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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1
décembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative au projet de
construction du canal de Zelzaete à la mer du Nord (de
Muelenaere, Nothomb)
3) Projet de loi portant le budget du
département de la marine pour l’exercice 1838. Constructions navales et
établissement d’une marine nationale (Nothomb, Donny, A. Rodenbach)
4) Rapport de la commission chargée d’examiner
la question des sucres (Desmaisières)
5) Projet de loi portant le budget du
département de la justice pour l’exercice 1838. Traduction flamande du Bulletin officiel (Lejeune,
Ernst, Lejeune, Ernst,
Desmet), organisation et personnel des tribunaux de
première instance (de Muelenaere, Ernst,
de Muelenaere, Desmanet de
Biesme, Ernst, Pirmez, Ernst, Pirmez, (+traitements des
membres de l’ordre judiciaire) (Verhaegen, Ernst, Desmet, Ernst,
Dumortier, Ernst, Dubois, Verhaegen, Pirmez, Ernst, Desmet,
de Brouckere, Ernst, A. Rodenbach, Dumortier, Ernst, Pirmez), organisation des
justices de paix (Trentesaux, Ernst,
Verhaegen, (+compétence en matière civile) (de Jaegher, de Behr), construction
d’un palais de justice à Bruxelles (+cour de cassation) (Ernst,
Desmanet de Biesme, Dumortier,
Ernst, (+déplacement de la cour de cassation à Malines)
(C. Rodenbach, Verhaegen, C. Rodenbach, Verhaegen, de Perceval)
(Moniteur belge
n°336, du 2 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus
fait l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn lit
le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur F. Willems, milicien appartenant à la
classe de 1826, demande l’intervention de la chambre pour faire révoquer un
ordre ministériel qui appelle sous les armes un grand nombre de miliciens de sa
classe, sous prétexte qu’ils n’ont pas payé leur masse d’habillement. »
________________
« Le sieur Franck, éditeur du Nouvelliste de Verviers, se jouit à ses
confrères pour réclamer un droit proportionnel du timbre des journaux. »
________________
« Des voituriers, aubergistes, etc., de Waterloo,
demandent que le poids de chargement d’hiver soit augmenté. »
________________
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport.
M. Manilius informe l’assemblée qu’il ne pourra
assister aux séances de la chambre pendant une quinzaine de jours.
- Pris pour notification.
M. de Muelenaere. - Messieurs, dans votre dernière session, l’honorable député d’Eecloo
vous a soumis un projet relatif au canal de Zelzaete. Quelques sections se sont
déjà occupées de ce projet ; d’autres ne se sont pas encore livrées à cet
examen, parce que le gouvernement avait promis de donner des éclaircissements
sur l’objet en question. Je sais, messieurs, que le gouvernement a fait
procéder à une instruction préparatoire. Je désirerais savoir de M. le ministre
des travaux publics si le résultat de cette instruction pourra bientôt être
communiqué à la chambre, parce que je me propose, messieurs, d’après les
explications qui seront données par M. le ministre des travaux publics, de
faire une motion d’ordre à cet égard, l’affaire étant d’une extrême urgence,
surtout depuis quelque temps.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, le gouvernement remplit l’engagement
qu’il avait pris envers la chambre, c’est-à-dire qu’il a fait une instruction
nouvelle ; le travail est achevé, je dois en faire la révision, et je compte en
déposer le résultat sur le bureau, dans le cours de la semaine prochaine.
M. de Muelenaere. - Messieurs, d’après cette explication, j’attendrai pour faire ma
motion, que le travail commencé par M. le ministre des travaux publics ait été
déposé.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA MARINE POUR 1838
Discussion générale
M. le président.
- La section centrale a adopté toutes les propositions du gouvernement ;
seulement, elle a demandé l’ajournement du crédit de 350,000 fr. que le
gouvernement a pétitionné pour constructions navales, et elle propose le renvoi
de cette question à l’examen d’une commission spéciale. M. le ministre des
travaux publics se rallie-t-il à cette proposition de la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je me rallie à la proposition de la
section centrale, en me réservant de donner quelques explications, quand on
arrivera au chapitre V.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion
générale est close. Il est passé à la discussion des articles.
Discussion des articles
Chapitre I. - Administration générale
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Personnel : fr. 6,050. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Matériel : fr. 3,500. »
- Adopté.
Chapitre II. - Bâtiments de guerre
Articles 1 et 2
« Article 1er. Personnel : fr. 330,524. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Matériel : fr. 293,877. »
- Adopté.
Chapitre III. Magasins de la marine
Article unique
« Art. unique. Magasin de la marine : fr.
11,200. »
Adopté.
Chapitre IV. - Secours
Article unique
« Art. unique. Secours aux marins blessés et aux
veuves d’officiers de marine qui, sans avoir droit à une pension, se trouvent
dans une position malheureuse : fr. 4,200. »
- Adopté.
Chapitre V. -
Constructions navales
Article unique
« Art. unique. Constructions navales : fr.
350,000. »
La section centrale propose de détacher ce crédit du
budget de la marine, et de renvoyer la question à l’examen d’une commission
spéciale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, j’ai dit que le gouvernement se rallie
à la proposition faite par la section centrale, d’instituer une commission
spéciale, et de renvoyer à cette commission l’instruction intérieure de toutes
les questions qui se rattachent aux constructions navales ; je désire que cette
commission, soit nommée successivement, et que cette instruction puisse encore
se faire dans le cours de cette session.
Le gouvernement n’a jamais eu,
personnellement je n’ai jamais eu la prétention de décider de prime-abord une
question de cette importance. Le rapport qui vous a été communiqué dans la
séance du 20 octobre dernier, n’a été considéré par moi que comme le premier
acte d’une instruction commencée. Chaque année, à l’occasion du budget de la
marine, on avait incidemment soulevé la question de l’établissement d’une
marine militaire. Le gouvernement avait pris l’engagement de saisir d’une
manière positive la chambre de la question ; cet engagement j’ai voulu le
remplir.
Comme il est dans les habitudes de la chambre,
habitudes de prudence que tout le monde doit approuver, de ne créer des
institutions nouvelles que par des lois spéciales, le gouvernement ne voit
aucun inconvénient à se rallier à la proposition de la section centrale,
tendant à renvoyer à une commission particulière l’instruction de tout ce qui
concerne le chapitre V ; ce chapitre fera alors l’objet d’une loi spéciale ;
mais il ne faut pas que ce renvoi dégénère en ajournement indéfini.
M. Donny. - Messieurs, d’après la déclaration que vient de
faire M. le ministre des travaux publics, qu’il se ralliait à la proposition de
la section centrale, il devient superflu, je pense, que j’occupe les instants
de la chambre pour lui démontrer la nécessité du renvoi de la question à
l’examen d’une commission spéciale.
Je me borne donc à dire, à moins que des membres ne
soient opposés à ce renvoi, et ne me forcent à reprendre la parole, que
j’appuierai de mon vote la proposition de la section centrale.
M. A. Rodenbach. - Je ne viens pas m’opposer à ce qu’une commission spéciale soit
nommée, pour examiner la question de l’établissement d’une marine militaire. Le
ministre des travaux publics a exprimé le vœu que le rapport pût encore être
présenté dans le courant de cette session. Pour moi, messieurs, je pense qu’il
est un autre objet qui réclame avant tout la
sollicitude du gouvernement et des chambres, parce qu’il doit protéger
efficacement notre commerce, je veux parler de la question des droits
différentiels, et je prierai le ministère de vouloir bien s’occuper
sérieusement de cet objet.
Le droit différentiel n’est ici que de 10 p. c.,
tandis qu’ailleurs il va jusqu’à 100 et même 200 p. c.
- La chambre décide que le crédit de 350,000 fr. sera détaché
du budget de la marine, et que la question de l’établissement d’une marine
militaire sera renvoyée à l’examen d’une commission spéciale.
Vote des articles et vote sur l’ensemble du
projet
M. le président.
- Je vais mettre aux voix les deux articles de la loi :
« Art. 1er. Le budget de la marine pour l’exercice de
1837 est fixé à la somme de 649,351 fr., conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er
janvier 1837. »
- Adopté.
On procède à l’appel nominal.
Le budget de la marine est adopté à l’unanimité des 65
membres qui ont répondu à l’appel nominal.
En conséquence il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l’appel nominal : MM. Bekaert-Baeckelandt,
Berger, Coppieters, Corneli, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Langhe, de
Longrée, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Perceval,
de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme. Desmet,
de Terbecq, Devaux, d’Huart, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier,
Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Jadot, Keppenne, Lardinois, Lecreps, Lejeune,
Maertens, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Polfvliet,
Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven,
Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, van
Hoobrouck, Verdussen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Peeters.
M. Desmaisières dépose le rapport de la commission chargée d’examiner la question des
sucres.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
___________________
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Nous avons décidé que la question des
constructions navales serait renvoyée à une commission. Par qui cette
commission sera-t-elle nommée ?
- La chambre décide que cette commission sera nommée
par le bureau.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA JUSTICE POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Personne ne demandant la parole dans la discussion
générale, on passe à la discussion des articles.
Chapitre I. - Administration centrale
Article premier
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000.
»
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires,
employés et gens de service : fr. 100.000 . »
M. Lejeune.
- Messieurs, lorsque la chambre s’est occupée du budget du ministère de la
justice pour l’exercice 1837, elle a voté une légère augmentation de crédit au
chapitre premier, article 2, à l’effet de mettre M. le ministre de la justice à
même de faire faire une bonne traduction du Bulletin
officiel, traduction ordonnée par une loi. Le but proposé n’a pas été
entièrement atteint.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Si l’honorable membre me le permettait, je
pourrais prévenir une discussion qui présentera peu d’intérêt. Il vient de dire
que si j’avais besoin de supplément de subsides, je ferais bien de le demander,
pour améliorer la traduction flamande du
Bulletin des lois. Je n’ai pas besoin de supplément de subsides ; depuis
quelque temps, j’ai chargé de ce travail un traducteur flamand, jurisconsulte
très instruit, né Flamand.
L’honorable préopinant m’a fait connaître quelques
erreurs dans lesquelles on est tombé ; j’ai pris des mesures pour que ces
erreurs ne se reproduisent pas.
L’honorable membre m’a communiqué les observations
qu’il veut présenter à la chambre, et je puis l’assurer que le but qu’il se
propose sera rempli.
M. Lejeune.
- Je ne crois pas devoir m’abstenir de présenter mes observations à la chambre,
par suite de la communication faite par M. le ministre. Je sais qu’il a déjà
pris des mesures, mais je crois que les changements qu’il a introduits et ceux
qu’il se propose ne seront pas ce qu’ils devraient être. Il vient de vous dire
qu’il a maintenant un traducteur qui connaît très bien les deux langues. Je
ferai observer que c’est dans les numéros assez récents que sont puisées mes
observations ; ce ne sont pas seulement de petites erreurs qu’on rencontre ; à
chaque page, on trouve la preuve que le traducteur flamand n’est pas assez au
courant de la littérature flamande pour traduite un Bulletin des lois qui comprend toute espèce de matières.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Je me suis adressé à
l’honorable préopinant pour lui demander si maintenant la traduction du Bulletin des lois était meilleure. Il
m’a dit qu’il y avait quelques erreurs encore ; je l’ai prié de me les
indiquer, il l’a fait ; j’ai appelé le traducteur, je lui ai communiqué les
observations qu’on m’avait faites, et je lui ai dit qu’il devrait employer un
style usuel plutôt qu’un style relevé.
Je puis assurer la chambre et l’honorable préopinant
que je prendrai des mesures pour que les améliorations réclamées aient lieu.
J’ai fait cette observation pour faire voir que si la
traduction flamande du Bulletin des lois
n’a pas été améliorée autant qu’on peut le désirer, cela n’a pas dépendu de moi
; que j’ai fait tout ce que je pouvais, car c’est moi qui ai provoqué les
observations de l’honorable préopinant.
M. Lejeune.
- Je me suis empressé et je m’empresserai toujours de fournir les notes que le
ministre vient de me demander, mais je ne crois pas que ce soit un motif pour
ne pas en dire un mot à la chambre. Je crois d’autant plus devoir le faire que
d’après les explications du ministre, il n’est pas aussi convaincu que moi de
la défectuosité de la traduction du Bulletin
des lois.
Je vais présenter quelques nouvelles observations,
pour démontrer à la chambre que de grandes améliorations sont encore
nécessaires, qu’une traduction passable se fait encore désirer, et pour engager
M. le ministre à demander encore un léger supplément de crédit, si, comme j’ai
quelque raison de le croire, celui dont il peut disposer n’est pas tout à fait
suffisant.
Ma tâche sera facile. Plusieurs personnes qui se sont
fait remarquer par leurs productions en littérature flamande, m’ont adressé,
sur la traduction du Bulletin officiel,
une foule d’observations et de notes, dont je citerai quelques extraits.
« Extraits de quelques lettres de littérateurs
flamands, sur le texte flamand du Bulletin
des lois.
« On ne s’aperçoit pas de l’amélioration de la
traduction, à la lecture du Bulletin,
dont le flamand est toujours détestable, c’est bien le mot.
« Le traducteur fait sa besogne comme un écolier
en sixième, c’est-à-dire en cherchant mot à mot dans le dictionnaire d’après le
texte français et en copiant ce qu’il y trouve sans réfléchir au génie
particulier de la langue dans laquelle il fait sa traduction et sans examiner
si c’est bien le terme propre ou l’équivalent de ce qu’on lit dans le texte
français.
« Au lieu de nommer « une presse
typographique, » « een drukpers, » il en fait une
« presse possédant la science d’imprimer : » « … een drukkundige
pers. » … « werktuygkundige pers, » pour « presse
mécanique » (5 août 1837).
« Vu le règlement organique du corps des ingénieurs,
etc., » est rendu « gezien de willekeur van samenstelling van het
genootschap der ingénieurs, etc., etc. » (24 juillet 1837).
« Il est impossible de montrer plus d’aversion pour
notre langue, qu’en continuant à promulguer un galimatias de pareille espèce.
C’est se moquer du flamand et des Flamands. »
« ... La traduction flamande des lois et arrêtés
royaux se fait toujours avec aussi peu de soins que jamais. L’occasion se
présentera de nouveau de faire voir l’inexactitude de cette traduction, dont
bien des phrases sont tellement embrouillées que tout Flamand qui veut les
connaître se trouve dans la dure nécessité de se faire expliquer le texte
français. »
En général, la phrase n’est pas flamande ; partout
perce la construction et la forme étrangères... ; bien souvent ce sont des
phrases qui se croisent, sans qu’il soit possible d’en saisir le sens. »
« Dans l’arrêté du 19 juin 1837, qui établit une
bibliothèque royale, à Bruxelles, nous remarquons :
« Art. 1. Er word te Brussel... eene algemeene en
openbare bewaring van gedrukte boeken... INGESTELD. »
« Art. 22. .... Legt hy den raed in de eerste
zitting.... waer hy bywoont … eene lyst van belangryke werken.... voor. »
« Une autre cause qui rend cette traduction vicieuse,
c’est la traduction de termes qu’on devrait conserver et dont on ne peut pas
toujours rendre la véritable acception. »
On a traduit, par exemple, par :
« Vaste bezending, » députation permanente.
« Het blykschrift, » le procès-verbal.
« Ontwerp van willekeur, » projet de
règlement.
« Lichaam van artillerie, » corps
d’artillerie. » (31 juillet 1837.)
On remarque quelque changement dans le style (si l’on
peut appeler de ce nom un assemblage incohérent de mots et de phrases), mais ce
changement n’est pas un progrès.
« … La traduction continue de fourmiller des fautes
les plus grossières.
« Exemples
« Vu le procès-verbal d’adjudication, etc... qui
établira une communication avec la route de première classe, etc., et celle de
deuxième classe, etc. « Gezien
het blykschrift der aenbesteding, enz., waerby don weg der eerste classe, enz.,
met dien der tweede classe, enz., zou aen een gebonden worden. (4 juillet
1837.) »
« Commissaire de l’arrondissement de Termonde.
« Commisaris van het gebied van Dendermonde (2 août 1837). »
« Vu le tableau n° 16, annexé à la loi du 6 avril
1823, en ce qui concerne le droit de patente sur les bateaux étrangers. (16 août 1837.) « Gezien het tafereel n° 16 by de
wet van den 6 april 1823 gevoegd, voor wat het patent-regt op de vreemde
schuyten aengaet. » « Tafereel,
peinture, au lieu de tabel, qui est le mot consacré par la loi du 6 avril 1823.
»
« La recette des contributions… est supprimée et
réunie à celle d’Amay. « Het
ontfangst kantoor.. .wordt ingetrokken en by dat van Amay vereenigd. (7 août 1837.)
« Considérant que le choléra s’est déclaré dans
plusieurs ports... « Overwegende
dat den cholera in verscheydene havens opgeslaen is (14 septembre 1837.) Le ministère de la justice, bewind van justitie. (21
août 1837.)
« Ce mot bewind se reproduit à chaque page où il est
question d’un ministère : le ministre des travaux publics, « het bewind
van openbare werken. » Pourquoi ne pas traduire alors le mot ministre par
bewindman, bewindhebber ? C’est probablement crainte de ne pas être compris. Ce
mot bewind est un mot de prédilection, il n’est pas toujours employé pour
désigner un département ministériel ; en voici un autre exemple :
« ... Qui autorise l’administration à prendre
intérêt… « welke het bewind bekrachtigen om deel te nemen … Ajoutez à ce mot celui de genootschap, appliqué à un
corps administratif : corps des ingénieurs, genootschap der ingénieurs, et tant
d’autres dont la nomenclature serait par trop fastidieuse.
« Quand il s’agit de convoquer la chambre, on dit : de
kamer beroepen, c’est-à-dire, provoquer la chambre.
« En résumé, la traduction flamande du Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux
de la Belgique n’est qu’un tissu de mots incohérents, auxquels il est
impossible d’attacher un sens raisonnable et qu’on ne parvient à comprendre
qu’à l’aide du texte officiel français.
« Si des personnes instruites sont obligées d’avoir
recours à ce moyen, ce dont je suis persuadé, que feront celles qui n’ont pas
le bonheur de posséder les deux langues et pour lesquelles la traduction
s’effectue ? Elles seront réduites à ne jamais pouvoir se former une idée
lucide des lois de leur patrie. »
Ces notes, messieurs, m’ont été fournies, entre
autres, par M. Willems, M. Ledeganck, M. Blommaert, M. Rens. Ces citations vous
auront convaincus que la traduction des lois n’est pas ce qu’elle doit être.
J’ai peu de choses à y ajouter.
D’abord, une observation qui concerne plus
spécialement M. le ministre des travaux publics, me semble pouvoir être faite à
cette occasion ; le chemin de fer ne traverse jusqu’ici que des localités
flamandes, et tous les écriteaux placés sur cette route sont exclusivement en
français. Je souhaite, messieurs, que, par analogie, on ne place pas des
écriteaux flamands dans le Hainaut et à Liége, ce qui ne serait pas cependant
plus absurde que les écriteaux français à l’usage de nos bons campagnards des
Flandres et d’Anvers.
Il serait facile de redresser cette erreur : si l’on
ne veut pas du flamand exclusif, ce que nous ne demandons pas, on pourrait
rédiger les avertissements dans les deux langues, comme le fait la régence de
Bruxelles.
Du reste, cette réclamation, toute juste qu’elle est,
ne repose que sur des motifs de convenance. Il n’en est pas de même pour le
texte flamand du Bulletin officiel ;
ici nous réclamons l’exécution convenable d’une loi de l’Etat, sur la nécessité
de laquelle les suffrages ont été unanimes.
Messieurs, faire une bonne traduction flamande du Bulletin officiel, qui comprend toute
espèce de matières, n’est pas sans difficulté. Il ne suffit pas d’être Flamand
et de comprendre le flamand pour bien remplir cette tâche. Pour que la
traduction soit simple et claire, il faut que le traducteur soit un homme de
talent, entièrement maître de la langue, bien pénétré du style législatif
propre à la langue ; il doit avoir puisé assidûment dans nos archives la
connaissance des termes techniques, et être au courant des progrès de la
littérature.
Je voudrais qu’un homme pareil fût attaché au
ministère de la justice, et qu’il y trouvât, sous le rapport du titre et du
traitement, une position assez convenable, pour qu’il pût s’y maintenir
honorablement et ne fût pas dans la nécessité de songer à un meilleur avenir.
Un homme qui réunirait toutes
ces qualités, pourrait rendre les plus grands services au gouvernement et au
pays ; mais je doute que les moyens dont M. le ministre dispose soient
suffisants pour le trouver.
Quoi qu’il en soit, messieurs, nous réclamons à bon
droit, la loi à la main, une traduction flamande que les Flamands puissent
comprendre. C’est au gouvernement à nous la donner, en exécution de la loi, et
à demander tous les moyens dont il croit avoir besoin à cet effet.
Le texte flamand des lois est sans importance
officielle, et fort heureusement, messieurs ; car je ne sais pas ce que
feraient les tribunaux dans bien des circonstances. Mais la langue flamande
n’est pas sans importance politique, morale et nationale. Si nous tenons à
rester nous-mêmes, si nous aimons notre nationalité, nous ne pouvons pas couper
les racines qui y attachent une grande partie de la population.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Nous comprenons tous combien il est important que
la traduction des lois soit, non seulement intelligible, mais exacte. Pour
pouvoir faire une bonne traduction, vous a dit l’honorable préopinant, il faut
réunir beaucoup de qualités. Sans doute ; mais, indépendamment de cela,
l’expérience est nécessaire. Ce n’est pas du premier coup qu’on arrive à la
perfection. Tout ce que je pouvais faire, c’était de chercher un homme qui
réunît la science des lois à la connaissance de la langue flamande. Ces deux
qualités il les possède, mais il n’a pas l’habitude de la traduction.
De mon côté j’ai fait ce qui dépendait de moi pour
m’assurer s’il répondait au but que je me proposais, et je me suis adressé pour
cela à l’honorable préopinant. Je prendrais ses observations en considération
quand même il ne lirait pas son discours. J’ai déjà pris des mesures et je
continuerai à faire tout ce qui dépendra de moi pour que cette traduction ne
donne plus lieu à des réclamations.
L’honorable préopinant pourra s’assurer que le
traducteur que j’ai choisi possède les connaissances nécessaires pour bien
faire le travail dont je l’ai chargé, et il profitera d’ailleurs du discours et
des conseils de l’honorable membre.
M. Lejeune.
- Je dois déclarer que je n’ai pas voulu faire un reproche à M. le ministre à
l’occasion des mesures qu’il a prises. Je voudrais aussi que la personne du traducteur
soit mise hors de cause ; je ne le connais pas, je ne l’ai jamais vu ; mais je
juge ses œuvres. J’ai remis au ministre beaucoup plus de notes que je n’en ai
communiqué à la chambre ; je l’ai fait dans l’intention de l’éclairer. Je
n’aurais probablement pas renouvelé les observations que j’ai cru devoir faire
ici, si, par suite de ces communications officieuses, il m’avait été démontré
que le ministre partage mon avis sur les améliorations qui sont encore
nécessaires. Mais les explications qui viennent de nous être données me
confirment dans l’opinion qu’il n’était pas inutile de faire connaître les
réclamations dont la traduction du Bulletin
officiel est l’objet, afin d’appeler sur cet objet l’attention de mes
honorables collègues, qui s’intéressent autant que moi à une bonne traduction
flamande des lois, mais qui ne savent pas jusqu’à quel point cette traduction
est vicieuse, parce qu’ils ne doivent jamais s’en servir. Moi aussi, je me sers
toujours du texte français, et je n’aurais peut-être pas connu jusqu’à ce jour
les défectuosités du texte flamand, si je n’avais été mis depuis longtemps sur
la voie par les administrations qui sont dans la nécessité d’y recourir.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Si l’honorable préopinant avait pris l’initiative,
il aurait pu croire que les mesures que je me propose de prendre ne seraient
pas efficaces ; mais, quand c’est moi-même qui ai demandé s’il ne se trouvait
pas de vices dans la traduction flamande du Bulletin
des lois ; quand je l’ai prié de me remettre des notes, et qu’il n’y a pas
huit jours, je me suis fait remettre un rapport, d’après lequel j’ai pris de
nouvelles mesures, l’honorable membre ne devait pas douter de mes bonnes
intentions et de ma résolution de prendre tous les moyens pour satisfaire au
but qu’il se propose.
M. Desmet.
- (Nous donnerons son discours) (Note du
webmaster. Ce discours n’a pas été retrouvé).
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne puis m’empêcher de dire que ce traducteur
n’apprend pas le flamand. Il est né Flamand ; il a fait toutes ses études en
langue flamande. Si la traduction n’est pas satisfaisante, j’ai lieu de croire
que le traducteur va donner une autre direction à son travail et employer un
style vulgaire au lieu d’un style trop relevé.
Les articles suivants sont successivement mis aux voix
et adoptés.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires,
employés et gens de service : fr. 100,000. »
Articles 3 à 5
« Art. 3. Matériel : fr. 15,000. »
« Art. 4. Frais d’impression des recueils
statistiques : fr. 6,000. »
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr.
2,000. »
Chapitre II. - Ordre judiciaire
Articles 1 à 4
« Art. 1er. Cour de cassation, personnel : fr.
233,800. »
« Art. 2. Cour de cassation, matériel : fr.
3,000. »
« Art. 3. Cours d’appel, personnel : fr.
540,220. »
« Art. 4. Cours d’appel, matériel : fr.
18,000. »
La chambre passe à la discussion de l’article 5.
« Tribunaux de première instance et de commerce :
fr. 859,930. »
M. de Muelenaere. - M. le ministre de la justice nous a présenté un
rapport sur des propositions relatives à l’organisation des tribunaux de
Charleroy, Tournay, Mons et Dinant, et à l’établissement d’un tribunal à
Philippeville. Je désirerais savoir pourquoi il n’a pas compris dans ce rapport
les tribunaux de Bruges et de Courtray. Une pétition nous a été adressée dans
la session de 1835, et je vois dans le Moniteur
que sur la demande de l’honorable M. Jullien, cette pétition a été renvoyée
directement à M. le ministre de la justice pour être comprise dans le rapport
qu’il avait à présenter à la chambre sur des propositions de même nature. Je
crois qu’il n’a pas été fait de proposition spéciale pour le tribunal de
Bruges, puisque M. Jullien a demandé qu’une pétition relative à ce tribunal fût
renvoyée à M. le ministre de la justice et comprise dans le rapport qu’il
devait faire sur les propositions dont il était déjà saisi.
Mais pour le tribunal de Courtray, si je me le
rappelle bien, il a été fait une proposition spéciale par l’honorable M.
Bekaert. Cette proposition a été développée, prise en considération et renvoyée
probablement à M. le ministre de la justice ou à une commission.
Je désire savoir si cette pièce n’est pas entre les
mains de M. le ministre de la justice et quelles sont les raisons pour
lesquelles elle n’est pas comprise dans le rapport.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’aurai l’honneur de donner à la chambre les
explications que demande l’honorable préopinant.
Le rapport que j’ai présenté ne concerne que les
projets de loi que la chambre a renvoyés à mon département, avec demande de
renseignements nécessaires, sur la proposition de la section centrale chargée
de l’examen de ces projets. Ces renseignements, je n’ai pu les donner que
lorsque la statistique civile était achevée.
Il a été adressé à la chambre des pétitions tendant à
obtenir pour les tribunaux de Bruges, Courtray, Huy et autres villes, soit des
augmentations de personnel, soit des changements de classification. Ces
pétitions très nombreuses ont également été envoyées à mon département. Je les
comprendrai dans un autre rapport.
J’ai cru qu’il
était de mon devoir (et la chambre sans doute sera de mon avis) de faire
d’abord un rapport spécial sur les projets de loi dont la section centrale
était saisie. Mais un rapport général, qui demande beaucoup de travail et
beaucoup de temps, sera présenté sur toutes les pétitions renvoyées à mon
département.
L’honorable préopinant vient de vous dire que, sur la
demande de M. Jullien, la proposition concernant le tribunal de Bruges avait
été renvoyée au ministère de la justice pour qu’elle fût comprise dans le
travail qu’il était chargé de faire sur les propositions de même nature. Mais
ces propositions de même nature, ce sont les pétitions sur lesquelles j’ai
annoncé un rapport, et non les projets de loi qui m’ont été adressés à la
demande de la section centrale.
Quant au tribunal de Courtray, je ne sais pas où en
est l’instruction du projet de loi qui le concerne.
M. de Muelenaere. - D’après ce que vient de dire M. le ministre de la justice, je crois
que son silence, relativement aux tribunaux de Bruges et de Courtray, ne
préjuge rien.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Non certainement.
M. de Muelenaere. - Dès lors ce sera à l’honorable M. Bekaert, qui a
fait une proposition, à s’informer de ce qu’elle devenue.
On vient de me remettre un relevé des projets de loi
soumis à la chambre. Il en résulte que la proposition de M. Bekaert, après
avoir été prise en considération, a été renvoyée à une commission. J’ignore si
elle a fait son rapport. Il est probable que non. Dans tous les cas, il me
semble résulter de là que le travail de M. le ministre de la justice ne
concerne pas tous les tribunaux pour lesquels il est demandé des augmentations
de personnel ou des changements de classification.
Je bornerai là mes observations. Mais si une
proposition est faite en faveur de l’un ou l’autre tribunal, je crois qu’il y
aura lieu de statuer en même temps sur ce qui concerne les tribunaux de Bruges
et de Gand, afin qu’il y ait justice distributive pour tous les tribunaux du
royaume.
M. Desmanet de Biesme. - La chambre est saisie depuis longtemps de projets
de loi relatifs à une augmentation de personnel dans les tribunaux de Charleroy
et autres villes, sur lesquels M. le ministre de la justice vient de faire un
rapport. Mais si ces projets de loi sont votés dans la présente session, je
demanderai où on trouvera des fonds pour faire face à la dépense qui en
résultera ; il faudra donc présenter un
projet de loi de crédit supplémentaire. Je demanderai à cet égard une
explication.
Puisque nous sommes à l’article premier
« tribunaux de première instance, » je ferai une autre observation.
Quand il y a une vacature dans les tribunaux de première instance, on est
souvent longtemps sans la remplir. Le tribunal de première instance de Namur
est privé de deux ou trois juges par suite d’avancements ou de décès. Il y a de
ces places qui sont vacantes depuis un an et plus. Il faudrait cependant songer
à ce remplir ces vides. Je sais qu’il faut prendre des renseignements, mais il
me semble que 2 ou 3 mois doivent suffire pour cela.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant fait deux observations :
l’une concerne le crédit qui sera nécessaire si la chambre adopte la
proposition d’augmenter le personnel des tribunaux qui font l’objet du rapport.
Mais le projet de loi, s’il y a lieu, comprendra l’allocation des sommes
nécessaires. C’est ce qui a eu lieu dans des cas pareils. La somme a été votée
par la loi qui établissait la dépense.
L’autre observation du préopinant concerne le retard
que l’on mettrait dans la nomination aux places vacantes dans l’ordre
judiciaire.
L’honorable préopinant ne suppose pas que le
gouvernement ait aucun intérêt à laisser ces places vacantes, alors qu’elles
sont demandées par un si grand nombre de personnes ; car si le gouvernement a
quelque chose à regretter, c’est de ne pas avoir plus de places à donner.
Je dirai à l’honorable préopinant que jamais on
n’emploie plus que le temps nécessaire pour compléter une instruction. Dès
qu’une instruction est complète, j’ai l’honneur de soumettre une proposition au
Roi.
Il a cité le cas particulier du tribunal de Namur. Mais
l’honorable préopinant sait aussi bien que moi qu’aucun tribunal n’est moins
chargé d’affaires que celui de Namur. Il y avait d’ailleurs une première
question à décider, celle de savoir si on remplirait toutes les places vacantes
au tribunal de Namur.
Quoi qu’il en soit, cette instruction est complète, et
la nomination sera faite bientôt.
La question importante, c’est de savoir si le tribunal
a souffert de ce retard ; évidemment non ; car son personnel est suffisant pour
satisfaire aux besoins.
Au reste, le préopinant a trop
généralisé son observation ; il est rare, en effet, qu’il s’écoule plus de
trois mois pour qu’on nomme à une place dans l’ordre judiciaire ; et si cela
arrive, c’est dans l’intérêt public que le retard a lieu. C’est, par exemple, quand
on présente beaucoup de requêtes pendant l’instruction : ces requêtes sont
renvoyées aux magistrats qui font un supplément d’instruction. Il serait plus
facile au ministre de soumettre une proposition au Roi que de prendre de
nouvelles informations ; mais il vaut beaucoup mieux attendre quelque temps,
afin de n’admettre dans la magistrature que des hommes recommandables par leur
savoir et leur probité. Et, sous ce double rapport, je ne crois pas que l’on
ait à se plaindre des nominations qui ont déjà été faites.
M. Pirmez. - Depuis plusieurs années nous sommes en instance relativement au
tribunal de Charleroy ; on dit que nos réclamations sont fondées, et cependant
nous n’arrivons à rien. Le ministre de la justice a même dit que si la
commission chargée de présenter des conclusions tardait à soumettre son
travail, il ferait une proposition dans l’intérêt général. J’invite donc la
commission à faire promptement son rapport.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - L’honorable préopinant
vient de tomber dans l’erreur. Dans le rapport que j’ai présenté à la chambre,
j’ai dit qu’il était certain qu’une mesure était urgente pour le tribunal de
Charleroy. J’ai engagé la commission à examiner la question de savoir s’il n’y
aurait pas lieu d’adjoindre une chambre temporaire à ce tribunal de Charleroy,
ou s’il vaudrait mieux adopter la proposition de M. Frison, en déterminant le
temps après lequel les places ne seraient plus remplies.
Je n’ai pas dit, dans mon rapport, que si la
commission tardait, je présenterais moi-même une proposition à la chambre ; car
cette marche ne serait pas convenable : je trouverais singulier qu’un ministre
fît une proposition quand la chambre est saisie par suite d’une proposition faite
par un de ses membres.
M. Pirmez.
- Que l’on adopte la proposition de M. Frison, on que l’on adopte une
proposition qui serait faite par le ministre, peu m’importe, pourvu que le but
soit atteint. Je supplierai donc maintenant la commission de vouloir bien faire
son rapport le plus tôt possible, pour que nous sortions enfin de la position
fâcheuse où nous nous trouvons.
M. Verhaegen.
- Je viens d’entendre parler de plusieurs propositions qui concernent des
localités. Pour certains tribunaux, on demande une augmentation du personnel ;
pour d’autres, on demande une augmentation de traitement ; ainsi, encore une
fois, divers intérêts locaux sont en présence ; et l’un des préopinants l’a si
bien senti qu’il a fini par dire que la justice distributive voulait que l’on
s’occupât de ces intérêts pour donner à chacun ce qui lui revenait.
Au commencement de la session, j’ai déposé sur le
bureau une proposition d’un intérêt général ; il s’agissait d’une augmentation
de traitement pour tous les membres de l’ordre judiciaire ; aujourd’hui que
l’on invoque la justice distributive, je viens l’invoquer à mon tour, non pour
une localité, mais pour la généralité du pays ; et je viens l’invoquer avec
d’autant plus de raison que quand il ne s’agit que d’intérêts locaux, on
parvient facilement au but. Que, par exemple, il ne s’agisse que du tribunal de
Courtray ou de Bruges, la chambre sera assez disposée à accorder l’augmentation
; tandis qu’il n’en est pas de même quand il s’agit de faire une augmentation
générale. Cependant toutes les considérations devraient fléchir devant
l’intérêt général.
On s’est effrayé du résultat de ma proposition. En en
expliquant les motifs, j’ai cependant indiqué le moyen de pourvoir aux dépenses
qu’elle entraînerait. Depuis, des observations m’ont été faites, et elles ont
pour résultat la diminution du chiffre de ces dépenses. Je le dirai
franchement, je transigerai toujours quand les circonstances me le permettront
; aussi, me rendant aux observations faites par mes collègues, je crois qu’il y
aura lieu de diminuer le chiffre des augmentations de traitement de tout
l’ordre judiciaire.
Il faut mettre la magistrature
dans l’état où elle était avant la révolution. Dans ces circonstances, et pour
qu’une loi prise dans un intérêt local ne tourne pas au préjudice d’un autre
intérêt local, il me semble qu’au lieu de demander au ministre de la justice le
rapport sur quelques tribunaux, il faudrait lui demander un rapport sur ma
proposition. Si on fait justice à quelques-uns, on ne fera pas justice aux
autres. Il est plus facile, je le comprends, de contenter quelques localités
que les intérêts généraux ; cependant la justice distributive doit marcher
avant tout.
Chacun parle ici pour les intérêts qui lui sont chers
; je le conçois ; mais, avant tout, je le répète, les intérêts généraux du
pays.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Dans les observations faites par l’honorable
préopinant, il faut distinguer ce qui concerne l’augmentation du personnel, de
ce qui concerne le changement de classification des tribunaux ou l’augmentation
des traitements. Les questions d’augmentation du personnel peuvent être de leur
nature très urgentes ; car il n’est pas indifférent aux justiciables, ni aux
intérêts du pays, que la justice soit en quelque sorte suspendue dans telle ou
telle localité. Il y a donc urgence de statuer sur la question de savoir s’il
faut augmenter le personnel du tribunal de Charleroy, par exemple.
Quant aux questions de classification qui se
rapportent aux traitements, elles sont importantes sans doute ; mais on voit
sur-le-champ la différence entre ces questions et celle que je viens de
signaler.
La commission qui est chargée d’examiner les questions
de classification aura à voir s’il y a lieu de s’occuper des questions de
classification pour telle ou telle localité, ou à voir s’il n’y aurait pas lieu
à les renvoyer au moment où l’on s’occupera de l’augmentation des traitements
de tous les membres de l’ordre judiciaire.
Le ministre n’a plus rien à dire sur cette dernière
question, relative à l’augmentation de tous les traitements des magistrats,
parce que la proposition de l’honorable M. Verhaegen a été prise en
considération à l’unanimité, et a été renvoyée devant les sections. C’est à
elles à émettre une opinion ; et ce sera à la section centrale à faire son
rapport sur cet objet. Alors le gouvernement s’expliquera de nouveau quand la
chambre sera saisie.
Le gouvernement s’est déjà
occupé de cette question. J’ai eu l’honneur de soumettre au conseil des
ministres la question de savoir s’il ne serait pas convenable d’augmenter les
traitements de l’ordre judiciaire. Tout le monde a reconnu la justice de cette
demande ; mais elle s’est transformée en une question de voies et moyens.
On s’est demandé au conseil si, quand pour les
dépenses ordinaires il faut recourir à des centimes additionnels, on devait
augmenter les traitements de la magistrature ? Il était facile de répondre à
cette question ; aussi je n’ai pas pris l’initiative de la proposition qui vous
a été faite par M. Verhaegen, et c’est avec regret. C’est avec d’autant plus de
regret que je savais que cet honorable membre devait faire sa proposition. La
question présente deux faces, et un membre de cette assemblée pouvait ne pas
s’occuper de la face que présentent les voies et moyens. Lorsque nous croirons
que la dépense sera possible, ce ne sera pas nous qui serons les derniers à
demander cet acte de justice distributive.
M. Desmet.
- Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable ministre de la justice, quand il
a répondu à l’honorable M. de Muelenaere, il va présenter à la chambre un
rapport général sur l’augmentation du personnel dans les tribunaux de première
instance, sur l’augmentation du nombre des chambres dans les mêmes tribunaux,
et aussi sur la multiplication des arrondissements judiciaires dans les
différentes provinces qui l’ont demandé.
Je demanderai par conséquent à M. le ministre si dans
son rapport sera comprise la demande qui a été faite pour obtenir dans la
province de Flandre orientale un quatrième arrondissement.
Quoiqu’une
commission soit nommée par la chambre pour faire un rapport sur les
propositions de deux membres de cette chambre, qui tendaient à avoir ce
quatrième arrondissement dans la Flandre orientale, et que cette commission
soit saisie des nombreuses pétitions qui ont été adressées à la chambre pour
obtenir ce quatrième arrondissement, encore je me contenterais pour le moment
du rapport que M. le ministre nous ferait à ce sujet, certain que je suis qu’il
trouvera la demande fondée et qu’il sentira toute la nécessité de donner un
avis favorable, et surtout que les mêmes pétitions ont été adressées au
gouvernement.
J’attendrai la réponse de M. le ministre.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre que je
comprendrai, dans un rapport général, toutes les pétitions qui ont été
adressées à mon département. Si la proposition dont parle l’honorable membre, a
été envoyée à mon ministère, elle sera comprise dans le rapport ; dans le cas
contraire, je ne pourrais pas convenablement prendre l’initiative à cet égard.
M. Dumortier.
- Messieurs, puisque chacun, dans la circonstance actuelle, fait valoir les
droits de son tribunal à une augmentation de personnel ou de traitement, je
crois devoir aussi rappeler à la chambre la proposition qu’avec deux de mes
honorables amis, j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau, proposition qui a
pour objet l’augmentation indispensable du personnel du tribunal de Tournay.
J’entends, messieurs, les députés de diverses localités parler, comme d’une
chose évidente, du besoin d’augmenter le personnel de tel ou tel tribunal, ou
le traitement de ses membres ; on parle, par exemple, de Charleroy : sans
prétendre contester la nécessité d’augmenter le personnel du tribunal de
Charleroy, je dirai simplement que si la vérité est démontrée pour Charleroy,
elle l’est à plus forte raison pour Tournay, puisqu’il est constant que le
nombre des causes qui se présentent au tribunal de Tournay est double du nombre
des causes qui se présentent au tribunal de Charleroy. Remarquez, en outre,
messieurs, qu’il existe à Tournay un tribunal de commerce, comme on pourrait
très facilement en établir dans d’autres localités. Je demanderai donc aussi
que la commission soit invitée à faire un rapport, mais un rapport sur toutes
les demandes qui ont été faites, sur tous les projets de lois qui ont été
déposés ; il ne faut point que la commission scinde son travail ; il faut
qu’elle nous le présente complet, qu’elle nous fasse connaître la situation de
tous les tribunaux en faveur desquels il a été réclamé.
Certes, messieurs, s’il est un tribunal en Belgique
qui ait droit à une augmentation de juges, c’est bien Tournay ; car depuis un
grand nombre d’années il y existe plusieurs centaines d’affaires en retard, et
il sera impossible de jamais sortir de cet arriéré si l’on n’augmente pas le
personnel de ce tribunal.
Quant à la proposition de
l’honorable M. Verhaegen, je crois qu’elle eût été beaucoup plus simple s’il se
fût borné à demander une augmentation de traitement pour les membres des
tribunaux qui sont moins rétribués qu’avant la révolution ; mais il a
généralisé sa proposition, quoiqu’il n’existe en Belgique que deux cours dont
les membres sont moins payés qu’avant la révolution : ces cours sont celles de
Bruxelles et de Liége ; tous les autres tribunaux ont été augmentés, soit sous
le rapport des traitements, soit sous le rapport du grade. Je ne prétends pas
cependant qu’il faille rejeter la proposition de M. Verhaegen, mais il faut
avouer qu’elle eût été beaucoup plus facilement admise si elle avait été conçue
comme je viens de l’indiquer. L’honorable membre propose, par exemple,
d’augmenter les traitements des membres de la cour de cassation, qui siège une
fois par semaine : il faut convenir que c’est là une chose difficile à
admettre.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je n’entrerai pas dans la critique des
observations générales qui ont été faites par l’honorable préopinant, parce que
ce serait entrer dans une discussion prématurée, dans une discussion tout à
fait étrangère à ce qui fait en ce moment l’objet de l’ordre du jour. Lorsque
la section centrale, qui a été saisie des propositions relatives aux tribunaux
de Charleroy, Tournay, Mons, Dinant, Philippeville, aura fait son rapport,
alors seulement nous pourrions discuter sur les éléments de la statistique
civile, et vous verrez alors, messieurs, s’il y a des erreurs dans cette
statistique. S’il y a des erreurs, c’est dans ce qu’a dit l’honorable
préopinant. Il avance, par exemple, qu’il serait facile d’établir un tribunal
de commerce à Charleroy ; eh bien, messieurs, c’est là une chose impossible ;
toutes les autorités, judiciaires et administratives, tous ceux qui ont examiné
cette question, ont reconnu l’impossibilité d’établir un tribunal de commerce à
Charleroy. Il a ajouté qu’en comparant les travaux du tribunal de Charleroy
avec ceux du tribunal de Tournay, nous avons confondu les jugements par défaut
avec les jugements contradictoires ; je dénie ce fait.
Il est facile, dans une
discussion étrangère à l’objet dont on s’occupe, de venir alléguer légèrement
des faits ; mais je proteste contre de semblables assertions.
Il n’est pas question de demander à la section
centrale qu’elle fasse un rapport spécial sur ce qui concerne le tribunal de
Charleroy, il faut l’inviter à faire un rapport sur toutes les propositions
dont elle a été saisie ; alors nous examinerons la question pour Tournay comme
pour Charleroy, comme pour toutes les autres localités intéressées. Vous sentez
bien, messieurs, que le gouvernement est parfaitement impartial dans cette
affaire.
Quant à ce que vient de dire l’honorable membre des
travaux de la cour de cassation, je dois également protester contre ses
assertions ; lorsque la question se présentera, j’aurai l’honneur de faire
connaître à la chambre ses travaux nombreux et importants du premier corps
judiciaire de la Belgique.
M. Dubois. - Messieurs, il vous a été présenté un projet de loi
qui a beaucoup de rapports avec la question qui vient d’être soulevée ; dans la
session précédente, l’honorable M. Heptia a déposé sur le bureau une
proposition tendant à supprimer les tribunaux de quatrième classe et à les
ranger tous parmi ceux de la troisième ; cette proposition a été renvoyée aux
sections, mais je ne sais pas si elles s’en sont occupées jusqu’à présent : je
demanderai au bureau s’il ne juge pas convenable de mettre ce projet à l’ordre
du jour dans les sections ; quand elles s’en seront occupées, quand la section
centrale sera formée, elle pourra se mettre en rapport avec M. le ministre de
la justice pour en obtenir les renseignements qui lui seront nécessaires pour
pouvoir formuler un projet de loi. La proposition de M. Heptia a beaucoup
d’analogie avec celle de M. Verhaegen, et la décision qui sera prise sur la première
facilitera beaucoup celle qui devra être prise sur l’autre.
M. Verhaegen.
- Vous voyez, messieurs, que tous les intérêts spéciaux sont chaudement
défendus dans cette enceinte ; vous entendez qu’on demande une augmentation de
personnel pour Charleroy, Tournay, une augmentation de traitement pour Bruges,
Courtray, etc., etc. ; chacun, en un mot, s’occupe des affaires de sa localité.
Nous pourrions aussi agir de la sorte, mais cela nous
répugne ; nous nous abstiendrons toujours de vous entretenir d’intérêts de
localité, parce que nous pensons que ce sont les intérêts généraux que nous
devons avoir d’abord en vue.
Maintenant, messieurs, on a parlé de ma proposition,
et c’est parce que j’ai entendu appuyer les intérêts spéciaux, parce que les
intérêts de localité se sont agités, que je crois devoir vous entretenir un
moment à cet égard : sans cela j’aurais suivi le cours ordinaire des affaires,
j’aurais attendu que ma proposition fût à l’ordre du jour. Mais, si, comme on
le disait tout à l’heure, messieurs, vous rendez justice à tel ou tel tribunal
spécial, ce qui sera bien plus facile puisqu’il n’en coûtera pas autant, alors
on viendra vous dire plus tard, quand il s’agira des intérêts généraux :
« Voyez quelle somme énorme on nous demande ! Il faut des centimes
additionnels ; c’est une chose impossible. »
Je conviens avec M. le ministre de la justice qu’il y
a une différence à faire entre l’augmentation du personnel de certains
tribunaux et l’augmentation de traitement ou l’augmentation de classification :
l’augmentation de classification, comme le dit M. le ministre de la justice,
est la même chose que l’augmentation de traitement, puisque, quand on place un
tribunal quelconque dans une classe supérieure, on augmente nécessairement le
traitement de tous les membres de ce tribunal : la différence n’existe donc
qu’entre l’augmentation de personnel d’une part, et l’augmentation de
traitement ou de classification d’autre part.
Je suis encore d’accord avec M. le ministre de la justice
que l’augmentation de personnel présente quelquefois de l’urgence ; car la
justice doit être rendue, et si dans certaines localités les magistrats, quel
que soit leur zèle, sont dans l’impossibilité de juger tous les procès qui se
présentent, il faut, dans l’intérêt général, qu’on augmente le nombre de ces
magistrats. Mais, quant à l’augmentation de traitement ou de classification,
cela ne présente jamais d’urgence pour quelques tribunaux en particulier ; il
n’y a pas plus d’urgence d’augmenter les traitements des membres de quelques
tribunaux spéciaux que de le faire pour tous les tribunaux.
On a parlé de justice distributive, mais la justice
distributive exige qu’on mette tout le monde sur la même ligne, et qu’on ne
s’occupe pas plutôt des tribunaux de Courtray et de Tournay dont on a beaucoup
parlé, que de tous les autres tribunaux. De deux choses l’une : ou bien la
question est urgente, et alors elle l’est pour tous les tribunaux, et alors il
faut faire un prompt rapport pour tous les tribunaux en général ; ou bien la
question n’est pas urgente, et alors il ne faut pas plus un prompt rapport pour
les tribunaux spéciaux dont on a parlé que pour tous les autres ; en un mot, il
ne faut pas plus faire pour la proposition de M. Bekaert que pour la mienne. Quand
je réclame la justice distributive, je ne la réclame pas seulement pour
Bruxelles, pour Louvain, pour telle ou telle localité ; je la réclame pour tout
le monde.
Messieurs, M. Dumortier vous a dit qu’il pouvait y
avoir quelque chose de bon dans ma proposition, mais que je l’avais trop
généralisée ; l’honorable membre a reconnu entre autres que la cour de
Bruxelles et même celle de Liége sont aujourd’hui moins favorablement traitées
qu’elles ne l’étaient avant la révolution. Pourquoi, me dit M. Dumortier,
n’avez-vous pas borné votre proposition à ces deux localités ?
Je ne me suis pas borné à ces localités, d’abord parce
que je ne veux pas encourir le reproche de m’occuper ici des intérêts de la
localité à laquelle j’appartiens ; j’aime beaucoup mieux m’occuper des intérêts
généraux. En second lieu, je n’ai pas cru devoir restreindre ma proposition aux
deux cours dont il s’agit, parce qu’en voyant les choses telles qu’elles sont,
je pense qu’il y a plusieurs augmentations à faire relativement aux traitements
des membres des tribunaux en général, et je m’en expliquerai lorsque ma
proposition sera discutée.
Vous demandez, me dit-on, une augmentation de
traitement pour les conseillers de la cour de cassation de Bruxelles, et
cependant ces magistrats ont déjà un traitement de 9,000 fr. Messieurs, dans la
position personnelle où je me trouve, je ne pouvais ni ne voulais excepter de
ma proposition la cour de cassation. Mais qu’on fasse à cet égard tel
amendement que l’on veut, et qu’on me donne des raisons qui soient de nature à
me convaincre que les conseillers de la cour de cassation sont déjà traités
assez avantageusement, et peut-être serai-je le premier à me rallier à cet
amendement. Si, moi, j’avais excepté de ma proposition la cour de cassation de
Bruxelles, l’on m’en aurait faut un reproche.
Quoi qu’en dise M. Dumortier,
ses observations ne s’appliquent pas à tout le personnel de la cour de
cassation. Les avocats généraux de cette cour, par exemple, ne sont pas mieux
traités que les conseillers de la même cour, et cependant il est de toute
justice que les appointements des avocats généraux soient plus élevés, puisque
leur besogne est beaucoup plus considérable.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une raison pour
rejeter d’emblée ma proposition ; d’ailleurs, elle a été prise en
considération. Si l’on veut pour le moment, considérer uniquement comme urgente
l’augmentation du personnel, je n’ai plus rien à dire ; mais si vous considérez
comme urgentes toutes les propositions, tant pour les traitements que pour le changement
de classification de tribunaux, la justice distributive exige qu’on s’occupe
des intérêts de tous, et par suite, je demanderai pour ma proposition ce que M.
Bekaert demande pour la sienne.
M. Pirmez. - Je me proposais de répondre à M. Dumortier qui, dans la comparaison
qu’il a établie entre les tribunaux de Tournay et de Charleroy, a placé le
premier au-dessus du second. M. le ministre de la justice ayant prouvé
l’inexactitude de toutes les assertions de M. Dumortier, je n’ai plus rien à
dire ; au reste, quand la question sera discutée, chacun de nous produira des
renseignements à l’appui des propositions.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il n’a jamais été question, de la part de personne,
je pense, de vouloir rejeter d’emblée la proposition de l’honorable M.
Verhaegen, ayant pour objet d’augmenter les traitements des membres de l’ordre
judiciaire. Personne n’a provoqué ce rejet et n’a pu le provoquer. En effet, la
proposition de l’honorable membre a été renvoyée aux sections ; elle sera
examinée à son tour, et probablement avec les autres propositions du même genre
; cela est même désirable.
Il n’a pas été question non plus, et je prie
l’honorable membre d’y faire attention, de considérer les propositions
concernant la classification d’autres tribunaux, comme plus urgentes que celle
qui auraient pour objet d’augmenter les traitements de la magistrature en
général. Non, messieurs ; l’on a demandé et l’on avait droit de demander que le
ministre fît son rapport sur les diverses pétitions qui avaient été faites dans
l’intérêt de divers tribunaux. Ce rapport sera fait ; mais la question n’en
restera pas moins de savoir s’il y a lieu de faite une proposition à la
chambre, soit de la part d’honorables membres de cette assemblée, soit de la
part du gouvernement ; car jusqu’ici l’initiative n’a été prise par personne.
Dans ma pensée, comme j’ai déjà eu l’honneur de le
faire observer, les questions de la classification des tribunaux ont une
liaison intime avec celles de l’augmentation du personnel, et j’appelle
l’attention de la chambre sur ce point : s’il ne serait pas convenable de
renvoyer toutes les propositions qui ont pour objet un changement de
classification à la même section centrale qui sera chargée d’examiner la
proposition de M. Verhaegen. Sous ce rapport nous sommes parfaitement d’accord
avec cet honorable membre.
Je terminerai, messieurs, en
accueillant une observation qui a été faite par l’honorable préopinant. Il est
certain qu’il serait juste et d’une très bonne politique d’augmenter le
traitement des avocats généraux de la cour de cassation. Il n’est pas juste que
les avocats généraux, qui sont chargés d’un travail beaucoup plus difficile que
les autres magistrats, n’aient pas un traitement plus élevé. Il importe,
messieurs, d’attacher au ministère public des hommes capables, des hommes
d’expérience. Or, si nous n’augmentons pas les traitements des avocats
généraux, il arrivera presque toujours que nous perdions ces magistrats. Nous en
avons déjà perdu un de ces avocats généraux, qu’il est extrêmement difficile de
remplacer, quel que soit le talent de son successeur.
J’ajouterai qu’il est encore une autre classe de
magistrats dont la position doit être améliorée : c’est celle des juges d’instruction.
Les fonctions de ces juges sont très pénibles et très difficiles, et nous
voyons rarement des juges d’instruction qui désirent conserver leur position :
c’est une magistrature qu’on doit, pour ainsi dire, imposer.
M. Desmet. - Comme M. le
ministre de la justice vient de déclarer qu’il ne fera de rapport que sur les
demandes qui ont été envoyées par la chambre à son département, et que comme
les propositions faites pour avoir un quatrième arrondissement judiciaire dans
la Flandre orientale ont été envoyées à une commission nommée par la chambre,
il est à craindre qu’elles ne seront pas comprises dans le rapport du ministre.
J’insiste donc pour que la commission ne tarde pas à faire son rapport sur les
propositions de M. Dewitte et d’un autre membre de la chambre, tendantes à
avoir un quatrième arrondissement judiciaire dans la Flandre orientale ; je
désire que la commission fasse son rapport le plus tôt possible, afin que le
ministre en ait communication avant d’arrêter son rapport général, et ainsi le
mette à même d’y comprendre aussi les propositions qui concernent ma province.
Messieurs, je ne veux pas en faire un reproche à la commission, mais cependant
vous ne pouvez méconnaître qu’un objet qui tient tant à l’intérêt public soit
ainsi oublié, et particulièrement cette proposition qui a été appuyée par de si
nombreuses pétitions qui vous ont été adressées ; car plus de 200.000 habitants
ont pétitionné pour obtenir ce quatrième arrondissement dans la province de la Flandre
orientale.
M. de Brouckere. - Messieurs, je vois qu’il est temps de terminer la discussion, parce
qu’elle ne doit amener aucun résultat. Car, quels que soient les discours que
l’on prononce aujourd’hui, nous ne pourrons décider ni quels seront les
tribunaux dont le personnel sera augmenté, ni quels sont les magistrats dont
les appointements seront augmentés. Le seul désir que l’on puisse exprimer en
ce moment, c’est que l’on s’occupe des diverses propositions dans un temps plus
ou moins rapproché.
Si j’ai demandé la parole, c’est parce que j’ai
entendu l’honorable M. Dumortier dire que les membres de la cour d’appel
étaient les seuls magistrats dont les traitements eussent été diminués depuis
la révolution ; c’est là une erreur ; il est d’autres magistrats dont le
traitement a également subi une diminution : ce sont les présidents et
procureurs du Roi près des tribunaux des villes où siège une cour d’appel.
Ainsi le président et le
procureur du Roi près du tribunal de première instance de Bruxelles, qui
avaient chacun 6,000 fr. avant la révolution, n’ont plus aujourd’hui que 4,800
fr. Eh bien, dans ma pensée, le magistrat qui a le plus à se plaindre de la
distribution qui a été faite, quant aux traitements, lors de l’organisation
judiciaire de 1832, c’est le président du tribunal de Bruxelles, qui est le
chef d’un corps plus nombreux que jamais, qui est obligé, par sa position
supérieure, à une certaine représentation, et qui néanmoins se trouve placé
dans une situation moins avantageuse qu’avant la révolution.
Je crois inutile de parler plus longuement à cet
égard, quant à présent. Quand on en viendra à la discussion de la proposition
de M. Verhaegen, je reproduirai ce que je viens de dire, et il ne me sera pas
difficile de prouver que, de tous les corps judiciaires, celui qui a le plus à
se plaindre de sa position, c’est le tribunal de première instance de
Bruxelles.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Messieurs, les observations
de l’honorable préopinant, en ce qui concerne le président et le procureur du
Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles, sont très exactes.
Celui qui comprend l’importance de ces fonctions judiciaires, surtout dans la
capitale, pourra apprécier aussi combien il est juste d’augmenter le traitement
qui y est attaché.
Toutefois, je dois faire remarquer que la proposition
de maintenir les traitements dont il s’agit au taux où ils étaient avant la
révolution, a été faite par le ministre de la justice, lors de la discussion de
la loi concernant l’organisation judiciaire, et que cette proposition a été
rejetée.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je demande la clôture de cette
discussion, qui me paraît tout à fait anticipée. La proposition de M. Verhaegen
a été renvoyée aux sections, qui l’examineront, et la section centrale fera son
rapport. Le ministre, de son côté, nous soumettra un rapport sur toutes les
propositions qui ont pour objet une augmentation de personnel ou un changement
de classification. Jusque-là, nous n’avons rien à faire. Je persiste à demander
la clôture.
M. Dumortier.
- Messieurs, je ne veux pas prolonger la discussion, je me réserve de parler
plus tard ; il me suffit pour le moment d’avoir signalé les erreurs qui se
trouvent dans le travail du ministre et d’avoir prouvé que ses assertions sont
inexactes.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, il importe de rétablir les faits dont
l’honorable préopinant vient de parler. Il a dit que les assertions du ministre
n’étaient pas exactes ; le ministre doit répondre qu’il n’a fait aucune
assertion, qu’il a seulement nié, et qu’il nie de nouveau, ce que l’honorable
membre a avancé.
M. Pirmez.
- M. Dumortier prétend que les documents sont inexacts ; M. le ministre répond
qu’ils sont exacts. Quand il répétera 50 fois qu’ils sont inexacts, on lui
répondra 50 fois qu’ils sont exacts.
- La chambre consultée ferme la discussion.
L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Justices de paix et tribunaux de police
: fr. 310,880. »
M. Trentesaux. - Messieurs, sur l’article 5 on a beaucoup parlé de
justice distributive, quant au traitement des juges. Si vous voulez établir
véritablement une justice distributive, commencez par élever le traitement des
juges de paix. C’est par la base qu’il faut commencer. Les juges de paix sont
encore aujourd’hui sur le même pied que sous le consulat et l’empire. Depuis
lors, les juges des tribunaux de première instance et les conseillers de cour
d’appel, tout le reste de la hiérarchie judiciaire, ont eu leur traitement
augmenté ; les juges de paix ont été oubliés. Je le répète, si on veut
réellement exercer une justice distributive, c’est par les juges de paix qu’il
faut commencer.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je suis de l’avis de l’honorable préopinant, et je
ne me suis pas borné à partager son avis, j’ai posé un fait ; il y a trois ans
que j’ai proposé à la chambre un projet de loi ayant pour but d’augmenter le
traitement des juges de paix. Plusieurs fois, j’ai renouvelé la proposition
d’inviter la commission à faire son rapport à la chambre.
M. Verhaegen. - Les observations qui viennent d’être faites, sont
on ne peut pas plus fondées ; j’ai si bien compris la chose ainsi, que ma
proposition comprend les juges de paix comme les juges de première instance.
M. Trentesaux. - Les juges de paix ont droit à une attention toute
spéciale, par la raison que j’ai donnée tantôt, par la raison que, depuis leur
institution sous le consulat et l’empire, leur traitement est resté au même
taux. Je n’ajouterai rien, vous devez reconnaître que c’est par eux que vous
devez commencer.
M. de Jaegher.
- La question dont il s’agit se lie intimement à une autre question, celle de
la compétence en matière civile. J’ai prié plusieurs fois la commission chargée
d’examiner la loi relative à cet objet de hâter son travail. C’est la base de
tout ce qui est relatif au traitement de l’ordre judiciaire. C’est ce projet de
loi qui établira l’importance des justices de paix. Avant de connaître leurs
attributions, on ne peut fixer le traitement auquel ils ont droit. Je
renouvelle la prière que j’ai déjà adressée aux membres de la commission de
nous faire connaître si son travail avance.
M. de Behr.
- La commission chargée de l’examen du projet de loi sur la compétence en
matière civile s’est réunie plusieurs fois sous la présidence de M. Fallon. Ce
projet de loi soulève des questions graves qu’il faut examiner avec soin.
Depuis quelque temps, M. Fallon est absent à cause de la maladie de son fils.
Comme je ne suis pas président, je ne puis pas réunir la commission.
M. de Jaegher. Je ne doute pas que le projet dont il s’agit,
ne soulève des questions très graves ; mais, depuis trois ans que la commission
est saisie du projet, quelque graves que soient les questions, elle aurait pu,
sinon les résoudre, au moins présenter son rapport. Les administrations
provinciales sont aussi entravées par les retards de ce projet de loi ; les
nouvelles délimitations de canton, les circonscriptions des notariats, ne
peuvent être établies que quand cette loi sera votée.
Ce n’est pas à titre de reproche que je fais ces
observations, mais pour engager la commission à nous présenter son travail le
plus tôt possible.
M. de Behr.
- Je conviens que pour fixer le traitement des juges de paix, il faut connaître
les attributions qu’on doit leur donner. Si M. Fallon n’a pas réuni plus
souvent la commission chargée d’examiner cette loi d’attribution, c’est parce
que la chambre était surchargée de travaux ; on demandait d’ailleurs avec
instance le rapport sur la banque qu’on n’a pas encore eu le temps de discuter.
Il a dit qu’il était inutile de faire un rapport lorsqu’il serait impossible de
le mettre en discussion, et qu’il fallait s’occuper du plus urgent. M. Fallon a
dû faire le rapport sur la banque, qu’on demandait.
- L’article est mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Justice militaire
Articles 1 à 3
« Article 1er. Haute cour militaire, personnel :
fr. 62,050. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Haute cour militaire, matériel : fr.
4,200. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Auditeurs militaires et prévôts : fr.
53,921. »
- Adopté.
Chapitre IV. - Frais d’instruction et d’exécution
Article unique
« Article unique. Frais d’instruction et
d’exécution, etc., y compris la majoration de 20,000 fr. demandée par M. le
ministre à la section centrale : fr. 570,000. »
- Adopté.
Chapitre V. - Constructions
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Constructions, réparations et loyer
des locaux : fr. 35,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Constructions pour la cour d’appel à
Gand : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Construction d’un palais de justice à
Bruxelles, y compris la majoration de 100,000 fr. demandée à la section cenraie
pour le premier cinquième : fr. 400,000. »
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, lorsque j’ai fait la proposition, dans
la loi du budget soumise à votre examen, de porter une allocation de subsides
pour contribuer à la construction d’un palais de justice à Bruxelles, je
n’étais pas à même de remettre tous les renseignements nécessaires à l’appui de
cette proposition. Plusieurs sections ont demandé ces renseignements ; il est
convenable que j’expose les raisons qui ne m’ont pas permis de présenter, comme
je l’avais voulu, un rapport à l’appui d’une proposition aussi importante.
Vous me permettrez, messieurs, avant d’entrer dans ces
détails, de remonter un peu plus haut. D’abord il s’était agi de construire un
palais pour la cour de cassation. La nécessité, l’urgence de cette construction
a été reconnue par la chambre. Personne n’a révoqué en doute que le premier
corps judiciaire est dans un local où il est impossible de le laisser plus
longtemps sans compromettre la dignité de la magistrature.
Lorsque j’eus l’honneur de demander un second subside
pour ce monument, on réclama la construction d’un palais réunissant tous les
corps judiciaires de la capitale.
Messieurs, le gouvernement devait être plus porté à
construire à Bruxelles un monument pour tous les corps judiciaires qu’à faire
un édifice séparé pour la cour de cassation.
Mais voici quels avaient été les motifs de sa
détermination :
La construction d’un palais de justice pour la cour de
cassation est à la charge du gouvernement seul ; s’agit-il au contraire de
faire un édifice destiné aux tribunaux de première instance et de commerce, à
la cour d’assises et à plusieurs autres corps judiciaires, alors le
gouvernement ne doit pas seul contribuer à la dépense. Les tribunaux de
première instance et de commerce et la cour d’assises sont à la charge de la
province ; le local pour les tribunaux de paix et de police est à la charge de
la ville où siègent ces magistratures.
Dans les premiers temps où on s’occupa, dans le
département de la justice, du projet de faire construire un palais pour la cour
de cassation, la commune et la province n’étaient pas organisées ; on ne
pouvait donc compter sur leur concours pour la dépense. Les choses étaient
changées lorsque la chambre délibéra sur le second subside à accorder pour le
palais de la cour de cassation. Plusieurs honorables membres dirent que la
ville et la province étaient disposées à payer leur part dans la dépense d’une
construction destinée à tous les corps judiciaires. J’avais des doutes, je
croyais que la ville et la province reculeraient devant ces dépenses ;
cependant je ne voulais pas qu’on pût, plus tard, faire des reproche, et me
dire : « Si vous aviez invoqué le concours de la ville et de la province,
nous aurions un monument où seraient réunis tous les corps judiciaires.» Je
consentis à l’ajournement ; je déclarai que je réunirais une commission
composée de délégués de la commune et de la province, que j’y adjoindrais des
membres de l’ordre judiciaire, que nous travaillerions ensemble à ce projet, et
que nous tâcherions que chacun contribuât pour sa part aux dépenses
nécessaires.
Cette commission a été réunie, et, comme vous l’a dit
la section centrale par l’organe de son honorable rapporteur, elle s’est
occupée de la construction d’un palais de justice d’après un plan fait par un
des premiers architectes du pays, et a réparti les dépenses de ces
constructions. D’après la proposition de cette commission, la province paierait
2/6, la ville 1/6, et le gouvernement 3/6 ; la dépense, comme vous le savez,
serait de 3,000,000 fr.
Le monument dont le plan est déposé au greffe ne
comprend que ce qui est absolument nécessaire pour tous les corps judiciaires.
On n’a rien sacrifié au luxe ; les intérêts de la commune et de la province,
aussi bien que ceux de l’Etat, y ont été ménagés ; cependant je dois ajouter
que dans ma pensée ce plan n’est pas définitif ; il y a toute nécessité d’avoir
un palais qui satisfait aux besoins des divers corps judiciaires ; mais
l’intérêt des arts et de la capitale exige que le plan de ce monument soit
soumis à l’examen de tous les hommes spéciaux, de tous les artistes. C’est ce
qui a eu lieu lorsqu’il s’est agi de bâtir un palais de justice à Gand. Le
premier plan vous a été communiqué, il a été soumis ensuite à tous les
architectes rivaux de l’auteur du plan, à la commission placée près du
ministère de l’intérieur, dite commission des monuments. Des modifications ont
été introduites dans le plan par cette commission pour l’embellissement de
l’édifice. Je propose d’en agir de même pour le palais de justice dont il
s’agit aujourd’hui. A cet égard toute satisfaction sera donnée à ceux qui
désirent avec raison qu’on n’entreprenne pas légèrement une construction aussi
importante.
Je vais reprendre, messieurs, l’exposé que j’ai
interrompu : les propositions de la commission n’étant que provisoires, les
conseils provincial et communal devaient les ratifier, comme vous êtes appelés à
y donner votre approbation. Le conseil provincial a cru qu’il irait au-delà
d’une dépense juste et proportionnelle en contribuant pour plus de 500,000 fr.
; mais le conseil provincial a-t-il contesté la nécessité ou l’opportunité de
la dépense d’un nouveau local ? Non ; cette nécessité, cette opportunité ont
été reconnues. Le conseil provincial a seulement réduit la dépense à la juste
proportion dans laquelle il croit devoir contribuer.
Le conseil communal de Bruxelles, qui a à satisfaire à
tant d’obligations importantes, a-t-il reculé devant la dépense ? Non, il s’est
empressé d’y contribuer. Voilà donc un second corps qui reconnaît encore la
nécessité et l’opportunité de la dépense.
Vient maintenant le tour du grand corps de l’Etat dont
les obligations doivent être placées en première ligne, le tour de la
législature ; je ne crains pas de démenti lorsque je dis que je puis compter
sur l’importance que vous attachez à ce que les corps judiciaires soient
honorés comme ils le méritent.
Déjà j’ai vu avec plaisir que la section centrale a
reconnu la nécessité et l’opportunité de la dépense ; ce sont ses expressions ;
un seul membre a réservé son vote ; personne ne s’est élevé contre la dépense
dans la section centrale. Je ne pense pas que la nécessité de cette dépense
soit contestée dans la chambre ; si j’ai pris la parole, contre la coutume, au
commencement de la discussion, ç’a été pour suppléer à un silence qui n’aurait
pas été explicable si je ne l’avais pas justifié par les raisons que j’ai eu
l’honneur de faire connaître.
Lorsque le budget de mon
département a été arrêté, les conseils de la province du Brabant et de la ville
de Bruxelles n’avaient pas encore pu se prononcer sur les propositions de la
commission, il m’était dès lors impossible de donner, dans les développements
du budget, dans les développements du budget, les explications que j’ai
communiquées à votre section centrale.
Je me résume en deux mois. Vous avez déjà reconnu la
nécessité de construire un palais pour la cour de cassation ; si on conteste la
nécessité de la dépense par la cour d’appel et les autres cours judiciaires,
j’en fournirai la preuve que j’ai à la main : en laissant la cour d’appel et le
tribunal de première instance dans les locaux qu’ils occupent, on s’oblige à
faire des dépenses considérables en pure perte, au lieu d’élever une
construction utile qui ferait honneur au pays. La capitale ne doit pas être
traitée comme une autre ville ; c’est au pays tout entier que s’adresse
l’honneur qu’on réclame pour Bruxelles.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne veux pas ici contester ici l’utilité de la
proposition du gouvernement ; mais il est bien des choses utiles qui ne sont
pas indispensables.
Selon moi, il est indispensable de donner un local à
la cour de cassation ; comme l’a dit M. le ministre de la justice, à cela se
bornait la première demande.
Quand on examine le budget de cette année, on est
vraiment effrayé de l’accroissement de la dépense dans tous les départements.
La dépense la plus importante en ce moment pour la Belgique, c’est l’armée ;
aussi on ne se fait pas faute de demander un budget énorme pour le département
de la guerre. Ce sont ensuite les chemins de fer qu’on réclame de tous côtés ;
puisqu’on est entré dans cette voie, il faut la continuer. Si après cela nous
entrons dans la voie des grandes constructions, je ne sais plus où nous nous
arrêterons. Nous avons commencé à Gand ; avant de décréter la construction d’un
nouveau monument, ne faudrait-il pas attendre que celui de Gand fût terminé ?
Pour la cour de cassation je ne conteste pas. M le ministre de la justice dit
qu’il est indispensable de donner aussi un nouveau local à la cour d’appel ;
s’il en est ainsi, je ne refuserai pas mon vote ; mais j’ai entendu hors de cette
enceinte contester cette assertion.
J’ai entendu dire (j’avoue que je ne suis pas en état
d’en juger) que le local occupé par la cour d’appel est très solidement bâti,
que, moyennant quelques dépenses de réparations, il pourra durer très
longtemps. Je me réserve mon vote ; je n’y mets pas d’obstination ; si la
dépense est nécessaire, je la voterai.
J’ai une autre observation à présenter à la chambre.
Lorsqu’il s’est agi de la construction du palais de justice à Gand, on a
proposé que le gouvernement contribuât pour 900,000 francs dans la somme de
3,000,000 de francs à laquelle devait s’élever la dépense, et le gouvernement a
eu soin de stipuler que si la dépense était plus considérable, l’excédant
serait à la charge de la ville et de la province. Je ne vois rien d’analogue à
cela, aujourd’hui, dans les paroles du ministre, non plus que dans le rapport
de la section centrale.
Quel que soit le talent des
architectes, je n’ai pas de confiance dans leurs devis quant à l’évaluation des
dépenses. Chacun sait en général, même quand on construit soi-même, qu’on va
toujours en delà de la dépense qu’on a prévue dans le devis ; il est donc à
craindre que nous ne soyons obligés de voter des sommes plus considérables que
celles dont il est question aujourd’hui.
On a pris des précautions vis-à-vis de Gand, et je
demande si le ministre n’a pas aussi stipulé pour les intérêts de l’Etat, pour
les constructions de Bruxelles, car en votant cette somme de deux millions,
nous ne savons pas si cela ne conduira pas à quatre millions.
M. Dumortier.
- Il n’y a pas, pour un gouvernement, de manie plus folle et plus ruineuse que
celle des bâtiments. C’est la manie des bâtiments qui a ruiné Louis XIV autant
que les guerres qu’il a soutenues ; et je vois avec regret que notre
gouvernement veut entrer dans ce système. La Belgique est régénérée ; on veut,
en quelque sorte, la rhabiller à neuf. Rien de ce qui a été fait sous l’ancien
gouvernement ne convient ; on veut tout renverser pour tout rebâtir. Voilà à peu
près l’histoire des constructions depuis quelques années ; et on s’abandonne
sans réserve à cette manie si ruineuse et si folle.
Le projet du ministre de la justice, pour lequel on
nous demande 400,000 fr., est le premier pas vers une dépense de plusieurs
millions. Ainsi, il faut se pénétrer de cette vérité que si vous accordez
400,000 fr., c’est au moins deux millions qu’il en coûtera à l’Etat. Mais,
comme l’a très bien observé M. Desmanet de Biesme, il n’est pas bien certain
qu’on ne demandera que deux millions à l’Etat parce que les devis des
architectes ne sont pas toujours le tableau exact des dépenses qu’occasionnent
les constructions qu’il faut entreprendre.
La première question qui se présente est celle-ci : Y
a-t-il nécessité de faire la dépense ? Je ne demanderai pas s’il y a
convenance, s’il faut des embellissements, si même il y a utilité. Dans l’état
actuel de nos finances, je demanderai s’il y a nécessité, car nous devons
écarter de nos dépenses celles qui ne sont pas sanctionnées par la loi de la
nécessité ; et je n’hésite pas à déclarer qu’il n’y a pas nécessité.
Depuis quand est construit le palais actuel de la
justice ? Il a été reconstruit à nouveau il y a au plus quinze ou vingt ans. Il
y avait à la vérité quelques parties de l’édifice qui existaient auparavant,
mais on n’a conservé que des parties qui, par leur solidité, promettaient de
durer encore longtemps. Si je suis bien informé, et j’ai des motifs pour’ le
croire, il est incontestable que le palais de justice, bien réparé, peut encore
durer soixante ans.
En présence de pareils faits,
à quoi bon venir demander la construction d’un monument ? Qui vous dit que le
monument que vous allez construire durera plus longtemps que les bâtiments
existants ? Qui vous dit que dans vingt ans on ne vous proposera pas un édifice
encore plus monumental ? Ainsi, d’année en année, nous recommencerons des
dépenses déjà faites.
Le ministre de la justice a cru exercer une grande
influence sur l’assemblée en disant que le plan avait eu l’assentiment de la commission
des monuments...
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai eu l’honneur de dire à l’assemblée que le
plan de l’édifice de Gand, quoique approuvé par la chambre, n’avait commencé
d’être mis à exécution qu’après avoir été soumis à l’examen des architectes
rivaux de celui qui l’avait dressé, à l’avis de la commission des monuments, et
j’ai signalé que je ferais de même pour l’édifice de Bruxelles.
M. Dumortier.
- Le ministre de la justice a cru exercer une grande influence sur vos esprits
en vous disant que si vous votiez l’allocation demandée il assemblerait la
commission des monuments ; j’ai beaucoup de respect pour cette commission ;
mais personne n’ignore que les architectes qui la composent ont beaucoup
d’intérêt à ce que l’on construise des monuments en Belgique.
Messieurs les architectes sont orfèvres (on rit) ; ils ne sont pas si malhabiles
que de ne pas vouloir d’un monument qui coûtera trois millions. La commission
veut le plus de monuments possible.
Vous allez consulter la commission des monuments ; que
vous dira-t-elle ? Elle vous dira qu’il faut suppléer au défaut que la section
centrale a signalé dans le plan ; que l’édifice n’est pas assez monumental ; et
elle vous donnera des plans pour un monument ou pour augmenter la dépense ;
elle vous dira : « Ne gâtez pas votre tarte pour un œuf ; » puisque
vous fricassez les deniers de l’Etat, fricassez largement. Voilà ce que dira la
commission des monuments ; et elle doublera les dépenses pour avoir un bel
édifice dans la capitale. Je ne vois pas de garantie dans la commission des
monuments dont nous parle le ministre de la justice.
D’un autre côté on se prévaut d’un vote émis par la
chambre relativement à la cour de cassation : eh bien, lorsque le ministre de
la justice vint demander un crédit de quelques cent mille francs pour
construire un palais pour la cour de cassation, beaucoup de membres de
Bruxelles se levèrent pour assurer qu’au moyen de quelques cent mille francs,
ou plus, on pourrait, dans le palais de justice actuel, établir la cour de
cassation. Que faut-il pour cette cour de cassation ? Une salle d’audience, des
archives… Le terrain ne manque pas au palais de justice pour faire ces
constructions.
Je suis loin de vouloir refuser à la cour de cassation
les bâtiments qui lui sont nécessaires ; j’appelle de tous mes efforts le
moment où cette cour sera établie convenablement ; mais il ne faut pas faire
une dépense de deux millions.
L’époque où nous sommes, la situation du pays, réclament
autre chose que des monuments : le temps des constructions est passé à jamais…
M. Rogier.
- Nous espérons que non !
M. Dumortier.
- On sait bien que vous espérez que non, vous qui voulez rebâtir la tour de
Malines. (On rit).
Messieurs, ce que nous devons vouloir, ce sont des
choses utiles ; nous devons vouloir les dépenses nécessaires pour notre armée, et
pour les chemins de fer, comme l’a très bien dit M. Desmanet de Biesme. Avec la
dépense que l’on demande pour le palais de justice on ferait une section de
chemin de fer, ce qui vaudrait mieux que de donner cette somme à des
architectes, sinon à des maçons. Si nous étions dans une situation prospère, je
ne verrais pas un si grand inconvénient à bâtir ; mais ce qui me touche
maintenant c’est que notre budget des recettes ne soit pas au niveau de notre
budget des dépenses.
Je demanderai à l’assemblée
qu’elle opère pour le budget de la justice comme elle a opéré tout à l’heure
pour le budget de la marine, c’est-à-dire qu’elle ajourne l’examen de la
dépense dont il s’agit jusqu’après le vote du budget des voies et moyens : nous
verrons alors si nous avons de l’argent de trop dans le trésor.
N’oubliez pas la proposition déposée par M. Verhaegen
; il veut augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire d’une
somme annuelle d’un demi-million ; si vous dépensez vos fonds à bâtir, vous ne
pourrez pas les employer à augmenter les traitements des juges.
Je crois, messieurs, que ce que nous devons faire,
c’est de voter un budget modèle, c’est de ne pas dépenser plus que nous ne
recevons.
M. le président.
- M. Dumortier propose l’ajournement de l’article, et son renvoi après le vote
du budget des voies et moyens.
M. C. Rodenbach. - A l’occasion des deux millions qu’on vient vous demander pour ériger
un palais qui doit réunir tous les corps judiciaires de la capitale,
permettez-moi, messieurs, d’entrer dans quelques considérations qui tendent à
obtenir une diminution notable dans les dépenses qu’on se propose de faire.
Ceux qui sont appelés à administrer les revenus de
l’Etat ne doivent pas plus se permettre des magnificences, des libéralités, que
ceux qui gouvernent une famille. Un loyal député, celui qui comprend son
mandat, ne doit pas non plus, sans raison et par une condescendance empressée,
sanctionner des profusions. C’est donc dans des vues économiques et pour
répondre aux vœux des contribuables, déjà alarmés par l’augmentation successive
du budget, qu’on devrait, au lieu d’élever un monument splendide à Bruxelles,
se borner à restaurer le palais de justice actuel, suffisant pour contenir le
corps judiciaire. Quant à la cour de cassation, elle pourrait être placée dans
une localité convenable. Ne pourrait-on modifier la loi organique de l’ordre
judiciaire et placer le premier corps de la magistrature à Malines, qui l’a
possédé pendant des siècles et qui pourrait revendiquer ses anciens droits ?
Les circonstances sont changées depuis qu’un honorable
député qui ne siège plus parmi nous, a proposé Malines pour siège de la cour de
cassation. Les motifs qui ont plus particulièrement fait rejeter son amendement
n’existent plus depuis l’exécution du système des chemins de fer qui a comblé
toutes les distances. Deux élections ont d’ailleurs amené des changements dans
le personnel de la chambre, et les opinions sont modifiées par l’expérience. Ce
n’est donc pas sans objet que je vous occupe d’une question qui, malgré qu’elle
ait été soumise à vos délibérations à une autre époque, n’en a pas moins de
l’opportunité et de l’à-propos. Un point important en cette matière est celui
de s’assurer s’il y a réellement quelques inconvénients à placer la cour de
cassation à Malines, et s’il y a des avantages à laisser son siège à Bruxelles.
Je vais, messieurs, chercher à éclaircir ce point qui
a été faiblement débattu dans cette enceinte, et qui n’a été, en quelque sorte,
que controversé par le sénat, dont 14 membres contre 16 ont voté pour le siège
à Malines.
Le lieu des tribunaux d’appel, le centre du pouvoir
judiciaire, peut-il être plus convenablement placé que dans le centre des
chemins de fer ? J’ai l’intime conviction qu’aucun argument solide ne peut être
donné contre son établissement à Malines. Les avantages de la cour suprême dans
cette ville furent universellement reconnus autrefois. L’institution du grand
conseil de Malines date de 1473 ; elle n’a été supprimée qu’en 1794. C’était la
réunion de toutes les chambres de justice et des chambres des comptes en un
seul parlement. Cette institution n’était pas seulement judiciaire, elle était
aussi une espèce de cour politique, car les puissances étrangères la prirent souvent
pour arbitre dans de graves questions gouvernementales. Malines était donc en
possession. L’ancien bâtiment de cette cour existe encore. A Bruxelles, rien
n’est fait, rien ne pourra se faire avant six à sept ans, car on ne peut
considérer comme un local décent pour la cour de cassation l’unique chambre
qu’elle occupe, qui doit être évacuée par le public chaque fois qu’elle
délibère. Depuis 1832 la cour n’a pris, en quelque sorte, qu’un établissement
provisoire.
La crainte de ne pas avoir un barreau composé d’hommes
éprouvés par une longue expérience est chimérique. Le chemin de fer n’a-t-il
pas annihilé toutes les distances ! Malines n’est plus qu’à trente minutes de
la capitale, où un barreau peut se recruter. Celui qui existe à Malines est
d’ailleurs composé d’hommes distingués.
La belle cité de Malines, la huitième du royaume en
population, convient à merveille à la nature des hautes fonctions judiciaires,
d’autant plus qu’elle rapprocherait les justiciables de leurs juges. Il est
évident que les plaideurs auraient moins de distances à parcourir et moins de
frais accessoires. Les conseillers pourraient y vivre plus honorablement qu’à
Bruxelles, parce que la vie y est à meilleur marché et parce que des demeures
convenables y sont plus faciles à trouver. Dans une résidence royale, la haute
magistrature est, pour ainsi dire, éclipsée par les richesses qui l’entourent,
et perd de la sorte une partie du prestige qui doit l’environner. La bruyante
activité d’une capitale, la pompe, la somptuosité des mœurs, ne conviennent pas
à l’ordre judiciaire. Une localité où tous les pouvoirs sont concentrés est
d’ailleurs moins propice qu’une ville plus modeste où les magistrats peuvent se
livrer à des travaux, à des études.
On trouve d’ailleurs plus de garantie d’indépendance
dans leur éloignement de la capitale. Ce n’est pas une attaque contre le
pouvoir, ni contre la cour de cassation que je viens faire ; corps respectés,
composés d’hommes recommandables et bien pénétrés de leurs devoirs ; mais c’est
le principe que je veux signaler. Les hommes ne sont-ils pas toujours enclins à
juger d’après les impressions qu’ils reçoivent autour d’eux ? Pour tous ceux
qui ont quelques connaissances morales, il est prouvé que les balances de la
justice chancellent lorsqu’on s’en sert trop près du pouvoir. L’indépendance de
position, comme à la cour de cassation, existe de fait, je le sais ; mais ce
n’est pas l’inamovibilité ni la position sociale qui donnent l’indépendance à
l’homme, c’est le caractère. Il est peut-être d’une politique prévoyance
d’éloigner du pouvoir exécutif une cour, qui, au nombre de ses importantes
attributions, a le droit de juger les ministres mis en accusation. Le
frottement de l’autorité supérieure, surtout dans les moments de crises
politiques, a ses dangers et peut affaiblir bien des caractères. Sans contester
l’indépendance des conseillers en ce moment en fonctions, et sans mettre en
suspicion et la moralité et l’équité de nos ministres actuels, on peut avoir
des prévisions et appréhender certaines éventualités. De quoi ne sont pas
capables les passions politiques ? L’éloignement de la cour de cassation du
siège du gouvernement est en quelque sorte une garantie constitutionnelle.
Comme je suis convaincu que ce n’est pas dans
l’intérêt du pouvoir qu’on a établi la cour à Bruxelles, je n’insisterai pas
sur ce point ; j’en viens à la question d’utilité et d’économie.
A Malines, au point central du chemin de fer, la cour
suprême pourrait jeter un plus grand éclat sur la magistrature qu’à Bruxelles,
où elle est confondue avec les autres pouvoirs judiciaires et où elle est
absorbée par l’entourage de fortune, de luxe. La cour serait relevée, aurait
plus de dignité aux yeux des masses par le souvenir même du grand conseil de
Malines. La haute magistrature a besoin, messieurs, comme les cultes, d’un
certain prestige, dans l’intérêt même de l’ordre public. Tous les hommes qui
composent la cour de cassation ne sont pas des hommes fortunés. Tous ceux qui
en feront partie par la suite ne le seront pas davantage ; ce sont et ce seront
d’ordinaire des hommes de talent qui, après de longs travaux, désireront une
vie paisible et qui n’ont pas d’autre perspective, surtout lorsqu’ils sont
mariés et qu’ils ont des enfants.
Ces considérations sont importantes et méritent d’être
appréciées par les esprits froids qui ne manquent pas dans cette enceinte.
N’est-ce pas d’ailleurs améliorer la condition des conseillers de la cour que
de la placer à Malines, sans porter atteinte à la bonne administration de la
justice ?
Malines a l’avantage sur Bruxelles de posséder dès à
présent un local des plus beaux du royaume (la commanderie de Pitsenbourg),
tandis que la capitale n’est pas, comme elle, disposée à faire seule tous les
sacrifices pour l’amélioration et l’entretien des bâtiments.
D’après toutes ces considérations, il me semble qu’il
y aurait lieu à réformer l’article premier de la loi organique de l’ordre
judiciaire. La constitution ne s’y oppose point ; car c’est en vertu de cette
loi que le siège de la cour de cassation a été placé à Bruxelles. Sans frais,
sans perte de temps, la cour pourrait être établie à Malines le lendemain même
de la promulgation de la loi qui fixerait le nouveau siège.
Les revenus publics ne doivent
pas, messieurs, sans nécessité, être immolés à des magnificences publiques.
C’est, suivant moi, une grande prodigalité que de vouloir élever des monuments
dans une ville, sans urgence aucune, lorsqu’on peut trouver des locaux
convenables dans d’autres cités. Le parti le plus sage serait, il me semble, de
se borner, à Bruxelles, aux réparations indispensab1e au palais de justice
actuel, et d’éloigner la cour de cassation, éloignement désiré même par un
grand nombre de conseillers.
Je n’entrerai pas pour le moment dans de plus grands
détails, car il suffit de soulever une question dans cette enceinte pour la
faire soudainement approfondir.
Je m’oppose donc à l’allocation demandée.
M. Verhaegen.
- Je craindrais encore, messieurs, d’élever la voix dans cette enceinte, parce
qu’il est question de Bruxelles ; mais, enfin, il faut bien que, dans l’intérêt
général, nous répondions aux objections qui ont été faites par les préopinants.
S’il n’était question dans l’occurrence que de la capitale, s’il ne s’agissait,
comme on veut le faire croire, que de l’embellissement de la capitale, s’il ne
s’agissait que de conserver à la capitale ce qui s’y trouve, si d’autres
considérations d’intérêt général ne venaient pas à propos dans l’occurrence,
encore faudrait-il que je prisse la défense de la capitale, puisque je ne
viendrais pas réclamer pour elle une faveur, et que je ne ferais que la
défendre contre des attaques qui ne sont que trop fréquentes. Il est temps
enfin de dire toute ma pensée. Il semble, messieurs, que l’on veuille ici en
Belgique tout le contraire de ce que l’on veut dans d’autres pays ; dans
d’autres pays, messieurs, on comprend que sans capitale il n’y a pas de
nationalité, et de ce qu’en Belgique on ne veut pas de capitale, je suis
autorisé à dire qu’on ne veut pas de nationalité.
Messieurs, quand on enlève à
Bruxelles un établissement qu’elle possède, il faut que les députés de
Bruxelles ne fassent pas d’observations, il faut qu’ils se résignent.
Dernièrement pour l’école militaire, qui était à Bruxelles, on l’a placée à
Gand ; aujourd’hui il s’agit de la cour de cassation, on veut la placer à
Malines : car c’est ainsi, messieurs, que se résume et le discours de M.
Rodenbach et tout ce que les honorables collègues ont dit avant lui.
L’honorable M. Rodenbach a été jusqu’à dire qu’il était d’un intérêt
constitutionnel bien entendu d’éloigner la cour de cassation de la capitale où
siège le gouvernement, parce qu’il faut soustraire ce corps judiciaire à
l’influence du gouvernement ; si la cour de cassation n’était pas à l’abri de
toute influence, je dirais, à mon tour, messieurs, qu’on veut la placer sous
l’influence d’un autre pouvoir, qu’on ne veut la retirer de la capitale que
pour la placer au foyer de l’opinion que nous connaissons.
M. C. Rodenbach. - Je demande à répondre à l’insinuation de
l’honorable préopinant qui se pose derechef homme de parti, et porte
indirectement atteinte à la constitution. Car, ce qu’il y a d’admirable dans
notre constitution, c’est qu’elle a séparé entièrement le pouvoir spirituel, auquel
le préopinant a fait allusion, du pouvoir temporel. Le pouvoir signalé ne peut
donc exercer aucune influence sur un corps judiciaire quelconque. Ces reproches
d’empiétements sont absurdes.
M. Verhaegen.
- S’il y a ici une observation absurde, c’est bien celle de l’honorable
préopinant, qui prétend que le gouvernement pourrait exercer de l’influence sur
la cour de cassation ; s’il y a ici une insinuation malveillante, c’est celle
que s’est permise l’honorable membre ; je n’ai fait que répondre à ses
attaques, la chambre me rendra cette justice.
On a dit, messieurs, que la Belgique est à peine
régénérée et qu’on veut tout démolir, qu’on veut faire des constructions
somptueuses ; on a ajouté que la Belgique devrait aux constructions sa ruine ;
on a même fait la comparaison de ce qui se passe sous nos yeux avec ce qui se
passait sous le règne de Louis XIV. Je voudrais bien que l’honorable préopinant
qui a tenu ce langage, voulût m’indiquer quelles sont les constructions
somptueuses qui ont été faites jusqu’à présent ; où sont-elles donc ? Nulle
part, messieurs, il n’y a que des assertions, dont pas un mot n’est vrai.
Jusqu’à présent on n’a rien démoli, on n’a rien construit, il n’y a pas de
constructions somptueuses, il n’y a rien.
Si je voulais entrer dans des considérations locales,
je demanderais, messieurs, si bientôt on ne considérera pas aussi comme une
faveur pour la capitale la possession de l’école vétérinaire, et si l’on ne
songe pas encore à transférer cet établissement ailleurs, car on enlève
successivement à la capitale tout ce qu’elle possède : mais je ne veux pas
faire valoir ces considérations d’intérêt local, je ne veux m’occuper que des
intérêts généraux.
Faut-il un palais pour la cour de cassation ? Voilà,
messieurs, la première question qui se présente. Eh bien, vous avez reconnu
vous-mêmes la nécessité d’une semblable construction, et je pense que les
observations que l’honorable ministre de la justice a fait valoir à cet égard,
n’ont été détruites par aucun des préopinants ; c’est revenir sur un premier
vote que de mettre aujourd’hui en question ce qui a été décidé par la chambre,
c’est-à-dire qu’il faut un palais pour la cour de cassation ; le pouvoir législatif
a également décidé que ce palais doit être à Bruxelles, ce qui, soit dit en
passant, décide la question que l’honorable M. Rodenbach a voulu soumettre à la
chambre : c’est un point définitivement arrêté, il ne s’agit plus d’y revenir.
La cour de cassation doit donc rester à Bruxelles, et
la cour de cassation doit avoir un palais. Maintenant, dans le projet du
ministère, pour la première fois depuis la révolution, on propose de faire
quelque chose de bon, quelque chose d’utile, quelque chose qui soit digne du
gouvernement, et on vous propose de le faire dans la capitale. C’est la
première chose d’utile et de grand que l’on propose de faire dans la capitale.
On s’y oppose ; et pour quels motifs ?
« Si la chose est utile, dit-on, elle n’est pas indispensable
; déjà l’on a fait des dépenses considérables dans d’autres genres, les budgets
en offrent la preuve ; le budget de la guerre nous enlève des millions ; le
chemin de fer nous enlève des sommes considérables ; on fait un palais de
justice ; attendez au moins que celui-ci soit achevé et vous verrez alors ce
que vous ferez pour Bruxelles. »
Ce sont donc là les grandes constructions dont on a
parlé, et c’est pour ces grandes constructions qu’il faut arrêter ce que nos
adversaires eux-mêmes regardent comme utile et ce que nous trouvons, nous, être
indispensable !
L’honorable M. Desmanet de Biesme a dit que pour la
cour d’appel et les tribunaux les bâtiments actuels sont suffisants, et que ces
bâtiments sont très solides ; j’aime croire que l’honorable M. Desmanet ne
connaît pas les localités, car ces assertions sont tout à fait inexactes ;
l’honorable membre et M. Dumortier après lui ont ajouté que le palais de
justice actuel est pour ainsi dire un bâtiment tout neuf, qu’il a été
entièrement reconstruit il y a 15 ans, et qu’au moyen de quelques petites
dépenses on pourrait faire de ce local tout ce qui est nécessaire pour
l’administration de la justice. Ici, messieurs, je suis plus compétent que
quiconque pour apprécier les raisons données par ces honorables préopinants, et
je ne crains pas de soumettre tout ce que je vais avoir l’honneur de vous dire,
à l’enquête la plus rigoureuse : ce superbe palais, construit il y a 15 ans,
voulez-vous savoir ce que c’est ? C’était un hôpital, et, sous l’ancien gouvernement,
on a mis la justice à l’hôpital ; on a fait quelques faibles dépenses pour
approprier les salles où se trouvaient les malades et les mettre en état de
recevoir la magistrature. Voilà, messieurs, le palais dans lequel se trouvent
la cour de cassation et la cour d’appel.
Un honorable préopinant a dit qu’il ne manque à la
cour de cassation qu’une chambre. La cour de cassation, messieurs, a deux
sections et la cour de cassation n’a pas seulement la moitié des places qui
sont nécessaires pour une section. Quant à la cour d’appel, messieurs, elle est
misérablement logée : la cour d’appel a maintenant trois chambres civiles, une
chambre correctionnelle et une chambre de mise en accusation ; eh bien,
messieurs, la cour d’appel n’a pas assez de locaux pour loger 2 chambres ; il
faut que 4 chambres prennent alternativement les locaux l’une de l’autre, de
manière que les conseillers sont dans l’impossibilité de délibérer lorsqu’ils
le devraient, et le service en souffre beaucoup. J’en appelle, messieurs, à
quiconque connaît les localités, et je demande s’il est possible de soutenir
que dans cet ancien hôpital on puisse placer convenablement la cour de
cassation et les cinq chambres de la cour d’appel, auxquelles il faudrait
encore ajouter la cour d’assises, qui est maintenant placée dans un autre local
et qu’il conviendrait de placer dans le même local que les autres cours et
tribunaux. Je n’ai pas encore parlé du tribunal de première instance dont les
deux chambres se trouvent dans le local de la cour d’appel. Ce local, qui est
si bon, qui est si nouvellement construit, qui est si favorable. Eh bien,
messieurs, la deuxième chambre du tribunal de première instance (je le dis
d’après mon expérience, puisque je m’y trouve deux ou trois fois par semaine),
la deuxième chambre du tribunal de première instance n’est pas seulement à
l’abri du vent et de la pluie, la pluie y tombe par torrents, et les juges sont
quelquefois obligés de quitter leurs sièges ; je défie quiconque de me donner
un démenti sur ce point, car le fait est constant ; la première chambre, qui
siège dans la salle appelée La Rotonde, est dans la même position.
Les juges ont été en maintes circonstances obligés de
lever la séance, parce que la pluie tombait par le plafond. Voilà, messieurs,
le palais de justice à Bruxelles.
Maintenant le gouvernement vous propose de réunir tout
cela. Les divers intérêts ont été consultés. La province, pour certains coups
de justice, devait contribuer, la province a contribué ; la ville devait
contribuer également pour les justices de paix et les tribunaux de police ; et
quelle que fût sa détresse, la ville de Bruxelles a contribué pour une part
plus large qu’on ne pourrait l’espérer. Car, messieurs, si vous fixez votre
attention sur la quote-part de Bruxelles, et si vous réfléchissez à tous les
cours de justice qui doivent être comprises dans ce palais général, vous aurez
la conviction que Bruxelles fait beaucoup plus qu’on ne pourrait
proportionnellement exiger d’elle.
Et c’est cependant cette ville qui se trouve dans la
position la plus critique. On vous en disait un mot hier, et nous serons
obligés plus tard de fixer votre attention sur sa détresse, quand il s’agira
ultérieurement de fixer son sort. Bruxelles, messieurs, a été l’objet de toutes
les catastrophes de la révolution, et c’est à titre de capitale qu’elle a dû
subir tous ces événements qui ont amené sa ruine.
Et néanmoins l’on semble s’attacher à vouloir lui ôter
tout ce qui pourrait le dédommager de ses pertes et lui donner un peu de
considération comme capitale. S’agit-il de quelque avantage, on s’empresse de
le lui retirer ; mais s’agit-il de charges, on a bien soin de les maintenir.
La position de la ville de Bruxelles est telle que
depuis longtemps nous aurions fixé votre attention à cet égard, si nous
n’avions craint de rencontrer cette opposition qui ne cesse de se manifester
contre la capitale, car chaque fois que nous prenons la parole, on semble
vouloir dire : ah ! il s’agit encore des intérêts de la ville de Bruxelles.
Mais encore une fois si vous voulez une nationalité, veuillez au moins une
capitale.
Maintenant que le projet du gouvernement réunit tous
les corps de justice dans un seul local, tout le monde ne trouve-il pas son
avantage ? Le gouvernement lui-même n’y trouvera-t-il pas son avantage à cet
établissement ? L’on veut temporiser, et voilà où se réduit la proposition de
M. Dumortier. C’est encore un ajournement, et quel doit être le résultat de cet
ajournement ? De faire des dépenses pour réparer d’abord le local de la cour
d’appel de Bruxelles ; ajoutez-y une aile pour la cour de cassation, et vous
allez être entraînés dans une dépense de plusieurs centaines de mille francs ;
car, quelle que soit l’économie qu’on puisse y mettre, il faut cependant bien
que l’on paie en proportion de ce qu’on veut avoir. Et toutes ces dépenses vont
se faire, en attendant que l’on puisse donner son opinion sur le projet actuel
du gouvernement, et en attendant surtout qu’on ait examiné si l’on ne pourrait
pas placer le siège de la cour de la cour de cassation à Malines ; car voilà en
dernière analyse, en quoi se résume la question.
Messieurs, il est de l’intérêt général, et c’est une
considération qui mérite de fixer votre attention, que tous les corps de
justice soient réunis dans un seul local. Si vous donnez un local spécial à la
cour de cassation, cette séparation présentera des inconvénients graves.
L’intérêt même des justiciables exige que tous les corps de justice soient
réunis dans un même local. En effet, les avocats attachés au barreau de
cassation, plaidant également devant les cours d’appel, il en résultera que, si
les locaux sont séparés, les remises des causes seront trop fréquentes ;
l’intérêt des justiciables et l’intérêt général en souffriront. Il est donc
dans l’ordre d’une bonne justice que tous les corps judiciaires soient réunis
dans le même bâtiment.
Maintenant qu’on a démontré l’utilité, la nécessité
même de l’établissement d’un seul palais de justice, il ne reste plus qu’à
examiner si les propositions ministérielles méritent votre assentiment. A cet égard,
M. le ministre de la justice est entré dans des considérations qui ne peuvent
souffrir aucune contradiction.
Nous n’avons pas sur ce point des connaissances
spéciales, et nous nous garderons bien de suivre l’honorable M. Dumortier dans
les objections qu’il a faites à cet égard. Ce sera au ministre de la justice à
lui répondre, s’il le juge à propos.
Quant à moi, j’ai rempli la tâche que je m’étais
imposée en ce qui concerne les intérêts de la capitale, s’ils pouvaient être
mis en question ; je m’en suis expliqué franchement ; je me suis expliqué de
même à l’égard de ceux qui proposent l’établissement de la cour de cassation à
Malines ; j’ai également relevé avec franchise quelques paroles de l’honorable
M. Rodenbach, et si la manière dont je lui ai répondu a paru lui être
désagréable, vous reconnaîtrez, messieurs, que j’étais dans le cas de la
légitime défense.
J’ai voulu vous dire une fois
pour toutes ce qu’était la capitale et vous signaler l’esprit qui paraît
dominer au moins quelques membres de cette chambre, lorsqu’il s’agit de la
ville de Bruxelles. Abandonnant les intérêts de la capitale, et ayant en vue
l’intérêt général, j’ai démontré que le palais de la cour de cassation est
indispensable ; j’ai prouvé que la réunion de toutes les cours judiciaires dans
un même local est dans l’intérêt de tous, et notamment des justiciables ; que
le gouvernement, la province, tous enfin doivent y gagner.
Il ne s’agit pas des constructions somptueuses,
majestueuses dont a parlé l’honorable M. Dumortier ; nous ne voulons pas élever
à Bruxelles des édifices à la Louis XIV ; ce que nous voulons, c’est un
bâtiment simple, utile, indispensable ; c’est la première construction que nous
demandons, et, sous ce rapport, ce sera probablement la dernière.
M. de Perceval. - Mon honorable ami M. Rodenbach ayant développé les motifs pour
lesquels il y aurait plusieurs avantages pour le pays à ce que la cour de
cassation soit établie à Malines, je n’ajouterais que quelques considérations
pour engager la chambre à apprécier que la ville de Malines, autrefois siège
d’un conseil souverain pour tout le pays, siège dont elle a été en possession
pendant des siècles et dont le pays tout entier se faisait orgueil, a des
droits incontestable pour revendiquer que cette cour y soit rétablie. Dans le
moment actuel l’occasion se présente de faire droit à cette juste réclamation
et de lui donner une compensation de cette perte. j’espère que l’assemblée
voudra y avoir égard, d’autant plus que la ville de Malines, placée au centre
de toutes les communications du royaume, présente de grands avantages : elle
possède des locaux vastes et très convenables pour y établir la cour de
cassation ; en outre je puis assurer la chambre que le conseil communal est
très disposé à faire exécuter, à ses frais, des constructions nouvelles pour
l’établissement de cette cour, et ne reculera pas devant les plus grands
sacrifices.
M. Pollénus.
- Comme le rapporteur, ni aucun membre de la section centrale n’a encore pris
la parole, je demande que la discussion soit renvoyée à demain. (Appuyé !)
La séance est levée à quatre heures et trois quarts.