soulevée dans cette enceinte plusieurs mois auparavant.
Certes,
ce n’est pas moi qui veux protéger le commerce hollandais. Mais, dans le sein
de la section centrale, les ministres nous ayant donné de bonnes raisons pour
nous engager à différer d’examiner la question, nous avons cru devoir cesser de
nous en occuper. Les ministres nous ont donné l’assurance qu’ils s’occupaient
de traités de navigation ; qu’ils espéraient, sous peu, conclure un traité
pareil avec l’Angleterre : ils n’ont pas pu nous en imposer ; et nous avons dû prendre
en considération leurs déclarations.
Je suis partisan de l’établissement des droits
différentiels ; l’honorable préopinant qui a montré leur importance et leur
utilité a dit en cela de grandes vérités ; mais les ministres en comprennent
aussi les avantages ; et c’est à faux qu’on peut les accuser de méconnaître les
intérêts matériels du pays. Je n’entreprendrai pas ici de faire leur apologie ;
par caractère, je suis plutôt membre de l’opposition que flatteur du pouvoir.
Cependant, ici, je soutiendrai que le ministère s’est conduit avec loyauté. Il
a pu se tromper ; mais qui ne se trompe pas ? Ses intentions m’ont paru
favorables à l’intérêt du pays, ou à la prospérité de la Belgique.
Relativement
à la demande de crédit pour l’école militaire, j’en voterai l’adoption.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Il me semble que
la discussion actuelle, si elle se prolongeait, ne pourrait avoir pour résultat
que d’enlever au ministère les avantages qui sont la conséquence du vote
d’hier. Ne me proposant pas de répondre aux expressions, sinon
antiparlementaires, du moins peu flatteuses et peu polies, de l’honorable
membre, je demanderai simplement que la chambre s’occupe du projet de loi qui
lui est soumis.
La
question relative aux droits différentiels n’a pas été écartée d’une manière
absolue. Le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères vous a dit hier
que cette question exigeait une discussion approfondie, et qu’actuellement,
indépendamment de l’inopportunité, on n’avait pas recueilli les renseignements
nécessaires, ni reçu les réponses de ceux qu’on a dû consulter sur cet objet.
Si
j’avais cru que cette discussion dût être soutenue j’aurais pu regretter d’être
seul au banc des ministres, et d’autant plus que les incriminations de
l’honorable membre ne vont pas à mon adresse. Je ne suis pas chargé du détail
des choses qui intéressent la prospérité matérielle de mon pays ; toutefois je
connais les intérêts et la situation de la Belgique, et je soutiens que sa
prospérité réelle proteste de fait contre les allégations de l’honorable membre
et les conséquences qu’il prétend résulter de ce qu’il appelle l’impéritie et
l’ignorance des ministres.
Je
le répète, je ne veux pas rentrer dans le fond de la question agitée hier ; et si
mon honorable collègue le ministre des affaires étrangères était ici, il ne
voudrait probablement pas lui-même exposer ici en détail la série des
négociations dont le gouvernement n’a cessé de s’occuper.
Quant aux considérations sur l’inutilité de
l’armée développées par l’orateur, comme elles n’ont pas de rapport direct avec
le projet de loi tendant à ouvrir un crédit pour l’école militaire, je
m’abstiendrai de les examiner, et me bornerai à dire que nous devons avoir pour
but de nous mettre en état de repousser nous-mêmes les attaques de notre
ennemi, et de ne plus dépendre d’une défense étrangère.
L’école
militaire dont il s’agit maintenant doit assurer l’avenir de notre armée, et
comme cet avenir, d’une grande importance pour l’indépendance du pays, n’a
aucun rapport avec la question soulevée par l’honorable abbé de Foere, je prie
la chambre d’ajourner cette question et de s’occuper du projet de loi à l’ordre
du jour, ou du crédit à ouvrir pour les dépenses de l’école militaire.
M.
Pirmez. - Dans les termes peu agréables adressés par
l’orateur aux ministres, se trouve un compliment peu flatteur à la majorité de
la chambre ; car si le ministère a été ignorant en proposant l’ajournement,
ceux qui ont voté cet ajournement, et surtout ceux qui ont soutenu la
proposition du ministère, sont également ignorants : mais il n’y a rien de plus
facile que de dire de grands mots, que de faire des phrases ; je ne veux pas
entrer dans cette carrière et suivre l’orateur sur le terrain où il s’est
placé.
L’honorable
M. de Foere a touché un peu le fond de
la question des droits différentiels ; mais je vous avoue, messieurs, que je
n’ai guère compris ce qu’il a dit à cet égard, et je crois qu’il est beaucoup
d’honorables membres qui n’ont pas été plus heureux que moi.
Quant à la conduite du ministère, je crois
qu’elle a été telle qu’elle devait être : la question des droits différentiels
est une question immense qui ne pouvait pas être présentée d’une manière
accessoire, à l’occasion d’un projet de loi pour ainsi dire sans importance ;
c’est une question qui mérite bien les honneurs d’une discussion spéciale.
Quant
aux droits différentiels eux-mêmes, je crois qu’ils doivent être repoussés, et
que la chambre les a repoussés en effet lorsqu’elle a décidé qu’elle ne voulait
pas s’en occuper maintenant. Si la chambre a pris cette décision, c’est, j’en
suis persuadé, parce qu’elle a déjà jugé la question.
M. Desmet.
- Messieurs, j’ai écouté attentivement le discours de l’honorable M. de Foere,
et je n’ai pas remarqué qu’il ait attaqué la chambre ; au contraire, il a fait
une exception pour les membres de la chambre, il a dit que si la proposition
d’ajournement avait été faite par un membre de la chambre, il aurait pu la
comprendre ; tout ce qu’a voulu dire l’honorable M. de Foere, c’est que le
ministère actuel ne fait rien en faveur de l’industrie et du commerce national.
Si je ne partage pas entièrement tout ce qu’a dit l’honorable membre, je dois
cependant me plaindre comme lui que, dans notre département de l’intérieur, on
travaille peu pour protéger l’industrie du pays, et que très souvent on y prend
des mesures qui sont contraires à nos intérêts matériels. Et, messieurs, ce
n’est pas seulement l’honorable M. de Foere qui le soutient, mais tout le pays
se plaint ; si vous exceptez une coterie étrangère, il n’y a point d’industrie,
point de chambre de commerce qui ne réclame contre le système erroné qu’on suit
depuis quelques années dans notre bureau de commerce.
M. de Foere. - La chambre a dû
comprendre que j’ai lancé mes accusations contre le ministère et non contre les
membres de la chambre. J’ai particulièrement inculpé l’acte parlementaire que
le ministère a exercé hier en proposant d’étrangler la discussion sur un point
qui se rattache aux intérêts les plus importants du pays. S’il est d’autres
conséquences qui en découlent inévitablement, je me suis abstenu de les tirer,
je me suis renfermé à cet égard dans des réticences que je me suis imposées,
dans le but de respecter les formes parlementaires.
M.
Pirmez a dit qu’il est facile de dire des injures. Je ne pense pas que j’en aie
proféré. J’ai justifié les intentions des ministres ; mais M. Pirmez, lui
surtout, il doit savoir qu’il n’est pas si facile de traiter une grave question
au fond.
L’honorable
membre a dit encore que, lui, il n’a pas compris les observations que j’ai
faites sur le droit différentiel. Que lui, M. Pirmez, se trouve dans ce cas, je
le comprends aisément ; mais qu’il accuse tous les membres de la chambre
d’ignorance, ou de n’avoir rien compris à mon discours, ceci, à propos
d’injures, est, je crois, la plus sanglante que l’on puisse leur adresser. Je
ne pense pas que la défense de mes collègues soit à cet égard nécessaire.
M.
Dubus (aîné) remplace M. Raikem au fauteuil.
M.
Raikem. - Il me paraît, messieurs, que l’honorable
préopinant aurait dû prévenir le ministre de l’intérieur de l’intention qu’il
avait de présenter les observations que vous venez d’entendre, afin que les
ministres que la chose concerne pussent se trouver à la séance ; il me semble
aussi qu’il n’a pas saisi un moment opportun pour faire des observations de ce
genre ; je conçois qu’il attaque le ministère à l’occasion de la discussion des
budgets, mais ce n’est pas de cela qu’il est question en ce moment ; les
budgets sont votés depuis longtemps, et il s’agit uniquement d’un crédit qui
n’a été ajourné que par le seul motif que la loi relative à l’école militaire
était en discussion lorsqu’on a voté le budget, crédit qui ne peut même
rencontrer aucune opposition, puisqu’il est la conséquence d’une loi ; il m’est
donc impossible de comprendre en quoi les observations de l’honorable membre
peuvent se rattacher à l’objet qui est en ce moment à l’ordre du jour.
Quoi
qu’il en soit, tout ce qu’a dit l’honorable M. de Foere revient à ceci :
« La
question des droits différentiels a été ajournée ; donc le ministère travaille
contre les intérêts du pays. » Voilà, si j’ai bien compris l’honorable
membre, ce à quoi se réduit tout ce qu’il vient de dire. Eh bien, on lui a déjà
fait remarquer que les reproches qu’il adresse au ministère s’appliquent
également à la très grande majorité des membres de la chambre, et l’on a eu raison
; car enfin, qui est-ce qui a voté l’ajournement ? C’est bien la majorité de la
chambre. Mais l’honorable membre reproche surtout au ministère d’avoir proposé
l’ajournement, et il présente cette proposition comme une chose inattendue ;
j’ai déjà dit hier, et l’honorable membre qui était rapporteur de la section
centrale doit bien se rappeler, que la question d’ajournement est celle qui a
été principalement traitée par les sections et par la section centrale ; c’est
ce qui résulte du rapport que l’honorable préopinant a présenté à la chambre ;
la question d’ajournement était donc la première qui devait être soulevée dans
cette enceinte.
Je crois inutile, messieurs, d’entrer dans
l’examen des différentes considérations qu’a fait valoir l’honorable préopinant
; je suis convaincu qu’il n’aura persuadé à personne que le ministère
travaillerait contre les intérêts du pays, et que tout le monde reconnaît au
contraire que le ministère s’occupe, le plus activement qu’il lui est possible,
du bien-être du pays et notamment de ses intérêts matériels. Je crois donc,
messieurs, que les observations de l’honorable préopinant ne peuvent faire
aucune impression sur la chambre, et que tout ce que nous avons à faire en ce
moment, c’est de voter le crédit demandé par M. le ministre de la guerre. (Appuyé ! appuyé !)
M. de Foere. - L’honorable
membre qui vient de parler, et qui, guidé sans doute par l’intention de
défendre le ministère, est descendu de son fauteuil, ne voit pas par quel lien
les observations que je viens de présenter se rattachent à la question
actuellement en discussion. J’aurais dû prévenir les ministres. Si je n’étais
pas dans la question, il occupait le fauteuil pendant que je parlais. Comme
président, il était de son devoir de me rappeler à la question ou à l’ordre.
Mais je le lui déclare, j’aurais maintenu mon droit. Je l’ai dit, il est
d’usage parlementaire et de droit constitutionnel que chaque membre a celui de
motiver son refus d’accorder des subsides lorsque le ministère en demande.
M.
Raikem. - Je pense, messieurs, que l’honorable
préopinant ne contestera pas que j’avais le droit de quitter le fauteuil pour
venir lui répondre ; comme tous les membres de la chambre, j’ai le droit de
dire mon opinion, et l’honorable orateur me permettra sans doute d’en user.
Mais j’aurais dû, dit l’honorable membre, le rappeler à l’ordre : je vous
avoue, messieurs, que je n’ai rien remarqué dans le discours de l’honorable M.
de Foere qui dût donner lieu à un rappel à l’ordre ; je n’ai pas même cru
devoir le rappeler à la question, parce qu’il pouvait en quelque sorte avoir le
droit de présenter ses observations à l’occasion d’une demande de crédit faite
par le gouvernement. Si donc je n’ai pas rappelé l’orateur à l’ordre, je ne
pense pas qu’il puisse en conclure que j’aie eu tort de soutenir que ses
observations étaient étrangères à la discussion actuelle.
Quant
aux mots d’incapacité, d’incurie, que l’honorable préopinant a fait sonner si
haut, ils sont en quelque sorte tellement devenus à la mode, qu’ils ne
signifient plus rien ; et je crois que si l’on y attachait un sens, les
assertions de l’honorable membre seraient totalement dénuées d’exactitude. (Aux voix ! aux voix !)
-
Il est procédé à l’appel nominal sur l’article unique du projet ; en voici le
résultat :
62
membres y prennent part.
60
répondent oui.
2
(MM. de Foere et Stas de Volder) répondent non.
En
conséquence, la loi est adoptée.
Elle
sera transmise au sénat.
Ont
répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger,
Coppieters, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Meer
de Moorsel, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo, de
Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart,
Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys,
Jadot, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Manilius, Mast de Vries, Mercier,
Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Raikem,
Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Trentesaux, Ullens, Vandenhove,
Van Volxem, Verdussen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude et Peeters.
PROJET DE LOI TENDANT A ACCORDER UN CREDIT
SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA JUSTICE POUR L’EXERCICE 1837
M.
le président. - Voici l’article unique du projet :
« Il
est ouvert à l’article premier du chapitre VIII du budget du département de la
justice pour 1837 un crédit supplémentaire de la somme de soixante-dix mille
francs (70,000 fr.). »
-
Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur
le projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 59 membres qui ont pris part
au vote.
M.
Raikem remonte au fauteuil.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN GRANDE
NATURALISATION
La
chambre passe au troisième objet à l’ordre du jour.
Il
est voté au scrutin secret sur la demande en grande naturalisation formée par
le sieur Jacques Tax, négociant à Bergen (Limbourg).
Nombre
des votants, 57.
Majorité
absolue, 29.
Boules
blanches, 11.
Boules
noires, 46.
En
conséquence, la demande en grande naturalisation formée par le sieur Jacques
Tax n’est pas prise en considération.
________________
On
passe à la demande en grande naturalisation du sieur Albert Tax, né à Kessel
(Prusse), propriétaire, domicilié à Borgen, province de Limbourg, dès 1814,
fondée sur l’ignorance où il était de la disposition de l’article 133 de la
constitution.
On
procède au scrutin sur la prise en considération de cette demande.
En
voici le résultat :
Nombre
des votants, 54.
Boules
blanches. 12.
Boules
noires, 42.
En
conséquence, la demande en grande naturalisation du sieur Albert Tax n’est pas
prise en considération.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. le
président. - Veut-on…
M.
Lebeau. - Dans une séance précédente on avait exprimé,
reconnu la nécessité d’en revenir au règlement pour ce qui concerne les pétitions.
Le règlement consacre le vendredi à cet objet.
M. le
président. - La chambre a décidé hier qu’on s’occuperait
aujourd’hui de naturalisations et de pétitions.
M.
Lebeau. - Cette décision est fâcheuse. Vendredi
dernier des membres ne sont pas venus pensant qu’on ne s’occuperait que de
pétitions. Ils ont été surpris d’apprendre qu’on avait changé l’ordre du jour
du règlement et qu’on avait voté, pour ainsi dire au pas de course, la loi sur
l’école militaire. Voilà les inconvénients qui résultent des changements
d’ordre du jour. Je me rappelle que dans une séance précédente on avait décidé
que la séance du vendredi serait exclusivement consacrée aux pétitions. Au lieu
de cela on met à l’ordre du jour des projets d’une haute importance. Et on est
tout surpris, quand on arrive le lendemain, de voir qu’il n’y a pas eu de
pétitions le vendredi.
M. le
président. - La loi sur l’école militaire a été mise à l’ordre
du jour par décision de la chambre, et on ne s’est pas occupé de pétitions
parce qu’il n’y avait pas de feuilleton distribué.
M.
Lebeau. - Je ne fais de reproche à personne, je
signale les inconvénients qu’entraîne la déviation du règlement.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M.
Simons, premier rapporteur. - « Par
pétition du 1er février 1838, plusieurs ex-receveurs de la loterie royale des
Pays-Bas demandent une pension. »
La
commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. de
Roo. - S’il est vrai que les pétitionnaires aient
droit à une pension, je ne sais pas pourquoi on la leur refuse. Je demanderai
que M. le ministre des finances veuille bien s’expliquer.
Un
membre. - Il est au sénat.
M. Angillis.
- Il paraît qu’un grand nombre de Belges ont la prétention de vivre non pas
pour la chose publique, mais sur la chose publique ; car on ne voit que
demandes de secours, de pensions, ou d’augmentations de pensions. Maintenant ce
sont d’anciens receveurs de la loterie royale, qui nous demandent une pension.
Tout le monde sait ce que c’était que cette loterie royale.
C’était
un guet-apens pour ruiner le peuple, où beaucoup de personnes ont vu engloutir
leur fortune. Des ouvriers sacrifiant au fol espoir de devenir riches tout d’un
coup y perdaient l’argent nécessaire pour alimenter leur famille.
La
chambre ne doit pas s’arrêter à de pareilles demandes de pensions, car on ne
doit en accorder qu’à ceux qui par leurs bons services se sont rendus dignes de
la reconnaissance de la nation.
Je
propose l’ordre du jour.
M. Verdussen. - Je ne viens pas ici
me constituer le défenseur de la loterie ; mais je crois que la proposition de
l’honorable M. de Roo doit être adoptée. Que les loteries soient elles-mêmes
pernicieuses, cela ne fait rien à la position des employés des finances qui ont
été attachés à cette branche de l’administration. On s’est élevé contre les
leges ; néanmoins s’il y avait eu, sous l’ancien régime, un bureau de leges, il
faudrait admettre à faire valoir leur droit à la pension les personnes
attachées à ce bureau comme les personnes attachées à tout autre de
l’administration des finances. Je pense donc qu’il faut avoir égard à la
demande des pétitionnaires, d’autant plus qu’ils se sont déjà adressés au
ministre qui a refusé de leur répondre catégoriquement. Je désire que la
chambre intervienne et appuie la demande jusqu’à un certain point, c’est-à-dire
dans le but d’avoir une explication de M. le ministre des finances. J’appuie
donc la proposition de M. de Roo tendant au renvoi de la pétition au ministre
des finances avec demande d’explications.
M. de Roo.
- La question de moralité ne fait rien à l’affaire. La seule question est celle
de savoir si le pétitionnaire a droit ou non à la pension. Si mes
renseignements sont exacts, plusieurs pensions de cette nature auraient été
liquidées ; cependant je ne puis l’affirmer. Je ne vois pas pourquoi on
exclurait les uns et on appellerait les autres : ce serait une injustice. Je
persiste dans ma demande de renvoi au ministre des finances avec demande
d’explications.
M.
A. Rodenbach. - J’insiste avec l’honorable M. Angillis pour
l’ordre du jour. Comment voulez-vous que les collecteurs de la loterie aient
des droits à demander une pension ? La loterie des Pays-Bas n’a pas duré assez
longtemps pour cela ; il faut 30 ou 40 ans de service pour avoir des droits à
une pension, et vous savez tous que la loterie n’a pas existé aussi longtemps.
On a ruiné des familles ; il y a eu des receveurs qui ont dû quitter leurs
fonctions parce que la loterie les avait ruinés. Des agriculteurs ont été
également ruinés par la loterie. Je demande donc l’ordre du jour ; car, que
vous envisagiez la nature ou la durée des services de ces employés, ils n’ont
pas droit à une pension.
M.
Lebeau. - Il est impossible de motiver l’ordre du jour
sur les considérations invoquées par l’honorable préopinant. Les personnes
appelées à remplir des fonctions dans l’administration financière n’ont pas eu
à s’enquérir de la moralité de ces fonctions alors que le corps législatif
lui-même votait annuellement l’impôt de la perception duquel ces personnes
étaient chargées ; car l’honorable M. Angillis sait fort bien que le produit de
la loterie figurait au budget des voies et moyens, adopté annuellement par des états
généraux. IL serait extrêmement rigoureux d’exiger qu’en fait de moralité des
employés appelés peut-être par nécessité de position à remplir ces fonctions
fussent plus sévères que les législateurs eux-mêmes.
Quant à ce qu’a dit M. A. Rodenbach que ces employés
n’auraient pas été assez longtemps en fonctions pour avoir des droits à la
pension, je ferai remarquer qu’il serait possible que le temps passé dans ces
fonctions dût être ajouté à d’autres fonctions de l’administration financière.
Ce ne serait qu’une question de légalité.
A
moins qu’on ne prouve que l’arrêté de 1814, qui règle les conditions à remplir
pour l’obtention des pensions, exclut les receveurs de la loterie, et frappe
ces employés d’exclusion et de proscription, il faut renvoyer la pétition à M.
le ministre des finances.
J’appuie
donc purement et simplement les conclusions de la commission.
M. Simons, rapporteur.
- Je reconnais avec les honorables préopinants que la loterie a été ruineuse pour
un grand nombre de familles ; mais je pense que cela ne doit avoir aucune
influence sur la décision que vous avez à prendre au sujet de la pétition dont
vous êtes saisis. De deux choses l’une : ou les pétitionnaires ont droit à la
pension d’après les règlements qui régissent la matière, ou ils n’y ont pas
droit. S’ils y ont droit, il importe que la loterie ait été ruineuse pour une
quantité de familles. Cette
considération ne peut enlever des droits qui sont fondés sur les règlements.
C’est sous ce rapport que la commission propose le renvoi de la pétition au
ministre des finances, non pour reconnaître les droits des pétitionnaires,
puisque la commission ne s’est pas occupée du fond, mais parce que les
pétitionnaires se sont adressés à différentes reprises au ministre des finances
qui ne leur a jamais répondu.
Je m’oppose cependant à la proposition de M. de
Roo, parce que, d’après les antécédents de la chambre, le renvoi avec demande
d’explications implique la reconnaissance du droit des pétitionnaires, droit
que la chambre n’a pas à reconnaître pour le moment, et que la commission n’a
pas examiné.
Je
persiste donc dans les conclusions de la commission pour que M. le ministre des
finances fasse droit négativement ou affirmativement aux réclamations qui lui
sont adressées depuis sept ans par les pétitionnaires dont il s’agit.
M. A. Rodenbach.
- Je demanderai à M. le rapporteur si les pétitionnaires disent avoir occupé
d’autres fonctions que celles de receveur de la loterie.
M.
Simons. - Non.
M. A. Rodenbach.
- C’est qu’alors ils n’ont pas droit à la pension. Je persiste dans ma demande
d’ordre du jour.
M.
Angillis. - Je répondrai à l’honorable M. Lebeau que si
la loterie a été votée chaque année par les états-généraux, ce n’a pas été sans
de nombreuses et vives réclamations dans le sein de cette assemblée.
M.
de Brouckere. - Qu’est-ce que cela fait ?
M.
Angillis. - Cela répond à l’observation de M. Lebeau.
Je
répète donc que si l’on ne veut pas passer à l’ordre du jour, il faut adresser
la pétition au ministre des finances, avec demande d’explications, et la
renvoyer en outre à la commission chargée de réviser les pensions.
M.
de Brouckere. - Tout ce que dit l’orateur contre la loterie
ne peut avoir d’influence dans la question. La loterie peut être immorale, et
que quelques-uns de ses employés soient des honnêtes gens. Le pétitionnaire
a-t-il des droits, oui ou non ? Ce n’est pas à la chambre à le décider : la
commission des pétitions l’a bien compris. Aux différentes demandes du
pétitionnaire le ministre ne répond pas ; il s’adresse à la chambre pour qu’on
lui fasse justice d’une manière ou d’une autre ; et c’est pour ce motif que la
commission propose le renvoi au ministre. Quant à moi, j’appuie le renvoi, mais
sans demande d’explications.
Le
renvoi au ministre des finances est adopté purement et simplement.
M.
Simons, rapporteur. - « La veuve de J.-B. Bumain (à
Montfort), ex-concierge de la maison de sûreté de Mons, demande la moitié de la
pension dont jouissait son mari. »
La
commission propose le renvoi au ministre de la justice.
M. de Brouckere.
- Je ferai observer qu’en général les femmes des employés civils n’ont pas
droit à une pension. On dit que la pétitionnaire s’appuie sur un décret spécial
; mais quel est ce décret ?
M. Simons, rapporteur. - C’est un décret
du 7 mars 1808. C’est au ministre à examiner s’il est applicable ou à rejeter
la demande ; cet examen n’est pas dans les attributions de la commission des
pétitions.
M. Mercier.
- Mais ce décret est abrogé par celui de 1814. Je m’oppose au renvoi au
ministre.
M.
de Jaegher. - Il se pourrait que les geôliers reçussent
des pensions et que leur service fût assimilé au service militaire.
M.
Dolez. - Je me rappelle que le mari de la
pétitionnaire était geôlier de la prison militaire de la ville de Mons, il
pourrait se faire que sa veuve fût assimilée aux veuves des militaires.
M.
de Brouckere. - Il faut ajourner cette pétition.
L’ajournement
est prononcé.
M.
Simons, rapporteur. - « Le sieur Adrien-Joseph Declercq, ci-devant
juge de paix à Bruges, demande une pension. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements, parce que le ministre
à plusieurs reprises a écarté cette demande.
M. de
Roo. - Après 25 ans de service, ce fonctionnaire a
été obligé de donner sa démission sous l’ancien gouvernement. Je demande le
renvoi au ministre de la justice de sa pétition.
M.
Simons, rapporteur. - Le ministre de la justice a eu connaissance
de la demande de cet ex-juge de paix ; elle a toujours été écartée. On ne peut
plus proposer que le dépôt au bureau des renseignements pour voir s’il n’y
aurait pas lieu à proposer une loi.
M. de
Roo. - Le pétitionnaire a échoué près du ministre
de la justice ; mais peut-être qu’en s’expliquant mieux il ferait droit à sa
demande.
-
Le dépôt au bureau des renseignements est seul admis.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Le sieur Nicobas Reckinger, ancien
militaire réformé, demande une pension. »
-
Sur les conclusions de la commission, la chambre passe à l’ordre du jour,
attendu que les causes pour lesquelles la réforme a été prononcée ne sont pas
de nature à admettre à la pension.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition dut 20 décembre 1837,
plusieurs militaires pensionnés, à Bruxelles, demandent que la chambre s’occupe
du projet relatif aux pensions militaires. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 15 février 1838, le
sieur J.-M. Van Bogaert, à Basel (Flandre orientale), réclame contre les
décisions du conseil de milice et de la députation provinciale de la Flandre
orientale, qui l’obligent au service. »
La
commission propose le renvoi au ministre des travaux publics.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 décembre 1837,
des habitants de Florennes signalent à la chambre les mariages simulés à
Florennes et à Saint-Aubin, pour soustraire des miliciens de 1838 au service
militaire, et demandent des mesures répressives. »
La
commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de
loi proposé par l’honorable M. Seron.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 19 février 1838,
l’administration communale de Lavaux-Sainte-Anne (Namur) demande qu’il soit
apporté des modifications à la loi de 1817 sur la milice nationale. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 1er février 1838, le
sieur A. Marteleur, de Secheval (France), né en Belgique, demande la radiation
de son inscription comme milicien dans la commune de Gédinne, qu’il prétend
être illégale. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 11 décembre 1837, le
sieur Hourant, cultivateur à Neuville (Liége), demande que son fils, milicien
de 1835, soit visité par des hommes de l’art et renvoyé du service pour ses
infirmités. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 21 mai 1826, le sieur
Martin Louis, à Anthée, demande l’annulation de la décision de la députation de
la province de Namur, en date du 26 avril dernier, annulant celle du conseil de
milice de Philippeville, qui exempte du service pour un an son fils
Désiré-Joseph, milicien de 1835 et marié depuis. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition non datée, le sieur
Vandendooren, milicien de 1836, de l’arrondissement de Termonde, demande à être
libéré du service de la milice ou au moins qu’il soit renvoyé dans ses foyers
comme détaché de son corps. »
La
commission propose le renvoi aux ministres de la guerre et des travaux publics.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 2 décembre 1837, le
sieur F. Willems, à St-Trond, milicien appartenant à la classe de 1836, demande
l’intervention de la chambre pour faire révoquer un ordre ministériel qui
appelle sous les armes un grand nombre de miliciens de sa classe, sous prétexte
qu’ils n’ont pas payé leur masse d’habillements. »
La
commission propose le renvoi au ministre de la guerre avec demande
d’explications.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 23 décembre 1837, les
greffiers des justices de paix de l’arrondissement de Tongres demandent que
leur traitement soit augmenté. »
« Par
pétition du 12 décembre 1837, les juges de paix de l’arrondissement de Termonde
demandent que leur traitement soit augmenté dans la même proportion que ceux
des autres membres de l’ordre judiciaire. »
La
commission propose le renvoi de ces deux pétitions au ministre de la justice et
à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi proposé par
l’honorable M. Verhaegen.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 29 décembre 1837, le
sieur François Hamel, exécuteur des hautes œuvres de la province de Liége,
demande que son traitement soit porté à 4,000 fr., la population de la ville de
Liége dépassant 50,000 âmes.
La
commission propose le renvoi au ministre de la justice.
-
Adopté.
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition non datée, les
commissaires de police des communes de St-Nicolas, Beveren, Tamise, Hamme,
Alost et Grammont, demandent une augmentation de traitement et réclament
l’intervention de la chambre pour que des dispositions soient prises pour
assurer leur avancement et des pensions à leurs veuves. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
M.
Angillis. - Messieurs, je dois faire remarquer que les
traitements des commissaires de police se paient par les villes ou communes où
ils résident ; je ne pense pas que la chambre puisse forcer les communes à
augmenter ces traitements. Les pétitionnaires demandent que la chambre prenne
des mesures pour assurer leur avancement ; or, il appartient au gouvernement et
non pas à la chambre de nommer les fonctionnaires. Je pense donc que la chambre
doit passer à l’ordre du jour.
M. Simons, rapporteur. - La pétition a
deux buts : le premier concerne une obtention de traitement ; la commission ne
s’en est pas occupée ; le second but est qu’il soit pris des mesures pour
assurer aux commissaires de police, qui auront rempli honorablement leurs
fonctions pendant un certain nombre d’années, les mêmes avantages que ceux dont
jouissent les autres fonctionnaires. Sous ce dernier rapport, nous avons
proposé le dépôt sur le bureau de la pétition, dont les vues utiles pourront
être consultées au besoin.
M.
Dubus (aîné). - Je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur
le premier objet de la pétition, et que, quant au second, la pétition reste
déposée sur le bureau.
-
Cette proposition est adoptée.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 5 décembre 1837, le
sieur F. Malafosse, détenu à la maison de justice de Toulouse, réclame
l’intervention de la chambre pour obtenir l’exécution du principe de liberté
individuelle qui a été violé dans sa personne, par son extradition consentie
par le gouvernement. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
_________________
M.
Simons, rapporteur. - « Par pétition du 9 février 1838, le sieur
J.-B.-J. Ruttens, détenu aux Alexiens, à Louvain, demande sa mise en
liberté. »
« Par
pétition du 13 février 1838, le sieur G. Jamotte, détenu aux Alexiens, à
Louvain, demande sa mise en liberté. »
La
commission propose le renvoi de ces deux pétitions au ministre de la justice.
-
Adopté.
_________________
M. Morel-Danheel,
deuxième rapporteur. - « Par pétition du 2 décembre 1836, la
commission administrative des hospices civils de Liège demande de nouveau une
mesure législative qui autorise les communes, hospices et autres établissements
publics, à affermer leurs biens ruraux pour 18 années et au-dessous, sans
autres formalités que celles prescrites par les baux de 9 années. »
La
commission propose le renvoi au ministre de la justice.
-
Adopté.
_________________
M. Morel-Danheel,
rapporteur. - « Par pétition du 27 décembre 1837, les
notaires de canton de l’arrondissement de Bruxelles demandent que la chambre s’occupe,
dans un délai rapproché, du projet portant des modifications à la loi sur le
notariat. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
-
Adopté.
La
séance est levée à 4 1/2 heures.