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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 11
novembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à
la chambre
2) Projet de loi portant le budget du département
de la marine pour l’exercice 1838
3) Projet de loi portant scission de communes
4) Projet de loi portant des modifications au
tarif des douanes. Proposition de voter partiellement la loi (de Theux, Angillis, Dubus (aîné), de Brouckere, Angillis, Gendebien, Dubus (aîné), Gendebien, Dubus (aîné), Mercier)
5) Projet de loi portant le budget du
département des affaires étrangères pour l’exercice 1838.
a) Discussion générale. ((Situation
diplomatique générale, attributions à un seul ministre des départements de l’intérieur
et des affaires étrangères, réciprocité des rangs diplomatiques notamment en
Prusse, en Autriche et à Rome) (de Brouckere, de Theux), Van Hoobrouck,
(traitement des agents diplomatiques, rôle joué par M. Van de Weyer dans les
affaires du Portugal) (Dumortier, F.
de Mérode, Dumortier, F. de
Mérode, de Theux, Gendebien,
F. de Mérode, Rogier, Dumortier))
b) Discussion des articles. Agents
diplomatiques à Berlin (de Brouckere), à Vienne (de Theux, Van Hoobrouck), à
Rome (Dumortier, de Theux, de Brouckere, Gendebien, Desmet), traitements des agents commerciaux (Dumortier, A. Rodenbach, de Theux, Van Hoobrouck, Gendebien, de Theux, de Langhe, Coghen, Gendebien, Desmet, de Theux, Dumortier, de Theux), visa pour les passeports (Desmanet de Biesme, de Theux), mission extraordinaire de M. Goblet au Portugal
(Dumortier, de Theux, Dumortier, de Theux, Dumortier, de Theux)
(Moniteur belge n°317, du 13 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ;
la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Des fabricants
de cartes à jouer de Turnhout et de Dinant demandent qu’il leur soit accordé
des primes d’exportation pour leur industrie. »
________________
« Le sieur
A.-A.-J. Poodts, ex-sous-officier d’artillerie volontaire, ayant contracté des
infirmités au service par suite de blessures, demande une pension. »
________________
- Ces pétitions
sont renvoyées à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur
Van Hoorebeke de Vliegere, éditeur de deux journaux, à Bruges, adresse des
observations sur le projet de loi relatif au timbre des journaux. »
- Cette pétition
est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif
au timbre des journaux.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA MARINE POUR L’EXERCICE 1838
M. Van Hoobrouck, au nom de la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi de budget de la marine pour l’exercice 1838, dépose le rapport
sur ce projet de loi.
PROJET DE LOI PORTANT
SEPARATION DE COMMUNES
M. Metz, au nom de la commission chargée de l’examen d’un
projet de loi relatif à des séparations de communes, dépose le rapport sur ce
projet de loi.
- La chambre
ordonne l’impression et la distribution de ces rapports.
Projet de loi portant des modifications au Tarif des
douanes
Proposition de voter partiellement le projet de
loi
M. le président. - La discussion est ouverte sur la proposition de M.
Dubus (aîné), tendant à ce que l’on fasse une loi spéciale des articles déjà
votés du projet de loi tendant à modifier le tarif des douanes, et à ce que les
articles ajournés soient renvoyés à une commission spéciale.
M. le ministre de l’intérieur
et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous pensons qu’il vaut mieux ne pas diviser le
vote sur l’ensemble de la loi. Le gouvernement n’a pas cherché à diviser cette
discussion ; la chambre elle-même a reconnu que la discussion devait former un
ensemble ; c’est ainsi qu’elle n’a pas adopté un projet de loi séparé que la
section centrale a présenté dès 1836.
Par ces
considérations nous pensons qu’il ne faut pas diviser le vote sur l’ensemble de
la loi, et qu’il faut attendre que les articles ajournés aient été discutés.
M. Angillis. - Quand on fait un projet de loi sur les douanes, il
faut comparer les nouvelles dispositions qu’on veut introduire avec les
anciennes, pour voir les points dans lesquels elles se ressemblent et ceux dans
lesquels elles diffèrent. Il faut observer le degré des améliorations des
diverses industries et juger par expérience de l’utilité des changements à
introduire.
Telle est la tâche
que je me suis imposée dans l’examen du projet du gouvernement modifié par la
section centrale.
Une loi de douane,
comme toute autre, doit être examinée dans son ensemble, pour voir si toutes
les industries qui ont besoin de protection sont également et
proportionnellement protégées, afin de mettre leurs produits à l’abri de la
concurrence étrangère. Cette protection sagement calculée est un acte de
justice nationale que l’équité commande. Chaque industrie a le droit de
réclamer cette protection.
J’ai
dit que chaque industrie a droit d’obtenir la protection proportionnelle dont
elle a besoin pour être à l’abri de la concurrence étrangère ; si on ne la lui
accordait pas, ce serait agir avec deux poids et deux mesures.
Cependant on a
refusé à une industrie la protection qu’elle réclamait. Je ne chercherai pas à
combattre le principe en vertu duquel on a agi ainsi, car je ne le connais pas.
Mais il faut en convenir, la même loi accordera une espèce de prime à des
marchandises, tandis qu’elle refuse toute prohibition à une industrie nationale
qui promettait les plus grandes espérances.
Quand j’examine la
loi dans son ensemble, je trouve difficile et même impossible de voter une loi
qui n’est pas complète, ou plutôt un lambeau de loi. Je déclare franchement que
si je trouve des dispositions qui ne sont pas également et proportionnellement
favorables à toutes les industries, je considérerai la loi comme injuste et je
voterai contre. Ne sachant pas quelle sera la décision que prendra la chambre
sur les objets ajournés, et subordonnant mon vote approbatif de la loi à cette
condition, qu’une protection égale sera donnée à toutes les industries, je ne
puis pas adopter la proposition de M. Dubus ; et je déclare que si elle était
adoptée, je serais forcé de voter contre la loi.
M. Dubus (aîné). - Quand j’ai fait la proposition dont il s’agit, je
ne prévoyais pas qu’elle pût donner lieu à quelques inconvénients. L’honorable
membre que vous venez d’entendre en trouve un très grave en ce qu’une loi de
douane est une loi d’ensemble qui doit faire justice à toutes les industries.
Il déclare qu’il ne pourra se prononcer que quand il connaîtra la décision
prise sur les dispositions ajournées, et sera mis à même de voir si on a fait
justice à toutes les industries. Cet argument aurait de la force si nous avions
remanié tout le tarif des douanes. Je dirais : Oui, voilà une loi d’ensemble,
il faut voir si on y a tout équilibré. Il n’en est pas ainsi. Le projet du
gouvernement portait sur un certain nombre et un petit nombre d’articles du
code volumineux qui forme notre loi de douane. Ainsi vous ne pouvez pas y
apercevoir une loi d’ensemble où chaque industrie ait sa part de protection.
Dès que la chambre a consenti à faire une loi de douane partielle, je ne vois
pas pourquoi on ne consentirait pas à en faire deux. L’argument tend à dire
qu’on aurait dû proposer la question préalable sur le projet du gouvernement et
demander la révision du code de douane. C’est ce qu’on n’a pas fait.
J’avais demandé
qu’on fît une loi spéciale des articles adoptés définitivement, parce qu’il me
paraît convenable que le vote sur l’ensemble suive le vote définitif, que la
discussion qui a amené le vote est toute récente, et que si on portait le vote
sur l’ensemble à l’époque où la chambre aurait pris une décision sur les
articles ajournés, on aurait oublié les raisons qui out déterminé le vote émis.
Nous devons donc procéder au vote sur l’ensemble de ces articles, à moins qu’on
n’y trouve des inconvénients.
Celui que signale
l’honorable député de Courtray ne me paraît pas réel ; je crois y avoir
répondu. Quant aux raisons articulées par M. le ministre de l’intérieur, elles
reviennent à dire que de ce qu’on n’a pas divisé la discussion, ou ne doit pas
diviser le vote.
Je lui répondrai que maintenant que la discussion est divisée, que les
articles ajournés sont renvoyés à une discussion qui ne portera que sur les
articles ajournés et ne doit plus atteindre les articles définitivement adoptés
; je répondrai, dis-je : Puisque par la force des circonstances on a été obligé
de diviser la discussion, c’est une raison pour diviser le vote.
Je ne trouve pas
d’inconvénient à la division parce que les dispositions adoptées ne tiennent
par aucun lien aux dispositions ajournées. Celles-ci se rattachent aux articles
sur lesquels la majorité a été d’avis de lever la prohibition. Remarquez que
cette mesure de la levée de la prohibition ne doit recevoir d’exécution que
dans un an ; tandis que les articles adoptés définitivement doivent être mis à
exécution dès que la loi sera rendue exécutoire.
Ainsi, en faisant
deux lois séparées comme je vous le propose, vous en aurez une qui comprendra
les dispositions définitivement adoptées et qui doivent être immédiatement
exécutées, et une autre qui comprendra les dispositions qui ne doivent être
exécutées qu’en 1839. En ajournant le vote sur l’ensemble, vous compromettez
les industries que ce projet concerne, en les tenant dans l’incertitude.
M. de Brouckere. - Sans vouloir suivre les préopinants dans la discussion
dans laquelle ils viennent d’entrer, il me semble que du moment que le
gouvernement qui a présenté le projet de loi dont il s’agit déclare s’opposer à
ce que son projet soit divisé, soit morcelé, s’oppose ce que la chambre vote
une partie de la loi sans prendre de décision sur l’autre, cette déclaration
doit suffire pour que la chambre ne puisse pas adopter la division. Remarquez
qu’un vote partiel ne remédierait pas aux inconvénients signalés par M. Dubus,
si tant est qu’ils existent ; car, en supposant que la chambre vote aujourd’hui
une partie du projet, le gouvernement ne la mettra à exécution que quand
l’autre partie aura été votée.
Sous tous les
rapports, je crois convenable de remettre le vote sur les articles adoptés
provisoirement jusqu’â ce qu’on ait pu voter sur les articles ajournés.
M. Angillis. - Il est très vrai que tous les articles n’ont pas
été définitivement votés ; c’est précisément par cette raison que je ne veux
pas voter partiellement sur quelques dispositions qui ont été adoptées
définitivement. Je demanderai à M. Dubus, si on lui présentait une loi en 20
articles dont 16 seraient bons et quatre seraient inadmissibles, ce qu’il
ferait. Dirait-il : La loi est plutôt bonne que mauvaise, on doit l’adopter ?
Ces calculs seraient erronés. Le législateur doit toujours se conformer aux
principes. Si, sur une loi en 20 articles, il s’en trouve un de mauvais, il
doit rejeter la loi ; sans cela, nous n’aurions jamais de bonne loi.
Voilà pourquoi je
ne veux pas voter sur l’ensemble des articles adoptés, sans savoir ce qu’on
décidera à l’égard des dispositions que je voudrais voir adopter.
Je répète que si
la proposition de M. Dubus était adoptée, je serais forcé de voter contre la
loi.
M. Gendebien. - II me semble qu’il y a chose jugée.
Sur la proposition
de l’honorable M. Dubus (aîné) lui-même, la chambre a déclaré qu’elle
occuperait des amendements de MM. Dechamps, Lardinois et Metz avant le vote
définitif…
M. Dubus (aîné). De l’article « draps. »
M. Gendebien. - Mais l’article « draps » faisait partie
de la loi, d’un tout qui nous était soumis.
J’ai considéré
comme faite dans l’intérêt des drapiers la première proposition de l’honorable
M. Dubus ; cette proposition devrait être entendue en sens inverse si vous
adoptiez la proposition qui vous est faite maintenant. L’industrie drapière ne
trouverait plus les garanties qu’on a voulu lui donner.
M. Dubus (aîné). - J’ai d’abord un mot de réponse à faire à
l’honorable M. Angillis.
II m’oppose une
loi qui contiendrait 20 articles dont 16 bons et 4 mauvais. Il n’y aurait,
dit-il, aucunes raisons d’adopter la loi parce qu’elle contiendrait 16 articles
bons. Mais ce n’est pas là la question. La question n’est pas de savoir si nous
devons rejeter une loi parce qu’elle contiendrait 16 articles bons et 4
articles mauvais. Mais je lui répondrai que s’il y avait deux lois, l’une
contenant 16 articles bons et l’autre contenant 4 articles mauvais, il ne
serait pas difficile de se prononcer sur l’adoption de la loi contenant 16
articles bons et sur le projet de la loi contenant 4 articles mauvais.
La division présenterait, dit-on, des inconvénients et ne doit pas avoir
lieu, parce que la loi contiendrait 16 articles bons et 4 mauvais. Mais au
contraire, raison de plus pour diviser. Il y a cela de remarquable que les
raisons données pour s’opposer à la division me convainquent davantage que la
division est une bonne chose.
Quant à ce qu’a
dit un honorable préopinant que ma proposition est en opposition avec une autre
proposition que j’ai faite et qui a été adoptée par la chambre, je rappellerai
à la chambre que cette proposition consistait à ajourner l’article « tissus
de laine » jusqu’au moment du vote définitif de la chambre sur l’article
« drap» : car remarquez que sur cet article, il n’y a eu qu’un vote
principal et que nous n’avons pas voté sur l’ensemble de l’article. J’ai
demandé l’ajournement jusqu’au vote définitif de l’articles « draps. »
Si la chambre
prononce la division, il n’y aura aucune opposition entre le vote d’aujourd’hui
et le vote d’alors. Il en résultera que la chambre aura voulu l’ajournement de
l’article « tissus de laine » jusqu’au moment du vote de l’ensemble
de l’article « draps. » Cette proposition, dit-on, ne peut être
entendue ainsi. Elle ne devait être entendue ni ainsi ni d’aucune manière ; car
je devais laisser intacte la question de savoir si nous diviserions ou si nous
ne diviserions pas. Ainsi, il n’y a pas d’opposition entre cette proposition et
celle que j’ai maintenant soumise à la chambre.
M. Gendebien. - Pour bien comprendre le sens et la portée de
l’amendement de l’honorable M. Dubus, veuillez-vous rappeler que cet amendement
a été présenté pour combattre la proposition de M. le ministre des finances
demandant que la chambre fît un projet de loi spécial des amendements de MM.
Demonceau, Metz et Lardinois. C’est pour combattre cette proposition de loi spéciale
que M. Dubus a proposé d’ajourner le vote définitif jusqu’à ce qu’on ait reçu
les renseignements nécessaires pour le vote de ces amendements.
J’ai même eu
l’honneur de dire à cette époque que c’était un moyen de sanction des
dispositions énoncées par le ministère, relativement à l’industrie drapière. La
chambre, en adoptant la proposition de M. Dubus, a donc repoussé toute idée de
loi spéciale, puisque l’adoption de cette proposition a été considérée comme
impliquant le rejet de la proposition du ministre des finances tendant à ce que
les amendements de MM. Lardinois, Metz et Dechamps formassent une loi spéciale.
Vous voyez que la chambre ne peut, sans se mettre en contradiction, décider
qu’elle s’occupera de ces objets par des lois séparées. II y a à cet égard
chose jugée pour la chambre.
La
proposition de M. Dubus a été adoptée dans l’intérêt des industries de la
draperie, de la verrerie, etc., qui y ont trouvé une garantie qu’on veut leur
enlever, en faisant tourner contre elles ce qui avait été voté en leur faveur.
Maintenant que
quelques industries locales paraissent satisfaites, on veut au plus vite
sanctionner la loi sans tenir aucun compte d’engagements solennels ; on veut
abandonner les autres à l’égoïsme ou à l’indifférence d’intérêts satisfaits.
En un mot, une
proposition de scinder la loi est faite par un ministre ; et, sur la
proposition de M. Dubus, la chambre décide que la loi ne fera qu’un ensemble,
et que l’on s’occupera des autres industries avant le vote définitif.
Maintenant vous
voulez faire consacrer le contraire. Fidèle aux précédents qu’on ne saurait
contester de bonne foi, je voterai conformément à ce qui a été dit et reconnu
lors de l’adoption de la première proposition de M. Dubus.
M. Dubus (aîné). - On vous présente le vote précédent de la chambre
et ce qui a été dit pour l’appuyer sous un point de vue qui n’est pas
véritable.
Le ministre
demandait la division ; mais de quoi ? Des amendements relatifs à l’article «
draps» avec l’article en lui-même. Qu’est-il résulté de la discussion ? Qu’on
ne veut pas séparer la levée de la prohibition d’une autre mesure qui en est
considérée comme la compensation ; or le gouvernement vous proposait de reculer
à une époque indéfinie les amendements relatifs à cette compensation et de
conserver seulement la mesure blessante de la prohibition : c’est ce à quoi je
me suis opposé. La proposition que j’ai déposée sur le bureau tendait à ce que
l’on ne séparât pas deux dispositions entre lesquelles je reconnaissais un lien
intime ; à savoir, d’une part, la levée de la prohibition qui frappe notre
commerce de draps, et, d’autre part, les amendements relatifs aux tissus de
laine. Ce sont là, je vous prie d’y faire attention, les motifs pour lesquels
ma proposition a été accueillie.
M. Mercier. - S’il peut y avoir des doutes sur le vote précédent
de la chambre relatif à la draperie, il ne peut pas y avoir de doute sur
l’article « fil de mulquinerie ; » cet article a été ajourné non pas
jusqu’au vote de l’article « draps, » mais jusqu’au vote définitif de
la loi. A cet égard il n’y a pas de doute.
- La proposition
de M. Dubus (aîné) est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1838
Discussion générale
M. de Brouckere. - Messieurs, c’est un usage depuis longtemps par le
gouvernement que celui de faire aux chambre, à l’occasion du budget des affaires
étrangères, un rapport sur l’Etat de notre politique extérieure, de nos
relations avec les autres puissances.
Ce rapport eût été
d’autant plus opportun, cette année, que la session n’a pas été ouverte, comme
de coutume, par un discours royal qui eût dû nécessairement nous dire quelque
chose à cet égard. De ce double silence, nous devons, je crois, tirer la
conséquence que l’on n’avait rien à nous apprendre, et que les négociations
pour arriver à un traité définitif en sont toujours au même point.
Est-ce un bien,
est-ce un mal ? Si le terme de l’état de chose actuel devait être un traité qui
donnât à la Belgique les limites qui lui appartiennent, qui ne la chargeât que
des dettes qui sont les siennes, je dirais : C’est un mal ; car tout état
provisoire est fâcheux par cela même qu’il est provisoire.
Mais si les
négociations doivent avoir pour dernier résultat l’exécution du traité des 24
articles, je le déclare sans détour, pour moi, je désire que l’on négocie
encore longtemps, parce que je préfère beaucoup le traité du 21 mai au traité
des 24 articles contre lequel j’ai voté, et contre lequel je voterais encore
s’il était soumis à une nouvelle épreuve.
Mais il faut le
dire, messieurs, c’est une chose dont la Belgique peut être fière que, tandis
que c’est de son côté qu’a toujours été témoignée le plus de bonne volonté pour
arriver à un arrangement définitif, c’est elle qui souffre le moins de l’état
provisoire. Oui, messieurs, tandis qu’en Hollande il s’élève des plaintes
presque générales, et souvent répétées, de la part des hommes les plus dévoués
à leur pays, sur le peu d’empressement que le gouvernement hollandais montre à
faire la paix avec nous, sur les charges intolérables qui pèsent sur la nation
hollandaise, la Belgique fait, sans
grands efforts, face à tous ses besoins, à toutes ses dépenses ; elle prospère
; elle se félicite et de la forme de gouvernement qu’elle s’est choisie et de
la constitution qu’elle s’est donnée ; elle se développe, elle marche pour
ainsi dire à la tête du progrès et de la civilisation.
C’est là,
messieurs, une vérité qu’il est bon de proclamer quelquefois, parce qu’elle
répond aux calomnies déversées sur notre pays par quelques hommes intéressés à
égarer, sur notre compte, l’opinion des autres peuples. Aujourd’hui, d’ailleurs,
que nous avons reçu la visite d’une foule d’étranger venus de l’Allemagne, de
la France, de l’Angleterre, voire même de la Hollande, ils pourront eux-mêmes
attester à leurs compatriotes que dans un semblable langage il n’y a pas
d’exagération.
Mais cette
situation prospère, si nous la devons surtout à la sagesse, à l’esprit d’ordre
de la nation belge, à son grand amour pour le travail, il faut en attribuer
quelque chose aussi au contrôle actif, incessant, de la représentation
nationale sur les actes du gouvernement.
Aussi longtemps
qu’aucune atteinte ne sera portée à nos lois fondamentales, aussi longtemps
surtout que les élections et la presse seront libres, le peuple n’a rien à
craindre du gouvernement, parce que s’il abusait des lois dont l’exécution lui
est confiée, s’il se permettait de les violer, ceux qui se seraient permis de
semblables écarts, ou seraient renversés, ou seraient ramenés au devoir.
Que ce contrôle
bienfaisant ne se ralentisse donc pas, messieurs ; que chacun de nous présente,
à l’occasion des budgets, et les critiques et les observations qu’il regarde
comme utiles au pays.
Je vais
m’expliquer en peu de mots sur ce qui concerne le budget des affaires
étrangères.
Un an ne s’est pas
encore écoulé depuis la discussion des derniers budgets, et sans doute vous
n’avez pas oublié ce qui a fait le principal objet de nos débats.
A cette époque
venait de s’opérer le remaniement ministériel qui eût pour principaux résultats
la fusion du ministère, des affaires étrangères dans celui de l’intérieur ; la
création d’un ministère des travaux publics ; la retraite d’un ancien ministre,
et l’entrée au cabinet d’un député du Luxembourg que ses talents devaient y
appeler tôt ou tard.
Je ferai remarquer
en passant que la retraite subite de l’ancien ministre des affaires étrangères
n’a jamais donné lieu à aucune explication officielle, et si ceux qui, par leur
position, sont initiés dans les mystères du gouvernement, eussent été aussi
discrets dans leurs relations particulières qu’ils l’ont été dans leurs
rapports avec les chambres, nous serions encore à nous demander quelles
circonstances graves et inattendues ont pu déterminer celui qu’on regardait
presque comme le chef de l’ancien cabinet à se séparer de ceux avec lesquels il
avait pu ne pas marcher d’accord sur certaines questions, mais dont il
partageait en général les opinions. Heureusement chacun de nous a reçu quelque
confidence à l’oreille, ce qui fait que le secret officiel est devenu le secret
de la comédie.
L’an dernier donc
je me suis élevé avec énergie contre la suppression du ministère des affaires
étrangères, et la chambre a paru partager ma manière de voir ; et cela est si
vrai que, voulant que son assentiment fût exprimé par un vote, j’avais proposé
que l’on rétablît au budget des affaires étrangères le chiffre de 21,000
francs, montant des appointements du ministre de ce département, chiffre qui
n’y figurait plus. Le gouvernement regardait comme si certain que ma
proposition allait être admise, que, par l’organe du ministre des finances, il
a déclaré que si elle était votée, lui et ses collègues déposeraient leurs
portefeuilles.
Ne voulant pas le
retrait du ministère, et je m’en étais expliqué auparavant, j’ai retiré ma
proposition ; mais il demeure constant que la chambre voyait avec déplaisir la
fusion du ministère des affaires étrangères dans celui de l’intérieur, qui
équivaut à la suppression du premier de ces ministères.
La chambre
pense-t-elle aujourd’hui comme elle pensait il y a dix mois ? Je l’ignore ;
mais, quant à moi, je n’ai pas changé d’opinion à cet égard, et j’estime encore
que c’est une combinaison malencontreuse qui a pour résultat de supprimer le
ministère des affaires étrangères, ou de le conférer, comme attribution
accessoire, au ministre qui réunissait déjà dans ses mains l’intérieur,
l’instruction publique, les beaux-arts, le commerce et les cultes.
Les raisons que
j’ai fait valoir alors n’ont pas été réfutées ; elles existent aujourd’hui
comme lorsque je les ai présentées.
J’ajouterai même
qu’une année d’expérience m’a confirmé dans mon opinion, et m’a convaincu que
la direction du département des affaires étrangères laisse beaucoup à désirer.
Si je n’éprouvais une invincible répugnance à traiter des questions de
personnes, je justifierais cette assertion plus qu’à suffisance. Mais, laissant
ces questions de côté, je soumettrai à la chambre quelques réflexions qui
amèneront probablement des explications de la part des ministres.
Notre corps
diplomatique est composé d’un ministre en France, d’un ministre en Angleterre,
d’un ministre en Italie, d’un ministre en Portugal, d’un ministre en Autriche,
d’un ministre en Prusse, d’un ministre résident aux Etats-Unis, et de chargés
d’affaires au Brésil, en Espagne, en Suède, en Danemark et en Grèce. Ces deux
dernières missions sont provisoirement vacantes.
En revanche, nous
avons ici un ministre de France et un d’Angleterre, et des chargés d’affaires
des autres puissances.
Bien que le
rapport de la section centrale nous dise que « la réciprocité des grades
n’est pas toujours une règle invariable en diplomatie, » je crois que
c’est un usage général, et qu’il est convenable, sauf les exceptions que des
circonstances particulières peuvent rendre nécessaires, de n’accréditer auprès
de chaque gouvernement que des agents d’un rang égal à celui qu’on obtenu les
envoyés de ces gouvernements chez nous ; et je ne saurais comprendre, par
exemple, comment la dignité de la Belgique exige que nous ayons un ministre en
Autriche, quand l’Autriche ne croit pas se ravaler en envoyant ici un chargé
d’affaires.
Je sais ce que
l’on a dit sur la position du chargé d’affaires à Vienne ; mais tout cela ne
m’a pas touché. Le grand argument mis en avant, c’est que la Hollande avait un
ministre en Autriche, et qu’il convenait que notre représentant eût le même
rang, les mêmes honneurs.
Il suivrait de là que s’il convenait à la
Hollande d’envoyer à plusieurs cours des ambassadeurs, le gouvernement belge
serait tenu d’en faire autant, et d’envoyer des ambassadeurs aussi.
La dignité de la
Belgique serait compromise si l’on ne rendait point à son représentant les
honneurs qui sont dus à son rang ; mais elle ne saurait être ni relevée, ni
compromise par le titre qu’aura ce dernier. Le rapport de la section centrale
porte, il est vrai, que l’intention de l’Autriche est d’accréditer un ministre
à Bruxelles ; pour ma part, messieurs, je vous avoue que je n’y crois point,
mais cela fût-il vrai, alors encore il fallait moins se presser de prendre une
résolution équivalente. M. le ministre des affaires étrangères n’eût-il pas pu
attendre, par exemple, la discussion du budget, et devait-il faire cette
nomination avant de savoir si nous consentirions à voter les fonds ? S’il a eu
l’intention d’opposer à nos observations le fait consommé, la chose jugée, je
dois le prévenir, pour ma part, qu’un semblable argument n’aura pour moi aucune
valeur.
Ce qui se passe à Berlin, messieurs, ne mérite pas moins notre attention
: depuis la révolution, la Prusse a toujours été représentée à Bruxelles par un
ministre plénipotentiaire, tandis que nous avons presque toujours été en
demeure d’en envoyer un, que nous avons laissé remplir ces importantes
fonctions pas un secrétaire de légation. Fatigué sans doute d’aussi peu de
courtoisie de notre part, la Prusse a retiré son ministre, et nous a envoyé un
chargé d’affaires. Je désire savoir ce que va faire maintenant le gouvernement,
et je demande formellement qu’il veuille s’expliquer à cet égard.
Quant à l’Italie,
messieurs, chacun en son particulier sait que notre ministre ne résidera point
à Rome, comme cela avait été annoncé, comme il semblait que cela dût être, mais
à Naples ; d’un autre côté l’internonce du Saint-Siège a quitté Bruxelles. Ce
dernier sera-t-il remplacé ? Aurons-nous aussi un envoyé de la cour de Naples ?
Il est à supposer que oui, en vertu de la réciprocité que l’on invoque.
je ne dis rien du
Portugal, la mission de l’honorable général qui y est envoyé n’étant que
temporaire. Je suppose que si elle devenait définitive, le Portugal enverrait
aussi un ministre à Bruxelles.
Enfin on demande
au budget une allocation pour un chargé d’affaires en Danemark. Le ministre a
donné à cet égard des explications qui ont satisfait la section centrale.
J’espère qu’il voudra bien les répéter.
Je m’arrête ici ;
j’attendrai les explications de M. le ministre des affaires étrangères, sauf à
prendre la parole lors de la discussion des articles, s’il y a lieu.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant a dit avec
beaucoup de vérité que l’absence d’un rapport sur la situation de nos affaires
politiques indique que la question pendante entre la Belgique et la Hollande en
est demeurée dans le même état ; je n’aurai donc aucune explication à donner
sur ce point.
Je pense que
l’honorable préopinant a été beaucoup trop loin lorsqu’il a affirmé que la
chambre avait éprouvé du regret de voir réunir le département de l’intérieur et
celui des affaires étrangères ; la chambre ne s’est nullement expliquée à cet
égard ; il est très vrai que lorsque la proposition a été faite de rétablir
dans le budget le traitement du ministre des affaires étrangères, nous avons
déclaré que l’adoption de cette proposition serait envisagée par nous comme un
blâme de la répartition des attributions avec lesquelles nous nous étions
présentés devant vous ; mais la proposition a été rejetée à une très forte
majorité.
M. de Brouckere. - Je l’ai retirée.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - C’est une erreur ; elle a été mise aux voix et
rejetée.
C’est bien à tort,
messieurs, qu’on s’est servi du mot de fusion pour désigner la réunion du
ministère des affaires étrangères avec celui de l’intérieur : le ministère des
affaires étrangères n’a pas plus été fondu dans le ministère de l’intérieur que
le ministère de l’intérieur dans celui des affaires étrangères, pas plus que le
ministère des affaires étrangères n’était anciennement fondu dans le ministère
de la marine ; car ces deux départements étaient également réunis, comme sont
aujourd’hui réunis le département des affaires étrangères et celui de
l’intérieur.
La seule chose
dont il s’agit, c’est de savoir si les attributions telles qu’elles sont
aujourd’hui réparties entre les mains des membres du cabinet sont au-dessus des
forces de chacun de ceux qui en sont chargés, c’est de savoir s’ils s’en
acquittent convenablement ; sous ce rapport, messieurs, c’est à la chambre à
exprimer sa confiance ou sa désapprobation.
On a dit que la
direction des affaires étrangères semblait avoir laissé à désirer depuis le
remaniement d’attributions. J’avoue que jusqu’à présent je ne connais aucun
fait sur lequel puisse reposer un semblable grief ; au besoin il me serait
facile de prouver que le traitement des affaires n’a été en aucune manière
ralenti.
Parlant de la
nomination d’un ministre plénipotentiaire à Vienne, on a dit que le principe de
réciprocité ne devait point souffrir d’exception ; c’est là une erreur
fondamentale : le principe de réciprocité souffre des exceptions nombreuses ;
ainsi l’on voit des puissances de premier ordre avoir quelquefois auprès de
puissances de deuxième et troisième ordre des agents diplomatiques d’un grade
supérieur à ceux que ces dernières accréditent chez elles ; ce que l’on
considère surtout dans ces sortes de missions, c’est l’importance des intérêts
qu’ont à défendre les pays qui accréditent des agents diplomatiques. Voilà,
messieurs, le principe sur lequel doivent se régler les grades des agents
diplomatiques.
Ce n’est pas,
comme on l’a dit, parce que la Hollande a un ministre plénipotentiaire à
Vienne, que nous nous sommes déterminés à proposer au Roi d’accréditer auprès
de la cour d’Autriche un agent diplomatique du même grade ; le seul motif de
cette mesure est que nous avons vu qu’elle était réellement importante pour la
Belgique. Une explication que j’ai donnée à cet égard à la section centrale et
qui a été accueillie avec faveur, c’est que beaucoup de puissances dont
l’importance est moindre que celle de la Belgique ont à la cour de Vienne un
ministre plénipotentiaire.
C’est toutefois à
tort qu’il est dit dans le rapport de la section centrale que les puissances
qui sont dans ce cas sont celles qui appartiennent à la confédération
germanique : je pourrais citer à cet égard de nombreuses exceptions, et
spécialement la Suède ; le Portugal et l’Espagne avaient également, ci-devant,
un ministre plénipotentiaire à Vienne ; or, messieurs, il est évident que le
Portugal et l’Espagne n’ont pas plus d’intérêt d’avoir un ministre
plénipotentiaire à Vienne que la Belgique, car quoique la Belgique ne fasse
point partie de la confédération germanique, elle a cependant le plus grand
intérêt à être convenable représentée auprès des principales puissances qui
font partie de cette confédération.
On a semblé
croire, messieurs, que nous aurions cherché à influencer vos délibérations en
proposant au Roi la nomination d’un ministre plénipotentiaire à Vienne avant
que la majoration de traitement nécessitée par cette mesure ait été admise dans
le budget ; c’est là, messieurs, une véritable erreur ; il n’est jamais entré
dans notre pensée d’en agir de la sorte ; nous savons fort bien qu’un pareil
moyen, s’il pouvait être imaginé, manquerait complétement son but. Si donc nous
avons nommé un ministre plénipotentiaire à Vienne, c’est que nous avons vu que
cette nomination était utile dans l’intérêt de l’Etat ; toutefois, l’agent qui
a été promu n’a pas reçu jusqu’ici la majoration de son traitement, et il ne la
recevra que pour autant que la chambre alloue les fonds que nous avons demandés
à cet effet.
Messieurs, nous
n’entrerons point dans des explications sur les circonstances qui ont
momentanément retardé la nomination d’un ministre plénipotentiaire auprès de la
cour de Berlin, nous nous bornerons à dire que c’est là un objet que le
gouvernement ne perd point de vue.
On dit, messieurs,
que le ministre accrédité par la Belgique auprès des cours d’Italie n’a point
sa résidence à Rome, on a semblé même croire qu’il ne l’y aurait jamais eue ;
c’est encore là une erreur : le ministre belge a été accrédité directement
auprès du Saint-Siège, et il y a été reçu à l’égal des autres agents
diplomatiques.
S’il n’y a pas
fait une plus longue résidence, c’est uniquement à cause de la maladie grave
qui a désolé la capitale du monde chrétien. Ce fait est tellement vrai qu’aucun
membre du corps diplomatique n’est resté à Rome pendant que le choléra y
sévissait.
La mission de notre envoyé à Rome était également de
se rendre à Naples ; il n’a pu accomplir cette mission jusqu’ici, mais il est
sur le point de se rendre à cette destination.
L’internonce
apostolique a quitté, il est vrai, la Belgique, et n’a pas encore été remplacé
; mais ce n’est pas un rappel ; c’est exclusivement à sa demande qu’il est
retourné en Italie, à cause de l’état de sa santé ; rien n’est changé dans les
relations entre les Etats romains et la Belgique.
En ce qui concerne
les missions spéciales de Suède et de Danemark, nous croyons que cette mesure
est suffisamment justifiée par la distance qui existe entre les capitales des
deux royaumes, par les difficultés des relations pendant une grande partie de
l’année, et par les intérêts divers des deux cours. Nous croyons, messieurs,
que cette double mission est le seul moyen d’être convenablement représentés en
Suède et en Danemark, et de recevoir sur ces pays toutes les informations dont
nous pourrions avoir besoin, surtout en ce qui concerne nos intérêts
commerciaux.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Messieurs, si l’honorable M. de Brouckere avait
jeté les yeux sur le rapport de la section centrale, il y aurait vu que le
motif qui a déterminé cette section à appuyer la demande d’un traitement pour
chacune des missions du Danemark et de la Suède, était l’envoi de la part de
ces deux puissances d’un chargé d’affaires spécial à Bruxelles ; la section
centrale a cru, en présence de ce fait, que les règles de la réciprocité internationale
exigeaient que la Belgique envoyât à son tour un chargé d’affaires auprès de
chacune des deux puissances dont il s’agit.
J’aurais encore un
mot à répondre à M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ;
mais comme mes observations viendront plus à propos lorsqu’il s’agira du
traitement de notre ministre à Vienne, je me réserve de répondre, dans le cas
où l’amendement que la section centrale a proposé viendrait à être mis en
question.
M. Dumortier. - Messieurs, chaque année, le budget du ministère
des affaires étrangères présente une nouvelle augmentation. D’augmentations en
augmentations, nous étions arrivés, l’an dernier, à une somme de 651,000 francs
: ce qui, pour un Etat naissant, à peine entré dans le monde de la diplomatie,
était déjà une somme assez bien arrondie. Maintenant c’est 751,000 francs que
l’on demande, donc encore une augmentation de 100,000 fr. C’est
particulièrement de cette question que je veux vous entretenir.
Le budget présente
des majorations considérables de dépense sur chacun de ses chapitres, Pour
couvrir ces dépenses, le gouvernement a demandé à la chambre une augmentation
de centimes additionnels et des contributions extraordinaires. La section
centrale du budget des voies et moyens, à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir,
n’a pas cru pouvoir admettre ces majorations de recettes ; la section centrale
a pensé que les moyens financiers que vous avez votés pour le service de cette
année étaient suffisants pour celui de l’année prochaine ; elle a cru que si
certains articles exigeaient une augmentation, d’autres articles pouvaient
subir des réductions équivalentes. Nous avons d’ailleurs pensé que dans les
circonstances actuelles, alors que la Hollande diminuait ses impôts, ce serait
commettre une faute extrêmement grave que de vouloir augmenter les nôtres.
Toute la question
consiste donc maintenant à savoir si vous voulez voter oui ou non les
majorations qui vous ont été proposées par le gouvernement, et comme nous
examinons maintenant les premiers articles qui ont été majorés, le vote que
vous allez émettre à l’égard de ces articles aura pour résultat d’admettre ou
de refuser toutes majorations d’impôts que l’on demande à faire peser sur le
peuple.
II importe donc de
ne pas voter légèrement les majorations que le gouvernement a proposées et de
ne les voter que lorsqu’elles sont indispensables ; il importe également
d’opérer des réductions sur tous les articles qui en sont susceptibles, afin de
pouvoir faire face aux augmentations qui seront reconnues nécessaires sans
recourir à de nouveaux impôts.
Dans le budget
actuellement en discussion, vous remarquerez, messieurs, comme j’ai déjà eu
l’honneur de vous le dire, une augmentation de 100,000 fr. : ce qui fait une
majoration d’un sixième dans la dépense. Il faut convenir, messieurs, que si
nous marchons de la sorte, le budget diplomatique deviendra dans peu d’années
extrêmement dispendieux.
Quelles sont ces
augmentations que l’on nous propose dans le budget des affaires étrangères ?
J’en vois d’abord figurer une pour la mission belge en Autriche, puis une autre
pour celle en Danemark, enfin une dernière de 70,000 francs pour traitements à
des agents commerciaux ; tout cela fait une augmentation globale de 100,000
francs. Il me semble que dans l’hypothèse où quelques-unes de ces majorations
doivent être admises, il est nécessaire de voir si d’autres articles du même
budget ne sont pas susceptibles d’être réduits, et, pour mon compte, j’en
remarque quelques-uns qui me paraissent pouvoir l’être sans le moindre
inconvénient.
D’abord, je ne
puis, dans l’état actuel de nos finances, consentir à une majoration en faveur
de la mission belge en Autriche. En effet, la manière dont le gouvernement
beige a été représenté dans cet empire depuis six ans est suffisante, et il n’y
a aucun motif pour changer en ce moment le titre de notre chargé d’affaires, et
faire de celui-ci un envoyé extraordinaire et un ministre plénipotentiaire. Si
le gouvernement pensait qu’un changement de titre fût absolument nécessaire, eh
bien, il y a un moyen bien simple de l’opérer, sans augmenter les charges du
budget : qu’il nomme notre chargé d’affaires ministre résident, et avec les
30,000 francs qui lui sont alloués, notre envoyé aura certainement de quoi
soutenir son rang.
Dans le projet du
gouvernement, je vois une grande tendance à introduire près de chacune des
cours des ministres plénipotentiaires. Je déclare que je ne reconnais nullement
la nécessité d’un semblable système. Lorsque la révolution éclata, on donna à
la nation l’assurance que la Belgique n’entretiendrait jamais que trois
ministres plénipotentiaires, un à Paris, un autre à Londres et un troisième à
Berlin ; tous nos autres envoyés devaient être de simples chargés d’affaires.
Et remarquez,
messieurs, que des puissances bien plus considérables que la Belgique se
contentent de chargés d’affaires. Ainsi, les Etats-Unis qui, certes, jouent un
rôle important dans le monde politique et commercial, n’entretiennent que des
chargés d’affaires à l’étranger, et personne n’ignore que ces agents font
parfaitement les affaires des Etats-Unis.
Je le répète, à la
suite de la révolution, le gouvernement avait donné l’assurance qu’il ne serait
créé que trois ministres plénipotentiaires, l’un à Paris, l’autre à Londres, le
troisième à Berlin. Maintenant nous avons un ministre plénipotentiaire près de
la cour de Rome, un second près de la cour d’Autriche, et un troisième à
Lisbonne. Je ne sais où nous arriverons avec un pareil système.
Pour moi, je
demande que la chambre réduise le traitement de notre envoyé en Italie à celui
d’un chargé d’affaires. Je ne suis nullement convaincu de la nécessité d’avoir
à Rome un ministre plénipotentiaire, alors surtout que l’internonce romain dont
la présence en nos murs nous avait engagés à voter momentanément un traitement
de ministre plénipotentiaire, a quitté la Belgique. Pourquoi dès lors
entretenir un ministre plénipotentiaire à Rome ou à Naples, alors que ni Rome,
ni Naples n’en entretienne chez nous ? Ce serait là une absurdité qui saute aux
yeux de tout le monde. Si la chambre adoptait ma proposition en ce qui concerne
la mission de Rome, il en résulterait une économie considérable, au moyen de
laquelle on pourrait satisfaire à la demande d’un traitement pour un chargé
d’affaires en Danemark.
A Lisbonne nous
avions autrefois un chargé d’affaires, et la Belgique était représentée d’une
manière convenable ;. nos intérêts commerciaux avaient un digne représentant.
Le gouvernement a
cru qu’un agent de cette catégorie ne suffisait pas. Qu’a-t-il fait ? Il a
d’abord envoyé à Lisbonne notre ambassadeur près de la cour de Londres ; cet
ambassadeur y a fait un séjour de plusieurs mois, séjour déplorable pour la Belgique,
puisque nous avons vu l’envoyé d’une puissance qui a conquis sa liberté
travailler dans le Portugal contre la liberté ; puisque nous avons vu le
représentant de la Belgique forcé de fuir à bord de la flotte anglaise ;
puisque nous avons vu le représentant de la Belgique poursuivi par des
canonnières jusqu’à bord de cette flotte, et recevoir des volées de mitraille.
Est-ce là, messieurs, le rôle que la Belgique doit jouer dans la diplomatie ?
Est-il prudent que la Belgique des barricades, qui a chèrement acheté sa
constitution, cherche à la faire avorter chez d’autres nations qui aussi l’ont
conquise ? Qui nous dit que le gouvernement qui cherche ainsi à renverser la
constitution libérale du Portugal, ne cherchera pas aussi un jouc à attenter à
la nôtre ?
Et maintenant que
notre ambassadeur est devenu odieux au Portugal, au grand détriment de la
Belgique, que fait le gouvernement ? Il envoie un autre ministre
plénipotentiaire en mission extraordinaire, sans que nous sachions dans quel
but. On peut supposer sans doute que ce n’est que pour soutenir la même cause,
les mêmes intérêts que son prédécesseur a défendus.
Si je n’avais pas à parler de ces hautes considérations de liberté,
j’invoquerais l’intérêt pécuniaire, Je me suis fait représenter l’arrêté qui
règle le salaire de ce nouvel agent, et j’ai été étonné de voir que cet envoyé,
qui est là on ne saurait dire pourquoi, touche un traitement de 120 fr. par
jour. indépendamment de son traitement de général qui est déjà très élevé. Est-ce
là entendre l’économie que d’accorder de pareils traitements quand on est
obligé de faire peser de nouvelles charges sur le peuple ? N’est-ce pas une
dilapidation ? On envoie un premier ministre plénipotentiaire dont la belle
équipée nous coûte 22 mille fr. ; puis on en envoie un second à qui on donne
120 fr. par jour. Si ce second ministre plénipotentiaire est envoyé comme le
premier pour saper la liberté et la remplacer par le despotisme, je ne
donnerais pas mon assentiment, je voterais contre tout crédit qui serait
demandé dans un pareil but.
Je demande au
reste au gouvernement de s’expliquer nettement, et de nous dire ce qu’ont fait
pour le pays nos deux plénipotentiaires à Lisbonne, quelle est l’utilité de
leur mission, pourquoi on les a envoyés. Avant de voter les fonds qu’on nous
demande, il faut savoir si l’intérêt du pays est ici en jeu. Je le déclare de
nouveau, le ministre plénipotentiaire de la Belgique, de cette nation qui a
conquis sa liberté, a été obligé de se réfugier sur la flotte anglaise tant il
s’était rendu odieux à la population du Portugal. Et c’est là ce qu’on vous
demande de sanctionner par un vote de conscience. Mais vous ne le ferez pas,
vous ne sanctionnerez pas une dépense qui avait pour but d’enlever à un peuple
ami la liberté qu’il avait conquise par les baïonnettes, de renverser la
constitution qu’il s’est donnée, car on pourrait bien un jour essayer de
pareils moyens pour détruire la liberté de la Belgique.
M. F. de Mérode. - Je suis obligé de demander la parole pour prendre
la défense d’un absent, d’un ami qui a été traité un peu sévèrement par l’honorable
préopinant. D’après lui, notre ministre plénipotentiaire près la cour de
Londres aurait été envoyé en Portugal, aurait travaillé à faire échouer dans ce
pays les principes de liberté pour y établir les principes du despotisme en se
rendant odieux aux populations du Portugal. Je ne sais si le préopinant a bien
étudié les affaires du Portugal et la manière dont on y a établi la liberté. Si
on y avait procédé comme on l’a fait en Belgique, je serais de son avis. Mais
il ne sait pas plus que moi ce qui s’est passé, et il me semble qu’il traite un
peu durement un homme qui a rendu de véritables services à la révolution belge,
révolution véritablement libérale. J’ai entendu notre plénipotentiaire parler
de ce qui s’est passé en Portugal. Je ne sais si vous savez qu’on y a supprimé
toutes les corporations religieuses, qu’on a mis à la disposition du
gouvernement tous les biens servant à l’existence des individus engagés dans
ces corporations, dans l’espoir motivé d’y avoir de quoi vivre jusqu’à la fin
de leurs jours. C’étaient là des droits acquis. Savez-vous comment on les
traite ? On leur refuse la compensation pécuniaire qui leur était promise et
due ; on leur laisse pour ressource la mendicité ; quelques-uns sont réduits à
figurer sur les théâtres. Voilà la justice de ces libéraux, que j’appelle, moi,
des libérâtres, suivant l’expression très juste que m’a suggérée ailleurs le préopinant.
Je pense qu’il n’est pas d’avis de considérer ces hommes comme tellement dignes
de son estime, qu’il doive, pour les défendre, traiter notre plénipotentiaire
aussi rigoureusement qu’il le fait. Voilà l’observation que je voulais faire ;
je la livre aux sérieuses méditations du préopinant.
M. Dumortier. - Je n’attaquerai jamais un homme de la révolution,
à moins qu’il n’ait posé des actes très graves compromettant le pays tout
entier. Certes, j’ai professé la plus haute estime pour la personne à laquelle
l’honorable préopinant a fait allusion. Mais quand j’ai vu le pays exposé à
voir ses intérêt gravement compromis par la conduite que cet agent diplomatique
a tenue à Lisbonne, j’ai dû la signaler. Comment les faits se sont-ils passés ?
Il est constant qu’il a pris une part très active à la tentative de
contre-révolution. Que ce soit contre des libéraux ou des liberticides, cela ne
nous regarde pas. Vous n’avez pas le droit d’envoyer un ambassadeur en Portugal
pour y soigner les couvents, mais pour soigner les intérêts de la Belgique, et
rien autre chose. Or, c’est compromettre ces intérêts que d’envoyer un ministre
plénipotentiaire chez un peuple ami pour y appuyer une contre-révolution. Nos
intérêts commerciaux seraient-ils donc comptés pour rien ? Laissons faire à une
nation ce qu’elle juge convenable. Si elle trouve son gouvernement vicieux, laissons-là
le réformer. Si des abus existent, laissez à la sagesse du peuple portugais le
soin de les faire disparaître. Mais, en agissant comme on l’a fait, on expose
la Belgique à voir ses intérêts matériels compromis, ses produits frappés de
droits prohibitifs. Je déclare ici, que, dans toute circonstance semblable, je
prendrai la parole pour protester. Et je répète que si le plénipotentiaire
actuel est envoyé dans le même but, je voterai contre toute espèce de crédit.
La Belgique ne doit envoyer d’agents diplomatiques que pour faire ses affaires
et non celles d’aucun parti.
M. F. de Mérode. - Je n’ai relevé que quelques mots dont s’était
servi M. Dumortier attribuant à notre plénipotentiaire d’avoir voulu faire
triompher le despotisme contre les intérêts libéraux en Portugal. Quant au
surplus de ses observations, je ne me suis chargé ni de les admettre, ni de les
attaquer ; mais j’ai cru devoir répondre à une accusation qui me paraissait
injuste.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois déclarer qu’il n’est en aucune manière à
notre connaissance que M. Van de Weyer, dans sa mission comme ministre
plénipotentiaire à Lisbonne, se soit mêlé des affaires intérieures du pays. Je
dois protester contre l’assertion du préopinant, qui dit qu’il avait été obligé
de fuit la capitale du Portugal. C’est là une erreur. Sa position a été la même
que celle de tout le corps diplomatique. Il ne s’en est séparé en aucun point.
Il est vrai que, quand la reine a quitté la capitale, le corps diplomatique l’a
suivie, notre ministre plénipotentiaire a dû le faire aussi : le ministre
accrédité près d’une cour, qui l’abandonnerait, manquerait à ses devoirs.
On s’étonne que le
gouvernement ait accrédité une mission extraordinaire à Lisbonne ; mais il est
notoire que c’est dans les moments les plus difficiles que les pays qui ont
reconnu un gouvernement nouveau doivent envoyer des agents diplomatiques les
plus distingués. Je dis que les puissances qui ont eu des relations
commerciales avec le Portugal, ont eu un intérêt très grand à être représentés
convenablement et le plus fortement possible dans ces circonstances. Je dois
ajouter que notre ministre a été si peu en butte à la haine de la population,
qui a conservé les meilleures relations avec le cabinet, après les événements
de Lisbonne.
M. Gendebien. - Je n’entrerai en aucune façon dans les détails des
faits, mais il est vrai de dire qu’en présence des faits énoncés, nous ne
pouvons pas nous contenter des explications données par M. le ministre. Je
désirerais que M. Dumortier fût encore entendu, pour administrer la preuve des
faits graves administrés par lui. J’ai
aussi la conviction, abstraction de ces faits, que notre envoyé s’est immiscé
dans les affaires du Portugal, et que, dans le rôle qu’il a joué, ce n’est pas
le parti de la liberté qu’il a soutenu, mais le parti de ceux qui voulaient la
contre-révolution.
On nous a dit,
pour justifier notre envoyé extraordinaire, que ce n’était que des libéraux ou
des libérâtres qui avaient condamné le clergé à mendier et à figurer sur les
théâtres, qu’on combattait alors.
Messieurs,
messieurs, depuis lors un autre événement s’est passé, un nouvel essai de
contre-révolution a été tenté. Qui a vaincu ? La nation. Comment supposer alors
qu’une poignée d’hommes aussi ridicules qu’on les représente ait fait échouer
quatre essais de contre-révolution ? C’est ici qu’un blâme de la part d’un
ministre d’Etat a quelque chose de grave. Voilà comment on traite une nation
qui a été quatre fois victorieuse d’intrigues ourdies pour comprimer la liberté
conquise. Et on se permet ces odieuses imputations dans une assemblée d’un peuple
qui a conquis lui-même sa liberté contre d’autres intrigants ! Là est
l’inconvenance.
J’ai donc le droit
de croire que ce qu’a dit le comte de Mérode n’existe que dans son imaginaire.
Il est impossible que les libérâtres réunissent quatre fois l’immense majorité
de la nation, pour vaincre quatre tentatives de contre-révolution.
J’ai donc raison
de dire que j’ai le droit de douter de l’exactitude de l’assertion de M. F. de
Mérode, non pas qu’il veuille nous en imposer, mais parce que je suis convaincu
qu’il a été trompé. L’amendement de M. Dumortier, par contre, me paraît
justifié par ces mêmes raisons.
Maintenant il est
un fait certain (si on l’a contesté, au moins la preuve contraire n’a pas été
donnée), c’est que l’envoyé extraordinaire de Belgique à Lisbonne s’est immiscé
dans des questions relatives à la politique intérieure du Portugal. N’est-ce
pas agir en sens inverse de ce qui s’est fait en Belgique, de ce que les
puissances ont fait à notre égard ? N’est-ce pas le principe de
non-intervention qui nous a sauvés en 1830 ? Et nous voudrions faire prévaloir
à l’étranger des principes différents. Ce serait au moins une anomalie.
L’intervention
serait-elle légitimée parce que, comme l’a dit l’honorable M. de Mérode, les
moines mendieraient ou seraient comparses sur des théâtres ? Mais dans ce
cas-là, il n’y a pas de raison pour qu’un jour ou l’autre on n’intervienne
aussi bien dans notre pays ! Il y a dans notre pays des ordres de mendiants, au
dire de plusieurs honorables députés des Flandres ; personne n’en doute
d’ailleurs. Si on considère l’intervention à Lisbonne comme légitime, parce que
(ce qui a été avancé, mais ce qui n’a pas é[é prouvé) on aurait mis des
corporations dans la nécessité de mendier, pourquoi n’y aurait-il pas
intervention chez nous ? Pourquoi la Prusse n’interviendrait-elle pas chez nous
pour nous empêcher de laisser circuler des ordres de mendiants en Belgique ? (On rit.)
Il est maintenant vrai de dire que nous avons un nouvel envoyé
extraordinaire à Lisbonne ; il peut se conduire fort prudemment ; il habite, à
ce qu’il paraît, une villa à plusieurs lieues de Lisbonne ; j’approuve cette
prudence (on rit) ; mais je ne sais
jusqu’à quel point il peut être utile à la Belgique, alors qu’il est condamné,
ou qu’il croit prudent de se condamner à habiter loin de la capitale.
Je désirerais
savoir (on n’a pas répondu à l’observation de M. Dumortier sur ce point) s’il
est vrai que 120 fr. par jour sont alloués à l’envoyé extraordinaire à
Lisbonne, indépendamment de son traitement annuel des grades et emploi qu’il a
en Belgique. Il en résulterait que cette mission extraordinaire coûterait plus
à la Belgique que l’envoi définitif d’un ministre plénipotentiaire. Voilà
encore une observation qui est restée sans réponse.
Je n’en dirai pas
davantage sur ce point ; j’ai des raisons personnelles pour ne pas aller plus
loin.
M. F. de Mérode. - On a dit, messieurs, que j’ai parlé comme ministre
d’Etat ; on s’est trompé ; je ne siège pas au banc des ministres ; j’ai parlé
comme représentant ; si c’était la première fois que cela m’arrive, on pourrait
croire que j’ai recours à un subterfuge, mais rien n’est plus ordinaire ;
souvent même je me prononce contre l’opinion du ministère, témoin mon vote dans
la question de la draperie.
Si je devais voter
dans toutes les circonstances avec le ministère, parce que je suis ministre
d’Etat, comme j’ai eu l’avantage d’être toujours ministre d’Etat, je
renoncerais à cette qualité.
Le préopinant a
dit que j’étais dans l’erreur à l’égard du Portugal ; vous sentez que je ne
vais pas développer ici tous les motifs qui m’ont fait adopter mon opinion. Que
je sois dans l’erreur, c’est possible ; mais il est possible aussi que ce soit
le préopinant.
Pour prouver qu’il
est dans l’erreur, je répondrai à sa comparaison entre les moines mendiants qui
existent, dit-on, en Belgique, et les corporations religieuses du Portugal ;
que leurs membres possédaient légitimement en Portugal une existence assurée ;
on les en a dépouillés et on les prive de toute indemnité. Je ne sais si nous
avons des ordres mendiants en Belgique ; s’il en existe, ils ne peuvent être
rangés dans la même catégorie.
M. Rogier. - Je n’ai pas non plus la prétention de connaître à fond les affaires
de Portugal. Je ne déciderai pas de quel côté sont la justice et la vraie
liberté. C’est un point difficile à décider pour d’autres que pour moi. Mais
une chose dont j’ai la certitude, c’est que si celui qu’on a accusé avec tant
de violence s’est immiscé dans les affaires de Portugal, il n’a pu le faire
avec l’intention de faire rétrograder ce pays vers le despotisme.
Un chose encore
dont je suis sûr, c’est que ce même honorable envoyé, qu’on a prétendu fuir
devant la foule ameutée, a prouvé, en tout temps, par sa conduite qu’une telle
façon d’agir ne peut pas lui être imputée avec justice ; c’est que ceux qui
l’on connu de près, avantage que je partage avec plusieurs honorables membres
de cette assemblée, savent qu’il a toujours montré une qualité assez rare dans
les temps politiques, je veux dire le courage.
J’affirme donc (je
donnerai au besoin à mon affirmation un caractère plus franc ou plus rude),
j’affirme donc que l’honorable envoyé auquel on a fait allusion n’a fui devant
qui que ce soit en Portugal.
M. Dumortier. - J’ai énoncé des faits ; je les maintiens comme
constants : si la chambre a le moindre doute à cet égard, qu’elle ordonne une
enquête ; elle acquerra facilement la preuve de ce que j’ai avancé.
- La discussion
est close.
Discussion des
articles
Chapitre premier. - Administration centrale
Articles 1 à 3
Les articles
suivants sont mis aux voix et adoptés sans discussion
« Art. 1er.
Traitements des fonctionnaires, employés et agents de service : fr.
38,000. »
« Art. 2.
Matériel : fr. 12,000. »
« Art. 3.
Achat de décorations de l’ordre Léopold : fr. 7,000. »
Chapitre II. - Traitements des agents politiques
Articles 1 et 2
« Art. 1er.
France : fr. 58,000. »
« Art. 2.
Grande-Bretagne : fr. 80,000. »
Article 3
M. le président. - La chambre passe à l’article 3.
« Art. 3.
Prusse : fr. 54,500. »
M. de Brouckere. - Je ne voterai pas contre le chiffre demandé par le
ministère, mais je déclare encore qu’il n’y a aucun motif pour envoyer un
ministre à Berlin lorsque le gouvernement prussien n’a à Bruxelles qu’un chargé
d’affaires.
- L’article 3 :
« Prusse, 54,500 » est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre passe à l’article 4 : « Autriche
(chiffre proposé par le gouvernement, 45,000 fr.) (chiffre propose par la
section centrale, 40,000 fr.)
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne me suis point rallié au chiffre de la
section centrale parce que je pense que le chiffre de 45.000 fr. n’est
nullement exagéré et qu’au contraire, en fixant ce chiffre, je suis demeuré
dans les termes d’économie qua la législature a adoptés en ce qui concerne les
légations.
Je pourrais citer
des faits nombreux qui prouveraient que des traitements plus considérables sont
alloués à des ministres plénipotentiaires à Vienne par des puissances d’un rang
inférieur à celui de la Belgique.
Du reste la
chambre en décidera.
M. Van Hoobrouck.. - Lorsque la section centrale s’est déterminée à
proposer le chiffre de 40,000 fr., c’est après avoir examiné le tableau des
traitements alloués par différentes puissances à leurs ministres plénipotentiaires
à Vienne. Elle a reconnu que si des puissances d’un rang inférieur à celui de
la Belgique envoient à Vienne des ministres plénipotentiaires avec un
traitement supérieur à 40,000 fr., il y en a qui ne leur allouent pas
davantage. Ainsi le ministre plénipotentiaire de Danemark à Vienne ne reçoit
que 40,000 fr.
Votre section
centrale n’a pas tenu compte des 5,000 fr. qui peuvent résulter pour le trésor
du rejet de sa proposition ; mais si vous entrez dans le système des
majorations, les mêmes motifs qu’il peut y avoir pour majorer le traitement du
ministre plénipotentiaire seront invoqués à l’appui d’autres majorations ; on
ne manquera pas de preuves de ce que la vie est aussi chère dans d’autres
capitales qu’à Vienne, et dès lors il y aurait les mêmes motifs pour accorder
d’autres augmentations. Nous avons donc cru que dans l’intérêt du
gouvernement lui-même, et pour le mettre
à l’abri des importunités des agents des différentes résidences, nous devions vous
proposer le chiffre de 40,000 fr. que nous avons cru suffisant pour qu’un
ministre plénipotentiaire puisse convenablement représenter et tenir son rang
dans la capitale de l’Autriche.
- Le chiffre de
45,000 fr. proposé par le gouvernement pour l’article Autriche est mis aux voix
; il n’est pas adopté.
L’article 4
« Autriche » est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 40,000 fr.
proposé par la section centrale.
M. le président. - « Art. 5. Italie : fr. 40,000. » Ce
chiffre est adopté par la section centrale.
M.
Dumortier. - Je
proposerai une diminution sur ce chiffre ; je demanderai qu’il soit réduit à
15.000 fr. qui est le traitement des chargés d’affaires. Je ne vois pas la
nécessité d’avoir un ministre plénipotentiaire à Rome ni à Naples. Les affaires
que nous avons à traiter avec ces puissances se feront bien avec un chargé
d’affaires.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas que la chambre ait l’intention de
revenir sur le chiffre qu’elle a fixé précédemment après d’amples discussions.
Je me bornerai donc exclusivement à faire remarquer que c’est à tort que l’on
assure que les relations sont suspendues entre la Belgique et la cour de Rome.
Ainsi que je l’ai dit, l’internonce apostolique n’a pas été rappelé par sa cour
; il a demandé à retourner en Italie pour cause de santé ; et il est remplacé
par un chargé d’affaires ad interim. Les relations diplomatiques ne sont pas
interrompues.
M. de Brouckere. - Par deux décisions antérieures la chambre a
consenti à voter 40,000 fr. pour subvenir aux appointements des agents
diplomatiques en Italie, et dont la résidence est à Rome : je demande donc que le
ministre s’explique sur ce point : continuerons-nous à avoir un agent à Rome,
oui ou non ? Il serait absurde d’envoyer un agent en résidence à Naples, quand
le gouvernement napolitain n’envoie pas même un chargé d’affaires chez nous.
C’est à cause du choléra que le ministre est allé à Naples ; quand le choléra
ne sera plus à Rome, y retournera-t-il ?
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le gouvernement est dans l’intention de laisser le
siège principal à Rome. Si notre ministre s’est rendu à Naples, c’est à raison
d’une mission momentanée. Il est inexact de dire que nous n’avons pas ici
d’envoyés d’Italie, puisque le grand-duc de Toscane a accrédité ici un ministre
résident.
M. Gendebien. - Il est une circonstance particulière qui vient à
l’appui des observations présentées par M. de Brouckere et par d’autres
membres, c’est que tandis que notre ambassadeur quitte Rome et se rend à
Naples, M. Blondel, secrétaire d’ambassade à Rome, a reçu une autre
destination, et qu’ainsi nous n’avons plus aucun représentant à Rome.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Pas du tout !
M. Gendebien. - Il est parti pour Alexandrie, je crois. Il se
passe là quelque chose d’extraordinaire, puisqu’en même temps et le ministre et
le secrétaire quittent Rome, et que, d’un autre côté, l’envoyé de Rome quitte
la Belgique. Ce n’est pas que j’attache la moindre importance à la résidence
d’un diplomatique à Rome, mais je considère comme utile d’avoir des agents
commerciaux en Italie. Quoi qu’il en soit, l’absence simultanée de l’ambassade
et du secrétaire de légation mérite explication. J’appuie dans ce sens les
observations de M. Dumortier.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est inexact de dire que le secrétaire de
légation ait quitté Rome, dans le sens que l’honorable préopinant vient de
rapporter. Il est vrai que l’ancien secrétaire, à Rome, est nommé agent
commercial à Alexandrie ; mais un nouveau secrétaire de légation l’a remplacé à
Rome, et y demeurera en l’absence momentanée d’un ministre. Il n’y a rien
d’extraordinaire ce qu’un secrétaire de légation devienne consul ou agent
commercial rétribué ; c’est ce qui vient de se passer à l’égard du secrétaire
de la légation de France à Londres qui a été nommé consul ; d’autre part, l’on
voit aussi quelquefois des agents commerciaux entrer dans le corps
diplomatique.
M. Desmet. - Je ne voterai pas l’amendement de M. Dumortier.
Cependant je dois demander au ministre des affaires étrangères quand nous
aurons un ministre à Rome. On prétend que c’est à cause du choléra que celui
que nous y avions est allé à Naples ; à Naples le choléra règne plus qu’à Rome.
Je veux bien voter pour l’ambassadeur, mais je veux qu’il soit à Rome.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’intention du gouvernement, je le répète, est de
laisser le siège principal de la résidence de son envoyé en Italie, à Rome ;
mais l’on a confondu mes explications quand j’ai parlé du choléra ; quand le
choléra régnait à Rome, le ministre est allé s’établir à Florence, à proximité
de Rome, et son intention était d’aller à Naples.
- Le chiffre de
40,000 francs est adopté.
Articles 6 à 12
« Art. 6.
Etats-Unis : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 7.
Brésil : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 8.
Portugal : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 9.
Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 10.
Suède : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 11,
Danemark : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Grèce : fr. 15,000. »
- Adopté.
Chapitre III. - Traitements des agents politiques
en inactivité, de retour de leur mission
Article unique
M. le président. - « Article unique. Traitements des agents
politiques en inactivité, de retour de leur mission : fr. 10,000. »
Cet article unique
a été adopté par toutes les sections et par la section centrale qui demandent
qu’on en termine le libellé par ces mots « sans qu’ils y soient
remplacés. »
Chapitre IV. - Traitements à allouer à quelques
agents commerciaux
Article unique
« Article
unique. Traitements à allouer à quelques agents commerciaux : fr. 100,000. »
M. Dumortier. - Je demande qu’on réduise ce chiffre à 50,000 fr.
Les agents
commerciaux dont il s’agit ne sont pas d’un grand intérêt pour le pays. Le
gouvernement des Pays-Bas n’avait pas d’agents commerciaux ; il n’avait que des
consuls. D’autres nations n’ont aussi que des consuls non rétribués. Je ne vois
pas la nécessité de pareils agents et je les regarde comme inutiles au
commerce. L’Angleterre en a beaucoup ; la France en a quelques-uns ; mais les
autres puissances n’en ont pas du tout ; nous ne devons pas mettre notre
diplomatie sur le pied de celle de l’Angleterre, mais sur le pied de celle de
Suède, de Danemark. Cet article n’a pour but que d’augmenter le nombre des
places à salaires afin d’y placer quelques créatures.
Vous avez cent
navires et vous voulez dépenser 100,000 fr. ; faites un marine auparavant. A
quoi servirait un agent commercial à Manille où aucun navire beige n’ira ?
Aussi longtemps que nous aurons une marine commerciale aussi minime, nous
n’avons pas besoin de ces agents.
La Prusse,
l’Autriche, la Suède, le Danemark, l’Espagne ont des agents commerciaux non
rétribués et s’en trouvent bien.
- L’amendement de
M. Dumortier est appuyé.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, malgré mon vif désir de voir introduire
beaucoup d’économies dans le budget, je ne puis pas appuyer l’amendement de
l’honorable M. Dumortier. Je pense, messieurs, qu’un pays comme la Belgique,
qui n’a point de colonies, doit avoir des consuls de commerce. On nous a dit
que plusieurs pays de l’Europe n’ont point de consuls payés ; mais, messieurs,
les Anglais, qui s’entendent parfaitement en affaires commerciales, la France,
qui s’y entend bien aussi, ont adopté le système d’avoir des agents commerciaux
rétribués. Je pense, messieurs, que la Belgique fera très bien de suivre
l’exemple de ces puissances : on se plaint continuellement de ce que nous
n’avons pas de débouchés pour les produits de notre industrie, tandis que nous
produisons beaucoup ; eh bien, messieurs, tâchons donc de nous procurer des
débouchés, et accréditons à cet effet des consuls dans les villes commerçantes
avec lesquelles nous prévoyons pouvoir entrer en relations. D’ailleurs,
messieurs, la somme qu’on vous demande à cet effet n’est pas exorbitante, c’est
peu de chose que 100,000 francs lorsqu’il s’agit de faire des tentatives pour
étendre nos relations commerciales ; quant à moi je veux qu’on fasse ces
tentatives, et je voterai par conséquent les 100,000 fr. que le gouvernement
demande.
Toutefois,
messieurs, j’entends bien que les agents dont il s’agit ne seront point des
agents politiques et qu’ils n’auront d’autre mission que de chercher à étendre
notre commerce ; il doit être bien entendu aussi qu’ils s’occuperont des
affaires de la Belgique et non point de leurs propres affaires. Il faut que le
gouvernement ait bien soin de destituer les agents commerciaux qui, directement
ou indirectement, se livreraient à des opérations commerciales ; j’insiste sur
cette recommandation, parce que j’ai appris que certains consuls faisaient des
affaires pour leur compte sous un nom emprunté.
Un honorable ami
qui siège à mes côtés me fait observer qu’il conviendrait peut-être mieux
d’avoir un envoyé à Constantinople qu’â Smyrne ; en effet, Constantinople étant
la capitale de l’empire ottoman, je ne sais pas pourquoi nous donnons la
préférence à Smyrne.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Les observations que vient de faire l’honorable préopinant pour le maintien
du chiffre que nous avons proposé me paraissent pleines de justesse : il est
évident que tous les pays qui ont attaché le plus d’importance au commerce ont
cherché aussi à avoir à l’étranger des agents qui s’occupassent activement de
leurs intérêts nationaux.
Remarquez,
messieurs, qu’il ne s’agit d’envoyer des agents commerciaux que dans des
parages éloignés où il y fait très cher vivre, et où il n’y a que peu de
rétributions à percevoir du chef de l’office de consul, de sorte que, sans
accorder une rétribution convenable, il est impossible d’avoir dans ces parages
des agents belges. On comprend cependant sans peine de quelle utilité il est
que nous ayons des agents qui puissent nous faire connaître tout ce qui se
passe dans ces contrées relativement aux moyens que nous pourrions rencontrer
de nous y ouvrir des débouchés, et qui au besoin puissent également faire
connaître à ces pays les relations qu’ils pourraient ouvrir avec la Belgique.
Je pense,
messieurs, que ce peu d’observations doivent suffire, d’autant plus que lors du
vote du budget de l’année dernière la chambre a montré un si vif intérêt à l’institution
des agents dont il s’agit, qu’elle voulait même majorer le chiffre qui avait
été proposé par le gouvernement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Messieurs, après les explications qui viennent
d’être données par M. le ministre, il me reste peu de chose à dire ; Je dois
cependant répondre à un argument de mon honorable ami M. Dumortier, qui a dit
que la Hollande n’a point d’agents commerciaux rétribués hors du continent européen.
Remarquez, messieurs, que la Hollande possède des colonies, et que son
principal commerce se dirige vers ces colonies, tandis que la Belgique n’ayant
point des possessions d’outre-mer, doit nécessairement chercher à se créer des
débouchés nouveau et à conserver ceux qu’elle a, ce qu’elle ne peut faire qu’à
l’aide de consuls rétribués.
Les puissances
dont le commerce est bien établi, qui ont des relations bien étendues, ont dans
les différentes contrées des négociants qui remplissent les fonctions de
consuls sans être rétribués, parce que ces fonctions leur procurent certains
avantages, sinon pécuniaires, du moins de position ; mais la Belgique n’est pas
dans ce cas. Il faut donc, messieurs, qu’elle envoie dans les différentes
contrées des agents propres à l’éclairer sur tout ce qui peut intéresser les
relations commerciales.
Lorsque la section
centrale a examiné le crédit dont il s’agit en ce moment, elle n’a pas entendu
se prononcer sur le chiffre, elle n’a pas recherché s’il était suffisant ou
s’il était exagéré ; mais elle a cru qu’en présence de la demande générale de
toutes les chambres de commerce qu’il soit établi des agents commerciaux et le
désir manifesté plusieurs fois par la chambre d’ouvrir un crédit pour cet
objet, elle a cru, dis-je, qu’il fallait proposer un chiffre quelconque, et
elle s’est arrêtée au chiffre proposé par le gouvernement, qui est, mieux que
personne, à même de connaître quels sont sous ce rapport les besoins du
commerce.
M. Gendebien. - Si ma mémoire est bonne, messieurs, j’ai, l’année
dernière, proposé un amendement ayant pour but de majorer l’allocation pour
augmenter le nombre des agents commerciaux ; mais je mettais une condition au
vote de cette somme, et c’est, je crois, pour laisser remplir cette condition
par le gouvernement que le vote de la majoration a été ajourné jusqu’à cette
année. Il a été soulevé alors une question assez grave, celle de savoir si les consuls
ou agents commerciaux pouvaient faire des affaires pour leur propre compte. Je
pensais que dès l’instant qu’ils étaient rétribués, il devait leur être
interdit de se livrer à aucun genre de commerce, et qu’il était nécessaire de
faire un règlement pour bien établir les droits et les devoirs des agents. Ce
règlement a été promis par le ministère.
Je demanderai s’il
a fait un semblable règlement, comme il l’avait promis. Si les agents
commerciaux peuvent faire des affaires pour leur propre compte, soit
directement, soit indirectement, ils seront plus nuisibles qu’utiles ; car ils
commenceront par profiter pour eux-mêmes des renseignements qu’ils obtiendront,
et ils ne les feront parvenir au gouvernement que fort tard, ou bien ils ne
feront connaître au gouvernement que les renseignements de peu d’importance, se
réservant les autres pour les exploiter dans leur propre intérêt. Il en
résulterait qu’au lieu d’encourager des expéditions lointaines, on ruinerait ou
l’on découragerait ceux qui ne seraient appelés qu’â exploiter des opérations
douteuses ou de peu d’importance. Je déclare donc que je ne voterai la somme
demandée que pour autant qu’il ait été fait un bon règlement qui empêche les
consuls de faire des affaires pour leur compte, et offre des garanties
suffisantes à nos industriels et négociants.
Il est un autre point, messieurs, sur lequel je dois appeler l’attention
du ministère, c’est le choix des agents commerciaux. Déjà les journaux ont
critiqué assez amèrement et peut-être même avec certain fondement des choix qui
ont été faits. Je ne veux pas entrer dans des questions personnelles, je ne
veux pas décider si les journaux ont raison ; je n’ai pas eu le temps de
vérifier leurs assertions. Mais si un jour je vois qu’il y a système adopté de
faire servir le crédit alloué à faciliter des mutations, à faire passer un
homme qui embarrasse dans une certaine position, dans une autre ; si j’aperçois
du népotisme, ou de l’esprit de coterie ; si quelque favori est nommé, sans
qu’il ait les qualités nécessaires pour remplir les fonctions qu’on lui donne ;
si je vois semblable système suivi par le gouvernement, je l’attaquerai de
toutes mes forces, et alors, s’il le faut, j’entrerai même dans des questions
de personnes, puisque c’est le droit et même le devoir d’un député. Il ne doit
jamais hésiter lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt général, dût-il froisser
quelques intérêts privés ; il serait certes contraire à l’intérêt général de
faire de mauvais choix, soit sous le rapport de la capacité, soit sous celui de
la délicatesse. Je n’attaque en aucune manière la capacité ni la délicatesse
des personnes qui ont été nommées, je traite la question en thèse générale. Je
prie le ministère de bien se rappeler les qualités que doit posséder un agent
commercial, de ne pas perdre de vue qu’une des premières qualités, c’est de
connaître le commerce et d’avoir au moins quelques notions d’économie
politique. Il faut qu’il se pénètre bien que les hommes qu’il nomme pour
soigner nos intérêts commerciaux, n’out pas pour mission de représenter la
Belgique dans les salons, dans les antichambres, ou dans les cérémonies
publiques.
Je suis très
disposé, messieurs, à voter le crédit demandé, mais à condition qu’on me
rassure sur les points que j’ai soulevés.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je n’hésite pas à déclarer, messieurs, que les
agents commerciaux qui ont été nommés, et qui reçoivent un traitement de
l’Etat, ont reçu la défense expresse de se livrer à aucune opération de
commerce, soit directement, soit indirectement ; je dis, de plus que l’infraction
à cette interdiction sera considérée comme une infraction capitale et de nature
à motiver leur rappel.
Je ne répondrai
point, messieurs, à ce qu’a dit l’honorable membre, des critiques de quelques
journaux, relativement à certains choix ; je n’ai point l’habitude de répondre
à ces sortes de critiques, et je crois qu’il me serait pas convenable que le
ministère entrât en polémique sur des questions de personnes. Je puis déclarer,
toutefois, que les choix ont été faits exclusivement dans l’intérêt du service
et abstraction faite de toute considération personnelle ; c’est là, messieurs,
la ligne de conduite que le gouvernement a suivie dans cette circonstance comme
dans toutes les autres, et qu’il se propose de suivre toujours.
M. de Langhe. - Messieurs, je dois faire une question à M. le
ministre des affaires étrangères, et de la réponse qu’il y donnera dépendra mon
vote. Je désirerais savoir comment on pourra empêcher les agents commerciaux de
faire indirectement le commerce ; s’ils s’associent avec une maison, sans que
leur nom soit connu, comment pourra-t-on le savoir ?
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Ce serait là une fraude.
M. de Langhe. - Sans doute, mais c’est une fraude qu’il est
impossible de découvrir. Je désirerais savoir quel moyen le gouvernement
emploierait pour prévenir une semblable manœuvre ?
En second lieu, il
y a une très grande différence entre les traitements des agents commerciaux-,
ils varient, je crois, de 4 à 20 mille francs : je crois que la cherté de la
vie ne peut pas différer à ce point-là d’un lieu à un autre. Je demande
également une explication à cet égard.
M. Coghen. - Messieurs, la somme dont il s’agit est une des
plus utiles qui figurent au budget ; il faut à l’industrie, au commerce et même
au gouvernement, des agents dans presque toutes les places de commerce qui sont
éloignées et où nous ne pouvons point avoir d’ambassadeurs ou des chargés
d’affaires ; l’utilité de ces agents est suffisamment connue des autres Etats
et surtout de la Hollande, qui en a établi presque partout.
On exige la
condition que les agents consulaires ne s’occupent point d’affaires.
Je crois qu’il est très prudent de l’imposer, mais alors il faut prendre
garde de ne pas les établir avec une rétribution tellement minime qu’il est
matériellement impossible que ces agents puissent vivre dans les pays où on les
envoie avec la somme qui leur est allouée.
Je ne crois pas,
par exemple, qu’un agent consulaire puisse exister sur la côte de Guinée avec
un traitement de 4,000 fr.
Il est également
impossible qu’un agent puisse convenablement vivre à Tunis avec un traitement
de 5,000 fr., et à Tanger avec 4,000 fr., alors surtout qu’il est interdit à
ces agents de se livrer à des opérations commerciales.
Dans mon opinion,
le gouvernement doit défendre à ces agents d’une manière positive de faire de
semblables opérations.
Sinon, il est
certain que ces fonctionnaires, salariés pour soigner les intérêts de
l’industrie et du commerce, profiteraient seuls des avantages de leur position.
M. Gendebien. - Messieurs, j’ai déjà présenté l’année dernière
l’objection que l’honorable M. de Langhe vient de faire ; j’ai demandé alors,
ainsi qu’on le demande aujourd’hui, comment on pourra vérifier si un agent
commercial fait indirectement ce qui lui est défendu de faire directement.
A cette occasion,
j’ai vivement insisté pour qu’il y eût un règlement général qui serait publié
dans notre pays et dans celui où nos agents commerciaux seraient accrédités. Je
disais que de cette manière chacun saurait au juste quels sont les droits et
les devoirs de ces agents ; qu’il en résulterait une surveillance légitime et
par conséquent toute naturelle de la part des personnes intéressées.
J’ajouterai que si l’on se bornait à donner des instructions, ce ne serait là,
pour ainsi dire, qu’une affaire privée connue par le gouvernement et par
l’agent, et que les intéressés n’auraient aucun moyen de contrôle.
Le ministre des
affaires étrangères reconnut la justesse de ces observations, et déclara qu’un
règlement, tel que je le demandais, était indispensable.
Je ne puis donc
pas me contenter de l’engagement que vient de prendre M. le ministre, de donner
les instructions les plus sévères aux agents commerciaux, et de les
démissionner, pour le cas où ils contreviendraient à ces instructions.
Ces mesures ne
seront nullement efficaces. Il faut de toute nécessité un règlement général,
officiel, que tout le monde connaisse, et auquel on puisse recourir pour
s’assurer si l’agent remplit bien ou mal ses devoirs.
Si
l’on se borne à des instructions, qu’arrivera-t-il ? C’est que les personnes
même les plus intéressées, ne sachant où s’arrêtent les droits, où commencent
les devoirs de l’agent commercial, n’oseront se permettre des investigations,
ni se plaindre ; car ces démarches et ces plaintes ressembleraient à des
dénonciations. Tandis que s’il existe un règlement général, officiel, qui
détermine d’une manière précise les droits et les devoirs de l’agent, personne
ne se fera scrupule d’user, dans l’intérêt de tous, d’un droit qu’il trouvera
écrit dans ce règlement, et d’avertir le gouvernement de ce que font ses agents
commerciaux à l’étranger.
Sans ce règlement,
vous n’avez aucune sanction des instructions que vous donnerez vos consuls. Je
sais bien que le moyen que je propose n’empêchera pas toujours ces agents de
contrevenir au règlement en s’associant secrètement dans des opérations
commerciales ; mais ce moyen est le plus efficace que je connaisse pour
prévenir cet abus.
M. Desmet. - J’ai à faire deux interpellations à M. le ministre
des affaires étrangères avant de voter la somme que l’on nous demande pour les
agents commerciaux.
Je désire savoir
d’abord si le consul qui a été nommé à Alexandrie est déjà à son poste ; je
demande ensuite si l’agent commercial qui a été nommé à la résidence de Smyrne,
a été admis en cette qualité. Il est probable qu’il ne l’a pas été, puisque
nous n’avons pas d’ambassadeur à Constantinople.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je répondrai d’abord à l’interpellation
de l’honorable préopinant, relativement au consul qui a été nommé à Smyrne. Cet
agent n’est pas encore parti pour sa destination et ne touche pas jusqu’ici son
traitement. Quant à sa réception à Smyrne, il n’y a pas de doute qu’elle n’ait
lieu, puisque déjà un consul belge a été admis dans cette ville et qu’il n’a
cessé ces fonctions que parce qu’il voulait rentrer dans son pays.
Un honorable
membre a dit que le gouvernement ne pouvait avoir la garantie que les consuls
ne se livreraient pas, par voie détournée, à des opérations commerciales. Cette
assertion est sans doute fondée. Cependant les dispositions qui ont été prises
ne sont pas entièrement sans sanction ; les agents commerciaux sont
immédiatement exposés à être dénoncés par d’autres commerçants qui seraient
intéressés à ce qu’ils ne se livrent pas à des opérations commerciales et à ce
qu’ils ne donnent au gouvernement que les renseignements les plus exacts et les
plus utiles à la généralité du pays.
Si malgré ces
circonstances une infraction était commise, et qu’on ne pût la découvrir, il en
serait de ce fait comme d’autres faits qui peuvent se passer dans toute autre
position. Il est de ces choses contre lesquelles il n’y a pas de remède absolu.
Quant au règlement
dont a parlé un honorable préopinant, je ne vois aucun inconvénient à l’adopter
; si un semblable règlement a été retardé jusqu’ici, c’est qu’il doit être la
conséquence d’un projet de loi à vous soumettre sur le tarif consulaire, à
l’occasion duquel on refondera toutes les dispositions qui concernent les
consuls en général.
En attendant cette
révision complète, le gouvernement a donné à ses agents commerciaux des
instructions de plus en plus précises, dans l’intérêt du commerce ; et je dois
le dire, les consuls même non rétribués mettent actuellement plus d’activité
dans leurs rapports avec le gouvernement, et lui envoie des renseignements plus
fréquemment que par le passé. Réciproquement, nous les tenons au courant de ce
qui se passe en Belgique, en fait de commerce, pour qu’ils puissent mieux
remplir leur mission.
Je n’ajournerai qu’une observation pour démontrer l’utilité des agents
commerciaux. L’on s’est étayé à tort sur l’exemple de la Hollande qui, dit-on,
ne paie pas de semblables agents. Cette assertion ne paie pas de semblables
agents. Cette assertion n’est pas entièrement exacte : la Hollande a plusieurs
agents commerciaux rétribués.
Mais je ferai
remarquer que la Hollande est en possession, depuis un temps immémorial, d’un
commerce maritime extrêmement étendu ; que des commerçants hollandais se
trouvent établis dans tous les parages importants, et que conséquemment le
gouvernement hollandais à l’avantage de pouvoir nommer des nationaux aux
frontières consulaires dans toutes les localités.
Lorsque notre
commerce sera plus étendu, et que des négociants belges se seront établis à
l’étranger, on pourra les charger des fonctions consulaires. Si le gouvernement
reconnaît qu’ils peuvent rendre les mêmes services que les agents actuels, il
sera permis alors de diminuer la dépense qui vous est proposée aujourd’hui ;
mais, dans le moment actuel, il est extrêmement utile que la somme entière soit
votée.
M. Dumortier. - Si nous n’avons des agents commerciaux que pour
recueillir des renseignements je demande à quoi ces agents serviront, quand une
fois ils auront recueilli ces renseignements. Je conçois que les agents
commerciaux de la France et de l’Angleterre aient quelque chose à faire ; mais
nous qui n’avons pas cent vaisseaux de commerce, à quoi pourrons-nous employer
des agents commerciaux ?
On nous demande
des traitements pour des agents à envoyer dans trois pays, aux grandes Indes,
au Chili et dans les échelles du Levant. Or, je vous le demande, messieurs,
combien la Belgique envoie-t-elle de vaisseaux dans ces divers parages ? Bien
peu ou point. Quelles y seront dès lors les occupations de nos consuls ? Elles
seront nulles.
Si l’on veut créer
des agents commerciaux, que l’on songe d’abord à établir une marine, et alors
les agents commerciaux pourront servir à quelque chose.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois faire remarquer que les agents commerciaux
n’ont pas seulement pour objet de protéger les vaisseaux belges, à leur arrivée
dans les parages éloignés ; mais qu’ils ont encore pour mission de prendre sous
leur protection tous les Belges indistinctement qui se rendent dans les mêmes
contrées.
L’utilité de ces
agents ne se borne pas à cela. L’objet principal de leur mission est de tenir
la Belgique au courant de tout ce qui se passe d’intéressant, en fait de commerce,
dans les pays où ils exercent leur office.
Mais, dit-on, ces
renseignements une fois recueillis et envoyés, la mission de ces agents est
terminée. C’est une erreur. Il en est de ces pays comme du nôtre ; le tarif des
douanes y éprouve des modifications d’année en année, et il est bon que nous
soyons constamment tenus au courant de ces changements. Car c’est alors
seulement que la Belgique pourra faire en toute sécurité le commerce avec ces
contrées.
- Le chiffre de
100,000 fr. est mis aux voix et adopté.
Chapitre IV. - Frais de voyage et de courrier des
agents du service extérieur
Article unique
« Article unique.
Frais de voyage des agents du service extérieur ; frais de courriers,
estafettes et courses diverses : fr. 70,000 fr. »
- Adopté.
Chapitre V. - Frais à rembourser aux agents du
service extérieur
« Article
unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 50,000. »
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, j’ai déjà fait remarquer l’année
dernière que tandis que dans ce pays l’on ne percevait rien pour les
certificats de vie, les légalisations et même pour les passeports, d’autres
pays exigeaient des rétributions assez fortes pour ces objets, et que cela
donnait lieu à beaucoup de mesures fiscales.
Messieurs, le
ministre des affaires étrangères m’avait dit qu’il ferait des réclamations
auprès des puissances qui exigent ces droits, car toutes ne les exigent pas.
En Prusse on ne
paie rien, mais en France on fait payer des droits assez élevés aux personnes
qui ont besoin de ces légalisations pour toucher des rentes. Je désire savoir
si on a fait des réclamations, afin d’établir une juste réciprocité. Je ne
demande pas qu’on perçoive des droits semblables sur les étrangers, mais je
voudrais aussi que les étrangers n’en perçussent pas sur les Belges.
Je ne sais pas si
c’est à l’article dont il s’agit que se rapporte mon observation, mais je le
fais ici parce que je n’en ai vu aucun autre auquel elle se rapportât
davantage.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’observation de l’honorable préopinant est pleine
de justesse. Jusqu’à présent il n’est rien résulté des réclamations du
gouvernement ; je les renouvellerai, et si je n’obtiens pas satisfaction je
ferai un rapport à la chambre pour la mettre au courant de ce qui se passe et
en position d’adopter des mesures de réciprocité.
- Le chiffre de 50
mille francs est mis aux voix et adopté.
Chapitre VI. - Missions extraordinaires et
dépenses imprévues
« Article
unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues. »
M. Dumortier. - Messieurs, je renouvellerai ici mon
interpellation. Je demanderai pourquoi on a envoyé un ministre plénipotentiaire
en mission momentanée à Lisbonne. Je demanderai s’il y a quelque traité à faire
qui exige des dépenses aussi considérables. Je demanderai pourquoi on déguise
sous le nom de mission temporaire un traitement extraordinaire de 120 fr. par
jour, en y réunissant les traitements attachés au grade que cet envoyé occupe
dans l’armée. Je ne comprends pas comment le ministre a pu éluder ainsi le
texte des lois, car le budget est une loi ; un traitement quelconque ne peut
être donné qu’autant qu’il ait été alloué par le budget, et ici on paie à notre
envoyé à Lisbonne un traitement de 58 mille fr. sans que la législature l’ait
voté. Je prie M. le ministre de nous donner des explications.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le chapitre des missions extraordinaires a pour
objet particulier d’envoyer des agents diplomatiques dans les circonstances
extraordinaires. Et telle est évidemment la situation du Portugal. Que l’on
dise que la Belgique n’a aucun intérêt à régler avec le Portugal, c’est une
véritable erreur. Au contraire, on attache une grande importance aux rapports
commerciaux avec le Portugal.
On sait qu’un
tarif exorbitant a été adopté par cette puissance ; les intérêts commerciaux de
tous les pays ont été gravement froissés par cette mesure ; des réclamations
ont été adressées au gouvernement portugais par plusieurs cours et notamment
par la cour de Belgique. Notre envoyé extraordinaire a pour mission spéciale
d’obtenir un redressement l’égard de notre pays.
Quant à la hauteur
du chiffre, il est vrai que notre envoyé touche, outre l’indemnité, son
traitement de général. Mais ceci est conforme à une disposition de la loi
militaire votée il y a deux ans. D’après cette disposition, le militaire en
activité de service, chargé temporairement d’une mission, conserve sa position
d’activité. Mais j’ai eu égard à cette circonstance dans la fixation de
l’indemnité quotidienne. La mission serait coûteuse, si elle devait être
longue, car elle reviendrait à 58,000 francs par an. Mais, pour une mission
temporaire, ce traitement n’est pas exorbitant. J’ai eu des détails circonstanciés,
et il est constant qu’un envoyé en Portugal est obligé de faire de grandes
dépenses.
Mais, disait M. Gendebien, quel besoin avons-nous d’un envoyé
extraordinaire en Portugal, s’il habite la campagne ? Il est dans l’erreur. Les
ministres plénipotentiaires en Portugal ont une double résidence, une résidence
d’été à la campagne et une résidence d’hiver en ville. Ainsi. la résidence à la
campagne, loin d’être un avantage, est une occasion de nouvelles dépenses.
M. Van de Weyer et
M. Goblet m’ont transmis des détails desquels il résulte que les dépenses sont
considérables. Du reste, si une semblable mission avait dû se prolonger, si
j’avais eu la conviction qu’elle dût devenir un état régulier, j’en eusse fait
l’objet d’une proposition à la chambre. Mais n’étant pas convaincu de la
nécessité d’avoir en permanence à Lisbonne un ministre plénipotentiaire, et
prévoyant qu’on reviendrait à l’état normal, à la mission d’un simple chargé
d’affaires, je n’ai pas cru devoir faire de proposition.
On n’a pas éludé
le budget comme le prétend l’honorable préopinant. Le traitement de chargé
d’affaires reste disponible, et la mission extraordinaire doit être payée sur
les frais imprévus.
M. Dumortier. - Quand nous avons fait la loi militaire, nous avons
décidé que le militaire en activité envoyé en mission temporaire conserverait
son activité, mais nous n’avons pas pour cela autorisé le cumul. Or ; ici il y
a cumul, puisqu’on touche le traitement de général et celui d’agent diplomatique.
On ne peut pas remplir ses fonctions de général dans l’armée et celle d’agent
diplomatique ; si vous tolérez le cumul dans cette circonstance, vous devez le
faire toujours. Pour moi, j’ai constamment été l’ennemi du cumul, et je le
combattrai toujours.
M. le ministre
nous a dit que le Portugal était intéressant pour nous ; je comprends qu’il
l’est comme toutes les nations. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas envoyé un
ministre plénipotentiaire en Espagne ? Car nos rapports commerciaux sont plus
considérables avec l’Espagne qu’avec le Portugal. Nous n’avons cependant là
qu’un chargé d’affaires ; nous pourrions aussi bien nous contenter d’un chargé
d’affaires en Portugal.
La Belgique est
déconsidérée dans ce pays, depuis la malheureuse intervention de notre envoyé
dans ses affaires ; les intérêts de la Belgique ont été depuis lors
périclitants. C’est donc un très faux système d’avoir un homme politique à
Lisbonne. Nous ne devons y avoir qu’un chargé d’affaires pour soigner nos
intérêts.
Je répète en
terminant qu’il y a cumul et qu’on doit le faire cesser ; sans cela, on
pourrait cumuler toute espèce de traitement, ce qui est contraire à la
constitution.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La même circonstance s’est présentée, lorsque le
général Goblet a été envoyé à Londres, et je pense qu’il en a été de même
lorsque le général Merx a été envoyé à Berlin.
Je répète que si
la mission devait se prolonger, je me réserve de voir si l’indemnité n’est pas
susceptible de réduction ; mais, pour un mission qui ne doit pas être de longue
durée, il est permis d’adopter le chiffre que j’ai fixé.
M. Dumortier. - Il est inexact de dire que l’agent qui a été
envoyé à Berlin a touché son traitement de général et celui d’agent
diplomatique. La chambre a voté ure réduction pour empêcher ce cumul.
Aujourd’hui, au moyen du cumul, on est arrivé à un chiffre qui dépasse tous les
traitements d’ambassadeur. Celui de Paris n’a pas un traitement aussi élevé, si
on déduit le paiement de son secrétaire d’ambassade et tous les frais de la
légation.
Nous avons de grands intérêts à régler avec l’Allemagne, nous n’avons
cependant accordé pour un ministre plénipotentiaire résidant à Vienne que 40,000
francs, et en Portugal un ministre plénipotentiaire seul nous coûterait 58,000
francs.
La chambre doit
examiner s’il y a nécessité d’avoir un ministre plénipotentiaire à Lisbonne, et
ne pas laisser éluder la question par cette considération que la mission est
momentanée.
Quand nous avons
autorisé des missions Londres et à Berlin, nous savons dans quel but elles
avaient lieu ; l’une était pour faire un traité, l’autre pour faire reconnaître
la Belgique. Mais ici on ne sait pas pourquoi on veut nous faire dépenser 58
mille fr.
Si on veut voter
en aveugle, qu’on le fasse. Mais je déclare que je ne voterai qu’à yeux
ouverts.
Je demande une
réduction de 40 mille fr.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois combattre la réduction proposée par M.
Dumortier. Je dirai qu’alors même qu’il n’y aurait pas en ce moment un envoyé
extraordinaire en Portugal, je combattrais encore la proposition de l’honorable
membre, parce qu’il n’est pas possible de prévoir les besoins du service dans
cette partie pour une année ; il peut se présenter des circonstances qui
exigent la mission d’envoyés ; ces missions sont indépendantes de celle de M.
le général Goblet, sur la durée de laquelle je ne puis donner des indications
catégoriques, ainsi que je l’ai dit précédemment.
- L’article unique
du chapitre 7, « missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr.
65,000 francs, » est mis aux voix par assis et levé ; deux épreuves sont
douteuses ; la chambre procède au vote par appel nominal ; en voici le résultat
:
59 membres
prennent part au vote.
27 votent pour
l’adoption.
32 votent contre.
La chambre
n’adopte pas.
Ont voté pour
l’adoption : MM. Bekaert-Baeckelandt, Coghen, Coppieters, de Brouckere, de
Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Renesse, de
Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Ernst, Fallon, Kervyn, Mercier,
Nothomb, Pirson, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Verdussen, Vandenhove.
Ont voté contre :
MM. Beerenbroeck, Berger, Brabant, Corneli, de Behr, Dechamps, de Florisone, de
Perceval, de Roo, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus,
Dumortier, Eloy de Burdinne, Frison, Gendebien, Keppenne, Maertens, Metz, Mast
de Vries, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Vandenbossche Van
Hoobrouck, de Langhe, Van Volxem, Verhaegen, Dubois.
La chambre adopte
l’article unique du chap. VII : « Missions extraordinaires et dépenses
imprévues, » avec le chiffre de 40,000 francs proposé par M. Dumortier.
M. le président. - La chambre a terminé le projet de loi de budget
des affaires étrangères ; mais comme des amendements ont été introduits dans ce
budget, s’il n’y a pas d’opposition, le vote définitif est renvoyé à lundi. (Adhésion.)
- La séance est
levée à 4 heures et demie.