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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 octobre
1837
Sommaire
1) Déclaration d’option électorale (Rogier)
2) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative aux droits sur le houblon (Desmet)
3) Projets de loi portant des modifications au
budget du département de la justice pour 1836 et 1837
4) Projet de loi portant des modifications au
tarif des douanes. (Politique commerciale du gouvernement et négociations
commerciales avec la France) Second vote. Bas et bonneteries (coton, laine ou
lin) (Smits, Desmet, Smits, Dumortier, de Theux, de Langhe, Dubus (aîné), Verdussen, Rogier, Dumortier, Desmaisières, Smits, Gendebien)
5)
Proposition de loi tendant à augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire
(Verhaegen)
(Moniteur belge n°293, du 20 octobre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
M. Rogier, qui a été élu membre de la chambre par les districts
d’Anvers et de Turnhout, écrit qu’il opte pour Anvers.
- Pris pour notification.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des cultivateurs de houblons d’Alost et
d’une partie du Brabant demandent que cette branche d’industrie soit comprise
dans le traité de commerce à conclure avec la France, pour obtenir une
réduction sur les droits dont ses produits sont frappés à l’entrée en
France. »
________________
« La députation
provinciale de la Flandre orientale demande que la chambre s’occupe de la loi
relative aux indemnités. »
________________
« Le sieur Mathias Miller, laboureur à
Wallendorf (Prusse), propriétaire d’une carrière de plâtre, située dans une
parcelle de terrain détachée et réunie à la commune de Reisdorf (Luxembourg),
demande que la chambre décide par une loi que les produits de cette carrière
sont libres à la sortie. »
________________
« L’administration communale de la ville
de Mons demande que les sommes à payer par les villes, du chef des pillages et
des dévastations qui y ont été commis pendant la révolution, soient portées au
budget de l’Etat. »
________________
« Le conseil communal de la ville de Gand
demande que la chambre adopte une disposition qui modifie l’article 619 du code
de commerce, relatif à la nomination des juges des tribunaux de commerce, et
que cette nomination soit abandonnée à l’élection directe par les
négociants. »
________________
« L’administration communale de Bunde (Limbourg)
demande que cette commune soit débarrassée du paiement des intérêts d’un
capital de 4,145 fr., employé à payer les frais de réparation à la route de
Maestricht à Venloo, et que le gouvernement prenne à sa charge ledit
capital. »
« Même demande de la
commune de Hauthem. »
________________
« Des propriétaires de prairies de Haelen
et communes environnantes (district de Ruremonde) demandent que les
dispositions existantes sur la sortie du foin soient maintenues. »
________________
« Des propriétaires de quatre journaux
belges adressent des observations contre le projet de loi relatif au nouveau
tarif du timbre des journaux. »
________________
« Les fabricants de tulles de Liége
adressent des observations sur les modifications proposées au tarif des douanes
concernant les tulles. »
« Même pétition des
fabricants de Lierre. »
________________
« Le sieur Zani de Ferranti, attaché à la
musique particulière du Roi et au conservatoire de musique de Bruxelles, né en
Italie et habitant la Belgique depuis 10 ans, demande la naturalisation. »
« Le sieur A.
Tschuschner, né en Bohème et habitant la Belgique depuis 1817, demande la
naturalisation. »
« Le sieur Jean-Baptiste
Mullet, né à St-Jinant (France), domicilié en Belgique depuis 1828, demande la
naturalisation. »
« Le sieur Théodore
Jolly, professeur émérite à l’académie de Paris et en dernier lien professeur
en philosophie à l’université libre de Bruxelles, demande la
naturalisation. »
« Le sieur Gichtenaere,
né en France, habitant la Belgique depuis 1810, demande la
naturalisation. »
« Le sieur Jacques Tox,
cultivateur à Bergen (Limbourg), né en Prusse, habitant la Belgique depuis
1810, demande la naturalisation. »
« Le sieur J. Bauzegex,
né en Suisse, habitant la Belgique depuis 1825, demande la naturalisation. »
« Le sieur Christian
Thiédé, né à Stralsund (Allemagne), habitant la Belgique depuis 1817, demande
la naturalisation. »
« Le sieur Bosch,
essayeur du bureau de garantie à Arlon, né en Hollande, habitant la Belgique
depuis 1822, demande la naturalisation. »
« Le sieur J. Duchêne,
capitaine commandant le 7ème escadron du 2ème régiment de lanciers, né en
France, demande la naturalisation. »
« Le sieur Lambert van
Stippend-Gontier, curé à Ophoven (Limbourg), né en Hollande, demande la
naturalisation. »
« Le sieur Jos. Bégasse,
habitant Liège, déclare convertir sa demande en grande naturalisation en une
demande de naturalisation ordinaire. »
________________
« Des habitants de la commune de Londerzeel
(Brabant) demandent le maintien de la loi électorale et du cens
électoral. »
« Les membres du conseil
communal d’Aubel, à Liège, demandent le maintien du cens électoral. »
« Le conseil communal
d’Ixelles demande l’uniformité du cens électoral. »
« Des propriétaires
électeurs de la commune d’Ixelles réclament contre la pétition de la régence de
cette commune qui demandait l’uniformité du cens électoral. »
« L’administration
communale d’Huysse demande l’uniformité du cens électoral polir tout le royaume.
»
« L’administration
communale de Lessines demande la réforme de la loi électorale. »
« Le conseil communal de
la ville de Charleroy demande l’uniformité du cens électoral. »
________________
- Sur la demande de M. Desmet., la
chambre décide que la pétition concernant la culture du houblon sera insérée au
Moniteur, et qu’elle sera comprise dans le premier rapport que fera la
commission.
________________
Les pétitions relatives aux
modifications à introduire au tarif des douanes seront déposées sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi concernant cet objet.
Les demandes en naturalisation
sont renvoyées à M. le ministre de la justice.
La pétition du sieur Bégasse,
qui convertit sa demande en grande naturalisation en une demande de
naturalisation ordinaire, est renvoyée à la commission des naturalisations.
Les autres requêtes sont
renvoyées à la commission des pétitions.
_________________
Il est fait hommage à la
chambre :
1° d’un volume de la
Collection des chroniques Belges inédites, publiée par la commission royale
d’histoire.
2° d’un spécimen de la
nouvelle carte topographique de la Belgique, dressée par les soins de M.
Vandermaelen, sous la direction de M. Gérard, inspecteur du cadastre à Gand.
3° d’un exemplaire du Manuel
de Justice militaire, par P.-A.-F. Gérard.
- Ces objets seront déposés à
la bibliothèque.
________________
MM. Brabant, Desmanet de
Biesme, de Nef, Devaux, Rogier et Wallaert, qui ont été admis, comme membres de
la chambre, dans une séance précédente, prêtent serment.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst) dépose sur le bureau deux
projets de loi relatifs, l’un, à un transfert au budget de 1836, et l’autre, à
un crédit supplémentaire pour l’exercice 1837.
- La chambre en ordonne
l’impression et la distribution, et, sur la proposition de M. le ministre, elle
les renvoie à l’examen de la section centrale du budget de la justice,
considérée comme commission.
Projet de loi portant des modifications au Tarif des douanes
Second vote des modifications apportées au tableau du
tarif
Bas et bonneteries
M. le président. - La discussion est ouverte sur le premier article
du tarif : bas et bonneteries.
Le gouvernement avait proposé un
droit uniforme de 10 p.c. à l’entrée et d’1/2 p. c. à la sortie.
La chambre a provisoirement
adopté la proposition suivante :
« Coton.
« Gilets, manches,
jupons, bretelles et caleçons ; droit d’entrée à la valeur, 2 p. c.
« Bas, chaussettes,
bonnets ; droit d’entrée à la valeur, 4 p. c.
« Idem, lorsque le poids
de la douzaine est inférieur à 5 hectogrammes ; droit d’entrée à la valeur, 8
p. c.
« Gants et mitaines ;
droit d’entrée à la valeur, 10 p. c.
« Laine.
« Echarpes ; droit
d’entrée à la valeur, 2 p. c.
« Gilets, manches,
camisoles, chemises, robes, jupons, caleçons, pantalons ; droit d’entrée à la
valeur, 4 p. c.
« Gants, mitaines,
chaussons, calottes ; droit d’entrée à la valeur, 5 p. c.
« Bas, chaussettes,
bonnets ; droit d’entrée à la valeur, 6 p.c.
« Lin.
« Bas, chaussettes, gants
; droit d’entrée à la valeur, 5 p. c. »
Le droit de sortie, pour tous
ces articles, est de 1/2 p.c. de la valeur.
M. Smits. - Messieurs, lors de la première discussion qui a eu
lieu sur l’article qui nous occupe, l’honorable M. Dubus a demandé si c’était
une loi allemande, ou française, ou anglaise que nous faisions ; nous lui avons
répondu que c’était une loi belge ; mais que nous la voulions, en harmonie avec
les intérêts de tous, favorable aux intérêts des fabricants, comme des
consommateurs, et en rapport avec les principes généraux de notre code des
douanes. Nous soutenions que cette harmonie subsistait par l’adoption du projet
du gouvernement, qui était de réduire le droit sur les bonneteries à 10 p. c.,
et qu’elle ne subsistait pas par la tarification au poids proposée par la
section centrale, et qui, d’après elle, devait rester dans la limite de 15 p.
c.
Notre opinion, messieurs, ne
prévalut pas alors. Depuis, nous avons pu nous livrer à des investigations
nouvelles et à des vérifications sur le tarif qui a été adopté par la chambre :
et il en est résulté que le droit, au lieu d’être de 15 p. c., excédait
beaucoup cette somme ; qu’il y avait même des articles qui se trouveraient
taxés à 74 p. c.
Avant d’arriver à la
démonstration de ce fait, qui ressort d’ailleurs du tableau qui vous a été
fourni aujourd’hui même par le gouvernement, il importe de vous rappeler que
dans la proposition qui vous a été faite par le gouvernement, il s’agissait uniquement
de replacer la France dans le droit commun, c’est-à-dire, d’ôter la surtaxe qui
pèse sur ses produits et qui blesse plutôt sa dignité que ses intérêts. Or,
messieurs, que fallait-il faire pour cela ? C’était évidemment de rétablir
l’ancien droit de 10 p. c, qui existait avant l’arrêté de 1823.
On objectera peut-être qu’il
fallait majorer ce droit, parce qu’on devait tenir compte des intérêts nouveaux
qui avaient surgi depuis l’arrêté que je viens de citer. Mais, messieurs, cette
objection n’est pas applicable à l’article des bonneteries ; car la fabrication
des bonneteries est aussi ancienne que le pays ; conséquemment des intérêts
nouveaux n’ont pu surgir depuis 1823. D’ailleurs, la chambre de commerce de
Tournay a reconnu elle-même que la Saxe produisait à 5 p. c. à meilleur compte
que la France ; donc, si 10 p. c. de droit ont toujours suffi contre la Saxe, à
plus forte raison ce droit de 10 p. c. doit-il suffire contre la France.
Ne perdons pas de vue non plus
que notre pays est un pays de frontières, que sur neuf provinces huit sont
frontières, que la fraude y est très facile, et que conséquemment nous sommes
dans la nécessité d’adopter un tarif modéré de droit : un système restrictif
est impossible. Cette nécessité de nous tenir dans un tarif modéré est d’autant
plus indispensable pour le tarif qui nous occupe que la prime de fraude semble
être très légère.
On a dit, lors de la première
discussion précédente, que cette prime était de 13 p. c. ; j’ai peine à croire
qu’elle atteint ce taux, parce que, d’un autre côté, on a reconnu que la prime
de fraude pour les draps était de 9 p. c. Or, si la prime de fraude est de 9 p.
c. pour les draps, elle doit être moindre encore pour l’article des
bonneteries, qui est d’une importation beaucoup plus facile.
Mais, a-t-on dit, il ne faut
pas seulement élever le droit contre la France, il faut l’élever également
contre la Saxe et contre tous les autres pays de production. Messieurs, à ce
langage on croirait véritablement que le pays est inondé de produits étrangers
; mats qu’est-ce donc que l’importation en articles de bonneterie ? Une
importation qui, année commune, ne s’élève qu’à une somme de 5 à 600,000
francs. Cette importation est insignifiante puisqu’il est permis de poser en
fait que la consommation des articles de bonneterie, qui sont d’un usage
général et de toutes les saisons, excède une somme de trente millions ; car, en
calculant seulement la consommation individuelle à raison de 10 francs par
personne, et certainement ce calcul n’est pas exagéré, vous aurez, pour une
population de 4 millions et demi d’habitants, une somme de 4 millions. On vous
a déjà, messieurs, présenté ce rapprochement et si je le reproduis, c’est parce
qu’il me semble déterminant et qu’il me paraît indiquer que l’industrie nationale
n’a rien à redouter pour cet article de la fabrication étrangère, d’autant
moins que nous exportons pour la moitié de la valeur de nos importations vers
les pays étrangers, ce qui prouve que nous pouvons concourir avec les étrangers
sur les marchés étrangers.
Nos adversaires ont
parfaitement compris la puissance de ces chiffres ; aussi ont-ils tout fait
pour les renverser ; mais ils auront beau faire, ils ne pourront jamais sortir
de ce dilemme : ou l’importation de l’article des bonneteries n’excède pas la
somme de 6 à 700.000 fr., et alors l’importation est insignifiante ; ou bien
elle excède cette somme, et alors le droit ne se paie pas, la fraude s’en mêle,
donc il y a nécessité de restreindre le droit plutôt que de l’augmenter.
On a encore signalé comme un
mal immense l’augmentation successive des importations ; mais cette
augmentation successive, dont on s’est fait un fantôme, est si peu à craindre
que déjà elle a disparu en 1836 ; car je trouve que l’importation pour la
consommation n’a pas excédé la somme de 572,000 fr. pour cette année. Au
surplus, cette augmentation des importations pendant les premières années qui
ont suivi la révolution, s’explique très facilement, puisque ce n’est
réellement qu’en 1833, que l’administration des douanes a pu déployer cette
sévérité qu’elle met aujourd’hui dans le recouvrement des droits. Ensuite,
notre commerce a grandi, nos échanges sont augmentés, et vous savez, messieurs,
que là où les échanges augmentent, il y a plus d’exportations et par conséquent
plus d’importations. Il y a en outre une autre remarque à faire pour l’article
qui nous occupe : c’est que la mode des gants de coton s’était introduite et
que cet article est entré pour beaucoup dans les importations qui ont été
signalées comme excessives.
La fabrication souffre, disent
nos adversaires, et si vous n’augmentez pas le droit, vous écraserez
l’industrie nationale : mais, messieurs, l’industrie nationale, pour l’article
des bonneteries, a toujours lutté avec l’étranger, et la preuve en est dans
l’insignifiance des importations et dans la valeur relative de nos
exportations. Et quand il serait vrai que la fabrication souffre, ce que je
conteste, est-ce de la part de la France qu’il faut redouter la concurrence ?
Avant 1814, le Hainaut ne fournissait-il pas cette même France ? Depuis 1814,
l’industrie française a-t-elle été en tel progrès qu’il faille la craindre
aujourd’hui ? Et puis notre industrie est-elle restée stationnaire ? Je ne puis
le croire pour l’honneur de nos manufactures. Peut-être, messieurs, nos
adversaires voudront-ils bien tomber d’accord avec nous sur ce dernier point.
Mais ici ils présentent une
grande objection. Ils disent : Nous voulons bien lutter avec la France, mais
nous ne pouvons pas soutenir sa concurrence dans l’état actuel, attendu que la
législation française accorde une prime à l’article des tissus.
Nous avons déjà démontré, dans
la discussion précédente, que cette prime n’existait pas, que ce n’était qu’une
restitution des droits sur les matières premières ; qu’il fallait bien tenir
compte aux fabricants des droits qu’ils avaient payés ; que sans cela, la
concurrence pour eux eût été impossible sur les marchés étrangers.
Je ne reproduirai plus pour le
moment les arguments que j’ai fait valoir alors. J’avouerai, au contraire, que
j’aurais été assez incliné à accorder une légère augmentation sur le droit de
10 p. c. ; mais en conscience, je ne puis et l’on ne peut adopter le tarif qui
a été proposé par la section centrale. Car, ainsi que je le disais en
commençant, il résulte du tableau qui a été fourni par le gouvernement que le
droit, loin d’atteindre le chiffre de 15 p. c. dépasse ce chiffre de beaucoup,
tellement qu’il a des articles qui sont taxés 20, 30, 40, 50 et même 70 p. c. ;
je vous prie de remarquer, messieurs, que nous n’avons pas fait des essais sur
les qualités les plus communes, mais sur les qualités intermédiaires sur celles
qui sont le plus en usage. Je pense donc que d’après les résultats du tableau
dont il est question, la chambre doit en revenir au chiffre qui vous a été
proposé par le gouvernement, c’est-à-dire au droit de 10 p. c. ad valorem. Je
sais qu’il y eût eu quelque avantage à établir la tarification au poids, elle
prévient plus facilement la fraude, mais je soutiens d’un autre côté que la
tarification à la valeur est beaucoup plus juste et plus équitable.
Il
me suffira de citer un seul exemple. Je suppose un article tarifé au poids de
D’après ces considérations
sommaires, je donne mon assentiment au système qui vous a été proposé par le
gouvernement, et je repousserai celui de la section centrale, comme allant
au-delà du but qu’elle a voulu atteindre.
M. Desmet. - Je me suis empressé de demander la parole pour
faire connaître à la chambre que l’honorable M. Smits vient de l’induire en
erreur, et que les deux points principaux sur lesquels il a basé son discours
pour engager la chambre à revenir du premier vote qu’elle a émis sur le mode de
la perception des droits sur l’article de la bonneterie sont absolument faux et
erronés.
D’abord il est venu faire
usage d’un tableau que le département de l’intérieur a seulement fait
distribuer au moment de l’ouverture de la séance, tableau qui contient de
nouvelles pesées et d’autres prix des objets de bonneterie qui figurent dans le
tarif ; et qui, comme on ne peut en douter, a été fait pour donner un démenti à
la section centrale et critiquer son travail.
Vous devez sentir comme moi
combien il est inconvenant de la manière que la distribution de ce tableau a
été faite ; les exemplaires doivent être imprimés depuis quelques jours, car
ils sont au greffe de la chambre depuis hier matin ; on a encore fait des
distributions d’autres pièces dans la journée d’hier, et le fameux tableau de
l’honorable M. Smits a été réservé jusqu’au dernier moment que la séance allait
s’ouvrir. C’est surtout inconvenant que ce soit sur la proposition du chef du
département d’où nous est arrivé ce tableau que le jour de la discussion a été
fixé à aujourd’hui. Il pouvait donc savoir que son tableau aurait été prêt à
temps pour être distribué aux membres quelques jours avant la discussion, afin
de le pouvoir examiner.
Quand on m’a remis cette pièce
je me suis empressé de me rendre dans une des principales boutiques de
bonneteries de la ville, pour m’assurer de l’exactitude du tableau, et quoi que
je n’aie pas eu assez de temps pour en faire la vérification en entier, dans le
peu d’articles que j’ai examinés, j’ai de suite pu m’assurer qu’il était tout à
fait fautif, et qu’il contenait des erreurs de prix qui étaient justement en
faveur de l’argumentation que l’honorable M. Smits vient de tenir.
En vérifiant l’article des
gilets, j’en ai justement trouvé une douzaine qui avait le même poids qu’un des
numéros du tableau, c’était celui qui y est désigné comme pesant 3 kil. 92
décagrammes. Et voulez-vous savoir, messieurs, quel est le prix de ce numéro de
gilets ? il est de 57 francs la douzaine, et dans le tableau il figure pour 48
francs. Je peux ici vous assurer que ce prix est très exact, et que les autres
détaillants de la ville se trouvent dans l’impossibilité de vous en indiquer un
qui soit moins élevé.
Ainsi donc, voilà une
différence de 9 francs. Jugez d’après cela du reste du tableau. Il est facile
d’argumenter quand on cote à 48 francs des objets qui, en réalité, coûtent 57
francs. Vous voyez d’après cela combien peu de foi ou peut donner à des
tableaux ainsi jetés au milieu d’une discussion.
Vous savez, messieurs, avec
quels soins on a vérifié les tableaux soumis à la section centrale par le
commerce de Tournay. La section centrale a chargé plusieurs de ses membres de
faire cette vérification la balance à la main, il en est résulté la preuve que
les tableaux étaient exacts.
Dans le courant de la
discussion, les ministres ont encore voulu mettre en doute l’exactitude des
calculs que contenait le rapport de la section centrale : quelques membres de
l’assemblée se sont alors rendus dans des magasins, et après un long examen ils
les ont derechef trouvés exacts.
Si le département de
l’intérieur et le bureau de l’industrie et du commerce voulaient contrôler les
calculs du commerce de Tournay, il y avait un moyen très facile, c’était de
demander aux fabricants qui les avaient fournis à la section centrale, sur
quels articles de la bonneterie ils les avaient pris ; mais non, on ne veut pas
suivre cette marche simple et loyale ; on veut vous surprendre, et on veut vous
faire voter sur des calculs que vous n’avez pas eu le temps de vérifier.
Je
vous signalerai une autre erreur que vient de commettre le préopinant ; il
vient de vous dire que l’importation en bonneterie ne s’élevait qu’à un
demi-million, et que ce n’était rien puisque la consommation dépasse 10
millions. Il est difficile de se tenir de rire en présence d’une semblable
allégation. Je demanderai à l’honorable membre s’il sait combien il y a de
métiers de bonneterie en Belgique. Il n’y en a à présent pas plus que cinq
mille ; chaque métier devrait donc fabriquer 10 mille objets de bonneterie par
an ; car on peut évaluer au plus à un franc, terme moyen, la pièce, les
diverses espèces de bonneteries qu’on fabrique en ce moment en Belgique. Il
n’est pas nécessaire que je m’appesantisse beaucoup sur ce point pour en faire
ressortir, je ne dirai point l’impossible, mais tout le ridicule.
Jugez d’après cela si
l’importation qui se fait est aussi peu importante que le prétend l’honorable
préopinant. J’espère que la chambre ne se laissera pas influencer par le
discours qu’elle vient d’entendre et qu’elle persistera dans son premier vote.
M. Smits. - Je demande la parole pour repousser les reproches
d’inexactitude que vient de nous adresser l’honorable préopinant. La meilleure
réponse que je puisse lui faire, c’est de lui présenter les factures des objets
dont j’ai parlé et de l’engager à faire la vérification de mes calculs. Les
pièces sont déposées au greffe.
Quant à l’argumentation tirée
du nombre des fabriques existantes, si elles ne peuvent pas produire la
quantité à laquelle j’ai évalué la consommation, c’est une preuve qu’une grande
importation se fait en fraude, que le droit est plutôt trop élevé, et que si
vous l’élevez, la fraude se fera sur une plus grande échelle.
M. Dumortier. - Messieurs, la discussion entamée aujourd’hui est
une des plus sérieuses et des plus graves qui signaleront la session actuelle.
Il est impossible de porter la main sur un tarif de droits, sans jeter l’alarme
dans les industries qui ont droit à votre protection ; il est impossible de
toucher à une loi de douane sans compromettre plus ou moins l’existence d’un
grand nombre d’ouvriers. S’il était possible qu’une chambre législative fût
sans pitié pour l’industrie, elle en aurait pour les ouvriers à qui vous devez
notre révolution et qu’une mauvaise loi de douane peut réduire à la misère.
Vous voyez combien est
importante la discussion qui s’ouvre en ce moment.
Parmi les objets frappés d’une
grande réduction de droits par le projet du gouvernement, j’en remarque deux
entre autres : l’industrie de la bonneterie et la fabrication des draps, qui
ont des droits tout particuliers à votre sollicitude par le nombre considérable
d’ouvriers qu’elles occupent.
Toutes les industries du pays
méritent votre attention, mais celles-là la méritent d’autant plus qu’elles
occupent le plus grand nombre d’ouvriers, et qu’elles sont les premières
industries du pays.
Nous nous occupons en ce
moment de la bonneterie.
L’honorable député d’Anvers,
qui a parlé avant moi, reconnaît l’importance de cette industrie, quand il
évalue à 45 millions la consommation de ses produits en Belgique. Cette
évaluation, comme je le démontrerai, repose sur une base fausse, mais elle
prouve qu’il s’agit de porter la main sur une des industries les plus
importantes du pays.
Lorsque M. Smits évalue la
consommation des articles de bonneterie en Belgique à 15 millions, il rend
hommage à la vérité en tant qu’il présente cette industrie comme importante ;
le chiffre qu’il vous présente pèche du côté de l’exactitude.
En effet, pour que la
consommation de la bonneterie fût de 45 millions en Belgique, il faudrait
qu’elle fût de 10 fr. par individu, quand la consommation de tous les objets de
coton n’est pas de 17 fr. par personne. Lorsque dans une précédente session on
a prétendu que la consommation des objets de coton en général pouvait être
évaluée à 17 fr. par individu, M. Smits a été le premier à combattre le chiffre
comme inexact. Si donc il est inexact de dire que la consommation totale des
articles de coton en Belgique soit de 17 fr. par individu, comment peut-il être
exact de dire que la consommation des objets de tricot qui ne sont qu’une
faible partie des articles de coton, soit de 10 fr. par individu, c’est-à-dire
au-delà de la moitié de la consommation totale des objets de coton !
Vous voyez combien est exacte
l’assertion de l’honorable député d’Anvers.
Remarquez qu’il n’y a en
Belgique que cinq mille métiers battants fabriquant de la bonneterie, et qu’une
grande partie se confectionne à la main. Il est déjà matériellement impossible
que la consommation de la bonneterie s’élève à 45 millions. Mais il est encore
à remarquer que la fabrication de la bonneterie se fait souvent sur marchandise
commune, qu’elle se fait ensuite par la mère de famille pour l’usage de la
famille ; ce qui se fait de cette manière n’entre pas dans le roulement
commercial et ne peut pas être pris en considération dans la balance
commerciale. Dès lors, le chiffre de consommation posé par M. Smits, fût-il
exact en fait, ne le serait pas dans l’application qu’il en fait, et le dilemme
qu’il prétend en tirer n’est pas fondé, puisqu’il reposerait sur la fabrication
totale tant manuelle que par métiers.
L’honorable M. Smits prétend
qu’on doit frauder beaucoup de bonneterie en Belgique. Il prétend qu’on a eu
tort d’évaluer à 15 p. c. le taux de la prime que paie la fraude ; car la prime
pour les draps n’étant que de 9 p. c., celle pour la bonneterie doit être
beaucoup moindre. L’honorable membre paraît avoir perdu de vue que les draps
ont une valeur bien plus grande que les tricots, ce qui est cause de la
différence de la prime. Mais j’ai un autre moyen de lui prouver son erreur.
Un fabricant de bonneterie a
eu l’obligeance de me communiquer une pièce que j’ai en main et qui prouve
manifestement combien est encore inexacte ici l’assertion du député d’Anvers.
Tout à l’heure vous verrez de
quelle importance est cette inexactitude ; car s’il était vrai que la prime
d’introduction fût, comme il l’assure, moins de 9 p. c., ce serait une faute
très grave de porter le droit à 15 p. c., attendu que la fraude aurait une marge
de 6 p. c. et qu’ainsi tout serait fraudé. Il m’est facile de démontrer que la
prime d’assurance des tricots est en réalité de 15 p. c. Voici ce que porte une
lettre que je me suis procurée et dont vous me permettrez de vous donner
lecture :
« Lille, 17 septembre
1836.
(Je ne citerai pas les noms.)
« Monsieur, je sais par
M. N. que M. N. est absent, et n’a pas donné d’ordre pour la manière de vous
expédier les deux ballots qui sont ici pour vous ; je prends sur moi de vous en
faire l’expédition indirectement, moyennant 15 p. c. de prime contre ma
garantie et sur la valeur portée au certificat d’origine, de 3,960 fr. Je vous
expédie ces ballots lundi et vous les recevrez mercredi ou jeudi sans
faute. »
On sait que les expéditions se
font plus vite par la fraude par la douane, parce que les douaniers gardent
longtemps les marchandises en entrepôt.
Vous voyez par la lettre que
je viens d’avoir l’honneur de vous lire que l’assertion de M. Smits, quant à la
prime, n’est pas exact, et qu’ainsi vous pouvez porter le droit sur la
bonneterie étrangère à 15 p. c. sans craindre que ce droit soit éludé par la
fraude.
Une autre pièce prouve encore
l’inexactitude des allégations de notre honorable collègue lorsqu’il prétend
que l’introduction de la bonneterie étrangère n’est que de 5 à 600,000 francs.
Je dirai en passant que l’honorable membre cite le chiffre de l’importation de
1836 qui est de 572,000 francs. Mais puisqu’il nous cite le chiffre de 1836, il
aurait pu nous faire connaître celui de 1835 ; il ne l’a pas fait sans doute,
parce qu’il n’était pas aussi favorable à son argumentation. Quant au chiffre
de 1834, que nous avons parce qu’il se trouve dans la balance du commerce que
le gouvernement nous a fait distribuer, il est de 713 mille fr., valeur
déclarée ; ce n’est plus 500 mille fr. comme le prétend M. Smits.
Maintenant est-ce là la valeur
réelle des importations ? On pourrait le croire si les droits se percevaient au
poids et que la valeur ne fût déclarée que comme document pour servir à établir
la balance du commerce ; le négociant n’aurait alors aucun motif pour dissimuler
la valeur réelle de la marchandise. Mais lorsque le droit se base sur cette
déclaration, vous comprenez que le négociant a un intérêt à déclarer une valeur
moindre que la valeur réelle. Vous ne pouvez alors établir aucun calcul avec
certitude sur ces déclarations ; car il arrive souvent qu’on déclare infiniment
au-dessous de la valeur réelle.
J’ai ici encore en main une
pièce qui prouve à l’évidence l’exactitude de ce que j’avance et l’inexactitude
de l’assertion de mon honorable contradicteur. C’est une déclaration faite au
bureau de Henri-Chapelle d’une balle de marchandises dont la facture se trouve
annexée à la déclaration. La facture s’élève à fl. 295 ou fr. 624. La
déclaration à la douane porte la valeur à fr. 299. Il y a donc entre la valeur
déclarée et la valeur réelle une différence de 50 p. c. Je dépose cette pièce
sur le bureau à l’inspection des membres, qui verront par là ce que signifient
les déclarations à la valeur faites au bureau de la douane belge, comme au
bureau des douanes de tous les pays.
Vous ne devez donc pas être
étonnés si tous les gouvernements ont supprimé les droits à la valeur pour les
remplacer par des droits au poids. C’est que ces derniers droits ne peuvent
être fraudés. Il suffit d’une balance pour savoir quel est le droit à payer,
tandis que les droits à la valeur fournissent une foule de moyens de fraude. Il
peut y avoir fraude par de fausses déclarations ; il peut y avoir fraude de la
part des employés qu’on peut suborner. Enfin ce mode donne lieu à de longs
retards de la part de la douane.
Il me reste à vous parler d’un
document qu’on vient de lancer à l’improviste dans cette discussion. Je
regrette que le gouvernement qui savait que la discussion devait s’ouvrir
aujourd’hui, et qui a eu 8 jours pour préparer les éléments de la discussion,
ne nous ait pas fait distribuer ce document assez tôt pour que puissions
l’examiner. Je ne dirai pas qu’on a voulu nous mettre dans l’impossibilité de
faire cette vérification.
De notre côté, nous avons fait
déposer dans les bureaux de la section centrale des ballots de marchandises de
bonneteries, dont les droits ont été vérifiés en présence de tous les membres
de la section centrale. Les adversaires du projet de la section centrale ont
été invités à se rendre et à être présents à la vérification au bureau de la
section centrale, et plusieurs y ont assisté, ont pris des notes sur le
résultat de ces pesées. Les chiffres résultant de ces pesées ne font que
corroborer les propositions de la section centrale. Il y a plus : des membres
de la section centrale (comme l’honorable M. Desmet vient de le rappeler) se
sont transportés dans des magasins de Bruxelles, ont fait faire des pesées
devant eux, et ont acquis la certitude que les chiffres de la section centrale
étaient de la dernière exactitude.
Pour contester ces chiffres,
on nous fait distribuer aujourd’hui un tableau ; mais pour que ce tableau
signifiât quelque chose, il fallait que nous eussions le temps de l’examiner.
Ce temps nous ne l’avons pas eu, dès lors nous ne pouvons pas contester
l’exactitude du tableau ; mais nous ne pouvons pas non plus l’admettre. Je vais
plus loin ; je dis que les chiffres de ce tableau fussent-ils exacts, vous n’en
pourriez tirer aucunes conséquences.
Je lis à la première ligne du
tableau :
« Caleçons n°1, une
douzaine poids 3 kil. 94. Prix au détail 42 fr. »
Ainsi, c’est sur le prix au
détail qu’opère le gouvernement, tandis que c’est sur le prix à l’étranger que
vous devriez faire vos évaluations.
J’ai en main une grande
quantité de factures, venant de la Saxe. Je les déposerai, si on le désire, sur
le bureau de la chambre, et l’on verra qu’elles présentent un résultat tout
différent de celui présenté par le ministre. En effet de quoi se compose le
chiffre du ministre ? non seulement de la valeur première des marchandises ;
mais encore des frais d’emballage et de transport, des droits de douanes, des
bénéfices du premier marchand et des bénéfices du deuxième marchand. Comment
pouvez-vous asseoir un droit sur la valeur, lorsque la valeur est ainsi majorée
? N’est-il pas évident qu’opérant sur une valeur majorée, au lieu d’opérer sur
la valeur réelle, vous avez aussi un droit majoré, et au lieu d’un droit de 15
p. c., par exemple, un droit de 25 p. v. ? Vous voyez donc encore d’après ceci
que les propositions du gouvernement ne peuvent en aucune manière vous
satisfaire.
Je me bornerai à ces
observations, me réservant de répondre si d’autres orateurs prennent la parole.
La chambre, dans sa dernière
session a examiné avec maturité la question qui nous occupe ; elle a reconnu en
principe que les droits sur la bonneterie (comme en général sur toute espèce de
produits) doivent être établis au poids et non à la valeur ; cela par la raison
fort simple que les droits au poids ne sont pas susceptibles d’être éludés,
tandis que les droits à la valeur peuvent toujours être éludés par de fausses
déclarations.
La résolution de la chambre
trouve son analogue dans les tarifs de tous les gouvernements étrangers. La
France, l’Angleterre et la Prusse établissent leurs tarifications non pas à la
valeur, mais au poids. Le tarif français ne frappe de droits à la valeur que
les montures de chapeaux de femme et quelques vétilles semblables ; tous les
autres objets sont imposés au poids. Dans le tarif prussien, il ne figure aucun
droit à la valeur ; tous les droits sont établis au poids. Il en est de même
dans le tarif anglais. Ainsi le vote premier de la chambre tend à introduire
dans notre tarif une modification qui a déjà été introduite dans les tarifs de
Prusse, de France et d’Angleterre.
Je sais que s’il était
possible d’appliquer à la rigueur les droits à la valeur, il arriverait à un
résultat plus équitable. Mais, dans l’impossibilité d’arriver à ce résultat,
vous devez entre deux maux opter pour le moindre.
Vous
avez en second lieu admis la proposition de la section centrale qu’il me paraît
avantageux de maintenir.
Toutefois si on veut y faire
de légères modifications, je suis prêt à m’y rallier. Mais sur toutes choses je
demande l’établissement des droits au poids, seule garantie que vous puissiez
donner à une grande et puissante industrie.
Si vous pouviez douter de
l’importance de l’article en discussion, Je prierais la chambre de vouloir bien
ordonner la lecture de la pétition de la régence de Tournay ; vous verriez
combien cette industrie est importante et quels résultats funestes aurait pour
elle la proposition du gouvernement, si elle était adoptée. Mais je suis
convaincu que vous ne voudrez pas sacrifier l’industrie nationale à des
industries étrangères. Nous ne demandons pas de changements ; mais si on en
fait, nous demandons qu’ils ne soient pas nuisibles à l’industrie
Nous demandons enfin une
tarification dont le résultat ne soit pas de faire entrer dans le pays la
bonneterie française, les bonneteries étrangères, sans qu’on puisse leur
opposer aucunes barrières.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant s’est plaint du
retard apporté à la distribution du tableau qui vous a été communiqué
aujourd’hui : nous pouvions nous borner à faire connaître dans la discussion
même les vérifications que nous avions opérées ; mais nous avons pensé qu’il
serait utile de déposer au greffe de la chambre tous les objets vérifiés en
même temps qu’un tableau imprimé indiquant le résultat des vérifications ; et
aussitôt que cette résolution a été prise, nous l’avons exécutée. Si la chambre
ne vote pas aujourd’hui sur l’article en discussion, on aura tout le temps
d’examiner les vérifications effectuées par l’administration.
On a contesté l’importance de
la consommation des objets en coton et en laine tricotés : pour moi je suis
très porté à admettre pour vraie l’opinion de l’honorable M. Smits sur ce point
; car il est évident que la consommation de ces objets est immense. Tous les
habitants sans distinction d’âge ou de sexe font usage de ces éléments en toute
saison ; dès lors il est facile de comprendre que la consommation en est
extrêmement importante.
Un honorable membre a contesté
les chiffres d’importation signalés par l’honorable député d’Anvers ;
messieurs, les chiffres officiels, tels qu’ils ont été pris dans les bureaux de
la douane, sont les suivants :
En 1834, l’importation a été
de 703,000 fr.
En 1835, elle a été de 750,000
;
En 1836, de 571,000 ;
En 1837, premier semestre,
elle a été de 315.000.
Mais de ces chiffres
d’importation il faut déduire les chiffres des exportations ; or, en 1834, on
en a exporté 349,000 ;
En 1835, on a exporté 382,000
;
En 1836, on a exporté 350,000
;
De manière que l’importation
ne surpassait,
En 1834, que de 354,000 ;
En 1835, que de 348,000 ;
En 1836, que de 221,000.
Il est donc de la dernière
évidence que l’étranger n’a pas envahi le marché belge, et que nos fabricants
ne sont pas écrasés par la concurrence étrangère.
Mais, a dit l’honorable député
de Tournay, les déclarations faites à la douane sont infiniment au-dessous de
la valeur réelle, et il peut citer un exemple où la marchandise n’a été
déclarée qu’au tiers ou à la moitié de sa valeur : quant à moi j’ai beaucoup de
peine à admettre ce fait pour exact ; toutefois, lorsqu’on admettrait que dans
une circonstance isolée le fait se soit passé comme on l’indique, peut-on
croire que ce soit là l’usage ordinaire ? Evidemment non puisque les employés
de la douane ont le droit de préempter, est-il possible de supposer qu’il ne
préempte pas dans les cas où ils auraient un bénéfice de 50 p. c. à réaliser ?
Dans ce cas il faudrait supposer que les employés fussent tous corrompus, chose
qui ne pourrait avoir lieu à moins qu’on ne leur donnât l’équivalent des
bénéfices qu’ils auraient pu réaliser, en faisant les préemptions ; mais cela
n’est pas vraisemblable puisque l’importateur n’y aurait aucun avantage.
Il est donc évident que ces
fausses déclarations à la valeur sont complétement exagérées ; aussi, dans la
première discussion de la loi, n’a-t-on jamais évalué la différence entre la
valeur déclarée et la valeur réelle plus haut que 2 à 3 p. c.
Je dois relever une autre
erreur du préopinant. Il a dit que les marchandises étaient retenues longtemps
dans les bureaux de la douane, pour que les employés eussent le loisir de les
examiner et de s’assurer s’ils devaient préempter. Mais, messieurs, vous savez
tous que la préemption doit être faite dans les 24 heures de la déclaration ;
ainsi l’assertion de l’orateur est inexacte. D’ailleurs, si les employés
pouvaient retenir longtemps les marchandises, après un examen prolongé, ils ne
manqueraient pas de préempter, lorsqu’ils auraient pu s’éclairer sur la valeur
des objets déclarés.
Vous aurez remarqué,
messieurs, que le chiffre des importations ont diminué dans les années 1836 et
1837, en comparaison des années 1834 et 1835. Cette différence me semble
justifiée par cette circonstance que dans les premières années de la révolution
il y avait généralement moins de commerce ; que les magasins étant épuisés, on
les a remplis dans les années 1834 et 1835, et que maintenant nous revenons au
point normal pour le commerce.
Mais ces exportations mises en
regard des importations ne présentent qu’une faible différence, et ne donnent
lieu qu’à une concurrence très modérée.
Il est encore à remarquer que
beaucoup d’objets importés ne se fabriquent pas en Belgique ; ainsi les objets
les plus fins ne se fabriquent chez nous que par exception ; quant aux objets
de la consommation ordinaire, l’importation peut en être réduite à un chiffre
très insignifiant, à moins qu’elle ne se fasse par la fraude. Et veuillez
observer qu’en exagérant les droits vous n’arrêterez pas la fraude.
Quant au taux de la prime de
la fraude, il y a nécessité de se mettre d’accord sur ce point : on dit que la
prime d’importation en fraude sur les draps est de 9 p. c. ; alors comment
pourrait-elle être de 15 p. c. relativement à la bonneterie qui est plus facile
à transporter ?
Cette prime devrait, au
contraire, être moindre que pour les draps.
Relativement au mode de
perception, je pense qu’il est préférable de prendre pour base la valeur.
La différence entre la valeur réelle
et la valeur déclarée ne peut être considérable quand il y a droit de
préemption, et surtout quand il s’agit de marchandises d’un usage général et
que tout employé peut apprécier.
Mais si l’on persiste à
demander le mode de perception au poids qui a été voté dans la première
discussion, vous aurez de toute nécessité une disproportion énorme entre les
droits payés pour les diverses qualités de marchandises. Plus la marchandise
sera commune, plus le prix en sera bas, et plus le tarif sera élevé ; plus au
contraire, la marchandise sera fine et le prix élevé, et moins le droit sera
fort ; il y a là une injustice patente au détriment du pauvre, qui se reproduit
constamment et inévitablement.
L’on
dit que la perception se fait au poids dans tous les Etats qui nous
environnent, l’Angleterre, la France, la Prusse ; mais déjà un négociant de
Bruxelles a fait remarquer, dans une pétition adressée à la chambre, lors de la
première discussion, que la perception en Angleterre se fait à la valeur.
Relativement à la France, la
perception ne peut s’y faire au poids, puisque ces marchandises y sont
prohibées. La perception ne se ferait donc au poids qu’en Prusse.
Indépendamment de l’injustice
qui résulte de la perception au poids, elle entraîne encore d’autres inconvénients
: tous les ballots doivent être dérangés, s’ils contiennent plusieurs
assortiments ; si l’on veut éviter ce grave inconvénient, il faut que le
négociant n’expédie que des ballots renfermant un seul assortiment, ce qui rend
les expéditions et le commerce beaucoup plus difficiles.
J’attendrai que de nouvelles
observations aient été présentées pour appuyer de nouveau le projet que nous
vous avons soumis.
M. de Langhe. - Messieurs, je demande la permission de faire
précéder ce que j’ai à dire sur l’article bonneterie de quelques considérations
générales qui feront connaître ma manière de voir à l’égard des douanes. Je
suis partisan de la liberté du commerce, non cette liberté absolue que je
reconnais impraticable, mais une liberté modifiée par les circonstances ; je
suis ennemi des prohibitions et des droits élevés parce qu’ils offrent trop
d’appât à la fraude et manquent ainsi souvent leur but.
Ces principes sont à peu près
ceux de tout le monde, mais il y a une grande diversité dans la manière dont
ils sont appliqués. Les uns sont prêts à accueillir toutes les exceptions,
surtout si elles concernent des industries qu’ils connaissent plus
particulièrement. Les autres sont beaucoup plus difficiles sur l’admission des
exceptions, et n’accueillent que celles qui sont absolument nécessaires. Je
suis de ces derniers et je le déclare franchement, toutes les fois que mon
opinion à cet égard sera différente de celle de mes commettants, ce sera la
mienne que je suivrai parce qu’elle sera dictée par l’intérêt général.
Venons à l’article dont la
discussion nous occupe. Je crois qu’il est difficile d’établir une tarification
aux poids, frappant sur des objets si différents en valeur. Ces droits sont
presque établis de manière à les porter à un taux exorbitant sur les articles
de peu de valeur et qui sont par là à l’usage des classes pauvres. Je citerai à
cet égard un exemple : vous avez voulu augmenter le droit d’entrée sur les
toiles et le porter à 7 p. c. ; mais, en l’établissant au poids, vous l’avez
élevé en certains cas jusqu’à 25 p. c. Qu’arrive-t-il ? ce qui arrivera
toujours quand on établira des droits élevés : ces toiles entrent en fraude
rendues à Bruxelles au moyen d’une prime de 10 p. c. Et qu’on ne dise pas que
les négociants honnêtes ne fraudent pas. Ils y sont obligés sous peine de
cesser leur commerce, car c’est le seul moyen de soutenir la concurrence.
Le
droit de 10 p. c. proposé par le gouvernement me paraît suffisant pour protéger
une industrie depuis longtemps acclimatée dans le pays, et qui, selon moi, a
peu de sujet de craindre la concurrence de l’industrie étrangère, si elle la
suit ou la devance dans ses progrès.
Messieurs, je terminerai par
une observation que je soumets en toute confiance à votre patriotisme éclairé,
patriotisme qui ne doit avoir en vue que l’intérêt général, dût-il s’acheter au
prix de quelques sacrifices particuliers. Une grande nation nous tend une main
amie, n’hésitons pas à lui tendre la nôtre. Craignons que notre refus ne la
porte à se retirer de la voie où elle s’est engagée. Il en résulterait sans
doute un préjudice notable pour elle. Mais le préjudice serait à mon avis bien
plus grand pour nous.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, je regrette d’être obligé de rentrer
dans une partie des considérations que j’ai déjà présentées à la chambre, sur
la question dont il s’agit ; mais j’y suis forcé, puisque les faits qui
paraissaient les plus complétement établis sont remis en question ; cependant
la section centrale avait procédé de manière à mettre chacun à même de se
prononcer en connaissance de cause : chaque fois que la section centrale a
articulé des faits, chaque fois qu’elle procède à des vérifications et qu’elle
en a dressé le tableau, elle a eu soin de faire distribuer son travail,
longtemps avant la discussion, à tous les membres de l’assemblée, et de déposer
en même temps, dans le lieu de ses réunions, tous les éléments qui avaient
servi à ses calculs, de manière que personne n’a pu être pris au dépourvu, que
chacun a pu s’assurer de la vérité des faits articulés par la section centrale.
Aujourd’hui l’on vient dire
que ces faits sont inexacts, et pour le prouver, on nous met sous les yeux un
tableau qu’on nous distribue précisément à l’ouverture de la séance, afin que nous
n’ayons pas le temps de l’examiner ; en opérant de cette manière, on pourra
toujours arguer d’inexactitude coutre les faits les mieux établis ; il n’y a
rien au monde de plus facile que d’administrer les preuves d’une opinion
quelconque dans une pièce que personne ne peut soumettre au moindre contrôle.
Sur cette base-là, on peut élever tel édifice qu’on voudra, bien certain que
personne ne pourra l’attaquer par les fondements. Quant à moi, je considère
comme exact le travail de la section centrale, qui a été démontré exact il y a
quelques mois par des arguments et des preuves qui n’ont pas été réfutées
depuis. C’est, selon, moi, de ce travail que la chambre doit partir.
Le gouvernement persiste à
défendre la proposition primitive : examinons donc quelle est la portée de
cette proposition. Voyons à cet effet quel est l’état actuel de la législation,
et voyons en même temps quel est l’état actuel de l’industrie dont il s’agit ;
recherchons si la proposition du gouvernement est réellement calculée sur cet état
de la législation et de l’industrie, de manière à venir en aide à celle-ci, si
elle souffre, à faire disparaître les abus qui pourraient exister. Si telle est
la portée de la proposition du gouvernement, il faut l’admettre ; mais si le
gouvernement agit dans un sens contraire à ce qu’il devait faire, s’il a pris
le parti que devait lui interdire l’intérêt de l’industrie et l’état actuel de
la législation, alors nous devons confirmer le jugement que nous avons porté,
lors du premier vote en adoptant la proposition de la section centrale.
Aujourd’hui la bonneterie est
frappée d’un droit de 20 p. c. à la frontière de France, et de 10 p. c. aux
autres frontières ; le droit de 20 p. c. à la frontière de France n’a que
nominalement cette élévation, puisque le fabricant français qui paie 20 p. c.
sur sa déclaration ou 15 p. c. lorsqu’il fait assurer, reçoit 6 p. c. de prime
d’exportation. Le droit d’entrée n’est donc plus que de 9 p. c., pour celui qui
a payé 15, et de 14 p. c. pour celui qui a payé 20. Le fabricant a de plus la
faculté de dissimuler une partie de la valeur lorsqu’il fait sa déclaration, et
nous avons la preuve que cela se pratique avec succès.
Sur la frontière d’Allemagne
le droit nominal est de 10 p. c., mais il paraît qu’il se réduit en réalité à
moins de 5 ; à la vérité il n’y a pas là de prime d’exportation, mais on y
déclare la moitié de la valeur sans que jamais, paraît-il, cela donne lieu à
aucune préemption ; mon honorable ami a déposé sur le bureau des pièces qui
prouvent la vérité de ce que j’avance.
On dira que ce sont des faits
isolés ; mais tons les membres de la chambre qui voudront prendre des
informations pourront se convaincre que les faits que je signale, ont lieu
généralement. Quant à moi, j’ai recueilli des renseignements qui me le
démontrent à l’évidence : il n’y a pas un mois que je me trouvais avec un
négociant très au fait du commerce de la bonneterie, et que m’étant enquis de
la manière dont se font les déclarations pour les importations de l’Allemagne.
j’en reçus la réponse suivante : « J’avais l’habitude de déclarer les
trois quarts de la valeur, mais on m’a assuré que j’étais dupe et qu’il
suffisait de déclarer la moitié ; depuis lors je ne déclare plus que la moitié,
et jamais je n’éprouve la moindre difficulté. » Je certifie sur l’honneur
que cette déclaration m’a été faite.
Ainsi donc, messieurs, le
droit à la frontière d’Allemagne revient à 5 p. c. Mais, dira-t-on, dans cet
état de choses l’industrie doit souffrir ? Et sans aucun doute, elle souffre !
Elle doit souffrir, poursuivra-t-on, par l’introduction qui se fait par la
frontière d’Allemagne ? Sans doute, encore ! Et à cet égard j’invoquerai une
autorité que le gouvernement ne récusera pas ; c’est celle de la commission
nommée par le gouvernement lui-même, du jury qui a fait le rapport sur les
produits de l’industrie belge : « La concurrence étrangère, est-il dit
dans ce rapport, favorisée par le peu d’élévation de notre tarif, a presque
réduit à rien la fabrication de la bonneterie fine ; la bonneterie moyenne
principalement, celle de coton, en souffre aussi ; mais la bonneterie commune
se soutient bien. » Maintenant, messieurs, quels sont les pays de
provenance de ces diverses sortes de marchandises ?
La bonneterie fine, et la
bonneterie moyenne, surtout en coton, viennent principalement de la Saxe ;
quant à nos fabricants de bonneterie commune, ils ont pour concurrents les
fabricants français de la Picardie. Eh bien messieurs, la bonneterie commune se
soutient parce qu’elle est protégée par un droit de 20 p. c. et la fabrication
des bonneteries fines et moyennes souffre parce que le droit sur ces qualités
se réduit à 5 p. c. Voilà, messieurs, comment il est aisé d’expliquer ce qui
est rapporté par le jury dans le passage dont je viens de donner lecture.
Et ce jury, messieurs, comment
était-il composé ? Voici ce que je lis à la fin du rapport :
« Approuvé par l’assemblée
générale du jury, composé de MM. le baron de Stassart, président ; Fréd. Basse,
vice-président ; Burdo-Stas, Cauchy, David (un de nos honorables collègues), de
Bast de Hert, de Hemptinne, Doncet, Froidmont, Guillery, Henrard, Jules Kindt,
Lousbergs, Quetelet, Smits (aussi un de nos honorables collègues, qui a pris
tout à l’heure la parole pour appuyer le projet du gouvernement), Suys,
Verrue-Lafrancq, Vifquain, Willmar (un de MM. les ministres, qui a même pris la
parole dans la dernière discussion pour appuyer la proposition de ses
collègues) et Gachard, rapporteur général. »
Il me semble, messieurs, que
les membres de la chambre qui ont approuvé le rapport dont je viens de lire un
passage, ne révoqueront pas en doute les faits qui y sont rapportés, et je
pense que l’honorable M. Smits reconnaîtra que c’est en connaissance de cause
qu’il a approuvé ce rapport.
Eh bien, messieurs, que
résulte-t-il de là ? qu’il y a malaise ; que l’industrie bonnetière souffre, et
qu’elle souffre précisément parce que le droit est trop peu élevé sur la
frontière d’Allemagne. Et quel est le remède à ce mal ? C’est, messieurs,
d’élever le droit qui se paie à la frontière d’Allemagne au niveau du droit
perçu à la frontière française. Mais point du tout ; le gouvernement prend ici
le contre-pied de ce qu’il devrait faire ; au lieu d’élever le droit sur la
frontière d’Allemagne au taux de celui qui frappe les provenances françaises,
il abaisse le droit sur la frontière de France au taux de celui que paient les
provenances d’Allemagne ; c’est-à-dire que, parce que l’industrie des
bonneteries fines et moyennes souffre à cause du peu d’élévation du droit à la
frontière allemande, et que la bonneterie commune se soutient à cause de
l’élévation du droit à la frontière française, le gouvernement veut abaisser le
droit sur cette frontière-ci afin de faire souffrir également la bonneterie
commune. Voilà, messieurs, la logique du projet ministériel !
Après cela, messieurs, on
vient nous dire que la loi qu’on nous propose est une loi belge, calculées sur
les intérêts belges ! Mais je voudrais bien qu’on m’indiquât un seul intérêt
belge qui trouvera quelque avantage dans l’adoption de cette loi ? Pour moi, il
est manifeste que c’est une loi antinationale, une loi française, une loi
allemande.
L’honorable M. Smits dit que
le droit de 10 p. c. protège suffisamment notre industrie contre la concurrence
de la Saxe ; mais cela n’est pas conciliable avec le passage du rapport dont je
viens de donner lecture, rapport qui a reçu l’approbation de l’honorable
membre.
M. Smits. - Je n’ai pas approuvé cette partie du rapport.
M. Dubus (aîné). - J’entends l’honorable M. Smits dire qu’il n’a pas
approuvé cette partie du rapport ; il n’a cependant pas jugé à propos de faire
une réserve à cet égard ; quoi qu’il en soit, je puis toujours me prévaloir de
l’opinion unanime de tous les autres membres du jury.
Mais comment prétend-il
prouver que la concurrence de la Saxe n’a pas nui à notre industrie ? D’abord
il exagère outre mesure la consommation ; je dis outre mesure, car quoique je
reconnaisse qu’une industrie mérite d’autant plus d’intérêt qu’elle alimente
une consommation plus grande, il n’est pas possible de ne pas sourire aux 45
millions de M. Smits. Cet honorable membre ne nous a fourni aucunes données
statistiques à l’appui de son évaluation, il n’a pas calculé combien le pays
produit et combien il y entre de matières premières propres à alimenter une
fabrication en bonneterie aussi énorme que celle que supposerait une
consommation de 45 millions.
Seulement il a dit que
puisqu’il y a 4,500,000 habitants, à raison de 10 francs par individu, cela
faisait 45 millions. Je comprends bien cette opération de multiplication, mais
il faut qu’il soit d’abord établi que chacun des 4,500,000 habitants consomme
dix francs par an en articles de bonneterie. Or, jamais on ne fera admettre une
pareille supposition. D’ailleurs, s’il se consomme pour 45,000,000 francs par
an dans le pays en articles de bonneterie, je demanderai où ces produits se
fabriquent, je défie l’honorable M. Smits de le dire. Le rapport de la
commission nous annonce que c’est principalement dans l’arrondissement de
Tournay que la fabrication des bonneteries a lieu. Eh bien, si M. Smits voulait
seulement garantir aux fabricants de l’arrondissement de Tournay le placement
ou la vente d’un huitième de la somme de 45,000,000, nos fabricants s’empresseraient
sans doute de signer le marché, et l’honorable M. Smits ne rencontrerait pas de
contradicteurs de leur part. Seulement le huitième des 45,000,000, et je tiens
M. Smits quitte pour l’arrondissement de Tournay. Mais alors il reste encore
sept huitièmes ; je prie l’honorable membre de me dire où on les fabrique. Le
jury, paraît-il, ne le savait pas, puisqu’il croyait que c’était principalement
dans l’arrondissement de Tournay que s’exerçait cette industrie. Au moyen des
documents que M. Smits a recueillis de toutes parts pour dresser la statistique
commerciale, il nous fera connaître où cette fabrication a lieu ; jusque-là je
ne puis croire à ce chiffre de 45 millions.
A ce sujet, je m’appuierai
d’un passage d’une pétition des fabricants de bonneterie qui n’avaient pas
intérêt à diminuer l’importance de l’industrie pour laquelle ils plaidaient par
devant vous, et cependant ils estiment que la production de la bonneterie pour
toute la Belgique, loin d’être de 45 millions, n’est que de 8 millions, voilà
la déclaration des fabricants de bonneterie. Il y a loin de ces 8 millions à 45
millions dont M. Smits a parlé.
Au reste, une production de 8
millions est une production importante et bien digne d’intérêt, surtout si vous
considérez que ceux qui travaillent à cette fabrication sont extrêmement
nombreux ; que c’est une population entière des campagnes qui emploie les
loisirs que lui laissent les divers travaux de l’agriculture, à la confection
de la bonneterie
Voilà pour notre production.
En regard de cette production
qu’on suppose de 45 millions, et que nous, nous réduisons à 8 millions, on vous
présente une importation de 5 à 600,000 fr. par an. Mon honorable ami a répondu
à cette seconde exagération qui était en sens inverse, c’est-à-dire qu’après
avoir enflé outre mesure le chiffre de la consommation, on a ensuite diminué de
beaucoup le chiffre de l’importation pour arriver à les comparer entre eux.
D’après les renseignements mêmes qui nous ont été donnés par le gouvernement,
l’importation a été de 7 à 800,000 fr.
En effet, l’importation qui en
1832 n’avait été que de 495,132 francs, s’est élevée, en 1833, à 810,669 fr. ;
en 1834 elle a été de 713,027 fr. ; en 1835, d’après ce qui vient d’être dit
par l’un des ministres, de 730,000 fr. et pour les 6 premiers mois de 1837, de
315,000 fr.
Ainsi, dans les trois années
qui ont précédé la présentation du projet de loi, l’importation moyenne a été
de 7 à 800,000 fr. Mais si vous considérez qu’on ne déclare que la moitié, et
que le ministre a dressé ses tableaux d’après ces déclarations ainsi réduites,
le chiffre réel de l’importation s’élève à environ un million et demi ; or, je
pense qu’une importation d’un million et demi sur un objet dont la production
indigène s’élève à 8 millions est quelque chose de très important.
Il est curieux de considérer,
messieurs, de quelle manière les importations ont eu lieu précisément par la
frontière d’Allemagne, que je regarde comme étant signalée par le rapport du
jury, lequel se plaint du peu d’élévation du tarif, et parle du grand dommage
qu’en souffre l’industrie bonnetière ; nous pourrons comparer ainsi les
importations avec les exportations vers cette frontière. D’après les tableaux
qui nous ont été communiqués, les importations de l’Allemagne ne s’élevaient
pour 1832 qu’à 174,470 francs (valeur déclarée) ; les exportations vers la même
frontière ont été de 104,182 fr. Le chiffre de l’importation en 1833 était déjà
de 292,000 fr., tandis que celui de l’exportation a diminué dans une proportion
aussi forte : il n’est plus que de 64,102 fr. En 1834, l’Allemagne a importé
pour une valeur de 459,254 francs, tandis que la Belgique n’a exporté par cette
frontière que pour une valeur de 43,952 fr, En 1835, l’Allemagne nous envoie,
selon M. le ministre des finances, pour 692,000 fr. de produits ; il ne nous a
pas fait connaître, pour cette année-là, le chiffre de l’exportation de ce
côté. Veuillez remarquer, messieurs, cette progression croissante d’un côté, et
si prodigieusement décroissante de l’autre.
Les chiffres que je viens de
rappeler viennent donc merveilleusement à l’appui des assertions que le jury a
avancées. Réellement, le peu d’élévation du tarif vers la frontière allemande
porte un préjudice des plus notables à notre industrie, puisque les
importations de 1832 à 1833 sont doublées ; qu’elles sont de nouveau doublées
de 1833 à 1834, et par conséquent quadruplées, comparativement au chiffre de
1832 ; et qu’enfin elles sont encore tiercées de 1834 à 1835, de sorte que vous
pouvez compter sur une importation annuelle d’Allemagne d’environ 1,400,000
francs (valeur réelle), puisqu’il y a environ 700,000 francs de valeurs
déclarées.
Ainsi, en 1835, sur 750,000
francs d’importations, il y a eu 692,000 francs pour la seule frontière
d’Allemagne.
Nous sommes entrés dans ces
calculs pour démontrer que c’est le droit vers l’Allemagne qui doit être élevé,
que l’harmonie dans le tarif doit être rétablie de cette manière et qu’elle ne
doit nullement l’être par un abaissement du droit vers la France.
Quant au droit établi vers la
frontière de Fiance, il a réellement protégé la bonneterie commune pour
laquelle nous avons à craindre la concurrence de la France. Sur ce point, on
vient nous dire que le droit était fraudé, et qu’il n’est pas à croire que le
droit étant de 20 p. c., la prime d’assurance, se serait élevée à 15 p. c. On a
dit que l’exemple cité par mon honorable ami était un fait isolé ; mais,
messieurs, la chambre a sur ce point d’autres renseignements qui viennent d’une
source différente. Un honorable membre de cette assemblée qui combattait les
propositions de la section centrale, en paraissant favorable au moins en
principe à celles du gouvernement, et qui avait pris des informations à Gand et
à Bruxelles, nous a dit, lors du premier vote, que la prime d’assurance en
matière de bonneteries par la frontière de France, était de 13 à 15 p.c.,
qu’elle était de 13 à Gand, et de 13 à 15 à Bruxelles. Cette circonstance vient
donc encore à l’appui du document qui a été déposé sur le bureau par mon
honorable ami, à l’effet de faire voir à la chambre que le droit de 20 p. c.
établi vers la frontière française nous a valu, de ce côté de nos frontières,
une protection de 15 p. c. Eh bien, cette protection assurément n’a pas été
exagérée ; elle a soutenu une industrie, elle l’a empêchée de périr :
fallait-il donc la laisser périr ?
Mais, dira-t-on, pourquoi ne
voulez-vous pas que nos fabricants luttent contre ceux de la France ? Ils
consentiraient volontiers à lutter avec les fabricants français ; mais que le
gouvernement français leur donne les moyens ! Nos fabricants rencontrent à la
frontière française... quoi ? un droit élevé ? non ; mais la prohibition ! Ils
rencontrent à la frontière d’Allemagne un droit au poids. A combien revient ce
droit au poids ? Sur la bonneterie en coton, ce droit est de 1 silber groschen
la livre. Ce droit, rapporté à la quantité de 100 kilog. et à la valeur en
francs, d’après les données fournies par le tarif qui a été distribué aux
membres de la chambre, ce droit, dis-je, revient à 397 fr. 69 c. les 100 kilog.
: ce qui fait, à 2 centimes près, 4 francs par kil. Eh bien, le droit principal
que la section centrale a proposé pour la bonneterie en coton est de 4 francs
le kilog., précisément le droit qui nous est opposé en Allemagne. Or, on
reconnaît que les Allemands peuvent produire la bonneterie à meilleur marché
que nous ; déjà ils sont protégés par le bas prix de la main-d’œuvre, et
indépendamment de cet avantage, le tarif allemand leur assure un droit de 4
francs par kilog.
Et c’est un droit qu’on ne
peut pas éluder ; car il se perçoit au poids et non à la valeur.
Que faut-il faire pour une
industrie aussi intéressante, qui rencontre à la frontière française la
prohibition, et d’un autre côté un droit de 4 fr. par kilog. ? C’est d’établir
un droit en rapport avec celui que nous opposent nos voisins.
C’est ici le cas de faire
remarquer que le projet du gouvernement marche toujours en sens inverse de la
voie dans laquelle il devrait entrer ; il n’a tenu aucun compte des tarifs de
nos voisins : tandis que nous trouvons partout les portes fermées, que nous ne
pouvons faite passer nos produits, il veut que l’étranger vienne encore
s’emparer de nos marchés et réduire à la plus affreuse misère les fabricants et
ouvriers.
Mais la perception du droit à
la valeur serait-elle maintenue ? Convient-il de l’établir au poids ?
Messieurs, ici encore, si nous voulons profiter de l’expérience de nos voisins,
C’est au poids que nous l’établirons en maintenant la résolution déjà prise par
la chambre.
En effet, en France pour les
espèces de bonneterie non frappées de prohibition, celles autres que les
bonneteries de laine et de coton sont admises à l’entrée moyennant un droit au
poids, afin qu’on ne puisse pas éluder le droit, et ce mode de tarification ne
donne lieu à aucun inconvénient. La preuve en est que depuis un certain nombre
d’années en France, le progrès a été de réduire autant que possible au poids,
toutes les tarifications. D’année en année, vous avez vu en France de nouvelles
tarifications au poids remplacer des tarifications à la valeur. Le tarif
prussien établit tous les droits au poids, et nous, placés entre ces deux
Etats, qui y rencontrons des industries rivales de notre bonneterie, nous
établirions le droit à la valeur, pour donner à nos rivaux la facilité d’entrer
chez nous en fraudant sut la hauteur du droit.
Lorsque l’on voit l’exemple de
déclarations faites à moitié et même à moins de moitié de la valeur, et qui
cependant sont admises sans difficulté, nous devons reconnaître que le droit à
la valeur présente d’immenses inconvénients.
On pourrait m’objecter,
relativement à l’une des observations que j’ai faites tout à l’heure, que nous
pouvons lutter jusqu’à certain point avec l’Allemagne, puisque nous avons
exporté une quantité de bonneterie, minime à la vérité, et qui a toujours été
en décroissant, mais enfin une quantité quelconque. On se tromperait gravement
si on pensait que ces importations avaient pour but d’alimenter la consommation
de l’Allemagne. J’ai appris par des renseignements qui m’ont été fournis, que
ces exportations étaient destinées à la Hollande et faisaient un circuit par
l’Allemagne pour y pénétrer.
Ces exportations par
l’Allemagne ont été en diminuant, en raison de la facilité plus grande qu’on a
eue pour introduire directement des marchandises en Hollande ; de sorte qu’on
peut tenir pour constant que nous ne fournissons rien à la consommation de
l’Allemagne qui vient prélever un million et demi sur l’article bonneterie.
Ainsi, d’un côté l’Allemagne
nous est fermée, et de l’autre la France nous l’est également ; votre unique
débouché est donc la consommation intérieure et quelques articles que nous
envoyons en Hollande. Mais si vous adoptez le projet du gouvernement, vous
donnerez le coup de mort à cette industrie, l’Allemagne viendra s’emparer de
notre marché, et nos fabricants ruinés ne pourront plus aller lutter en
Hollande.
On nous dit : nous ne
changeons pas le tarif vers l’Allemagne. Mais de là il résulte que vous
n’apportez aucun allégement aux souffrances de l’industrie qui fabrique la
bonneterie fine et moyenne, que produit l’Allemagne.
Voilà ce qui résulte du
maintien du tarif quant à l’Allemagne. Mais en l’abaissant sur la frontière de
France, vous achevez la ruine de cette industrie, puisque la bonneterie commune
qui se fabrique en France va venir s’emparer de notre marché.
La tarification au poids qui a
été combattue encore aujourd’hui par le gouvernement devrait l’être par autre
chose que de vaines allégations. Il faudrait démontrer que ce mode de
tarification, qui présente tant d’avantage contre les fausses déclarations,
donne lieu, dans l’espèce qui nous occupe à des inconvénients pratiques, tels
qu’il faut absolument y renoncer. C’est ce qu’on ne démontrera pas, à moins
qu’on ne prouve que les Français et les Allemands ne trouvent pas moyen
d’asseoir le droit au poids et que ce mode de tarification n’est que
nominalement écrit dans leurs lois. Mais il est constant que les droits s’y
perçoivent, donc le mode est praticable. Quant à ses avantages. je les ai démontrés.
Le projet de la section
centrale s’est écarté de l’exemple donné par le tarif français et le tarif
allemand, en ce qu’il a établi plusieurs catégories. Elle a agi ainsi, pour
faire disparaître les plus graves inconvénients qu’on avait signalés.
En effet, qu’avait-on
principalement objecté au mode de tarification au poids ? C’est que le droit
était minime sur les marchandises de grande valeur respectivement à leur poids
et qu’il était exorbitamment élevé sur les marchandises pesant beaucoup et de
faible valeur. C’est précisément pour diminuer cet inconvénient que la section
centrale a proposé plusieurs catégories. Au lieu d’un droit uniforme de 4
francs par kil., comme dans le tarif prussien, elle a fait un article pour la
grosse bonneterie pour laquelle elle ne propose d’établir qu’un droit de 2
francs.
C’est là une grande
amélioration sur le tarif prussien. Pour les articles d’un poids minime, de
qualité fine, elle a proposé deux catégories, l’une de 8 francs et l’autre de
10 francs par kilog., si ma mémoire est fidèle. De cette manière ou atteindra
les qualités fines et superfines, et on diminue à leur égard, comme à l’égard
des qualités communes, les inconvénients signalés.
Ainsi si le mode de
tarification de la France et de la Prusse est praticable, à plus forte raison
peut-on pratiquer celui de la section centrale qui l’a perfectionné, en ce
qu’il diminue l’inconvénient qu’il présentait en frappant d’un même droit les
qualités communes, fines et superfines.
Je
rappellerai une considération que j’ai déjà fait valoir, je présenterai en
terme de comparaison, le tarif de la section centrale actuelle, pour vous
convaincre de plus en plus qu’il est acceptable, et celui que la section
centrale chargée de l’examen de la loi concernant l’industrie cotonnière avait
proposé il y a deux ou trois ans.
Cette section centrale avait
fait aussi des catégories, mais quels droits proposait-elle ? Aujourd’hui nous
proposons des droits dont le minimum est 2 fr. et le maximum 10 fr. par kil. :
alors le minimum du droit proposé était 6 fr., le droit sur les qualités
moyennes de 50 fr. et sur les qualités superfines de 300 fr. et plus. Vous
voyez qu’en comparaison de ces droits, qu’avec raison on considérait comme
prohibitifs, ceux qu’on vous propose aujourd’hui ne sont que protecteurs.
Je demande si vous pouvez
refuser à une industrie aussi intéressante et aussi importante que celle de la
bonneterie, un tarif purement protecteur.
Je bornerai là mes
observations pour le moment, me réservant de répondre aux objections qui pourraient
m’être faites.
M. Verdussen. - J’ai déjà pris la parole sur l’objet actuellement
en discussion. Je pourrais me référer à ce que j’ai dit il y a quelques mois,
si nous n’étions pas dans la nécessité de reproduire les arguments que nous
avons présentés, à cause de l’intervalle qui nous sépare de la première
discussion.
Je vous avoue qu’après avoir
entendu les deux orateurs qui siègent à ma gauche, je suis encore à me demander
ce qu’ils soutiennent : est-ce l’insuffisance du droit de 10 p. c. ? Est-ce le
mode de tarification au poids auquel ils veulent qu’on donne la préférence sur
la tarification à la valeur ?
Car, messieurs ne nous y
trompons pas, défendre à la fois ces deux objets, c’est défendre le pour et le
contre ; c’est que je m’attacherai à vous prouver.
Souvent dans cette discussion
on nous a parlé des essais faits par la section centrale et par les soins du
ministère pour prouver quel est le taux de la tarification que l’on doit
établir. La section centrale, dont les propositions ont été admises par un
premier vote, avait établi que 15 p. c. de la valeur étaient un droit
protecteur suffisant. Eh bien, je vous disais tantôt que si on adopte la
tarification au poids, on dépassera 15 p. c. sur une certaine qualité de marchandises,
et on restreindra de beaucoup ce chiffre sur une autre qualité de marchandises.
Pour le prouver, je n’ai qu’à jeter les yeux sur le résultat des pesées faites
par la section centrale, lors de la première discussion, au mois d’avril.
Là des paquets choisis
d’avance et nullement pris au hasard ont établi qu’en effet sur les 13 paquets
présentés la moyenne, par rapport au poids, présentait juste les 15 p. c. que
l’on veut établir sur la valeur. Mais quand je dissèque ce résultat, alors je
trouve que les qualités inférieures sont frappées d’un droit de 25 p. c., 27 p.
c., 24 1/2 p. c., 23 p. c., 24 p. c., et que les qualités fines, qui
naturellement devraient être plus imposées puisque c’est la classe moyenne qui
en fait usage, ne paient que 7 1/2 p. c., 9 p. c.
C’est le résultat immanquable
de toute tarification au poids.
M. le ministre de l’intérieur
vous l’a déjà dit tantôt, et le résultat qu’a présenté M. le ministre des
finances dans la première discussion le prouve à suffisance.
Qu’arriverait-il donc ? Qu’on
déclarerait, d’après la tarification au poids, toutes les marchandises fines et
dont les droits ne s’élèveraient qu’à 7 1/2 ou 9 p. c., et qu’on frauderait sur
les qualités communes les droits qui s’élèveraient de 24 à 27 p. c.
Nous avons déjà dans la
discussion précédente des aveux méritent d’être signalés. Ces messieurs nous
ont lu une lettre qui prouve qu’on fraude à raison de 15 p. c. de prime. Un
autre orateur qui soutient le même système a dit qu’à Gand et à Bruxelles la
moyenne de la prime était de 14 p. c. Eh bien, puisque la fraude se fait si
facilement, puisque le détaillant ne court aucun risque, et que toutes les
marchandises sont livrées dans son magasiné aux risques du fournisseur, je ne
sais pourquoi l’on élèverait les droits au-delà de la prime du fraudeur. Je ne
comprends pas le but de cette élévation illusoire de droits.
Je
le répète, cette discussion devrait être divisée en deux parties. il faudrait
d’abord discuter si les droits seront établis au poids ou à la valeur, discussion
tout à fait distincte de la quotité des droits. Je n’ai pas voulu entrer dans
une discussion de chiffres insaisissable dans une discussion publique. Mais les
honorables membres qui veulent plus de renseignements peuvent consulter le Moniteur n°118 de la présente année ;
ils y trouveront la justification complète de ce que j’avance, et qui tend à
prouver qu’avec la tarification au poids le droit sera de 25 à 27 p. c. sur les
qualités consommées et de 7 à 10 p. c. sur les qualités fines.
C’est donc contre le système
de la tarification au poids que je m’élève, sauf à examiner si les 10 p. c.
présentés par le gouvernement comme un droit suffisamment protecteur, le sont
réellement, ou si ce droit est réduit par de fausses déclarations quant à la
valeur des marchandises.
M. Rogier. - Les observations que vient de faire le préopinant
méritent, ce me semble, d’attirer l’attention de la chambre.
A l’ouverture d’une nouvelle
discussion sur les modifications à introduire dans le tarif des douanes, il
serait très important que la chambre se fixât, dès le premier article, sur l’un
ou l’autre principe à préférer, et qui doit naturellement exercer de
l’influence sur les autres articles à discuter.
Je crois donc que par forme de
discussion générale il serait nécessaire que la proposition de l’honorable M.
Verdussen devînt l’objet des débats. Lorsque la chambre aura décidé si le droit
ad valorem sera maintenu ou si le droit au poids y sera substitué, qu’alors on
fixe d’une manière certaine quel sera le taux du droit. A cet égard je dirai
que d’après le document fourni ce matin par le gouvernement, document que nous
devons considérer exact jusqu’à preuve contraire, les bases adoptées dans la
première discussion portent tout à fait à faux. D’après les vérifications qu’a
fait faire le gouvernement (et je crois à ses vérifications), le taux que la
chambre prétendait atteindre serait triple dans plusieurs cas. Je demande si en
présence de ce document vous pouvez vous presser d’émettre sur l’article premier
un vote qui vous liera nécessairement pour le vote des autres articles.
Il y a une autre question
préalable que je me permettrai de soulever, non pas tant pour ceux de nos
collègues qui ont assisté à la discussion, que pour nos nouveaux collègues qui,
peut-être, n’ont pas suivi avec la même attention que nous la première
discussion. Quel était le but du premier projet de loi en discussion ? Quelle
était l’intention du gouvernement qui l’a proposé ? Le gouvernement n’avait
qu’un seul but, qu’une seule intention : de replacer dans le droit commun une
puissance alliée et amie, contre laquelle il existait des mesures
personnellement hostile. Qu’a fait le gouvernement ? Pressé par les
réclamations de la chambre, il a ouvert des négociations avec le gouvernement
français ; il a obtenu de ce gouvernement des concessions préalables,
concessions auxquelles ce gouvernement semblait d’autant moins tenir qu’il
existait, à son égard, dans notre tarif des dispositions directement hostiles.
Le gouvernement belge obtint du gouvernement français des concessions
préalables, alors que la France continuait d’être traitée en ennemie par notre
tarif. Il vint alors demander aux chambres belges non des concessions
particulières pour la France, mais de replacer la France dans le droit commun.
Au lieu de s’attacher à la
simple demande du projet du gouvernement, voici qu’on saisit l’occasion de
prendre des mesures hostiles contre des gouvernements avec lesquels des
négociations n’ont pas été ouvertes, et qui n’ont pas pris contre nous des
mesures auxquelles nous avons à répondre. De manière que sous prétexte de faire
une loi belge, on ne fait pas la moindre difficulté de faire une loi
anti-anglaise, anti-allemande ; car il résulte de ce que vient de dire
l’honorable M. Dubus, qu’aujourd’hui il s’agit bien moins de nous garantir
contre la France que contre la Prusse. Il ne s’agit donc plus de replacer la
France dans le droit commun, mais de déplacer les hostilités, et de les faire
passer de la France à la Prusse. Voilà ce que le gouvernement n’a pas demandé,
à quoi il ne peut pas adhérer ; voilà surtout ce à quoi je m’opposerai.
Le droit actuel sous lequel
l’industrie, que l’on dit si souffrante, vit cependant depuis bon nombre
d’années, est de 10 p. c. à la valeur. On veut l’élever à 15, 20 ou 30 p. c. ;
car il est impossible de vérifier quel sera le taux réel des droits s’ils sont
établis au poids. Cette augmentation est-elle nécessaire ? Cela n’a pas encore
été démontré.
La substitution du mode de perception
au poids, à celui qui est en usage, est-elle utile, est-elle prudente ? Ici
s’élève une des questions les plus importantes qui puissent nous occuper en
matière de tarif de douane. Quant à moi, lorsque je vois le gouvernement, qui a
pour lui l’expérience, persister à demander la perception du droit à la valeur,
je crois qu’il y a de graves motifs pour se ranger à son opinion. Je me
rappelle que dans une autre discussion l’honorable orateur qui défend
aujourd’hui avec beaucoup de vivacité la perception au poids, défendait, avec
non moins de vivacité, le droit à la valeur ; mais alors il ne s’agissait pas
de bonneterie, mais des toiles. Cependant les toiles ont, en Belgique, une tout
autre importance que cette industrie spéciale de la bonneterie considérée par
M. Dumortier, comme très puissante, et par son honorable ami comme donnant des
produits seulement pour cinq ou six millions.
M. Dubus (aîné). - Pour huit millions le tout ensemble.
M. Rogier. - Ce n’est pas là une industrie puissante comparée à
celle des toiles.
Je serai donc ici, messieurs,
comme dans d’autres circonstances, d’avis de maintenir le statu quo plutôt que
d’établir des tarifs dangereux ; c’est-à-dire, que si l’on ne veut pas replacer
la France dans le droit commun, après avoir obtenu d’elle des concession d’un
certain intérêt, je serai d’avis de laisser les choses comme elles étaient
avant la présentation de la loi. Si, au contraire, la chambre croyant qu’il est
de la loyauté du pays, qu’il est même dans son intérêt, tout en conservant des
axes d’importation, de faire cesser des mesures exceptionnelles vis-à-vis de la
France, je donnerais mon adhésion à cette proposition ; mais je ne consentirai
pas à ce que l’on modifie la perception, et que l’on frappe d’un droit plus
élevé les produits de puissances voisines, vis-à-vis desquelles le gouvernement
ne veut pas prendre une position hostile.
On
a prétendu que nous faisions une loi belge, et l’on a assuré que les Anglais,
les Français, les Allemands percevaient, sans exception, au poids ; si j’avais
sous les yeux le tarif anglais, il me serait facile je crois, de montrer que
l’assertion manque d’exactitude. Quoi qu’il en soit, je dirai que faisant une
loi belge, c’est d’après les tarifs belges que nous devons nous guider, et par
conséquent conserver le mode à la valeur qui est la base de notre perception.
Pourquoi modifier des tarifs sous lesquels notre industrie a atteint à un degré
de prospérité qui fait l’envie des autres nations ? La Belgique n’est pas, au
reste, comme on veut le faire entendre, le seul pays où l’on perçoive à la
valeur ; l’Amérique fait payer les droits de cette manière. De ce que les
tarifs allemands, français, anglais seraient établis au poids, il ne serait pas
démontré que la Belgique, qui a su prospérer sous le régime de la perception à
la valeur, dût adopter un autre régime.
Si, comme on le propose, la
discussion s’engage sur la base des droits, je me réserve de revenir sur
l’examen de l’un et de l’autre mode de perception, et de développer mes idées
en faveur de la perception à la valeur.
M. Dumortier. - Si la chambre veut examiner quelle doit être la
meilleure tarification, son opinion sera bientôt faite ; car depuis quelques années,
les discussions, dans cette enceinte, ont eu pour résultat de changer notre
manière de percevoir les droits de douanes à la valeur, et de prendre le poids
de la marchandise pour base de la tarification. C’est ainsi que le droit sur
les tissus de coton qui était à la valeur, a été transformé en un droit au
poids. C’est ainsi que vous avez voté le droit au poids sur l’entrée des
bestiaux, quoiqu’il ne soit pas bien facile de les peser ; c’est ainsi que vous
avez admis le droit au poids sur les toiles. Je pourrais citer encore bien
d’autres exemples.
Mais ce n’est pas sur cet
objet que je désire répondre au préopinant. Une autre pensée me touche : c’est
ce qu’il a dit du principe de la loi. Il a dit que le but de la loi serait
manqué si l’on adoptait les propositions de la section centrale ; que le but de
cette loi était de replacer la France dans le droit commun ; que c’est nous qui
avons obtenu du gouvernement français des concessions préalables, alors que la
France était traitée par nous en ennemie. Je vous avoue que c’est avec beaucoup
de peine et beaucoup de regret que j’ai entendu ces paroles imprudentes et
inexactes.
Le but de la loi est,
dites-vous, de replacer la France dans le droit commun ; mais avez-vous perdu
de vue que lorsque le gouvernement précédent prit contre la France des mesures
de représailles, ces mesures étaient justifiées par la prohibition dont tous
nos produits venaient d’être frappés en France. S’il y avait ici un acte
d’hostilité, c’était de la part du gouvernement français envers la Belgique. Et
depuis lors qu’a fait la France pour faire cesser nos mesures de représailles ?
A-t-elle supprimé la prohibition nominale ou équivalente dont elle avait frappé
tous nos produits ? aucunement ; elle a maintenu son système et persiste à prohiber
les produits de nos fabriques. Que signifie donc cette manière de faire, de
venir ainsi plaider contre nous la cause de la France dans un moment où elle
nous traite si cruellement.
Messieurs, j’ai toujours pensé
que lorsque nous faisions des lois, l’intérêt du pays devait être notre seul
guide ; que nous ne devions pas les faire pour la Prusse, pour la France, mais
pour la Belgique : nous ne sommes pas les envoyés de la Prusse, de la France,
nous sommes les mandataires du peuple belge, et c’est pour lui que nous devons
conserver toute notre sollicitude.
Mais, dites-vous, ce serait
faire un acte d’hostilité que de modifier les tarifs ainsi que nous le
proposons. Messieurs, si un droit de 15 p. c. est un acte d’hostilité,
dites-moi ce que sont à notre égard les tarifs de la Prusse et de la France,
qui repoussent tous nos fabricats et les frappent de prohibition ou de droits
prohibitifs.
Ainsi donc des puissances
voisines seraient dans un état flagrant d’hostilité envers nous, et nous ne
pourrions pas agir comme elles ? Mais de quel droit viendraient-elles se
plaindre de ce que nous nous défendons, de ce que nous imitons leur conduite,
car ce n’est qu’un acte de défense que nous proposons ?
Le gouvernement belge,
ajoute-t-on, a obtenu du gouvernement français des concessions préalables,
alors que la France était traitée en ennemie. Des concessions préalables ?
Mais avez-vous oublié que toutes les concessions préalables sont parties de la
Belgique et que depuis la révolution il n’est pas d’année que nous n’ayons
modifié quelqu’un des articles de notre tarif en faveur de la France. N’est-ce
pas le gouvernement provisoire, dont le préopinant a eu l’honneur de faire
partie, qui, immédiatement après la révolution, a modifié le tarif des douanes
en ce qui concerne l’assimilation des bateaux charbonniers français aux bateaux
belges ? Plus tard n’avons-nous pas successivement adopté la suppression des
droits de sortie sur nos houilles qui nous rapportait annuellement plus d’un
demi-million, puis la réduction de 15 fr. à 5 fr. 50 c. sur l’entrée des
houilles françaises, la levée de la prohibition des vins et eaux-de-vie
français par terre, la suppression du transit des sucres si vivement sollicitée
par la France, le transit des grains en faveur du département du Nord, etc. ?
L’initiative des concessions
n’a donc pas été prise par la France, mais bien par le gouvernement provisoire
et par la chambre où nous siégeons ; il est donc inexact et fâcheux que l’on
vienne représenter le gouvernement belge comme s’étant conduit en ennemi envers
la France, tandis que c’est le gouvernement belge qui a fait le premier pas
dans la voie de concession.
On prétend que la loi proposée
par le gouvernement est tout entière dans l’intérêt de la Belgique, et que nous
avons tort de l’appeler une loi française ; mais rappelez-vous les paroles
prononcées à la tribune française par un ministre, et vous verrez si nous avons
tort de la qualifier ainsi. Que disait M. Passy dans la dernière session de la
chambre des députés de France ? Il disait en proposant des améliorations au
tarif des douanes :
« Il y a une loi présentée en
Belgique en ce moment, et qui contient des concessions en faveur de la France
beaucoup plus grandes que celles que nous avons demandées, nous, à la
législation française, au profit de la Belgique. » Voilà ce que disait le
ministre du commerce de France dans la séance de la chambre des députés du 22
avril 1836. D’après cet aveu, c’est donc une loi française que l’on veut faire
et non une loi belge, et nous avons eu raison de le dire.
Mais si telle était la loi qui
nous était proposée en présence de celle présentée aux chambres françaises, que
dire de cette loi, aujourd’hui que ces chambres ont rejeté les principales
mesures proposées en notre faveur ? Le ministère français avait demandé
quelques concessions en faveur de notre industrie, qu’a-t-il obtenu ?
Il
avait demandé une réduction sur le droit dont est frappé le commerce des
toiles, la première de nos industries ; ce qui a été fait relativement aux
toiles, est insignifiant de l’avis des commerçants français eux-mêmes, et nos
fabricants assurent aussi que rien n’est réellement changé à leur position.
Il avait demandé une
modification pour l’entrée de nos bestiaux dont la vente est la richesse du
Luxembourg, et elle a été rejetée. Il est donc manifeste que toute hostilité de
ce genre a été commise par le gouvernement français, et que nous n’avons pas à
examiner ici l’intérêt de la France. Représentants de la Belgique, faisons des
lois belges, et ne sacrifions pas les intérêts de notre pays aux exigences de
l’étranger ; ne commettons pas la faute de sacrifier le travail de nos
populations au désir d’être agréables à des voisins qui repoussent tous nos
produits ; par là nous ferons voir à la Belgique que ce sont ses intérêts que
nous défendons ici et non ceux de l’étranger. (Bien ! très bien !)
M. Desmaisières. – On a dit dans cette enceinte que les traités de
commerce étaient passés de mode ; qu’entre les Etats constitutionnels il n’y
avait d’autre traités de commerce que des lois de douane. Les paroles que vient
de prononcer un honorable préopinant, paroles qui ont d’autant plus de poids,
qu’elles ont été prononcées par un ancien membre du cabinet, et ce qui a été
dit me portent à croire que la loi soumise pour la seconde fois à notre examen
est un de ces traités de commerce que l’on regarde comme seuls possibles entre
les Etats constitutionnels ; dans cette pensée, j’ai préparé quelques questions
que j’adresse aux ministres avant d’engager toute discussion sur la loi qui
nous occupe. Je vous demanderai la permission de les lire avant de les remettre
aux ministres, afin qu’ils y répondent s’ils le jugent nécessaire.
Première question. Quels sont
les divers articles du tarif français, qu’ont eu en vue de faire modifier les
mesures de représailles prises par l’arrêté du 20 août 1825, converti en loi le
8 janvier 1824 ?
Deuxième question. Quelles
étaient les modifications demandées au tarif français dans l’intérêt commun de
la Belgique et de la Hollande ? Quelles étaient celles demandées seulement ou
plus particulièrement dans l’intérêt de la Hollande ? Quelles étaient celles
demandées seulement ou plus particulièrement dans l’intérêt de la Belgique ?
Quelles sont celles que, relativement à notre position politique, industrielle
et commerciale actuelle, il nous importe le plus d’obtenir ?
Troisième question. Quelles
sont les diverses concessions en faveur de la France et les diverses
suppressions de mesures de représailles que le congrès national et la
législature ont décrétées depuis la séparation de la Belgique et de la Hollande
?
Quatrième question. Quels sont
les avantages qui résultent pour la Belgique des modifications apportées au
tarif des douanes de France par les lois des 2 et 5 juillet 1836 ? Quels sont
ceux qui seraient résultés des projets de loi, si la législature ne les avait
pas modifiés ?
Cinquième question. Les lois
françaises des 2 et 5 juillet 1836 ou les projets ministériels de ces lois, et
le projet de loi soumis en ce moment à notre examen, sont-ils le résultat de
négociations établies entre les gouvernements des deux pays ? Y a-t-il eu des
engagements pris de part et d’autre, et de quelle nature sont-ils, s’il y en a
eu ?
Sixième question. Est-il à la
connaissance du ministère que des commissaires français, les uns à mission
ouverte, les autres à mission secrète, sont venus, préalablement à la
présentation des projets de loi des 2 et 5 juillet, recueillir des
renseignements nombreux en Belgique ? Est-il à sa connaissance que depuis le
premier vote émis par nous sur le projet actuel en discussion, il est venu en
Belgique des agents français chargés de l’une ou de l’autre de ces mêmes
missions de la part de leur gouvernement ?
Septième
question. Le gouvernement belge a-t-il envoyé, et à quelles époques, des agents
chargés de semblables missions en France ? Dans ce cas, quels sont les
renseignements qu’ils ont réussi à recueillir ?
Je désire que MM. les
ministres répondent franchement et catégoriquement à ces questions, et qu’ils
le fassent de manière que leurs réponses ne soient pas dénaturées par les
journaux qui passent pour être les organes du ministère français, comme l’ont
été toutes les opinions émises dans cette enceinte lors de la première
discussion du projet qui nous occupe.
M. Smits. - Je ne sais pas si la chambre veut s’occuper des
questions posées par l’honorable M. Desmaisières, mais si j’ai bien compris, il
me paraît que la plupart de ces questions ont été résolues dans la discussion
générale, moi-même, messieurs, je suis entré à cet égard dans les plus grands
détails ; j’ai fait connaître quelles étaient les exceptions dont la France
avait été frappée, quelles étaient celles qu’a retirées le congrès national ;
de son côté le gouvernement a fait publier et distribuer à chacun de nous le
tableau de toutes les modifications que les lois françaises de juillet 1832 ont
introduites dans le tarif français, c’est-à-dire, le tableau des concessions
que la France nous a faites, pour obtenir le retrait des mesures
exceptionnelles dont nous l’avons frappée. Toutes ces questions ont donc été
résolues, et je ne pense pas que la chambre puisse encore s’en occuper
sérieusement aujourd’hui.
M. Gendebien. - Je ne pense pas, messieurs, qu’il faut admettre
l’espèce de fin de non-recevoir que semble proposer M. Smits ; les questions de
l’honorable M. Desmaisières paraîtront demain dans le Moniteur, et je ne crois pas que nous puissions terminer cette
discussion aujourd’hui ; il faut donc attendre jusqu’à demain pour proposer la
question préalable, qui du reste, n’est jamais de mon goût, mais, dans tous les
cas, ce qu’il y a de plus prudent à faire pour la chambre comme pour le
ministère, c’est d’examiner mûrement les questions que vient de poser
l’honorable M. Desmaisières.
M. Smits. - Je ne m’y oppose nullement.
Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
PROPOSITION DE LOI TENDANT A AUGMENTER LES TRAITEMENTS
DES MEMBRES DE L’ORDRE JUDICIAIRE
M. le président annonce que M. Verhaegen.
déposé une proposition et qu’elle est renvoyée aux sections, afin
qu’elles voient si elles croient devoir en autoriser la lecture.
- La séance est levée à 4
heures.