Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 novembre
1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative aux pratiques de vente à l’encan (Maertens,
A. Rodenbach, Milcamps, Maertens)
2) Projet
de loi portant des modifications au tarif des douanes. (Politique commerciale du
gouvernement et négociations commerciales avec la France) Second vote. Bas et
bonneteries (Smits, Dumortier, Dubus (aîné), Angillis), poteries (Zoude, Smits, d’Huart,
Smits, Berger, d’Huart,
Dubus (aîné), Smits, Metz, d’Huart, Metz,
de Theux, Dumortier, Smits), faïences (Dumortier, d’Huart, Smits, Dumortier,
Verdussen, Berger, d’Huart, Dubus (aîné), d’Huart, Smits), ardoises, produits chimiques
(Zoude, Verdussen, Coghen, d’Huart, Zoude,
d’Huart), tissus, toiles et étoffes (coton ou soie) (Zoude), tulles (coton, soie) (Verdussen,
de Foere, Desmet), verreries (d’Huart, de Theux)
(Moniteur belge n°314, du 10 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. le président procède par la voie du sort au renouvellement des
sections.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des négociants et
détaillants de Tournay demandent une loi qui empêche les ventes à l’encan de
marchandises neuves. »
________________
« Le sieur Richard Jacques,
à Verviers, né en France, habitant la Belgique depuis 1825 demande la
naturalisation. »
« Le sieur
Charles-Louis-Victor Clonet, né en France, habitant la Belgique depuis 1807,
demande la naturalisation. »
M. Maertens. - Parmi les pétitions dont on vient de donner
l’analyse, il s’en trouve une des négociants de Tournay qui réclament contre la
vente à l’encan de marchandises neuves.
Déjà
différentes pétitions relatives au même objet ont été depuis longtemps
présentées à cette chambre. Sous le gouvernement précédent, des arrêtés royaux
étaient venus au secours des marchands ; aujourd’hui, par suite de la
législation sur la patente, et par suite de la jurisprudence de la cour de
cassation sur cette matière, il n’existe plus de protection pour nos négociants
contre ceux qui courent de ville en ville avec des marchandises quelquefois
soustraites à des créanciers, en qui les vendent au détriment des intérêts de
ceux qui paient de fortes patentes et de forts loyers pour vendre loyalement
les mêmes marchandises. Des pétitions semblables à celle qui nous occupe ont
été renvoyées au ministère, afin qu’il présente un projet de loi protecteur de
notre commerce. Je demanderai que la pétition de Tournay soit renvoyée encore
au ministre. Je demanderai encore si le ministère s’est occupé de cet objet,
s’il est prêt à présenter une mesure sur ce point sa réponse me guidera dans ce
que je croirai devoir faire. Dans le cas où sa réponse ne me paraîtrait pas
satisfaisante, je me propose de prendre l’initiative et de présenter un projet
utile à notre commerce intérieur.
M. A. Rodenbach. - Depuis un mois que nous sommes réunis, des
pétitions nous arrivent journellement ; il y en a, je crois, de 8 ou 10 villes
relatives aux marchandises neuves vendues à l’encan. Dans la province de la
Flandre occidentale et dans presque toutes les provinces, cette question est à
l’ordre du jour.
Partout les boutiquiers se
plaignent de payer de grosses patentes pour voir vendre les mêmes marchandises
devant leurs portes. Je crois que l’on devrait faire un prompt rapport sur
toutes les pétitions qui ont le même objet.
Il y a d’autres pétitions
également intéressantes dont la commission devrait s’occuper.
Dans la Flandre occidentale on
se plaint de la cherté des houilles, et plusieurs pétitions vous seront
adressées sur cet objet. Je demanderai que la commission fasse un prompt
rapport.
M. Milcamps. - J’appuie le renvoi à la commission. Il y a une
pétition de même nature présentée par plusieurs marchands de la commune de mon
district ; j’ai engagé M. le président de la commission des pétitions à s’en
occuper ; il m’a promis que la semaine prochaine elles seraient examinées. On
pourrait faire un seul et même rapport sur toutes ces pétitions.
M. le président. - M. Maertens se réunit-il à la proposition faite
par M. Rodenbach ?
M. Maertens. - Je le veux bien. Mais j’ai interpellé M. le ministre
pour savoir s’il s’est occupé de proposer une mesure protectrice de notre
commerce intérieur. Il n’y aurait pas d’inconvénient à ce qu’il s’expliquât sur
ce point ; et si sa réponse ne me semble pas favorable, je me propose de
prendre l’initiative pour présenter un projet de loi.
- Les pétitions, conformément
à la proposition de M. A. Rodenbach, sont renvoyées à la commission avec
invitation de faire un prompt rapport.
La même décision est prise
relativement aux pétitions sur les houilles.
Les pétitions concernant les
naturalisations sont renvoyées à M. le ministre de la justice.
Projet de loi portant des modifications au Tarif des douanes
Second vote des modifications apportées au tableau du
tarif
Bas
et bonneteries
M. le président. - La chambre a décidé que le droit serait perçu au
poids sur la bonneterie, il s’agit de déterminer les chiffres du droit.
Voici l’amendement présenté
par M. Dumortier :
« (Résultat de la moyenne
générale de tous les objets produits tant par le gouvernement que par les
intéressés). Le kilog. :
« Coton.
« Gilets, manches,
jupons, caleçons, bretelles : fr. 2 00 15 p. c.
« Bas, chaussettes,
bonnets, mitaines ; fr. 4 00 10 1/2 p. c.
« (erratum inséré au Moniteur belge n°315, du 11 novembre 1837) Laine.
« Echarpes, gilets,
jupons, gants, caleçons, manches, camisoles : fr. 2 50 14 91/100 p. c.
« Bas, bonnets,
chaussettes : fr. 3 00 12 à 13. p. c. »
L’amendement de M. le ministre
relativement à la prime suivrait ce tarif.
« Lin.
« Tricots
de toute espèce : fr. 2 50 6 p. c. »
Voici un autre amendement
déposé par M. Smits :
« Bonneterie de coton.
Bas, chaussettes, etc., fr. 4 le kil.
« Articles non dénommés
dans le précédent article, fr. 1 50 le kil.
« Bonneterie de laine, fr.
2 75 le kil.
« Bonneterie de lin, fr.
2 le kil. »
M. Dumortier. - J’ai développé hier mon amendement, et je crois
n’avoir plus rien à dire.
M. Smits. - Messieurs, je regrette que la chambre ait préféré
la tarification au poids à la tarification à la valeur, parce que je crains que
cette première tarification ne donne lieu à la fraude en élevant trop le droit
relativement à la valeur réelle. Cependant comme il y a décision prise, il faut
qu’on s’y conforme. J’ai donc examiné avec beaucoup d’attention l’amendement
présenté par l’honorable M. Dumortier, et je dois reconnaître que j’y ai vu des
améliorations notables, dans ce sens qu’il a singulièrement diminué les droits
qui avaient été adoptés lors du premier vote. Toutefois, je crois pouvoir faire
un reproche à cet amendement, en ce qu’il établit trop de catégories, et en ce
qu’il établit les droits à un taux trop élevé, qui priveraient l’industrie de
sa protection légitime et le trésor de ses revenus.
J’ai recherché à faire une
autre tarification. J’ai voulu n’établir que trois catégories distinctes,
c’est-à-dire une catégorie unique pour la bonneterie de coton, une pour la
bonneterie de laine, une pour celle de lin : j’ai reconnu que cette tarification
était possible pour les deux derniers articles, pour la laine et pour le lin,
et ne l’était pas pour le coton. De celui-ci j’en ai donc fait deux divisions.
Par la première j’admets la proposition de M. Dumortier qui fixe à 4 fr. par
kilog. le droit sur les bas, bonnets, chaussettes, gants, etc. ; mais pour la
seconde catégorie qui comprend les caleçons et tricots semblables, j’ai cru
devoir proposer un droit (erratum inséré
au Moniteur belge n°315, du 11 novembre 1837) de 1 fr. 50 c. au lieu de 2
fr..
En accordant un droit de 4 fr.
pour les bas, chaussettes, etc., le revient à la valeur sera, d’après mes
calculs, de 13 p. c., tandis qu’il était de 18 et 22 p. c. pour les autres
articles ; or, ce serait là une taxe qui, comme je le disais, donnerait lieu à
la fraude. Dans les droits que je propose, on reste dans les limites de 12 à 13
fr., qui ne peuvent donner lieu à des inconvénients. Il y a d’autant plus lieu
à se tenir dans cette limite des droits, qu’il a été déclaré à la commission
qui a été chargée de préparer les éléments du travail qu’on vous a soumis,
qu’une grande partie de la bonneterie se fraude à la prime de 12 à 15 p. c. ;
ainsi, tout droit supérieur à cette prime serait nuisible à l’industrie et au
trésor.
Pour la laine, M. Dumortier a
formé deux catégories ; une pour les écharpes au droit de 2 fr. 50, et une pour
les bas et bonnets au droit de 3 fr. ; mais, d’après cette proposition, pour
les écharpes, etc., le quantième du droit serait d’environ 18 1/2 p. c. : alors
je ne comprendrais pas les jupons, les caleçons et autres tissus qui sont
beaucoup plus pondéreux, qui feraient que le droit s’élèverait de 20 à 22 et
même à 25 p. c.
Pour les bas, bonnets, gants,
etc., en admettant le chiffre de 3 fr., nous arriverions à un droit de 19 à 20
p. c. ; donc, encore une fois, la fraude s’emparerait de cet article. Pour
éviter cet inconvénient, j’ai formé une seule catégorie des tricots de laine,
en fixant le chiffre à 2 fr. 75 c. sans distinction.
Ce chiffre est la moyenne des
deux droits proposés par M. Dumortier, et il donnera un droit de 13 à 14 p. c.
Cette tarification protégera
d’autant plus efficacement l’industrie nationale qu’elle sera augmentée de
toute l’importance des primes de sortie qui s’accordent dans les pays étrangers.
J’ai
conservé l’amendement de l’honorable M. Dumortier pour les autres articles de
bonneterie, sauf une légère diminution de 50 c. sur la bonneterie de lin ; mais
on conviendra, messieurs, que le droit, tel que je l’ai réduit, est plus que
suffisant pour protéger cet article, car si la Belgique, qui est le pays du
lin, ne pouvait pas lutter, sous ce rapport, avec les pays étrangers, il
faudrait désespérer de l’industrie nationale : toutefois, comme on protège les
autres articles de bonneterie, j’ai cru devoir également conserver une
protection pour la bonneterie de lin.
Vous aurez remarqué,
messieurs, que mon amendement ne pèche pas par excès de libéralisme commercial
; aussi j’espère qu’il conciliera toutes les opinions et qu’il mettra fin à une
discussion qui est déjà beaucoup trop longue.
- L’amendement de M. Smits est
appuyé.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai déclaré dans la séance d’hier que
mon intention était de me rapprocher autant que possible du gouvernement,
pourvu que nous obtenions le droit au poids : quoique je n’adopte pas la
moyenne présentée par l’honorable M. Smits, les différences qu’il y a entre son
amendement et le mien ne me semblent cependant pas être de telle nature que je
doive repousser la proposition de l’honorable député d’Anvers ; d’un autre côté
je reconnais que l’amendement de M. Smits a sur le mien deux avantages :
d’abord il supprime la nomenclature d’articles qui peuvent varier à l’infini,
nomenclature qui pourrait exempter du droit les nouveaux objets qu’on
fabriquerait dans la suite, et en second lieu il diminue les catégories.
D’après ces considérations, messieurs, et ne voulant pas prolonger la
discussion, je déclare que je me rallie à l’amendement de M. Smits, pour
autant, bien entendu, qu’il comprenne la disposition relative à la prime
d’exportation, qui a été proposée par M. le ministre des finances.
De toutes parts. - C’est entendu !
M. Dubus (aîné). - J’ai aussi signé un amendement qui a été déposé
sur le bureau ; me référant aux observations qui viennent d’être faites par mon
honorable ami, je me rallie également à l’amendement de M. Smits.
M. Angillis. - J’avais à faire quelques observations, mais comme
elles rentrent tout à fait dans celles qui ont été faites par l’honorable M.
Smits, et ne voulant pas abuser des moments de la chambre, je me borne à
déclarer que j’appuie l’amendement de l’honorable député d’Anvers,
- L’amendement de M. Smits,
renfermant la disposition relative aux primes d’exportation qui s’accordent en
pays étranger, est mis aux voix et adopté.
Ouvrages
de terre
M. le président. - .On passe à l’article « ouvrages de
terre. »
La disposition adoptée au
premier vote est ainsi conçue :
« Ouvrages de terre.
« Poterie commune, 3 fr.
par 100 kil. à l’entrée, 1/2 p. c. à la sortie.
« Faïences en terre commune,
blanches, 8 fr. par 100 kil. à l’entrée, 60 centimes par 100 kil. à la sortie.
« Faïences en terre
commune, décorées, 12 fr. par 100 kil. à l’entrée, 60 c. par 100 kil. à la
sortie.
« Faïences en terre de pipe,
blanches, 18 fr. par 100 kil. à l’entrée, 12 p. c. à la sortie.
« Faïences en terre de
pipe, décorées, 27 fr. par 100 kil. à l’entrée, 1/2 p. c. à la sortie.
« Porcelaines
blanches ou teintes, 60 fr. par 100 kil. à l’entrée, 1 fr. par 100 kil. à la
sortie.
« Porcelaines peintes ou
dorées, 80 fr. par 100 kil. à l’entrée, 1 fr. par 100 kil. à la sortie.
« Creusets (c) 1 p. c. à
l’entrée, 2 p. c. à la sortie.
« (c) Les boissons et liquides
non spécialement tarifés en cruches, tels que les liquides spiritueux, le
vinaigre, etc., ne sont pas soumis à un droit distinct pour les cruches,
lorsque le droit dû sur le liquide s’élève à plus de 05 centimes par litre, et
qu’elles en sont remplies en entier. Les eaux minérales ou tous autres liquides
dont le droit serait inférieur à cette proportion, seront assujettis à un droit
séparé pour les vaisseaux qui les contiennent, et dans le cas de préemption, le
liquide sera considéré comme compris dans la valeur déclarée de ces
vases. »
M. Zoude. - Messieurs, lors de la discussion du premier vote
de la loi qui nous occupe, la section centrale vous avait démontré que la
proposition qui vous avait été faite par quelques députés du Luxembourg en
faveur des faïences et porcelaines, était loin de porter l’empreinte de
l’exagération ; et cependant, par les motifs que la fabrication de la faïence
en terre commune était déjà assez avancée, que pour celle en terre de pipe il
était question d’en augmenter le droit, la section centrale réduisit
quelques-uns de nos chiffres el la chambre, par son vote, a adhéré à cette
rédaction.
Cependant, arrivés au second
vote, nous voyons, par l’appareil des faïences et porcelaines déposées dans la
salle de l’industrie que le gouvernement s’ingénie à chercher si la protection
ne serait pas encore trop élevée sur l’un ou l’autre article.
Mais vous avez vu, par le
tableau comparatif de la section centrale, combien les droits établis en
Angleterre et en France sont plus élevés que ceux que vous avez adoptés,
nonobstant que les deux pays soient dans des positions de production infiniment
plus avantageuse que la Belgique : l’Angleterre sons le rapport de la faïence,
la France sous celui de la porcelaine.
Sous le rapport de la faïence,
tout le monde sait que l’Angleterre possède des matières premières supérieures
à tout ce qui est connu, tant par leur qualité, leur abondance, que par le bon
marché.
Ajoutez à ces avantages celui
de pouvoir transporter ses produits sur tous les points du globe au fret le
plus minime ; et cependant elle repousse les produits similaires étrangers par
des droits de 15 à 30 p. c.
La France jouit à son tour des
mêmes faveurs pour la porcelaine ; elle trouve chez elle, pour cette
fabrication, les carrières de terre les plus belles du monde, ainsi que toutes
les autres matières propres à donner à ces produits le plus haut degré de
perfection, et, malgré tous ces avantages, malgré qu’elle ait prohibé nos
faïences fines, elle frappe encore nos porcelaines blanches du droit de fr.
174-70 et les dorées ou peintes de 344-30, tandis que, par votre premier vote,
vous avez seulement imposé l’une à 60 fr. et l’autre à 80 fr.
Et que vous proposait le
gouvernement ? A peine la septième partie du droit français.
Il est vrai que, lorsque nous
réclamons quelque droit faiblement protecteur, nous rencontrons des adversaires
qui nous accusent en face de vouloir écraser la concurrence et de sacrifier la
classe des consommateurs comme victime dévouée à notre système.
La concurrence intérieure,
nous la provoquons, parce qu’elle conduit au perfectionnement et à
l’abaissement du prix.
La concurrence étrangère, nous
ne voulons pas l’anéantir ; mais certes nous voulons encore moins l’encourager,
et surtout pour des objets dont elle est favorisée par la nature tels sont ceux
en discussion.
Nous voulons sacrifier les
consommateurs, a-t-on dit ; mais tous sont producteurs et consommateurs, et
dans notre appréciation les travailleurs sont les plus grands consommateurs ;
aussi c’est cette classe que nous voulons encourager, c’est en sa faveur que
nous réclamons les droits protecteurs nécessaires pour la défendre contre
l’introduction des produits auxquels le travail ne peut plus ajouter de valeur.
La France agit avec beaucoup
plus de rigueur, elle n’accueille guère les produits manufacturés au dehors que
par la prohibition ou des droits prohibitifs, et ce système, les organes les
plus distingués de l’industrie française le soutiennent avec orgueil.
M. Thiers qu’on a souvent
cité, et dont l’autorité vaut bien celle de quelques économistes nés d’hier, M.
Thiers disait : « Lorsque je vois qu’il y a 40 ans l’industrie cotonnière ne
produisait que 20 millions et aujourd’hui 600, je suis convaincu que le système
qui la protégeait était excellent ; je le juge par ses résultats et je suis
fier de l’opinion que j’ai soutenue, certain que dans l’avenir le pays m’en
saura gré. »
Napoléon avait aussi combattu
les économistes, dont les principes pouvaient être vrais, mais leur application
vicieuse ; aussi disait-il que s’il existait une monarchie de granit, il
suffirait des idéalités des économistes pour la réduire en poudre. Puissent ces
paroles ne pas s’appliquer un jour à la Belgique !
Messieurs, quand le commerce a
déserté tour à tour les pays qui en ont été le centre, ce n’est pas en levant
l’étendard qu’il a donné le signal du départ, ce n’est pas tout à coup que
l’industrie et le commerce en ont disparu ; ils avaient fait auparavant ce que
nous faisons aujourd’hui, ils avaient averti leurs gouvernements que la
prospérité menaçait de leur échapper ; mais sans doute on aura eu aussi des
convictions contraires, on aura dédaigné leurs plaintes, comme je crains qu’on
ne dédaigne les nôtres, et pendant qu’on appliquait peut-être des remèdes
palliatifs, le mal rongeait insensiblement l’édifice qui, se détachant pièce à
pièce, a dû finir par s’écrouler.
Au congrès, la forgerie a
éprouvé de la part de certain banc les mêmes attaques que nous rencontrons
chaque fois qu’il est question de l’industrie agricole et manufacturière ;
c’est que les députes qui y siègent, organes des intérêts de leurs commettants,
ne voient la prospérité publique que dans de nombreux arrivages maritimes. On
invoquait aussi au congrès l’intérêt des consommateurs, on y disait qu’il était
absurde de payer plus cher chez soi ce que l’on pouvait acheter à meilleur
marché ailleurs, on proclamait aussi comme vérité que les navires étrangers qui
fréquentaient nos ports, favorisaient nos industries et se chargeaient de
l’écoulement de ses produits.
Il vous souviendra peut-être,
messieurs, qu’à la session dernière j’ai présenté un tableau de ces
exportations, II était puise à des sources officielles ; vous y avez vu que 3/5
de navires étaient retournés sur lest, et que parmi ceux qui figuraient comme
sortis avec chargement, il s’en est trouvé qui en effet avaient pris à bord,
les uns quelques kilos d’étoupe, d’autres 3 on 4 brouettes de houille ; il en
est même du port d’environ 500 tonneaux qui avaient chargé un hectolitre de
genièvre, et cependant des navires étaient venus vomir sur nos rivages des
masses d’objets en partie manufacturés.
II est temps d’arrêter ces
débordements ; vous ferez, messieurs, pour les industries qui se trouvent dans
une position analogue, ce que la sagesse du congrès a fait pour la forgerie, et
c’est à l’ombre du droit protecteur qu’elle a établi que se sont élevés ces
nombreux fourneaux au coak qui font aujourd’hui l’orgueil du pays, et
cependant, malgré cette protection, ils ont failli succomber naguères sous le
poids de la crise américaine qui avait exercé une telle influence sur
l’Angleterre, que celle-ci, surchargée de l’énorme quantité de fer qu’elle
avait destinée pour l’Amérique, fut forcée de franchir nos douanes, et le fer
anglais s’est présenté sur nos marchés, qu’il aurait envahis entièrement si les
affaires américaines n’avaient repris un aspect plus satisfaisant.
Il n’y a guère que deux mois
que cette industrie a été traînée ainsi au bord de l’abîme, et si elle eût été
moins protégée, elle succombait infailliblement.
J’ai cité cet exemple pour
prémunir contre l’entraînement qui porte plusieurs membres à baisser, outre
mesure, les droits d’entrée sur les produits étrangers.
Messieurs, je rentre dans la
question. Je vous ai exposé les avantages dont l’Angleterre jouit pour la
faïence, et la France pour la porcelaine, et je ne crains pas d’être démenti à
cet égard ; je ne le serai pas davantage en disant qu’à l’exception de la terre
d’Andennes, qui n’est pas encore convenable à tous nos besoins, nous devons
tirer toutes les autres matières de l’étranger ; vous protégerez donc cette
industrie, si vous voulez qu’elle ait une existence en Belgique
Les droits que vous avez votés
sont inférieurs de beaucoup à ceux établis chez nos voisins, et si le
gouvernement ne vous en présente pas de plus élevés, ce dont je désespère, vous
n’admettrez au moins aucun chiffre qui tendrait à l’abaisser, et vous
persisterez dans votre premier vote.
Avant de finir, je vous prie
de me permettre, messieurs, d’ajouter quelques considérations pour ce qui
concerne particulièrement la province à laquelle j’appartiens.
On a beaucoup parlé de
position acquise, du droit qu’elle confère aux établissements formés sous la
protection des lois ; eh bien, la faïencerie de Luxembourg prospéra sous
l’empire, parce qu’un vaste marché était ouvert à ses produits, et lorsqu’elle
en fut séparée par les événements de 1814, elle fit des efforts pour opérer des
placements en Belgique et en Hollande. Pour ce dernier pays, elle avait une
voie facile, peu coûteuse, celle de la Moselle ; mais depuis que nous avons
recouvré notre indépendance, depuis 1830 enfin, cette rivière a cessé de couler
pour elle, et d’autant plus que la Prusse, qui en est riveraine, repousse nos
faïences par un tarif qui est presque aussi inexorable que celui de France.
Il en serait tout autrement si
nous étions associés à la douane allemande : la Moselle conduirait alors ces
industriels vers la terre promise ; mais en attendant que le projet de cette
association, dont j’ai déjà plusieurs fois entretenu la chambre, puisse se
réaliser, il est exact de dire que la faïence du Luxembourg n’a plus d’autre
marché que celui du centre de la Belgique dont elle est éloignée de plus de 40
lieues ; et arrivée là, après toutes les peines qu’un long trajet fait éprouver
à une marchandise aussi fragile, elle se trouve en concurrence non seulement
avec les fabriques de l’intérieur, mais encore avec des concurrents autrement
dangereux, les faïences anglaises, qui ont moins payé en droit d’entrée et de
fret jusqu’â Bruxelles, qu’il n’en a coûté pour le seul transport de celles de
Luxembourg.
Je
ne puis résister au désir de vous rappeler le passage d’un mémoire qui a été adressé
à la chambre par un de nos industriels des plus laborieux et des plus
instruits. II résume en peu de mots les conséquences d’un système de liberté
illimitée de commerce. Le grand argument de nos adversaires, dit-il, est
celui-ci : si vous ne pouvez fabriquer au prix des Anglais, fermez vos
ateliers. Pourquoi cet impôt sur la consommation ? Il ne me sied pas à moi
pauvre prêtre de parler économie politique, car on pourrait me prouver qu’il
est très bien que les Anglais fabriquent de la faïence pour tout le monde ;
mais que leur enverrons-nous en retour ? Quoi ? du fer ? Mais c’est une grande
duperie de le fabriquer chez nous, puisqu’en Angleterre on le fait à meilleur
compte. Si j’ajoutais qu’il faut pourtant que mon pauvre pays vive, on pourrait
bien me répondre qu’on n’en voit pas la nécessité.
Messieurs, voilà où certain
système pourrait nous conduire ; vous en préviendrez les déplorables effets en
maintenant le faible droit protecteur que vous avez accordé par votre premier
vote.
M. Smits. - Messieurs, le discours que vous venez d’entendre
porte particulièrement sur l’article faïences, et je crois que pour établir la
discussion d’une manière régulière, il faudrait examiner d’abord l’article
poteries, ensuite l’article faïences, et enfin l’article porcelaines.
Je demande donc que la
discussion s’établisse d’abord sur l’article poteries. (Appuyé !)
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, je
suppose que les auteurs de l’amendement qui a été introduit dans la loi
entendent par poterie commune la poterie de terre qui est rougeâtre, et celle
de grès, dont on se sert dans les ménages pour casseroles, pots de fleurs, etc.
Il importe, messieurs, de
s’entendre sur ce point, parce que sans cela on pourrait croire par la suite
qu’il faut placer dans la deuxième catégorie où le droit est de 8 fr., des
objets qui doivent être rangés dans la première où ce droit n’est que de 3 Fr.
par 100 kil.
Comme
le département des finances sera chargé de l’exécution de la loi, je désire
qu’on soit bien fixé sur le point dont il s’agit, et qu’il reste dans la
discussion des traces de la manière dont on l’aura entendu.
Voici comment le
« dictionnaire des productions de la nature et de l’art » définit la
poterie commune en terres cuites : « Briques, carreaux, tuiles, pannes,
fourneaux et réchauds domestiques, chaufferettes, pots à fleurs, vases de
jardin, tuyaux de conduite pour la fumée, et tous objets de terre sans émail. »
Puis, « les poteries à pâte homogène, tendre, cassure terreuse, à texture
poreuse, opaque, colorée, recouverte d’un vernis translucide,
plombifère. » Puis, la poterie de grès que tout le monde connaît, à pâte
dense, très dure et sonore.
C’est ainsi, je crois, qu’il
faut considérer la nature des objets compris dans le premier article dont nous
nous occupons. (Oui ! oui !) Si tout
le monde est d’accord sur la définition, je n’ai plus rien à dire pour le
moment.
M. Smits. - Messieurs, je crois qu’on ne peut pas adopter la
tarification de 3 Fr. par 100 kilog., qui a été proposée par la section
centrale. Car, d’après les vérifications que j’ai faites, ce droit revient à
une moyenne de 16 p. c. ; il y a même parmi les objets qui m’ont servi à établir
cette moyenne, des articles qui seraient imposés à 31 p. c.
Or, la poterie commune sert à
des usages de la classe pauvre. Il n’y a aucun motif de majorer le droit qui a
toujours été de 6 p. c. ; aucune réclamation n’a jamais été faite contre ce tarif,
et je ne sais, en vérité, de quel côté des réclamations auraient pu surgir, car
il est reconnu que pour la poterie nous pouvons soutenir la concurrence avec
tout le monde.
Je demande donc qu’on en
revienne à la proposition primitive du gouvernement qui tendait à imposer la
poterie commune d’un droit de 6 p. c. à la valeur.
M. Berger. - Messieurs, l’honorable M. Smits vient de dire
qu’en adoptant le chiffre de 3 francs par 100 kil,, qui a été proposé l’année
dernière par la section centrale et adopté par la chambre, on ferait revenir ce
droit, à raison de la valeur, à 16 p. c.
J’aurai l’honneur de faire
observer que toutes ces prétendues moyennes, qu’on veut prendre pour bases,
sont singulièrement élastiques, suivant qu’on choisit des objets plus ou moins
pondéreux. Ainsi, en choisissant tels articles plutôt que tels autres, on
obtient 15, 16 ou 20 c., tandis que si l’on fait ses calculs sur des articles
d’un poids moindre, on n’obtient qu’un droit de 4, 5 ou 6 p. c.
Moi aussi, messieurs, j’ai
pris des renseignements, et, d’après les informations qu’on m’a données, j’ai
lieu de croire que le droit établi à 3 francs les 100 kil., ne fait monter le
droit d’entrée à la valeur qu’à raison de 7 à 8 p. c., terme moyen.
Or,
ce droit n’est pas trop exagéré. D’abord, ces objets sont d’une très grande
consommation, et, par conséquent, il importe d’assurer cette consommation à la
production du pays. En second lieu, et ceci s’applique particulièrement à la
poterie commune, la fabrication de cette poterie n’existe en Belgique que
depuis environ deux années. Après des recherches on est parvenu à découvrir une
terre excellente pour cette fabrication : on s’est immédiatement mis à l’œuvre.
Plusieurs établissements existent aujourd’hui et demandent une protection
raisonnable pour quelque temps encore.
En dernier lieu, je ne conçois
réellement pas comment on veut persévérer dans une voie qui n’est suivie par
aucun de nos voisins. En effet, il résulte d’un tableau qui nous a été
distribué l’année dernière, que dans tous les pays voisins la poterie commune
est imposée à un droit encore plus élevé que celui que nous avons l’honneur de
proposer.
Je
pense que dans cet état de choses, ce que nous avons de mieux à faire, c’est de
nous rapprocher du tarif prussien qui est le plus modéré des tarifs de tous les
pays voisins, et qui impose les poteries communes d’un droit de 2 fr. 50 c.
Je persiste donc à appuyer de
toutes mes forces la proposition qui a déjà été adoptée l’année dernière par la
chambre.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - II faudrait
d’abord savoir si l’on imposera les poteries communes au poids ou à la valeur.
Si la chambre décide que la perception se fera au poids, j’aurai encore
quelques mots à dire, relativement à la question du droit.
M. Dubus (aîné). - Je m’oppose, messieurs, à ce qu’on substitue pour
la poterie le mode de perception à la valeur au mode de perception au poids,
qui a été adopté au premier vote ; car il me paraît certain que ce dernier mode
présente ici surtout un avantage incontestable. D’abord, messieurs, personne ne
prétendra sérieusement que les employés de la douane pourront facilement
exercer la préemption sur cette marchandise. En effet, messieurs, la poterie
arrive par chariots, et à coup sûr les douaniers ne sauraient que faire d’un
chariot de ces objets ; la préemption ne sera donc jamais exercée pour la
poterie, et il résultera de là que si le droit est établi à la valeur, on
déclarera ce qu’on voudra, et que le droit de 6 p. c. qui est proposé reviendra
en définitive à 1 ou 2 p. c. Il faut donc repousser un pareil système et
adopter la perception au poids.
-
La chambre consultée décide que la perception aura lieu au poids.
M. le président. - Voici un amendement qui a été déposé par M. Smits
:
« Je propose de fixer le droit
d’entrée sur la poterie à 2 fr. les 100 kilog. »
M. Smits désire-t-il ajouter
quelque chose aux développements qu’il a donnés ?
M. Smits. - J’ajouterai seulement que le droit de 2fr. par
- L’amendement de M. Smits est
appuyé.
M. Metz. - Messieurs, quand on veut changer une disposition
qui a déjà obtenu l’assentiment de la chambre, quand on veut revenir sur une
résolution que nous avons prise et nous faire, pour ainsi dire, le procès à
nous-mêmes, il me semble qu’on devrait donner des raisons un peu plus solides
que celles qui ont été mises en avant par l’honorable M. Smits. Quoi !
messieurs, lorsqu’après une discussion longue et animée la chambre a reconnu
qu’il convenait de changer la tarification proposée par le gouvernement, on
voudrait aujourd’hui faire revenir la chambre de son premier vote, et cela sans
le moindre motif ! L’honorable M. Smits a bien, il est vrai, fait valoir sa
conviction personnelle, il nous a bien parlé d’une vérification qu’il a faite ;
mais comme l’honorable M. Berger l’a très bien fait sentir, on ne peut pas,
aujourd’hui qu’il s’agit d’un vote définitif, venir ainsi jeter à travers la
discussion des calculs qui ne reposent que sur un examen particulier fait par
un seul d’entre nous. Si l’honorable M. Smits avait voulu que ses calculs
eussent de l’influence sur la chambre, il aurait dû les communiquer, soit au
gouvernement, soit à une commission, qui aurait pu alors vérifier les
observations de l’honorable membre ; car quel que soit d’ailleurs le respect
que j’ai pour les connaissances approfondies de M. Smits, je ne pense pas cependant
que nous devions nous soumettre en aveugles aux calculs qu’il nous présente.
Si
nous avions pu vérifier les opérations de M. Smits, nous aurions opposé aux
objets sur lesquels il a opéré des objets d’une autre espèce, et pu démontrer
que le chiffre proposé est exagéré. Quant à moi, en présence du tarif allemand,
du tarif français, des besoins de l’industrie et de l’intérêt qu’on doit porter
aux consommateurs, j’ai pensé que la commission chargée de l’examen de
l’amendement de M. Berger avait pris une résolution raisonnable en proposant de
porter le droit à 3 fr.
Si on a d’autres raisons que
l’examen personnel de M. Smits pour faire revenir la chambre d’une décision
prise, qu’on les donne : si elles sont bonnes, nous les accueillerons. Mais l’examen
d’un seul membre ne suffit pas pour faire revenir une chambre entière d’une
décision prise après une discussion plus approfondie que celle où nous nous
livrons.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, je serais
presque tenté de croire que l’honorable préopinant n’a pas entendu les
observations présentées par M. Smits, car s’il l’avait écouté, il ne
prétendrait pas qu’on n’a rien dit pour faire revenir la chambre de sa première
décision. On a tout dit, au contraire, car on a démontré qu’au lieu du droit
actuel de 6 p. c., on avait inutilement adopté un droit de 16 p. c., et cela
seul devrait suffire pour faire revenir du vote émis ; toutefois M. Smits a en
outre parlé des frais de transport et de la fragilité des objets, toutes choses
dont il faut tenir compte, puisqu’elles augmentent d’autant en réalité les
désavantages que trouvent dans la concurrence les marchands de poterie
étrangère.
On nous demande de nous
arrêter à l’admission du tarif prussien ; or, nous nous en écarterions si nous
maintenions le premier vote, car le taux prussien porte le droit à 2 fr. 50 c.
par 100 kilog., et M. Metz veut un droit de 3 fr. qui revient à 16 p. c. Il est
vrai que l’on conteste ce résultat ; mais les échantillons sur lesquelles il a
été calculé sont déposés au greffe : qu’on les vérifie, et on verra si la
moyenne indiquée par M. Smits est erronée. Pour moi, je suis certain de
l’exactitude de ses calculs, et je déclare avec lui que le maintien du premier
vote aura pour effet d’établir dans la réalité un droit triple de celui qui
existe par le tarif actuel, puisque, d’après ce qu’on nous a opposé tout à
l’heure, la valeur déclarée est toujours inférieure à la valeur réelle, attendu
que les employés de la douane ne peuvent en fait user que très rarement du
droit de préemption.
M. Smits vous a priés de
remarquer, messieurs, que le pauvre faisait un grand usage des objets dont vous
allez augmenter le prix, au profit exclusif du fabricant, et dans l’exposé de
motifs présenté à l’appui de la loi, le gouvernement ne vous a pas laisser
ignorer que certains articles de poterie, utiles aux fabriques du pays,
manquaient, qu’il y avait pénurie, que ces fabriques ne pouvaient se les
procurer assez vite dans le pays. Et c’est quand il y a pénurie d’un objet,
surcroît de commandes, que vous voudriez augmenter le droit dont il est frappé
!
L’honorable
préopinant appuie le maintien du premier vote sur ce qu’on aurait, selon lui,
discuté longuement et avec chaleur la résolution sur laquelle nous demandons à
la chambre de revenir. C’est une erreur ; les propositions de la section
centrale sur la poterie ont au contraire été adoptées en quelque sorte d’une
guerre lasse, résultant des longues discussions qui avaient eu lieu sur les
articles précédents du tarif.
Qu’on ne vienne donc pas
prétendre que la disposition dont on réclame en ce moment le maintien a été
discutée à fond car à vrai dire il n’y a pas eu de discussion.
M. Metz. - Je m’étonne réellement qu’on m’accuse de n’avoir
pas entendu les raisons dont M. Smits a appuyé son amendement. J’ai entendu de
la bouche de M. le ministre des finances la prétention des raisons avancées par
M. Smits. Je répète encore que je ne trouve aucune raison que je puisse saisir.
Que vous a-t-on donc dit que je n’aie déjà combattu à l’avance ? On a parlé
encore de vérification faite par M. Smits, mais j’ai dit que cette vérification
ne me semblait pas une raison concluante pour la chambre. Quand je disais qu’il
n’avait pas donné de raison, je n’entendais pas parler de celle qui peut
suffire à M. le ministre des finances mais non aux autres membres, pour les
faire revenir d’une décision prise.
Les objets, dit-on, sont au
greffe ; allez les vérifier. Mais cela ne répond pas au reproche que j’ai fait
à M. Smits de nous avoir jeté à l’improviste des calculs fondés sur des
expériences, sans nous donner le temps de nous assurer si les opérations sur
lesquelles il a fondé sa conviction sont exactes ; je ne parle ici que des
opérations mathématiques, je fais abstraction des objets sur lesquels il a
opéré.
C’est ainsi qu’on veut nous
surprendre. Je suis étonné que M. le ministre des finances et M. Smits aient la
prétention de substituer l’opinion de M. Smits seul à celle de la commission
qui a examiné l’amendement de M. Berger, qui, après avoir procédé avec tout le
soin que méritait l’industrie dont il s’agit, a reconnu que le droit proposé
par M. Berger, loin d’atteindre 16 p. c. n’équivaut qu’â 6 p. c. de la valeur.
Il faut ou qu’on n’ait pas voulu choisir les mêmes éléments, ou qu’on les ait à
dessein mis de côté.
Voyez
ce que disait la section centrale : Nous avons adopté le droit de 3 fr. par
kilog. qui revient à 6 p. c. de la valeur. Quand la section centrale abonde
dans le système du gouvernement après avoir fait ses vérifications, quand le
gouvernement a obtenu ce qu’il voulait de la section centrale et de la chambre,
voilà qu’il élève d’autres prétentions ; il n’est plus satisfait, il veut
encore réduire le droit d’un tiers. Au lieu de 6 p. c., ii veut qu’on l’abaisse
à 4 p. c.
Pour me résumer, je chercherai
de nouveau à éveiller la susceptibilité des membres de la chambre. Je répète
que les vérifications faites par M. Smits ne doivent pas nous toucher, ne
peuvent pas détruire celles faites par une commission de la chambre qui a
trouvé que le droit de 3 fr. par kilog. équivalait à 6 p. c. de la valeur.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne vois aucun élément de vérification indiqué
dans le rapport ; j’y trouve seulement l’assertion que le droit proposé
reviendrait à 6 p. c. Quant à la vérification faite par M. Smits, elle a été
très détaillée ; les échantillons sont déposés au bureau de la commission
d’industrie, on a pu en prendre connaissance.
Je ferai remarquer que ceux
qui ont soutenu que la perception devait se faire au poids, ont donné pour
motif que le droit actuel de 6 p. c. était illusoire, attendu que la péremption
n’était pas possible. Dès lors, le seul changement de mode de tarification doit
amener une majoration dans la perception du droit. Pourquoi après cela veut-on
encore augmenter démesurément le droit sur des objets qui sont particulièrement
à l’usage de la classe pauvre et de la classe moyenne de la société, et qui
sont employés aussi dans beaucoup d’usines ? Un autre motif pour ne pas
exagérer le droit sur ces objets, c’est que les transports et la caisse
entraînent des frais considérables quand ils viennent de loin. Ces différents
motifs me semblent devoir faire adopter l’amendement de M. Smits.
M. Dumortier. - Messieurs, l’article dont il s’agit est digne de
toute votre attention ; la faïence, la poterie commune, c’est un capital qu’on
produit avec de la terre. Quand on convertit de la terre en argent, on fait une
chose très avantageuse au pays. Sous ce point de vue, nous devons accorder à
cette industrie une attention particulière, car partout on se trouve de
l’argile, on peut faire de la poterie commune. Il n’y a pas de village si peu
important où on n’en fasse. Il est nécessaire de protéger cette industrie.
Je ferai remarquer que le
droit de 3 fr. est très peu considérable, c’est 3 centimes par kilog. Un objet
pesant 1/2 kilog. ne paierait donc que 1 1/2 centime. Je vous demande si on
peut trouver cela élevé.
J’ai vu les objets qui sont
déposes à la commission d’industrie : il y a des pots à fleurs : sans doute,
ils doivent entrer dans la poterie commune, mais c’est là la moindre production
de cette fabrication ; ce sent principalement les objets de ménage allant au
feu et dont on se sert dans les maisons de paysan.
Ces
objets-là ont une valeur un peu plus grande que la poterie commune. Que fait un
centime et demi par demi kilog. sur de tels objets ? Je ne pense pas que vous
puissiez admettre de rédaction sur ce droit.
Veuillez remarquer que la
France impose d’un droit de 6 fr. 60 c. cette même poterie que MM. Berger,
Zoude et d’Hoffschmidt vous proposent d’imposer seulement d’un droit de 3 fr.
Ainsi notre tarif présenterait une réduction de plus de 50 p. c. sur le tarif
français.
Je crois donc que la chambre
doit adopter à ce second vote la proposition que la section centrale lui a
faite et qu’elle a déjà adoptée au premier vote.
M. Smits. - Je ferai observer que la catégorie sur laquelle
j’ai fait mes vérifications ne contient pas que des pots de fleurs, mais 22
pièces de différentes espèces. C’est sur ces 22 pièces que j’ai obtenu la
moyenne que j’ai eu l’honneur d’indiquer à la chambre.
- L’amendement de M. Smits est
mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La proposition de la section
centrale relative à la poterie commune est mise aux voix et adoptée.
Faïences
M. le président. - La chambre passe aux articles suivants du tarif.
« Faïences en terre
commune, en pâte colorée, non décorées, par 100 kilog. Entrée 12 fr., sortie 60
cent.
« Idem décorées, par 100
kilog. Entrée 12 fr., sortie 60 cent. »
M. Dumortier. - Je crois devoir faire à M. le ministre des
finances une observation sur la modification introduite dans l’article en
discussion et qui consiste dans l’addition des mots « en pâte
décorée. »
Vous savez qu’il existe en
Angleterre, en France, en Prusse une espèce de faïence en pâte avec laquelle on
fait des théières, des pots à lait, des vases étrusques, etc. Je ne pense pas
que cette faïence doive entrer dans la catégorie des faïences dont il s’agit
maintenant.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je suis
d’accord avec l’honorable préopinant. La faïence dont il vient de parler entre
dans la catégorie à 18 fr. les 100 kilog.
J’aurais sur les articles en
discussion beaucoup d’observations à présenter. Mais comme je n’ai pas l’espoir
de faire triompher mon opinion, puisqu’on paraît décidé à adopter les chiffres
admis au premier vote, je m’abstiendrai de les présenter, pour ne pas faire
perdre du temps à la chambre.
M. Smits. - Je n’ai pas plus d’espoir que M. le ministre des
finances. Mais je ne puis m’empêcher de faire observer qu’il résulte de la
vérification minutieuse et consciencieuse à laquelle je me suis livré, qu’en
adoptant les chiffres proposés, vous imposeriez d’un droit de 21 p. c. la faïence
commune non décorée, et d’un droit de 30 p. c. la faïence décorée. Et ce qu’on
appelle ici décoration n’est vraiment qu’un barbouillage (on rit) ; je ne crois pas qu’on puisse appeler autrement la couleur
qu’on applique à la faïence commune.
Je fais cette observation pour
l’acquit de ma conscience.
Les échantillons sont ici ;
ils n’ont pas été vérifiés ; si cette vérification avait été faite, je suis
persuadé que la chambre se rangerait à cette opinion.
M. Dumortier. - Je n’ai pas fait la vérification dont parle
l’honorable membre. Mais je ferai une remarque, c’est que nos chiffres sont
inférieurs à ceux des pays voisins.
La faïence en terre commune
blanche décorée ou non décorée est frappée par le tarif français d’un droit de
53 fr. 90 centimes les cent kilog. D’après le tarif prussien la même faïence
décorée paie 36 fr. 96 centimes les cent kilog. La section centrale a proposé
12 fr., c’est-à-dire le tiers du droit fixé par le tarif prussien qui nous a
souvent été indiqué comme très modéré.
Ainsi je ne vois aucun motif
pour modifier le premier vote de la chambre.
M. Smits. - Je ne sais pas pourquoi on invoque toujours les
tarifs étrangers. Nous ne sommes pas en France. La France a un système
prohibitif ; nous avons un système libéral qui convient mieux à notre position.
Il faut donc renier notre système et entrer dans le système prohibitif.
Je demanderai à l’honorable M.
Dumortier qui a fait partie de la section centrale, si la section centrale a
procédé sur vérification, si elle a eu des preuves matérielles.
M. Dumortier. - La section centrale a eu beaucoup de preuves
matérielles.
M. Smits. - Quoi qu’il en soit, je maintiens ce que j’ai eu
l’honneur de dire, car j’en ai la conviction. Si vous adoptez les propositions
de la section centrale, la faïence commune non décorée paiera 21 fr. par 100
kilog. ; la faïence commune décorée paiera 30 fr. par 100 kilog.
M. Verdussen. - A l’instant même l’honorable M. Dumortier nous a
dit qu’il faudrait adopter les chiffres de la section centrale parce qu’il n’y
a aucun motif pour les modifier.
Eh bien, j’ai sous les yeux le
tableau comparatif présenté par la section centrale ii y a six mois ; et là je
trouve qu’on propose d’imposer à 8 fr. ce qui est imposé 2 fr. 50 c. par le
tarif prussien.
L’honorable M. Smits dit qu’il
résulte de sa vérification que le droit proposé équivaut à 16 p. c. de la valeur. La section centrale
dit qu’il résulte de sa vérification que le même droit équivaut à 6 p. c. de la
valeur. Il y a la même différence dans les résultats de la vérification pour
les articles suivants.
Pour la faïence commune, la
section centrale dit que les 10 fr. proposés par les honorables députés du
Luxembourg équivalent à 10 p. c. de la valeur. On réduit le droit à 10 fr. Si
10 fr. équivalent à 10 p. c., 8 fr. équivalent à 8 p. c. de la valeur.
Maintenant, ce qui représente selon la section centrale 8 p. c. de la valeur, représente
selon M. Smits 24 p. c. de la valeur. Remarquez que ce ne sont pas de petites
différences : d’une part 6 et 8 p. c., de l’autre 16 et 24 p. c. Si malgré ces
motifs de doute vous voulez maintenir le premier vote, je le veux bien ; mais
je demanderai à la chambre la permission de m’abstenir.
M. Berger. - Il faut convenir, messieurs, que la marche du
ministère est étrange. La France demande-t-elle donc ici une majoration telle
que la chambre paraît ne pouvoir la satisfaire lorsqu’elle veut voter une
réduction de droits : car la proposition de la section centrale tend à réduire
le droit de 12 fr. à 8, c’est-à-dire d’un tiers.
L’honorable M. Smits dit que
nous avons un système libéral, et la France un système restrictif, et que nous
ne suivons pas l’exemple de la France. Je ne sais pas quel système nous suivons
; mais je sais quel système nous devrions suivre.
Je pose en fait que pour ces
matières, si nous sommes dans la même position que la France, nous devrions
agir de même.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je trouve que
M. Berger a grand tort de se plaindre de l’insistance du gouvernement, car j’ai
dit tout à l’heure que je me tenais pour vaincu d’avance (on rit) et que je ne voulais pas prolonger la discussion.
L’honorable M. Berger ajoute
que la section centrale réduit le tarif actuel ; cela est vrai, mais seulement
pour la faïence la plus commune dont on n’importe pas, soit dit en passant. Le
droit est aujourd’hui uniforme et de 12 fr. ; or, on nous propose des
catégories, et tout à l’heure nous allons arriver à un droit de 27 fr. ; selon
le premier vote ; là sans doute il y aura une belle augmentation et qui
frappera, notez-le bien, sur les seuls articles qui soient principalement achetés
à l’étranger.
M. Dubus (aîné). - S’il y avait des dispositions dans le tarif
présenté qui dussent donner lieu à discussion, ce n’étaient pas celles-ci. Quel
est le droit actuel, quelle est la proposition du gouvernement, et quelle est
la proposition de la section centrale ? Vous verrez, messieurs, que la
proposition de la section centrale présenté les moindres chiffres. Le droit
actuel est de 6 florins par 100 kilog. sur toutes nos frontières, excepté la
frontière de France, et de 20 florins sur la frontière de France. Le
gouvernement propose 10 fr. pour la faïence en terre blanche, et 15 fr. pour la
faïence en terre de pipe décorée. La commission propose de réduire de 10 fr. à
8 fr. et de 15 fr. à 12 fr. les deux chiffres.
Je ne sais pas sur quoi nous
discutons, car la section centrale a proposé moins que le gouvernement.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - D’un côté, et
non de l’autre !
- Les deux articles concernant
les faïences en terre commune, décorées, sont adoptés.
M. le président. - On passe à la délibération sur les articles en
terre de pipe.
« Terre de pipe blanche :
18 fr. à l’entrée, 1/2 p. c. à la sortie.
« Terre de pipe décorée, 27
fr. à la sortie, ½ p. c. à la sortie. »
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je voudrais
qu’on dît :
« Faïences en terre de
pipe blanches...
« Faïences en pâte
blanches, décorées ou non décorées… »
M. Smits. - Il faudrait encore ajouter : « en terre
ferrugineuse. »
Les Anglais fabriquent une
faïence avec cette terre, en y mêlant un peu de verre ; et elle est très
transparente.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je crois que
cette addition est inutile. Le libellé est général, il comprendra cette faïence
fine ainsi que toutes celles que l’industrie parviendra encore à fabriquer avec
d’autres subsistances. Cela est préférable à des désignations spéciales.
M. Smits. - On a entassé sur cet articles erreur sur erreur,
et j’aurais été bien aise de les combattre. J’aurais cherché à vous démontrer
que sans utilité, sans nécessité, nous allions encore une fois blesser une
puissance amie, l’Angleterre ; mais le vote ayant commencé, je n’insisterai
plus.
- Les deux articles concernant
les faïences fines sont mis aux voix et adoptés.
Porcelaines
« Porcelaines blanches ou
teintes, 60 fr. à l’entrée, 1 p. c. à la sortie.
« Porcelaines peintes ou
dorées, 80 fr. à l’entrée, 1 p. c. à la sortie. »
- Ces articles sont adoptés
sans discussion.
Creusets
« Creusets : 1 p. c. à la
valeur, à l’entrée ; 2 p. c. à la sortie.
- Adopté sans discussion.
L’ensemble des articles
concernant les objets de terre est mis aux voix et adopté.
Ardoises
M. le président. - « Pierres. Ardoises pour toiture sans
distinction d’origine, polices, à écrire ou encadrées (comme mercerie), les
1,000 kil. 5 fr. à l’entrée, 20 c. à la sortie.
« Le gouvernement est
autorisé à permettre le transit par la Meuse et la Sambre, des ardoises de
France, aux mêmes droits auxquels le gouvernement français admet le transit des
ardoises belges par le Semois et par la Meuse. »
- Adopté sans discussion.
M. le président. - « Produits chimiques.
« Acide hydrochlorique,
les 100 kil. 8 fr. à l’entrée ; acide sulfurique, 15 fr. à l’entrée ; acide
nitrique, 40 fr. à l’entrée.
« Autres produits
chimiques non spécialement tarifés, 5 p. c. à la valeur.
« Plus, une somme égale à
la prime accordée à la sortie dans le pays de provenance : pour la sortie de
ces objets, 1 p. c. »
M. Zoude. - Je voudrais qu’on ajournât la discussion de cet
article ; j’ai des renseignements à prendre.
M. Verdussen. - Quoi que je n’aie pas plus que M. le ministre des
finances l’espoir de réussir, je me permettrai de faire une remarque.
On a dit, dans la première
discussion, et l’on a répété à satiété, que l’on voulait des droits modérés ;
je demanderai si 300 p. c., ou trois fois la valeur, forment un droit modéré ?
Dans
la première discussion, on a dit pour l’acide nitrique que son prix s’élevait à
64 fr. les 100 kil. et qu’il y avait restitution de droits de 53 fr., de
manière que celui qui achète ce produit en France ne le paie que 11 fr. par 100
kil ; rendu chez lui ; c’est-à-dire qu’il est à peu près de 400 p. c. : si
c’est là un droit modéré, je vous avoue, messieurs, que je ne sais plus ce
qu’il faudrait faire pour en trouver un qui ne le fût pas. Quant à moi, je
crois que le droit dont il s’agit devrait, au moins, être réduit au huitième,
c’est-à-dire à 5 fr., ce qui reviendrait encore à 40 ou 50 p. c. de la valeur.
On a dit, il y a six mois, que
le même produit coûte en Belgique 100 fr. les 100 kil. ; est-il raisonnable,
messieurs, d’imposer un objet de manière que celui qui en a besoin doive le
payer 100 fr., tandis que la valeur réelle n’est que de 11 fr. ? N’est-ce pas
là, messieurs, sacrifier les industriels qui font usage du produit dont il
s’agit ? Je vous avoue, messieurs, que je ne conçois rien à un pareil système.
M. Coghen. - Messieurs, il y a manifestement erreur dans
l’assertion de l’honorable M. Verdussen ; on ne peut pas se procurer l’acide
nitrique à 11 fr., le prix en est partout d’environ 100 fr. les 100 kil. ;
seulement, par la prime d’exportation considérable que la France accorde sur ce
produit, le prix serait beaucoup moindre en Belgique si nous le laissions
entrer sans un droit élevé ; mais si des gouvernements étrangers accordent une
semblable faveur à leur industrie, devons-nous permettre que la nôtre en soit
accablée et anéantie ? Eh bien, messieurs, je vous déclare que si le système de
l’honorable M. Verdussen pouvait triompher, toutes les fabriques d’acide
nitrique qui existent en Belgique seraient fermées dès demain.
- La disposition qui impose
l’acide hydrochlorique à 8 francs les 100 kilog. est mise aux voix et adoptée.
L’article acide sulfurique,
avec le droit de 15 francs pour 100 kilog. est également mise aux voix et
adopté.
L’amendement de M. Verdussen
relatif à l’acide nitrique est appuyé.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Il me semble
que M. Verdussen devrait modifier son amendement, par suite de la disposition
qui vient d’être adoptée. En effet, on ne peut pas fixer le droit sur l’acide
nitrique à 5 francs, lorsqu’on l’a fixé à 8 francs pour l’acide hydrochlorique,
qui n’a pour ainsi dire aucune espèce de valeur, puisqu’il y a une fabrique aux
environs de Bruxelles qui, la plupart du temps, le laisse couler dans le canal.
Il faudrait donc élever le
chiffre proposer par l’honorable M. Verdussen, à 20 fr., par exemple, afin
qu’il fût en rapport avec celui de 8 fr. qui vient d’être adopté pour l’acide
hydrochlorique, et avec celui de 15 fr. fixé pour l’acide sulfurique.
Du reste, messieurs, il y a
ici une vérification à faire à l’égard des allégations contraires qui ont été
émises par les honorables MM. Verdussen et Coghen ; je pense que l’honorable M.
Zoude serait à même de nous faire connaître la valeur exacte de l’acide
nitrique.
M. Zoude. - Je possède, en effet, des documents qui contiennent
les renseignements les plus exacts sur cette question ; mais comme je ne
m’attendais pas à ce que la chambre s’occupât aujourd’hui des acides, je n’ai
pas ces documents avec moi ; si l’on veut remettre à demain le vote sur
l’article dont il s’agit, je serai alors à même de répondre à toutes les
questions qui pourraient m’être adressées à cet égard.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je demande
donc que la chambre remettre à demain la discussion de cet objet, car, quoique
les fabriques indigènes d’acide nitrique doivent être protégées, il ne faut pas
pour cela frapper ce produit d’un droit qui pourrait être ridicule, et le droit
de 40 fr. par 100 kil. le serait en effet si le prix qui a été indiqué par
l’honorable M. Verdussen était exact. Je pense donc qu’il sera prudent
d’entendre M. Zoude, avant de nous prononcer sur cet objet, d’autant plus que
les renseignements qui ont été pris par cet honorable membre, comme président
de la commission d’industrie, méritent toute confiance.
- L’ajournement à demain est
mis aux voix et adopté.
Tissus,
toiles et étoffes
M. le président. - On passe à l’article : Tissus, toiles et étoffes.
Le gouvernement avait proposé
la disposition suivante :
« Tissus
« Tissus, toiles et étoffes.
« Tulles de coton écrus, unis et brochés (à la valeur) (f) : droit
d’entrée : 6 p. c. ; droit de sortie : 1/4 p. c.
« Tulles de coton blanchis et brochés (à la valeur) : droit d’entrée : 6
p. c. ; droit de sortie : 1/4 p. c.
« Tulles de coton brodés (à la valeur) : droit d’entrée : 6 p. c. ;
droit de sortie : 1/4 p. c.
« Batistes (f) (par kilog.) : droit d’entrée : 5 00 ; droit de sortie :
0 40.
« Tissus de soie, de toute espèce, tel que satin, taffetas, velours de
soie, rubans et autres (à l’exception des foulards écrus tarifés spécialement)
(par kilog.) (f) : droit d’entrée : 5 00 ; droit de sortie : 0 40.
« (f) Le droit sera perçu sur le poids brut
diminué seulement de la tare légale accordée pour l’emballage extérieur de la
marchandise sans aucune déduction pour les planches ou rouleaux à l’intérieur
des colis ou sur lesquels les étoffes, rubans, etc. se trouveraient roulés.
L’on n’admettra point en transit, soit à l’entrée, soit à l’entrepôt, soit à la
sortie, des tissus qui seraient trouvés contenir des rouleaux, planches ou
autres emballages intérieurs d’un poids supérieur à 2 p. c ; de celui des
tissus. Dans ce cas, le droit d’entrée sera appliqué à toute la partie
déclarée, sans compensation des autres droits déjà acquittés pour le
transit. »
Au premier vote, la chambre a fixé le droit d’entrée à 8 p. c. sur le
premier article, à 12 sur le deuxième, à 15 p. c. sur le troisième, et le droit
de sortie sur tous les trois à 1 p. c. ; pour le quatrième et le cinquième article,
elle a admis la proposition du gouvernement, et elle a adopté un article
supplémentaire qui impose le fil de coton retors à faire tulle de 5 fr ; par
100 kil. à l’entrée et de 40 c. par 100 kil. à la sortie.
M. Zoude demande que la
discussion soit également remise à demain, afin qu’il ait le temps de consulter
des documents qu’il possède et qui renferme des renseignements qu’il sera utile
à la chambre de connaître.
Plusieurs membres. - On peut toujours commencer la discussion.
- L’ajournement à demain est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La discussion est ouverte sur ce qui concerne les tulles.
M. Verdussen. - Vous savez, messieurs, que le gouvernement avait proposé un droit
uniforme pour les tulles écrus, les tulles blanchis et les tulles brodés,
contrairement à l’opinion de la section centrale, qui demandait une diminution
de 2 fr. sur les tulles écrus, et une augmentation de 2 fr. sur les tulles
brodés ; je m’occuperai plus tard de ce dernier objet, et je ne parlerai pour
le moment que de la différence qui a été admise entre les tulles écrus et les
tulles blanchis.
J’ai toujours envisagé et j’envisage encore aujourd’hui le tulle blanc
comme une matière première ; je sais qu’il y a des contestations à cet égard,
et il suffit de lire les pétitions qui nous ont été présentées dans des sens
différents, pour voir combien ces contestations sont vives. Pourtant,
messieurs, il y a ici une chose étrange ; il ne s’agit que d’établir un fait : nous
disons, nous, que malheureusement nos blanchisseries de tulle n’ont pas encore
atteint la perfection à laquelle sont parvenues les blanchisseries anglaises,
tandis que nos adversaires soutiennent que le blanc belge peut à tous égards
remplacer le blanc anglais ; cela est-il vrai, cela est-il faux ? C’est là que
gît toute la question ; et, pour se faire une conviction, où s’est-on adressé ?
On s’est adressé, d’une part, aux blanchisseurs belges, et, d’autre part, aux
négociants de tulles qui disent qu’ils ne sauraient se passer du blanc anglais
pour pouvoir soutenir en Amérique la concurrence avec les autres pays. Il me
paraît, messieurs, que quand on demande des renseignements à une personne et
qu’elle certifie des faits dont l’existence est contraire à ses intérêts, on
peut l’en croire sur parole, mais qu’il n’en est pas de même lorsqu’une
personne cite des faits à l’existence desquels elle est intéressée. Eh bien !
messieurs, on s’est donc adressé, d’une part, aux blanchisseurs belges, et on
leur a dit : « Votre blanc est-il aussi bon que le blanc anglais ? »
On était sûr d’avance de la réponse qu’on allait recevoir ; car, certes, on ne
pouvait pas avoir la bonhomie de croire que ces blanchisseurs auraient dit :
« Notre blanc ne vaut rien. » Nous pouvons donc, tout au moins,
douter de la vérité des assertions des blanchisseurs.
Il en est autrement, messieurs, des négociants en tulles ; ceux-là n’ont
aucun intérêt à ne pas s’approvisionner dans les établissements belges, et à
préférer le blanc anglais ; au contraire, ils seraient fort heureux s’il leur
était possible de se fournir exclusivement chez les blanchisseurs belges, car
les tulles blanchis en Belgique reviennent à beaucoup meilleur compte que ceux
qui sont blanchis en Angleterre, et cela sous huit rapports différents.
En second lieu, l’emballage des tulles blancs est beaucoup plus coûteux
que celui des tulles écrus.
Par conséquent ce sont encore des frais à supporter par celui qui fait
venir du tulle blanc de l’Angleterre.
En troisième lieu, il n’y a pas de frais de transport à payer, lorsqu’on
achète le tulle blanc dans les établissements indigènes. Ensuite le droit
d’entrée qu’il faut payer est beaucoup plus élevé sur le tulle blanc que sur le
tulle écru ; encore une perte à essuyer par celui qui veut faire venir du tulle
blanc de l’Angleterre.
Le tulle blanc que l’on fait venir de l’Angleterre
doit nécessairement souffrir dans le transport ; il doit perdre en partie sa
fraîcheur, et nous avons vu, d’après les pétitions qui nous ont été distribuées,
que ceux qui faisaient venir du tulle blanc de l’Angleterre étaient exposés à
voir détériorer singulièrement leur marchandise.
Enfin, messieurs pour être à l’abri des désagréments qui pourraient
arriver en route, on est obligé de faire assurer le tulle blanc venant
d’Angleterre, c’est ce qui est beaucoup moins nécessaire pour le tulle écru.
Je pense, messieurs, que sans aborder la grave question de savoir si le
blanc anglais est supérieur au blanc belge ; je pense, dis-je, que la seule considération
que ceux qui ont demandé un droit uniforme ne pouvaient avoir d’autre motif que
l’intérêt de leur industrie, est suffisante pour faire croire que la vérité est
de leur côté. (La clôture ! la clôture !)
M. de Foere. - Messieurs, vous n’avez entendu qu’un orateur, et cet orateur a parlé
contre ; la chambre sera sans doute disposée entendre un orateur pour. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
« Tissus, toiles et étoffes.
« Tulles de coton écru, unis et brochés, 100 kilog., à la valeur :
droit d’entrée : 8 p. c. »
- Adopté.
« Tulles de coton blanchis, unis et brochés, 100 kilog., à la valeur :
droit d’entrée : 12 p. c. »
- Adopté.
« Tulles de coton brodés, 100 kil., à la valeur : droit d’entrée : 15 p.
c. »
- Adopté.
« Droit de sortie sur ces trois articles : 1 p. c. »
« Batistes (par kilog.) : droit d’entrée : 5 fr. ; droit de sortie : 40
c. »
- Adopté.
« Fil de coton retors à faire tulle, 5 fr. par 100 kilog., 40 c. à la sortie. »
- Sur la proposition de M. Desmet, à laquelle se rallie M. le ministre des finances, cet article est
adopté avec la rédaction suivante :
« Fil de coton retors à faire tulle n°144 et
au-dessus : droit d’entrée 5 fr. par 100 kilog., 40 c. à la sortie. »
« Tissus de soie, de toute espèce, tel que satin, taffetas, velours de
soie, rubans et autres (à l’exception des foulards écrus tarifés spécialement)
: droit d’entrée : 5 fr. par kilog., 40 c. à la sortie. »
- Adopté.
Verreries
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’article verreries est
trop important pour qu’on puisse l’aborder en ce moment. Il y a beaucoup de
membres absents qui ne s’attendaient certainement pas à ce qu’on arriverait jusqu’à
cet article aujourd’hui. Il serait donc convenable de l’ajourner demain. Nous
sommes dans l’intention de soutenir la disposition de principe, qui a été
primitivement proposée par le gouvernement ; mais nous désirons aussi que la
partie adverse soit présente, pour pouvoir appuyer son opinion.
- La proposition de M. le ministre des finances, tendant à remettre à
demain la discussion de l’article verreries, est adoptée.
Sur la motion de M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux)., la chambre décide qu’elle
s’occupera demain des deux questions suivantes :
« 1° La prohibition sera-t-elle levée ou
maintenue, quant aux verreries ? »
« 2° Quel sera, en cas de la levée de la prohibition,
le taux du droit suivant les diverses catégories ? »
- La séance est levée 4 heures.