Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 décembre
1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative au culte protestant, service du Te Deum
2) Motion d’ordre relative au rapport de la
commission des pétitions sur l’augmentation du prix des houilles ((+police des
livrets ouvriers) (Rogier, Zoude, de Theux, Rogier, de Theux), Dumortier, A. Rodenbach, Gendebien, Desmet, Dumortier, Donny, Gendebien)
3) Projet de loi portant le budget du
département de l’intérieur pour l’exercice 1838. Subsides aux établissements
d’enseignement moyen (Demonceau, de
Behr, de Puydt, A. Rodenbach,
Eloy de Burdinne, de Puydt, Pollénus, Demonceau, A. Rodenbach, Gendebien, de Theux, Eloy de Burdinne, de Langhe, Verdussen, de Theux), instruction primaire (de
Jaegher, de Theux, de Jaegher),
entretien de la cathédrale de Tournay (Dumortier, de Theux), traitements des curés (Metz,
de Theux), culte protestant (de
Theux, Dumortier, de Theux,
Scheyven, Ernst, de Theux, Verdussen, de Theux), encouragements à l’industrie et au commerce (Desmaisières, de Theux, Desmet, Scheyven, Lardinois, de Theux),
constructions navales et/ou droits différentiels (Smits, Donny, Pirmez, de
Theux, A. Rodenbach, Desmet,
de Theux, A. Rodenbach, Verdussen, de Theux), industrie
de la pêche (Donny, Smits),
industrie de la soie (Verhaegen, de
Theux, Desmanet de Biesme, Zoude,
(+culture de la garance) (Pollénus, Desmet),
Gendebien, Eloy de Burdinne,
(+culture de la garance) Zoude, Verhaegen)
(Moniteur belge
n°344, du 10 décembre 1837 et Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°344, du 10 décembre 1837)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure,
M. Kervyn
lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le conseil communal de Vielsalm se plaint de
l’élévation de la contribution foncière de cette commune, relativement à la
nature de son sol. »
________________
« Des négociants détaillants d’Ypres adressent
des observations sur les ventes de marchandises neuves à l’encan. »
________________
« Le sieur E. Maelfait, à Bourtroul, demande une
loi qui fasse baisser le prix de la
houille, une loi qui relève le prix des toiles, et la discussion de la loi sur
les sels. »
________________
« Des propriétaires et négociants anglais, chefs
de famille, résidant à Ostende, et professant la foi anglicane, demandent la
suppression du subside de 2,000 fr. alloué pour l’exercice de ce culte à
Ostende, parce qu’il est une source de discorde et de troubles. »
________________
« Les administrations communale de Wasmes,
Eugies, Frameries, Sars-la-Bruyère, Pâturages, et autres communes du couchant
de Mons, adressent des observations contre les pétitions adressées à la
chambre, tendant à obtenir une baisse sur la houille et l’entrée des charbons
étrangers. »
__________________
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion.
__________________
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
écrit à la chambre pour lui annoncer que des places lui seront réservées, à
Ste-Gudule, le 16 de ce mois, pour le Te Deum qui sera chanté à l’occasion de
l’anniversaire de S. M. le Roi des Belges.
M. le président.
- Comment la chambre veut-elle assister à cette cérémonie, en corps ou par
députation ?
De toutes parts. - En corps
!
M. le président.
- Ainsi elle assistera en corps comme les années précédentes.
___________________
M. Gendebien (pour
une motion d’ordre). - Dans la séance d’hier mon nom a été prononcé et mon
absence a été constatée, il m’importe donc de justifier cette absence. J’ai
assisté au conseil communal de Bruxelles depuis onze heures et demie jusqu’à
cinq heures moins un quart. J’ai cru devoir exposer cette justification parce
qu’on a perpétué hier une injustice criante envers ma province ; je me réserve,
à la fin du budget, de présenter un article additionnel dans le but de la faire
cesser.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU RAPPORT SUR
L’AUGMENTATION DU PRIX DES HOUILLES
M. Rogier
(pour une motion d’ordre.) - Avant-hier on a présenté le rapport de la
commission des pétitions sur les houilles ; il avait ét2 décidé que ce rapport
serait inséré au Moniteur, et
cependant le Moniteur ne le contient
pas ; je demande qu’il y soit inséré le plus tôt possible.
La chambre a, en outre, renvoyé les pétitions au
ministre de l’intérieur ; il faudrait connaître la portée de ce renvoi, parce
qu’il est impossible de passer en quelque sorte à l’ordre du jour sur une
question de cette importance et de cette urgence ; car, si l’on reconnaît qu’il
est nécessaire de s’en occuper, c’est actuellement : nous sommes au
commencement de l’hiver, et la question ne peut être renvoyée au printemps
prochain. Par ces motifs, je demande que le ministre soit invité à faire
promptement son rapport.
Je crois même qu’il serait désirable que le ministre
de travaux publics fît aussi connaître son opinion, et que le rapport fût fait
par les deux ministres.
Si je demande un prompt rapport, c’est que, dans le
cas où le ministère ne croirait pas devoir présenter un projet de loi sur cet
objet, des membres de la chambre pourraient faire usage de leur initiative,
étant éclairés par les documents émanés du gouvernement.
Il eût été à désirer que la question eût été mieux
examinée par la commission des pétitions ; d’après l’analyse que j’ai vue du
rapport dans les journaux, elle a tranché diverses questions d’une manière
assez leste, se fondant sur de simples bruits de journaux, pour mettre le
gouvernement en cause dans cette affaire, et le rendre responsable du
renchérissement de la houille.
Plusieurs journaux, remontant à trois ou quatre années
en arrière, m’ont personnellement accusé d’être une des causes du
renchérissement de la houille, parce que, dit-on, le gouvernement avait alors
montré une excessive et fâcheuse tolérance relativement à la police des
livrets. Eh bien, il y a là, je ne dirai pas calomnie, je ne dirai pas
mensonge, mais inexactitude complète, soit de la part des journaux, soit de la
part de leurs correspondants ; et c’est avec peine que j’ai vu que ces bruits
avaient trouvé de l’écho dans le rapport de la commission des pétitions.
(Note du
webmaster : Charles Rogier fait référence au passage de ce rapport, publié
dans le Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1837, où il est dit :
« Mais puisque la plupart des pétitionnaires se taisent sur les causes du
renchérissement, votre commission croit devoir y suppléer en vous indiquant
celles que ses rapports particuliers lui ont apprises, ainsi que d’autres que
la presse a signalés.
(En premier
lieu viennent les exigences des ouvriers, qui, dans beaucoup de houillères ont fait
monter les journées de 2 à 4 et même à 5 fr., si pas même au-delà.
(La cause de
ces exigences est attribuée à la mollesse de l’autorité qui, à certaine époque,
a toléré l’abandon des livrets ; il en est résulté que l’ouvrier, gagnant
plus, a travaillé d’autant moins, et que les frais généraux qui étaient
répartis entre 6 journées de travail effectif par semaine, ne le sont plus
guères qu’entre 4 et 5.)
Messieurs, dans le courant de l’année 1833 il y eut,
parmi les ouvriers du Borinage, une sorte de révolte produite à l’occasion d’un
arrêté de la députation des états du Hainaut qui rétablissait, pour cette
partie du Hainaut, la mise en vigueur des livrets.
Depuis l’année 1830, à la suite des dégâts qui avaient
été commis dans l’établissement de M. Degorges-Legrand, les livrets avaient été
supprimés ; mais ils avaient été maintenus dans le levant de Mons, à Charleroy,
à Liége : des députations furent envoyées au Roi de la part des ouvriers.
Cependant les ouvriers n’étaient pas contraires au rétablissement des livrets,
mais voici ce qu’ils objectaient.
Obligés de déposer les livrets chez les maîtres,
quelques-uns de ceux-ci se refusaient, disaient-ils, à les restituer à
l’ouvrier, et, c’est contre ce refus que s’élevaient les réclamations. Les
ouvriers voulaient bien donner leurs livrets aux maîtres, mais ils ne voulaient
pas qu’on pût les leur retenir malgré eux. Qu’est-ce que le gouvernement
répondit ? Que la loi devait être respectée, que leurs demandes ne seraient pas
écoutées tant que la loi serait méconnue ; et des ordres furent donnés au
gouverneur du Hainaut en conséquence.
Je ne sais si depuis lors les livrets ont été rendus
obligatoires ou non dans cette partie de la province ; mais un fait bien
positif, c’est que le livret n’est pour rien dans l’augmentation du prix des
houilles ; et la preuve, je la trouve dans le rapport même fait par l’honorable
président de la commission d’industrie. Il a dit, dans ce document, que c’était
dans le couchant de Mons que le prix de la houille était le moins élevé ; eh
bien, c’est justement dans cette partie du Hainaut que la tolérance dans la
police des livrets a eu lieu, si toutefois cette tolérance a existé.
Messieurs, je tenais à laver le gouvernement des
reproches injustes qu’on lui a adressés. Il serait très commode à certaines
opinions de venir mettre à la charge du gouvernement l’état malheureux de telle
ou telle industrie. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les houilles : mais
il y aurait souveraine injustice à attribuer au gouvernement le renchérissement
des combustibles.
Je bornerai là mes observations. Ce n’est pas le
moment de traiter la question au fond. Mais j’ai cru devoir saisir cette
occasion de repousser des attaques auxquelles je n’aurais pas répondu peut-être
si elles n’avaient été répétées dans cette enceinte.
M. Gendebien. - Je n’entends pas contester ce que dit l’honorable
préopinant ; mais je demanderai si l’insertion réclamée au Moniteur est relative à la pétition dont on a parlé hier ?
M. le président. - Non, monsieur ; il s’agit du rapport fait
avant-hier. M. Zoude, dans l’avant-dernière de nos séances, a présenté un
rapport au nom de la commission des pétitions ; les conclusions de ce rapport
ont été adoptées.
M. Zoude.
- Les observations faites par M. Rogier sont la récompense ordinaire des
rapporteurs. J’ai cependant traité la question des livrets avec ménagement ; je
suis fâché maintenant de n’avoir pas insisté davantage sur la suppression des
livrets. Je le pouvais, j’avais des renseignements à cet égard. Les ouvriers
travaillent jusqu’à huit pieds de profondeur ; arrivés là, ils quittent leur
ouvrage et retirent leur livret, c’est-à-dire qu’ils abandonnent l’ouvrage le
samedi et ne veulent pas le reprendre le samedi ; et alors, il faut que
l’entrepreneur paie triple pour faire fouiller à 15 pieds. Au reste, j’entrerai
dans des détails à cet égard quand l’occasion s’en présentera.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- L’honorable M. Rogier a demandé que je fasse un prompt rapport sur les
pétitions concernant les houilles, qui m’ont été renvoyées sur les conclusions
de M. Zoude, au nom de la commission des pétitions : je ne me refuse pas à
satisfaire à cette demande. L’honorable M. Rogier a demandé que M. le ministre
des travaux publics concourût à mon rapport ; cette demande est fondée, parce
que plusieurs questions sont du ressort de mon collègue, notamment la question
de la tolérance du poids et de la question des livrets.
L’an dernier, avant la division du ministère de
l’intérieur, je me suis occupé de cette question ; je m’en étais déjà occupé
depuis le commencement de l’année, et d’après les renseignements que j’ai
obtenus des autorités provinciales, j’ai cru qu’il n’y avait pas de mesures
particulières à prendre de la part du gouvernement. Je sais que M. le ministre
des travaux publics a également pris récemment des renseignements sur la
question ; il pourra donner à cet égard beaucoup d’éclaircissements à la
chambre.
M. Rogier. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre de
l'intérieur s’il se croit en mesure de présenter son rapport dans un délai
assez rapproché ; je ne puis pas me dissimuler que la question est très
importante, mais elle est en même temps très urgente.
Je demanderai aussi à M. le ministre de l’intérieur
s’il a connaissance que les livrets aient été supprimés, je ne dirai pas dans
le district de Charleroy, dans le district de Liége, mais dans le Borinage ; je
ne crois pas que cette suppression ait eu lieu ni de son temps ni du temps de
son honorable successeur ; elle n’a pas eu lieu non plus de mon temps ; au
contraire on a donné à plusieurs reprises l’ordre de respecter la loi ; il est
possible qu’on ait usé de quelque tolérance pour les houillères du couchant de
Mons, mais nulle part le gouvernement n’a pu ordonner la suppression des
livrets, formalité prescrite par la loi. Dans tous les cas, je le répète, cette
suppression, quand bien même elle aurait eu lieu, n’aurait eu aucune influence
sur le prix de la houille, puisque, d’après le rapport même de la commission,
c’est précisément au couchant de Mons, là où les livrets auraient été
supprimés, que le prix des houilles a le moins augmenté. Voyez, messieurs, la
contradiction flagrante ; d’un côté on attribue la hausse du prix des houilles
au relâchement de la police des livrets, et d’un autre côté on convient que
c’est précisément là où l’on prétend que cette police s’est ralentie, que le prix
des houilles a le moins augmenté. Qu’on tâche de concilier ces deux opinions !
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, pour répondre à l’interpellation qui
vient de m’être faite par l’honorable M. Rogier, je dirai qu’il n’est point à
ma connaissance qu’aucune décision ait été prise par le gouvernement qui puisse
donner lieu de croire que le gouvernement entend en aucune manière supprimer
les livrets. En ce qui concerne l’influence que la tolérance en cette matière
aurait pu exercer dans quelques lieux, je crois qu’il sera prudent de s’en
référer à cet égard aux renseignements qui seront donnés par écrit à la
chambre, et dont chacun pourra apprécier la valeur.
Quant à la présentation de ce rapport, je ne pourrais
pas indiquer en ce moment même l’époque où elle pourra avoir lieu ; tout ce que
je puis dire, c’est que ce sera aussitôt que nous aurons obtenu les
renseignements que nous avons demandés, tant le ministère des travaux publics
que le ministère de l’intérieur ; nous avons déjà une partie de ces
renseignements, mais nous en attendons encore quelques-uns : aussitôt que nous
les aurons, nous ferons notre rapport à la chambre.
Je dois ajouter, messieurs, que si l’on désire que M.
le ministre des travaux publics concoure au rapport, il doit être entendu que
le renvoi des pétitions a été fait non seulement au ministère de l’intérieur,
mais aussi au ministère des travaux publics.
M. Dumortier. - Messieurs, la question qui nous occupe est plein
d’importance et surtout d’actualité. Nous voici à l’entrée de l’hiver, époque
où le peuple a un aussi grand besoin de combustible que de nourriture ; d’un
autre côté le prix de ce combustibles a subi des augmentations telles qu’il est
parvenu aujourd’hui au double de ce qu’il était il y a quelques années ; en
présence de pareilles circonstances il n’est pas impossible que dans la saison
des froids, il y ait des mouvements quelconques ; je demanderai au gouvernement
s’il a pris des mesures pour empêcher toute espèce de troubles ; je fais des
vœux pour que rien de semblable n’ait lieu ; mais des hommes prudents ne
peuvent pas fermer les yeux quand des dangers menacent la tranquillité
publique. Je demande donc au gouvernement s’il a pris les mesures pour que les
classes ouvrières puissent se procurer le chauffage à un prix convenable ; car
lorsque les froids seront là, il sera trop tard pour porter remède au mal ; il y des localités où il existe un
nombre considérable de pauvres, et il serait fort dangereux que le prix des
houilles reste ce qu’il est maintenant.
M. A. Rodenbach. - Je suis convaincu, messieurs, que les classes
ouvrières de la Belgique sont animées d’un excellent esprit ; elles ont
peut-être plus de patriotisme que les classes élevées ; elles l’ont prouvé dans
toutes les circonstances ; lorsque l’ennemi était à nos portes, ce sont elles
qui l’ont repoussé ; je pense donc que l’honorable préopinant, en défendant les
intérêts du peuple qu’il aime, est allé un peu trop loin quand il a craint des
troubles ; toutefois je suis forcé de convenir qu’il n’y a qu’une voix dans le
pays sur la cherté des houilles. J’ai pris des renseignements à cet égard, et
comme je l’ai déjà dit dans une précédente séance, ii est prouvé que
l’extraction est loin d’être en rapport avec la consommation ; ce fait m’a été
attesté par des personnes mêmes qui sont intéressées dans des exploitations de
mines de houille. Il faut donc non seulement que le gouvernement fasse un
rapport, mais il faut encore qu’il soit pris des mesures pour faire baisser le
prix des houilles, qui est réellement exorbitant.
M. Gendebien.
- Je crois, messieurs, que cette discussion est tout à fait prématurée, et je
n’y prendrais pas part si des paroles imprudemment prononcées ne présentaient
pas un certain danger ; comme on a fait des allusions qui pourraient effrayer,
je crois devoir dire quelques mots : sans avoir la prétention de me poser comme
l’ami du peuple par excellence, il me semble que je me suis toujours montre
défenseur de ses droits et de ses vrais intérêts. Je pense que ma voix trouvera
aussi quelque créance chez lui.
Je puis assurer à la nation belge que la houille ne
manquera pas à ses besoins comme on le dit. L’extraction n’est pas hors de
proportion avec la consommation ; voici, messieurs, les causes du manque
apparent de charbon : il n’y a qu’une seule espèce de houille qui soit propre à
faire un coak, c’est le charbon gras des environs de Charleroy, des environs de
Marimont et autres lieux ; or, depuis 1830, messieurs, il s’est élevé une
trentaine de hauts-fourneaux, une foule d’usines, des chemins de fer qui
consomment du coak et qui, par conséquent, ne peuvent s’approvisionner que de
charbon gras.
Eh bien, comme ce charbon a passé longtemps et passe
encore aux yeux d’un grand nombre de personnes, comme le meilleur, comme le
seul bon, tout le monde vent encore en user, alors que, par suite des heureux
progrès de l’industrie, il est devenu très rare. Si, au lieu de s’obstiner dans
la vieille routine, on voulait essayer du charbon demi-gras, le chauffage
serait en abondance et l’on ne se plaindrait plus de la rareté du combustible.
L’année dernière on a envoyé
ici, des environs de Mons, trois bateaux de ce charbon, qui est tout aussi bon
que celui que l’on consomme ordinairement ; eh bien, l’expéditionnaire a été
obligé de le livrer à 15 ou 25 p. c. de perte, et il a perdu une somme assez
considérable sur ses trois bateaux de charbon : c’est cette déplorable
obstination de la part des consommateurs à se traîner dans les vieilles
habitudes qui est la cause principale des plaintes qui s’élèvent contre la
cherté du combustible ; les frais de transport, les droits de barrière, les
octrois des villes, voilà la véritable cause des prix élevés.
J’ai cru, messieurs, devoir vous présenter ces
observations pour tranquilliser le pays sur les émeutes dont on semble le
menacer ; ces émeutes n’auront pas lieu, et l’on a eu grand tort de recourir à
un semblable épouvantail. Quand il s’est agi de la loi sur les douanes, je n’ai
pas fait valoir des arguments de cette nature, je n’ai pas parlé alors des
plaintes que pourraient élever les ouvriers charbonniers contre la cherté des
bonneteries, contre les 75 p. c. sur les bas de laine et les bonnets de coton,
dont ils font grande consommation, bien qu’ils ne soient pas très bonnets de
coton.
M. Desmet. - On se plaint généralement, messieurs, de la cherté
du charbon, et, pour y remédier, on propose divers moyens ; on demande qu’on
laisse entrer les charbons étrangers et qu’on défende l’exportation des nôtres
; on propose encore l’établissement d’un maximum ; ce sont là des questions
très graves. La consommation des houilles a pris une grande extension,
l’exportation a aussi beaucoup augmenté, quand on voit que le canal d’Antoing
rend cette année le double qu’il rendait il y a trois ans ; et on sait que ce
canal ne transporte que de la houille.
Nous attendons un rapport du gouvernement, mais je ne
sais pas si le gouvernement pourra nous présenter un rapport détaillé qui
puisse satisfaire tout le monde ; je ne sais pas quand le gouvernement pourra
nous présenter un rapport ; cependant la chose est on ne peut plus urgente. Eh
bien, messieurs, dans ces circonstances j’oserai présenter un moyen rationnel,
j’oserai proposer une enquête parlementaire. On a fait des enquêtes pour des
objets beaucoup moins importants ; par exemple, pour ce qui concernait
l’industrie cotonnière. Une enquête est le seul moyen de connaître la vérité.
Si je vois que mon opinion est appuyée, j’en ferai la proposition formelle ;
mais je le répète, la question est trop grave pour la résoudre sans avoir de
bons renseignements.
M. Dumortier.
- Messieurs, je ne suis ni fabricant de bas, ni possession d’actions de houille
; je suis également désintéressé dans l’une et l’autre de ces questions. Je
désire que tous ceux qui se permettent ici de faire des allusions puissent en
dire autant. Quant à moi, si j’ai réclamé dans le temps des droits modérés de
10 à 15 p. c. sur la bonneterie, je désirerais aujourd’hui que ceux qui
prétendent protéger le commerce des houilles, voulussent bien aussi se
contenter d’un droit de 10 à 15 p. c. à la valeur. Mais je doute fort que ce
soit dans leur intention. Le droit sur les houilles étrangères est maintenant
de 80 p. c., et en présence d’un pareil fait, on vient m’opposer ce qui s’est
fait relativement à la bonneterie. Eh bien, moi, je dis qu’un pareil droit est
un droit prohibitif, et si l’état de choses actuel continue à subsister, il est
fort à craindre qu’il n’en résulte de grandes calamités pour le peuple.
L’honorable M. Rodenbach a beaucoup parlé du
patriotisme du peuple, je partage entièrement son opinion. Mais je lui ferai
observer qu’en matière de faim et de froid, le patriotisme est une chose assez
inutile ; on ne se chauffe ni on ne se nourrit avec du patriotisme. Je pense
que ce sont des choses et non des mots qu’il fait en pareil cas.
Un honorable préopinant a dit
qu’il indiquerait ultérieurement les causes du malaise qui existe à cet égard.
Sans doute, il est besoin de connaître ces causes ; mais je crois qu’il est
encore plus besoin de faire cesser les effets de la cherté actuelle du charbon.
Or, ce qui est incontestable, c’est que, depuis trois ans, la houille a doublé
de prix. Et remarquez que ce n’est pas seulement la houille grasse qui a subi
cette augmentation, mais que toutes les houilles en général y ont participé. Il
est donc inexact de dire que la cause de la cherté actuelle réside dans le
préjugé que les consommateurs ont pour les houilles grasses ; et que si l’on
voulait se contenter des houilles demi-grasses, on pourrait les trouver aux
prix anciens.
Messieurs, je ne partage pas non plus l’opinion de
l’honorable M. Desmet, qui propose de faire une enquête. Certes, jamais il n’a
été plus besoin de faire une enquête ; mais, aux lenteurs qui accompagnent une
semblable opération, nous pourrions arriver au mois de mai sans avoir résolu la
question Or, il est de toute évidence que la classe pauvre ne peut passer
l’hiver, au prix où la houille est
aujourd’hui. Il est donc urgent de prendre une mesure immédiate.
M. Donny. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
La question qui a été traitée par les honorables
préopinants est certainement des plus graves, et pour moi, j’y prends le plus
vif intérêt. Mais il n’est personne d’entre nous, je pense, qui ait la
prétention de vouloir la décider aujourd’hui, et dès lors nous perdons
inutilement un temps précieux à nous occuper prématurément de cette question.
Je propose, en conséquence, à la chambre de passer à
l’ordre du jour et de continuer la discussion du budget du département de
l’intérieur. (Appuyé.)
M. Gendebien.
- Messieurs, je demande la parole pour un fait personnel.
M. Dumortier s’imagine m’embarrasser beaucoup en
faisant allusion aux exploitants des mines. Eh bien, oui, messieurs, j’ai
quelques intérêts dans les exploitations, et, pour le moment, c’est un avantage
d’avoir des actions charbonnières ; mais ce n’est pas d’hier que je suis
propriétaire de mines, il y a un demi-siècle que nous les possédons en famille.
Si M. Dumortier veut me tenir compte de la différence de l’intérêt à 5 p. c.
comparé aux bénéfices que son père et lui obtiennent de leur commerce, je lui
abandonne toutes mes actions charbonnières.
Du reste, quand nous arriverons à la discussion de la
question des houilles, je saurai prouver que dans cette circonstance, comme
dans toutes les autres, je ne tiens aucun compte de mes intérêts personnels. Je
serai juste avant tout ; mais je ne me laisserai pas non plus intimider par de
vaines criailleries, et je ne m’effraierai pas de certaines manœuvres que je
signalerai, lorsque le moment en sera venu.
M. le président.
- Avant de mettre aux voix la proposition de M. Donny, je vais mettre aux voix
le renvoi à M. le ministre des travaux publics de toutes les pétitions
relatives au prix de la houille et qui ont déjà été renvoyées au ministre de
l’intérieur.
- Ce renvoi est ordonné, avec la demande d’un rapport
de la part de MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics.
La proposition de M. Donny est ensuite mise aux voix
et adoptée. En conséquence la chambre passe à l’ordre du jour qui est la suite
de la discussion du budget de l’intérieur.
Discussion des articles
Chapitre IV. - Instruction publique
Article 5
La discussion continue sur l’article 5 du chapitre IV,
qui est ainsi conçu :
« Subsides annuels aux établissements
d’enseignement moyen : fr. 103,000. »
M. le président.
- M. Demonceau a déposé dans la séance d’hier un amendement qu’il a développé,
et qui tend à majorer le chiffre de 113,000 fr.
M. Demonceau désire-t-il donner de nouveaux
développements à l’appui de sa proposition ?
M. Demonceau.
- Messieurs lorsque je vous ai proposé mon amendement, je vous ai dit toute ma
pensée. Je vous ai déclaré que je croyais que dans l’état où se trouvaient
actuellement les collèges subsidiés, le gouvernement ne pouvait sans
inconvénient ôter à l’un ou à l’autre de ces établissements le subside dont il
a joui jusqu’ici.
J’ai en conséquence proposé une augmentation, pour que
le gouvernement pût faire droit à quelques réclamations qu’il jugerait fondées.
J’ai indiqué des établissements d’instruction moyenne dans l’arrondissement de
Verviers, je n’ai cependant pas entendu que l’augmentation que je propose dût
nécessairement leur profiter. Mon intention est de laisser au gouvernement le
soin de répartir la somme entre les localités qu’il jugera avoir le plus de
titres à un subside.
Dans mon opinion, les établissements d’instruction
moyenne ont besoin de la protection du gouvernement dans l’arrondissement que
j’habite surtout, ainsi que dans plusieurs autres provinces ; je pense que les
communes y sont en général dans un état financier peu favorable.
Dans le courant de la discussion du projet de loi sur
l’école militaire, l’on s’est plaint que les établissements d’instruction
supérieure ne produisissent pas les résultats que l’on en espérait ; eh bien, lorsqu’on
a discuté la loi sur l’enseignement universitaire, j’ai dit que je considérais
comme la base d’un bon enseignement l’enseignement primaire, combiné avec
l’enseignement moyen. Formez des établissements primaires et moyens où les
jeunes acquièrent tous les éléments des sciences ; laissez-les-y assez
longtemps pour qu’une fois arrivés à l’université, ils puissent en suivre les
cours avec fruit. Adoptez alors le système que l’honorable M. Devaux a proclamé
hier, et il y aura une grande amélioration dans les études. Mais je dois le
dire, je me suis aperçu qu’aujourd’hui les jeunes gens se croient assez
instruits, alors qu’ils ont encore beaucoup à apprendre. Ils abandonnent
souvent les établissements d’instruction moyenne, alors qu’il serait nécessaire
qu’ils y restassent encore un certain temps. Ils arrivent à l’université ; mais
l’instruction incomplète qu’ils ont puisée dans les collèges, les empêche
souvent de bien comprendre les leçons des professeurs universitaires.
Messieurs, j’appartiens à la
catégorie des personnes qui ont commencé leur instruction préparatoire sous
l’empire français. Eh bien, ma propre expérience me permet de dire que si
l’instruction préparatoire n’avait pas été soutenue avec une vigueur peu
ordinaire par le gouvernement français, les élèves qui sont sortis des écoles
impériales n’auraient pas pu rendre à l’Etat et à la science les services
qu’ils leur rendent aujourd’hui.
- L’amendement de M. Demonceau est appuyé.
M. de Behr. - Messieurs, je demande à dire quelques mots en
réponse à une attaque que l’honorable M. Dumortier a faite hier contre la ville
de Liége, à propos du subside de 6,350 fr. que le collège de cette ville reçoit
sur le trésor.
J’ai été d’autant plus étonné de voir l’honorable M.
Dumortier parmi les membres qui se sont opposés à cette allocation, que
lui-même appartient à une localité dont l’athénée jouit d’un subside de près de
16,000 fr. sur les fonds de l’Etat.
L’honorable M. Dumortier a dit que la ville de Liége
voulait accaparer tous les avantages ; qu’elle avait déjà une université, une
cour d’appel, un tribunal de première instance, une école royale de musique,
etc. Je lui répondrai que la plupart de ces établissements ne sont pas des
institutions qui profitent exclusivement à la commune, mais qu’elles ont été
créées dans l’intérêt général du pays. Sous ce rapport donc, l’attaque de
l’honorable M. Dumortier me paraît peu fondée.
Voici, du reste, à quelle occasion le subside dont il
s’agit a été accordé à la ville de Liége. Le gouvernement regardant avec raison
l’enseignement moyen comme une espèce d’enseignement préparatoire à
l’instruction universitaire, offrit à la ville de Liége un subside, à la
condition qu’elle augmentât le nombre des cours du collège, ainsi que celui des
professeurs. La ville a naturellement accepté cette proposition, mais loin
d’avoir gagné à ce marché, elle y a perdu ; car, au lieu de faire une dépense
de 6,350 fr., elle a dû s’en imposer une de 15,000 fr. Sous ce rapport donc,
l’attaque de l’honorable M. Dumortier n’est pas non plus fondée.
M. de Puydt. - Je viens appuyer l’amendement de M. Demonceau.
Je l’appuie par des considérations qui prennent leur source dans l’intérêt de
la province qui m’a nommé ; je n’ai pas de répugnance à le déclarer, parce que
je trouve qu’elle a été traitée avec une inégalité choquante dans toutes les
circonstances, et quand d’autres provinces ont été si évidemment favorisées.
Les explications données hier sur la manière dont les
subsides ont été distribués par l’ancien gouvernement aux divers établissements
d’instruction ne m’ont pas satisfait. J’ai bien compris pourquoi on a accordé
des subsides aux anciens athénées avant 1830 et à d’autres établissements
d’instruction moyenne, depuis la révolution ; mais je n’ai pas compris que ce
fût un droit acquis à ces athénées. Si avant la révolution les athénées de
Tournay, de Namur et de Luxembourg recevaient des subsides en vertu d’un droit,
je demanderai si ce droit a survécu à la révolution ?
Dans l’affirmative, il est évident que la province de
Luxembourg a été dépossédée, puisqu’elle a cessé de recevoir des subsides quand
les autres provinces ont continué à les toucher ; elle a perdu son athénée sans
que le gouvernement ait rien fait pour le remplacer.
Si ce n’était pas un droit, comment se fait-il qu’une
inégalité si grande existe entre les subsides accordés aux anciens et aux
nouveaux établissements ? Car les faibles sommes données aux collèges de
Virton, Echternach, Diekirch et Bouillon, sont loin d’égaler les dons faits à
des collèges d’autres provinces depuis 1830.
Autrefois, la province du Luxembourg recevait 9,000
florins ; aujourd’hui, d’après le tableau fourni par le rapport de la section
centrale, elle ne reçoit plus que 8,000 francs, tandis que Tournay et Namur ont
conservé des subsides plus considérables.
Lorsque, dans une circonstance précédente, mon
honorable collègue et ami M. Metz vous a si franchement exposé le tort fait à
l’enseignement en général, par le principe de liberté d’enseignement, il a
exprimé une opinion que je partage : et quoique cette opinion touche à une
question constitutionnelle, je dis qu’il a bien fait de l’exprimer ; tout en
respectant la constitution et en jurant de la maintenir, chacun a le droit de
dire ce qu’il pense de certains principes qu’elle consacre, de les trouver
mauvais, et de faire même des vœux pour les voir réformer.
Personne d’ailleurs plus que les Luxembourgeois n’a à
se plaindre de ce qui s’est passé depuis la révolution. Autrefois
l’enseignement était florissant chez eux, aujourd’hui il est en souffrance. Il
était florissant parce que le gouvernement lui prêtait son appui.
La province est pauvre, les
localités n’ont pas de ressources ; mais le gouvernement y suppléait par des
secours, et l’enseignement s’était remarquablement développé. Mais, maintenant,
les choses ont bien changé, j’en trouve la preuve dans les statistiques
publiées à diverses reprises.
Avant la révolution, l’enseignement dans les Pays-Bas
présentait un résultat très satisfaisant ; le nombre des individus qui
suivaient les cours était de un sur neuf trois quarts de la population totale
du royaume : réduisant le calcul aux anciennes provinces méridionales qui
forment aujourd’hui la Belgique, le nombre des élèves était de 1 sur 13 1/3. et
ce même calcul appliqué à la province du Luxembourg isolément donnait un
rapport de 1 sur 8 2/5, ce qui prouve que l’instruction y était relativement
plus répandue que dans le reste du royaume. Aujourd’hui ce rapport a beaucoup
diminué, la province a beaucoup perdu, le nombre des élèves n’est plus que de 1
sur 10. Cette décadence est la conséquence de la privation des subsides
accordés autrefois. Quand le gouvernement en avait le pouvoir, il venait au
secours des localités pauvres ; aujourd’hui on les abandonne à elles-mêmes, ou,
pour mieux dire, on donne aux riches.
Je viens réclamer comme une justice une augmentation
de subside pour la province du Luxembourg. Je demande en conséquence que
l’article 5 soit porté à 115 mille fr. au lieu de 103 mille.
M. A. Rodenbach. - Je m’opposerai à toute majoration de chiffre dans
le budget de 1838. J’en dirai les raisons quand nous discuterons le budget des
voies et moyens. Je trouve que l’amendement de l’honorable préopinant et celui
du député de Verviers ne peuvent pas être admis. Je ne conteste pas qu’ils ont
besoin de subside pour étendre l’instruction moyenne dans les provinces du
Luxembourg et du Limbourg ; mais est-ce le moment de demander une augmentation
de subsides, quand hier on a commencé en sections, sur l’interpellation de
l’honorable député de Bruxelles, l’examen du projet de loi sur l’instruction
primaire et moyenne ?
Il faut attendre qu’une loi générale sur l’instruction
publique soit votée. Si vous allez maintenant accorder des sommes à certaines
provinces, toutes viendront vous en demander à l’avenir.
L’honorable préopinant a dit que le Luxembourg était
la province la plus mal partagée ; c’est une erreur ; jetez les yeux sur le
budget, vous verrez que les deux Flandres qui forment le tiers de la Belgique,
ne reçoivent que 6 mille et quelques cents francs.
Dans ma province, je pourrais présenter un amendement
pour Roulers ; je ne veux pas le faire parce qu’on dirait que je prêche pour ma
paroisse. Je n’osais pas prendre la parole de crainte d’être accusé d’être
guidé par un esprit de localité ; sans cela j’aurais dû proposer des
amendements pour Ypres, Alost, Tournay, Furnes et Roulers. Au lieu de 12 mille
fr. ce serait de 100 qu’il faudrait augmenter le chiffre.
Je répète que les deux Flandres qui forment le tiers
de la Belgique, ne reçoivent pas plus que le Luxembourg seul.
Les amendements proposés ne peuvent pas être admis ;
je m’y opposerai de toutes mes forces, parce que nous ne pouvons pas majorer le
budget.
M. Eloy de Burdinne. - On avait d’abord proposé une augmentation de
10,000 francs, maintenant on propose de porter le chiffre à 115 au lieu de 103
; tout à l’heure on ira jusqu’à 120 et 200. L’allocation dont il s’agit se
distribue entre quelques provinces que le gouvernement juge en avoir besoin ;
mais il est plusieurs provinces qui n’y participent pas : la province d’Anvers
et la Flandre orientale ne reçoivent rien. A la manière dont nous marchons,
nous verrons toutes les localités venir réclamer des subsides pour les collèges
et les écoles particulières, car l’instruction se donne dans les écoles
particulières, comme dans les collèges, et chacun a le droit d’obtenir des
secours pour donner l’instruction dans sa localité.
Depuis plusieurs années, tous les ans, on demande
l’augmentation du chiffre du n°5 du chapitre IV, et vous savez, comme moi, que
la chambre l’a augmenté chaque année.
Aujourd’hui on en demande encore un qui d’abord
n’était que de 10 mille fr. et qui maintenant est de 15, pour aider les
établissements d’enseignement moyen. Je sais toute l’importance de
l’enseignement moyen, et je ne m’opposerais pas à l’augmentation demandée si
notre indépendance était assurée ; mais, dans la crainte d’une agression hollandaise,
nous devons être sobres de dépenses pour être en mesure de faire face aux
besoins de la guerre si on venait à nous la déclarer. Soyons donc économes, car
l’argent est le nerf de la guerre. Par ces motifs, je voterai contre les
augmentations dont il s’agit. Si notre position était assurée, je
m’empresserais de les appuyer, je prendrais même l’initiative de les proposer.
M. de Puydt. - Il paraît que les
honorables préopinants n’ont prêté aucune espèce d’attention à ce que j’ai dit.
Je n’ai pas réclamé de subside nouveau en faveur du Luxembourg, mais la
continuation d’une partie de celui dont cette province jouissait autrefois.
J’ai réclamé en faveur d’une localité dépossédée. Elle n’est donc pas dans une
position semblable à celle où peut se trouver Roulers ou tout autre endroit qui
voudrait obtenir des secours pour un collège nouveau.
Quant à la loi qu’on nous promet sans cesse et qu’on
laisse en suspens, je serais charmé qu’elle fût bientôt mise en discussion ;
mais je ne crois pas pouvoir espérer de voir voter cette loi plutôt que tant
d’autres dont nous sommes saisis, car les travaux de la chambre sont très
arriérés ; et je ne vois pas que le vote d’une loi, qui peut n’arriver qu’à la
session prochaine, soit une raison pour
ne pas accorder au Luxembourg le subside nécessaire pour rendre à l’instruction
son ancienne prospérité. Si la loi était votée dans le cours de la session
actuelle, elle serait mise à exécution l’année prochaine ; alors les subsides
cesseraient.
(Moniteur belge
n°345, du 11 décembre 1837) M. Pollénus. - Je pourrais me dispenser de répondre
aux honorables membres qui se sont opposés aux augmentations proposées, car les
considérations présentées par l’honorable M.de Puydt s’appliquent à tous égards
aussi bien à la province du Limbourg qu’à la province du Luxembourg. Le
Limbourg comme le Luxembourg était en possession d’un subside qu’on lui a
retiré. Les partisans du statu quo, que nous avons entendu hier, peuvent se
contenter de l’état de choses actuel. Car si vous jetez un coup d’œil sur le
tableau qui accompagne le rapport de la section centrale, vous verrez que la
ville de Tournay, à elle seule, a autant que les deux provinces de Limbourg et
de Luxembourg réunies. Ah ! je conçois que quand on se trouve dans une
situation si favorable, on puisse se complaire dans le statu quo, alors même
qu’il aurait été fondé par des ordonnances du roi déchu.
Le besoin d’augmenter les subsides est incontestable
pour les deux provinces dont on vient de vous occuper.
Je ne ferai aucune observation sur ce qu’on a dit en
faveur des deux autres provinces. Je veux laisser le gouvernement juge des
réclamations qu’elles voudront faire valoir. On a parlé de droits acquis : s’il
était vrai que des subsides accordés pussent établir des droits, je pourrais, à
mon tour, vous rappeler que sous Guillaume, le Limbourg avait un athénée
subsidié ; cet établissement n’existe plus pour le Limbourg, depuis notre
séparation forcée de la ville de Maestricht.
Songez que les allocations proposées sont de simples
subsides, de simples prévisions. Il ne suffira pas, pour obtenir ces subsides,
de les demander ; il faudra justifier du droit qu’on peut y avoir, et le gouvernement,
mû par la seule considération de l’intérêt de l’enseignement moyen, accordera
les subsides là où il jugera nécessaire de les accorder, c’est-à-dire là où il
y aura des besoins bien constatés. Je crois pouvoir borner là mes observations.
Je crois que nous sommes tous
d’accord qu’il faut mettre le gouvernement à même d’augmenter ces sortes de
subsides. Je pourrais indiquer des besoins locaux particuliers ; je m’en
abstiendrai, parce que là où les besoins se feront sentir, on ne manquera pas
de le faire savoir au gouvernement, et le gouvernement ne manquera pas d’y
pourvoir avec les moyens que nous proposons de mettre à sa disposition.
Je pense que l’augmentation proposée par l’honorable
M. de Puydt n’a rien qui doive nous effrayer. Nous arriverons bientôt à un
autre budget ; c’est là que j’attends les partisans de l’économie.
Plusieurs voix. - Nous verrons au budget de la guerre.
M. Demonceau.
- J’ai demandé la parole pour faire une observation à l’honorable M. A. Rodenbach.
Il doit se souvenir que lorsque, dans la discussion de la loi relative à
l’enseignement supérieur, je me suis plaint de l’état de l’enseignement moyen
dans la partie de la province que j’habite, il me répondit : Vous proposerez
l’allocation d’un subside lors de la discussion du budget. Pour nous, habitants
des Flandres, a-t-il ajouté, l’enseignement moyen est chez nous en pleine
activité ; nous ne demandons que l’enseignement supérieur, que l’organisation
des jurys d’examen.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas déposé d’amendement.
M. Demonceau.
- Je ne devais donc pas croire, lorsque je proposerais un subside, comme me
l’avait conseillé M. A. Rodenbach, que je trouverais en lui un opposant. En 1836,
il n’a pas combattu ma demande, je suis étonné qu’il la combatte en 1837.
On nous dit d’attendre la loi sur l’enseignement moyen
et l’enseignement primaire ; mais ce projet de loi est en souffrance d’autant
plus que lorsque nous avons voté la loi sur l’enseignement supérieur, c’était
dans l’espoir qu’on mettrait bientôt en discussion la loi sur l’enseignement
primaire et moyen. Comptez les années qui se sont écoulées depuis lors, et
voyez si nous n’avons pas lieu de craindre qu’il ne se passe encore des années
avant que cette loi soit votée.
M. Gendebien. - Ce n’est pas pour réclamer pour mon clocher que je
demande la parole, c’est pour réclamer un acte de justice dont on avait promis
de s’occuper dès 1833. Je crois que M. Rogier, ministre de l’intérieur, promit
alors de s’en occuper. Je veux parler de l’inégale répartition de la part de
subsides attribuée au Hainaut. Je ne demande las qu’on l’augmente, bien que
j’eusse pour cela de bonnes raisons à faire valoir ; mais je dis que quand on
donne 15,900 fr. à Tournay, on devrait bien donner quelque chose à Mons, à
Charleroy et à d’autres villes du Hainaut. Je demande que le ministre fasse
enfin justice ; je ne veux pas puiser plus avant dans le trésor, mais je
demande que le ministre satisfasse aux règles de la justice distributive. Je
crois que cette observation ne souffrira de contestation de la part de
personne.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- J’avoue que plus la discussion avance, plus les difficultés augmentent. En
effet, je dois me déclarer dans l’impossibilité de satisfaire à toutes les
réclamations, et une majoration me placerait dans une position difficile, en
présence de tant de réclamations. Cependant si la chambre adoptait une
majoration, je dois déclarer que je n’en ferais pas usage immédiatement, et que
je ne l’emploierais pas en subsides permanents à telle ou telle localité. En
outre, si je prévoyais que la loi sur l’enseignement moyen fût votée dans le
courant de cet hiver, je serais disposé à suspendre l’emploi de cette
majoration.
L’honorable M. de Puydt, revenant sur l’opinion émise
par l’honorable M. Metz, s’est plaint de l’état de l’instruction dans le
Luxembourg. Si les observations se bornaient à cette province, j’admettrais que
quand cette province jouissait de son athénée, l’instruction y était meilleure
qu’à présent. Cependant la question de l’établissement d’un nouvel athénée et
de la répartition des subsides entre les diverses localités de cette province a
divisé les opinions.
Quant au rétablissement de l’athénée, on est assez
d’accord qu’il convient, avant de se prononcer à cet égard, d’attendre que la
loi sur l’enseignement moyen soit rendue. Mais je ne puis admettre qu’en général
la liberté d’enseignement ait amené la décadence de l’enseignement moyen. Je
pense, au contraire, que l’enseignement moyen est plus répandu qu’avant la
révolution. Je crois pouvoir dire que je suis en mesure d’en administrer la
preuve.
Quant à la quotité des subsides, je ferai remarquer
que les subsides accordés maintenant sont plus considérables que ceux accordés
en 1830 et antérieurement, puisqu’ils s’élèvent à 103,000 fr., tandis qu’ils
s’élevaient en 1830 à 40,000 fl.
Mais, pour répondre à l’observation de l’honorable M.
Demonceau que les jeunes gens qui se présentent aux universités et à l’école
militaire n’ont pas toujours l’instruction qu’on pourrait désirer, je dois
faire observer que beaucoup de jeunes gens se pressent trop de quitter les établissements
d’enseignement moyen pour entrer dans des établissements qui les mettent à même
de suivre une carrière lucrative ; qu’en second lieu il faut distinguer les
établissements où les jeunes gens ont fait leurs études. Si un jeune homme a
fait ses études dans un établissement de dernière classe, évidemment il n’aura
pas les mêmes connaissances que s’il y a fait ses études dans un collège de
première classe ou dans un athénée.
La grande question à résoudre dans la loi
d’enseignement moyen, ce sera celle de savoir s’il convient de favoriser par
des subsides un grand nombre d’établissements d’enseignement moyen, ou
seulement quelques grandes établissements. Cette question exigerait de trop
grands développements pour qu’on puisse la traiter dans ce moment.
Mais il est certain que plusieurs établissements
d’enseignement moyen, existant dans le pays, sont aujourd’hui complétement
développés.
En me résumant, je ne m’oppose pas à la majoration,
bien entendu que je ne m’engage à en faire usage ni immédiatement ni à titre
permanent.
M. Eloy de Burdinne. - Un préopinant a paru dire qu’il chercherait à
faire des économies sur un budget qui, selon moi, ne doit pas être susceptible
d’économies. Je suppose que c’est du budget de la guerre qu’on veut parler. Je
déclare que sur ce budget je voterai toutes les allocations proposées. Nous
avons vu le danger qu’il y a à ne pas être en mesure de faire face à l’ennemi.
Nous devons donc toujours être en mesure de faire face à une agression, pour le
cas où elle aurait lieu.
M. de Langhe. - Je me proposais de voter contre l’augmentation
demandée, en engageant M. le ministre de l’intérieur à proposer une nouvelle
répartition ; mais je conçois la difficulté d’une nouvelle répartition. Je
consens donc à l’augmentation ; mais je proposerai, par amendement, la
disposition suivante, qui serait insérée en marge du tableau :
« Ces subsides ne seront payés que jusqu’à l’époque
où la loi sur l’instruction primaire et sur l’instruction moyenne sera rendue.
»
M. Verdussen.
- Les réflexions faites par M. le ministre de l’intérieur nous démontrent la
nécessité de ne pas enfler le budget de sommes dont il ne serait pas fait
usage. Si l’on demande sans cesse, je ne sais où montera le budget général des
dépenses ; son chiffre influera sur celui des voies et moyens. Remarquez qu’il
est des provinces qui n’ont rien, celle d’Anvers, par exemple ; elles
pourraient demander aussi.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- J’ai dit que je ne m’engageais pas à faire un usage immédiat des
augmentations, parce que si on votait, dans le courant de la session, la loi
sur l’instruction moyenne, je pourrais en faire application suivant les
principes de cette loi. Dans ce sens, je suis en harmonie avec les votes de
plusieurs provinces, notamment avec celui de la province du Luxembourg.
La chambre ferme la discussion.
Le chiffre de 115,000 fr., demandé par M. de Puydt est
mis aux voix et n’est pas adopté. Le chiffre de 113,000 fr. demandé pat M.
Demonceau est adopté.
Article 6
« Art. 6. Indemnité aux professeurs démissionnés dans
les athénées et les collèges : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Instruction primaire : fr. 275,000. »
M. de Jaegher. - Je ne viens pas m’opposer à l’allocation
pétitionnée.
Quand il s’est agi de l’enseignement moyen, je n’ai
pas remarque l’inégalité qu’éprouvait la Flandre orientale dans la répartition
; elle ne reçoit pas un centime. Quant à l’enseignement primaire, je crois
devoir signaler les inégalités qui existent dans cette rétribution au préjudice
du district qui m’a envoyé ici. La somme de 275,000 fr. est pour venir en aide
aux instituteurs primaires ; elle doit servir surtout à protéger les
instituteurs qui sont dans les communes rurales, qui donnent gratuitement
l’instruction à quelques pauvres.
Dans cette catégorie se trouvent beaucoup de communes
des environs d’Audenaerde. Je sais que plusieurs demandes de subsides, faites
par des instituteurs, ont été instruites, et qu’ils ont justifié avoir droit à
la faveur dont d’autres jouissent. Si l’on faisait une répartition au marc le
franc entre les communes, le district d’Audenaerde devrait recevoir plus de
4,000 fr., en prenant le nombre des communes pour base de la répartition, et au
moins 6,800 fr. en prenant pour base la population qui est de 100,000 âmes pour
ce district.
J’ai pris la parole pour recommander à M. le ministre
de l’intérieur les communes des environs d’Audenaerde. Je suis fâché de faire
cette demande publiquement, mais c’est que mes autres demandes ont été
infructueuses.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je répondrai à l’honorable préopinant qu’en ce qui
concerne les demandes de subsides pour l’instruction primaire, il faut
considérer l’ensemble des demandes faites dans les royaumes ; et par ce motif,
on doit apprécier mieux, à l’administration centrale, là où les subsides
doivent être accordés. Pour cet objet, on doit tenir compte des ressources des
provinces, de celles des communes, des rétributions que les élèves sont à même
de payer aux instituteurs.
Tous les ans le ministère demande aux administrations
provinciales s’il y a lieu d’opérer quelques transferts d’une commune à
l’autre, s’il est survenu quelques changements dans la situation financière des
communes, qui permettent des revirements dans les allocations.
Je ferai remarquer que la situation des communes doit
être améliorée, puisque le traitement des vicaires qu’elles portaient à leur
budget ne doit plus y figurer que pour des suppléments qui ne s’élèvent pas
au-delà de 200 fr. Elles avaient auparavant 500 fr. à payer.
Quant à la répartition à faire, je ne puis suivre
d’autres règles que celles qui sont le résultat des informations prises dans
les provinces.
M. de Jaegher.
- Le ministre dit qu’il faut juger les demandes, non dans les localités, mais
dans leur ensemble, comme on peut le faire à l’administration centrale. Je sais
qu’il doit être posé un certain nombre de questions, ou que certaines
conditions soient remplies pour que l’instituteur ait droit à un subside ; eh
bien, ces questions ont été favorablement résolues pour les instituteurs du
district d’Audenaerde. Quelques-unes des communes de ce district sont aussi
dénuées de ressources qu’aucune du royaume. Elles ont été grevées dans la
Flandre orientale, pendant un demi-siècle, d’une surcharge de 50 p. c. dans la
contribution foncière. Leurs ressources ont été épuisées par les impôts. Si
c’est l’administration centrale qui décide sur les répartitions, je regrette que
la Flandre orientale ait une si mauvaise part dans l’instruction primaire et
dans l’instruction secondaire.
Le chiffre 275,000 fr. est adopté.
Article 8
« Art. 8. Subsides pour l’instruction des
sourds-muets et des aveugles : fr. 20,000 fr. »
- Adopté.
Chapitre V. - Cultes
« Art 1er. Culte catholique : fr.
4,016,150. »
M. Dumortier.
- Je crois que dans cet article est comprise une somme pour la réparation de l’église
de Ste-Gudule, à Bruxelles, et une autre somme pour la réparation de l’église
de St-Jacques, à Liége ; il faudrait que cet article comprît encore une somme
pour la réparation de la cathédrale de Tournay qui est le plus ancien monument
de la Belgique. La province ou les états du Hainaut ont accordé dans ce but une
somme de 10,000 fr., pensant que le gouvernement coopérerait à cette
restauration importante.
Les plus anciens de nos monuments remontent au
dixième, au douzième et au treizième siècle ; mais la cathédrale de Tournay,
bien plus ancienne, remonte au cinquième siècle ; elle a 1,300 ans d’existence
; on comprend par là qu’elle doit avoir besoin de réparations. Au dire d’un des
plus grands connaisseurs de la France, ce monument est l’un des plus beaux
édifices qui existent dans ces contrées.
M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux).
- Je pense, messieurs, qu’il y a quelque chose de fondé dans les observations
de l’honorable préopinant ; mais la demande de subside dont il parle n’est pas
encore suffisamment instruite, pour qu’on puisse prononcer dès maintenant. Du
reste, si la demande est complétement justifiée, on pourra toujours y
satisfaire au moyen des fonds généraux, et accorder sur ces fonds un subside
proportionné à celui qui est alloué par les autorités locales.
Je dirai à cette occasion, messieurs, que, dans la
répartition des subsides, le gouvernement a grandement égard aux sacrifices que
font, de leur côté, les administrations provinciales et communales. C’est
ainsi, messieurs, que, si certaines localités reçoivent de plus grands secours
du gouvernement pour l’instruction primaire, c’est que les autorités locales
font, de leur côté, de plus grands efforts pour cette instruction. Je crois que
le meilleur moyen d’arriver à une répartition équitable, c’est d’exiger que les
autorités qui réclament contribuent également pour leur part dans les dépenses
pour lesquelles elles demandent le concours du gouvernement.
M. Metz. - Messieurs, des réclamations m’ont été adressées
par quelques ecclésiastiques, et je crois devoir en faire part à M, le ministre
de l’intérieur dans cette enceinte même, parce que si la chambre trouve ces
réclamations fondées, elle pourra donner à M. le ministre les moyens d’y faire
droit.
Vous savez, messieurs, que dans le Luxembourg, la
position des ecclésiastiques est plus dure que dans les autres provinces :
l’âpreté du climat, la difficulté des communications, l’éloignement des villages
y rendent leur situation beaucoup plus pénible que partout ailleurs ; ce n’est
pas tout, on supprime un certain nombre de vicaires, et le service que
faisaient ceux-ci est retombé à la charge des curés, qui ont ainsi un travail
pour ainsi dire double ; cependant leur traitement n’a pas été augmenté. Ils
désireraient qu’il leur fût alloué quelque chose de plus pour les récompenser
au moins jusqu’à certain point du travail nouveau qui leur a été imposé, chose
qu’il serait d’autant plus facile de faire qu’on a retiré une économie de
20,000 francs de la suppression des vicaires dont je viens de parler. Je crois,
messieurs, qu’il serait juste de faire droit à la demande de ces
ecclésiastiques.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Messieurs, les observations de l’honorable préopinant sont très fondées ;
lorsqu’un ecclésiastique qui est attaché à une paroisse, est obligé de remplir
des fonctions dans d’autres paroisses, il me semble qu’il est tout à fait juste
qu’il reçoive une indemnité de ce chef.
- L’article premier, culte catholique, 4,016,150 fr,,
est mis aux voix et adopté.
Articles 2 et 3
« Art. 2. Culte protestant : fr. 79,000. »
- Adopté.
_______________
« Art. 3. Culte israélite : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Secours : fr. 60,000. »
- Adopté.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je crois qu’il faudrait statuer sur la demande
d’un crédit de 1,269 fr. 84 c. que j’ai demandé pour satisfaire à une
réclamation qui m’est faite en faveur d’un ancien protestant du Limbourg ; la
section centrale a refusé ce crédit, parce que, disait-elle, il n’y avait pas
de réclamation de la part du pasteur dont il s’agit, et qu’il n’était pas
établi non plus que la direction supérieure des églises protestantes du
Limbourg, qui a fait cette demande, eût été autorisée par ce pasteur à la
faire. Je puis donner l’assurance qu’il a réellement autorisé le consistoire à
réclamer sa créance, et par conséquent, messieurs, qu’il y a lieu d’allouer la
somme.
M. Dumortier. - Messieurs, avant de voter le crédit demandé par M.
le ministre de l’intérieur, je désirerais avoir un éclaircissement : si je suis
bien informé, le ministre dont il s’agit est aujourd’hui en Hollande ; or, je
ne veux pas plus d’un ministre protestant qui vienne de Hollande que d’un
ministre catholique qui vienne de Hollande ; nous ne devons pas salarier des
ministres du culte qui viennent de l’étranger et surtout de notre ennemi. Je
n’ai jamais montré de parcimonie lorsqu’il s’est agi des cultes non
catholiques, mais je ne veux pas que des ministres hollandais viennent
s’impatroniser dans nos villages.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Il ne s’agit pas, messieurs, d’un ministre hollandais actuellement en
fonctions ; il s’agit de services rendus en 1830 et 1831 ; c’est tout simplement
une créance arriérée, et à cet égard je dois faire observer à la chambre que
les réclamations qui nous sont faites pour créances arriérées de la même
nature, du chef de traitements qui n’ont pu être liquidés jusqu’ici, parce que
les titres des créances n’étaient pas suffisamment établis, s’élèvent à une
somme de 3,000 ou 4,000 fr. Si la chambre ne voyait pas de difficulté à porter
au budget une somme de 4,000 fr. pour créances arriérées, il pourrait être fait
droit à ces réclamations ; sans cela je serai obligé de présenter une demande
spéciale d’un crédit pour cet objet. Je puis donner à la chambre l’assurance
qu’il ne serait fait emploi de cette somme que pour des personnes dont les
créances seraient pleinement justifiées. Si toutefois la chambre croit ne pas
pouvoir l’accorder maintenant, alors je ferai plus tard une demande spéciale.
M. le président. - Voici le passage du rapport de la section centrale
qui concerne cet objet :
« M. le ministre a transmis à la section centrale
une réclamation de la direction supérieure des églises protestantes du Limbourg
pour le paiement en faveur de M. Van Huls, ancien pasteur de la commune de
Galoppe, d’une somme de 1,269 84 (fl. 600), qui lui serait due pour traitement
du 4ème trimestre 1830 et du 1er semestre 1831. Le ministre ajoute que cette
réclamation lui paraît fondée, et comme il n’y a au budget aucun crédit ouvert
pour y faire face, il demande de vouloir faire figurer à la suite du chapitre
des cultes un article spécial ainsi libellé :
« Traitement dû au sieur Van Huls, ancien
ministre protestant à Galoppe, pour le 4ème trimestre 1830 et le 1er semestre
1831 : fr. 1269 84 c. »
« La section centrale n’a pas cru devoir examiner
le fond de la question, le point de savoir si la somme pétitionnée est due oui
ou non ; elle a pensé que cette demande devait faire l’objet d’un projet de loi
séparé, parce que cette dépense se rapporte à des exercices antérieurs. Il est
du reste à observer qu’il n’y a pas de réclamation de la part du sieur Van Huls,
qui aurait pu la faire lui-même, et il n’est pas établi non plus que la
direction a été autorisée par lui à faire la demande. En conséquence la section
centrale a rejeté la proposition. »
Voici la proposition de M. le ministre :
« Créances arriérées pour le service des divers
cultes : fr. 4,000 francs. »
M. Scheyven, rapporteur. - Ainsi que vous l’avez entendu, messieurs, par la
lecture que vient de vous faire M. le président, ce ne sont pas les seuls
motifs rappelés par M. le ministre qui ont engagé la section centrale à rejeter
le crédit dont il s’agit ; la section centrale a pensé en outre que la demande
de ce crédit doit faire l’objet d’un projet de loi séparé. Je crois messieurs,
que cette observation de la section centrale est très fondée ; différentes
demandes de crédits pour créances arriérées ont été faites par des projets de
loi séparés ; je ne sais pas pourquoi M. le ministre en a agi différemment dans
cette circonstance. Un ancien juge suppléant de la justice de paix de Ruremonde
s’est adressé à différentes reprises à M. le ministre de la justice pour
réclamer des traitements arriérés, cependant il n’a pas été introduit un
article dans le budget de la justice pour faire droit à la demande de cet
ancien fonctionnaire ; il me semble qu’il faut en agir de même pour la
réclamation dont il s’agit en ce moment. D’ailleurs, messieurs, la section
centrale n’a pas examiné le fond de la question ; elle ne sait pas si la
demande est fondée, oui ou non ; elle a seulement examiné la question de savoir
si le chiffre dont il s’agit doit figurer au budget, et, comme vous l’avez vu,
messieurs, elle a résolu cette question négativement.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Messieurs, la créance dont
l’honorable préopinant vient de parler fait, comme il le sait très bien,
l’objet d’un projet de loi que j’ai depuis longtemps présenté à la chambre ;
j’ai prié l’honorable rapporteur de la section centrale chargée de l’examen de
ce projet, de faire son rapport le plus tôt possible ; mais les nombreux
travaux dont il était chargé ne lui ont pas permis de s’occuper de cet objet,
si ce n’est depuis quelques jours ; il vient de me demander de nouveaux
renseignements que je m’empresserai de lui communiquer.
Quant à la dernière observation de l’honorable membre,
je puis dire que je suis allé au-devant de ses désirs, puisque j’ai proposé, à
la fin du budget de l’exercice prochain, un chapitre spécial allouant un crédit
pour solder des créances arriérées. Je crois que c’est là un très bon
précèdent, et qu’il sera convenable que tous les ans les ministres portent un
semblable crédit à leur budget ; de cette manière ils n’auront pas besoin
d’entretenir la chambre de projets spéciaux.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je n’aurais pas présenté mon amendement
séance tenante, si l’objet avait été plus important ou s’il s’était agi de créances
susceptibles de contestation ; mais l’objet n’est réellement que très peu
important, et les créances auxquelles la somme que je demande serait destinée,
sont faciles à constater. Je crois, messieurs, que le chiffre de 4,000 fr. peut
être accordé sans inconvénient ; le gouvernement examinera avec soin chaque
réclamation, et il n’y fera droit qu’après avoir acquis la certitude qu’elle
est fondée.
En répondant tout à l’heure à M. Metz, j’ai oublié de
lui dire qu’un arrêté a été pris dans le courant de l’année dernière sur la
question sur laquelle il m’a interpellé. L’honorable membre vient du reste de
me remettre une réclamation que je m’empresserai d’examiner.
M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre de l’intérieur
:
« Créances arriérées de divers cultes : fr.
4,000. »
M. Verdussen.
- Je demande qu’à l’instar de toutes les affaires de cette espèce, la
proposition de M. le ministre de l'intérieur soit renvoyée à la commission des finances.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je ne m’oppose pas à ce renvoi. Si j’ai cru devoir faire actuellement une
proposition à cet égard, ç’a été uniquement pour éviter de vous présenter un
projet de loi spécial que le peu d’importance de l’objet ne me semblait pas
comporter.
- La proposition de M. Verdussen est mise aux voix et
adoptée. En conséquence, la proposition de M. le ministre de l’intérieur est
renvoyée à la commission des finances.
Chapitre VI (nouveau). - Subsides aux villes et
communes
M. le président.
- Messieurs, la section centrale a fait une proposition que j’ai déjà annoncée,
et qui, si elle était autorisée, formerait le chapitre VI du budget. Cette
proposition est ainsi conçue :
« Subsides aux villes et aux communes dont les
ressources sont insuffisantes pour la conservation de leurs monuments : fr.
20,000. »
M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, je crois que cet article trouverait
mieux sa place au chapitre VII (lettres, sciences et arts), dont il pourrait
former l’art, 3. J’en fais la proposition.
- Adopté.
Chapitre VI. - Industrie, commerce, agriculture
« Art. 1er. Encouragements à l’industrie et au
commerce, frais de rédaction et de publication de la statistique industrielle
et commerciale : fr. 220,000. »
M. Desmaisières. - Je désire savoir si M. le ministre de l’intérieur
ne trouve pas d’inconvénient à renseigner, sans les nommer, soit les
industriels, soit les établissements entre lesquels a été répartie la somme de
70,433 fr. dont il est parlé à la page 11 du rapport de la section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne désire pas donner ces renseignements en
séance publique. J’ai donné à la section centrale des explications détaillées.
Je crois que si l’honorable membre voulait se contenter de prendre
personnellement connaissance de l’emploi qui a été fait de la somme dont il
s’agit, il aurait tout apaisement à cet égard. Mais je puis dire qu’en cette
circonstance, il n’a pas été dérogé à ce principe : qu’il ne faut pas
encourager des individus exerçant une industrie ordinaire, c’est-à-dire créer
des positions privilégiées.
M. Desmet. - Messieurs, si je pense qu’il peut y avoir des
inconvénients à citer ici les noms des industriels, je crois d’un autre côté
qu’il n’y en a aucun à nous faire connaître les branches d’industrie qui ont
été comprises dans la répartition de la somme dont il s’agit. M. le ministre
pourra nous donner ces renseignements ; c’est le moyen d’informer la chambre et
de ne blesser personne.
M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, le ministre de l’intérieur a
effectivement communiqué à la section centrale tous les renseignements qu’elle
avait désiré avoir. Si la chambre le désire, je déposerai ces renseignements
sur le bureau. Mais je crois qu’il serait dangereux de faire connaître ici les
noms des personnes qui ont obtenu un subside.
M. Lardinois.
- Je pense aussi qu’il y aurait de grands inconvénients à faire connaître
publiquement les noms de ces personnes ; il importe cependant que la chambre
sache à quelles espèces d’industrie des secours ont été distribués. J’appuie
donc la proposition tendant à faire déposer sur le bureau les renseignements
que M. le ministre de l'intérieur a soumis à la section centrale. C’est un très
mauvais moyen de protéger les industriels avec les fonds appartenant à l’Etat,
c’est renouveler le million Merlin.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je ne vois aucune difficulté à ce que les renseignements soient déposés sur
le bureau.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
« Art 2. Service de sauvetage et primes pour construction
de navires : fr. 40,000. »
M. Smits.
- Messieurs, à l’époque où le budget de l’intérieur a été présenté, M. le
ministre de l'intérieur ne pouvait pas encore avoir une connaissance exacte de
tous les navires lui auraient été mis sur les chantiers du royaume, par suite
de la loi qui a été votée à titre de primes pour construction de navires.
Si je suis bien informé, 12 navires ont été déclarés
dans le courant de cette année ; en calculant la prime à raison du taux moyen de
30 fr. par tonneau, j’ai trouvé que la dépense s’élèverait à 75,450 fr.
Je crois donc que le crédit doit être majoré et porté
au moins 75,000 fr. ; car il doit faire
face également aux dépenses que nécessitera le service de sauvetage ; je vais
déposer un amendement dans ce sens.
M. Donny.
- Messieurs, à l’occasion de cet article, je me permettrai de répéter ce que
j’ai dit dans une autre circonstance, qu’à mon avis, les primes pour
construction de navires ne doteront jamais la Belgique d’une marine marchande,
aussi longtemps que nous n’imiterons pas l’exemple des peuples maritimes qui
nous entourent, aussi longtemps qu’on n’ajoutera pas à l’encouragement qui
résulte de ces primes, la protection de droits différentiels plus efficace que
celle qui existe maintenant en Belgique.
Je sais bien, messieurs, que pour le moment mes
paroles n’auront aucun résultat. Je sais bien qu’aussi longtemps que le
ministère sera fidèle aux principes qui l’on dirigé jusqu’ici, il n’y a aucun
changement à espérer dans cette partie de notre législation. Mais je n’ai pas
voulu laisser sans appui la voix de quelques honorables collègues qui se sont
fait entendre dans une séance précédente dans le même sens que moi ; j’ai voulu
déclarer avec eux qu’aussitôt qu’une occasion favorable se présentera, et qu’il
y aura quelques chances de réussite, je travaillerai de tous mes moyens à faire
changer un état de choses qui sacrifie complétement les intérêts des armateurs
à ceux des consommateurs.
Quant à l’augmentation de la prime pour constructions
maritimes, dont on vient de parler, je crois pouvoir en féliciter le pays. Plus
il y a de primes à payer, et plus il y a de constructions, plus par conséquent
nous pouvons espérer de parvenir tôt ou tard, en prenant toutefois les mesures
nécessaires, à procurer au pays une marine marchande.
Je voterai en conséquence avec empressement
l’augmentation de crédit qui a été demandée par M. Smits .
M. le président. - Voici l’amendement de M. Smits :
« Je propose de porter à 75,000 fr. le crédit
destiné au service de sauvetage et aux primes pour construction de
navires. »
- L’amendement est appuyé.
M. Pirmez. - Dans le système que professe M. Donny, les
observations qu’il vient de faire sont parfaitement exactes. Tant qu’il n’y
aura pas de droits différentiels, l’on ne créera pas une marine marchande que
M. Donny, lui, veut créer. Mais je ferai remarquer que, sous le rapport des
droits différentiels, l’opinion de M. Smits est entièrement opposée à celle de
M. Donny . M. Smits ne veut plus des droits différentiels, et cependant, par
son amendement, il pousse nécessairement aux droits différentiels qu’il prétend
repousser. Voilà la position dans laquelle il se met.
Nécessairement, lorsque vous aurez un grand nombre de
vaisseaux, il vous faudra des droits différentiels. Je crois que cela est tout
à fait contraire aux principes que M. Smits a soutenus sous ce rapport. Que
dans l’opinion de M. Donny, qui veut des droits différentiels, l’on admette
l’amendement de M. Smits, je le conçois ; mais, dans l’opinion de M. Smits et
de moi qui ne voulons pas de droits différentiels, je crois que nous devons
rejeter l’amendement. On a discuté la question des droits différentiels lors de
la discussion du projet de loi relatif aux primes pour construction de navires
; ce n’est pas le moment de renouveler cette discussion ; j’ai voulu seulement
faire remarquer que l’amendement de M. Smits mène aux droits différentiels. Je
voterai contre cet amendement.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- J’appuie l’amendement de l’honorable M. Smits ; je déclare même que je
m’étais mis entièrement d’accord avec lui avant qu’il l’eût présente.
Le service de sauvetage sera entièrement organisé pour
l’année prochaine. J’ai reçu hier matin un rapport de l’administration
provinciale de la Flandre occidentale qui me permet de l’assurer.
D’autre part, comme l’auteur de l’amendement l’a fait
remarquer, il est d’autant plus utile de majorer le chiffre de l’article en
discussion que les constructions de navires augmentent continuellement et qu’il
se forme de nouvelles sociétés maritimes.
Je dois répondre aux observations de l’honorable M.
Pirmez. Il dit que la construction de navires étant inutile, on n’aurait pas dû
accorder de primes ; il dit ensuite que l’augmentation dans la construction des
navires amènera une extension du système des droits différentiels.
Je répondrai sur le premier point que les meilleurs
juges de l’utilité de la construction de nouveaux navires sont ceux qui
l’entreprennent. Ils ne voudraient pas l’entreprendre s’ils prévoyaient que ce
fût inutile, parce que, s’il en était ainsi, la prime n’est pas assez
considérable pour les dédommager de leurs dépenses.
En
ce qui concerne la question des droits différentiels, les honorables MM. Pirmez
et Desmet se trompent sur les intentions du gouvernement. Ce que nous n’avons
pas voulu faire jusqu’à présent, c’était de proposer un projet de loi tendant à
modifier les droits différentiels actuellement existants. Pourquoi ne
l’avons-nous pas fait ? Parce que nous pensions qu’il est utile de négocier des
traités de navigation. Je dois déclarer que des instructions ont été données
dans ce sens à la plupart de nos agents diplomatiques. Nous espérons être, dans
le courant de cette session, à même de saisir la chambre de la question,
puisque ces traités doivent être soumis à l’approbation de la législature.
Je pense qu’aussi longtemps que nous aurons l’espoir
d’obtenir des traités de navigation sur un pied d’égalité, il est intempestif
de proposer une modification aux droits différentiels.
Lorsque vous serez saisis du premier traité de
navigation, vous serez à même de résoudre cette question importante ; nous
avons hâte de la voir décidée, parce que quand elle sera résolue, nos armateurs
pourront avoir une assurance sur les entreprises futures.
M. A. Rodenbach. - J’ai déjà parlé dans deux séances précédentes des
droits différentiels. M. le ministre de l'intérieur vient de nous annoncer que
nos agents diplomatiques s’occupent de traités de navigation ; mais il paraît
que cette besogne ne va pas vite, car je ne sache pas qu’un seul traité soit
sur le point d’être conclu. Toutes les puissances s’occupent de conclure des
traités qui leur soient avantageux. La Hollande traite avec l’Angleterre ; la
France traite avec l’Angleterre et l’Amérique ; la Prusse fait des traités.
Tandis que la Prusse, l’Angleterre, la France et l’Amérique pourvoient ainsi
par des traités à leurs intérêts, nous, nous sommes traités en parias, et nous
payons des droits énormes comparativement à ceux que paient nos voisins. Je
demande qu’on s’occupe sérieusement des intérêts de notre commerce ; le temps
est venu pour nous de ne plus être traités en parias.
M. Desmet.
- Il y a deux espèces de commerce : le commerce de commission et le commerce
national. Personne ne contestera sans doute que ce dernier commerce est le plus
intéressant. Eh bien, je crois que pour protéger les intérêts de ce commerce,
il faut des droits différentiels. M. le ministre de l'intérieur n’est pas de
cet avis, parce qu’il espère, dit-il, faire des traités ; mais c’est la
première fois qu’il parle de traités. Cette question s’est présentée il y a
trois jours et il n’a pas répondu dans ce sens. Je lui fais mon compliment
sincère de ce nouveau projet ; j’espère qu’il y donnera suite.
Mais je l’engage aussi de songer plutôt à protéger le
commerce véritablement national, celui d’échange, et qui se fait par nos
propres navires, que de toujours ne viser qu’à servir l’étranger et travailler
dans l’intérêt du commerce et de l’industrie des étrangers au détriment des
intérêts nationaux. Car ce n’est pas dans le profit de quelques maisons
commissionnaires d’Anvers qu’on doit aller chercher les éléments de la
prospérité du pays.
Je rappellerai à M. le ministre qu’il y a au budget
une somme de 30,000 fr. pour des missions à l’étranger ; j’espère qu’il en fera
un bon usage et sans retard, car nous devons absolument procurer plus de
débouchés à notre commerce.
Je lui ferai observer que
quand on envoie des consuls à l’étranger, on doit prendre des hommes qui aient des
connaissances commerciales, et non pas des poètes et des littérateurs. (On rit.)
Je ne veux citer personne ; mais je suis bien certain
que ce n’est pas de son plein gré que le secrétaire de légation de Londres a
été envoyé comme consul à Smyrne. Car il a trop d’esprit pour ne pas sentir que
sa place est plutôt celle de secrétaire de légation que de devoir commencer à
son âge une nouvelle carrière dont il n’a jamais fait l’objet de ses études.
Que dire aussi du secrétaire de légation de Rome, envoyé à Alexandrie en
mission commerciale ? On chasse quelqu’un d’une place où il rendait des
services au pays et à son gouvernement ; il était agréable à la cour de Rome et
on l’envoie en Egypte pour le remplacer par un petit employé. De sorte que dans
ce moment nous ne sommes pas représentés à Rome. Dieu sait si nous aurons
encore un envoyé de la part du gouvernement romain ! Je demande donc que de
telles missions ne soient confiées qu’à des personnes versées dans les affaires
de commerce. C’est le seul moyen d’avoir quelque utilité des missions que
l’Etat paie.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne m’occuperai de la question de personnes ; je
dois dire que celle dont a parlé l’honorable M. Desmet a sollicité la mission
qui lui a été donnée ; il n’est donc pas exact de dire qu’elle l’ait eue contre
son gré.
Quant au secrétaire de la légation de Rome, j’ai déjà
dit qu’il n’est pas sans exemple qu’un secrétaire de légation soit nommé consul
; on en a des exemples dans plusieurs Etats ; j’ai même cité des exemples dans
la discussion du budget des affaires étrangères.
Il n’est pas exact de dire, comme l’honorable M. A.
Rodenbach, que la Belgique soit traitée par les autres puissances d’une manière
exceptionnelle. Jusqu’ici nous avons le même système qui existait sous le
royaume des Pays-Bas, sauf les nouveaux traités que la Hollande a contractés ;
mais il ne suffit pas de dire qu’il faut conclure de nouveaux traités ; il faut
voir sur quelles bases ils peuvent être conclus et quels avantages ils doivent
rapporter à la Belgique ; rien n’est plus facile que de conclure des traités
avec tout le monde, si nous ne devons pas avoir égard aux intérêts spéciaux de
la Belgique.
Je puis déclarer que cette question des traités de
navigation nous occupe. Des instructions précises ont été données à cet égard à
nos agents ; à quelle époque sera-t-il obtenu ? Il ne m’est pas permis de le
dire à la chambre.
M. A. Rodenbach. - Lorsque nous étions réunis à la Hollande qui avait
des colonies, le système différentiel était bon ; mais depuis que, séparés de
la Hollande, nous formons un gouvernement à part, depuis que nous n’avons plus
de colonies à protéger, ce système ne nous convient aucunement. Un gouvernement
qui n’a pas de colonies doit être en état d’exporter le plus possible. Nous
avons 100 bâtiments de long cours ; il nous en faudrait peut-être 2,000. Avec
le système actuel, dès lors que nous n’avons plus de colonies, il est impossible
que notre commerce prospère. Je voudrais que les honorables députés d’Anvers
s’expliquassent franchement sur cette question.
M. Verdussen.
- Il y a tant à répondre à l’honorable préopinant que ce serait l’affaire de plusieurs
séances, et cette discussion n’aboutirait à rien.
Nous discuterons à fond cette question lorsque la
chambre s’en sera saisie ; mais comme cette discussion n’aboutirait à aucun
changement de chiffre, je demande qu’elle soit maintenant abandonnée et que la
chambre s’en tienne à la discussion du chiffre.
- La proposition de M. Verdussen, tendant à ce que la
chambre se borne à la discussion du chiffre de l’article 2, est mise aux voix
et adoptée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- L’amendement de l’honorable M. Smits n’a d’autre but que l’application de la
loi, car le montant des primes a été déterminé par la loi. D’après les
renseignements qui nous sont parvenus sur le nombre des navires en
construction, le chiffre de 40,000 fr. est insuffisant ; c’est pourquoi nous
proposons la majoration de 25,000 fr.
- L’article 2 est adopté avec le chiffre de 75,000 fr.
proposé par M. Smits.
La chambre passe à la discussion de l’article 3.
« Art. 3. Pêche nationale : fr. 40,000. »
M. Donny.
- Il serait sans doute superflu de vous engager à voter l’allocation proposée
pour encouragement de la pêche ; car je suis certain que vous ne vous montrerez
pas moins bienveillants pour la pêche que chaque année depuis 1834 ; aussi
n’est-ce pas à cet effet que j’ai demandé la parole.
Je tiens à dire quelques mots sur l’allocation, afin
que les nouveaux membres ne se fassent pas illusion sur la portée de cet
article.
Les primes que nous allons voter ne sont pas destinées
à toutes les pêches maritimes indistinctement. Elles ne servent qu’à encourager
trois sortes de pêche : la pêche de la morue à Doggers Bank pendant l’hiver ;
la pêche de la morue en été dans les parages de l’Islande et des îles Féroé ;
et la pêche du hareng destiné à être salé.
Cette pêche du hareng entraîne de grands frais ; quant
aux deux pêches spéciales de morue dont j’ai eu l’honneur de parler, elles sont
presque toujours accompagnées de grandes avaries, de grands dangers. Aussi ne
trouverait-on personne qui voulût armer pour ces trois pêches, si l’on n’était
pas assuré de trouver dans les primes une espèce d’indemnité.
En énumérant les allocations successivement accordées
chaque année, on voit qu’il n’y a qu’un très petit nombre de bâtiments qui
s’occupent de ces pêches ; car, sur 200 bâtiments de pêcheur qui se trouvent
sur le littoral de la Flandre, il n’y en a, année commune, que 26 qui reçoivent
la prime. Les 174 autres restent sans protection, soit par le tarif, soit par
toute autre disposition de la législation actuelle.
Pour donner à la pêche l’encouragement dont elle a
besoin, ce n’est pas à des primes qu’il faudrait recourir. Il faudrait, d’une
part, prendre des dispositions pour arrêter la fraude du poisson sur l’Escaut,
fraude qui est devenue si évidente, si scandaleuse que les journaux d’Anvers ne
peuvent s’empêcher d’en entretenir le public.
Pour arriver au changement de tarif et aux mesures de
répression de la fraude que réclame impérieusement la situation de la pêche, il
a été présenté à la chambre deux projets de loi, l’un par le ministre des
finances, l’autre par moi-même. Ces projets, s’ils étaient adoptés, donneraient
certainement un encouragement efficace à la pêche nationale ; malheureusement,
si vous n’y tenez la main, cette adoption pourra se faire attendre longtemps
encore.
Les deux projets ont été
renvoyés à l’examen d’une commission spéciale ; mais, par une fatalité
déplorable, elle s’est trouvée composée de telle manière qu’il est
excessivement difficile d’en réunir les membres. Il y a quelques jours qu’une
nouvelle tentative a été faite, mais elle est restée infructueuse. Le président
était malade ; deux membres étaient occupés à la commission chargée d’examiner
le projet de loi relatif au timbre, un était absent, un autre tant absorbé par
des fonctions administratives, et encore, à ce dernier, je lui dois cette
justice de dire qu’il a offert de se rendre à une réunion du soir si la
commission voulait s’assembler dans la soirée. En définitive, la réunion n’a
compté que deux membres qui, dans l’impossibilité de délibérer, ont dû lever la
séance. Vous concevez qu’un pareil état de choses ne peut pas se prolonger
davantage. Pour le faire cesser, je déposerai une proposition tendant à
augmenter la commission de deux membres, en priant le bureau de vouloir les
choisir parmi les honorables membres qui ne sont pas engagés dans les travaux
de la section centrale.
- Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix et adopté.
La proposition de M. Donny est également adoptée.
M. Smits.
- Je crois qu’il faudrait ajouter à cet article le libellé adopté l’année
dernière, pour que le gouvernement pût disposer du crédit pour accorer des
primes en attendant le vote de la loi dont vient de parler M. Donny .
Ce libellé est ainsi conçu :
« En attendant qu’il en soit autrement pourvu,
les dispositions de la loi du 6 mars 1818 seront suivies pour la répartition,
entre les intéressés, de la somme portée au budget pour encouragement de la
pêche de la baleine et de la morue. »
- Cette addition est mise aux voix et adoptée.
« Art. 4. Agriculture : fr. 442,000. »
M. Verhaegen.
- Messieurs, je trouve au n°3 de l’article 4 une somme de 12 mille francs
portée pour pépinières et distribution de mûriers. Je pense que si nous voulons
faire des économies, nous devons retrancher cet article.
Je lis à la page 13 du rapport :
« La quatrième section a rejeté cette somme ;
elle a demandé qu’elle fût jointe à celle de 150,000 fr. au n°6, haras.
« La section centrale, avant de se prononcer sur
cette demande, a désiré avoir des renseignements sur la culture du mûrier et
l’éducation des vers à soie, et voici ceux qui ont été fournis.
« Cette industrie, nouvelle en Belgique, a fait
des progrès ; de nouveaux établissements se forment, et la production de la
soie s’augmente ; elle sera assez considérable dans peu d’années, lorsque les
plantations de mûriers encore trop jeunes auront pris la croissance nécessaire,
que ces arbres produiront des feuilles abondantes, et qu’ils pourront en être
dépouillés sans danger de les faire périr.
« La production connue a été : en 1835, de 609
kil. de cocons ; en 1836, de 725 ; en 1837, de 1,991.
« Les établissements modèles de Meslin-l’Evêque
et d’Uccle prospèrent ; des mûriers très nombreux de toutes les meilleurs
espèces y sont plantés, et croissent avec une grande vigueur. »
Quant à nous, nous pensons que c’est une dépense tout
à fait inutile, nous pensons que déjà l’expérience a démontré que ce que le
gouvernement précédent et le gouvernement actuel ont fait pour la culture du
mûrier et l’éducation des vers à soie, n’a produit aucun résultat. J’ai vu que,
dans toutes les discussions du budget jusqu’à présent, on s’est élevé contre
les demandes d’augmentation faites dans l’intérêt de l’instruction ; on a
invoqué la nécessité pour le moment de faire des économies, et on n’a pas admis
les augmentations demandées pour l’instruction, tandis qu’on maintenait des
sommes portées pour des postes qu’on pouvait retrancher, car ce sont de vraies
sinécures.
A Uccle, nous avons un établissement avec 30 bonniers
de terre, dont on pourrait tirer beaucoup d’argent et qui ne produisent
absolument rien.
Nous avons à Meslin-l’Evêque un château et plusieurs
bonniers de terre. Cet établissement ne produit rien non plus, si les calculs
sont exacts. Seulement on pense que dans l’avenir l’éducation des vers à soie
produira quelque chose. Mais jusqu’à présent c’est zéro.
Il ne faut pas se dissimuler que ces établissements
peuvent être agréables pour ceux qui les occupent, car ce sont des sinécures.
Mais les circonstances sont telles que nous pouvons dire qu’on est allé trop
loin, que nous n’avons pas besoin de sinécures de cette nature.
Ici, je me permettrai quelques réflexions. S’il
s’agissait d’encourager l’agriculture, de lui faire produire davantage, je
serais le premier à me prononcer pour des objets reconnus utiles. On a
abandonné la culture du maïs ; la commission avait trouvé que nous pouvions en
tirer de grands avantages.
(Dans la suite de son discours, M. Verhaegen rappelle
qu’un rapport fait au nom d’une commission, et dans laquelle figurait M. Zoude,
n’a pas été favorable à la culture du maïs, et qu’enfin le gouvernement a
abandonné les essais.
(Erratum inséré
au Moniteur belge n° 346, du 12 décembre 1837 : « lisez : Dans la
suite de son discours l’honorable M. Verhaegen rappelle qu’un rapport fait au
nom d’une commission dans laquelle figurait M. Zoude, a été favorable à la
culture du maïs, et qu’enfin le gouvernement a abandonné les essais. »)
(Quant à la garantie, il
désirerait qu’un droit protecteur fût établi pour encourager les agriculteurs
qui la cultivent ; mais pour les vers à soie, il croit qu’on s’en occupe en
pure perte. Il n’approuve pas qu’on ait choisi des terres aux environs de
Bruxelles dont le prix est élevé, pour y essayer la culture du mûrier, et pour
y dépenser en outre de fortes sommes en engrais. Il fait remarquer que l’ancien
gouvernement a consacré des centaines de mille francs pour l’éducation des vers
à soie, et pour former des pépinières de mûriers dans des terrains qui ne sont
pas convenables à cet arbre.
(En résumé, il pense qu’on doit rejeter le chiffre demandé
cette année pour le même objet, ce qui produirait au budget une économie de
12,000 fr., et de plus il voudrait que l’on vendît les établissements de
Meslin-l’Evêque et d’Uccle, ce qui réaliserait d’assez fortes sommes.)
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Il n’y a pas d’analogie entre l’article en discussion et celui de
l’instruction publique que l’honorable préopinant y a rattaché. Quand il s’agit
de collège, il est tout naturel que les chambres exigent que les intéressés
contribuent à la dépense, c’est-à-dire, que les provinces et les communes
paient une partie des frais. Mais les chambres ont toujours été plus généreuses
que les provinces. Celle du Luxembourg, par exemple, n’a rien payé, quoique des
impositions spéciales soient frappées pour cet objet. Les fonds provenant de
ces impositions ont été mis en réserve. C’est donc à tort que l’on reprocherait
à la chambre d’avoir agi avec parcimonie.
Mais, me renfermant dans le sujet de la discussion, je
répondrai en peu de mots au préopinant.
Il n’y a pas de comparaison à établir entre la culture
du maïs et la culture du mûrier. Tout était à faire pour le maïs ; pour le
mûrier, au contraire, des travaux considérables ont été faits par le
gouvernement à Meslin-l’Evêque et à Uccle. Les terrains d’Uccle n’étaient pas
d’une grande valeur ; c’est un sol impropre ; à peine le bois y croissait-il.
Il est vrai qu’aujourd’hui, à force de soins, de culture, le terrain est mis en
meilleur état. Toutefois il ne faut pas croire qu’il soit d’une immense valeur
et qu’il puisse être comparé aux terres qui environnent la capitale. On
n’aurait donc pas une somme considérable de ce terrain.
Faut-il perdre les fruits des
dépenses faites, et les soins donnés depuis un assez grand nombre d’années ? Je
ne le pense pas. L’honorable préopinant dit que l’établissement de
Meslin-l’Evêque est dans un mauvais sol ; je n’en disconviens pas ; on aurait
pu mieux choisir ; mais ses plantations sont dans un état satisfaisant ; et ce
serait une perte réelle que de les détruire.
C’est également à tort que le préopinant soutient que
le mûrier ne peut croître en Belgique, et que les vers à soie ne peuvent y être
élevés ; le mûrier croît et les vers à soie prospèrent dans des climats bien
moins bons que le nôtre ; ils réussissent en Prusse ; et je ne conçois pas
comment on abandonnerait des essais qui promettent de bons résultats.
Quant au directeur de ces établissements, ce serait une
erreur de croire qu’il y trouve une position lucrative, et telle qu’elle le
pousserait à engager le gouvernement à continuer la dépense ; il a beaucoup de
soins et de peines à se donner, et point de profit à en tirer.
Les plantations d’Uccle ont parfaitement réussi. La
culture du mûrier et l’éducation des vers à soie promettent de riches récoltes
à notre pays ; des particuliers en sont convaincus et font des tentatives à
leurs dépens ; et le moment serait mal choisi pour que le gouvernement
abandonnât ce qu’il a bien commencé.
M. Desmanet de Biesme. - Les réponses que vient de faire M. le ministre de
l’intérieur me laissent peu de chose à dire.
Peut-être que je serais de l’avis de M. Verhaegen si
l’on venait aujourd’hui nous proposer de faire de grands frais pour commencer
la culture du mûrier ; mais comme on vous la fait remarquer, des établissements
existaient avant la révolution. La question de savoir s’il fallait les
abandonner ou les soutenir a déjà été agitée, et l’on a été amené à conclure
qu’il fallait leur donner une meilleure direction, et continuer l’éducation des
vers à soie, et par conséquent la culture du mûrier.
D’après cette solution, nous n’avons donc autre chose
à examiner que la question de savoir si la direction donnée aux établissements
de Meslin-l’Evêque et d’Uccle répond au but que l’on se propose. La Prusse fait
de grands frais pour l’éducation des vers à soie et s’en trouve bien ; son sol
et son climat sont cependant moins bons qu’en Belgique.
Je tiens à répondre quelques mots à ce qu’a dit
l’honorable orateur sur la culture du maïs, parce que j’ai fait partie de la
commission qui a en à examiner cet objet.
On s’était lié par contrat avec un Italien qui
dirigeait l’établissement. Il a été prouvé que le maïs pouvait donner
d’abondantes récoltes dans les bonnes années.
Mais quand on eut obtenu
quelques produits, on fut fort embarrassé pour les employer ; on ne savait
qu’en faire. On n’a même pas pu les mettre en usage dans les prisons. Les
agriculteurs repoussent aussi cette substance alimentaire ; ils préfèrent les
graines du pays, qui réussissent tous les ans, au maïs, qui ne réussit que dans
les bonnes années. On ne fait pas facilement des révolutions dans le système
d’alimentation des populations. Voilà les raisons qui ont fait abandonner la
culture du maïs. Quelques particuliers continuent à le cultiver, mais aucun ne
le fait en grand.
Quant à la garance, la culture en est ancienne en
Belgique, et y a toujours parfaitement réussi ; ce qui manque à ceux qui la
cultivent, ce sont des séchoirs ; la commission d’agriculture a toujours
demandé au gouvernement des subsides pour l’établissement de séchoirs, qui sont
réellement la seule chose qui manque à cette partie de l’agriculture.
En ce qui concerne le directeur de l’établissement de
Meslin-l’Evêque, loin qu’il ait là une sinécure, il est impossible de faire les
choses avec plus de zèle et de désintéressement qu’il le fait.
M. Zoude. - Je répondrai à l’honorable M. Verhaegen que la
commission supérieure d’industrie a été chargée de présenter à M. le ministre
de l'intérieur un rapport sur la culture du mûrier et l’éducation des vers à
soie ; ce rapport sera fait incessamment, et j’espère qu’il prouvera à M.
Verhaegen, non seulement que l’industrie sétifère peut réussir en Belgique,
mais qu’elle promet les plus heureux résultats pour l’avenir. En attendant, je
ferai remarquer qu’il y a des pays dont le climat est bien moins favorable que
le nôtre, et où cependant l’industrie sétifère est parvenue à un haut degré de
prospérité.
M. Pollénus. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a appelé votre attention sur la
culture de la garance et vous a démontré combien il importe de prendre des
mesures pour l’encourager ; depuis quelque temps des pétitions nous ont été
adressées et nous font connaître que cette branche d’agriculture, si
florissante il y a quelques années, se trouve maintenant dans un état de
souffrance véritable ; que dans une partie du pays elle est presque entièrement
anéantie. Pour appuyer ces réclamations, je pourrais citer ce qui se passe aux
environs de Maestricht ; là on cultivait autrefois la garance avec beaucoup de
succès, et maintenant on a presque entièrement dû renoncer à cette culture.
J’appuie donc les observations de l’honorable M.
Verhaegen, et je rappellerai en même temps à la commission des pétitions que la
chambre lui a renvoyé un grand nombre de réclamations relativement à l’objet
dont il s’agit : si ces pétitions doivent attendre leur tour de rôle, il se
passera encore beaucoup de temps avant que la chambre puisse s’en occuper. Je
demanderai à M. le président de la commission des pétitions s’il trouverait
quelque objection à la proposition que je désire faire pour demander un prompt
rapport sur les pétitions dont il s’agit.
Nos cultivateurs de garance, messieurs, demandent des
droits protecteurs, et s’il est démontré qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec
l’étranger, il faudra bien accéder à leur demande ; mais je n’examinerai pas cette
question pour le moment ; j’attendrai les conclusions que nous présentera la
commission des pétitions. Je prie l’honorable président de cette commission de
bien vouloir répondre à la question que je viens de lui faire.
M. Desmet.
- Je viens aussi appuyer, messieurs, ce qui a été dit relativement à la
garance, et à cet égard je suis extrêmement étonné que le département de
l’intérieur n’ait pas songé à nous proposer des mesures pour favoriser cette
branche d’agriculture. Ce ne sont pas des primes qu’il lui faut, mais il lui
faut des droits protecteurs. C’est surtout la garance de Zélande qui nous fait
beaucoup de tort ; le gouvernement hollandais met partout où il peut des
entraves à notre commerce et à l’introduction de nos produits chez elle, et
nous, nous sommes assez bonaces pour laisser entrer les siens au détriment de
notre industrie ; mais quand on voit la chose de près, c’est toujours la
conséquence du système vicieux et antinational qui règne dans notre direction
du commerce. Je demanderai donc au gouvernement qu’il nous présente un projet
de loi sur l’entrée de la garance étrangère.
Je dirai un mot de l’industrie
sétifère ; je ne puis pas partager à cet égard l’opinion de l’honorable M.
Verhaegen, je pense au contraire que cette industrie fait des progrès en
Belgique, et que nous ne pouvons pas l’arrêter dans son élan ; je ne veux pas
examiner si nos produits sont aussi bons que ceux du Midi, je veux aussi en
douter ; il est aussi possible que notre climat pluvieux soit contraire à
l’éducation des vers à soie et leur cause souvent la maladie de la dysenterie,
qui les ravage ; mais comme je viens de le dire, cette industrie est en
progrès, et pour la minime somme de 12,000 francs, je ne veux pas l’arrêter.
L’établissement d’Uccle est tout bonnement une
pépinière de mûriers, et si je suis bien informé, on les y cultive très bien,
et les personnes qui en ont besoin s’adressent là pour s’en procurer, et les
reçoivent gratis. Quant aux terrains, ils ne sont pas très bons ; ils conviennent
à la culture du mûrier, mais pas à autre chose. Je suis donc d’opinion que la
pépinière d’Uccle est utile au pays ; mais, d’après moi, on doit s’y borner à
la culture et ne pas l’étendre à un établissement sétifère.
Par ces considérations, je voterai la somme de 12,000
fr.
M. Gendebien.
- Messieurs, je suis de l’avis de l’honorable. M. Verhaegen et je viens appuyer
ce qu’il a dit au sujet de la culture du mûrier et de l’éducation des vers à
soie ; je considère comme tout à fait inutile la dépense que le gouvernement
fait pour cet objet ; je ne pense pas que dans ce pays on puisse tirer un grand
avantage des vers à soie ; d’après ce que m’en ont dit beaucoup de personnes
qui ont essayé d’élever des vers à soie, l’intempérie des saisons leur fait
contracter des maladies dont ils périssent en grand nombre.
Mais en supposant même que cette industrie ait
quelqu’avenir, je pense toujours qu’il est inutile, qu’il serait même dangereux
de l’encourager dans un pays comme le nôtre, où l’on se plaint qu’il y a trop
d’industries, où l’on se plaint déjà de manquer de bras et de la cherté de la
main-d’œuvre. Encouragez notre industrie, en multipliant nos moyens d’échange
et surtout nos relations avec la France. Or, si l’industrie sétifère se
développait chez nous, ce serait restreindre nos moyens d’échange avec la
France. C’est cependant l’échange qui constitue le commerce, et sans commerce
point d’industrie. Il n’est donc sensé de vouloir faire intervenir le trésor
pour créer chez nous l’industrie sétifère, afin de lutter sous ce rapport avec
la France.
Que vous encouragiez la culture de la garance, soit ;
mais cette industrie vient déjà nous demander des droits protecteurs ; je prie
le ministère de s’occuper de ce point, et s’il faut des droits protecteurs, je
le veux bien ; mais je crois que quand on examinera cette question, on
s’apercevra que la protection exigera des droits excessifs ; on s’apercevra que
c’est encore là une industrie qu’il faut se garder d’encourager, parce qu’encore
une fois c’est diminuer nos moyens d’échange avec la France : nous ne pourrons
jamais produire la garance à aussi bas prix que la France.
On a cité la Prusse pour l’industrie sétifère ; je
pourrais aussi citer l’Angleterre qui fabrique maintenant beaucoup de soieries
; mais l’Angleterre ne produit point de soie, elle l’achète au-dehors ; il en
est de même de la Prusse qui reçoit de l’étranger les neuf dixièmes au moins de
la soie qu’elle fabrique ; si vous voulez aussi établir des fabriques de soieries,
faites-le, mais je crois que nos compatriotes seront assez prudents pour ne pas
se livrer à une spéculation aussi hasardeuse, lorsqu’il y a déjà tant
d’industries similaires chez nos voisins où elles sont anciennes et très
perfectionnées, et où elles ne sont cependant pas très solidement établies.
Croyez-moi, messieurs, contentons-nous de privilégier les industries qui ont
pris racine en Belgique, parce que le sol leur convient ; n’en créons pas de
nouvelles et surtout d’exotiques, aux dépens du trésor.
Je crois, messieurs, n’avoir pas autre chose à ajouter
aux observations nombreuses et très logiques qui ont été faites par l’honorable
M. Verhaegen. Je crois que le plus grand bénéfice que le gouvernement puisse
faire, c’est de vendre les pépinières de mûriers et tout l’attirail qui sert
l’éducation des vers à soie. Si l’éducation des vers à soie ou la fabrication
de la soie peut offrir des bénéfices, il se présentera assez de particuliers
pour s’en occuper ; je crois qu’on peut s’en rapporter à cet égard à l’intérêt
particulier, qui traite mieux que le gouvernement les affaires de commerce et
d’industrie. Si l’affaire est bonne, comme on le dit, nous ne perdions rien à
vendre les pépinières ou plutôt les jardins où on cultive le mûrier, nous en
obtiendrons même un prix élevé ; si, au contraire, l’affaire est mauvaise, il
fait l’arrêter de suite ; nous y gagnerons le prix des terres, et nous aurons
tous les ans une somme de moins à porter au budget.
Si nous maintenons les établissements dont il s’agit,
je crois, messieurs, qu’on viendra bientôt nous demander des sommes bien plus
considérables que celle que nous avons allouée jusqu’ici ; car si ma mémoire
est bonne, une note du ministre nous donne un avant-goût des encouragements
qu’on voudrait donner à l’industrie sétifère, il serait question de faire
quelques constructions, quelques établissements, quelques fabriques, pour
prouver qu’on peut filer et tisser la soie indigène ; une fois entrés dans une
pareille voie, il n’y aurait plus moyen de nous arrêter. Je crois qu’il est
prudent de nous arrêter aujourd’hui et de supprimer la somme de 12,000 fr.
destinée à encourage l’éducation des vers à soie.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, s’il s’agissait d’introduire cette
branche d’industrie dans le pays, je serais assez de l’avis des honorables
préopinants, mais les principales dépenses sont faites ; il ne s’agit que de
continuer encore pendant quelque temps à accorder un léger encouragement pour
savoir si l’industrie sétifère pourra s’implanter dans le pays. Pour mon
compte, je ne crois pas que le moment soit venu de renoncer complétement à
cette industrie.
On fait remarquer, messieurs, que la dépense que nous
faisons est assez forte ; mais on ne tient pas compte de l’amélioration qui a
été apportée aux terrains d’Uccle ; si aujourd’hui nous vendions ces terrains,
nous en obtiendrions le quintuple de ce qu’ils ont coûté ; la mise de fonds
pour l’industrie sétifère a donc produit un avantage incontestable, puisqu’elle
a servi à rendre bons des terrains qui ne valaient rien.
Sous le rapport de la plantation du mûrier, je crois
qu’il est assez démontré que cet arbuste croît très bien en Belgique et qu’il y
profite aussi bien que dans aucun pays du monde. Nous avons planté des mûriers
qui ont poussé des jets d’un mètre au moins, et qui sont dans la meilleure
santé possible.
On fait observer qu’il y a
deux établissements, celui de Meslin-l’Evêque et celui d’Uccle. Je crois qu’à la
vérité celui de Meslin-l’Evêque pourrait être supprimé ; comme c’est un beau
château, on pourrait en faire une bonne somme, qui servirait à établir, auprès
de l’établissement d’Uccle, quelques maisons où l’on fabriquerait la soie.
Au surplus, je n’en fais pas la proposition, mais je
prierai M. le ministre de vouloir bien examiner cette idée, et s’il était
possible de la réaliser, il est certain alors que l’établissement serait dans
le cas de moins coûter.
Je n’en dirai pas davantage. Les objections auxquelles
je n’ai pas répondu ont été rencontrées par d’autres membres qui ont traité la
question dans le même sens que moi.
M. Zoude. - Je demande la parole pour répondre à une
interpellation de M. Pollénus.
La commission des pétitions sent toute l’importance de
la question de la garance. Elle ne demande pas mieux que de faire un prompt
rapport à cet égard. Cependant si la chambre ne le réclame pas d’urgence, la
commission ne le présentera pas, parce qu’il y a encore au moins 200 ou 300
rapports à déposer avant celui-là. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Verhaegen.
- Messieurs, la chambre me permettra de répondre quelques mots à diverses
objections qui m’ont été faites... (La
clôture ! la clôture !)
M. le président.
- Dix membres demandent la clôture. Quelqu’un demande-t-il la parole sur la
clôture ?
M. Verhaegen.
- Messieurs, je pense que la chambre voudra bien s’éclairer sur la question qui
nous occupe. Eh bien, je n’ai d’autre désir que de l’éclairer. La dépense dont
il s’agit est tout à fait inutile.
L’on veut des économies ; eh bien, voilà le moyen d’en
faire. J’ai d’ailleurs à faire à M. le ministre une interpellation qui me
paraît digne de fixer l’attention de la chambre. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président
met la clôture aux voix : une double épreuve est douteuse. (A lundi ! à lundi !)
Tous les membres quittent leurs bancs.
La séance est levée à 4 heures et demie.