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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 10 mars
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative aux engagères dues par l’Etat (de
Brouckere)
2) Projet de loi accordant un crédit
supplémentaire au budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1836.
Fonds de secours pour les victimes de calamités
3) Projet de loi accordant un crédit
supplémentaire au budget du département des affaires étrangères pour l’exercice
1838. Mission extraordinaire de Constantinople (projet de traité de commerce),
traitements des agents diplomatiques (Donny, A. Rodenbach, de Langhe, de Theux, Desmet, Kervyn,
de Theux, Verdussen, Dubus (aîné), Verdussen, de Theux)
4) Projet de loi relatif aux ventes à l’encan (de Theux, Corneli, Donny, Bekaert, de Brouckere, A. Rodenbach, de Theux, Donny, Verhaegen, de Brouckere, Mast de Vries, Lebeau, Verhaegen, Desmet)
(Moniteur belge n°71, du 12 mars 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Kervyn donne lecture du procès-verbal ; la rédaction
en est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
«
Les greffiers des justices de paix de l’arrondissement de Ruremonde demandent
qu’il soit apporté des améliorations à leur sort. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
________________
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar) transmet des
explications sur la pétition de M. Page, ex-major de la garde civique. »
-
Pris pour notification.
________________
« Le
sieur Vreucop, à Bastogne, adresse un mémoire où il fait ressortir les
avantages qui résulteraient de la canalisation de l’Ourthe depuis Liége jusqu’à
Stenay (France). »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Des négociants en toile de la ville
d’Ath demandent qu’il soit établi des droits sur le lin et les étoupes à la
sortie du royaume. »
-
Renvoi à la commission d’industrie.
« La dame Angélique Pollart d’Hérimez,
douairière de M. Louis François de Rouillé, à Ath, demande le remboursement
d’une somme de 8,400 fr. versée par son père du chef de sa nomination à la
châtellenie d’Ath, et qui devait lui être restituée, lorsqu’il cesserait de
remplir cette place. »
M.
de Brouckere. - Je demande le renvoi de cette pétition à la
commission chargée d’examiner les questions relatives aux engagères, et
j’engage les membres de cette commission à se réunir. M. Andries et moi sommes
les seuls qui nous soyons rendus aux précédentes convocations. Je demande donc
qu’une nouvelle convocation ait lieu, et qu’on veuille bien s’y rendre.
-
La chambre ordonne le renvoi de la pétition à la commission chargée d’examiner
les questions relatives aux engagères.
________________
M. le
ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Les pièces
relatives au projet de canalisation de l’Escaut et de la Lys sont distribuées
aux membres de la chambre. Je demanderai que la chambre statue sur le renvoi de
ce projet aux sections ou à une commission.
-
La chambre consultée renvoie à l’examen des sections le projet de loi relatif à
la canalisation de l’Escaut et de la Lys.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1836
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) présente un projet
de loi de crédit supplémentaire (fonds de secours) s’appliquant à l’exercice
1836.
-
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi et le
renvoie à l’examen d’une commission à nommer par le bureau.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1838
Discussion générale
M. le
président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du
projet présenté par la commission, auquel le gouvernement se rallie.
M.
Donny. - J’ai eu, je l’avoue, quelque peine à me former
une opinion sur l’objet qui nous occupe. D’une part l’avis unanime d’une
commission composée de membres au mérite desquels je rends un juste hommage, me
disposait en faveur du projet ; d’un autre côté les motifs allégués par la
commission m’ont paru si peu concluants qu’ils n’ont pu, en définitif,
entraîner ma conviction.
On
veut, dit-on, obtenir, au moyen d’une mission à Constantinople, une protection
assurée pour les personnes et les biens à l’intermédiaire d’une puissance amie.
Mais il me semble qu’on perd entièrement de vue que la mesure ne doit être que
temporaire. L’envoyé belge ne doit rester que quelques mois à Constantinople :
ceux-là passés, les choses reprendront leur cours ordinaire, et il faudra bien
à l’avenir recourir à l’intermédiaire d’une puissance amie. D’ailleurs, y
a-t-il en ce moment à Constantinople un nombre de Belges assez grand pour
mériter une attention aussi spéciale de la législature ? Je ne le pense pas, je
crois même que M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères serait
fort embarrassé s’il devait en mettre une liste nominative sous les yeux de la
chambre.
Si
on veut protéger les citoyens belges à Constantinople et le commerce belge dans
ces parages, qu’on le fasse d’une manière constante. J’aimerais mieux voir
envoyer à Constantinople un consul qu’un ambassadeur qui ne doit séjourner que
quelques mois.
Un autre résultat que la commission croit
obtenir par la mission à Constantinople, c’est la conclusion d’un traité de
commerce et de navigation qui nous assure le traitement de la nation la plus
favorisée. Certes de pareils traités sont choses fort désirables ; mais par
cela seul qu’il y a dans les relations commerciales avec la Turquie des nations
favorisées et d’autres qui ne le sont pas, on doit comprendre qu’il y aura
difficulté à obtenir un traité qui nous placerait dans la position des nations
les plus favorisées.
S’il
en est ainsi, notre envoyé en mission momentanée à Constantinople n’obtiendra
rien d’un gouvernement qui négocie d’une manière excessivement lente, qui
compte d’ailleurs parmi ses plus anciens alliés, notre ennemi déclaré, le roi
Guillaume, et, parmi ses alliés les plus prépondérants, une puissance qui
jusqu’ici ne nous a pas donné beaucoup de marques de bienveillance. Veuillez
remarquer que l’influence à laquelle je fais allusion pourra se faire sentir,
dans cette occasion avec beaucoup de force, parce que la Porte pourra motiver
son refus sur une base en apparence très raisonnable.
On
demandera au diplomate belge quels avantages la Belgique peut offrir à l’empire
ottoman, en compensation des concessions demandées. Sans être le moins du monde
initié dans les mystères de la diplomatie, je crois que l’envoyé belge aurait
beaucoup de peine à répondre d’une manière satisfaisante à cette question. On
recevra fort honorablement notre envoyé, je n’en fais aucun doute ; on
acceptera très gracieusement les présents, j’en suis aussi persuadé. Après cela
et après avoir admiré pendant quelques mois tout à son aise les rives du
Bosphore, notre envoyé quittera Constantinople, avec aussi peu de fruit pour la
Belgique que s’il n’y avait jamais été.
Il
y a enfin un troisième résultat qu’on attend de la mission, c’est l’obtention
pour nos navires de passeports turcs ; mais je ne croirai jamais (à moins que
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères nous l’affirme d’une
manière positive et formelle), que, pour obtenir des passeports turcs pour nos
navires, il y ait nécessité absolue d’envoyer un ambassadeur à Constantinople.
Vous
voyez, messieurs, que d’après ma manière d’envisager la chose, les arguments de
la commission n’ont pas pu exercer une grande influence sur mon esprit.
Je ne suis pas du tout hostile à la diplomatie ;
j’ai même défendu dans cette enceinte les intérêts des légations de Londres et
de Paris ; et je le déclare, si l’occasion s’en présentait, je soutiendrais de
nouveau ces deux légations et quelques autres encore. Mais, depuis quelque
temps, je commence à croire que la bonne moitié de la diplomatie belge n’a
d’autre résultat que de procurer à quelques personnes privilégiées les douceurs
d’une sinécure diplomatique. Sept ans d’expérience sont là pour donner quelque
poids à mon opinion et à mes paroles.
Comme
je ne crois pas, en conscience, pouvoir donner mon vote à une nouvelle extension
de ce que je considère comme un gaspillage des deniers publics, je voterai
contre le projet de loi.
M.
A. Rodenbach. - Je pense, comme la section centrale et le
ministère, que dans un pays aussi industriel et aussi manufacturier que la
Belgique, nous devons envoyer une mission à Constantinople. Je crois que c’est
d’autant plus nécessaire que l’empire ottoman a reconnu la Belgique. Les
convenances diplomatiques exigent donc que nous envoyions quelqu’un à
Constantinople.
Mais
l’honorable préopinant croit qu’il ne résultera de cette mission aucun avantage
pour la Belgique. Si cependant, comme cela paraît constaté, l’Angleterre
exporte dans ce pays annuellement pour 25 millions de francs, si la Bohème y
envoie des verreries, la Saxe des toiles, je ne vois pas pourquoi nous, qui
avons de l’activité, de l’économie, de l’industrie, n’y enverrions pas des
toiles, des draps, de la poterie, des sucres ; car l’honorable préopinant doit
savoir qu’on fait dans ce pays des exportations de sucre et même de draps et de
verreries. Si les autres puissances de l’Europe font des affaires avec la
Turquie, je ne dis pas pour cela que nous ferons des affaires immenses au
premier abord, mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas arriver à faire
aussi quelques affaires avec ce pays.
L’honorable préopinant a dit que la Hollande
avait des relations intimes avec la Porte ; c’est une raison de plus pour y
envoyer une légation. Je sais que l’on est dans l’usage de ne se présenter dans
ces contrées qu’avec des présents ; toutefois deux cent mille francs me paraît
une somme considérable. Comme l’a dit encore le préopinant, c’est un agent
commercial qu’il nous faudrait en Turquie et non un agent diplomatique.
Nous
avons, pour les affaires étrangères, un budget de 730.000 fr. ; nous payons
chèrement des agents en Amérique, en Autriche, en Italie ; qu’ont produit
toutes ces dépenses ? Qu’ont fait nos agents ? A l’intérieur du pays, je
conviens que nos ministres ont fait beaucoup d’efforts dans l’intérêt de notre
industrie et de notre prospérité ; mais nos agents à l’extérieur n’ont rien
fait, ils n’ont conclu aucun traité de commerce. Je crois que l’on s’est trompé
dans le choix du personnel de nos agents ; que l’on a eu plus d’égards à la
faveur, à certaines positions sociales, qu’aux talents. Pour nos opérations
commerciales, beaucoup de nos agents n’ont pas assez de connaissances spéciales
pour rendre de véritables services à la Belgique.
J’attendrai
les lumières qui jailliront des débats pour fixer le chiffre que je voterai.
M.
de Langhe. - Messieurs, on demande deux cent mille francs
pour envoyer une légation à Constantinople. La commission chargée de l’examen
du projet de loi a eu beaucoup d’éclaircissements de la part du ministre des
affaires étrangères ; mais ces éclaircissements, la commission ne nous les a
pas fait connaître, de sorte que pour ma part, je suis fort peu instruit sur
cet objet.
Je
voudrais savoir quel traitement on veut donner à l’agent, le temps que durera
sa mission, combien coûtera le petit corps militaire qu’on lui donnera pour
garde, combien coûteront les présents sans lesquels on ne peut aborder les
Musulmans.
Selon
moi, nous voulons être trop grandement représentés. En général, eu égard à
notre petit pays, nous avons beaucoup enflé nos dépenses. Notre pays n’en
augmentera pas en prospérité, et les autres nations ne s’y méprendront pas.
L’axiome qu’il faut baser ses dépenses sur ses moyens s’applique aux Etats
comme aux particuliers. Nous aurons beau faire, le bon sens des Turcs ne s’y
trompera pas.
J’aurais
préféré un agent commercial à un agent temporaire ; il nous serait plus utile
que ce dernier.
Je le répète, nous faisons trop de dépenses pour
nos agents diplomatiques. Lors de la discussion du budget des affaires
étrangères, le ministre nous a dit que les consuls que l’on se proposait
d’accréditer dans l’Amérique méridionale n’y seraient envisagés qu’autant que
l’on ne trouverait pas de personnes établies dans le pays capables d’en être
chargés ; cependant je citerai un fait récent qui n’est pas conforme à ce dire
du ministre. On a nommé un consul dans une ville de l’Amérique méridionale, au
traitement de 25,000 fr., quoiqu’un commerçant belge établi depuis longtemps
dans cette ville eût pu être notre agent. Il nous aurait été plus utile que
l’agent que l’on envoie, lequel ne connaît pas le pavs et perdra beaucoup de
temps pour se mettre au courant des affaires.
Je
voterai contre la loi si l’on ne démontre pas la nécessité de l’allocation
demandée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - J’avoue que je ne m’attendais pas à
rencontrer de 1’opposition à semblable demande. L’utilité de la mission est
reconnue, non seulement dans le pays, mais encore à l’étranger, et par des
personnes capables d’apprécier l’importance des relations politiques et
commerciales avec la Turquie.
Plusieurs
erreurs ayant été avancées dans ce débat, j’espère les rectifier en peu de
mots.
D’abord,
on a dit que la mission à Constantinople ne devait être que temporaire, et que
cette mission terminée, la Belgique se trouverait dans le cas de n’avoir à
réclamer que les bons offices d’une puissance amie.
Il
y a ici une distinction à faire. La mission de l’envoyé extraordinaire ne sera
que temporaire, mais quand elle sera terminée, nous aurons à vous demander un
crédit pour y établir un chargé d’affaires, à résidence permanente. Nous
pensons que cette mesure sera indispensable.
Mais
pourquoi ne pas se borner à établir un consul, qui coûterait beaucoup moins
qu’un ministre plénipotentiaire ? C’est qu’il est impossible de se reposer du
soin de nos intérêts, dans un poste aussi important que Constantinople, sur un
simple consul ; que la Belgique doit, à cet égard, déférer aux usages adoptés
par toutes les puissances. Toutes ont attaché le plus grand intérêt à avoir des
relations diplomatiques avec la Turquie, car les relations diplomatiques sont
toujours la base des relations commerciales. Et ceci répond au reproche
d’inutilité qu’on adresse en général aux missions diplomatiques.
Si
tous les agents diplomatiques ne sont dans le cas de rendre des services
également importants, il n’en est pas moins vrai que la diplomatie forme un
ensemble dont il ne faut pas rompre la chaîne. C’est au moyen de cet ensemble
que le gouvernement peut juger de ce qu’il convient de faire dans telle ou
telle circonstance pour le plus grand intérêt du pays.
On
a dit que nous rencontrerions à Constantinople une influence hostile : cette crainte
me paraît dénuée de fondement en présence de faits accomplis. Nous avons obtenu
la reconnaissance de la Porte. Il s’agit de se conformer aux usages de toutes
les nations, de consolider cette reconnaissance par l’envoi de lettres royales
dont le ministre plénipotentiaire doit être porteur ; il s’agit de cimenter ces
relations d’une manière durable par un traité de commerce et de navigation. II
faut encore que par le moyen de notre ministre nous obtenions l’établissement
de consuls dans les différentes dépendances de l’empire ottoman.
La
somme de 200 mille francs est, dit-on, excessive ; je puis dire qu’elle est le
strict minimum que j’ai cru pouvoir proposer ; car j’avoue que, n’était les
habitudes de la chambre en matière de diplomatie, j’aurais pensé utile à la
chose publique de proposer une somme plus considérable. C’est pour ne pas
rencontrer d’opposition, et pour ne pas éprouver de diminution que j’ai limité
la somme à deux cent mille francs.
On
aurait voulu établir une distinction entre les frais personnels et ceux
accessoires de la mission : cette distinction me paraît impolitique. Il vaut
mieux laisser le chiffre global et accorder au gouvernement toute latitude.
Conformons-nous ici à ce qui se fait dans tous les pays.
Lorsque l’Amérique a fait un traité avec la
Porte ottomane, les frais n’en ont pas été imputés sur un service spécial ; car
aux Etats-Unis, le président peut disposer de sommes considérables pour les
agents envoyés dans les pays avec lesquels l’Amérique est en relation. En
France, il y a un crédit extraordinaire et considérable ouvert au ministère des
affaires étrangères, et dont le ministre peut disposer sans être obligé d’en
rendre compte.
Je
pense que ces explications doivent satisfaire les honorables membres qui ont
cru devoir faire des objections contre le projet.
Le
dernier orateur a parlé d’un consul en Amérique au traitement de 25,000 fr. ;
c’est une erreur. Jusqu’ici il n’y a pas eu de consul rétribué en Amérique ;
mais il y a, il est vrai, une mission consulaire à établir dans ces contrées,
laquelle pourra être grandement utile à nos rapports commerciaux ; aussi je
crois qu’elle sera prochainement établie.
M.
Desmet. - Je crois aussi que nous devons envoyer une
mission à Constantinople. Je conçois les inquiétudes de M. Donny ; je crains
avec lui qu’on n’y envoie une personne n’ayant aucune connaissance de nos
intérêts commerciaux ; quoique j’appuie la mission, j’insiste pour qu’on fasse
un bon choix. Vous saurez combien peu on doit se fier aux interprètes, aux
drogmans ; il nous faudra une personne habile. De plus nos ennemis sont à
Constantinople. La Turquie est un bon pays de débouchés ; aussi y existe-t-il
beaucoup de concurrence entre les industries de l’Europe.
Je
dis donc que j’attache beaucoup de prix à ce qu’on fasse de bons choix. Il n’y
a pas longtemps que j’ai critiqué les choix qui ont été faits pour Smyrne et
Alexandrie, et ce n’a pas été à tort puisque, si je suis bien informé, la
personne qui avait été désignée pour Smyrne n’y a pas été envoyée.
A
cette occasion et pour appuyer ce que vient de dire l’honorable Rodenbach, je
demanderai pourquoi l’envoyé aux Etats-Unis n’est pas allé à son poste ? Je ne
sais pas M. le ministre jugera à propos de répondre à cette question, mais je
crois que s’il n’y a pas d’inconvénient, il serait bon d’instruire la chambre à
cet égard.
On a dit, messieurs, que nous pourrions tirer
parti des consuls étrangers, c’est là une grave erreur ; il faut que nous
tâchions de faire nos affaires nous-mêmes, sans dépendre des légations des
puissances étrangères, qui feront toujours leurs propres affaires au lieu des
nôtres. On a trouvé que la somme de 200,000 fr. est trop élevée ; je ne suis
pas de cet avis, messieurs, il faut suivre les usages, et vous savez qu’à Constantinople
il faut faire des cadeaux, qu’on n’y est pas très bien reçu quand on ne se
montre pas riche ; il faut prendre les peuples comme ils sont, et agir à leur
égard suivant les dispositions qu’on leur connaît, c’est le seul moyen d’entrer
en relation avec eux.
J’insiste
encore, messieurs, sur la nécessité de faire de bons choix, car la mission dont
il s’agit a surtout pour objet la négociation d’un traité de commerce et de
navigation ; je désirerais beaucoup qu’on envoyât à Constantinople une personne
qui eût des connaissances étendues sur tous les intérêts du pays et qu’on ne
fît pas comme on a fait, il y a quelques années, lorsqu’on a envoyé dans un
pays voisin une commission qui n’a eu en vue qu’une partie du commerce et de
l’industrie du pays. Je voudrais donc qu’on choisît cette fois une personne
dont les connaissances embrassent toutes les branches de notre commerce et de
notre industrie.
M. Kervyn, rapporteur.
- Messieurs, les deux honorables préopinants, MM. Donny et de Langhe, ont
critiqué l’espèce de prodigalité que, selon eux, le projet consacrerait ;
quoique ce reproche s’adresse au gouvernement, je crois cependant devoir
justifier la dépense, puisque la commission l’a approuvée à l’unanimité. Comme
on peut le voir dans le rapport, ce n’est pas sans hésitation que la commission
a proposé l’adoption du crédit demandé ; de bonnes raisons ayant été données
pour justifier le principe de la demande, et d’autres raisons ayant été
également données pour justifier l’élévation du chiffre, la commission a mis en
balance d’un côté les avantages probables qu’on attend de la mission et d’un
autre côté la dépense qu’elle nécessitera ; ce n’est qu’après de mûres
réflexions qu’elle a été unanime pour reconnaître que le crédit demandé n’est
nullement exagéré.
On
a demandé, messieurs, à combien s’élèvera le traitement de l’envoyé, combien
coûtera l’emploi du drogman, combien coûteront les soldats qu’on attache
ordinairement aux ambassades ; je dois à la vérité de dire que la commission
n’a pas fait le calcul de ces dépenses, et il est impossible de les évaluer
sans s’exposer à de graves mécomptes. C’est du reste à M. le ministre qu’il
appartient de donner des explications à cet égard, s’il croit qu’il soit
possible de le faire.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - On vient de
parler, messieurs, du retour de notre envoyé en Amérique ; je dois dire qu’il
n’est revenu que sur sa propre demande ; il a exprimé le désir de ne plus
continuer ses fonctions dans ce pays.
En
ce qui concerne le consulat de Smyrne, la personne qui y a été nommée, ne l’a
été qu’à sa demande ; elle a ensuite désiré de renoncer à cet emploi ; je pense
qu’il n’y a pas lieu d’entrer ici dans des explications personnelles à cet
égard, tout ce que je puis dire, c’est que le gouvernement dans cette
nomination, n’a fait qu’un choix qu’il considérait comme utile et que la
personne qui a été nommée était réellement capable de remplir ses fonctions.
Discussion des articles
Article premier
-
L’article premier est mis aux voix et adopté ; il est ainsi conçu :
« Art.
1er. Un crédit de deux cent mille francs est ouvert au département des affaires
étrangères, pour les frais d’une mission extraordinaire à Constantinople. »
« Art.
2. Cette allocation formera l’article 15 du chapitre Il du budget des affaires
étrangères pour l’exercice de 1838.
«
Elle sera prélevée :
« 1°
Sur les crédits restés disponibles au chapitre I, article 2 ; au chapitre II,
art. 3, 4, 5, 10, 11, et aux articles uniques des chapitres III, IV et VI du
budget des affaires étrangères pour l’exercice de 1836.
«
2° Sur ceux restés disponibles aux articles 3, 4, 8, 10 et 11 du chapitre II du
même budget pour 1837. »
M.
Verdussen. - Messieurs, après y avoir mûrement réfléchi,
je crois qu’il conviendrait mieux de placer cette allocation comme faisant une
augmentation de crédit de l’article unique du chapitre VII du budget des
affaires étrangères ; car il ne s’agit pas ici d’une mission permanente, mais
d’une mission extraordinaire de la nature de celles dont il s’agit dans
l’article que je viens d’indiquer. Le chapitre II du budget des affaires
étrangères ne concerne que les traitements des agents politiques permanents,
comme ceux que nous avons en France, en Angleterre, en Prusse, etc., tandis que
le chapitre VII concerne les missions extraordinaires ; or la mission de
Constantinople dont il s’agit est réellement une mission extraordinaire, et le
crédit demandé pour cette mission doit par conséquent figurer au chapitre VII.
J’ai
une autre observation à faire sur l’article dont il s’agit ; elle concerne la
comptabilité : la régularité de la comptabilité exige que la cour des comptes
puisse connaître le montant de chaque transfert opéré. Il ne suffit donc pas de
dire d’une manière générale que telle somme sera prélevée sur les crédits
restés disponibles sur tels et tels articles de tels ou tels chapitres des
budgets antérieurs ; il faut détailler les sommes qui seront prélevées sur
chacun des crédits antérieurs et qui formeront le total de la nouvelle
allocation. Comme M. le ministre a fourni à la commission spéciale les chiffres
nécessaires pour apprécier la proposition qu’il nous a faite, j’ai profité de
ses renseignements pour formuler la dernière partie de l’amendement suivant,
qui remplira le double but que je viens d’indiquer.
J’ai
l’honneur de proposer à la chambre de rédiger l’article 2 de la manière
suivante :
« Art.
2. Au moyen de cette allocation l’article unique du chapitre VII du budget des
affaires étrangères de l’exercice 1838 sera porté à la somme de 240,000 fr.
« Elle
sera prélevée sur les crédits restés disponibles sur les articles suivants des
budgets des affaires étrangères des exercices 1836 et 1837.
« Sur
l’exercice de 1836
« Chapitre
premier
« Art.
2. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 12 54
« Chapitre
II
« Art.
3. Traitement de la légation de Prusse : fr. 22,361 18
« Art.
4. Traitement de la légation d’Italie : fr. 28,311 22
« Art.
5. Traitement de la légation d’Autriche : fr. 2,416 75
« Art.
10. Traitement de la légation de Suède : fr. 15,000
« Art.
11. Traitement de la légation de Grèce : fr. 15,000
« Chapitre
III.
« Article
unique. Traitement des agents diplomatiques en non activité : fr. 10,000
« Chapitre
IV.
« Article
unique. Frais de voyages des agents du service extérieur, etc. : fr. 21,510 98
« Chapitre
VI.
« Article
unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 19,287 33.
« Sur
l’exercice de 1837
« Chapitre
II
« Art.
3. Traitement de la légation de Prusse : fr. 39,000
« Art.
4. Traitement de la légation d’Italie : fr. 2,100
« Art. 8. Traitement de la légation de
Portugal : fr. 6,250
« Art.
10. Traitement de la légation de Suède ou Danemarck : fr. 3,750
« Art.
11. Traitement de la légation de Grèce : fr. 15,000
« Total
: fr. 200,000. »
-
L’amendement de M. Verdussen est appuyé.
M.
Dubus (aîné). - J’ai appuyé l’amendement de M. Verdussen ;
cependant, messieurs, il est un point sur lequel je ne suis pas d’accord avec
lui : l’honorable membre demande que le crédit dont il s’agit soit considéré
comme une augmentation de l’article unique du chapitre VII du budget des
affaires étrangères ; je ne vois à cela aucun avantage, puisque c’est un crédit
spécial que le gouvernement demande pour un objet spécial, nous devons lui
laisser son caractère de spécialité ; lorsque le gouvernement préparera le
budget de l’année prochaine, il examinera s’il croit convenable de confondre ce
crédit avec d’autres, mais pour le moment je ne vois pas le moindre
inconvénient à le laisser séparé ; d’ailleurs, le chapitre où l’honorable
préopinant voudrait porter le crédit qui nous occupe concerne les frais de
missions extraordinaires et dépenses imprévues ; or, la dépense sur laquelle
nous délibérons n’est pas une dépense imprévue ; elle est tellement prévue
qu’on nous demande une allocation spéciale pour y faire face. Je crois donc que
la première partie de l’amendement ne doit pas être admise.
Quant à l’autre partie de l’amendement, elle me
paraît tout à fait justifiée ; l’article proposé par la commission présente un
inconvénient qui a déjà été reconnu antérieurement par la chambre, c’est
d’opérer des transferts sans indiquer le chiffre des sommes qu’on prend sur
différents articles du budget pour en faire un crédit nouveau ; il résulterait
de la proposition de la commission que le chiffre de tous les articles dont il
s’agit deviendrait incertain ; tous ces chiffres ont été fixés au budget, et il
serait impossible, avant que toutes les dépenses eussent été faites, de pouvoir
établir le budget ; on ne pourrait établir le budget dans ce système-là qu’en
établissant le compte, et c’est en quelque sorte le compte qui fera le budget ;
ce qui réellement amène des inconvénients et dérange tout notre système de
comptabilité ; je crois qu’il est indispensable de fixer le chiffre, de faire
la loi de manière à ce que chacun des articles dont on veut appliquer les
excédants soit réduit par la loi même que nous aurons faite. C’est dans ce sens
que j’appuie l’amendement.
M.
Verdussen. - Messieurs, il me semble que, quant au fond,
l’honorable préopinant est d’accord avec moi ; la différence entre nous est
qu’il voudrait que la somme qui a été portée au budget des affaires étrangères
pour l’exercice courant, fût seulement augmentée. Je conviens qu’il est
possible que la somme étant généralisée pourrait être excédée de quelque chose
en faveur de la mission de Constantinople, ou que s’il n’y a pas de mission à
Constantinople, cet excédant pourrait venir renforcer le chiffre des dépenses
imprévues et des missions extraordinaires ; je conviens de cela, mais je ne
vois pas grand mal à ce que j’ai proposé. D’ailleurs, l’honorable préopinant a
commis une légère erreur, en disant que le chapitre du budget des affaires
étrangères pour 1838 était ainsi libellé ; « Missions extraordinaires et
imprévues. » Je lui ferai remarquer que ce chapitre est intitulé «Missions
extraordinaires et dépenses imprévues, » de manière que les missions
extraordinaires étant confondues avec les dépenses imprévues, la mission de
Constantinople sera présentée comme une dépense imprévue ; elle doit
nécessairement être assimilée aux missions extraordinaires dont il est question
dans ce chapitre. Si cependant les scrupules de l’honorable M. Dubus étaient
partagés par la chambre, je ne vois pas de mal à ce que l’on fasse du crédit
demandé un article 2 du chapitre 7, ou un chapitre additionnel qui ferait le
huitième du budget des étrangères. (Aux voix !)
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M.
Verdussen, par division, ainsi que l’a demandé le ministre.
Voici
comment est conçu le paragraphe premier de l’article 2 du projet de la
commission :
« Cette
allocation formera l’article 13 du chapitre II du budget des affaires
étrangères pour l’exercice de 1838.
Amendement
de M. Verdussen : « Au moyen de cette allocation, l’article unique du
chapitre 7 du budget du département des affaires est porté à 240,000 fr. »
-
Cette partie de l’amendement est mise aux voix et n’est pas adoptée.
Le
premier paragraphe du projet de la commission est ensuite mis aux voix et
adopté.
La
chambre adopte ensuite la seconde partie de l’amendement de M. Verdussen, qui
remplace les deux derniers paragraphes de l’article 2 du projet de la
commission.
-
L’ensemble de l’article ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Messieurs, comme
la modification qu’on vient d’introduire dans le projet de la loi, est
absolument la même chose que la disposition primitive, elle ne peut être
considérée comme un amendement. Il me semble donc qu’on pourrait procéder
immédiatement au vote de la loi. (Oui !
oui !)
-
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.
En
voici le résultat :
65
membres y prennent part.
58
répondent oui.
7
répondent non.
En
conséquence, le projet de loi est adopté, et il sera transmis au sénat.
Discussion générale
M. le président.
- Je demanderai d’abord à M le ministre de l’intérieur s’il se rallie au projet
de la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Oui, M. le
président. La section centrale a complété le projet de loi par quelques
dispositions qui, en général, me paraissent utiles.
M. le
président. - La discussion générale est ouverte ; la
parole est à M. Corneli.
M. Corneli.
- Messieurs, dans la séance du 20 novembre dernier, j’ai eu l’honneur de faire un
rapport sur les pétitions qui ont donné lieu au projet de loi en discussion.
J’étais loin de partager l’opinion de la majorité de la commission qui m’a
chargé de présenter un rapport favorable. Je tiens à justifier mon opinion.
Je
me suis prononcé contre l’accueil favorable des pétitions et je voterai contre
le projet de loi, parce que, selon moi, ce projet tend à détruire un principe
d’émancipation qui a restitué à l’intelligence et à la propriété l’un de leurs
droits les plus précieux, celui de rechercher et d’exercer le genre de commerce
et d’industrie qui convient le plus, et de changer ou de modifier à volonté le
système ou le mode de transmission de ce qui nous appartient. Une pareille
servitude ne peut être justifiée que par l’intérêt public bien constaté ; c’est
sur cet intérêt public que naissent des doutes qu’il paraît nécessaire
d’exposer.
Je
ne pense point que l’intérêt public exige qu’on proscrive la liberté
commerciale à l’égard des marchands ambulants qui vendent leurs marchandises
neuves à l’encan, qu’on rende impossible un mode de concurrence, et que l’on
concède en quelque sorte aux marchands établis le privilège de vendre seuls et
partant au plus haut prix possible. Si vous adoptez le projet, messieurs, vous
créer une disposition légale qui éloigne la concurrence et permet aux marchands
boutiquiers de faire leur commerce de la manière qu’ils l’ont toujours vu
faire, sans sortir de leurs habitudes, souvent de paresse et d’ignorance et
surtout sans avoir rien à redouter de la part de ceux qui, mieux instruits,
plus habiles et surtout plus actifs, savent faire le commerce avec plus
d’avantages, et amener sur le marché des marchandises de meilleure qualité,
plus appropriés à l’usage et aux exigences des consommateurs, et avant tout
acheter là où la marchandise est au plus bas prix et la vendre là où elle est
au plus le plus élevé.
Une
libre concurrence paraît nécessaire pour stimuler l’émulation des marchands
boutiquiers et pour leur faire comprendre qu’il faut pour lutter avec avantage,
se mettre à la hauteur, même surpasser les concurrents en activité, en esprit
et connaissances commerciales. Que les marchands établis apprennent à connaître
le goût des acheteurs, qu’ils recherchent les marchandises que les
consommateurs veulent, et surtout qu’ils se donnent les peines de les prendre
sur les marchés où on les offre au plus bas prix, et ils écarteront facilement
la concurrence des marchands ambulants, d’autant plus facilement que les
marchands ambulants ont plus de frais à supporter, ainsi que les pétitionnaires
l’ont dit eux-mêmes.
On
ne dira point que ce n’est pas dans le plus de connaissances commerciales que
les avantages des marchands ambulants sont placés, mais bien dans le mode de
vente qui a plus d’attrait pour les acheteurs, dans le terme de crédit plus ou
moins long qu’on accorde dans les ventes de cette espèce ; car rien n’empêche,
messieurs, les marchands boutiquiers d’offrir également leurs marchandises en
vente publique, d’accorder également un terme de crédit et de choisir, pour faire
ces ventes, les époques les plus favorables. Il est vrai, les pétitionnaires
ont dit qu’il répugnait aux marchands honnêtes de se servir d’un pareil mode de
vente, parce qu’il faut pour y réussir employer toutes sortes de manœuvres, et
que ceux qui vendent de cette manière n’exposent que des marchandises gâtées ou
provenant de banqueroutes frauduleuses. Mais, messieurs, de pareilles
assertions toutes gratuites, inventées exprès, semble-t-il, pour effrayer
l’imagination, sont loin de reposer sur les faits ; au contraire, des
faits sont là pour les démentir : ces ventes, dit-on, se multiplient d’une
manière extraordinaire, les pétitionnaires l’ont affirmé et l’honorable
rapporteur de la section centrale est loin de le nier. Or, pour se multiplier
d’une manière effrayante, il faut que le public y trouve de grands avantages,
que les marchandises lui conviennent et que la loyauté des vendeurs ne lui
fasse point défaut.
Quant
à ce que l’on affirme être des marchandises provenant de banqueroutes
frauduleuses, cela paraît peu probable, les banqueroutes frauduleuses ne se
multiplient point, c’est-à-dire en Belgique, au point de pouvoir inonder de
leurs produits plusieurs villes et communes ; d’ailleurs c’est à la police à
prévenir de tels abus. Je suis beaucoup porté à croire que les marchandises que
l’on vend dans les ventes dont on se plaint tant, sont ce qu’on nomme des fonds
de magasins de grandes villes, que ce sont des marchandises qu’on ne peut plus
débiter dans ces villes, parce que la mode les repousse, et que les détaillants
vendent en masse ou par grandes parties à meilleur marché pour ne pas encombrer
leurs magasins, chose qui arrivera par suite du projet de loi.
Les
marchands ambulants transportent ces marchandises dans les villes où les modes
sont plus arriérées, et où les marchands établis n’ont point su faire choix de
marchandises qui puissent soutenir la concurrence ; ils font des ventes
publiques de ces articles qui passent comme nouveauté de première mise, tandis
que les marchandises surannées des boutiques de la ville gardent le comptoir ;
et comme on ne veut pas se donner la peine de rechercher également des
marchandises d’une si facile défaite, on vous demande une loi pour mettre les
consommateurs dans la nécessité de se pourvoir dans les boutiques de la ville,
et de consommer les marchandises que leur goût repousse, ou qu’on leur vend à
des prix plus élevés.
Mais,
messieurs, si vous pensez qu’il faille mettre le commerce que vous appelez
régulier sous la protection d’une loi, à l’abri d’une concurrence gênante, il
semble qu’il faudrait pousser la mesure plus loin et empêcher toute
introduction de marchandises neuves que pour compte de marchands établis ; car,
soyez-en sûr, messieurs, la loi telle qu’elle est proposée ne satisfera point
encore le commerce régulier ; quand il aura obtenu satisfaction sur ce point,
il vous demandera aussi une loi contre le colportage, et l’on ne manquera pas
de raisons pour appuyer de telles demandes, on ne manquera pas non plus de vous
exposer le tort immense que les marchands ambulants qui vendent en magasin ou
par concours, font au commerce régulier ; car, soyez-en persuadés, messieurs,
tant que les marchands établis ne sauront pas servir les pratiques aussi bien
que les marchands étrangers, on introduira des marchandises neuves en
concurrence, on choisira des temps favorables, les époques de l’année où les
consommateurs ont l’habitude de faire leurs achats, et pour peu que les
marchands établis ne travaillent point à faire comme les étrangers, ceux-ci
s’établiront à poste fixe dans leurs villes ; ferez-vous alors aussi une loi
pour protéger le commerce régulier ? J’espère bien que non.
Je
suis loin de partager les craintes manifestées dans le préambule du projet
ministériel, de voir les boutiquiers se dégoûter de leur état et fermer les
boutiques ; si ce cas arrivait, les marchands ambulants seraient là pour
occuper leurs places.
Je
pense donc, messieurs, que les ventes à l’encan ne se multiplient que parce que
ceux qui les font y trouvent un bénéfice en concurrence avec des marchands
établis, qui ne sont point, en connaissances commerciales, à la hauteur de
l’époque, et à cette occasion je pourrais citer une ville que les marchands
ambulants exploitaient aussi, mais où ils ne font plus rien aujourd’hui, où
même ils ne se montrent plus depuis que des marchands habiles et actifs se sont
établis. Je pense que les ventes à l’encan ne se multiplient que parce que les
consommateurs y trouvent de grands avantages, soit parce qu’on offre les
marchandises à meilleur marché, soit qu’on présente des marchandises plus
avantageuses au public.
Que
le public n’est pas à même de vérifier les qualités ou les défauts des
marchandises comme M. le ministre le fait remarquer peut être vrai, mais ne
paraît nullement produire l’effet qu’on redoute, celui de rendre le public
victime de sa confiance, car l’acheteur trompé ne retournerait point vers celui
qui l’aurait trompé ; je ne sache point que jusqu’à présent il se soit élevé
des plaintes contre le mode de vente que vous voulez proscrire, de la part du
public, celles de concurrents jaloux me touchent fort peu, quand on ne peut
point démontrer leur légitimité. J’ai lu attentivement toutes les pétitions
ainsi que l’exposé des motifs du projet de M. le ministre, et je dois dire que
je n’ai nulle part trouvé des motifs suffisants pour adhérer au projet
présenté, et pour mon compte, je ne partage point la conviction de l’honorable
rapporteur de la section centrale quand il dit que les abus qui naissent de ces
sortes de ventes sont trop connus, pour qu’il soit utile d’entrer dans des
développements pour les démontrer. M. le ministre dit que les plaintes
multipliées des marchands et appuyés sur l’expérience ne laissent point de
doute sur les pertes fréquentes et considérables que fait le commerce régulier,
et je pense, personne ne contestera le fait.
Il
peut résulter de la concurrence un préjudice pour le commerce régulier tel
qu’il est exercé aujourd’hui, mais je voudrais voir démontrer la nécessité de
porter remède, même au préjudice des consommateurs, et uniquement pour faire
vendre cher des marchandises de mauvais choix.
Je
crois en avoir dit assez, messieurs, pour motiver mon vote contraire au projet
de loi tel qu’il est présenté. J’y aurais donné mon approbation si l’on s’était
borné à prendre une mesure temporaire pour faciliter la transition à un nouvel
ordre de choses, pour donner aux marchands établis le temps de renouveler leurs
magasins et de se mettre au niveau des concurrents. On ne devait accorder que
des avantages de position aux détaillants établis.
On
pouvait, me semble-t-il, imposer des conditions plus dures aux marchands
ambulants qui vendent leurs marchandises à l’encan, et non point complétement
proscrire ces sortes de ventes et priver le commerce de leurs avantages,
surtout les petits commerçants qui dans des moments de gêne trouvent dans ce
mode de ventes une ressource prompte, un moyen facile de convertir une partie
de leur magasin en numéraire, avantage dont vous voulez les priver.
Rendez, s’il est nécessaire, un abus, si abus il
y a, difficile, mais du moins ne proscrivez point l’usage ; imposez une patente
plus forte si vous voulez, imposez même une spéciale pour chaque ville que les
marchands ambulants exploitent ; faites-leur payer un droit d’enregistrement
plus fort, un timbre plus cher, je le veux bien, et s’il vous faut un moyen
plus efficace, modifiez les lois sur les patentes, et donnez pendant un temps
plus ou moins long, aux conseils communaux le pouvoir de faire sous
l’approbation des gouverneurs et du roi, des règlements locaux, déterminant
d’après ce que les conseils jugeront nécessaire, le mode de ventes publiques de
marchandises neuves, ainsi que l’ancien gouvernement le leur avait concédé.
Vous rendrez les ventes publiques dont il s’agit plus difficiles, peut-être
même impossibles dans les villes ou communes où elles seraient contraires à
l’intérêt général, sans priver les localités qui ne redoutent point cette
concurrence, qui trouveraient même avantageux de l’encourager, de ce qu’elles
regardent comme favorable à leurs intérêts.
M.
Donny. - Messieurs, je suis bien loin de partager la
manière de voir de l’honorable préopinant ; car, à l’exception d’une
disposition de détail que je ne suis pas très disposé à voter, j’appuierai de
mon vote les autres propositions de la section centrale, Je le ferai dans
l’intérêt aussi bien du consommateur que du commerce régulier.
Quoi
qu’en ait dit l’honorable préopinant, je ne pense pas qu’on puisse contester
avec succès le préjudice immense et inévitable que causent au commerce régulier
les ventes à l’encan, telles qu’elles se font aujourd’hui.
Déjà,
messieurs, dans d’autres circonstances, d’honorables membres de cette assemblée
vous ont cité des faits qui me paraissent ne pouvoir laisser aucun doute à cet
égard, et j’aurais aujourd’hui, gardé le silence sur ce point, si l’honorable
préopinant ne venait de vous dire que si les marchands établis se donnaient un
peu plus de peine, s’ils étaient plus actifs, plus habiles, ils pourraient
soutenir la concurrence contre ceux qui vendent à l’encan,
Je
vais citer un fait qu’on m’a signalé, il n’y a que quelques jours : il prouvera
que l’honorable préopinant est, à cet égard, dans une erreur complète.
Des
filous, m’écrit-on (et l’on va jusqu’à citer des noms propres qui, pour moi,
rendent la chose extrêmement probable), les filous, m’apprend-on, escroquent à
l’étranger des marchandises qu’ils dirigent ensuite sur la Belgique, où ils les
réalisent immédiatement, en les faisant vendre à l’encan et en détail.
Comme
ces gens-là n’ont payé pour ces marchandises autre chose que les frais de
transport et les droits d’entrée, ils vendent à tout prix et bien évidemment le
commerce régulier ne peut lutter contre une concurrence aussi écrasante.
L’honorable
préopinant soutient que le nombre des ventes à l’encan ne s’accroît pas.
Cependant, il suffit de faire attention aux effets nécessaires que doivent
avoir ces ventes, pour être persuadé du contraire. Lorsque, par suite d’une
vente à l’encan, le débit des magasins d’une localité se trouve suspendu
pendant une saison et même pendant une année, il est certain que ceux de ces
magasins qui ne sont pas dans une situation prospère, sont obligés de recourir
au même expédient, pour se procurer les débouchés et les fonds dont ils ont
besoin. Ainsi chaque vente à l’encan devient la cause d’autres ventes de même
espèce ; aussi voit-on des magasins d’une ville faire tenir des ventes à
l’encan dans les villes voisines et celles-ci en agir de même à l’égard de la
première.
Les
choses en sont venues au point, qu’un négociant en qui je puis avoir toute
confiance, m’écrit que, si on n’apporte pas un prompt remède à cet état de
choses, avant six mois d’ici, un quart des marchands fera faillite et un autre
quart se retirera du commerce, fatigué de faire des efforts aussi constants et
aussi infructueux pour soutenir une concurrence tout à fait impossible.
Quant
aux consommateurs, j’ai dit qu’en soutenant le projet j’agissais dans leur
intérêt. A première vue, on pourrait croire le contraire, on pourrait croire
que le consommateur doit trouver toujours un avantage dans les ventes à
l’encan. Mais quand on examine la chose de près, quand on consulte
l’expérience, on voit qu’il est loin d’en être constamment ainsi. Dans une
vente à l’encan, on achète souvent au-delà de ses besoins et même en l’absence
de tout besoin ; ou se laisse séduire par l’idée qu’on fait un excellent
marché, et le plus souvent cette idée n’est rien qu’une chimère, car dans ces
ventes, se trouvent en grande quantité des rebuts, des fonds de magasin, des
marchandises détériorées ou avariées, enfin des objets dont l’acheteur se
repent bien vite d’avoir fait l’acquisition, d’autant plus que cette
acquisition n’était pas commandée par le besoin et n’est pas justifiée par le
bas prix.
Ce
n’est pas tout, il est certains industriels qui parcourent le pays, exposent
tantôt dans une localité, tantôt dans une autre, des marchandises qui n’ont
aucune valeur et se vendent très couramment.
On
a vu exposer et vendre des cotons imprimés dont le tissu était tellement
mauvais que l’étoffe ne pouvait pas supporter la couture. Et ces marchandises
étaient enlevées rapidement par les gens de la campagne et par la classe
ouvrière qui croyait trouver là une occasion de s’habiller à neuf, à peu de
frais. C’est encore ainsi qu’on vu vendre à l’aune, sous le titre de draps
anglais, une étoffe d’apparence assez belle dont le prix était si bas qu’on se
la disputait, mais qui, en définitive, n’était qu’une espèce de papier
recouvert d’un certain duvet.
Vous voyez que si, par la loi présentée, on peut
parvenir à arrêter des abus semblables, ne fût-ce qu’à l’entraver d’une manière
un peu efficace, on aura rendu service non seulement au commerce régulier, mais
encore aux consommateurs.
Mais,
dit l’honorable préopinant, si la loi est votée, on ne se bornera pas là ; on
voudra plus, on voudra proscrire le colportage sous toutes ses formes. Il
suffit, pour répondre au préopinant, d’en appeler à l’expérience du passé. Sous
le roi Guillaume, les mêmes dispositions existaient, non pas en vertu d’une
loi, mais d’un arrêté qui permettait aux régences de prendre des dispositions
qu’elles prenaient et exécutaient.
Eh
bien, a-t-on jamais vu dans ces temps-là que les boutiquiers se soient plaints
du colportage ou en aient demandé la prohibition ? Non. Le commerce régulier
était satisfait ainsi que les consommateurs, les abus signalés n’étaient pas
possibles, ou s’ils se présentaient c’était très rarement. Je crois que les
craintes du préopinant sont entièrement chimériques.
Je
pense en avoir dit assez pour justifier le vote que j’émettrai dans cette
occurrence.
M. Bekaert-Baeckelandt.
- J’appuie le projet de la section centrale, parce qu’en combinant sagement les
exigences des différents intérêts, il concilie le principe de la liberté
commerciale avec la protection que réclame cette intéressante classe
industrielle qui, sans aucune ressource que le commerce régulier de détail,
doit y puiser ses moyens de subsistance et ceux de sa famille.
La
législation qui régit les ventes à l’encan est reconnue vicieuse. Les abus
graves et multipliés dont nous avons été les témoins ont démontré l’urgente
nécessité de la modifier ; mais cette modification, pour répondre à l’attente
et aux besoins du commerce, doit être prompte et efficace. Il ne suffirait pas
de susciter des entraves au mal, il faut le détruire, il faut l’empêcher de
renaître. Les ventes à l’encan telles que je les ai vues dans la ville que
j’habite, sont, pour le détail, laborieux et probe, un poison qui le ronge, qui
le mine, et qui le détruirait en peu de temps si l’on ne s’empressait d’y
porter remède : cette nouvelle industrie qui a pris une si effrayante extension
en Belgique, ce sont, pour la plupart, des étrangers qui viennent l’exploiter parmi
nous ; et vous le savez, messieurs, les antécédents de ces industriels, aussi
bien que l’origine de leurs marchandises, sont souvent de nature à produire de pénibles impressions. Réaliser, c’est tout ce
qu’ils ont en vue. Il n’est donc pas étonnant de les voir vendre à un cours
auquel la concurrence nationale ne saurait descendre sans compromettre ses
intérêts et son avenir. C’est ici une question de vie ou de mort pour le petit
commerce, et la morale autant que l’intérêt public nous impose le devoir de le
protéger. Or la combinaison que l’on vous propose n’est point nouvelle. Elle
n’est que la reproduction des mesures prises par les autorités locales en vertu
de l’arrêté du 19 octobre 1817, et cette disposition, qui a reçu la sanction de
l’expérience, est celle que nous devons adopter aujourd’hui. C’est la seule qui
puisse convenablement parer au mal existant. Mû par les mêmes considérations,
le conseil-général du commerce en France ne s’est point arrêté aux mêmes
moyens. Il a cru nécessaire d’entourer les détaillants de garanties plus
certaines, plus puissantes encore. Il s’est décidé à demander à la législation
l’interdiction pleine et entière des ventes à l’encan de marchandises neuves,
sauf les cas exceptionnels de décès et de faillite ; il ne veut, sous aucune
condition, abandonner à la merci de quelques spéculateurs de l’espèce dont il
s’agit le sort d’une nombreuse et intéressante partie de la population. Pour
moi, messieurs, dans la conviction où je suis, qu’au moyen des restrictions
proposées par la section centrale on atteindra le but que l’on a en vue, je
voterai pour l’adoption.
M.
de Brouckere. - Je ne me dissimule pas que les ventes à
l’encan sont contraires aux intérêts de certaines personnes, qu’elles ont été
l’objet de réclamations de la part d’une grande partie de la population qui a
intérêt à ce que ces ventes soient prohibées. Mais il me semble que la
législature ne doit pas facilement se laisser entraîner dans une voie qui
pourrait la mener plus loin qu’elle ne pense, qu’elle ne doit pas consacrer une
injustice parce que cela convient à une partie de la population.
On
veut arrêter, entraver au moins les ventes à l’encan. Et quels motifs
donne-t-on pour engager la chambre à arrêter ou entraver ces ventes, que l’on
nous a présentées comme un poison qui ronge et mine le commerce légitime et
porte atteinte même à la morale. (On ne s’attendait guère à voit figurer la
morale en cette affaire.)
On
dit qu’on commet des escroqueries ? Mais il y a des lois contre l’escroquerie,
qu’on les applique.
Quels
sont les motifs pour lesquels on demande la prohibition de ces ventes ? Le
premier, c’est qu’elles portent préjudice au commerce qu’on appelle commerce
régulier. Je vous demanderai d’abord si ce préjudice n’est pas un préjudice
légitime.
Est-ce
que les ventes à l’encan sont une chose contraire aux lois, et à quelles lois ?
Est-ce que les ventes à l’encan ont amené des désordres, des perturbations ?
Aucune, aucune. Elles ont fait tort à certains marchands, oui ; mais chaque
fois qu’un marchand nouveau s’établit à côté d’un marchand ancien, enfin qu’une
nouvelle concurrence se crée, elle porte préjudice à certaines personnes. Il en
est ainsi de toutes les nouvelles industries, des nouveaux commerces.
Mais,
a-t-on dit, ne savez-vous pas que ce sont des filous qui apportent chez nous le
produit des vols qu’ils ont faits à l’étranger, qui ne leur coûtent que les
frais de transport et les droits d’entrée. Je voudrais que cet honorable membre
nous expliquât dans quels pays on filoute à tel point qu’on puisse inonder la
Belgique des marchandises qu’on y a filoutées. Car c’est là le raisonnement de
l’honorable M. Donny ; il prétend que la Belgique est inondée de marchandises
qu’on vend à l’encan, et il dit que les marchandises qu’on vend à l’encan sont
le produit de filouteries.
Qu’il
nous explique donc dans quel pays du monde on peut commettre un si grand nombre
de filouteries qu’on puisse inonder notre pays des marchandises ainsi volées.
Dans
une vente à l’encan, dit encore le préopinant, les particuliers achètent
au-delà de leurs besoins et même ce dont ils n’ont pas besoin. Quelle
singulière anxiété pour les particuliers qui ont envie d’acheter au-delà de
leurs besoins ! La chambre ne doit pas s’immiscer dans ce qu’achètent ou veulent
acheter des particuliers. Je pense qu’on peut acheter au-delà de ses besoins et
même en l’absence de tout besoin pourvu qu’on paie.
Je
ne crois pas qu’on veuille prendre fait et cause contre ceux qui n’auraient pas
payé aux vendeurs à l’encan.
On
vend, dit-on, de mauvaises marchandises, des marchandises qui n’ont aucune
espèce de valeur. Si cela est, abstenez-vous de prendre des mesures contre les
ventes à l’encan, car, si dans les ventes à l’encan on vend de si mauvaises
marchandises, on cessera d’avoir confiance dans de semblables marchands, et
plus personne ne s’adressera à eux.
En
résultat, que ferait la loi ? Elle proscrirait un genre de commerce qui est
légitime. Pourquoi ferait-on cette loi ? Pour donner une prime à d’autres
marchands qui font un commerce également légitime. Voilà ce à quoi vous
aboutiriez, à prohiber un commerce pour en favoriser un autre. Il me semble que
nous ne pouvons pas, au moins sans un examen approfondi, porter ainsi une loi
qui défend à jamais un commerce qui n’a rien d’illégitime en Belgique.
Je sais très bien qu’avant la révolution, les
régences et les conseils communaux avaient le droit de prendre des mesures de
police relativement aux ventes à l’encan. Je concevrais qu’un semblable ordre
de choses fût maintenu, qu’on autorisât les régences, l’autorité
administrative, à prendre certaines mesures de police pour empêcher les
filouteries et les prétendues atteintes à la morale, et les tromperies de
toutes espèces.
J’applaudirais
de tout mon cœur à de semblables mesures ; mais agir de la sorte, et défendre
d’une manière générale toute espèce de vente à l’encan, il y a une différence
immense. Il est une autre mesure qu’on pourrait prendre si l’on croit ces
ventes si avantageuses : qu’on augmente le droit de patente, je ne m’y
opposerai pas. En un mot, j’adopterai toutes les mesures que je croirai pouvoir
voter sans porter atteinte à la liberté du commerce ; car ce sera une atteinte
portée à la liberté du commerce, si vous prohibez une sorte de vente quelle
qu’elle soit.
M.
A. Rodenbach. - Je conviendrai avec l’honorable préopinant
que par suite de la loi quelques personnes qui font métier de faire vendre à
l’encan des marchandises neuves seront froissées dans leur intérêt privé ; mais
l’intérêt général, l’intérêt de la classe nombreuse des marchands en détail en
profiteront. Ceux qui sont en contact avec le commerce en sont convaincus. Je
suis persuadé que les 3/4 des membres de la chambre en ont la conviction
intime. Ces ventes nuisent à l’intérêt général. Les marchands établis ont des
baux très chers, des patentes énormes, enfin sont soumis, parce qu’ils sont
permanents, à une foule de droits que n’ont pas à payer ceux qui font faire des
ventes à l’encan. On craint de léser les intérêts de ces individus ; mais leur
nombre n’est pas si considérable ; ce sont quelques monopoleurs ; ils ne sont
peut-être qu’une douzaine. On a parlé de marchandises provenant de faillites
faites en France et en Allemagne et que l’on introduit dans ce pays pour duper les
créanciers ; il y a de cela quelques exemples, mais ils ne sont pas très
nombreux. La presque totalité des ventes à l’encan est le fait des 10 ou 12
monopoleurs dont je viens de parler.
Le premier orateur a dit qu’on diminuerait la
concurrence, que le consommateur serait froissé ; mais dans un pays où les
communications sont si faciles, où, par les chemins pavés et les chemins de
fer, il y a une espèce de contact entre toutes les villes, il est impossible
d’empêcher la concurrence.
Les
marchands en détail, lorsqu’ils ont acheté des marchandises doivent signer des
acceptations à 3 ou 6 mois. Si ensuite on vient faire à leur porte une vente à
l’encan de marchandises neuves, les populations des villages circonvoisins
viennent acheter à cette vente, ils achètent, comme on l’a dit, au-delà de
leurs besoins parce qu’ils croient acheter à bon compte, et le marchand en
détail qui n’a pu prévoir cela ne peut, quelles que soient sa probité et son
activité, payer à l’échéance son acceptation. De tels faits sont fréquents et
sont de nature à anéantir le commerce de détail, c’est ce que vous voudrez
empêcher.
Pour
vouloir être trop juste on est injuste, il y a excès en tout, c’est ce que je
répondrai à l’honorable préopinant. Je voterai en faveur du projet pour entraver
la vente à l’encan des marchandises neuves.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Il est certain
que les ventes à l’encan portent un préjudice considérable au commerce régulier
des marchands domiciliés. De tout temps, on a considéré ces ventes à l’encan,
en concurrence avec les commerçants en détail et domiciliés, comme un véritable
abus. Sous le gouvernement autrichien et sous celui des Pays-Bas, on a partagé
cette opinion. Cette opinion a été adoptée spécialement par les régences de
toutes les villes importantes du pays. Plusieurs chambres de commerce ont
réclamé des mesures restrictives des ventes à l’encan ; dès lors il est
incontestable que c’est un objet qui mérite votre plus sérieuse attention.
On
a eu grand tort de dire que le commerce pourrait réclamer contre
l’établissement de nouvelles boutiques à côté de celles existantes. Il est
impossible de déterminer le nombre des boutiques dans une commune. Il doit y
avoir à cet égard la plus grande latitude, parce que tous les boutiquiers
exercent un commerce régulier ; mais il est impossible que le marchand en
détail puisse faire avec sécurité ses approvisionnements, si la liberté
illimitée des ventes à l’encan peut lui ôter toute chance de vente. A quoi
doit-on donner la préférence, ou aux marchands domiciliés ou aux marchands
ambulants qui font faire des ventes à l’encan ? La préférence me semble ne
pouvoir être douteuse. Dans l’intérêt du consommateur il vaut mieux qu’un grand
nombre de boutiquiers aient de bons approvisionnements, où il peut puiser avec
liberté et avec choix, que de voir supprimer ces établissements pour attendre
des ventes éventuelles à l’encan, où il peut être surpris et n’avoir que des
marchandises de mauvaise qualité, parce que dans ces ventes on n’a pas le temps
de les vérifier, et parce que ceux qui vendent à l’encan encourent moins de
responsabilité et ne risquent pas de perdre leurs chalands, ces ventes n’étant
pas toujours faites sous le nom des mêmes individus.
Si
la chambre le désire, je pourrai lui donner connaissance des motifs qui ont
engagé les régences à prendre des mesures restrictives des ventes à l’encan ;
j’ai réuni dix règlements locaux. Je crois que les considérations qui précèdent
les ordonnances sont assez intéressantes pour mériter l’attention de la
chambre. Ces règlements des régences contiennent les mesures indiquées dans le
projet du gouvernement et de la section centrale. La seule différence qu’il y
ait entre ces anciens règlements et le projet de loi, c’est que les règlements
peuvent varier dans chaque localité et que la loi sera générale, ce qui est
bien préférable.
(M.
le ministre fait connaître les préambules des règlements restrictifs des ventes
à l’encan adoptés par les villes de Gand, Mons, Bruges, Louvain, Courtray,
Liége, Bruxelles, Huy, Tournay et Anvers ; plusieurs ont été portés, sur les
avis conformes des chambres de commerce de Mons, Bruxelles, Tournay, et il
continue ainsi :)
Les régences des grandes villes et les chambres
de commerce ont voulu faire droit aux réclamations des marchands en détail,
c’est ce qu’ont voulu également les gouvernements qui ont précédé le
gouvernement actuel. Nous avons cru également devoir faire droit à ces réclamations
par les motifs donnés dans l’exposé des motifs et principalement par cette
considération : qu’en ruinant un grand nombre de boutiquiers on porterait un
préjudice réel au consommateur au profit duquel on voudrait maintenir la
concurrence des ventes à l’encan.
Il
est d’ailleurs à remarquer qu’indépendamment du grand nombre de boutiques qui
existent naturellement dans les villes, elles s’y sont multipliées depuis
plusieurs années. D’autre part les communications entre les communes se sont
accrues, et l’on peut s’approvisionner facilement d’une commune à une autre.
Nous avons d’ailleurs maintenu le commerce de colportage, qui est une
concurrence pour les détaillants.
Les
foires et marchés sont encore une concurrence périodique pour les marchands en
boutique.
M. Donny.
- J’ai demandé la parole pour répondre à une interpellation que M. de Brouckere
m’a adressée. Il désire savoir de moi quel est le pays où les filous peuvent se
procurer assez de marchandises pour inonder la Belgique. Je n’ai nullement dit
que dans toutes les ventes à l’encan on exposait des marchandises provenant de
filouteries faites à l’étranger. J’ai cité un fait, et je me suis borné là. Les
renseignements d’après lesquels j’ai parlé me viennent d’Ostende. Les marchandises
auxquelles j’ai fait allusion arrivent de l’Angleterre, où l’on est
excessivement facile à accorder des marchandises à crédit ; il en vient
également de France ; enfin on en fait arriver encore d’Allemagne. Je crois par
ces détails avoir répondu catégoriquement à l’honorable membre.
M.
Verhaegen. - Quand tout le pays réclame des mesures
contre les ventes à l’encan, je crois que vous ne pouvez refuser votre
assentiment à une loi qui, certes, ne porte pas atteinte à la liberté du
commerce, puisqu’elle est demandée par les négociants, les manufacturiers, les
marchands en détail.
Il
est bien vrai que quelques particuliers, et le nombre en est petit, demandent
de pouvoir continuer ce qu’ils ont fait au détriment de la généralité, de
continuer les ventes publiques ; mais peut-on écouter ces demandes en présence
de l’intérêt général qui les repousse ?
M.
de Brouckere parle de la liberté de commerce ; loin de moi l’idée de porter
atteinte à cette liberté ; mais la mesure porte-t-elle atteinte à la liberté du
commerce ? Non, messieurs ; et je soutiens, moi, que les ventes à l’encan
détruisent le commerce, et que ceux qui invoquent la liberté du commerce,
arriveraient à un but contraire à celui qu’ils se proposent d’atteindre si les
ventes à l’encan étaient tolérées.
En
quoi consiste le commerce, le grand comme le petit, car il y a aussi hiérarchie
dans le commerce ? Il consiste dans les relations qui ont pour résultat, de la
part des uns, de procurer certaines marchandises, de la part des autres, de les
produire ; et les spéculations qui en sont la conséquence constituent
véritablement le commerce. Dans l’origine, le commerce consistait simplement
dans l’échange même des objets dont on avait besoin ; ces relations ont pris de
l’extension ; et en dernier lieu nous avons vu naître les fabricants, les
négociants et les détaillants. Faut-il, en permettant les ventes à l’encan,
anéantir le détail, branche essentielle du système actuel du commerce ? Si
l’opinion de nos adversaires triomphe, le commerce en détail est ruiné.
Que
signifient les ventes à l’encan ? Elles signifient ou dénotent une cessation de
commerce. Un individu a des marchandises ; il les vend publiquement ; là
s’arrêtent ses opérations. Mais, dira-t-on, il achètera de nouvelles
marchandises et les vendra publiquement encore : je répondrai que ce n’est pas
là une continuité d’opérations constituant le commerce.
Les
fabricants comme les détaillants réclament la mesure. Il est de l’intérêt des
fabricats et des négociants, que les détaillants fassent leurs affaires, et les
fassent bien ; parce qu’il est de leur intérêt d’éviter les faillites.
La
mesure que le commerce véritable demande a existé ; quels inconvénients
a-t-elle entraînés ? Un règlement pris par la régence de Bruxelles (en février
1818) défendait absolument les ventes à l’encan dans cette cité. Y a-t-il eu
des objections de la part des habitants contre ce règlement ? Non ; quelques
individus, ayant un intérêt particulier, et ayant été traduits devant les
tribunaux, se sont avisés de dire que le règlement n’avait pas de force, et ils
ont obtenu de faire déclarer par la magistrature que le règlement, en effet,
était sans force.
Je
voudrais que l’on pût dire ce que deviendrait le commerce de détail par suite
des ventes à l’encan ? Il faut que chacun, dans la sphère où il se trouve,
jouisse de la somme de liberté qu’il peut avoir, puisque vous admettez le
commerce de détail, que vous le patentez, donnez-lui tous les moyens de se
soutenir, et écartez tout ce qui peut l’anéantir.
Indépendamment de tous les inconvénients qui
vous ont été signalés, il en est encore un autre. Quand il s’est agi de la loi
de douane, déjà nous avons manifesté des craintes pour nos commerçants.
Lorsqu’il a été question de lever des prohibitions, nous avons dit que s’il
était permis aux étrangers de venir jeter sur le sol de la Belgique des
marchandises qu’ils pourraient donner à des prix inférieurs, il en résulterait
de grands dommages pour nos fabricants et nos détaillants. Par exemple, la prohibition
est levée pour l’article drap ; les maisons qui, en France, feront de mauvaises
affaires, arriveront en Belgique ; on fera des ventes publiques de ces draps ;
dans quelle position se trouveront alors nos détaillants et nos fabricants ?
Voilà ce qui peut résulter de la loi de douane ; si, en outre, vous permettez
les ventes à l’encan, que deviendra le commerce ?
Il
faut que l’on accorde à chacun ce qu’il a droit d’exiger, en conséquence de sa
position ; il faut que l’on permette au détaillant de continuer son détail.
Nous ne détruisons pas la liberté du commerce, mais nous voulons empêcher que
l’on n’enlève à qui que ce soit les droits que sont une suite de sa position.
Que
l’on ne dise pas qu’il se fait à Bruxelles des ventes publiques, et qu’elles
ont leurs avantages, je ne suis pas de cette opinion. Je donnerai mon
assentiment au projet.
M.
de Brouckere. - Messieurs, ceux qui font ici de grands
efforts pour prouver la convenance qu’il y a de voter une loi concernant les
ventes à l’encan se donnent, il faut en convenir, des peines bien inutiles,
puisque tout le monde est d’accord qu’on fera bien de prendre quelques mesures
relativement à ces ventes. Je ne pense pas que quelqu’un ait nié la nécessité
de semblables mesures, et je suis si loin de contester cette nécessité, que
j’ai été un des premiers à rappeler la pétition de la chambre de commerce de
Bruxelles, concernant les ventes à l’encan, pour engager la chambre à s’occuper
de cet objet. Mais entreprendre quelques mesures relativement aux ventes à
l’encan, et prohiber tout à coup ces ventes, je le répète, grande est la
différence. Or, la loi que nous discutons ne tend à rien moins qu’à empêcher
dorénavant et pour toujours, dans toutes les localités de la Belgique, toute
espèce de ventes à l’encan ; eh bien, messieurs, quand tous les négociants et
tous les détaillants de la Belgique s’accorderaient pour réclamer une semblable
mesure, je croirais contraire à ma conscience de concourir par mon vote à
porter cette atteinte à la liberté du commerce sous l’empire de la constitution
qui nous régit.
J’ai
écouté attentivement le discours de l’honorable préopinant parce que je croyais
qu’il allait nous présenter un argument, mais je n’ai pas entendu qu’il en ait
fait valoir aucun ; il a défini le commerce ; il a dit que les ventes à l’encan
ne sont pas le commerce mais qu’elles tuent le commerce ; tout cela ce sont des
mots, mais des arguments, je n’en ai pas entendu un seul.
Je
le répète, messieurs, il faut faire quelque chose à l’égard des ventes à
l’encan, et pourquoi ? Parce que depuis quelques mois il s’en est fait un
véritable abus, parce que, comme l’ont dit les plus zélés partisans de la loi,
depuis quelques mois ces ventes sont devenues extrêmement nombreuses. Quand je
dis extrêmement nombreuses, je vais peut-être un peu loin, car l’honorable M.
Rodenbach, qui a le plus vivement provoqué la présentation du projet qui nous
occupe, a dit qu’il n’y a peut-être qu’une douzaine d’individus qui vendent à
l’encan de mauvaises marchandises. Quoi qu’il en soit, il y a quelques mesures
à prendre ; mais je le demande, messieurs, est-ce parce que depuis quelques
mois ces ventes à l’encan se sont plus ou moins multipliées dans quelques
localités qu’il faut les interdire totalement et pour toujours dans toute la
Belgique ? Si vous agissiez de cette manière, messieurs, vous recevriez
peut-être d’ici à quelque temps des pétitions dans un autre sens, dix fois plus
nombreuses que celles qui vous ont été adressées, pour provoquer la loi qui nous
occupe.
Remarquez,
messieurs, qu’il n’a jamais existé de loi générale sur cette matière ; il n’y a
jamais eu que des mesures locales ; mais n’importe, prenez une mesure, même
générale, seulement n’allez pas établir une prohibition absolue. Augmentez, par
exemple, le droit de patente, et, si cela ne suffit pas, élevez le droit
d’enregistrement qu’on prélève sur les ventes d’objets mobiliers qui se font en
public ; ce sont là de nouvelles charges qui pèseront uniquement sur les ventes
à l’encan ; ajoutez à cela, si vous le voulez, des mesures de police, des
mesures d’ordre, des mesures qui empêchent autant que possible qu’on ne trompe
les acheteurs, je donnerai volontiers mon assentiment à toutes ces dispositions
; mais j’en reviens toujours à dire que ce n’est pas parce qu’une chose a donné
lieu à des abus qu’il faut détruire, et détruire pour toujours une branche de
commerce ; c’est là ce à quoi je ne puis pas m’associer, c’est là la seule
chose que je ne puis pas faire.
L’honorable
M. Verhaegen a parlé d’un règlement qui a été porté par la régence de Bruxelles
en 1818 ; il a dit que ce règlement était aussi sévère que le projet qui nous
est soumis et que cependant il n’a jamais donné lieu à des réclamations ; il y
a eu un règlement en 1818, mais ce n’était pas, à coup sûr, sous l’empire de la
constitution de 1830 ; du reste, ce règlement ne prouve rien : si l’on a pris
en 1818 une mesure spéciale pour Bruxelles, ce n’est pas une raison pour en
prendre aujourd’hui une semblable pour toute la Belgique. L’honorable
préopinant dit qu’aucune réclamation ne s’est élevée contre ce règlement ; je
n’en sais rien, et l’honorable membre n’en sait probablement pas davantage, car
depuis 1818 il s’est écoulé 20 ans, et il serait difficile de savoir ce qui
s’est fait durant tout ce temps.
On dit que les ventes à l’encan ne se font
jamais que par des gens qui sont près de faire faillite ou qui sont obligés de
cesser leur commerce. Eh bien, je citerai ce qui se passe tous les jours dans
les murs de Bruxelles : il existe ici une grande raffinerie de sucre, elle fait
des affaires considérables ; eh bien, cette raffinerie fait périodiquement des
ventes à l’encan de très fortes quantités de sucre ; je ne pense pas cependant
qu’elle soit près de faire faillite ou de cesser son commerce.
Je
me résume, messieurs, et j’espère ne plus être obligé de reprendre la parole,
car je crois m’être exprimé de manière à me faire comprendre ; il y a quelques
abus dans les ventes à l’encan, je veux bien qu’on prenne des mesures pour
faire cesser ces abus : je consens à augmenter le droit de patente et le droit
d’enregistrement ; je consens à ce qu’on prenne ou à ce qu’on permette aux
autorités communales de prendre quelques mesures d’ordre, mais je ne puis pas
m’associer au vote d’une loi qui prohibe et qui prohibe partout et pour
toujours les ventes à l’encan.
M. Mast de Vries.
- Comme on vient de le dire, messieurs, les ventes à l’encan détruisent tout à fait
le commerce, c’est un fait incontestable, et je vais signaler quelques abus qui
le prouveront. Vous savez, messieurs, que dans certaines localités et surtout
dans celles qui sont éloignées des grandes villes, il y a des foires où l’on
vend des objets d’une consommation générale, par exemple du drap ; dans la
Campine surtout il y a beaucoup de ces foires où l’on vend exclusivement du
drap ; il y a là 40 ou 50 boutiquiers qui paient une patente très forte et en
outre un droit de place qui est encore très élevé ; eh bien, le jour même de la
foire, il arrive un marchand qui vend du drap à l’encan et qui empêche ainsi
ces boutiquiers de faire la moindre affaire ; les choses en sont venues à tel
point qu’il est des endroits où il venait ordinairement jusqu’à 100 boutiquiers
et où il en vient maintenant à peine une douzaine.
Maintenant,
messieurs, celui qui vend à l’encan n’est pas comme un boutiquer obligé de
laisser examiner attentivement la marchandise ;
il vend d’abord une ou deux pièces qui sont de bonne qualité ; ensuite,
quand sa réputation est établie, il en vend 10 ou 12 qui ne valent rien ;
chacun croit avoir fait une bonne affaire et le lendemain la plus grande partie
des acheteurs s’aperçoivent qu’ils ont été dupés.
L’année dernière il y a eu en Amérique une crise
commerciale dont les effets se sont fait sentir en Angleterre ; il s’est trouvé
dans ce pays des quantités immenses de coton dont on devait se défaire ; une
partie de ces cotons sont venus en Belgique, le marché d’Anvers en a été
inondé, et on les y vend à l’encan ; il y a en ce moment dans cette ville une
de ces ventes qui dure depuis 3 ou 4 semaines, tout le monde va s’y
approvisionner, et dans les environs d’Anvers les boutiquiers sont absolument
sans rien faire. Vous voyez bien, messieurs, que les ventes à l’encan sont la
ruine du commerce.
L’honorable
M. de Brouckere dit qu’il ne s’oppose pas à ce qu’on élève le droit
d’enregistrement sur les objets vendus à l’encan ; cette mesure serait complétement
illusoire ; comment voulez-vous percevoir un droit d’enregistrement sur des
ventes qui se font pour la plus grande partie au comptant, où on livre la
marchandise d’une main tandis qu’on reçoit l’argent de l’autre ? Aujourd’hui
que le droit d’enregistrement n’est que d’un demi pour cent on en fraude déjà
une grande partie. Ce serait bien autre chose si on l’élevait. Il n’y a qu’un
moyen, messieurs, de mettre fin au mal dont on se plaint si généralement, c’est
d’aborder le projet de la section centrale, et je l’appuie de toutes mes
forces.
M.
Lebeau. - Messieurs, tout le monde paraît d’accord
qu’il faut apporter quelques restrictions aux ventes à l’encan et rendre la
concurrence moins défavorable au commerce régulier ; mais je crois qu’il est
bon de procéder ici avec beaucoup de prudence et de ne prendre que des mesures
d’essai. On pourra les modifier, les révoquer, les étendre lorsque l’expérience
en autre montré la véritable portée. Voilà, messieurs, à quoi sont assez généralement
disposés ceux même qui combattent la loi, et surtout le projet tel qu’il a été
amendé par la section centrale. Prenons-y garde, messieurs, si nous allons
commencer par une première mesure, à réglementer l’industrie et le commerce, à
intervenir dans leur mode d’exercice, dans ce qu’on a appelé leur hiérarchie,
la force des choses pourrait bien nous obliger à ne pas en rester là.
Evidemment, lorsque vous aurez interdit les ventes à l’encan (et telle est la
portée du projet de loi de la section centrale), lorsque vous aurez interdit ce
mode de commerce, toutes les réclamations du commerce qu’on appelle régulier ne
seront pas apaisées ; vous n’abolissez pas, par le projet de loi de la section
centrale, le colportage qui constitue aussi une concurrence fort incommode pour
les détaillants, et contre le colportage il s’élève, si je ne me trompe, des
plaintes tout aussi vives que contre les ventes à l’encan. N’en doutez pas,
messieurs, quand vous aurez prohibé les ventes à l’encan, le commerce, encouragé
par ce premier succès, ne manquera pas de vous adresser des pétitions
nombreuses pour vous engager à proscrire également le colportage.
Car
tout ce qu’on dit contre les ventes à l’encan, on peut jusqu’à un certain point
le dire contre le colportage. On ne s’en tiendra pas là ; et déjà, vous avez
entendu, par les réflexions que vient d’émettre un honorable préopinant, que
les foires mêmes, les marchés, portent un préjudice assez notable au commerce
de détail ; il faudra donc aussi empêcher les foires, il faudra que le
gouvernement tout au moins n’accorde plus à telle ou telle ville ou commune
populeuse qui en ferait la demande, l’autorisation d’ouvrir une foire ou un
marché.
Je
ne vois pas pourquoi, en suivant toujours le système dans lequel on veut
pousser la chambre et dans lequel j’espère que la chambre ne s’engagera pas, je
ne vois pas, dis-je, pourquoi l’on ne viendra pas un jour ou l’autre vous
demander la suppression des bazars ; car il n’y a pas un détaillant qui ne voie
avec déplaisir l’établissement d’un bazar à côté de son magasin.
Cependant
si tout cela incommode un peu le détaillant, cela fait un peu les affaires du
consommateur. Mais, dit-on, personne n’a réclamé dans le temps, contre la
suppression des ventes à l’encan. Il est vrai qu’en général, le consommateur ne
réclame pas, mais pourquoi ? Parce qu’il n’est pas aussi immédiatement lésé que
le détaillant, que l’industriel. Les chambres de commerce sont, par leur
position, par leurs rapports constants avec le commerce et l’industrie, bien
plus l’organe de l’industrie et du commerce que celui des consommateurs. Les
directeurs de ventes sont par leur petit nombre tellement en disproportion avec
la masse des détaillants, qu’il n’est pas étonnant que leurs intérêts parlent
moins haut que ceux des tenant-boutique.
Il
serait donc très sage de se borner à un essai, à une première mesure qui
témoignerait de la sollicitude qu’éprouve la chambre pour les réclamations des
détaillants.
Cette
pensée s’est même présentée à l’esprit de quelques sections. Il y a des
sections qui ont émis l’idée d’une majoration du droit d’enregistrement. Il me
semble qu’un droit qu’on pourrait décuplé et porter même à 10 p. c.,
constituerait déjà un assez beau privilège en faveur du commerce de détail.
Ainsi,
les directeurs de ventes paient une patente assez considérable (et, pour le
dire en passant, je connais des directeurs de ventes qui font leur commerce,
d’une manière très légale, très régulière, et contre la probité desquels on ne
pourrait rien articuler ;) ces personnes, dis-je, paient une patente assez
considérable. Eh bien, frappez, en outre, si vous voulez, les ventes à l’encan
qui ne sont passibles aujourd’hui que d’un droit de 50 centimes par 100 fr. ;
frappez-les d’un droit de 10 p. c. J’aurai l’honneur de proposer tout à l’heure
ce chiffre à la chambre.
Messieurs,
j’ai pris quelques renseignements sur les relations qui existent entre les
directeurs des ventes à l’encan et certaines détaillants mêmes. Il y a des
détaillants qui seraient fort désappointés si les ventes à l’encan venaient à
cesser complétement.
La
chose est très facile à concevoir. Tel détaillant aura fait avec peu de
prévoyance des commandes d’objets qui étaient purement de mode ; la mode vient
à cesser, et le magasin du détaillant se trouve encombré de ces objets
surannés. Il a cependant un besoin immédiat de réaliser des fonds. Quelle
ressource lui laissez-vous ? Par le projet de loi, vous lui laissez le
mont-de-piété, vous le convier à aller au mont-de-piété. On a parlé tantôt de
morale ; mais, messieurs, voilà une disposition que j’ai peine, je l’avoue, à
concilier avec la morale. Indépendamment de ce que le détaillant a quelque
peine, quelque répugnance à se faire connaître ainsi à une administration
publique, il faut remarquer que l’intérêt que l’on prélève dans les
monts-de-piété est exorbitant et constitue par privilège une véritable usure ;
tandis que si le détaillant est en relation avec un directeur de ventes,
honnête homme, qui a quelque solvabilité et qui est dans le cas de faire
quelques avances, ce détaillant peut se tirer à l’instant d’un état de gêne,
pour lequel vous ne lui montrez d’issue que le mont-de-piété, ou tel usurier
qui travaille en concurrence avec le mont-de-piété.
Vous
avez encore un cas dans lequel les relations de certains fabricants avec les
directeurs de ventes sont assez utiles ; je veux parler des petits fabricants
ou ouvriers qui travaillent en général pour compte d’un fabricant plus
considérable.
Eh
bien, s’ils se trouvent momentanément surchargés de quelques objets manufacturés
dont le placement ne peut être opéré immédiatement, ou bien s’ils ne veulent
pas subir les conditions de ceux qui leur donnent ordinairement du travail ils
ont, dans ce cas, la ressource de s’adresser à un directeur de ventes, et
peuvent ainsi réaliser immédiatement le fruit d’un travail qu’ils n’auraient
pas trouvé à réaliser auprès des gros fabricants.
On
vous a parlé, messieurs, des réclamations des chambres de commerce ; mais M. le
ministre de l’intérieur, qui a invoqué les réclamations des chambres de
commerce, devrait se rappeler que les chambres de commerce ont une tendance
assez marquée vers les prohibitions en général. M. le ministre a été obligé
lui-même, dans une circonstance récente, de connaître les avis des chambres de
commerce, lorsqu’il s’est agi des modifications qui ont été introduites dans le
tarif des douanes.
Eh
bien, je crois qu’on part du même principe, je crois qu’au lieu de vouloir
restreindre la concurrence, on veut encore ici la tuer. Je pense, moi, qu’il
serait bien plus sage d’appliquer dans l’espèce les principes qu’on a fait
prévaloir dans la loi douanière ; et, au lieu de proscrire, comme on vous y
convie, d’établir un droit protecteur qui ferait pencher la balance du côté du
commerce régulier. Vous établissez en faveur de l’industrie indigène contre
l’industrie étrangère, un droit modéré et protecteur ; eh bien, établissez
aussi en faveur du commerce régulier contre le commerce exceptionnel un droit
modéré, protecteur ; mais ne commencez pas par poser la prohibition, par interdire
formellement l’exercice d’une profession qui n’a rien d’immoral en soi.
Si
après cela il existe encore quelques abus, eh bien, d’honorables préopinants
vous ont indiqué des moyens d’y porter remède : l’on pourrait par des
règlements de police que l’administration locale serait autorisée à faire
prescrire, par exemple, l’exhibition préalable, pendant plusieurs jours, des
objets qui doivent être soumis à l’encan ; l’on pourrait les faire examiner ;
l’on pourrait même accorder la faculté de refuser dans certains cas, mais cette
mesure extrême devrait être environnée de grandes précautions.
Me
résumant donc, et ne pouvant donner mon approbation à un projet de loi qui
frappe de mort une industrie qui, je le répète, n’a rien d’immoral, j’ai
l’honneur de proposer à la chambre l’amendement suivant :
« A
partir du 1er janvier 1839, le droit d’enregistrement sur les ventes à l’encan
de marchandises neuves est porté à 10 p. c. en principal.
Je
n’entends parler ici que des ventes repoussées par le projet, les autres
restant soumises au régime actuel.
L’on comprend de suite que c’est par un motif
d’équité que j’ai proposé la date du 1er janvier 1839. Les directeurs de
ventes, lorsqu’ils ont pris leur patente au 1er janvier 1838, ont dû espérer
que sous la foi de la législation actuelle, leur profession serait libre
pendant l’année entière, leur patente a donc été basée sur cette éventualité.
Mais indépendamment de cela, il existe une autre considération plus grave,
c’est que toujours sous la foi de la législation actuelle, ils ont fait des
achats, des approvisionnements ; il faut donc leur laisser un temps moral pour
faire écouler ces approvisionnements ; il ne faut pas les laisser frappés de
stérilité entre leurs mains. Je crois donc qu’il est indispensablement nécessaire
qu’un délai soit consacré dans la loi.
J’oubliais
de faire valoir une autre considération qui est du reste tellement naturelle
qu’elle se sera présentée à l’esprit de tous : c’est que mon amendement
créerait pour le trésor public une ressource qui n’est pas à dédaigner ; car si
mes renseignements sont exacts, les ventes à l’encan peuvent aller annuellement
de 4 à 5 millions. On me dit qu’elles seront moindres, soit ; supposons-les
réduites à moitié, vous aurez encore 250,000 francs pour le trésor.
M.
Verhaegen. - Messieurs, tout à l’heure, il y avait
quelques membres qui défendaient les ventes à l’encan ; depuis, nous avons fait
un pas ; voilà maintenant tout le monde d’accord qu’il faut les entraver ; ceux
qui combattent le projet de la section centrale seront d’accord maintenant
qu’il faut opposer des entraves aux ventes à l’encan, car frapper ces ventes
d’un droit de 10 p. c., (en supposant que cette mesure soit possible, car c’est
là la grande difficulté), c’est à coup sûr les entraver.
Mais
il faut bien que mes contradicteurs, qui prennent pour base de leur système la
liberté du commerce, se mettent une fois d’accord avec eux-mêmes. Si ceux qui
vendent à l’encan sont des commerçants qui méritent votre protection, il ne
vous est pas plus permis de déroger à votre principe en les frappant d’un droit
exorbitant qu’il n’est permis aux autres de prendre des mesures pour prévenir
des abus.
Je pense qu’à cet argument il n’y a pas de
réponse.
L’honorable
M. de Brouckere a dit qu’il avait pensé que j’aurais présenté quelques
arguments, mais qu’il n’avait trouvé que des mots dans que j’ai dit, et que par
conséquent il lui était impossible de me répondre. Je dirai à cet honorable
membre que mes arguments sont posés dans la nature des choses. Ce serait à lui
de me dire ce qu’il entend par commerce et de m’en donner la définition. Je ne
puis considérer comme faisant le commerce l’individu qui achète une masse de
marchandises et les revend immédiatement à l’encan publiquement et à tout prix.
Il n’y a là rien qui constitue la base d’un commerce, En effet, y a-t-il là de
ces relations entre individus dont le but doit être de faire fructifier une
industrie en en plaçant avantageusement les produits par l’emploi de tel moyen
ou de tel autre ? Non. Est-ce là une spéculation ? Est-ce un individu qui, en
raison de ses relations, va opérer un de ces résultats que le commerce se
propose ? Non, car il vend à tout prix, au-dessous du prix auquel il a acheté.
Il faut chercher dans la définition des choses, la solution de la difficulté.
Le
commerce de détail est apprécié par nous tous. Les opérations du fabricant, du
manufacturier, qui se lient aux opérations du détaillant, sont connues de vous
tous ; mais je ne puis concevoir que celui qui achète une masse de marchandises
pour les revendre immédiatement à tout prix, soit commerçant, fasse une
opération commerciale.
On
veut un essai d’une autre manière. M. Lebeau a dit, en proposant son
amendement, que c’est une mesure d’essai. Mais le règlement dont je vous
parlais tantôt, qui a été en vigueur à Bruxelles, qui a été exécuté, n’est-ce
pas un essai suffisant ? Nous avons une expérience de 18 à 19 ans, qui n’a
provoqué aucune réclamation, quoiqu’on en dise. Quelques individus intéressés
se sont avisés de réclamer et de faire juger que ces règlements étaient
illégaux, qu’il fallait une loi pour les établir. Mais la grande masse des
citoyens a approuvé la mesure de prohibition complète des ventes à l’encan. On
a donc essayé, et les mesures qu’on a prises ont produit le résultat qu’on en
attendait Mais voyez ce qu’on veut faire maintenant. On veut mettre ces
mesures-là de côté, et en prendre d’autres qui n’atteindront pas le but. On
propose de porter à 10 p. c. le droit sur les ventes à l’encan, droit auquel il
y a mille moyens d’échapper. Ceux qui proposent cette mesure sont convaincus
qu’elle n’atteindra pas le but.
M.
Lebeau. - Il n’est pas permis d’attaquer les
intentions.
M.
Verhaegen. - Je ne vous attribue pas cette intention ;
mais d’après ce qui est connu, notre honorable collègue doit douter de
l’efficacité de son amendement.
M.
Lebeau. - Rien de plus facile que de constater une
vente publique.
M.
Verhaegen. - Je répondrai à l’honorable préopinant par
les arguments, que dans une autre circonstance il a fait valoir. Ils serviront
de réponse à ce qu’a dit l’honorable M. de Brouckere sur la liberté du commerce.
Il vous a dit : mais c’était avant la constitution qu’existait cet arrêté, en
vertu duquel on prohibait les ventes à l’encan ; mais depuis la constitution,
il n’en a plus été ainsi. Il n’y a plus rien à dire, si vous entendez la chose
de cette manière, mais que deviendraient alors les lois relatives à
l’établissement de certaines fabriques, lois qu’invoquait M. Lebeau dans une
circonstance récente ? Elles seraient inconstitutionnelles.
Mais
la constitution n’est pas allée jusque-là ; toute liberté en tout et pour tous,
ce qui est une très belle chose, n’est pas portée au point où on voudrait la
porter aujourd’hui . Qu’on me cite une seule disposition qui étaye le système
qu’on met en avant ! Il n’y en a pas une.
Mais
l’honorable M. Lebeau ne proposait-il pas de ne permettre à des individus de
débiter des boissons distillées qu’avec l’autorisation de l’autorité communale
? Si vous faisiez cette proposition, vous qui êtes comme nous imbu de la
constitution, c’est que vous étiez convaincu que la constitution n’y portait
pas obstacle. Vous devez donc admettre que ce qu’on prétend exister dans la
constitution n’y existe pas.
M.
Lebeau avait donc aussi rencontré l’argument, il avait rencontré les lois de
1818 relatives aux fabriques, il avait compris qu’on ne pouvait pas admettre la
liberté du commerce jusqu’où veut l’étendre M. de Brouckere, qu’il fallait
l’entendre sainement, c’est ce qui l’a porté à proposer un amendement qui
deviendra l’objet d’un projet de loi spécial.
Je pense que dans les circonstances où nous nous
trouvons, d’après l’approbation donnée par nos concitoyens aux mesures que je
viens de rappeler, car il n’y a qu’une voix sur ce point, fabricants,
manufacturiers, marchands détaillants, tout le monde est du même avis ; je
pense, dis-je, qu’il n’y a pas d’inconvénients à faire ce qu’on a fait dans une
autre circonstance.
Dans
la ville de Bruxelles, vous avez des ventes qui produisent des résultats
superbes, a dit M. de Brouckere. Voyez la société nationale, elle fait des
ventes de sucre considérables, à l’encan, ne pourrait-il pas en résulter des
inconvénients pour les raffineurs et les détaillants ? Quant à moi, je n’ai pas
à répondre à cette question. Quand je pose un principe, j’en subis toutes les
conséquences. Si M. de Brouckere m’interrogeait personnellement, je lui
répondrai que, pour ce cas, comme pour l’espèce, je ne reculerais pas devant
l’application du principe que je défends. Je laisse à l’honorable M. Coghen le
soin de répondre plus particulièrement à l’honorable M. de Brouckere .
M.
Desmet. - Si je croyais que l’amendement de
l’honorable M. Lebeau pût avoir un résultat satisfaisant, je l’adopterais avec
plus de plaisir ; mais je crains que ce ne soit pas un remède efficace.
Pourquoi ? Parce que dans les ventes à l’encan, on ne vend que des rebuts, les
fonds de magasin, et qu’on consentira à payer un droit plus élevé pour pouvoir
les débiter. Vous n’arrêterez donc pas ces ventes par ce moyen.
Quand
un honorable préopinant a parlé de colportage et d’étalage, il n’a pas voulu
sans doute les mettre sur le même rang que les ventes à l’encan. Ces étalages
se font dans des endroits où ou ne peut pas avoir de boutique, et le colportage
est une chose nécessaire pour le plat pays. Le colportage non plus que l’étalage
n’a pas l’inconvénient des ventes à l’encan. Au reste la prohibition de ces
ventes n’est pas absolue dans la loi. On ne les défend pas, on ne fait que les
limiter.
A
cet égard, messieurs, je dois répondre un mot à ce qu’a dit l’honorable M. de
Brouckere, en ce qui concerne les ventes de sucre de la société nationale. On
ne vend que par gros lots, par lots de mille kilog à la fois, on reste donc
dans les limites de la loi, on ne vend qu’aux magasins, on ne vend pas en
détail. Je voterai le projet de loi, parce que les ventes à l’encan sont un
moyen de vous inonder des produits étrangers. Depuis que vous avez levé la
prohibition sur les cristaux et les draps, cette loi est devenue plus que
jamais nécessaire, car les Français viendront vendre chez nous à l’encan leurs
draps et leurs cristaux. C’est pour cela que j’adopterai la loi.
M.
Desmaisières. - Je demande la parole.
Plusieurs
voix. - A lundi ! A lundi !
-
La discussion est renvoyée à lundi.
La
séance est levée à 4 heures et demie.