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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 30
décembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition collective des négociants, raffineurs et armateurs et pétition du conseil
communal de la ville d’Anvers sur les droits d’accises sur les sucres
(insertion au Moniteur) (Verdussen), pétition
relative à la demande d’octroi de la garantie de l’Etat formulée par la
province du Limbourg (de Renesse), pétition relative
à une somme due par l’Etat à la province du Hainaut (B.
Dubus)
2) Motion d’ordre relative à l’absence de
rapports sur les pétitions déposées à la chambre (règlement de la chambre)
(+routes dans le Luxembourg) (de Puydt, de Jaegher)
3) Projet de loi relatif aux droits d’accises
sur les sucres. Second vote des articles. Rendement de l’impôt, prime d’exportation
(d’Huart, Zoude, Eloy
de Burdinne, A. Rodenbach, F.
de Mérode, Dubus (aîné), d’Huart,
Eloy de Burdinne, Demonceau, de Theux, Desmaisières, Mast de Vries, Donny, Eloy
de Burdinne, Gendebien, d’Huart,
Gendebien, Lardinois, Dubus (aîné), Desmet, Lardinois, Verdussen, Dumortier, d’Huart, Dumortier, d’Huart, Dumortier, Coghen, d’Huart, Verdussen, Coghen, de Jaegher, d’Huart, Coghen, d’Huart,
Hye-Hoys, Coghen, Dumortier, Coghen, d’Huart, Verdussen), caractère
transitoire de la loi (Lardinois, d’Huart,
Gendebien)
4) Désignation de la délégation chargée d’aller
complimenter le Roi (Coghen, Dubus
(aîné))
(Moniteur belge
n°365, du 31 décembre 1837 et
Moniteur belge n°1, du 1er janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°365, du 31 décembre 1837)
M. B. Dubus procède
à l’appel nominal à onze heures et demie.
M. Kervyn
donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier dont la rédaction est
adoptée.
M. B. Dubus
fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur François Hamel, exécuteur des
hautes-œuvres de la province de Liége, demande que son traitement soit porté à
4,000 fr., la population de la ville de Liége dépassant 50,000 âmes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Un grand nombre de négociants, raffineurs et
armateurs de la ville d’Anvers, demande que la chambre revienne sur le vote de
l’amendement de M. Dubus (aîné), qui porterait un coup mortel au commerce en
général. »
« Le conseil communal de la ville d’Anvers
demande que la chambre ne maintienne pas au second vote le chiffre de la
décharge sur les sucres contenu dans l’amendement de M. Dubus (aîné).
- La chambre ordonne le dépôt de ces pétitions sur le
bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux sucres ; sur la
proposition de M.
Verdussen elle en ordonne en outre l’insertion au Moniteur.
Voici ces pétitions :
« A MM. les membres de la chambre des
représentants.
« Messieurs,
« Au moment où la chambre vient d’émettre un
premier vote qui blesse et sacrifie leurs plus précieux intérêts, les
soussignés croient devoir s’adresser à vous, au nom du commerce d’Anvers, au
nom du commerce belge tout entier. Ils ne chercheront pas à démontrer que, sans
prospérité commerciale, il n’y a pas de prospérité réelle pour un pays : ce
serait une chose superflue pour des hommes éclairés. Nous vous répéterons
seulement que les conséquences du premier vote émis par la chambre seraient destructives
pour le commerce et la navigation, qui, à force d’activité et d’industrie,
commençaient à se relever des suites de la révolution au détriment de nos
rivaux ; qu’en outre ce vote aurait pour conséquence infaillible de faire
pourrir dans nos ports, faute d’emploi, les navires pour la construction
desquels vous avez récemment voté une prime, et laisserait sans résultat les
subsides votés en faveur d’agents commerciaux dans les pays transatlantiques.
Si tout le commerce n’a pas été anéanti, c’est à l’industrie des raffineurs,
c’est à l’importation et à l’exportation des sucres exotiques que nous devons
en grande partie ce bienfait.
« La loi que vous allez voter est excessivement
grave ; votre décision est attendue avec anxiété dans le pays et ailleurs
peut-être. Les soussignés vous prient instamment de ne pas émettre un second
vote, conforme au premier, sans avoir bien pesé toutes les conséquences d’une
mesure qui fera au commerce une blessure profonde et irréparable.
« Ils ont l’honneur d’être, messieurs, avec
confiance,
« Anvers, le 29 décembre 1837.
« Albert Cogels. Frères Nottehohm. L’Agence de la
société de commerce de Bruxelles à Anvers. Bisschop-Basteyns et N.-J. de Cock.
J.-G. Rucker et comp. J.-M. Fraser et comp. Young frères et comp. Michiels-Loos.
Coomans et Born. J.-A. Elsen et van Linden. David et de Boe. Jacq. Serruys et
comp. J.-F. Pascal et
comp. Egide van Regemortel. Jean Key. Egidius de Bakker en zoon. Joseph-J.
Legrelle. Delisle, Janvrin et comp.
G.-J. Oostendorp. Jean-Louis Lemmé et comp. Joseph Elsen. J. Bogaerts fils. D.
Grenier et comp. Jos.-G. Verbucken. Dedecker-Cassiers.
J.-J. Baesten et Ommeganck. J. Podor.
Lejeune et Spruiyt. Le directeur de la raffinerie anversoise J.-B. Huysmans.
Thomas Maingy et comp. J.-J. Bavais et fils. H. Gevers et Aerts. N. Josson.
Guillaume de Craeeker. Juste Vanstratum et c. A. Huens. L. Falcon. Stappaerts frères. Alfred Barrow, Putman et comp. Jean
Schul. F. van Pruyssen. J.-F. van Noten. J.-C. Vandevelde et comp. Jean Gevers.
Jacq.-C. Verbuecken.Vandervoordt et Covelier. Werbrounck van Pruyssen. L.-J.
Vandenhove. G.-J. Dubois. Henri de Poorter. Peeters-Gevers et comp. W.-J. Marsilly. De Brouwere-Vanverre et comp.
Hamilton, Ortman et comp. Brequigny.Veuve F.-J. Haine.
Spilliart-Caymans. J. van Oevelen. Veuve
J. Laermans. P.-M. Ergo et
comp. Huens-Stuyck. G. van de Abeele. Victor
Declercq. Jos.-G. Verbuecken. Segers, frèresn Emile Sibilie, L. Hammell et
comp. Gevers frères, J.-F. Segers. J. Nagels. Les
soeurs Vitse et comp. J.-B.
E. van Montenaeken. L. Schell, P. Lycops. Peeters van Cutsem. H. Matthyssens.
J. van Brée. F. Grisar. G. Verhoustraeten et fils. Gamain. Edouard Kums.
Fontyn. E. Koelman. Henri Vrancken. Frédéric-C. Schroder. Ang. Morel. Nicolas
van Lerius. D. Mauroy. J. Lehouck. J. Gys. F. van den Wouwer. J.-L.
Demets-Dewinter. Jacq. de
Gruytters, Aug. Demets et comp. J. Rom. J. Muls. B.-H. Koelman. J.-B. Donnet., Melchior Krump. Vandevin-Maus. Demot et
Nauts. Ch.-Const. Van Kerkhoven. G. Kempeneers. Osy et comp. Pauwelaert.
Vermoelen et Wouters. Jules Delcroix. G. et C. Kreglinger. Aug. Cambier. Van
den Bergh fils. F. Danes. J.-B, van den Bogaert. J. van den Eynde, D’Huyvetter
et Raymaekers, Reyniers-Vrancken, Charles van Nyen, M. Kramp, F.-C. Spruyt et
compagnie, A. van Bomberghen, P. van Meersel, A. Lejeune, Jollie-Clibborn et
compagnie, Rayé, J. Guichard, P. -J. Thomas, J.-B. van Pelecom, A.-J.
Beerenbroeck, P. Ianssens, Werbrouck-Pieters, Charles Grisar, David Verbist et
compagnie, Joris et Storms, J.-B. Pottieuw, P.-J. Tillemans, J.-J. Meugens, A.
Junonet et Coulen, E.-J. Jackson, Cornelissen et Eykens, Fieser et de Bruyn,
Dumortier fils, F. Matthyssens, Van Geetruyen van den Dries, E. Deliagre,
Jacques Levoir, J. van Witte, A. de Harven, De Lyon Thym, Marchal frères et
compagnie, V. Aulit, L. Strybos, Wynkelmans et Lulofs, J.-F. Fernau, Le Jeune
et de Feyter, A. de Harven fils, Ed. Serrure, J.-M. Grisar, Ch. Moons,
Berre-Gilles, F.-C. Berré, J. Woch, P. de Gorter, H.-J. van Damme et compagnie,
L. de Bruyn, Godts et Corluy, D.-J. Pauwels, P.-J. de Grooff, J.-B. Govaerts,
E. et A. Weber, A. van Endert, C. Somers, Jongeneelen-Somers,
Pharazyn-Vrancken, Jean-C. Neerynckx, P.-J. vander Heyden, J.-P. Rones, F.
Vandewygert, J. Bloemaert, Constant Werbrouck, J. Vercauteren, Wasse et
Craemer, F. Biart, J. Le Grand, Kay et compagnie, P.-J. Cattie, H. Serrigiers,
Pelgrinis Hanegraeff, L. Gilliams, J. Formenau, A. Verachter, A. Kums, C.
Gobart, P. Willaert de Wael, Louis Amy, Wagemans et Gislain, A.-J. de Meyer, J.
Gossen, C.-G. Rosseels, A. Reusens, N. Strybos, L.-A. Schepens, De Bruyn et
compagnie, De Winter de Coster, J.-P. van Wint, Abm Steens, C.-J. de
Mathieu, C.-J. Stoopen, J. Emsens, E. Wappens, A. Aulit, Max. van den Bergh,
J.-B. Bosschaert et compagnie, Pauwels, P.-J. Janssens, A.-J. de Wyndt, M. du
Bois, G.-J. Moll, P.-J. Kistemaekers, A. Werbrouck, J.-F. de Geest, J. Huysman,
J.-F. Dewyndt, H. Demedts, H. Leroy, H. van Cannaert-Dhamaele et fils, B. van
Montenaecken, H.-L. de Jonghe, J.-B. Segers, F.-J.-A. Meuleman, P. Delaere
fils, J. van Lerins, F. Vanhove, Delacour, H. Stockmans, F. Salemans, Vanput et
F. Meeus, C. Gyssels, M.-V. de Ridder, Aug. Joris,
A. Chantrainne, A.-J. Govaerts, F.-A. Faes, J. Carolus ; Jos. Basteyns, Vander Stappen, Van Geel, J. Thomas, F.-B.
Belleroche, J.-F.-A. Balette, C. van Bomberghen, H. van den Bergh, E.
Olislaeger, J. Fenner, J. van Weddingen, Guill. Verbist, L.-J. Flébus, J.-J. Bressers et compagnie, J.-B. Joors,
P.-J.-J. van Douveren, Fréd. Werbrouck,
Niedering, J. Dumercy, P.-J. Vandewiel, W. Verlinden, C. Van donghen, J. van
Wallendael, Hartung, E.-F. van Sulper, F. Bisschop, F. Janssens, J.
Verschueren, A.-J. Strybis, C.-J. de Waeresegger, J.-M. Reis, B. Kennedy, A.-J.
Ansiau, F. Delaet fils, Frilx, J.-B. Eebr, Aug. Stappaerts, Jules Ferrée, P. Wattel, Franç.-H. Elsen, Société anversoise
des bateaux à vapeur. »
________________
« Le conseil communal de la ville d’Anvers,
« A la chambre des représentants.
« Messieurs,
« La décision que vous avez prise dans votre
séance du 27 de ce mois, de porter le rendement des sucres pour la décharge à
l’exportation, à 6 p. c. pour les pains et candis, et à 70 p. c. pour les
lumps, conformément à l’amendement proposé par M. Dubus, a jeté le
découragement et la consternation dans notre ville, parce qu’elle voit les
conséquences désastreuses qui doivent en résulter pour elle et pour le pays en
général.
« C’est dans la perplexité d’une pareille
position, qu’il appartient à la métropole du commerce de la Belgique d’élever
la voix et de faire un appel, messieurs, à votre nationalité, afin d’empêcher
que le vote définitif que vous allez être appelés à donner à la loi
actuellement soumise à vos délibérations, ne vienne sanctionner ce que nous
considérons comme un arrêt de mort porté contre notre commerce de sucre, une
véritable calamite publique dont les résultats les plus immédiats seront la
ruine d’une grande partie de nos
nombreuses raffineries et des industries qui s’y rattachent, établies à grands
frais sur la foi de la législation existante, la perte de notre marine
marchande, qui, à l’aide d’une loi d’encouragement que vous avez décrétée
naguère, commençait à se relever de sa décadence, et enfin l’anéantissement des
moyens d’exportation faciles et économiques, auxquels nos divers produits
industriels et agricoles doivent surtout de pouvoir soutenir la concurrence sur
les marchés étrangers.
« Ces conséquences sont trop frappantes, et elles
ont déjà été développées avec trop de vérité devant votre assemblée, messieurs,
pour avoir besoin ici d’une nouvelle démonstration : ce qu’il nous importe de
vous déclarer, c’est que l’amendement que vous avez adopté, s’il était jamais
converti en loi, n’atteindrait aucunement le but que vous vous êtes proposé, et
qu’ainsi cette loi porterait gratuitement un préjudice immense au pays, en
tarissant ses principales sources de prospérité sans compensation aucune.
« Le but de M. le ministre des finances, en vous
proposant des modifications à la loi des sucres, a été évidemment de faire
payer à cette denrée sa part d’impôt au trésor ; mais il n’a pu entrer dans sa
pensée, il n’a pu entrer dans la vôtre, messieurs, d’adopter des modifications
qui seraient destructives du commerce au sucre exotique.
« Or, il n’y a d’existence possible pour lui
qu’en lui conservant ses moyens d’exportation ; si vous les lui ôtez, toute son
importance se réduira à la faible part qu’il viendra prendre dans la
consommation intérieure, qu’il se disputera avec le sucre indigène ; et comment
admettre qu’il pourra encore soutenir la concurrence sur les marchés étrangers
avec le sucre hollandais, si vous placez nos raffineurs dans des conditions
infiniment moins favorables que celles du raffineur hollandais ! Il est évident
que tout le savoir-faire et l’économie de nos industriels ne sauraient suppléer
au désavantage d’une pareille position.
« Il en résultera donc que le sucre exotique,
réduit à soutenir la concurrence avec celui produit par la betterave,
concurrence qui ne peut être que nuisible à tous deux, ne rapportera plus au
trésor qu’une bien faible somme, et s’il venait à succomber dans la lutte, tout
impôt disparaîtrait.
« Il est vrai qu’alors la betterave jouirait
seule et sans partage du monopole de la consommation intérieure, mais il est
vrai aussi que le trésor n’y gagnerait rien, à moins de la grever d’un impôt
qui se résumerait en une charge nouvelle pour le consommateur ; mais avec une
semblable perspective, pouvez-vous vouloir, messieurs, qu’une industrie sans
influence commerciale aucune vienne s’établir sur les ruines de nombreuses
industries vitales et fécondant de leur nature toutes les sources de notre
prospérité nationale, en même temps qu’elles sont destinées dans leurs rapports
avec les pays lointains, à donner à notre Belgique cette influence politique
que nous devons tous être jaloux de lui voir acquérir ?
« Nous concevons, messieurs, que toute industrie
qui jouit de la protection du gouvernement doive contribuer dans une proportion
équitable aux charges de l’Etat. Aussi le conseil communal d’Anvers, qui a voté
la présente adresse à l’unanimité, n’eût-il pas élevé la voix si la chambre eût
adopté, tout aggravant qu’il est pour l’industrie, le dernier amendement de M.
le ministre des finances, qui vous a été présenté à la séance du 27, et
consistant à porter le rendement pour les pains et candis à 57 p. c., et pour
les lumps à 60 p. c., avec une perception de 10 p. c. sur le montant de
l’accise. Il est certain que cette nouvelle combinaison, fruit d’un plus mûr
examen de cette question importante, doit satisfaire toutes les exigences
contraires à la législation actuelle ; car est évident qu’elle rapporterait au
trésor bien au-delà du million que vous désirez lui faire percevoir sur le
sucre colonial ; d’autre part, elle donnerait au sucre indigène une protection
plus efficace que le rendement exagéré présenté par M. Dubus, et elle aurait
encore l’avantage de conserver en partie au pays une branche de commerce dont
l’influence salutaire sur notre prospérité industrielle est incontestable.
« Nous ne doutons pas, messieurs, que toutes ces
considérations prévaudront dans votre esprit, et vous porteront à revenir sur
une mesure qui, nous vous le déclarons en toute sincérité, serait fatale aux
intérêts généraux que vous avez mission de défendre.
« Si, dans cette occasion, messieurs, nous venons
vous parler au nom des intérêts généraux du commerce menacés, c’est qu’ils sont
inséparables des intérêts spéciaux de la ville d’Anvers, et, en défendant la
cause de tous, nous défendons aussi la nôtre.
« A ce double titre, nous croyons avoir droit à
vos égards et à toute notre sympathie.
« Si nous avions besoin, pour vous intéresser à
notre réclamation, d’autres considérations que celles de l’équité et de
l’intérêt général, nous pourrions vous rappeler, messieurs, qu’indépendamment
des pertes que les circonstances ont amenées, le commerce a eu à subir déjà la
privation bien importante d’une branche de commerce qu’il avait su conquérir
sur nos ci-devant frères du Nord. Tous ces sacrifices, le commerce les a
supportés avec résignation : mais il est juste qu’on lui tienne compte de sa
résignation, et aujourd’hui qu’il s’agit de lui ravir encore les plus précieux
débris de sa fortune passée, le conseil communal d’Anvers ne peut rester
impassible, et il s’adresse avec confiance à votre loyauté, messieurs les
représentants, pour mettre sous votre sauvegarde la défense de ses intérêts qui
sont aussi ceux du pays tout entier.
« Anvers, le 28 décembre 1837.
« Le bourgmestre président, Gérard LEGRELLE.
« Par ordonnance :
« Pour le secrétaire, l’échevin G.-J.
OOSTENDORP. »
_________________
M. B. Dubus,
secrétaire, fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la
chambre :
Messages du sénat, faisant connaître l’adoption du
budget des travaux publics, exercice 1838, et d’un crédit supplémentaire pour
subvenir aux dépenses du conseil des mines pendant l’exercice 1837.
- Pris pour notification.
________________
Messages de M. le ministre des finances transmettant
des explications :
1° Sur la pétition présentée par la députation du conseil
provincial du Limbourg, en date du 15 octobre, tendant à obtenir, soit la
garantie de l’Etat pour un emprunt de 500,000 fr. voté par le conseil
provincial, soit un prêt direct de ce capital destiné à l’achèvement et à la
construction de routes dans la province ;
2° Sur la pétition de la députation permanente du
conseil provincial du Hainaut demandant la mise en disponibilité d’une somme de
457,450 fr. 44 c., qui serait demeurée due à la province, du chef du solde lui
revenant au 30 septembre 1830 sur le produit des revenus provinciaux recouvrés
jusqu’à la même époque, par les préposés aux recettes de l’Etat sous le
gouvernement précédent.
M. de Renesse.
- Messieurs, la chambre, dans sa séance du 26 octobre dernier, a ordonné
l’impression au Moniteur du rapport
de l’honorable M. Zoude, fait au nom de la commission des pétitions, sur la
pétition de la députation permanente du conseil provincial du Limbourg, qui
demande que le gouvernement soit autorisé à garantir l’emprunt de 500,000 fr.
voté par le conseil provincial pour être affecté à l’achèvement et à la
construction des routes les plus nécessaires au Limbourg, emprunt qu’il n’a pu
contracter par suite de la position toute particulière de cette province ;
comme plusieurs de mes honorables collègues et moi comptons faire à cet égard
une proposition à la chambre, j’ai l’honneur de demander que le rapport de M.
le ministre des finances sur cette pétition, et dont M. le secrétaire vient de
donner connaissance à la chambre soit pareillement imprimé au Moniteur.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée ; en
conséquence la chambre ordonne l’impression au Moniteur des explications données par M. le ministre des finances
sur la pétition du conseil provincial du Limbourg.
Voici ces explications :
« A la chambre des représentants.
« Bruxelles, le 29 décembre 1837
« Par résolution
prise en séance du 14 novembre dernier, la chambre a ordonné le renvoi à
mon département de la pétition présentée par la députation du conseil
provincial du Limbourg, en date du 12 octobre, tendante à obtenir soit la
garantie de l’Etat pour un emprunt de 500,000 francs voté par le conseil
provincial, soit un prêt direct de ce capital destiné à l’achèvement et à la
construction de routes dans cette province.
« Dépourvu de renseignements sur cette affaire,
je me suis immédiatement mis en rapport avec la députation provinciale du
Limbourg, qui s’est empressée de me communiquer les pièces qui
me manquaient. Il est résulté de leur examen que le conseil provincial,
convaincu de l’impérieuse nécessité d’améliorer les voies de communication
existantes, et d’en construire de nouvelles afin de suivre l’extension
progressive du commerce et de l’industrie du pays, et de faire participer la
province au développement incessant de la prospérité générale, a, dans sa
séance publique du 21 octobre 1836, arrêté qu’il serait levé un emprunt de
500,000 fr. à l’intérêt maximum de 5 p. c., exclusivement destiné à la
construction des routes provinciales, et pour concourir à l’érection de celles
à construire par l’Etat, ou par des concessionnaires. Il fut stipulé que cet
emprunt serait remboursé par séries, dans une période de 25 années, et que les
trois centimes additionnels sur les contributions foncière et personnelle que
la province perçoit actuellement pour l’amélioration de ses voies de
communication, continueraient à être recouvrés jusqu’à l’amortissement de
l’emprunt proposé, et demeureraient
spécialement affectés, de même qu’au paiement des intérêts et des frais
inhérents à l’opération.
« Un arrêté royal du 29 novembre 1836, pris en
exécution de la loi du 30 avril précédent, a approuvé la délibération du
conseil.
« L’émission de l’emprunt fut annoncée avec toute
la publicité possible, mais les efforts de la députation n’ont amené aucun
résultat. Il paraît que la position exceptionnelle de cette province a fait
naître quelque défiance dans l’esprit des prêteurs, et de là le recours de la
députation vers le pouvoir législatif afin d’obtenir la garantie de l’Etat.
« Je ne crois pas nécessaire de discuter ici le
plus ou le moins de fondement du scrupule des bailleurs de fonds, mais le fait
existe, et il paraît certain que, sans la garantie sollicitée, la négociation
de l’emprunt proposé se trouvera arrêtée dans son principe.
« Dans ces circonstances, et en raison des motifs
qui viennent d’être déduits, vous jugerez, messieurs, si, comme je le pense, il
y a lieu d’accueillir favorablement la pétition dont il s’agit, et si rien ne
s’oppose à ce que la garantie éventuelle dont je viens de parler soit consacrée
par une disposition législative.
« Quant au prêt direct sur les fonds de l’Etat,
dont le conseil provincial fait subsidiairement la demande, vous jugerez sans
doute comme moi que la situation du trésor ne permettrait pas d’y satisfaire
sans inconvénient.
« Le ministre des finances, E. d’Huart. »
- Sur la proposition de M. B. Dubus, la chambre ordonne
l’impression au Moniteur des
explications données par M. le ministre des finances sur la pétition du conseil
provincial du Hainaut.
(L’étendue de ce document nous oblige à en ajourner
l’insertion à un prochain numéro.)
________________
« Il est fait hommage à la chambre par M. A.
Voisin d’une brochure intitulée « Statistique des principales
bibliothèques de l’Europe. »
- Dépôt à la bibliothèque.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’ABSENCE DE RAPPORT
SUR LES PETITIONS
M. de Puydt. - Je suis dépositaire depuis deux ou trois jours d’une
pétition adressée à la chambre par 150 industriels, propriétaires de bois et de
haies à écorces, de la province du Luxembourg, qui demandent la construction de
la route de Stavelot à Diekirch. Je vous avoue que je ne sais qu’en faire. Je
ne puis pas en demander le renvoi pur et simple à la commission des pétitions ;
ce serait vouloir la faire descendre au fond d’un puits, d’où elle ne devrait
jamais sortir ; car depuis un an la chambre viole son règlement en n’exigeant
plus les rapports hebdomadaires de pétitions.
Si je provoque le renvoi à cette commission avec
demande d’un rapport spécial et immédiat, qu’arrivera-t-il ? Que l’on viendra,
comme cela est déjà arrivé il y a quinze jours, à propos d’une route
déterminée, parler de toutes autres routes que celles mentionnées dans les
pétitions ; et que le but des réclamants sera complétement manqué, parce que le
rapporteur l’aura perdu de vue, pour s’occuper des intérêts de sa localité.
Si
je propose le renvoi au ministre, je voudrais que la chambre ne le prononçât
qu’en connaissance de cause, et invitât le ministre à donner à cette pétition
une attention particulière et à s’expliquer sur son contenu devant nous.
Pour cela il faudrait que je vous donnasse
connaissance de la pétition, que je fisse moi-même un rapport, que j’entrasse
dans quelques détails : à la vérité ce serait une violation du règlement, mais
moins fâcheuse que celle dont je viens de me plaindre. (Interruption.)
M. de Jaegher.
- Je demande le rappel au règlement et viens proposer l’ordre du jour ; je ne
vois pas les motifs d’urgence qui pourraient justifier la déviation flagrante
du règlement que propose l’honorable préopinant. Je ne tiens pas à combattre sa
proposition. Mais je dois m’opposer à ce qu’on établisse un précédent qui
pourrait avoir des conséquences graves. Je ne puis donc admettre la proposition
de l’honorable M. de Puydt. Je demande l’ordre du jour.
M. de Puydt. - L’honorable M. de Jaegher, en provoquant un
rappel au règlement, nous fait tourner dans un cercle vicieux. Je démontre
qu’il y a depuis un an violation du règlement par le défaut de rapports sur les
pétitions, et l’on veut que je compromette la pétition que je présente en me
forçant de me soumettre à un abus.
Le rappel au règlement, c’est moi qui viens de le
faire. J’offre de suppléer la commission et de donner connaissance du contenu
d’une pétition fondée sur des motifs très graves dont je voudrais faire
comprendre l’importance à la chambre. Si l’on ne veut pas que je lise la
pétition entière, qu’on me laisse au moins lire quelques passages.
M. de Brouckere. - Si l’honorable M.de Puydt lit une pétition, d’autres en liront aussi
et la séance se passera ainsi.
M. de Puydt. - Soit, je ne lirai pas la pétition. Je demande
alors qu’elle soit renvoyée à. M. le ministre des travaux publics, avec
invitation de donner une attention toute particulière aux motifs de cette
pétition et aux faits qu’elle énonce.
- La proposition d’ordre du jour faite par M. de.
Jaegher est mise aux voix et adoptée.
PROJET
DE LOI RELATIF AUX DROITS D’ACCISES SUR LES SUCRES
Second
vote des articles
M. le président.
- La discussion est ouverte sur l’article premier ainsi conçu :
« Art. 1er. Les reliquats de comptes ouverts et
les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre ne pourront être apurés par
décharge à l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises
en charge, résultant soit d’importations directes, soit de sortie d’entrepôts
libre, public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de
chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes
auront été spécialement transcrits.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, bien des opinions divergentes se sont
prononcées dans la question des sucres, bien des systèmes contraires ont été
mis en avant ; toutefois, un point sur lequel il y a eu à peu près assentiment,
c’est qu’il est nécessaire d’introduire des améliorations dans la législation
existante.
Les uns voudraient que le rendement des sucres bruts
fût établi, quant à la restitution des droits à l’exportation, aussi
approximativement que possible de la réalité.
D’autres voudraient que la restitution des droits fût
établie d’après la supposition d’un rendement moyennement analogue à celui
consacré en Hollande et en France.
D’autres voudraient de simples modifications à
quelques articles de la loi, que j’appellerai réglementaires, tels que ceux qui
déterminent les définitions des qualités de sucres, les transferts et
transcriptions, les tares et déductions, les cautionnements.
D’autres enfin (et c’est nous) voudraient que rien,
pour le moment et transitoirement, ne fût changé à la haute décharge des
droits, qu’une quotité de l’impôt fût assurée au trésor, et que les abus
résultant des points de la législation actuelle, que j’ai appelés tout à
l’heure réglementaires, fussent prévenus pour l’avenir.
Au milieu de tous ces systèmes, celui qui me paraît
encore le plus rationnel, c’est le nôtre, par la raison qu’il est le seul qui
satisfasse d’une manière certaine à l’intérêt qui a le plus de droit à
prétendre à une modification à la loi actuelle. Vous sentez, messieurs, que je
veux parler du trésor.
Je dis que c’est lui qui a le plus de droit à
prétendre à une modification de la législation, et, en effet, c’est lui, le
seul, qui ait perdu par l’usage qui a été fait de cette législation pendant ces
dernières années ; au lieu d’un produit assez notable que les auteurs de la loi
sur les sucres ont évidemment voulu lui assurer, il ne prélève plus qu’une
rentrée très minime ; il se trouve donc lésé, et cette lésion doit, avec d’autant
plus de raison, être atténuée, que les besoins de l’Etat lui commandent d’en
appeler à tous les éléments de ses ressources.
A cet égard, messieurs, je pense que tout le monde est
d’accord, et il n’y a divergence que sur la portée du moyen à mettre en œuvre.
Mais la question se complique de deux autres intérêts,
celui de la raffinerie et de l’exportation des sucres exotiques, et celui des
sucreries de betterave.
Les raffineries de sucre exotique méritent toute notre
sollicitude ; par les mouvements considérables de la navigation, par le
commerce d’outre-mer qu’elles contribuent puissamment à développer, ces
raffineries constituent une de nos industries principales et dont la prospérité
réagit nécessairement sur toutes les autres ; il faut donc bien se garder, et
certes ce n’est l’intention d’aucun de nous, d’y jeter la perturbation ; il
importe que le vote que nous allons émettre n’ait pas pour effet d’anéantir, en
rendant toute concurrence à l’étranger impossible, l’activité des raffineries
de sucre exotique ; la responsabilité d’un semblable vote est telle, que la
prudence nous commande de rester plutôt en-deçà qu’au-delà du but que nous
voulons atteindre dans l’intérêt du trésor.
L’industrie naissante de nos sucreries de betterave
mérite sans doute la protection de la législature, mais serait-il juste et
politique que cette protection fût accablante pour l’autre industrie plus
ancienne ? Personne ne saurait raisonnablement le prétendre.
Il s’agit donc de trouver, dans cette complication de
trois grands intérêts en présence, la solution qui s’alliera le mieux avec les
exigences du trésor et celles plus ou moins opposées des raffineries de sucre
exotique et des sucreries de betterave.
Au point où a été portée la discussion, et d’après le
premier vote émis par la chambre, il y a lieu, ce me semble, de regarder comme
certain qu’outre les modifications, réglementaires en quelque sorte, consignées
dans les dispositions qui suivent les articles 1 et 2, lesquels renferment véritablement
les principes du projet de loi, il faut, dis-je, regarder commue certain que la
majorité voudra :
1° la certitude de la perception d’une quotité de
l’impôt de consommation au profit de l’Etat ;
2° L’augmentation du rendement légal, c’est-à-dire une
diminution dans le taux de la haute décharge à l’exportation des sucres
raffinés.
Partant de là, je n’essaierai pas de faire revenir la
chambre au système que je lui ai présenté en premier lieu ; mais je ferai tous
mes efforts pour que, consacrant à la fois la perception d’une quotité
déterminée de l’impôt et la réduction de la décharge d’exportation, la
combinaison de ces deux bases soit calquée sur des chiffres qui concordent avec
les conditions dont j’ai parlé tout à l’heure.
J’ai lieu d’espérer, messieurs, que si moi, le
représentant le plus direct des intérêts du trésor, je me contente de la
quotité de 10 pour cent, que vous avez admise au premier vote, personne ne
prétendra plus que je me présente ici aveuglé par l’avidité du fisc. Peut-être
prétendra-t-on, au contraire, que je cède trop facilement sur les droits du
trésor ; mais à une telle objection je répondrai d’avance que, bien que je
prévoie que la perception d’un dixième de l’impôt ne produira peut-être pas le
million que j’aurais voulu obtenir de la consommation des sucres, j’aime mieux
me contenter de cette perception moindre que d’avoir peut-être à me reprocher
plus tard d’avoir nui à la prospérité du commerce et de l’industrie, en ne
tenant aucun compte, dans mes exigences, des avertissements qui nous ont été
vivement opposés dans la discussion du premier vote de la loi qui nous occupe.
Quoi qu’il en soit, messieurs, je vous prierai de
remarquer que lorsque je demandais un million pour le trésor, c’était sans
augmentation dans le rendement légal, et que je reste tout à fait conséquent
avec ma proposition primitive en restreignant la quotité de l’impôt à assurer
au trésor, actuellement qu’il faut introduire une augmentation dans le
rendement.
Me voici donc arrivé, messieurs, au point de me prononcer
sur le taux de la haute décharge à l’exportation.
Dans ma pensée, ce que vous avez admis à cet égard au
premier vote, ne saurait être maintenu sans le plus grave préjudice pour nos
raffineurs de sucre exotique ; les conditions d’existence dans lesquelles les
placerait vis-à-vis des Hollandais un drawback calculé sur un rendement de 65
et de 70, seraient tellement disproportionnées, qu’il faudrait craindre que la
concurrence ne fût plus possible sur les marchés étrangers, ou, si vous voulez,
que le commerce d’exportation de nos sucres fût gravement compromis.
En Hollande, le rendement est respectivement établi à
raison de 61 et 64 sur les sucres mélis et sur les lumps ; mais il est accordé
par 100 kil. de sucre brut provenant des colonies hollandaises une déduction de
8 p. c. ; or, comme on peut compter qu’il entre en Hollande pour une moitié de
sucres bruts de ces colonies, il faut considérer qu’en moyenne le rendement
n’est que de 59 et 61 1/2 ; ce serait donc (outre l’obligation de payer en
Belgique les droits sur un dixième des importations) un rendement de 8 à 9 de
lus que l’on établirait ici, c’est-à-dire une augmentation d’un septième
environ, ou une défaveur de plus de 5 fr. par 100 kil. Ce simple rapprochement
suffit pour démontrer l’immense désavantage qu’auraient près des Hollandais nos
raffineurs.
Nous pensons, messieurs, qu’en établissant le
rendement sur le pied respectif de 57 et de 50 pour les mélis et les lumps,
nous ferons pour le moment tout ce qu’il est raisonnablement possible d’exiger.
De cette manière, le rendement serait calculé à 2 de
moins qu’en Hollande, mais cet avantage qu’auraient nos raffineurs, de ce côté,
est plus que compensé par l’obligation que nous imposons, d’autre part, de
payer l’impôt sur un dixième des sucres bruts qui seront importés en Belgique.
Par là, les conditions d’existence de nos raffineurs
seraient sensiblement les mêmes que pour les raffineurs hollandais ; nous
maintiendrions la possibilité de concurrence entre eux sur les marchés
étrangers, et nous serions certains de ne pas détruire une industrie aussi
importante que celle dont il s’agit.
Veuillez remarquer, messieurs, que le système que je
vous présente, a l’avantage de ménager les trois grands intérêts qui sont en
présence :
1° Le trésor sera assuré de la perception d’une
quotité déterminée de l’impôt ;
2° Les raffineurs de sucre exotique pourront continuer
leurs opérations au profit de la navigation et du commerce en général ;
3° Les sucreries de betterave qui, il faut bien le
dire, s’élèvent sous l’empire de la législation que nous allons modifier, et ne
paient aucun impôt au trésor, trouveront une protection réelle dans
l’augmentation de rendement que nous réclamons, ainsi que dans les conditions
plus précises et plus rigoureuses que nous appliquons aux dispositions de la
loi que j’ai appelées tantôt réglementaires.
Je dis que les sucreries de betterave trouveront une
protection réelle dans l’augmentation du rendement à 57 et 60, et en effet ce
simple changement diminue, en moyenne, de 2 fr. et 40 c. par 100 kil.,
l’avantage d’exportation qu’ont aujourd’hui les raffineurs de sucre exotique.
N’oublions pas, messieurs, qu’il s’agit ici d’une loi
purement transitoire, d’une loi que nous devrons revoir, peut-être avant
l’année 1839 ; que si l’expérience de l’année 1838 venait nous prouver que nous
n’avons pas assez atteint les raffineries de sucre exotique, le mal serait peu
grave et surtout bien réparable ; tandis que si par un changement trop brusque,
par des modifications trop sensibles dans les conditions d’existence de ces
raffineries, nous allions paralyser, entraver leur activité, le mal serait
peut-être irréparable, et à part des catastrophes qui pourraient s’en suivre,
si les capitaux étaient déplacés, si nos raffineries de sucre exotique étaient
forcées de quitter la Belgique ne pouvant plus prospérer sous l’empire de notre
nouvelle loi, les conséquence d’une telle perturbation seraient désastreuses
pour le pays.
Pour moi, messieurs, je
redoute ces conséquences, et j’adjure les membres de cette chambre, qui
auraient l’intention de voter pour l’amendement de M. Dubus, de peser mûrement
la portée d’un tel vote.
On me répondra, je le présume bien, que les démarches,
les réclamations des industriels que je crains de trop froisser en ce moment
ont exercé de l’influence sur mon esprit ;eh bien, oui, messieurs, je l’avoue,
je ne suis point resté insensible à ces réclamations, parce qu’elles ont été
présentées de bonne foi au gouvernement et appuyées de fortes raisons, parce
que de ces raisons, est résultée pour moi la conviction que vouloir plus que ce
que je propose en ce moment serait nous jeter dans l’incertitude et nous
exposer à la plus grave responsabilité.
M. Zoude.
- Messieurs, lorsque j’ai dit, il y a peu de jours, quelques mots sur
l’industrie des sucres, j’ai déclaré que, sans le besoin de venir au secours du
trésor, j’aurais été plus libéral envers les raffineurs que ne l’étaient leurs
défenseurs les plus zélés.
Maintenant que M. le ministre des finances nous dit
qu’il lui suffira du dixième assuré au trésor par l’amendement de M. Liedts et
de quelques légères augmentations dans le rendement, je déclare, pour ma part,
renoncer à tous autres amendements.
C’est ainsi que, dirigé par le même principe
protecteur de toutes les industries, j’ai dit que j’espérais que des temps plus
prospères permettraient un jour d’employer tout le produit de l’impôt en
restitution de droits à la sortie des sucres.
Il avait donc fait preuve d’une extrême légèreté celui
qui venait attaquer le président de la commission d’industrie, à propos d’une
question sur laquelle celui-ci ne s’était pas encore prononcé.
Il n’avait pas commis, le président, l’inconséquence,
comme celui auquel il fait allusion, d’attaquer tour à tour les industries qui avaient
besoin de protection, en appelant à son aide l’intérêt des consommateurs qui
nous sont aussi chers qu’à lui, et que nous croyons comprendre aussi bien que
lui, mais qu’il abandonne aussitôt qu’une industrie, particulière à sa
localité, semble en réclamer le sacrifice.
Nous, au contraire, nous avons constamment regardé
toutes les industries comme des sœurs qui doivent s’entraider mutuellement.
C’est ainsi que nous avons défendu et continuerons à défendre toutes celles qui
nous ont attaqué, même avec virulence, lorsque nous réclamions protection pour
l’industrie cotonnière ; nous avons soutenu et soutiendrons les intérêts de la
bonneterie et de la draperie comme nous soutiendrons les raffineurs dans
l’intérêt même de la betterave, et si nous exigeons un sacrifice momentané des
raffineurs, c’est qu’il est des instants où il faut obéir à la loi suprême,
celle du salut public.
Mais nous en réitérons la déclaration, il suffit que
M. le ministre des finances ait ses apaisements pour que je renonce volontiers
à être plus exigeant que lui.
M. Eloy de Burdinne. - L’honorable ministre des finances vient de nous
dire qu’il se contentera d’un million de produit pour l’impôt sur le commerce
des sucres. Mais l’honorable ministre des finances aura-t-il avec ce million de
quoi faire face aux dépenses de son budget, sans le secours de centimes
additionnels aux différentes contributions ?
D’abord, je le déclare, puisqu’il renonce à des
millions en faveur d’une industrie, moi je m’opposerai à la proposition de
centimes additionnels. Je refuserai même le budget des voies et moyens, si
cette proposition est admise.
Comment ! dans un moment où le gouvernement a besoin
de toutes ses ressources, le ministre des finances vient vous proposer de
renoncer à 3 ou 4 millions d’impôt, et cela en faveur d’une industrie ! Non,
jamais je ne donnerai mon assentiment à des propositions de cette espèce !
On vous a parlé de commerce, de navigation ; mais si
le commerce et la navigation ne peuvent exister qu’avec une prime de 4
millions, ce sont des industries factices auxquelles il faut renoncer, si
toutefois cette navigation doit venir prélever sur le trésor tous les ans 3 ou
4 millions.
L’intérêt des raffineurs est quelque chose dans cette
question, sans doute ; c’est une industrie comme une autre, et en faveur de
laquelle nous devons des lois protectrices ; eh bien, les raffineurs ont la
protection qu’ils peuvent désirer puisque les sucres étrangers sont prohibés ;
aucune autre industrie n’a obtenu autant.
On fait remarquer que les raffineries sont dans une
situation désastreuse, que si on aggrave cette situation, leur industrie est
ruinée : mais si elle est dans une mauvaise position en percevant trois ou
quatre millions, je demanderai dans quelle position elle sera si nous lui
retirons un million ? Si les choses en sont réellement à cet état, dans
l’intérêt de cette industrie il faudrait en arrêter la marche, puisque sa
marche la mène à une ruine complète..
Je crois que j’en ai
suffisamment dit pour prouver que mon vote doit être conforme à celui que j’ai
déjà émis, c’est-à-dire en faveur de la proposition de M. Dubus. Je croirais
manquer à mon devoir, manquer à ma conscience, si je donnais un vote qui privât
le trésor d’un impôt aussi nécessaire et aussi bien motivé.
Si vous entrez dans la voie qu’on ouvre devant vous,
il est certain que d’autres industries qui seraient menacées de tomber en
décadence viendront réclamer des subsides ; puisque vous en accordez aux
sucreries, elles vous exposeront qu’elles ont les mêmes droits ; voyez où cela
vous conduira ! Nous ruinerions l’Etat et les particuliers pour satisfaire aux
exigences d’industries factices.
(Moniteur belge
n°1, du 1er janvier 1838) M. A. Rodenbach. - La loi de 1829 sur les sucres
est une loi ruineuse, est une loi qui qui a été fatale aux contribuables, nous
devons le confesser. Toutefois c’est sous le régime de cette loi qu’une foule
de raffineries se sont établies. Il en existe actuellement 70 en Belgique ;
pouvez-vous d’un seul coup de plume anéantir cette industrie qui met en
mouvement 30 millions environ ! Je veux
bien une augmentation dans les recettes du trésor mais je ne veux pas que cette
augmentation soit trop brusque, parce que je ne veux pas qu’on détruise une
industrie florissante. Il est vrai qu’en procédant ainsi, ce sera au détriment
des consommateurs ; mais réfléchissez que nous faisons une loi temporaire.
Toute cette discussion nous montre le danger
d’accorder de trop grandes protections aux industries. Si, par exemple, nous
protégeons trop les sucreries de betteraves, nous pourrons peut-être en avoir
du regret. En France, on a déjà trop créé de sucreries de betteraves ; en
Belgique, nous en avons 15 ou 20. C’est sous le régime actuel de la loi qu’elles
se sont établies ; mais on se propose de venir vous
présenter un projet de loi dans le but d’imposer les sucreries de betterave ;
d’ici là il y aura peut-être 30 ou 40 sucreries nouvelles créées ; et alors on
vous dira : comment voulez-vous frapper une industrie naissante ! C’est sous la
foi de la législation existante qu’elle a pris naissance et que des fonds ont
été engagés ; c’est une industrie qui n’emploie que les produits du sol ; on
vous dira tout ce que vous avez entendu. Quoi qu’il en soit, messieurs, je
crois qu’il est politique, qu’il est sage d’appuyer l’amendement présenté par
le ministre et qui produire environ un million.
Quel est notre concurrent pour le sucre raffiné
exotique ? Ce n’est pas l’Anglais, c’est le Hollandais ; en élevant le rendement,
vous favoriseriez notre ennemi ; j’aime mieux faire un sacrifice momentané que
d’être favorable au Hollandais.
Je voterai donc pour l’amendement de M. le ministre
des finances.
M. F. de Mérode. - Je me rallierai à l’amendement de M. le ministre des finances. Il
serait d’ailleurs fort difficile de lutter contre la proposition qu’il fait :
comme c’est la première année que nous apportons du changement à la législation
sur les sucres, il ne faut pas le faire trop fort. Quoi qu’en ai dit le
ministre des finances, il serait même fort difficile d’établir un impôt plus
élevé que celui qu’il réclame.
J’ai à présenter à la chambre une observation très
importante relativement aux sucres indigènes.
Vous voyez, messieurs, ce qui
résulte d’accorder des faveurs trop grandes aux industries ; elles vous disent
qu’elles sont ruinent quand on leur retire ces faveurs. Maintenant les
sucreries de betterave ne paient pas un centime ; elles se développent, et
quand elles seront plus développées, il y aura plus de capitaux engagés, et
alors il sera plus difficile de mettre un impôt sur ces établissements ; et par
cette marche il pourra arriver que le trésor ne recevra rien.
Si l’on parvenait à fabriquer du sel en Belgique, il
ne paiera rien, et le trésor ne percevrait rien ; voilà ce qui va arriver pour
le sucre, quoique le sucre soit imposable.
Je demande que l’on recherche le plus tôt possible les
moyens d’imposer les sucreries de betterave, afin que cette industrie ne vienne
pas nous faire les mêmes objections que les raffineurs des sucres exotiques.
Tout ce qui se passe motive mes craintes, et les observations que je vous
présente me paraissent d’une haute importance.
M. Dubus (aîné). - Je ne sais pas si on était convenu d’avance de revenir, au second
vote, sur ce qui avait été adopté par le premier. Toutefois, je suis étonné de
voir des convictions subitement changées quand les faits ne sont pas changés.
Je croyais qu’on allait démontrer qu’il y avait erreur dans les faits établis
par la première discussion ; seulement on en tire des conséquences que j’ai
peine à concilier avec les prémisses.
Le ministre des finances croit qu’il n’est pas en
contradiction avec lui-même lorsqu’il défend devant la chambre un amendement
qu’il vient de déposer. Cet amendement, dit-il, donnera un million au trésor.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit que l’amendement
ne donnerait pas un million.
M. Dubus (aîné). - Le ministre des finances avait combattu l’amendement de M. Liedts en
démontrant qu’il ne donnerait pas un million, qu’il donnerait à peu près
590,000 fr., si j’ai bonne mémoire ; maintenant le ministre des finances
soutient qui si vous adoptez définitivement le chiffre que j’ai proposé pour la
restitution du droit, il n’y aura plus d’exportation ; cependant je me souviens
parfaitement qu’au premier vote on disait que même en adoptant ce chiffre, le trésor
ne recevrait rien ; et c’est du banc des ministres qu’est venue cette
déclaration : la conséquence était donc que je n’avais pas calculé un rendement
excessif, et qu’il serait loin de nuire aux exportations. J’ai peine à rendre
raison du parti que l’on prend de reculer devant l’admission définitive de cet
amendement ; je ne peux me l’expliquer que d’après des faits qui paraissent
ressortir de la discussion.
C’est que tout notre commerce d’exportation, non
seulement en Allemagne, mais dans le Levant, et qu’on nous a tant vanté, n’est
qu’un commerce de sucres bruts. Ces exportations qu’on a tant fait valoir
consistent à donner, dans le Levant aussi bien qu’en Allemagne, des sucres
bruts à meilleur marché qu’ils ne nous coûtent dans les colonies où nous allons
les prendre. Je comprends alors que si vous ne calculiez pas un rendement
inférieur, de sorte qu’il y ait une forte prime qui permette aux négociants de
faire, aux dépens du pays, un commerce aussi désastreux dans son principe, vous
nuiriez au commerce d’exportation tel qu’on le fait maintenant.
Je dis que cela me paraît résulter de la discussion,
parce qu’en effet lors de la discussion du paragraphe C de l’article 2 on a
voulu avec obstination conserver la faculté de faire piler le sucre dans les
entrepôts des ports d’où se fait l’exportation et qu’il m’a paru démontrer que
le seul intérêt qu’on avait à cela c’était de réduire le sucre à l’état de
sucre brut pour pouvoir l’introduire dans les pays étrangers ou l’on n’admet
que du sucre brut. Je me suis souvenu d’ailleurs qu’en Prusse nos sucres lumps
ne sont admis que comme sucres bruts, puisqu’on ne les reçoit que quand ils
sont destinés aux raffineurs qui doivent les raffiner. J’ai conclu de tout cela
que le commerce des sucres exotiques est un commerce désastreux.
On me répondra, sans doute, que ce commerce n’en
favorise pas moins notre navigation. Mais, messieurs, il y a bien d’autres
moyens de favoriser notre navigation : nous avons des droits d’accise sur les
eaux-de-vie, par exemple ; eh bien, prenons le parti de restituer à
l’exportation le double, le triple ou plus, si vous voulez, du droit, nous
sommes certains que nous aurons par là favorisé l’exportation des eaux-de-vie,
que nous pourrons alors livrer aux pays mêmes qui les fabriquent, à meilleur
compte qu’ils ne peuvent les produire ; non seulement une semblable mesure
favoriserait l’exportation, elle favoriserait encore l’agriculture du pays,
puisque c’est sur les produits de l’agriculture que s’exerce l’industrie des
eaux-de-vie.
J’entendais parler tout à l’heure de l’impôt sur le
sel ; si nous établissions aussi une restitution considérable à l’exportation
du sel, nous vendrions le sel français aux Français eux-mêmes et à toutes les
autres nations ; nous enverrions nos navires chercher du sel en France pour les
reporter ensuite en France ou en d’autres pays ; toutes ces promenades seraient
très lucratives pour ceux qui vivent de la navigation. C’est cependant là le
système que l’on veut maintenir et que l’on veut maintenir sans aucune
diminution sensible pour les sucres.
Messieurs, on a insisté sur la considération que le
chiffre du rendement que j’ai proposé donnerait aux raffineurs hollandais un
avantage de 8 ou 9 p. c. sur nos raffineurs, pour l’exportation. Mais on a
perdu de vue, messieurs, qu’il n’existe plus réellement de concurrence entre
nos exportateurs et les exportateurs hollandais, puisque d’après ce qui a été
dit dans le rapport de la commission et par un honorable député de Gand,
l’exportation de la Hollande que le droit sur les sucres ne produit presque
plus rien au trésor hollandais ; or, lorsqu’il ne restera plus rien en caisse
pour payer les primes d’exportation, la Hollande pourrait-elle exporter
davantage ? Il est manifeste qu’elle ne le pourrait pas. Comme un honorable
membre l’a fait remarquer, l’exportation de notre pays, comme celle de la
Hollande, a atteint son maximum, et dès lors, les deux industries ne peuvent
plus se nuire l’une à l’autre. Ainsi, quand il serait vrai que ma proposition
placerait nos raffineurs dans une position désavantageuse à l’égard des
raffineurs hollandais, cette considération ne devrait pas nous arrêter ; mais
je demanderai à M. le ministre des finances pour quel motif il veut donner à
nos raffineurs un avantage de 8 à 9 p. c. sur les raffineurs hollandais ;
est-ce qu’il veut que nos raffineurs ruinent les raffineurs hollandais ? Je
pense encore une fois qu’ils ne peuvent leur faire aucun, par la raison que
j’ai donnée tout à l’heure.
Il est reconnu, messieurs, que
le rendement tel qu’il est calculé dans la loi hollandaise est insuffisant,
qu’il réduit à rien les recettes du trésor ; il me semble donc que nous ne
pouvons pas établir un rendement moindre que le rendement qui existe en
Hollande, d’autant plus que dans ce pays les frais de productions sont plus
élevés qu’en Belgique, et que, par conséquent, les industriels belges sont dans
une position plus favorable que les industriels hollandais.
Je ne veux pas, messieurs, rentrer dans les
développements qui ont été donnés dans les séances précédentes, parce que nous
sommes encore trop voisins de cette discussion pour que les raisons qui ont été
produites soient perdues de vue, je terminerai donc par une considération par
laquelle j’ai commencé, c’est qu’on ne nous a pas dit un mot pour démontrer
qu’il y eût erreur dans les faits qui ont été énoncés, et que, les faits étant
les mêmes, je ne vois pas comment nous pourrions arriver à la conclusion que
propose M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je dois encore une fois vous prier de
ne pas perdre de vue que, lorsque, dans mon premier projet, j’ai demandé une
quotité qui pût fournir un million au trésor, je voulais laisser le rendement
tel qu’il était ; si je me contente en ce moment d’une quotité moindre, c’est que d’un autre côté je propose
d’augmenter le rendement ; ce qui, comme je l’ai fait voir tout à l’heure,
produira moyennement une diminution dans la restitution des droits, de 2 fr. 40
c. par 100 kil, indépendamment des diverses autres améliorations de détail qui
ont été introduites dans le projet.
On dit, messieurs, que les faits qui ont été prouvés
dans la dernière discussion n’ont pas changé, qu’ils sont restés les mêmes et
que par conséquent votre première résolution doit aussi rester la même. Je n’ai
contesté aucun des faits signalés par l’honorable M. Dubus ; sans doute, il
existe des abus, et il faut en sortir, mais progressivement et non pas d’une
manière brusque ; il ne faut pas s’exposer à détruire par une secousse trop
violente une industrie qui vit sous l’empire de la législation actuelle ; je ne
prétends pas toutefois que l’amendement de M. Dubus amènerait infailliblement
ce résultat ; mais d’après les apparences nous devons le craindre ; nous devons
penser, en effet, que si nous portons le rendement à 8 ou 9 plus haut qu’il
n’est en Hollande, nous assurerons aux raffineurs hollandais un avantage trop
considérable, sur les marchés étrangers, à l’égard de nos propres exportateurs,
car l’avantage qui résulterait, pour les raffineurs hollandais de l’amendement
de M. Dubus serait de plus de 5 fr. par 100 kilog. ; je le demande, messieurs,
cette différence ne peut-elle être considérée comme étant de nature à engager
beaucoup de nos raffineurs à quitter le pays pour aller vivre sous une autre
législation.
Je le répète, messieurs, tous nous sommes d’accord
qu’il y a des abus à détruire ; nous différons seulement sur les moyens à
employer pour les extirper convenablement. Je pense, moi, qu’il faut améliorer
graduellement, et non révoquer tout d’un coup, une législation qui est
vicieuse, surtout lorsqu’elle est déjà ancienne, parce que son abolition trop
brusque pourrait, en amenant les catastrophes, léser les intérêts généraux de
l’industrie et du commerce plus ou moins directement alimentés par les effets
de cette législation.
L’honorable M. Dubus, en signalant les abus de l’état
de choses existant quant aux sucres, a dit que si l’on donnait des primes
considérables à d’autres produits, au genièvre par exemple, il s’en exporterait
beaucoup, et que tout en activant la navigation, cela aurait même cet avantage
sur le sucre exotique, d’être directement favorable à l’agriculture.
Sans doute, messieurs, ce serait là un des résultats
d’une semblable mesure, mais ce résultat serait désastreux, parce qu’il serait
factice. Je suis ennemi des primes tout comme l’honorable M. Dubus ; aussi je
ne soutiens pas ici qu’il faut établir une prime ; il s’agit au contraire de
diminuer une prime existante ; il s’agit de sortir d’un état de choses que nous
n’avons pas créé, mais qui existe et auquel nous voulons remédier avec prudence
et modération. La comparaison que vient de faire M. Dubus n’est donc pas
applicable au cas qui nous occupe.
L’honorable préopinant a paru croire, messieurs, que
l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre donnerait aux raffineurs
belges un avantage de 8 ou 9 dans le rendement sur les raffineurs hollandais.
C’est là, une erreur, messieurs, j’ai démontré (et si la chambre le désirait je
lui rappellerais mes calculs), j’ai démontré, dis-je, que les avantages que nos
raffineurs pourraient trouver dans la différence du rendement seront largement
compensés par l’obligation que nous leur imposons de payer définitivement au
trésor 10 p. c. du droit d’entrée.
L’honorable M. Eloy de Burdinne a demandé, messieurs,
si au moyen de l’amendement que j’ai proposé le trésor pourrait faire face à
tous les besoins extraordinaires. Evidemment non ; le trésor ne pourra pas
faire face à tous ces besoins, pas plus qu’il ne l’aurait pu faire dans le
système qui a été présenté en premier lieu pas plus surtout qu’il ne l’aurait
pu faire si vous adoptiez le système qui avait été sanctionné au premier vote.
Nous n’avons jamais prétendu obtenir immédiatement trois ou quatre millions de
l’impôt des sucres ; nous n’avons jamais parlé que d’un million, et même au
budget des voies et moyens nous n’avons demandé que 880,000 francs. Or, j’ai
soutenu dans une occasion précédente, et je crois encore que la quotité du
dixième de toutes les prises en charge du sucre en 1838, ne produira pas
au-delà du chiffre que vient de rappeler l’honorable M. Dubus. Mais là ne se
borne pas toute la recette du trésor ; la partie du sucre qui, outre le dixième
et celui résultant de la marge qui restera encore dans le rendement, restera
dans la consommation intérieure, produira aussi quelque chose.
Messieurs, je dois insister pour la troisième fois sur
cette circonstance que nous ne faisons pas une loi destinée à avoir une durée
bien longue ; que nous voulons modifier un état de choses défavorable sans
doute, mais le modifier avec prudence. Les dispositions nouvelles que nous
proposons, ne sont donc que transitoires ; et si nous n’allons pas assez loin
avec ces dispositions, le préjudice qui en résultera ne semble pas être assez
grand, pour nous empêcher de tenir compte des graves considérations qui
militent conne le système opposé au nôtre.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, à la manière dont on traite la question
des sucreries exotiques, je crois me trouver plutôt dans une chambre indienne
que dans une chambre belge.
C’est ainsi que quand un de nos honorables collègues,
qui, dans toutes les circonstances, cherche à faire percevoir les impôts au
profit de l’Etat, vient de vous dire : « Mais, messieurs, est-ce pour les
sucreries de betterave que vous irez sacrifier les sucreries indiennes ?
» ; voilà à peu près les expressions dont cet honorable membre s’est servi
tout à l’heure. Ainsi, messieurs, si l’on suivait l’opinion de cet honorable
membre, il vaudrait beaucoup mieux les produits indiens que les produits
belges, Je suis, moi, d’un autre avis ; je crois qu’il faut commencer par
protéger les produits de notre sol, avant de songer à protéger les produits
étrangers.
M. le ministre des finances vous a dit tout à l’heure
qu’il ne pourrait pas se passer de centimes additionnels ; il veut donc encore
faire le sacrifice de 3 à 4 millions sur l’impôt du sucre, mais il compte bien
se rattraper sur les centimes additionnels à faire peser sur les contributions
foncière, personnelle et des patentes.
Je vous le demande, messieurs, le sucre n’est-il pas
une matière bien plus imposable que le sel, comme j’ai déjà eu l’honneur de le
faire remarquer plusieurs fois ; eh bien le sel rapporte annuellement près de 4
millions, et pour le sucre, on se contente de 7 à 800,000 fr. Mais, messieurs,
n’est-ce pas se moquer réellement de la nation belge, et lui dire : Vous
paierez un impôt, mais l’Etat ne le recevra pas ; il sera destiné à favoriser
les sucreries étrangères ?
Je vous l’avoue, messieurs, je désirerais que l’on
proposât un atermoiement à cette discussion, que l’on trouvât, outre un moyen
de favoriser le commerce de la navigation et nos sucreries, celui d’assurer au
trésor un impôt de 3 à 4 millions sur le sucre, comme l’Etat en perçoit un sur
le sel.
A propos de la navigation, je me rappelle que lors de
la discussion de la loi sur les céréales, on nous a dit : En adoptant cette
loi, vous allez détruire le commerce de la navigation ; les vaisseaux qui nous
apportent du grain s’en vont avec les produits de notre industrie ; nos navires
vont chercher des grains à Dantzick et dans les ports de la Russie, et notre
navigation vit de ce commerce.
Qu’est-il résulté de ces clameurs ? Que le commerce
n’a nullement souffert par suite de l’adoption de la loi sur les céréales.
Eh bien, aujourd’hui, l’on vous dit encore : Prenez-y
garde, n’entravez pas le commerce du sucre de l’Inde, car notre navigation
serait perdue. L’on fait les mêmes prédictions que celles que l’on a faites à
l’occasion de la loi sur les céréales.
Or, messieurs, il en sera des
modifications que l’on introduira dans la législation sur les sucres, comme de
celles que l’on a adoptées, en ce qui concerne les céréales : c’est-à-dire
qu’elles ne compromettront nullement l’intérêt de notre navigation ; car enfin
notre navigation pourra toujours, si elle le trouve convenable, aller chercher
aux Indes an moins autant de sucre qu’elle en a été chercher, par exemple, en
1837 ; car dans les dix premiers mois de cette année, elle est allé chercher
directement aux Indes 500 tonneaux.
M. le président.
- Voici un amendement de M. Demonceau :
« Je propose de modifier comme suit, la
proposition de M. Dubus, savoir :
« De fixer le rendement pour les sucres du litt.
A à 59 ; et pour les sucres du du litt. B à 64. »
M. Demonceau.
- Messieurs, je me félicite de voir le ministère reconnaître, que l’industrie
des sucres exotiques jouit d’une véritable prime. Je suis peiné que cette prime
ne puisse pas être ôtée. Mais depuis longtemps je suis convaincu qu’il y aurait
impossibilité de retirer cette prime à l’industrie de la raffinerie du sucre
exotique, sans compromettre gravement les intérêts de cette industrie ; je ne
veux ni protéger trop fortement l’industrie du sucre indigène, ni détruire
l’industrie du sucre exotique. Je veux protéger l’une et
l’autre, je veux ménager toutes les industries ; tels sont les principes que
j’ai toujours professés. Je fais ici, comme vous le voyez, du juste milieu,
comme je l’ai toujours fait dans les questions d’industrie. Je vois avec
satisfaction que le ministre des finances a entendu dans cette circonstance les
réclamations de l’industrie, j’espère que lorsqu’il s’agira de statuer
définitivement sur le sort de l’industrie du district de Verviers, dont j’ai
pris la défense avec le plus vif intérêt et pour de bien juste motifs, l’appui
de M. le ministre des finances, et même celui de nos honorables collègues de la
province d’Anvers, nous sera également acquis ; car l’industrie dont on
s’occupe dans mon district n’est pas une industrie factice ; c’est une
industrie manufacturière qui tient au sol, qui n’a pas besoin de prime et qui
ne demande qu’une protection raisonnable. Je bornerai là mes observations,
elles me paraissent suffisantes pour justifier mon amendement.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Messieurs, je demanderai d’abord à l’honorable M. Demonceau si, dans son
système, il maintient aussi les 10 p. c. fixes ? (Oui.) Dans ce cas, je dois déclarer que nous ne pouvons en aucune
manière admettre l’amendement de M. Demonceau, pas plus que celui de M. Dubus,
parce que d’après les lumières que la discussion nous a fournies et les
renseignements que nous avons reçus des industriels, nous avons acquis la
conviction qu’il serait infiniment dangereux d’adopter une semblable
proposition.
Et qu’on le remarque bien, ce n’est pas un mal qu’on
peut réparer que celui qu’on apporte à une industrie ou à un commerce existant.
Vous auriez beau rétablir l’ancienne législation, une fois que vous auriez
interrompu les rapports commerciaux, que vous auriez fait chômer nos
raffineries, on ne pourrait plus rétablir l’ordre de choses qui existe
actuellement. C’est donc là un grave motif pour procéder en cette circonstance
avec une grande circonspection.
Quand il s’est agi des distilleries, nous avons reconnu
que la première loi qui avait été portée à ce sujet rapportait trop peu au
trésor ; nous avons alors augmenté successivement l’impôt sur les distilleries.
Eh bien, ce que nous vous proposons en ce moment, c’est de procéder avec la
même circonspection à l’égard du commerce des sucres, à l’égard de l’industrie
des raffineurs.
S’il est reconnu par l’expérience d’une année ou de
deux années qu’un rendement plus fort soit possible, eh bien, nous serons les
premiers à réclamer votre concours, pour améliorer les recettes de l’Etat ;
mais dans ce moment nous vous demandons uniquement de procéder avec une grande
prudence. La faute que nous commettrions, en introduisant des changements trop
brusques dans la législation actuelle tournerait au détriment de la Belgique et
à l’avantage de la Hollande ; car il est bien certain que si le gouvernement
hollandais s’apercevait que, grâce à notre nouvelle législation, notre commerce
des sucres est anéanti, il se garderait bien de majorer le rendement. Si, au
contraire, le gouvernement hollandais voit que nous procédons avec
circonspection, il entrera dans la même voie, parce qu’il a besoin autant et
plus que nous de toutes ses ressources financières.
L’honorable
orateur qui a parlé le dernier a réclamé pour l’industrie drapière la même
indulgence que le gouvernement veut accorder aux sucres. Nous devons rappeler
qu’à l’égard de l’industrie drapière nous avons déjà accordé des compensations
et que ces compensations jointes à celles qu’on pourra encore accorder sur les
tissus de laine, seront plus avantageuses à l’industrie drapière que la
législation actuelle. Pour les sucres, au contraire, nous n’accordons aucune
compensation, tout ce que nous votons est une charge nouvelle pour cette
industrie ; il n’y a donc pas de comparaison à établir entre l’une et l’autre
industrie.
Précisément parce que nous avons eu égard à
l’industrie drapière, nous demandons à l’honorable préopinant d’avoir égard à
l’industrie des sucres.
M. Desmaisières. - Ainsi qu’il l’a fort bien démontré, M. le ministre des finances
n’est pas en contradiction avec lui-même. Je dirai que s’il l’était cela lui
ferait honneur de revenir sur une opinion primitive ; cela prouverait qu’il est
avant tout ministre belge, s’il abandonnait une opinion qu’on lui démontrerait
être contraire aux intérêts belges.
L’honorable M. Dubus a vu je ne sais où dans mon
rapport que j’aurais reconnu que l’augmentation du rendement en Hollande
n’aurait rien produit parce que les raffineurs avaient su augmenter leurs
exportations en proportion. Je n’ai rien dit de cela ; j’ai dit au contraire et
je répète que les exportations de la Hollande avaient diminué, que le ministre
des finances de Hollande avait annoncé aux états-généraux que trois raffineurs
avaient fait faillite. Ainsi cette industrie est loin d’avoir doublé
d’activité. Mais j’ai dit et je soutiens encore que lorsqu’une cause agit en
sens inverse de celui qu’on a voulu attendre, fait diminuer les recettes du
trésor au lieu de les faire augmenter, alors au lieu d’augmenter l’action de
cette cause il faut la diminuer ; c’est ici le cas. En Hollande, l’augmentation
du rendement a produit un déficit plus grand dans les recettes. Cela prouve que
là n’était pas la cause du mal et que la Hollande aurait bien fait de renoncer
à ce moyen.
Maintenant l’honorable M. Dubus a dit encore en
dénaturant mes paroles, car nous n’avons pas dit qu’on exportait vers le Levant
du sucre brut, nous avons dit qu’on exportait des sucres raffinés mais qu’on
était obligé de les piler. Je tiens en mains le détail d’un navire belge, cela
prouve que quand nous parlons de navigation, c’est bien de navigation belge,
quoiqu’on ait paru croire qu’il n’y avait pas de navigation belge. Je tiens le
manifeste des marchandises chargées à bord du navire belge l’Euphrasie expédié
le 6 septembre 1837. Au moyen de 50,000 kilog. de sucre raffiné on a exporté
une grande quantité d’autres produits du pays.
Maintenant je tiens ici une note qui me fait connaître
qu’on charge en ce moment un navire de commerce pour Constantinople et Odessa.
A l’aide du sucre raffiné, on va expédier dans ce pays sept mille fusils. Vous
voyez, c’est le sucre raffiné qui permet l’exportation de nos armes ; sans cela
elles n’iraient pas dans ce pays, il n’y aurait pas de quoi compléter le fret
des navires.
Messieurs, l’honorable M. Dubus, a dit encore que si
le sucre est un aliment de navigation, d’autres objets sont aussi des aliments
de navigation. Cela est vrai ; mais il est reconnu et il a été reconnu par la
chambre française et par le gouvernement français, par le gouvernement et le
parlement anglais, par la Hollande, que le sucre est l’aliment vital de toute
navigation, que sans le sucre il n’y a pas de navigation possible. Lisez les
discussions qui ont eu lieu dans les chambres françaises. J’ai communiqué le Moniteur français où elles se trouvent à
un honorable collègue, M. Dubus peut le demander, il y verra que M. Mauguin a
annoncé que l’Autriche qui, aujourd’hui, cherche à devenir une puissance
maritime, a abaissé dans ce but le droit sur le sucre exotique, et nous irions
entrer dans une voie contraire ; cela n’est pas possible.
M. Mast de Vries. - Tout amendement qu’on veut introduire pour établir
un rendement plus élevé qu’en Hollande, doit avoir le même but, c’est d’amener
un peu plus tôt ou un peu plus tard l’anéantissement de notre commerce. La
proposition que vient de faire M. Demonceau est de ce genre.
On a dit que le gouvernement hollandais aurait baissé
le taux du rendement, cela est vrai ; mais M. Desmaisières vient de vous
démontrer ce qui en était résulté pour l’industrie.
M. Donny.
- J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l’honorable M. Eloy de Burdinne,
au risque d’être considéré par lui comme un député de l’Inde.
L’honorable membre me semble dominé par une idée fixe
qui est complétement fausse, celle que l’amendement du ministre doit faire
perdre au trésor trois ou quatre millions de francs. Je me permettrai de dire à
M. Eloy de Burdinne que dans la discussion actuelle il ne peut être question
pour personne, pas même l’honorable membre, d’une perte de trois ou quatre
millions ; il ne s’agit en effet que d’un choix à faire entre la proposition du
ministre, celle de M. Demonceau et celle de M. Dubus. Au reste, M. Eloy de
Burdinne l’a si bien compris lui-même qu’il nous a dit vouloir voter pour
l’amendement de M. Dubus et rejeter celui du ministre. Or, il est certain que
ces amendements ne diffèrent pas de trois à quatre millions dans leurs
résultats. Ils ont d’abord cela de commun qu’ils rendent fixe
10 p. de l’impôt : sous ce rapport ils sont complétement les mêmes, et par
conséquent, si la partie fixe de l’amendement du ministre ne doit rapporter que
7 à 800 mille fr. la partie fixe de l’amendement de M. Dubus ne produira que la
même somme. Quant à la partie apurable ou éventuelle de l’impôt, la seule
différence qu’il y ait entre l’amendement du ministre et celui de M. Dubus,
équivaut à environ 6 fr. par 100 kil. de sucre raffiné exporté, puisque M. le
ministre propose de fixer la décharge à 46 fr. 80 c., tandis que M. Dubus vent
la réduire à 41 fr. seulement. Si on suppose, avec le ministre, une exportation
de 14 millions, ce sera beaucoup que d’admettre que ces 14 millions de kil. de
sucre brut pourront permettre d’exporter 7 millions de kil. de sucre raffiné.
Multipliés par ces 6 fr. de différence, ces 7 millions ne donnent que 420 mille
fr. Voilà donc à quoi se réduit la différence entre l’amendement que M. Eloy de
Burdinne adopte et celui qu’il repousse. Voilà en définitive, les 3 ou 4
millions qu’il prétend devoir être sacrifiés par l’amendement du ministre.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour un fait personnel.
L’honorable préopinant prétend que je suis en
contradiction avec moi-même, il prétend que le chiffre...
Plusieurs voix. - Ce n’est
pas là un fait personnel ! ce n’est pas un fait personnel !
M. Gendebien.
- Si j’étais tourmenté d’un désir immodéré de me faire des amis, de me faire le
plus grand nombre de partisans possible, surtout parmi ceux qui exercent une
certaine influence dans le monde politique, je sais bien quel en serait, dans
cette discussion, le moyen à la fois le plus sûr, le plus facile, et pour moi
le moins frayeux ; ce serait de soutenir les abus et de livrer le trésor public
à l’exploitation des puissants de ce qu’on appelle le haut commerce. Mais je
l’ai déjà dit dans d’autres circonstances, je puis me passer de ces sortes
d’amis. Je n’ai jamais cherché à me faire des amis qu’en méritant leur estime,
je n’ai jamais prétendu à l’estime qu’en accomplissant mes devoirs. Je vois ici
un devoir à remplir, puisqu’il y a un abus à attaquer ; on m’a toujours vu sur
la brèche lorsqu’il s’est agi de faire la guerre aux abus, on m’y verra de même
aujourd’hui ; j’ai toujours suivi droit ma ligne, je la suivrai encore
aujourd’hui sans m’occuper de savoir si je plairai ou déplairai à celui-ci
plutôt qu’à celui-là.
De quoi s’agit-il ? D’arrêter la dilapidation de 3 ou
4 millions, et à mon sens de 5 millions au moins.
Qu’allègue-t-on pour maintenir ce lucratif statu quo ?
Aujourd’hui on se borne à discuter la hauteur de la prime qu’on considère comme
indispensable, comme un droit acquis. Précédemment, c’était autre chose : on
s’offensait du mot de prime, on ne voulait, disait-on, que la simple et juste
restitution du droit. Mais je me bornerai au point actuellement en discussion.
On oppose que les raffineries se sont établies sous
l’empire d’une loi qui accordait une prime, c’est-à-dire qui leur donnait le
trésor à exploiter. C’est pour les raffineurs un droit acquis auquel il ne faut
toucher qu’avec de grands ménagements. Si le fait était vrai ce serait un abus
auquel il faudrait mettre promptement un terme ; mais il est inexact, il est
inexact de dire que les raffineries se sont établies comptant sur les
ressources du trésor ; car ce n’est que depuis 1836 qu’ils en sont arrivés à
déposséder entièrement le trésor des droits qui lui étaient acquis.
Jusqu’en 1836 l’impôt avait produit 12 à 15 cent mille
francs. Tout ce qu’on vous propose aujourd’hui ne tend même pas à faire
produire à beaucoup près, à l’impôt, ce qu’il produisait en 1835.
Ainsi je vous demande si ce n’est pas un véritable
scandale de venir parler de droits acquis, comme si l’on pouvait prescrire le
droit de spolier le trésor. On prétend avoir acquis un droit de dilapider les
deniers publics, et ce n’est qu’en 1836 que les raffineurs se sont mis en possession
du droit de spolier entièrement le trésor. Jusque-là ils s’étaient contentés
d’en prendre la plus forte part. Et sous quel prétexte prétend-on perpétuer ce
scandaleux abus ? Sous le prétexte de la nécessité d’encourager la navigation
et l’industrie des sucres, de ne pas les faire périr. Et sans doute chacun de
nous désire, comme les partisans du sucre exotique, encourager l’industrie, le
haut comme le petit commerce et la navigation ; mais toute la question est de
savoir s’il faut livrer aux différentes industries chaque branche du revenu
public qui y correspond ; la question est de savoir si pour le sucre
spécialement, il faut continuer pour l’avenir une législation qui a pour
résultat le plus clair de priver le trésor public de 4 ou 5 millions. Voilà la
question ; si vous la résolvez affirmativement pour les sucres, de quel droit
repousseriez-vous les autres industries ?
Il faut procéder doucement, dit-on ! Mais les
raffineurs de sucre ont-ils procédé doucement lorsqu’en 1836, franchissant
toutes les bornes et non contents d’un lucre usuraire, ils nous ont enlevé de
12 cent mille à 15 cent mille francs d’une rafle ? Et maintenant il nous faut
mettre des mitaines au fisc, pour éviter de faire sentir ses griffes aux
fraudeurs ; il nous faut aller bien doucement, prendre bien garde d’effrayer
MM. les raffineurs, lorsqu’il s’agit simplement de leur rendre la position où
ils étaient en 1835, et qui est bien loin de celle où il faudrait les
contraindre de s’arrêter pour rester dans la loi.
Mais, messieurs, avec les encouragements que
prétendent conserver les raffineurs, toutes les branches d’industrie seraient
protégées ! Voulez-vous encourager, multiplier à tout prix la navigation ? Eh
bien, donnez une prime de 2 millions pour le transport des pierres brutes de
Tournay, par exemple ; faites chercher, au loin, des pierres, du sable, de la
terre, accordez des primes pour le retour et vous arriverez aux mêmes
résultats, avec cette différence que vous centuplerez les transports et la
navigation et que cela vous coûtera deux millions de moins. Il y aurait donc à
cette opération des plus simples, 50 p. c. à gagner pour les contribuables.
Avec les raisons alléguées par les partisans de la
prime qui, soit dit par parenthèse, sont ceux qui crient le plus fort dès qu’on
parle de droits protecteurs en faveur de toute autre industrie, le trésor
serait bientôt à vide.
Nous verrons lorsqu’il s’agira de l’impôt sur le sel,
lorsqu’il s’agira de protéger le malheureux qui a besoin d’un peu de sel pour
rendre mangeables des pommes de terre, son seul aliment, nous verrons s’ils
proposeront une diminution sur cet impôt ? Cependant cette diminution
augmenterait beaucoup la consommation et pourrait doubler les transports et la
navigation.
Mais on se gardera bien de proposer une diminution,
Qui en profiteraient en effet ? De malheureux prolétaires ; gens qui ne sont
pas puissants, qui n’ont pas leurs entrées auprès du gouvernement, auprès du
ministère, qui ne peuvent pas exercer cette influence salutaire dont a parlé
tout à l’heure M. le ministre des finances. Le produit de l’impôt du sel
augmenterait, il serait doublé peut-être, si l’on diminuait cet impôt de
moitié, en abolissant les restitutions qui profitent encore aux puissants !
N’importe on n’y touchera pas, parce qu’il s’agit d’hommes qui n’ont aucune
influence dans le monde politique et dont, par conséquent, se soucient fort peu
certaines gens qui ne tiennent compte que de la haute estime et des cajoleries
d’hommes puissants. Voilà ce qui arrivera pour les sels, et on ne manquera pas
de nous dire encore qu’on n’est pas en contradiction avec les précédents.
Mais il est un produit que nous pouvions facilement
imposer, sans molester personne ; le sucre, matière essentiellement imposable ;
on ne l’impose pas, au profit du trésor au moins. Au profit de qui sera ce
dégrèvement ? Sera-ce au profit de ceux qui paient l’impôt sur le sel ? Non ;
ce sera au profit de quelques hommes puissants. Que répondrez-vous, si ceux qui
n’ont pas leurs entrées ni au ministère ni près du gouvernement viennent un
jour demander compte, à la chambre, de son vote, et dire : Le sucre pouvait
rapporter 4 millions, et remplacer l’impôt sur le sel ; vous avez préféré
sacrifier 4 millions au profit de quelques hommes puissants plutôt que de
diminuer l’impôt sur le sel qui pèse sur les malheureux. Est-ce là de la
justice ? Faut-il donc que nous nous fassions puissants aussi, nous, pour
obtenir justice ?
Prenez garde, messieurs, il y a chez le peuple une
grande propension à se faire puissant ; prenez garde de lui faire croire à la
nécessité de faire entendre sa voix en lui portant préjudice dans ses premiers
objets de consommation et en l’autorisant à croire que ces sacrifices lui sont
imposés au profit de puissants.
M. Rogier.
- Et les houilles ?
M. Gendebien.
- Oui, les houilles ? Que fait-on pour les houilles ? Que fait-on pour les
mettre à la portée du peuple ? Dans de grandes villes, on impose les houilles
d’un droit à peu près égal à la valeur. Qui souffre de cela ? Le prolétaire.
Que fait le gouvernement pour le soustraire à cet impôt exorbitant ? Rien. Mais
s’il s’agit d’imposer quelques charges municipales sur les puissants, le
ministère s’y oppose.
Quand la province du Hainaut vient vous dire : Vous
nous imposez des droits de navigation trop forts, vous les augmentez d’une
prime d’amortissement, vous tolérez tous les genres d’abus qui augmentent les
prix de la houille ; vous n’en tenez compte ; quand elle vous dit : Vous
frappez les houilles d’un droit de barrières énorme, de telle manière qu’après
avoir payé les frais d’entretien, vous faites peser sur les houilles le poids
d’une contribution de 5 à 600,000 francs au profit des autres provinces, et
notamment de la province d’Anvers. Que répond-on aux exploitants de houilles ?
On dit que c’est le consommateur qui paie ! Mais le consommateur c’est le
pauvre, sur lequel vous faites semblant de vous apitoyer. Diminuez donc les
droits barrière, les droits de navigation, les abus de toute espèce vous aurez
alors les houilles à bon marché. Mais pour la houille comme pour le sel, on ne
fera rien.
On crie parce que certaines gens du haut commerce ont
intérêt à crier pour donner le change, et pour étourdir le public sur d’autres
points plus importants pour eux, les sucres par exemple ; c’est ainsi que
maintenant on parle de la houille, uniquement pour détourner l’attention. Car
on sait parfaitement bien qu’une baisse de 25 p.c. qui absorberait tous les
bénéfices, qui même constituerait les exploitants de houillères en perte de 15
p. c., ne ferait une diminution à Bruxelles, Gand et Anvers que de 1 fr. 50 c.
à 1 fr. 25 c. les 1,000 kil. Je vous demande si c’est là un allégement, et si
ce n’est pas ailleurs qu’il faut le chercher, si on veut sincèrement s’occuper
des bouilles, dans l’intérêt du peuple.
Je demande pardon à la chambre de cette digression qui
n’est pas mon fait ; je n’ai fait que répondre à une interruption.
Messieurs, on vous a dit qu’il faut bien prendre garde
d’augmenter le rendement, de faire rentrer une somme quelconque au trésor, en
imposant les sucres, parce que vous avez à craindre la concurrence de la
Hollande. Mais je crois que l’Angleterre a plus d’intérêt que la Hollande, et
par conséquent beaucoup plus d’intérêt que nous à favoriser le raffinage, le
commerce et l’exportation du sucre. Cependant, ouvrez les statistiques, et vous
verrez que les trois quarts à peu près, moins une fraction, soit les deux tiers
des droits payés à l’entrée, sont acquis au trésor. En France, les deux tiers à
peu près rentrent au trésor ; cependant, la France et l’Angleterre ont des
colonies à favoriser, et en favorisant le sucre exotique, elles favorisent à la
fois leurs colonies, leur marine militaire et marchande, et les raffineries de
sucres exotiques. Malgré cela, il rentre au trésor, en France, à peu près les
deux tiers des droits, en Angleterre, un peu plus des deux tiers et un peu
moins des trois quarts. En Belgique, il ne rentre rien au trésor ! Et l’on
voudrait rester dans cette position qu’on appelle le statu quo, un droit acquis
! Veuillez remarquer, messieurs, qu’en Hollande le haut commerce se sert
précisément du même prétexte qu’en Belgique pour perpétuer l’abus existant. On
y dit : Prenez garde, si vous augmentez le rendement, la Belgique, qui s’est
déjà emparée d’une partie de votre commerce, va l’absorber entièrement.
Cependant, comme je le disais encore il y a deux
jours, la Hollande a augmenté le rendement, et l’a porté à 61 et 64. Et le jour
où nous porterons notre rendement au taux qu’a proposé M. Dubus, il y aura en
Hollande augmentation de rendement dans la même proportion. Au surplus, si le
haut commerce hollandais opprime le peuple hollandais, pourquoi
souffririons-nous que le haut commerce belge opprimât le peuple belge ? Le haut
commerce de la Hollande peut au moins s’étayer sur d’anciens services rendus au
pays, sur la nécessité des moyens de communication qu’il procure entre
d’importantes colonies et la métropole. Il y a en Hollande double nécessité d’encourager
la navigation : pour les colonies et pour la marine militaire qui se recrute
dans la marine marchande : toutes choses que nous n’avons pas en Belgique.
Cependant quels que soient les services que rende le
haut commerce à la Hollande, on n’en a pas moins augmenté le rendement des
sucres de 55 à 61 et 64 ; et en Belgique on hésite à suivre cet exemple.
On a cherché à atténuer cette observation et à
justifier le chiffre proposé par le ministre, de 57.
Que dit-on pour prouver que le chiffre 57 de rendement
en Belgique arrive au même point que 61 de rendement en Hollande ? On vous dit
qu’il y a l’avantage d’une prime de 8 p. c. sur les sucres que la Hollande tire
de ses colonies ; prime qui n’existe pas en Belgique. Mais on sait que les
sucres des colonies hollandaises rendent moins que les sucres de la Havane que
nous raffinons pour l’exportation ; et, sous ce rapport, nous avons un avantage
considérable sur les sucres hollandais, un avantage qui compense bien au-delà
la prime de 8 p. c. Que l’on cesse donc de vous représenter notre industrie
comme moins bien traitée qu’en Hollande.
Le ministre a dit que les raffineurs belges auraient 5
fr. par 100 kilogrammes de défaveur sur les sucres hollandais ; je voudrais
qu’il le prouvât, et je crois pouvoir l’en défier ; car ici on procède toujours
par allégation d’un côté, et on ne répond pas aux démonstrations données de
l’autre, ce qui est fort commode ; et après une discussion qui a duré dix
jours, on jette à l’improviste un amendement à la fin de la discussion, au
moment de voter ; on se met en contradiction avec soi-même, avec toutes les
démonstrations qu’on a établies laborieusement pendant dix jours.
Quant à moi, qui ai l’habitude
de ne pas tourner le dos à une conviction acquise, j’ai acquis la conviction que
l’amendement de M. Dubus est en-dessous du rendement réel ; que c’était celui
de M. Dumortier qu’il fallait adopter, parce qu’il met nos raffineurs sur le
même pied que les raffineurs français, bien que les raffineurs de Belgique
aient moins droit à des faveurs que ceux de France qui opèrent sur des sucres
moins productifs. Cependant comme M. Dubus a pris un mezzo termine, pour
procéder sans choc, qu’il s’est placé beaucoup en dessous de ce qui a lieu en
France pour les sucres de ses propres colonies ; je m’y suis rallié et je ne
puis comprendre comment, après avoir obtenu une immense majorité au premier
vote, il pourrait échouer au second.
J’aurais bien d’autres choses à dire ; mais ma
poitrine me force à m’en tenir là ; je voterai l’amendement de M. Dubus et
repousserai tous les autres.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable orateur, en commençant son discours, a
semblé dire que ceux qui voulaient procéder avec modération et qui ne voulaient
pas de l’amendement de M. Dubus, cherchaient à se faire des amis.
Messieurs, je ne sais si dans cette matière il serait
possible de se faire des amis sans se faire des ennemis ; car il y a deux
intérêts en présence : d’un côté, comme l’a dit, je crois, M. Seron, se trouve
la betterave et de l’autre la canne ; voilà la situation telle qu’elle est.
Je ne dis pas que M. Gendebien veut protéger la
betterave, je veux dire que s’il croit que nous voulons nous faire des amis
sans mécontenter personne, il est complétement dans l’erreur.
Si nous nous refusions à changer la législation
existante, je concevrais qu’on nous attaquât ; car vouloir maintenir
intégralement et à tout prix les abus, mériterait de votre part la plus vive
opposition.
Mais il ne s’agit pas de cela. Nous voulons corriger
les vices de la législation qui nous régit en ce qui concerne les sucres, et il
n’y a de divergence entre nos adversaires et nous, que parce que nous voulons
procéder avec prudence et avec modération, tandis qu’ils préfèrent, eux,
trancher tout d’un coup ; or, nous, nous avons donné des raisons pour justifier
notre opinion.
M. Gendebien dit qu’en adoptant l’amendement de M.
Dubus il n’y aurait pas pour les raffineries la défaveur qu’on a alléguée ;
pour répondre à cette objection, il suffit de comparer 65 à 70 rendements
exprimés par cet amendement avec 61 et 64 rendement admis par la loi en
Hollande.
L’honorable membre a répété qu’avec des avantages
semblables à ceux qu’ont les raffineries de sucres exotiques, on pourrait
protéger l’exportation de toutes sortes de matériaux, des pierres, du sable
même et activer ainsi la navigation. Mais, messieurs, encore une fois, il ne
s’agit pas de maintenir, encore moins d’augmenter les faveurs pour les sucres
exotiques, il s’agit de les restreindre ; ainsi, tous les raisonnements qu’on
nous oppose à cet égard ne sont pas applicables.
On nous attend, dit-on, à la discussion de la future
loi sur le sel, pour savoir si alors nous voudrons des réductions sur cet impôt
que supporte le pauvre : d’abord je dirai que le riche paie aussi l’impôt du
sel ; il est vrai que la consommation étant à peu près la même pour tout le
monde, la charge est relativement plus supportable par celui qui a le plus
d’aisance. Quoi qu’il en soit, peut-on dire que l’impôt du sel soit accablant ?
II n’existe pas de pays où il soit aussi bas qu’en Belgique : le droit y
revient à moins d’un franc par tête ; en France et en Prusse ce droit s’élève à
plus d’un franc et demi par tête ; et l’aisance du bas peuple y est beaucoup
moins grande que dans notre pays.
L’orateur auquel je réponds, voudrait présenter la
Belgique comme un pays de pauvres, de malheureux, accablés sous le poids des
impôts. Ce tableau n’est pas exact ; et ceux que vous appelez pauvres ne
s’aperçoivent pas eux-mêmes qu’ils paient l’impôt sur le sel.
M. Gendebien.
- Que rapporte au trésor le sucre par tête ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous tâcherons de faire rapporter quelque chose au
trésor par l’impôt sur le sucre, mais progressivement et en usant à cet égard
de la circonspection que conseillent les intérêts bien entendus du pays.
Messieurs, on nous peint le gouvernement comme
n’écoutant que les réclamations de l’homme riche, de l’homme puissant, et comme
sourd aux plaintes du pauvre ; je crois qu’à cet égard on est tout à fait
injuste envers nous, car il n’y a pas de pays où le gouvernement soit aussi
abordable qu’en Belgique, et qui fasse aussi promptement droit aux réclamations
fondées, n’importe d’où elles émanent. A ce propos, je m’élèverai contre les
catégories qu’on veut faire dans la nation ; aux yeux de la loi elles sont
interdites ; les riches ont droit comme les pauvres à une égale protection de
la représentation nationale.
Mais que seraient les pauvres
s’il n’y avait pas à côté d’eux des riches ? On a laissé, il est vrai,
sous-entendre le nivellement des fortunes, mais heureusement ces idées ne sont
plus de nos jours et nous n’avons pas à craindre les calamités qui en seraient
la réalisation des calamites qui seraient bien autres que celles, d’ailleurs
imaginaires, qu’on nous dépeint. La Belgique, messieurs, est loin de cette
position dont on parle ; il y a de l’aisance généralement dans le pays, et les
impôts sont répartis d’une manière juste et excessivement modérée sur toutes
les classes de la société. N’oubliez pas, messieurs, que depuis 1830,
différentes contributions qui atteignaient plus particulièrement les classes
les moins aisées, ont été abaissées ou améliorées.
M. Eloy de Burdinne. - Et cependant le cultivateur boit de l’eau.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Les ouvriers touchent partout des salaires très
élevés, il est reconnu par tout le monde que les journées de manœuvres en
Belgique sont augmentées au moins de moitié depuis deux ou trois ans ; ce n’est
pas là un indice de gêne pour le pays.
M. Gendebien
(pour un fait personnel). - A entendre le ministre des finances j’aurais voulu
faire des catégories des pauvres et des riches, afin de frapper les riches, de
niveler les fortunes. Je n’ai rien dit qui put autoriser de pareilles
insinuations contre lesquelles je proteste.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’en appelle à la chambre !
M. Gendebien.
- Vous en appellerez à qui vous voudrez. Je ne veux frapper personne ; je n’ai
jamais demandé que justice pour tous, et protection pour le faible,
Il est fort commode, pour donner le change, d’évoquer
certaines théories pour effrayer certains hommes, dans le but, non de protéger
les riches, mais d’obtenir une concession ou de maintenir sa coterie au
pouvoir ; toutes ces manœuvres sont fort usées. Je ne parle pas
précisément de ce qui se fait actuellement en Belgique, mais de ce que l’on a
tenté en France, et des essais qu’on a faits il y a quelques années chez nous.
Je proteste contre toutes ces insinuations, toutes ces manœuvres.
Il ne s’agit pas non plus d’un appel au peuple ;
je proteste également contre cette insinuation.
Je dis une chose fort simple. L’on peut en tirer
toutes les conséquences que l’on veut, mais toutes les fois que les
conséquences que l’on tirera de mes paroles ne seront pas logiques, je
protesterai. J’ai dit une chose vraie, et que M. le ministre a confirmée
lui-même en me répondant : j’ai dit que lorsqu’on impose le sel qui est
une matière première, indispensable au peuple, il serait souverainement
déraisonnable, dangereux même, de ne pas imposer le sucre, qui est un objet de
luxe. M. le ministre a dit que l’impôt sur le sel ne représente qu’un franc par
tête, et j’ai fait remarquer que l’impôt sur le sucre représente zéro ;
cela est-il juste ? J’ai dit, messieurs, que l’impôt sur le sel pèse d’une
manière accablante sur le pauvre et qu’il épargne le riche. N’ai-je pas eu
raison ? Puisque d’une part le riche a cent fois mieux le moyen de payer
que le pauvre, et que, d’un autre côté, le pauvre consomme beaucoup plus de sel
que le riche, le pauvre n’ayant pas d’autre assaisonnement, tandis que le riche
a mille espèces de moyens pour aiguiser ses appétits. L’impôt n’est-il pas
accablant par sa double inégalité ?
Je ne rentrerai pas dans la
discussion, ayant seulement demandé la parole pour protester contre les
insinuations du ministre.
Plusieurs membres.
- La clôture !
M. Lardinois. - Nous ne devons pas nous dissimuler, messieurs, que
la question qui nous occupe est extrêmement importante. Cependant personne n’a,
pour ainsi dire, encore parlé de l’amendement de M. le ministre des
finances ; je voudrais combattre cet amendement et présenter quelques
observations relativement aux 10 p. c. qu’il s’agit d’assurer définitivement au
trésor. D’un autre côté, nous n’avons pas encore entendu les honorables députés
d’Anvers ; l’honorable M. Rogier a demandé la parole, je pense qu’il
conviendrait de l’entendre.
Je demande donc que la discussion ne soit close que
quand un ou deux orateurs auront encore parlé.
M. Dubus (aîné). - Je désire savoir, messieurs, sur quel point il s’agit de clore la
discussion ; ce ne pourrait jamais être sur la totalité de l’article
premier, car d’honorable députés ont annoncé l’intention de revenir sur la
première phrase de cet article. Je ne sais pas s’ils renoncent aux observations
qu’ils voulaient faire à cet égard.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il s’agit de clore la discussion seulement sur ce
qui concerne le rendement et les 10 p. c., deux questions qui se lient
nécessairement. Il y a un autre point sur lequel on ne peut pas clore en ce
moment, c’est la question de rétroactivité à l’égard de laquelle je désire
m’expliquer moi-même.
- La clôture est prononcée.
La chambre consultée sur la priorité entre les
diverses propositions, décide qu’elle votera d’abord sur la question de savoir
si un dixième du droit d’entrée sera définitivement acquis au trésor.
Cette question mise aux voix, est résolue
affirmativement.
La disposition adoptée au premier vote relativement au
chiffre du rendement est ensuite mise aux voix par appel nominal ; en
voici le résultat :
76 membres prennent part au vote ;
3 s’abstiennent ;
24 adoptent ;
52 rejettent.
En conséquence, cette disposition n’est pas adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Berger, Brabant,
Corneli, David, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse,
d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne, Gendebien,
Heptia, Jadot, Lecreps, Mercier, Metz, Pirmez, Raymaeckers, Simons, Trentesaux,
Troye et Vandenbossche.
Ont voté le rejet : MM. Andries,
Bekaert-Baeckelandt, Coghen, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher,
de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne,
de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux,
d’Huart, Donny, B. Dubus, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts,
Manilius, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Ullens,
Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Wallaert,
Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
MM. Demonceau, Desmet et
Lardinois se sont abstenus.
M. le président.
- Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de
leur abstention.
M. Demonceau.
- Messieurs, je me suis abstenu parce que j’ai présenté un amendement et que
j’ai l’espoir de le faire adopter.
M. Desmet. - Je voulais conserver en entier le drawback pour
l’exportation des sucres raffinés. Si l’amendement du ministre n’avait pas été
adopté, je votais l’amendement de l’honorable M. Dubus ; car j’avais la
conviction qu’avec cet amendement on n’enlevait pas le drawback à l’exportation
des sucres raffinés, mais qu’on introduisait dans la législation actuelle une
modification nécessaire pour arrêter les nombreux moyens de fraude et fermer
une voie inique, qui, aux dépens au trésor, étaient ouverte aux négociants pour
exporter avec prime du sucre brut en Allemagne, et aux raffineurs, pour
réintroduire frauduleusement en Belgique les sucres qui y avaient été raffinés
et qui n’avaient franchi nos frontières que pour profiter de la prime de
sortie.
Mais comme l’amendement du ministre ôte nécessairement
une part au drawback et que je ne doute pas que cette mesure fera plus de tort
aux raffineurs belges que l’amendement de M. Dubus, je ne veux pas aggraver
leur position en haussant le taux du rendement légal.
M. Lardinois.
- Je me suis abstenu, parce que, dans tous les cas, les 10 p. c. sont
insuffisants pour assurer les intérêts du trésor. D’un autre côté, je trouve
qu’avec ces 10 p. c. la proposition de M. Dubus, qui élève le rendement à 70 p.
c. va trop loin.
_________________
M. le président.
- Il reste à statuer sur la proposition de M. Lardinois.
M. Lardinois.
- Je la retire.
________________
M. le président.
- Nous allons maintenant statuer sur l’amendement de M. Demonceau qui propose
un rendement de 59 pour le sucre de la catégorie A, et un rendement de 65 pour
la catégorie B.
Plusieurs membres.
- L’appel nominal ! l’appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
78 membres sont présents.
32 répondent oui.
46 répondent non.
En conséquence, l’amendement de M. Demonceau n’est pas
adopté.
Ont répondu oui : MM. Berger, Brabant, Corneli,
Dechamps, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Puydt, Dequesne, de
Renesse, de Sécus, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne,
Gendebien, Heptia, Jadot, Lardinois, Lecreps, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Pirmez,
Raymaeckers, Simons, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Volxem et Wallaert.
Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert, Coghen,
de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de
Mérode, de Nef, de Perceval, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de
Theux, Devaux, d’Huart, Donny, B. Dubus, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn,
Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Nothomb, Polfvliet,
A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Thienpont, Ullens, Vandenhove,
Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
_________________
M. le président.
- Maintenant, je vais mettre aux voix les chiffres proposés par M. le ministre
des finances, savoir :
46 fr. 85 c. pour les sucres de la catégorie A ;
44 fr. 50 c. pour les sucres de la catégorie B ;
Ces deux chiffres sont adoptés.
M. le président.
- Il reste actuellement à fixer les points de détail. A cet effet, je vais
relire les divers articles.
« Art. 1er. Les reliquats de comptes ouverts et
les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés par
décharge à l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises
en charge, résultant soit d’importations directes soit de sorties d’entrepôt
livre, public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de
chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes
auront été spécialement transcrits. »
M. Verdussen. - Déjà deux fois j’ai expliqué en quoi consistait,
selon moi, la rétroactivité dans la disposition dont il s’agit. Je désire que
la chambre se rappelle ce que j’ai eu l’honneur de lui dire. J’ai démontré qu’il
y avait droit acquis pour les raffineurs d’exporter autant de sucres raffinés
qu’il fallait pour opérer la liquidation des prises en charge. C’est comme si
un particulier qui aurait prêté de l’argent en acceptant un remboursement de
plusieurs manières exigeait ensuite que son débiteur se libérât d’une seule
manière. Le raffineur a contracté vis-à-vis de l’Etat une dette, le
gouvernement a consenti à ce qu’il se libérât de trois manières, par la
transcription, le paiement comptant et l’exportation du sucre raffiné.
Maintenant, après qu’il a en partie satisfait à son engagement, il faut que,
pour la totalité, les conditions du contrat soient remplies. Je pense qu’il y a
loyauté à maintenir les conditions imposées lorsque la dette a été contractée
par le raffineur vis-à-vis du gouvernement.
M. Dumortier.
- Je suis opposé autant que qui que ce soit à toute espèce de rétroactivité
dans les lois. Les lois rétroactives sont toujours de véritables fléaux dans la
société, mais la question n’est pas là : la question est de savoir s’il y
a ou non rétroactivité. Il me semble qu’il sera facile de démontrer que
l’argumentation n’est pas mieux fondée sur ce point que sur celle qu’on a fait
valoir en faveur d’une industrie qui enlève quatre millions au trésor.
Je vais prouver par un exemple, qu’il n’y a pas même
apparence de rétroactivité. S’il y avait rétroactivité quand la loi modifie un
impôt, la rétroactivité existerait dans tous les cas de la modification de cet
impôt. Qu’avez-vous fait dans la loi sur
les distilleries, vous avez amélioré la condition de ceux qui exportaient des
spiritueux. Personne est-il venu soutenir qu’il y avait rétroactivité, que les
marchandises en entrepôt fictif ou prises en charge ne devraient être
réexportées qu’au taux de l’ancienne loi.
Cette idée n’est venue à personne, parce que les
partisans de la loi sentaient l’avantage qui allait en résulter pour les
distillateurs ; le ministre et nous qui combattions ce projet, nous
sentions la justice de la position. Quand on n’a pas trouvé de rétroactivité
lorsqu’il s’agissait d’améliorer la position des négociants aux dépens du
trésor, on ne peut pas en trouver non plus quand il s’agit d’améliorer la
position du trésor. Il n’y aurait que dans le cas où la marchandise serait
déclarée en consommation ; alors il y aurait rétroactivité à la soumettre
à une aggravation de droits. Mais quelle est la position des marchandises
prises en chargé ? Aussi longtemps qu’une marchandise est prise en charge,
elle peut, au gré du possesseur, être déclarée soit en consommation, soit en
exportation.
La marchandise est comme si elle était en entrepôt.
Vous faites une loi de douane, viendra-t-il dans l’esprit de personne de
prétendre que les marchandises entreposées devront payer le droit d’après
l’ancienne loi. Jamais personne ne prétendra cela. Eh bien, il n’y a aucune
différence entre l’entrepôt et la prise en charge, sinon qu’on laisse au
négociant la faculté d’avoir l’entrepôt dans ses magasins. La question est
identiquement la même. Au reste, les négociants pourront déclarer en
consommation et acquitter les droits avant la promulgation de la loi.
Il n’y aura pas de
rétroactivité. Si vous admettez la proposition de m. Verdussen, vous ne
recevrez rien pour l’année prochaine. Comme il se trouve pour beaucoup de
millions de prise en charge, manifestement vous ne percevriez pas les droits
que vous avez le droit d’attendre ; et si un jour vous venez à supprimer
la disposition actuelle et à rétablir les dispositions aujourd’hui en vigueur,
on ne viendra pas prétendre qu’il y a rétroactivité. Il faut que les choses
soient les mêmes pour tout le monde. Il faut être juste envers le trésor comme
envers les particuliers.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense que l’article premier, tel qu’il est
rédigé, n’offre pas toutes les garanties nécessaires pour la perception du
droit. Il porte : « Les reliquats de comptes ouverts et les comptes à
ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront, etc. »
Cette disposition ne sera
valable que du jour où la loi sera exécutoire ; d’ici là on pourra
absorber tous ces reliquats et ceux de comptes nouveaux qui seraient ouverts.
Je pense qu’il y a un moyen d’être minutieusement juste et de prendre les
garanties nécessaires contre les abus. Je vais le proposer, et j’espère qu’il
ne sera contesté par personne, c’est, au lieu de dire : « Les
reliquats de comptes ouverts, », ce qui concerne le passé, nous
dirions : « Les comptes ouverts ou à ouvrir à partir du 30 décembre
1837 à midi pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés, etc. »
De cette manière, nous serions certains qu’on ne
frustrera pas le trésor pour l’avenir et qu’on ne pourra pas reprocher à notre
loi la plus légère apparence de rétroactivité.
J’ai lieu de croire que le préjudice ne sera pas très
notable pour le trésor. A l’heure actuelle, les prises en charge ne sont pas
tellement fortes que leur apurement entier par l’exportation fasse perdre le
dixième d’une somme très importante.
M. Dumortier. - Je crois que M. le ministre propose d’insérer dans
la loi une mesure rétractive, car la promulgation ne pourra avoir lieu que dans
le courant du mois de janvier. La loi contiendra ce qu’on appelle une mesure
agissant sur le passé ; ce serait une loi rétroactive. S’il y a injustice
à adopter une disposition rétroactive, vous ne pouvez pas admettre celle que
propose M. le ministre ; si, au contraire, la rétroactivité ne vous
effraie pas, il vaut mieux laisser l’article tel qu’il est formulé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La loi actuelle ne doit pas être considérée d’une
manière aussi générale que dans d’autres matières. C’est une loi dont la
discussion générale est connue de ceux qu’elle intéresse ; ils sauront aujourd’hui
qu’à partir du même jour les nouvelles prises en charge ne pourront être apuré
par exportation que jusqu’à concurrence du dixième ; c’est la question de
loyauté et de bonne foi qu’il faut ici envisager spécialement et non les règles
ordinaires du droit.
D’ailleurs, je n’ai pas admis que l’article proposé
eût un effet rétroactif.
Je suis même d’accord avec l’honorable M. Dumortier à
cet égard. Je pourrais prouver par des exemples nombreux de lois bursales, que
la législature a assujetti, dans des cas analogues, au nouveau régime, les
marchandises accisées qui se trouvaient dans le pays, sans avoir encore payé
l'impôt.
Je prierai M. Dumortier de faire attention que sa
proposition ne serait pas, exprimée comme il l’indique, suffisante, et qu’il
faudrait en tout cas dire : « Les reliquats de comptes ouverts au 31
décembre 1837 à midi, » parce que sans cela l’article premier n’ayant vie
que le jour où la loi serait promulguée il s’écoulerait d’ici là un temps
suffisant pour consommer bien des manœuvres frauduleuses, que l’honorable
membre a précisément en vue de prévenir.
- L’amendement proposé par M. le ministre des finances
est mis aux voix et adopté.
L’article premier est mis aux voix et adopté avec cet
amendement, dans les termes suivants :
« Art. 1er.
Les comptes ouverts à partir du 30 décembre 1837 à midi, et les comptes à
ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés par décharge à
l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises en charge,
résultant soit d’importations directes soit de sorties d’entrepôt livre,
public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de
chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes
auront été spécialement transcrits. »
Article 2
La chambre passe à la discussion de l’article 2 ainsi
conçu :
« Art. 2. La décharge pour l’exportation du sucre
est fixée en principal :
« A. A 41 fr. les cent kilog. de sucres raffinés
en pain, dit mélis, blancs, parfaitement épurés et durs, dont toutes les
parties sont adhérentes et non friables, et de sucres candis à larges cristaux,
clairs et reconnus secs.
« B. A 38 fr. les cent kilog. de sucres raffinés
en pains, dits lumps, blancs, sans teinte rougeâtre, durs, dont toutes les
parties sont adhérentes et non friables, et bien épurés.
« C. Au taux
respectivement établi aux paragraphes A et B, pour les sucres en pains, mélis
et lumps, concassés en morceaux ou pilés dans un magasin spécial de l’entrepôt
libre ou public du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent
les qualités indiquées auxdits paragraphes A et B.
« D. A 26-71 20/100 fr. (12 fl. 30 cents, à
raison de 2 fr. 12 c. par florin) par 100 kilog., de tous autres sucres
raffinés tels que sucres candis, dits manqués, à petits cristaux humides
revêtus de croûte, et sucres spongieux de teinte rougeâtre.
« La décharge des droits ne sera pas accordée
pour exportation de sucres bruts ou de sucres raffinés mélangés avec du sucre
brut. »
M. Dumortier. - Les sucres qui font l’objet du paragraphe D ont
plutôt une teinte jaunâtre que rougeâtre. Je pense donc qu’il convient
d’ajouter à la fin de ce paragraphe après le mot « rougeâtre » celui
de « jaunâtre ».
M. Coghen. - Le premier paragraphe de l’article en discussion offrira peut-être
des difficultés d’exécution. Il porte :
« La décharge pour l’exportation du sucre est
fixée en principal. »
Cette décharge est pour l’avenir. Mais pour les
comptes ouverts avant aujourd’hui à midi, de quelle manière permettra-t-on
l’exportation ? S’il est dans la pensée du gouvernement et dans la volonté
de la chambre que l’exportation ait lieu d’après la loi qui nous régit, mon
observation tombe. Mais si on veut appliquer la loi que nous discutons, vous
aurez le même inconvénient auquel vous avez obvié par l’amendement que vous
venez d’adopter à l’article premier, sur la proposition de M. le ministre des
finances.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Evidemment les
dispositions de l’article 2 ne doivent être appliquées qu’aux comptes ouverts
postérieurement au 30 décembre 1837. L’amendement que la chambre vient
d’admettre sur ma proposition à l’article premier me semble trancher la
question ; il ne peut pas y avoir de doute à cet égard.
M. Verdussen.
- On pourrait répéter votre amendent à
l’article 2.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui, on pourrait le répéter, mais je crois que
c’est inutile.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Dumortier,
tendant à ajouter le mot « jaunâtre », je suis loin de m’y opposer.
C’est une définition précise de plus et dont l’insertion dans la loi ne peut
qu’être utile.
M. Verdussen. - Je propose de rédiger ainsi l’article
premier :
« La décharge pur l’exportation du sucres, pour
les primes en charge postérieures au 30 décembre 1837 à midi, est fixée en
principal. »
M. Coghen.
- Je demande la division par paragraphes. Si on est d’accord sur le premier
paragraphe, qu’on passe au littera A, sur lequel j’aurai également une
observation à présenter.
M. de Jaegher.
- Je ne sais si j’ai bien compris la pensée de ce paragraphe. Mais il me semble
que l’amendement de l’honorable M. Verdussen introduit une rétroactivité, au
lieu de la détruire.
Dans ma pensée, l’avantage accordé aux raffineurs qui
ont actuellement des sucres en magasin, ou en entrepôt, serait l’exemption des
10 p. c. votée à l’article premier. En d’autres termes, les possesseurs de
quantités de sucres, admises en compte, ont un avantage d’un dixième du droit
sur ceux qui introduisent des sucres à dater d’aujourd’hui à midi.
Et il me semblait que cet avantage ne devait pas être
étendu jusqu’à la réexportation. Voilà une observation que je soumets au
ministre des finances ; car c’est ainsi que j’avais compris la portée de
cet article. La manière dont M. Verdussen l’interprète laisse un trop grand
avantage à ceux qui ont des sucres en magasin.
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Verdussen :
« La décharge pour l’exportation du sucre pour
les prises en charge postérieures au 30 décembre à midi, est fixée en
principal… » Le reste comme à l’article. Nous allons discuter cette partie
de l’article.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il y a deux dispositions dans la portée de
l’article que l’on considère comme rétroactive ; par la première il faut payer
le dixième du droit ; la seconde est relative à la diminution du droit de
décharge à l’exportation ; mais ces deux dispositions ne peuvent se
séparer ; et si la rétroactivité avait lieu pour le paiement du dixième,
elle aurait lieu aussi pour le remboursement d’un moindre droit à
l’exportation. Admettant la première, il fait donc admettre la seconde.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et
adopté.
________________
M. le président.
- Voici les autres paragraphes de l’article 2 :
« Art. 2. La décharge pour l’exportation du sucre est
fixée en principal :
« A. A 40 fr. 85 c. les cent kil. de sucres raffinés
en pains, dits métis, blancs, parfaitement épurés et durs, dont toutes les
parties sont adhérentes et non friables, et de sucres candis à larges cristaux,
clairs et reconnus secs.
« B. A 44 fr. 50c. les 100 kilog. de sucres
raffinés en pains, dits lumps, blancs, sans teinte rougeâtre, durs, dont toutes
les parties sont adhérentes et non friables, et bien épurés.
« C. Au taux respectivement
établi aux paragraphes A et B, pour les sucres en pains, mélis et lumps,
concassés en morceaux, ou pilés dans un magasin spécial de l’entrepôt libre ou
public du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent les qualités
indiquées auxdits paragraphes A et B.
« D. A 26 71 20/100 fr. (12 fl. 60 cents, à
raison de 2 fr. 12 c. par florin) par 100 kil. de tous autres sucres raffinés,
tels que sucres candis, dits manqués, à petits cristaux humides revêtus de
croûte, et sucres spongieux de teinte rougeâtre. »
« La décharge de droits ne sera pas accordée pour
exportation de sucres bruts ou de sucres raffinés, mélangés avec du sucre
brut. »
M. Coghen. - Je crains des embarras pour l’administration et pour le commerce si
on conserve l’expression de « larges cristaux » dans le paragraphe A
; je demanderai qu’elle soit remplacée par cette expression : « bien
cristallisés. » Il est impossible de déterminer précisément ce que veut
dire « larges cristaux, » tandis que l’on comprend sans équivoque ces
mots : « bien cristallisés. » Il est impossible aussi d’exporter
exclusivement des larges cristaux, parce que la raffinerie ne le comporte pas.
Quand on verse le sucre raffiné dans les vases coniques il s’y forme trois ou
quatre espèces de cristaux. Les candis ne sont faits que dans des caisses, et
il n’y a que la superficie du liquide qui présente de grands cristaux ; ce qui
est en-dessous ne présente que de petits cristaux. Ecrivez donc dans la loi :
« et de sucres candis bien cristallisés, clairs et reconnus secs. »
Cela suffira pour l’administration et pour le commerce, et cela offrira toutes
les garanties désirables.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, il
me paraît qu’il n’y a aucune espèce de danger à admettre la désignation de
« larges cristaux, » laquelle est adoptée dans le commerce ; c’est là
un terme dont l’usage a donné la définition précise. Nous ne voulons pas qu’on
élude la loi ; et au moyen de termes précis mais compris de tout le monde, on
peut se passer de ce jury dont j’avais parlé à la commission. Si nous
introduisons le moindre vague dans la rédaction, nous regretterions
probablement d’avoir renoncé au jury.
La loi ne sera pas exécutée d’une manière absurde ou
hostile à l’industrie et au commerce quand on présentera du sucre bien clair et
bien cristallisé, ce sera du sucre candi à larges cristaux pour
l’administration, comme pour le raffineur.
M. Hye-Hoys.
- On pourrait présenter du sucre candi qui ne serait pas à larges cristaux et
dont 1a qualité serait préférable à celle du sucre dont les cristaux seraient
plus larges.
M. Coghen.
- La manière dont M. le ministre des finances comprend l’expression de
« larges cristaux » et la manière dont il annonce que la loi sera
appliquée me rassure complétement, et je retire mon amendement. Mon intention
était de provoquer cette explication afin d’éviter des embarras au commerce et
à l’administration.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Ces
explications seront dans le Moniteur.
M. le président. - M.
Dumortier demande que l’on mette « jaunâtre » après le mot
« rougeâtre » dans les paragraphes B et D.
- La proposition de M. Dumortier est adoptée.
M. Coghen. - Je demanderai la suppression du mot
« morceaux » dans le paragraphe C. Ou y dit : « Concassés en
morceaux » ; mais n’est-ce pas là répéter deux fois la même chose, puisque
concassés signifie réduits en petites parties. Je crois que les mots
« concassés » et « pillés » suffisent dans la loi.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le mot « morceaux » me paraît tout à
fait inutile ; on peut le supprimer.
- Cette suppression est adoptée.
M. Verdussen.
- Le mot spongieux que l’on a fait disparaître des paragraphes A et B doit
disparaître aussi du paragraphe D.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’observation est exacte ; on doit supprimer ce
mot.
- La suppression du mot « spongieux » est
adoptée.
L’article 2, ainsi amendé, est adopté dans son
ensemble.
Articles 3 et 4
M. le président.
- Les articles 3 et 4 ne peuvent donner lieu à aucune discussion. Ils sont
ainsi conçus :
« Art. 3. La déduction pour déchet accordée pour les
sucres déposés à l’entrepôt fictif et montant :
« A. A un p. c. pour les sucres de la Havane.
« B. A 2 p. c. pour tous les autres sucres, est
supprimée. »
« Art. 4. La tare accordée pour le sucre importé
dans des caisses de la Havane est réduite à 14 p. c. du poids brut, et pour
celui importé dans d’aunes caisses à 16 p. c. ; sauf la vérification de la
tare, lorsqu’elle sera demandée par la partie intéressée. Les autres tares de
15 p. c. du poids brut pour les tonneaux, de 8 p. c. pour les emballages de
cuir, nattes, paniers, toiles et autres semblables, et de 10 p. c. pour les
canassers, sont maintenues. »
Articles 5 à 7
Voici l’article 5 :
« Art. 5. Le dépôt du sixième, pour garantie de
l’accise des sucres admis en entrepôt fictif, est porté au quart de la quantité
des sucres pris en charge.
« Il ne sera admis de sucre en entrepôt particulier
que sous la même garantie, ou moyennant un des autres cautionnements mentionnés
à l’article 268 de la loi générale du 26 août 1822, et à la condition
d’acquitter les droits sur les manquants qui pourraient y être constatés, sauf
la faculté réservée au gouvernement par l’article 97 de la même loi. »
Les autres amendements introduits dans la loi jusqu’à
l’article 8 non compris, sont ensuite définitivement adoptés.
Article 8
« Art. 8. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
M. Lardinois. - Messieurs, lorsque l’honorable ministre des
finances nous a proposé le nouveau système qui vient d’être adopté, il l’a
appuyé en disant que la loi ne serait que transitoire ; je proposerai donc
d’ajouter au dernier article ces mots :
« Et n’aura de durée que jusqu’au 31 décembre
1839. Elle sera révisée avant cette époque. »
Je motive cette proposition, messieurs, sur le motif
que dans mon opinion les modifications que nous avons introduites dans la
législation sur les sucres ne produiront rien pour le trésor, et que cependant
le sucre est une matière essentiellement imposable ; que nous devons imposer
non seulement le sucre exotique mais aussi le sucre de betterave. En révisant
la loi avant le 31 décembre 1839, nous pourrons prendre des mesures pour
imposer l’un et l’autre.
- L’amendement de M. Lardinois est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, l’amendement de l’honorable M.
Lardinois, qui ne rendrait la loi obligatoire que jusqu’au 31 décembre 1839,
mettrait le département des finances beaucoup plus à l’aise que si une pareille
disposition n’existait pas, car l’adoption de cet amendement nous donnerait
lieu de croire que la chambre n’entend réviser la loi que pour 1840, et nous
autoriserait à ne présenter que fort tard les modifications ultérieures que
l’honorable membre voudrait voir introduire bientôt dans la législation ; je
crois voir que cette proposition est contraire au but que se propose M.
Lardinois. Il a été suffisamment dit dans cette discussion que la loi n’est que
transitoire et qu’il faut rechercher les moyens de la généraliser davantage et
de l’améliorer ; il y a eu là un de ces avertissements dont nous aurons à tenir
compte.
Maintenant, quoiqu’on en dise, la loi telle qu’elle va
être votée renferme des améliorations extrêmement notables, car je crois, par
exemple, qu’il n’y aura plus de fraude du tout quant à la qualité du sucre
exporté, plus de fraude pour le cautionnement, plus de fraude pour la tare, le
déchet ; un point plus important encore, c’est ce qui concerne les transferts
et les transcriptions. L’état de choses actuel sera encore amélioré sous
d’autres rapports : il est assuré au trésor un dixième du droit d’entrée, enfin
on a augmenté le rendement. La législation sur les sucres subira donc dès
maintenant de grandes améliorations, en ne donnant qu’une durée temporaire et
courte à ces améliorations. S’il arrivait que les trois branches du pouvoir
législatif ne puissent pas, à l’époque que l’honorable M. Lardinois veut fixer
pour la révision, tomber d’accord sur les modifications qu’il s’agirait d’y
introduire, alors, messieurs, nous retomberions forcément dans l’ancienne
législation, or je crois que ce serait commettre une faute grave que de donner
lieu à un semblable inconvénient.
Du reste, messieurs, il faut
éviter autant que possible de déclarer dans des lois qu’elles ne sont que
provisoires ; cela ne doit se faire que quand il y a nécessité absolue, et ce
n’est pas ici le cas.
Je pense donc, messieurs, qu’il ne faut pas admettre
l’amendement de M. Lardinois ; j’ai l’intention bien formelle de faire en sorte
de vous présenter une loi plus générale, mais nous ne savons pas si nous ne
nous trouverons pas dans des circonstances telles qu’il fût impossible de la
discuter à temps.
M. Gendebien.
- Je ne comprends pas, messieurs, l’opposition que l’on fait à l’amendement de
M. Lardinois ; tout à l’heure encore on nous disait que la loi n’est que
provisoire et transitoire, que, si elle ne remplissait pas le but qu’on en
attendait, on la changerait ; maintenant on propose, et avec raison, de faire
un devoir au gouvernement de se mettre en mesure de la changer dans l’hypothèse
prévue, et M. le ministre s’y oppose. Il y a fort longtemps qu’on abuse de l’ancienne
législation, et cependant le ministère n’a pas osé proposer de changer cette
législation ; au mois de décembre de l’année dernière il n’a pas même osé
proposer une disposition transitoire tendant à forcer les intéressés eux-mêmes
à provoquer la discussion d’une loi nouvelle ; je crois donc qu’il serait
extrêmement utile d’imposer au gouvernement l’obligation de nous présenter une
nouvelle loi avant 1839 ou 1840.
M. le ministre dit que l’adoption de l’amendement de
M. Lardinois ne le gênerait pas beaucoup ; qu’il l’autoriserait à ne présenter
un nouveau projet que fort tard ; mais quand on dit que la loi devra être
révisée avant 1840, il va de soi que si, avant cette époque, si même en 1838,
le ministère croit devoir présenter des modifications, il n’en sera pas
dispensé par la raison que la loi aura stipulé un terme fatal qu’il ne pourra
dépasser.
Maintenant, si l’époque fixée arrivait sans faire
sentir la nécessité d’un changement ou sans qu’on ait pu se mettre d’accord sur
les changements à introduire, on ne retomberait pas pour cela dans l’ancienne
législation ; il suffirait alors de proroger la loi pour un an.
Le bien qui résulterait de l’adoption de la
proposition, c’est que M. le ministre actuel ou celui qui pourrait lui
succéder, serait obligé de préparer un nouveau projet, d’en réunir tous les
éléments, et d’y être toujours attentif.
Je crois donc qu’à moins qu’on nous ait trompés
lorsqu’on nous a fait envisager la loi comme transitoire, on ne peut pas
s’opposer à l’amendement de M. Lardinois.
- L’amendement de M. Lardinois est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
L’article 8 est ensuite mis aux voix et adopté.
Le préambule de la loi est également adopté.
VOTE SUR L’ENSEMBLE DU PROJET
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l’ensemble de la loi.
En voici le résultat :
68 membres sont présents.
2 s’abstiennent.
54 répondent oui.
12 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera
transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Brabant, Corneli, de
Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de
Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Sécus, Desmaisières,
Desmanet de Biesme, de Terbecq, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus,
Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux,
Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Vilain
XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
Ont répondu non : MM. Berger, de Longrée, de Meer de
Moorsel, de Puydt, de Renesse, Dolez, Gendebien, Heptia, Lardinois, Lecreps,
Metz et Pirmez.
M. le président.
- MM. Dumortier et Eloy de Burdinne sont invités à faire connaître les motifs
de leur abstention.
M. Dumortier.
- Je me suis abstenu parce que d’une part je regarde la loi que l’on vient de
voter comme étant un peu moins mauvaise que la loi qui nous a régis jusqu’ici,
mais d’un autre côté je déclare que les modifications introduites par la
nouvelle loi ne sont pas de nature à assurer au trésor le million si désiré.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’ai pas voulu dire non, parce que dans mon
opinion le trésor percevra quelque chose ; je n’ai pas voulu dire oui, par le
motif que je consacre la loi comme établissant un impôt qui sera presque
entièrement perçu par les raffineurs.
DESIGNATION DE LA COMMISSION CHARGEE D’ALLER
COMPLIMENTER LE ROI
M. Coghen
(pour une motion d’ordre). - Messieurs, comme il n’est pas certain que la chambre
sera demain en nombre, je demande qu’il soit nommé aujourd’hui une députation
pour présenter à Leurs Majestés les félicitations d’usage à l’occasion du
renouvellement de l’année.
M. Dubus (aîné). - Nous avons décidé, messieurs, qu’il y aura lundi à midi ; il me
paraît que cette députation pourra être nommée alors : le premier devoir d’un
député c’est d’être à son poste ; le reste vient après.
- La proposition de M. Coghen est mise aux voix et
adoptée.
M. le président.
- Suivant les précédents de la chambre, s’il n’y a pas d’opposition, je vais
tirer au sort les noms des membres qui composeront la députation.
- Le sort désigne : MM. Desmaisières, Corneli, Meeus,
F. de Mérode, Dolez, Devaux, Dubus (aîné), d’Hoffschmidt, de Terbecq,
Dumortier, Liedts, Lardinois.
M. Dubus (aîné). - Je dois déclarer que s’il n’y a pas de séance demain, je ne serai
pas lundi à Bruxelles.
M. le président.
- Il y aura sans doute séance.
La séance est levée à trois heures et demie.