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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du mercredi 17 mai 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives au
projet de concession du chemin de fer entre Bruxelles et Lille (Lejeune, de Muelenaere, Dumortier) et à la pêche nationale (Donny,
Smits, Desmaisières)
2) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes
(politique commerciale du gouvernement et négociations commerciales avec
3) Autres projets de loi portant des modifications au tarif des douanes
(d’Huart, de Puydt, Demonceau, Dumortier, Zoude, Gendebien, Watlet). Foins (de Theux, Mast de Vries, d’Huart, de Jaegher), houilles de
(Moniteur
belge n°138, du 18 mai 1838 et Moniteur belge n°139, du 19 mai 1839)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°138, du 18 mai 1838)
M. Verdussen procède à l’appel nominal
à midi trois quarts.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal
de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse
de la pétition suivante.
« Le sieur J. Maertens, fondé de pouvoirs
d’une société demanderesse en concession d’un chemin de fer vers
- Sur la proposition de M. Lejeune,
cette pétition est renvoyée à la commission qui a examiné le projet de loi
présente par le gouvernement sur la construction d’un chemin de fer vers Lille,
et cela comme commission spéciale.
Sur la proposition de M. de Muelenaere, appuyée par M. Dumortier, la chambre met le projet de loi relatif à la
construction d’un chemin de fer vers Lille à l’ordre du jour après ceux déjà à
l’ordre du jour entre les deux votes du projet de loi concernant les douanes.
Sur la proposition de M. Donny, appuyée par M. Smits et M. Desmaisières,
la chambre met le projet de loi relatif aux primes concernant la pêche
nationale à l’ordre du jour après celui relatif à la construction d’un chemin
de fer vers Lille.
PROJET DE LOI PORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
Discussion des modifications
apportées au tableau du tarif
Verres
et verreries
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’article du tarif « Verreries » ajourné dans la séance
d’hier.
M. Smits. - J’ai lu attentivement le
discours prononcé à la fin de la séance d’hier par l’honorable M. Frison. Mais je dois dire
que je n’y ai trouvé aucun motif, aucun fait qui doive nous empêcher de retirer
les mesures exceptionnelles qui frappent
L’honorable membre, sentant sans doute la faiblesse
de ce moyen d’opposition, vous a dit ensuite que les avantages dont jouissait
la fabrication belge, ont disparu par suite de l’augmentation sur le
combustible, la main-d’œuvre, etc. Mais ici encore une seule remarque suffira
pour détruire cette objection ; car veuillez remarquer, messieurs, que si ces
augmentations ont eu lieu en Belgique, elles ont dû avoir lieu aussi en France,
et que par conséquent il y a égalité. D’ailleurs c’est là une circonstance
momentanée, qui ne peut manquer de disparaître et qui, d’ailleurs, ne peut
influencer en rien une question de principe.
J’ai dit que je n’ai découvert dans le discours de
l’honorable membre rien qui doive empêcher de lever la prohibition qui frappe
par exception un peuple ami, et qui est de nature à blesser sa dignité. Mais
est-ce à dire pour cela qu’en levant cette prohibition, nous devions abaisser
totalement nos barrières, laisser entrer librement les produits étrangers ?
Nullement. Ce que nous demandons au contraire, c’est une protection large,
efficace, bienfaisante pour l’industrie nationale, établie de manière à
concilier l’intérêt belge avec ce que nous devons à
Or, pour assurer cette protection, il faut
déterminer un droit sur les produits étrangers. Quel sera ce droit ? voilà
toute la question.
Aujourd’hui, et d’après le droit actuel, la
verrerie étrangère, sauf celle venant de
« Verres unis, 10 p. c.
« Verres moulés, 20 p. c.
« Verres taillés ou gravés, 25 p. c. »
Certes, dans des temps ordinaires et dans celui où
le tarif du gouvernement a été conçu, je l’aurais chaudement défendu ; mais
nous nous trouvons aujourd’hui dans une circonstance tout à fait
extraordinaire. Une crise commerciale qui affecte en même temps l’Amérique,
l’Angleterre et
La section centrale, ainsi
que je l’ai fait remarquer, avait établi un tarif gradué, c’est-à-dire qu’elle
avait distingué, quant à la quotité du droit, entre les verres unis, les verres
moulés et les verres taillés ou gravés. Mais il me semble qu’un droit uniforme
vaut mieux, parce que la marchandise paie toujours en raison de la valeur, et
qu’en résultat les verres taillés ou gravés supporteront des droits plus forts
que les verres unis.
J’attendrai la réponse de l’honorable M. Frison à
ma proposition et à la question que je lui ai adressés, pour présenter quelques
autres considérations.
M. de Brouckere.
- Et moi aussi j’ai lu attentivement le discours de l’honorable M. Frison, et
je l’ai trouvé tellement fort de faits, tellement logique dans tous ses
raisonnements, que je crois qu’il serait difficile d’y rien répondre, de réfuter
aucune de ses allégations. Aussi vous avez entendu combien a été faible la
réponse que vient de lui faire l’honorable préopinant. A quoi se borne cette
réponse ? L’honorable M. Frison vous avait dit que l’importation des verreries
avait singulièrement augmenté depuis 1831, et il vous avait fourni un tableau
qui donnait la preuve de la vérité de cette assertion. Le préopinant se borne à
répondre que des chiffres qui avaient été avancés, il faut défalquer quelque
chose pour des instruments de physique ou de chimie, fabriqués en France. Eh
bien, personne ne s’oppose à ce que cette déduction soit faite. Toujours est-il
vrai que la progression, depuis quelques années, des objets importés de France
est vraie et réelle. Peu importe que le chiffre soit un peu plus ou un peu
moins élevé. Ce qui importe, c’est que l’importation augmente chaque année.
M. Frison avait trouvé un argument très fort dans
l’augmentation de toutes les matières nécessaires à la fabrication des
verreries. On répond à cela : Il est vrai que ces matières ont beaucoup
augmenté. Mais il est probable qu’elles ont augmenté dans la même progression
en France. Il est probable aussi que cette augmentation en Belgique n’est que
momentanée et qu’elle viendra bientôt à cesser.
D’abord, je ne crois pas que l’augmentation sur les
matières premières soit aussi forte en France qu’en Belgique. En deuxième lieu,
je voudrais que l’honorable membre prouvât sur quoi il fonde l’opinion que
cette augmentation n’est que momentanée en Belgique ; je voudrais qu’il nous
indiquât ce qui lui fait croire que le bois coûtera à l’avenir moins cher
qu’aujourd’hui. Je pense tout autrement. Comme nous ne pouvons raisonner que
sur des probabilités, il est probable qu’au lieu de diminuer, le bois
augmentera en Belgique.
Dans des temps ordinaires l’honorable préopinant
appuierait, dit-il, la proposition faite par la section centrale ; mais il
convient que nous sommes dans un moment de crise, et il croit que la diminution
proposée est trop forte ; il en propose une un peu moins défavorable à la
fabrication belge. Si on convient que nous sommes dans un moment de crise,
qu’on convienne aussi que ce n’est pas le moment de changer quelque chose à
notre tarif.
Oui, il existe une crise ; elle frappe
particulièrement sur les bouteilles et verreries, parce que ces produits
trouvaient avant 1830 un immense débouché en Hollande et dans les colonies ;
d’où il résulte que la crise qui a frappé toutes les industries depuis quelque
temps, frappe plus particulièrement celle des verres et verreries. La chambre
comprendra que le moment est mal choisi pour changer quelque chose au tarif,
pour établir sur l’importation un droit tel que les fabricants français
trouvent un très grand avantage à nous envoyer leurs produits.
Je borne là mes observations parce que je crois
avoir répondu à toutes celles présentées par honorable préopinant.
Je répéterai en terminant
ce qu’a dit hier l’honorable préopinant : les fabricants belges ne craindraient
pas les fabricants français. Si on voulait une réciprocité complète en ce qui
concerne les verreries, les fabricants belges ne feraient aucune opposition à
cette mesure ; mais je ne crains pas de le dire, c’est ici une question de vie
ou de mort pour la fabrication belge. Si vous abaissez le droit à un taux tel que
l’introduction des produits étrangers soit trop facile, vous portez un coup de
mort à l’industrie belge ; le résultat de votre décision sera des plus
déplorables.
L’honorable M. Frison a dit que la fabrication des
verreries en Belgique monte à plus de 6 millions. Je crois pouvoir assurer que
ce chiffre n’est pas exagéré. Le nombre des ouvriers occupés par cette
industrie est d’autant plus grand, que c’est particulièrement à la main-d’œuvre
que sont employés les capitaux placés dans la fabrication des verreries.
J’engage la chambre à réfléchir mûrement avant de
prendre une décision, et de se pénétrer que si elle abaisse trop le droit
d’importation, si tant est qu’elle lève la prohibition, elle frappera de mort
les verreries belges.
M. Coghen - Je viens appuyer
l’amendement de M. Frison. J’ai écouté hier son discours avec la plus grande
attention, je l’ai trouvé plein de faits qui ne peuvent pas être détruits. Il
est évident que la fabrication des verres et cristaux occupe une population
très nombreuse, qu’elle emploie des produits du pays, qu’elle donne la
nourriture à une immense population, active la navigation intérieure et fournit
à la navigation extérieure les moyens de former des cargaisons d’exportations,
objet dont s’occupe avec toute bienveillance l’honorable député d’Anvers.
Messieurs, depuis la révolution, les verreries
belges ont été dans un grand état de souffrance. Elles ne se sont pas encore
tout à fait relevées de cet état.
C’est à force de soins et d’activité que nous
tâchons d’arriver à rendre les nations voisines tributaires de notre industrie
; on fait des essais partout ; tous ne sont pas heureux ; il en est qui ont
donné jusqu’à 80 p.c. de perte. Cependant on persévère, et en espère que
l’avenir couronnera les efforts qu’on fait dans l’intérêt du pays.
On demande la suppression de la prohibition qui
frappe les verres et verreries de France, et on propose de la remplacer par un
droit de 5 p. c. M. Smits propose aujourd’hui de porter ce droit à 15 p. c. de
la valeur.
Les fabriques établies en France, qui fournissent à
34 millions de consommateurs, produisent avec plus d’économie que celles qui
sont limitées à une consommation de 4 millions : car si les frais généraux
frappent sur une production plus grande, le coût de l’objet est moindre : si
vous admettez la concurrence française, même avec un droit, elle viendra
chercher à anéantir votre industrie, non pas qu’il lui importe beaucoup d’avoir
votre marché, mais de détruire votre industrie afin de n’avoir plus votre
concurrence dans l’Inde et sur les marchés américains où nous allons
aujourd’hui.
Je ne suis pas partisan de la prohibition, elle est
contraire à mes principes ; c’est contre ma pensée que souvent je me vois dans
la nécessité absolue de dans l’intérêt bien compris de mon pays. Je désire que
MM. les ministres le comprennent aussi.
Souvent, dis-je, je suis entraîné à émettre un vote
contre mon opinion. Mais aussi longtemps que je verrai les nations voisines
nous repousser partout et chercher à nous rendre tributaires de leur industrie,
à nous exploiter, jamais je ne consentirai à lever la prohibition Comme je l’ai
dit lors de la discussion de la loi sur les céréales, ce serait anéantir notre
industrie et jouer le rôle honteux de dupe.
Pour les cristaux, il y a une remarque très
essentielle à faire. C’est une industrie qui existe en France depuis des
siècles ; elle a tellement perfectionné ses produits qu’elle peut avec facilité
lutter avec nous, d’autant plus qu’elle nous donne le ton et la mode pour les
cristaux comme pour beaucoup d’autres objets ; c’est une loi que nous recevons
de
Depuis quelques années, une révolution s’est opérée
dans cette fabrication, c’est le moulage. Par ce moyen on est parvenu à couler
des cristaux comme d’autres matières. Le prix est tellement réduit que ce qui
valait 20 fr., s’achète maintenant à 3 fr. Il est évident que la manufacture de
France qui donne la mode, peut, pendant 4 et 5 mois, fabriquer des objets
qu’elle fait passer dans le commerce ; quand elle en a fabriqué une quantité
suffisante pour les jeter dans la circulation, ces objets nous arrivent ; il
faut les imiter.
Un ouvrier bien adroit a
besoin de six mois pour faire un moule ; et quand on est parvenu à s’en
procurer un, nous nous présentons sur les marchés quand la mode est aisée ;
nous pouvons alors difficilement soutenir la concurrence et trouver la vente.
En France, on fabrique des
masses de marchandises. Avec un moule qui peut coûter environ de 1,000 à 2,000
francs, on compte quarante à cinquante mille objets ; en Belgique, vous en
faites à peine quatre à cinq mille, de sorte que le prix de revient est majoré
de toute la qualité que nous ne pouvons pas fabriquer faute de débit.
Quant à la fixation des droits pour obtenir une
protection suffisante, elle est presque impossible à établir. Si on ne conserve
pas la prohibition, il faudrait, dans tous les cas, un droit uniforme pour tous
les cristaux, parce que si on faisait des différences il serait facile de
profiter du droit le plus bas, et tout ce qui a une grande valeur passerait à
des prix minimes.
(Moniteur belge n°139, du 19 mai 1837) M. Desmet.
- Messieurs, vous savez comme moi que notre plus grande rivale que nous ayons
pour la verrerie c’est
Les arrêtés de 1823
ont été une cause première que nos verreries ont repris : depuis lors elles ont
prospéré ; et, parce qu’elles prospèrent, on veut prendre des mesures pour les
anéantir : messieurs, c’est là toute la portée de la proposition du ministère
et de l’amendement que vous a présenté l’honorable M. Smits.
Pour ce qui
concerne les verres à vitre, l’honorable député de Charleroy vous a fait des
raisonnements et cité des faits qu’il sera difficile de combattre, et aussi on
ne l’a pas encore fait.
Je vais prendre la
liberté de vous entretenir un instant des cristaux ou de la gobeleterie,
toujours dans le but de conserver la prohibition et ne pas changer le statu quo
du tarif dont nos fabriques de cristaux ont besoin pour exister.
Oui, messieurs, et
veuillez bien vous en pénétrer, votre vote est une question de vie ou de mort
pour ces fabriques dont vous en avez trois dans le pays, l’établissement du
Val-St-Lambert, celui de M. Zoude à Namur, et celui qui existe dans le Hainaut
dans la commune de Glin ; si vous conservez la prohibition,
vous pourrez les conserver dans votre pays, et si vous y portez des
modifications, elles devront s’expatrier et se rendre en France, où elles sont
assurées de conserver la protection ; je sais même que déjà l’établissement de
Val-St-Lambert a un projet de s’établir aux environs de Valenciennes, si
malheureusement la proposition des ministres passe.
Et savez-vous,
messieurs, pour qui on voudrait sacrifier nos verreries ; savez-vous que c’est
pour une seule maison qui a le monopole dans toute
Et vous savez,
messieurs, comment ces quatre établissements font usage de leur monopole et
comment ils manœuvrent pour anéantir les verreries des autres pays et
particulièrement les nôtres, qui sont leurs principales rivales. ils ont deux
répertoires de prix courants : un pour l’intérieur de
L’honorable M.
Coghen vient de vous le faire remarquer que les fabriques de France mettent en
usage un moyen pour exterminer les nôtres qui réussiraient immanquablement si
vous leviez la mesure prohibitive ; ce moyen est celui de mouler, et vous
savez, messieurs, que dans ce moment ce sont les cristaux moulés qui forment le
plus grand débit et qui remplacent en majeure partie les cristaux taillés.
En France, pour le
moulage des cristaux on fait un moule dont le prix s’élève quelquefois à six ou
sept mille francs ; et on coule des quantités immenses d’objets, que l’on peut
jeter ensuite sur nos marchés aussi abondamment que le grosil,
que les verres cassés, parce qu’on a déjà couvert les frais de moule par le
débit en France, où les fabriques ont le monopole. Comment pourrions-nous
soutenir la concurrence quand nous ne pouvons obtenir le moule que plus tard,
et quand nous ne pouvons couler qu’une bien moins grande quantité de ces
cristaux ?
Vous avez l’exemple
d’une fabrique qui florissait en Belgique quand nous étions réunis à
Je vous conjure
donc, veuillez-y prendre attention et ne pas contribuer par votre vote à
anéantir des fabriques qui, sous la foi de votre tarif actuel, ont fait de
grandes dépenses et sont sur le point d’en faire encore. J’ose donc me flatter
que vous repousserez la proposition destructive des ministres ainsi que
l’amendement de l’honorable M. Smits qui n’est qu’un palliatif, mais qui a la
même portée, soyez-en sûrs.
Messieurs, je ne
puis trop le dire, c’est vraiment déplorable pour notre pauvre Belgique que
dans le département de l’intérieur il existe au bureau de commerce et
d’industrie qui est toujours guidé par une opinion systématique en faveur du
commerce extérieur et toujours défavorable à l’industrie nationale.
(Moniteur
belge n°138, du 18 mai 1837) - M. Gendebien. - Messieurs, les trois honorables
orateurs que vous venez d’entendre, ayant dit à peu près tout ce que je me
proposais de vous dire, je pourrais renoncer à la parole. Cependant vous me
permettrez d’ajouter une réflexion qui leur est échappée.
On m’a assuré, et j’ose même dire, il est notoire,
qu’en France il y a quatre sociétés principales qui ont le monopole de la
verrerie et surtout des cristaux. C’est à ce point que ces quatre fabriques ont
un centre, une seule maison à Paris, si mes renseignements sont exacts. Or,
voici le résultat de ce monopole :
Pour maintenir le prix de leurs produits à un taux
élevé, ces sociétés sont convenues de briser chacune une certaine quantité des
verres ou des cristaux qui ne sont pas promptement placés. Ceci ne doit pas
surprendre ; c’est la même opération que l’on pratique en Hollande à l’égard
des pipes.
Si on levait la prohibition, qu’en résulterait-il ?
C’est qu’au lieu de briser l’excédant de leurs produits sur la consommation,
elles enverraient cet excédant chez nous à très bas prix. Elles se
contenteraient d’un prix égal aux frais de transport, et au prix du verre brisé
ou grosil.
De cette matière elles ruineraient infailliblement nos
fabriques, car il nous serait impossible de soutenir la concurrence.
Voilà des observations qui n’avaient pas encore été
faites et que j’ai cru devoir vous présenter, parce que si elles sont exactes,
elles sont décisives ; et pour moi elles m’ont déterminé maintenir le statu
quo, bien qu’il soit prohibitif. On a parlé de la main-d’œuvre : mais il est
notoire qu’en Belgique, et particulièrement dans l’arrondissement de Charleroy,
la main-d’œuvre a augmenté considérablement, elle a presque doublé.... On me
dit qu’elle a triplé depuis deux ou trois ans ; et la chose se conçoit
facilement. Toutes les branches dans ce pays, sont poussées au dernier degré
d’activité, et toutes réclament des bras ; nulle part il n’y en a assez pour
répondre à cette activité ; dès lors les travailleurs deviennent rares et par
conséquent exigeants. Cet accroissement de main-d’œuvre est loin de changer en
fléchissant. Il augmentera encore, n’en doutez pas.
En France je ne vois pas la même raison pour l’augmentation
de la main-d’œuvre ; aussi elle est beaucoup moins élevée.
On vous a fait observer que
toutes les matières qui entrent dans la fabrication de la verrerie augmentent
de valeur. A Charleroy, par exemple, le charbon a augmenté de cent pour cent.
Quoiqu’on produise du charbon en quantité double ou quadruple, comme on en
consomme dix fois plus dans les usines aux environs de Charleroy, sa valeur
s’est accrue et ne diminuera pas avant deux ou trois ans, et la baisse ne sera
pas très sensible. Il en est de même des autres matières qui entrent dans la
composition du verre ; étant plus recherchées, elles doivent nécessairement
augmenter.
Il me semble qu’on ne peut nous adresser aucun
reproche de maintenir le statu quo, alors que
M. Smits. - L’honorable préopinant
aurait parfaitement raison si les verres pouvaient venir en Belgique sans frais
de transport ; car alors il arriverait que de grandes quantités de vitres et de
cristaux employés comme verres brisés, dans les fabriques françaises, nous
seraient envoyés ; mais cela ne pourrait avoir lieu, avec le droit protecteur
que je propose ; ce droit nous rendrait toujours la concurrence favorable sur
notre marche intérieur.
L’honorable M. de Brouckere a désiré avoir la
preuve que l’état actuel des choses changera et que le bois diminuera ; mais le
bois n’est pas le seul combustible qui s’emploie dans les verreries ; on y
emploie aussi le charbon de terre. Quand les sociétés puissantes qui se sont
formées auront doublé et perfectionné les moyens d’extraction de la houille,
cette substance diminuera sans aucun doute sur nos marchés.
M. Gendebien. - Cela ne peut avoir lieu
avant deux ou trois ans.
M. Smits. - Soit, j’admets cela ; mais
toujours est-il vrai de dire que l’effet des circonstances ne sera que
momentané.
M. de Brouckere.
- En attendant, il faudra du bois.
M. Smits. - Oui, mais il en faut aussi
à
Un autre fait qui domine
cette discussion et qu’on oublie sans cesse, c’est que la prohibition prononcée
contre les produits français n’est que nominative ; car rien n’empêche ce pays
de nous envoyer des produits par la voie du Rhin à 4 p. c. et par la voie de
mer à 6 p. c. C’est une considération que j’ai déjà fait valoir dans une autre
circonstance, quand il s’est agi des draps et des acides. Sans doute, les frais
de transport des verreries seraient considérables par le Rhin ou par mer ; mais
toujours est-il que l’importation est possible, et soyez persuadés que
L’honorable M. de Brouckere a encore parlé de la
progression effrayante de l’importation des verreries étrangères ; mais je vous
demande, messieurs, ce que c’est que cette importation quand les quantités
importées se limitent à 110,000 fr. environ, tandis que notre fabrication
produit pour 6 ou 7 millions ?
Il me semble donc, messieurs, que toutes les
considérations militent en faveur de la levée de la prohibition et de la proposition
que j’ai eu l’honneur de vous faire.
M. Dumortier. - Je ne pense pas,
messieurs, que ces observations de l’honorable préopinant puissent exercer
aucune influence sur vos esprits ; vous avez entendu le discours de l’honorable
M. Frison, et certes il est impossible d’y répondre. D’ailleurs un fait
incontestable, c’est qu’avant 1823, notre verrerie était absolument dans
l’enfance, que c’était à peu près comme si elle n’existait pas ; c’est sous la
législation actuelle qu’elle s’est établie, et voici comment cette industrie
s’est formée : les premiers établissements qui se sont fondés n’ont point pu se
maintenir, malgré la législation de cette époque, et pourquoi ? Parce que les
frais de premier établissement des verreries sont tels qu’ils ne peuvent pas
être absorbés par les bénéfices ; ensuite des événements politiques sont
survenus, ont mis le sceau à leur malheur et ils ont dû cesser. Aujourd’hui les
verreries qui ont succédé à ces premiers établissements, n’ont point encore
fait des bénéfices assez considérables pour couvrir les dépenses de premier
établissement ; si donc on ne leur accorde pas une protection suffisante, elles
ne pourront pas soutenir la concurrence et se trouveront dans le même cas que
leurs devanciers.
« Mais, a dit l’honorable M. Smits, les
charbons diminueront. » Il est possible que la houille diminue d’ici à
quelques années ; toutefois il n’y a aucune certitude à cet égard ; quoi qu’il
en soit, si la prévision de l’honorable M. Smits se réalise, il sera encore
temps de nous présenter alors un projet de loi ; mais la simple éventualité de
la diminution du prix de la houille n’est pas un motif pour ruiner une de nos
industries.
L’honorable M. Smits a été complètement en erreur
lorsqu’il a dit que la verrerie française peut éluder la prohibition en
important ses produits par la voie du Rhin ; les verreries françaises sont
situées de manière que si elles voulaient importer leurs produits en Belgique
par la voie du Rhin, il en résulterait des frais de transport très
considérables. Mais si vous levez la prohibition, les verreries françaises, par
leur position à proximité des nôtres, pourront amener leurs produits sur notre
marché sans payer plus de frais de transport que nos propres établissements ;
la prohibition est donc indispensable.
On a dit qu’il n’a été importé que pour quelques
centaines de mille francs de verreries françaises. Eh bien, messieurs, c’est
précisément à la prohibition que nous devons ce résultat. Cet argument tourne
donc contre le système que défend l’honorable préopinant.
Rappelons-nous, messieurs, une vérité qui a déjà
été plusieurs fois énoncée dans cette enceinte : nous n’avons pas obtenu de
Il y a, par exemple, les
toiles qui sont un article très important et à l’égard desquelles nous aurons
des réclamations à faire auprès du gouvernement français, car tous les députés
qui connaissent cette partie conviennent que le nouveau tarif français est plus
préjudiciable à nos toiles que l’ancien ; nous aurons également à réclamer pour
nos bestiaux et pour une foule d’autres articles ; eh bien, si nous n’avons
plus rien à offrir en échange des concessions que nous demanderons à
Que devons-nous faire ici, après tout, messieurs ?
C’est une loi dans l’intérêt de notre industrie : ce n’est pas, comme l’a déjà
dit mon honorable ami. M. Dubus, une loi française ni une loi anglaise, mais
une loi belge que nous devons faire.
Aujourd’hui, messieurs, nos verreries doivent
stater pendant une partie de l’année ; les fours à bouteilles entre autres
doivent chômer six mois par an ; comment voulez-vous dans un pareil état de
choses voter une loi qui les ferait chômer pendant toute l’année ?
Je maintiens donc, messieurs que nous devons
conserver la législation actuelle.
M. Coghen -
Messieurs, l’honorable M. Smits a dit qu’on peut éluder la prohibition dont les
cristaux français sont frappés ; c’est là une erreur le tarif porte
textuellement : « cristaux et verreries d’origine française. » ; or,
comme cette production se distingue très facilement de la production de Bohème,
il est impossible de l’introduire puisque aussitôt qu’on reconnaîtrait
l’existence dans le pays de cristaux français, l’attention de la douane serait
immédiatement éveillée.
Ce qui rend étonnante la persistance qu’on met à
demander la levée de la prohibition, c’est que les fabricants français ne la
demandent même pas. Les propriétaires des usines considérables qui existent en
France ne demandent pas que nous levions la prohibition, parce qu’ils savent
bien que, si nous commettions cette faute, l’existence de nos verreries
deviendrait impossible, et qu’elles devraient immédiatement passer la frontière
pour se fixer en France dans le département du Nord où elles auraient cet
avantage d’être placées là où le charbon et les autres produits qui doivent
concourir à la fabrication des cristaux sont à bon marché. Cela est si bien
connu des fabricants français qu’il n’est jamais venu dans l’idée à aucun d’eux
de demander que nous levions la prohibition.
(Moniteur
belge n°139, du 19 mai 1837) M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). -
Messieurs, nous n’avons pas à nous enquérir de la question de savoir si les
fabricants français ont demandé la levée de la prohibition ; le but de la loi
qui nous occupe, est de faire rentrer
On a dit, messieurs, qu’avant 1823, la verrerie
n’était pas aussi florissante en Belgique qu’aujourd’hui ; mais peut-on
attribuer l’état de cette industrie en 1823 au peu d’élévation du tarif de
cette époque ? Il ne s’ensuit pas que la proposition de l’honorable M. Smits
n’est pas suffisamment protectrice, car en 1823 le maximum du droit n’était que
de 6 p. c., tandis que l’honorable membre propose un droit de 15 p. c., ce qui
fait une énorme différence ; ce droit facilitera d’autant plus la concurrence à
nos fabricants que leurs établissements sont aujourd’hui dans un état prospère,
et qu’ils n’ont plus, comme l’époque dont il s’agit, les frais de premier
établissement à supporter.
On a parlé, messieurs, du prix du charbon ; mais il
est évident que le charbon est plus cher en France qu’en Belgique. Quant à la
main-d’œuvre, elle augmente aussi considérablement en France, parce qu’en
France comme en Belgique l’industrie prend tous les jours une nouvelle
extension. Remarquez d’ailleurs, messieurs, que si le prix de la main-d’œuvre
s’est en ce moment considérablement élevé dans l’arrondissement de Charleroy,
c’est parce qu’on y crée un très grand nombre d’établissements nouveaux, de
sorte que les ouvriers ne sont pas seulement occupés à l’exploitation des
usines anciennes, mais en même temps à la construction de nouvelles. Cela
résulte, messieurs, de renseignements fournis par des personnes dont l’opinion
doit à coup sûr faire autorité dans cette matière.
On a parlé, messieurs, de l’importation croissante
des verreries françaises : on vous a déjà démontré que cette importation n’est
pas à beaucoup près aussi considérable qu’on l’a dit ; j’ai ici le tableau de
ce qui a été importé en 1831, et vous allez juger, par les chiffres que je vous
citerai, ce qu’il faut penser de cette importation croissante :
« Glaces étamées à miroirs, cloches et lanternes
de verre destinées à éclairer les vestibules, avec ou sans accessoires,
cristaux, globes et cylindres.
« Il est entré en France, en 1834, pour
224,110 fr.
« De Hollande, 4,155 fr.
« De Prusse, 104,447 fr.
« Des villes anséatiques, 2,130 fr.
« De l’Angleterre, 1,110 fr.
« Du Brésil, 70 fr.
« Fioles et bouteilles d’apothicaire, pour 12,426
fr.
« Bouteilles :
« De Hollande, 1,793 fr.
« De Prusse, 549 fr. »
On dit, messieurs, que c’est surtout l’importation
des bouteilles pleines qui va toujours en augmentant ; mais remarquez que le
projet de loi ne change rien à cet égard ; aujourd’hui les bouteilles pleines
sont admises. Du reste nous n’avons rien à craindre quant à l’importation des
bouteilles vides, car il résulte du rapport de la chambre de commerce de
Charleroy que les bouteilles de France sont beaucoup plus chères que les nôtres
; si on les importe, ce n’est qu’accessoirement, parce qu’elles sont remplies
de liquide, et lorsqu’on fait pour le commerce de Belgique des commandes en
petit, par exemple, de vins de Champagne et d’autres liquides de ce genre.
Une voix. - On ne les en
importe pas moins.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux). - On ne les en importe pas moins, cela est très juste
; mais il ne faut pas croire que le projet de loi exercera la moindre influence
sur l’importation des bouteilles. Ainsi cette partie du discours de M. Frison
doit être complètement considérée comme non advenue, puisque si vous adoptez le
projet de loi ou que vous ne l’adoptiez pas, il ne sera apporté aucun
changement à l’état actuel des choses.
Je pense donc qu’il ne vaut pas la peine pour cet
article seul de maintenir le principe exceptionnel à l’égard de
Au reste, si l’on trouve que la proposition de
l’honorable M. Smits n’est pas suffisante pour l’un ou l’autre des articles
particuliers, et que l’on pense qu’il y ait lieu à faire une distinction ou à
proposer une majoration, on peut la présenter, soit aujourd’hui, soit au second
vote.
M. de Brouckere.
- Messieurs, j’ai demandé la parole, pour relever une erreur dans laquelle l’honorable
M. Smits est tombé. M. Smits, voulant prouver que la hausse sur le bois
n’influerait pas longtemps sur la fabrication des verreries, a dit que très
probablement le prix de la houille diminuerait d’ici à peu de temps. C’est une
erreur, si l’honorable préopinant pense qu’on puisse dans la fabrication des
verres substituer en général la houille au bois ; car si la houille peut être
employée pour certaines parties de la verrerie, le bois est indispensable pour
quelques autres. Or, le bois est à un prix très élevé, et, selon toute
apparence, non seulement ce prix se maintiendra, mais il ira encore en
haussant.
Du reste, les observations qui ont été faites
contre la proposition du gouvernement et contre celles de la section centrale,
sont restées sans réponse, tant de la part de M. le ministre de l’intérieur que
de celle de M.
Smits.
M. de Theux a prétendu que le prix de la journée
des ouvriers n’était qu’une chose tout à fait momentanée. En effet, a-t-il dit,
il résulte de rapports faits par des gens qui méritent toute confiance que le
prix actuel de la journée des ouvriers est la conséquence des nombreux
établissements qui s’érigent en ce moment. Cela peut être vrai pour certaines
industries, mais à coup sûr cela ne peut être vrai pour les verreries ; car,
qu’on élève en ce moment autant d’établissements qu’on veut, ce ne sont
certainement pas les ouvriers des verreries qu’on emploie à faire ces nouveaux
établissements. De manière que le nombre des nouvelles usines, fût-il même
double de celles qui se construisent maintenant, ne peut influer en rien sur le
prix de la journée des verriers. L’argument sur lequel on s’est appuyé frappe
donc tout à fait à faux, en ce qui concerne les verreries.
M. Desmet. - Messieurs, M. le ministre
de l’intérieur vient de vous dire qu’il n’a pas été répondu à la proposition de
l’honorable M. Smits, tendant à substituer un droit à la prohibition actuelle.
Mais, messieurs, tous ceux qui ont défendu la proposition de M. Frison ont
réfuté victorieusement les arguments de M. Smits, et prouvé à l’évidence que si
on levait la prohibition, les fabricants français pourraient introduire des
cristaux comme du verre cassé, comme du groisil, et en peu de temps détruire entièrement
nos fabriques de cristaux.
On est revenu sur la question du bois à employer
dans les verreries. Il est certain que le bois est indispensable à cette
fabrication, et cela est tellement vrai qu’en France les fabriques de l’espèce
sont établies dans des forêts ; et il est de même des journées des ouvriers :
il n’est que trop connu qu’en France, et surtout où sont établies les fabriques
de cristaux, les journées sont beaucoup plus basses qu’en Belgique. Mais la
principale question n’est pas seulement dans ces deux points, elle est
essentiellement dans l’avantage que les fabriques françaises ont de leur
monopole en France, et peuvent ainsi faire de grands sacrifices et mettre en
usage tous les moyens pour anéantir les nôtres.
Je demanderai à présent qui
demande la mesure que le ministère vous propose ? Est-ce le fabricant belge ?
Non, car il y voit la mort. Est-ce le consommateur belge ? Jusqu’à présent vous
n’êtes saisis d’aucune demande à ce sujet. Est-ce le gouvernement français ?
Encore non ; car ce n’est pas un intérêt général de
Messieurs, il est vraiment déplorable, alors que ni
le gouvernement français, ni les besoins de la consommation belge ne réclament
une modification à l’état actuel des choses, en ce qui concerne les verreries ;
il est vraiment déplorable, dis-je, de voir que la demande de la levée de
prohibition émane de notre département de l’intérieur, et cela pour une seule
maison de France. J’espère que la chambre appréciera les choses d’une autre
manière, et qu’elle adoptera la proposition de M. Frison.
M. Gendebien. - Messieurs, l’honorable
M. Smits a fait remarquer que l’importation en Belgique n’était aux produits
belges que comme un est à cent. Cela peut être ainsi pour la masse des
importations et non pas pour les cristaux. Mais, messieurs, si l’on chargeait
le régime actuel à l’égard de
M. le ministre de l’intérieur vous a dit encore que
l’augmentation du prix de la main-d’œuvre était le résultat d’une presse
momentanée d’ouvriers pour les constructions ; cela n’est pas exact. Mais cela
fût-il vrai, nous ne sommes pas sur le point de finir nos constructions ; au
contraire, on en élèvera beaucoup plus en 1837 qu’en 1836, et très probablement
en 1838, beaucoup plus que pendant les années précédentes.
Messieurs, toutes les
mains-d’œuvre augmentent, les unes à cause de la pénurie d’ouvriers, les autres
par imitation ; si les ouvriers verriers ne sont pas propres à faire des
constructions, il n’est pas vrai de dire qu’ils élèvent leurs prétentions à
mesure qu’ils voient d’autres mains-d’œuvre mieux salariées : il n’y a pas le
moindre doute que dès l’instant qu’un genre d’ouvriers est plus recherché, et
que par cette raison la main-d’œuvre augmente, toutes les autres fabrications
exigent une main-d’œuvre plus élevée. C’est ce qui arrive à Charleroy, où les mains-d’oeuvre de tous les objets sont majorées, et que
cette majoration se maintiendra même pour tous les ouvriers verriers, parce que
ce n’est pas seulement une majoration de comparaison pour un genre de
mains-d’œuvre pour lesquelles la pénurie ne se fait pas aussi vivement sentir,
mais cette pénurie existe réellement, quant à la verrerie ; car notre
production sous ce rapport augmente dans une proportion gigantesque. Et c’est
précisément dans le moment où l’industrie prend cet essor, qu’on veut
l’abandonner à la spéculation des verriers français qui, à l’avantage qu’ils
trouvent dans 32 millions de consommateurs, joignent encore ceux du monopole.
Je demande s’il est prudent, sous prétexte de faire
rentrer
Je pense, messieurs, qu’il faut rester dans le
statu quo ; s’il pouvait rester un doute sur la question, il faudrait encore
s’abstenir. Or, la discussion n’a laissé aucun doute ; elle a prouvé au
contraire la nécessité de maintenir l’état actuel des choses. C’est pour le
statu quo que je voterai.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, j’ai entendu dans cette discussion que l’importation de verres et
verreries avait considérablement augmenté depuis quelques années.
Déjà on vous a fait connaître le chiffre de
l’importation de 1834 ; voici ceux de 1835 et de 1836, et vous verrez que les
choses sont restées à peu près au même niveau.
En 1835, il a été importé en Belgique pour 390,145
francs de verres et verreries de toute espère, et en 1836 pour 365,808 francs.
Si vous rapprochez ces deux chiffres de celui qu’on vient d’indiquer pour 1834,
lequel est de 350,000 francs environ, vous trouverez que le chiffre de
l’importation n’a pas subi de notable variation.
Comparons maintenant l’état des exportations de nos
verres et verreries avec celui des importations. Je vois qu’en 1835
Il faut ajouter à cela la consommation à peu prés
exclusive du pays, et, d’après le calcul de M. Frison, nos verreries produisent
pour 6 à 7 millions par an ; il est donc juste de reconnaître que sous tous les
rapports nos verreries se trouvent dans une assez belle position.
Mais on nous crie : Ne changez pas cette position,
ne détruisez pas l’état prospère de cette industrie qui tend encore à
s’améliorer. Moi, je pense, messieurs, qu’en établissant un droit uniforme de
15 p. c. sur toutes nos frontières, nous n’introduirions en réalité aucun
changement quant au commerce de
Selon les partisans du maintien de l’état actuel
des choses, le prix des matières premières est à bien meilleur compte en France
qu’en Belgique. A cette occasion l’on a beaucoup parlé du bois, parce qu’il est
l’agent principal dans les verreries qui consomment plus de ce combustible que
de charbon ; eh bien, messieurs, je crois que ce qu’on a dit relativement à la
cherté comparée du bois en France et en Belgique n’est pas exact : et, en
effet, les Français viennent en faire des achats considérables en Belgique ;
presque tout le produit des coupes dans trois de nos provinces frontières du
midi est enlevé par les maîtres de forges et fabricants français, qui paient un
droit de 6 p. c. auquel il faut ajouter dans les prix de revient les frais de
transport.
Vous voyez donc, messieurs, que lorsqu’on vient
prétendre que le prix du bois est moindre en France qu’en Belgique, l’on est
complètement dans l’erreur.
En ce qui concerne le charbon dont le prix a aussi
été annoncé comme étant moindre en France qu’en Belgique, il a déjà été répondu
à l’honorable M. Coghen que puisque nous livrons la houille à
On a prétendu que les verriers français feraient
entrer les cristaux pour rien chez nous, si la prohibition était levée, puisque
aujourd’hui, au lieu de livrer à la consommation ce qui est de qualité
inférieure, ils préfèrent les briser pour les refondre ; on dit en un mot que
si nous levons la prohibition, les Français introduiront en Belgique ces
cristaux au lieu de les casser, et qu’ils nous les livreront à peu près au prix
du groisil. Mais il est positif que ces cristaux, quel que soit leur prix, ne
sauraient jamais nuire à nos fabriques en luttant contre un droit protecteur de
15 p. c. Une semblable différence de
condition ne peut jamais être éludée sérieusement.
Messieurs, on a beaucoup parlé des avantages que
les fabricants français ont à cause de leur grand marché, de la grande consommation
qui se fait en France de leurs produits. Il est vrai que le prix du verre en
France est très élevé, mais vous n’ignorez pas que ces fabricants français se
sont entendus pour établir un monopole.
Cela devrait nous servir de leçon ; car ne
serait-il pas possible que si nous laissions le marché de
Après avoir cité le débouché que nous avons en
Amérique, on a dit que si nous admettions, n’importe à quelles conditions, les
produits des verreries françaises, nos usines viendraient bientôt à tomber, et
que par suite nous perdrions encore bientôt ce débouché au profit de
J’ai entendu l’honorable M.
Dumortier dire qu’avant 1823, l’industrie de la verrerie était chez nous dans
l’enfance. Cependant tout le monde connaît le magnifique établissement qui
existait alors dans la province de Namur. La verrerie de Vonêche,
avant 1823, était tellement florissante et étendue qu’elle produisait pour
Je ne veux pas toutefois en inférer que cette
législation a nui à notre industrie, mais j’en conclus qu’on a tort de
prétendre qu’avant cette époque nos verreries étaient l’enfance, et que c’est à
cette législation exceptionnelle qu’elles doivent leur prospérité actuelle !
et, en effet, si cela était vrai, l’établissement de Vonêche
qui était dans un état prospère avant la loi de 1823, serait devenu de plus en
plus florissant. C’est donc à d’autres causes qu’à la législation de 1823 qu’il
faut attribuer à la fois, et la prospérité des verreries qui existent
actuellement, et la chute de l’établissement de Vonêche.
M. Gendebien. - Le ministre des
finances a cherché à établir que le bois était plus cher en France qu’en
Belgique. Il en donne pour preuve qu’on vient de France chercher le bois chez
nous, et qu’on paie un droit de sortie en Belgique et un droit d’entrée en
France. C’est ici surtout, messieurs, qu’on ne peut admettre de raisonnements
d’un fait particulier à une généralité. Pour les bois, les prix tiennent aux
localités. Je puis même admettre que généralement il coûte plus cher en France
qu’en Belgique ; mais je pose en fait que dans aucune localité de France, pour
l’application à l’industrie en entendu, il n’est aussi cher qu’à Charleroy, qui
est un des plus grands foyers de consommation. Pour l’exploitation des charbons
seuls, pour étayer les fosses ou bures et les travaux souterrains, il en faut
des quantités immenses ; et pour peu que les défrichements continuent, nous
serons obligés peut-être un jour de nous servir de fer. Le bois coûte toujours
cher à Charleroy, et grâce au défrichement momentané de la forêt de Soignies,
nous en avons ; sans cela nous en manquerions.
Le ministre des finances reconnaît que les sociétés
françaises exercent un monopole ; on doit reconnaître également la conséquence
que j’ai tirée de leur manière de procéder, c’est-à-dire qu’elles peuvent nous
fournir des cristaux à peu près au prix du groisil. Personne n’a conteste ni le
fait ni les conséquences que j’en ai tirées ; dès lors aucun droit, quel qu’en
soit le taux, ne peut protéger notre industrie. Il n’y a que la prohibition.
Mais, dit-on, on s’est entendu en France pour
établir le monopole ; pourquoi les fabricants belges ne s’entendraient-ils pas
aussi pour faire augmenter les prix ? C’est là une chose loisible pour eux ; il
est possible qu’ils le fassent ; cependant je connais beaucoup d’obstacles à
cet accord ; je n’en citerai qu’un qui est palpable. C’est qu’il y a plusieurs
sociétés rivales, dont les rivalités augmentent chaque jour et qui ne sont pas
au moment de s’entendre.
Ces sociétés se subdivisent d’ailleurs en d’autres
sociétés indépendantes les unes des autres. Il y a en outre des particuliers,
des familles, des sociétés qui prétendent concourir avec tout le monde, qui
concourent effectivement avec tout le monde. Il y en a encore une toute
nouvelle qui s’établit dans ce moment. Le monopole n’est donc pas si à craindre
qu’on le suppose. D’ailleurs la législature se réunit tous les ans pour
pourvoir à tous les besoins, et si la nécessité de détruire un monopole se
faisait sentir, il y serait facilement pourvu. Encore faudrait-il procéder avec
prudence, dans la crainte de remplacer le monopole par un mal plus grand,
l’extinction de notre industrie, ce qui, dans l’état actuel des choses, ne
manquerait pas d’arriver si, sous prétexte de détruire un monopole en Belgique,
on laissait opérer le monopole français.
On nous a dit que
On a cité un fait pour prouver que notre industrie
n’avait pas besoin de la prohibition ; on a cité l’établissement de Vonêche, qui florissait avant 1823 et qui est tombé depuis
le régime protecteur. On sait la cause particulière, toute personnelle, que a
fait fermer cet établissement, Mais tout le monde sait aussi que c’est à
l’époque même à laquelle il a cessé que s’est établie à Liège la fabrique de
Val-St-Lambert. L’argument ne prouve donc rien ; il y a là, au contraire, un
fait qui prouve en faveur de l’assertion des honorables préopinants.
Je crois en avoir dit plus qu’il n’en faut pour
faire maintenir le statu quo. (Aux voix !
aux voix !)
M. Hye-Hoys. - Il est bien entendu que
si la proposition de M. Frison n’est pas adoptée, on reviendra à la proposition
de la section centrale.
Plusieurs membres. - C’est de droit ! c’est de droit !
M. le président. - Plusieurs
propositions sont faites.
M. Frison demande le maintien du tarif actuel.
M. Smits propose un droit de 15 p. c. à la valeur,
sauf à établir, s’il y a lieu, le droit au poids, en prenant pour base le droit
de 15 p. c.
Vient ensuite la proposition de la section
centrale.
Je vais d’abord mettre aux voix la proposition de M. Frison.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je demande l’appel nominal ; c’est une prohibition qu’on propose.
Plusieurs
membres demandent l’appel nominal.
On procède à cette opération.
En voici le résultat :
71 membres prennent part au vote.
1 membre s’abstient,
41 répondent oui.
31 répondent non.
En conséquence la proposition est adoptée.
M. le président. M. Bekaert qui s’est
abstenu est invité à énoncer les motifs de son abstention.
M. Bekaert. - Je me suis abstenu parce que je ne veux pas de
prohibition, et je n’ai pas voté contre parce que je ne savais pas dans la
circonstance actuelle le mal qui pourrait résulter de la levée de cette mesure
pour les verreries indigènes.
Ont répondu oui : MM. Andries, Coghen. Corneli,
Cornet de Grez, Dams,
David, de Brouckere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere,
de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq,
Doignon, Dolez, Dubois, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien,
Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Lardinois, Lejeune, Meeus, Stas de Volder, Thienpont,
Troye, Vandenhove, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Wallaert, Zoude et Raikem.
Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Brabant, de
Longrée, de Man d’Attenrode, de Nef, de Theux, Devaux, d’Huart, Duvivier,
Ernst, Fallon, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Lehoye, Mast
de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raymaeckers, A.
Rodenbach, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Ullens, Vandenbossche, Verdussen, Watlet et Willmar.
AUTRES PROJETS DE LOI PORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M. le président. - Plusieurs
propositions sont faites, l’une relative à la chicorée, une autre relative aux
fils de lin, une troisième relative aux fromages du Limbourg, et une quatrième
relative aux houilles de
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Je demande la permission de faire une
observation générale sur tous les amendements présentés. Selon moi il serait
dangereux d’improviser la discussion de propositions semblables, et je crois
qu’avant de fixer notre opinion à leur égard, il faudrait avoir pris l’avis des
chambres de commerce, ou au moins avoir recours à l’avis des sections de la chambre.
Il y aurait imprudence à admettre incidemment dans une loi, dont toutes les
dispositions étaient éclairées depuis longtemps, les nouvelles dispositions non
mûries qu’on propose d’y ajouter, dispositions qui ne paraissent pas au premier
abord avoir grande portée, mais qui, ainsi que tous les articles quelconques
d’un tarif de douane, sont importantes parce qu’ils se rattachent toujours à
des intérêts divergents.
Nous agirions donc prudemment en ajournant les
amendements dont il s’agit ; le gouvernement pourrait prendre des informations
sur leur mérite et en faire ultérieurement rapport à la chambre.
M. de Puydt. - Je ne pense pas que
l’ajournement proposé par M. le ministre des finances puisse s’appliquer à ma
proposition. J’en appelle aux souvenirs de la chambre. Il y a quinze mois et
plus que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre une proposition tendant à
favoriser l’entrée des houilles de
Il y a un an que la
commission d’industrie a été saisie.
S’il faut plus de 15 mois à une proposition d’un
membre pour arriver à un degré quelconque d’instruction, s’il faut plus d’un an
à une commission d’industrie pour recueillir des renseignements, je ne sais à
quoi sert le droit d’initiative que nous donne la constitution, ni à quoi sert
de charger la commission de recherches spéciales sur des questions en
discussion.
A qui d’ailleurs pourrait-on s’adresser pour
obtenir les renseignements qu’on réclame ? A la chambre de commerce du
Luxembourg ? Il n’y en a pas. On a dû dès lors consulter la députation
provinciale ; eh bien, elle a exprimé une opinion favorable dans le rapport que
le gouverneur a adressé au ministre de l’intérieur, le 20 septembre 1836.
Je pense, je le répète, que ma proposition n’est
pas dans la catégorie de celles dont le ministre des finances vient de faire
mention.
Je demande qu’on passe outre à la discussion.
M. Demonceau.
- Je demande la parole pour faire observer que mon amendement ne tend pas à
changer le système de la loi des douanes. L’article dont je propose la
modification est le résultat d’une erreur. M. le ministre le reconnaîtra
lui-même. Il s’agit de lever le droit à la sortie sur les fromages du Limbourg
: on les exporte tous ; les Belges n’en veulent pas ; je n’ai pas besoin de
vous dire pour quelle cause, ils portent avec eux une odeur toute nationale. (On rit.) Je dois croire que c’est pour
ce motif que les Belges donnent la préférence au fromage hollandais. Si vous
consultez le tableau des importations et des exportations, vous trouvez que
nous avons importé 1,200,000 kil. de fromage, tandis que nous n’en avons
exporté que 900,000 fr. Je demande qu’on favorise l’exportation afin qu’elle
puisse au moins balancer l’importation, par conséquent qu’on supprime le droit
à la sortie : il n’y a pas d’inconvénient à cela, puisque les Belges ne veulent
pas user de nos fromages.
M. Dumortier.
- J’appuie les observations des honorables préopinants. Les propositions qu’ils
ont faites, sont tellement simples qu’elles me paraissent devoir donner matière
à aucune discussion. M. de Puydt demande que les houilles de
Remarquez, messieurs, qu’il n’existe pas de droit à
la sortie sur ces lins, qu’ils peuvent sortir librement, tandis que les lins
qui ont déjà subi une manutention sont frappés d’un droit. C’est là une
absurdité. Une pareille proposition n’a pas besoin d’examen ; elle doit être
votée dès qu’on a exposé les faits. Je demande qu’on admette cette proposition.
Je pense que le ministre ne s’y opposera pas. Il ne pourrait pas s’y opposer.
Je répète que cette mesure, qui est également utile
à
M. Zoude. - Un intérêt immense domine
la question des houilles de
Il ne faudrait pas,
pour une seule usine, compromettre toutes les autres.
Si la houille allemande entre dans le Luxembourg,
on craindra que la jalousie française n’invoque une disposition de loi qui
frappe les fers faits avec la houille, parce qu’on dira que les fera qui ont la
faculté d’entrer dans une certaine zone, ne sont pas confectionnés au bois,
comme la loi l’exige.
M. Gendebien. - Discutez séparément les
articles, en commençant n’importe par lequel.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je me rallie à la proposition que fait M. Gendebien.
M. Watlet. -
J’appuie la proposition faite par M. de Puydt.
Foins
M. le président. - Voici le premier
article. Il est relatif à l’entrée des foins étrangers. On demande que le droit
d’entrée sur les foins étrangers soit de 5 fr. pour 1,000 kilog.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’ai consulté
sur cet objet les chambres d’agriculture, et je ferai imprimer leurs avis. On
peut ajourner la question.
M. Mast de Vries. - Maintenant le droit est de 50 centimes
les 1,000 kilog., et la récolte va se faire dans un
mois ; la situation n’est pas tolérable.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne
vois pas l’urgence de discuter la question.
Les foins sont à un prix très élevé cette année, et
nous ne devons pas redouter l’entrée des foins étrangers.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Ainsi que vient de le dire M. le ministre de l’intérieur, il n’y a pas de
motifs pour empêcher en ce moment l’importation des fourrages en Belgique. Il
s’est trouvé cette année des contrées de notre pays où l’on a été obligé de
laisser périr le bétail faute de foin. La récolte s’annonce d’ailleurs mal, et
il pourrait arriver qu’une mesure comme celle qu’on nous propose, favorable à
quelques propriétaires de prairies, nuirait généralement à toute la population.
M. de Jaegher. - Je ne veux pas émettre
d’opinion sur le fond, mais j’appuierai l’ajournement. Les prairies qui longent
l’Escaut sont encore sous les eaux, et il est très probable qu’elles ne
donneront pas de récolte. Il n’y a donc pas d’urgence à repousser les foins
étrangers.
- L’ajournement mis aux voix est adopté.
M. le président. - Il y a maintenant la
proposition faite par M de Puydt, tendant à autoriser l’entrée des houilles
allemandes par la frontière du Luxembourg, moyennant un droit de 1 franc par
tonneau.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- La considération présentée par M. Zoude est grave et mérite d’être examinée
sérieusement par la chambre. Cet honorable membre a fait remarquer que
Je suis partisan de la proposition de M. de Puydt,
mais ce que vient d’y objecter M. Zoude me dispose à croire que l’on ferait
peut-être bien d’adopter l’ajournement, afin de vérifier si effectivement les
maîtres de forges du Luxembourg pourraient avantageusement fabriquer le fer
avec les houilles prussiennes.
M. de Puydt. - Le droit actuel sur les
houilles de
Je crois que chacun de nous est convaincu que la
production de houille indigène n’a rien à redouter des suites de ma proposition
; les houilles de Liège et du Hainaut ne peuvent pénétrer dans le Luxembourg à
cause des difficultés de transports, et ce n’est que dans le midi de cette
province que la libre entrée des houilles étrangères pourra être utile. Les
districts houillers belges sont donc désintéressés dans la question.
Quand j’ai présenté ma proposition, je l’ai fait
dans le but de favoriser quelques petites industries, comme, par exemple, la
clouterie, la fabrication des briques, de la chaux, de la faïence, la
papeterie, la draperie, etc. ; mais il n’est jamais entré dans ma pensée de
favoriser la forgerie de la province du Luxembourg par l’introduction des
houilles de
La clouterie du Luxembourg est actuellement dans un
véritable état de souffrance. Aux environs de Vianden, d’Echternach et de Grevenmakeren il y avait autrefois un grand nombre de
clouteries ; aujourd’hui ils sont sortis du pays pour s’établir en Prusse ;
c’est la une perte réelle pour ces cantons ; si l’on admettait ma proposition,
la réduction qui en résulterait dans le prix des houilles suffirait pour raviver
cette industrie qui est actuellement presque éteinte.
L’arrondissement de Diekirch possède beaucoup de
fours à chaux ; si les routes projetées s’exécutent, comme il faut l’espérer,
la consommation de la chaux pour l’usage de l’agriculture des Ardennes
augmentera ; il sera donc très avantageux aux chaufourniers de cet
arrondissement, et à l’agriculture des Ardennes, que la houille puisse venir
améliorer une industrie aussi importante pour l’avenir agricole du pays.
Il en sera de même pour ce qui concerne la
fabrication des briques et des pannes qui s’y cuisent aujourd’hui avec du bois,
et qui reviendraient à beaucoup meilleur marché si on pouvait les cuire avec du
charbon de terre : il résulterait de là un grand avantage pour les
constructions de toute espèce.
Il y a également dans le midi du Luxembourg des
papeteries, une entre autres, celle de M. Lamnort à Senningen, où il y a une machine à vapeur ; ces
établissement font usage de la houille pour leurs séchoirs ; il y a aussi des
fabriques de drap qui ont également besoin de moyens artificiels pour sécher en
hiver ; l’abaissement des droits que je réclame favoriserait donc encore ces
industries.
Ma proposition, messieurs, a été examinée par
l’administration provinciale du Luxembourg ; je crois que la manière dont elle
l’envisage est de nature à faire impression sur vos esprits ; je demanderai
donc la permission de lire quelques passages du rapport de cette
administration, rapport qui a un caractère tout à fait officiel :
« Il s’est agi, et même un projet de loi a été
proposé dans ce sens, de favoriser l’introduction dans la province de
Luxembourg des charbons de terre, de
« En quoi une introduction plus grande des
houilles prussiennes serait-elle nuisible à l’industrie de nos propriétaires de
bois ? Pour bien comprendre la portée de cette question, il convient de donner
le chiffre des importations à diverses époques. »
Ici, messieurs, vient une série de chiffres
présentant le détail des importations de houille de
En 1833, 135 tonneaux environ.
En 1835, 271 tonneaux environ.
Pour 6 mois de 1836, 150 tonneaux environ.
« En prenant
pour base, dit le rapport, les chiffres de 1835, on est amené à dire que la
consommation de cette houille, pendant l’année 1836, sera de 330 tonneaux environ.
Ainsi, en moins de
trois années, la consommation a plus que doublé. Voilà la conséquence que nous
en tirons ; c’est que dans les industries secondaires il y a progrès notable.
« Que peuvent
en redouter les propriétaires de bois ?
« En même
temps que l’importation de la houille augmentait, les bois se vendaient en plus
grande quantité et à des prix plus avantageux. Il est démontré par là que le
charbon de terre est employé par d’autres industries que celles qui consomment
le charbon de bois. Il n’y a donc pas de motif pour que le gouvernement ne
songe pas à favoriser l’entrée des houilles de
Cet avis de l’administration provinciale va au-devant, comme on le voit,
de l’objection principale, c’est-à-dire l’intérêt des propriétaires de bois ; car
c’est réellement là ce que l’honorable M. Zoude a eu en vue de garantir : mais
que M. Zoude et les propriétaires de bois se rassurent, la consommation de la
houille dans le Luxembourg, si elle était plus abondante, aussi abondante même
que dans le Hainaut, produirait ce résultat de développer toutes les
industries, d’en créer de nouvelles et d’enrichir même les propriétaires de
bois.
Le rapport que je
tiens renferme encore d’autres développements sur cette question : il y revient
plusieurs fois et à diverses occasions, toujours pour insister sur l’utilité de
ma proposition, et en provoquer l’adoption. Je pense donc que ce rapport
équivaut à toutes les enquêtes que l’on pourrait faire ; il doit pleinement
rassurer la chambre sur les conséquences de l’introduction de la houille dans
la province de Luxembourg.
M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense, messieurs, que ce
qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait de voter la proposition de
l’honorable M. de Puydt comme loi séparée ; alors le gouvernement, avant de
sanctionner cette loi, pourrait s’assurer si elle doit produire les
conséquences qui ont été signalées par l’honorable M. Zoude ; dans le cas ou
ces conséquences ne seraient point à craindre, il n’y aurait aucun inconvénient
à sanctionner la loi, et si au contraire ces conséquences étaient à craindre,
il resterait à examiner si les avantages qui résulteraient de la loi seraient
tels qu’on dût la promulguer, même au risque de perdre l’exportation des fers
du Luxembourg.
M. Watlet. - Je pense,
messieurs, qu’on ne doit point craindre les conséquences signalées par
l’honorable M. Zoude ; car, d’après les nombreux renseignements que j’ai reçus,
les houilles de
J’ajouterai une
considération fort courte à celles que l’honorable M. de Puydt a fait valoir en
faveur de sa proposition : tous les jours il arrive des plaintes sur l’état de délabrement
dans lequel se trouvent une foule de petites industries, surtout de la partie
frontière du Luxembourg ; la serrurerie et la maréchalerie entre autres
souffrent beaucoup et ne peuvent plus soutenir la concurrence avec les
fabriques qui sont établies sur la frontière prussienne et qui envoient leurs
produits dans le Luxembourg, par petites quantités il est vrai, mais par des
expéditions tellement répétées qu’elles inondent tout le pays ; l’adoption de
la proposition de M. de Puydt serait un avantage pour ces industries, elle
aurait pour effet de leur rendre un peu d’activité.
D’ailleurs,
messieurs, il y a une grande absurdité dans la législation actuelle,
relativement à des houilles étrangères dans la province de Luxembourg.
La houille
française, on plutôt la soi-disant houille française (je dit la soi-disant
houille française, parce que les départements français qui avoisinent le
Luxembourg ne produisent pas un atome de houille), cette houille, dis-je, coûte
trois francs trente centimes à l’entrée par la frontière française,
c’est-à-dire par la frontière d’un pays qui ne produit pas de houille, tandis
que l’entrée de la houille par la frontière de
J’ajouterai que le plus grand nombre d’industries qui s’exercent dans Le
Luxembourg profiteraient beaucoup à l’entrée de la houille prussienne. Depuis
1831, un grand nombre de pétitions ont été adressées chaque année à la chambre
pour obtenir l’entrée de cette houille. Déjà même avant que M. de Puydt eût
présenté sa proposition, des pétitionnaires demandant l’abaissement du droit
dont est frappée la houille prussienne au niveau du droit que paie à l’entrée
la houille française, ces pétitions, dis-je, furent renvoyées à la commission
d’industrie ; plus tard on lui a également renvoyé la proposition de M. de
Puydt, si depuis lors la commission n’a pas pu se procurer des renseignements
suffisants, je ne sais à quelle époque elle pourra les avoir recueillis ; il me
semble qu’elle doit être suffisamment éclairée et par les nombreuses pétitions
qui nous ont été adressées, et par l’avis de la députation provinciale du
Luxembourg entièrement favorable à la proposition de M. de Puydt.
Je crois donc qu’il
faut se hâter d’adopter cette proposition dans l’intérêt de nos industries.
M. Zoude. -
Messieurs, je serais incliné à adopter la proposition de M. de Puydt en faveur
de quelques petites industries ; mais la question des forgeries dont le sort
peut être compromis domine entièrement mon opinion. Je ne pourrai donc adopter
immédiatement la proposition de notre honorable collègue, mais je déclare ici
solennellement que de retour dans ma province, je m’empresserai de prendre tous
les renseignements propres à m’éclairer sur la question ; si j’ai tous mes
apaisements, et que je revienne à la chambre, je serai le premier à appuyer la
proposition de M. de Puydt.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Messieurs, il me semble que la proposition de M. le ministre de l'intérieur doit
mettre fin à tout débat ultérieur. Je demande avec lui que l’on fasse une loi
spéciale de la proposition de M. de Puydt : avant de soumettre cette loi à la
sanction royale, nous prendrons des renseignements sur les lieux, et s’il en
résulte que des motifs sérieux s’opposent à ce que la disposition soit mise en
vigueur, elle ne sera pas sanctionnée, et les motifs nous seront communiqués ;
si, au contraire l’adoption définitive de la loi n’entraîne pas les
inconvénients signalés tout à l’heure, nous proposerons au Roi de la
sanctionner, et tout sera dit.
M. de Puydt. - Messieurs, je me rallie sans
doute à la proposition de M. le ministre de l'intérieur, surtout si la loi dont
il s’agit doit être votée immédiatement. Cependant j’ai une observation à faire
: il est un fait sur lequel j’appelle l’attention de la chambre, c’est que la
zone dans laquelle le droit d’entrée sur nos fontes est réduit en France ne
s’étend que jusqu’à Sapogne vers Bouillon ; toute la
partie de la frontière depuis ce point jusqu’à
- Personne ne
demandant plus la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur la
proposition de M. de Puydt, ainsi conçue :
« Charbons de
terre (houille). Par la frontière de Luxembourg, depuis Remich jusqu’à Vianden
; droits d’entrée, les 1,000 kilog. : 1 fr. »
La proposition est
adoptée à l’unanimité des 66 membres qui ont pris part au vote. Elle sera
transmise au Sénat.
Un membre (M.
Zoude) s’est abstenu parce qu’il a craint, en adoptant la loi, de compromettre
le sort de l’industrie la plus importante du Luxembourg.
Racines
de chicorée
M.
le président. - Nous passons à la discussion de l’amendement présenté
par MM. Verdussen et A. Rodenbach. Cet amendement est ainsi conçu :
« Nous
proposons d’introduire dans le tarif actuel des droits de douanes la
modification suivante :
« N°66.
Chicorée (racines de), au droit d’entrée de 2 fr. par 100 kil.
« Chicorée
brûlée, préparée ou moulue, au droit d’entrée de 5 fr. par 100 kil. »
M. Verdussen. - Messieurs, j’ai très peu de
chose à dire pour développer la proposition que M. A. Rodenbach et moi avons eu
l’honneur de déposer. Ma tâche a été presque entièrement remplie par les
explications qui vous ont été données par M. le ministre des finances par la
pétition que vous lui aviez renvoyée. Il vous a fait connaître le montant des
exportations et des importations de cette racine. Ainsi, nous avons vu qu’en
1835 il a été importé en Belgique 390,000 kilog. de
racines de chicorée et 66.000 kilog. de chicorée
brûlée.
En 1834 les
importations se sont élevées à un demi-million et les exportations à 4
millions. Cette exportation de 4 millions faisait un très grand bien à
En 1835 les
importations étaient de 697 mille kilog. ; en 1836
elles se sont élevées à 1,800 mille, et les exportations étaient devenues
insuffisantes par suite de la prohibition dont l’Angleterre avait frappé les
produits. Je pense qu’il faut venir au secours de cette industrie. Aujourd’hui
les droits sur la chicorée sont, pour les racines seulement, de 10 cent. par
100 kil., et pour la chicorée tourillée,
préparée, moulue, de 4 fr. par 100 kilog. Nous
proposons une augmentation insignifiante sur la chicorée tourillée,
préparée ou moulue ; nous proposons de porter le droit de 4 à 5 fr., parce que,
comme déjà nous l’avons fait remarquer, l’introduction de la chicorée tourillée, préparée ou moulue, est presque nulle ; et elle
ne nuisait pas à notre industrie, mais il fallait venir au secours de la
chicorée en racine qui n’était imposée à l’entrée qu’à 10 cent. les 100 kilog. Nous proposons de porter le droit à 3 fr. Ce droit
équivaut à 9 p. c. de la valeur, et celui sur la chicorée préparée ou moulue à
environ 11 p. c. Nous n’aurions eu aucun scrupule à laisser le droit à 4 fr.,
mais la différence n’était pas assez
sensible entre le droit sur la racine préparée et celui sur la racine crue ;
c’est pour les mettre plus en harmonie que nous avons cru devoir élever de 4 à
5 fr. le droit sur la chicorée préparée ou moulue.
Voilà les
développements que je crois devoir donner à une proposition qui est si simple,
que la portée peut en être saisie par tous ceux qui ont réfléchi un instant sur
la matière.
M. Dumortier. - J’appuie la
proposition de MM. Verdussen et Rodenbach. Beaucoup de nos fabriques sont dans
une grande détresse, par suite de la prohibition dont l’Angleterre a frappé
leurs produits, Si vous permettez l’introduction des chicorées étrangères, vous
faites un tort considérable à votre industrie.
Toutefois, je ferai
remarquer que ceux qui se sont toujours opposés à la prohibition, quand elle
était contraire à leur intérêt, ne la dédaignent pas quand elle leur est
favorable. En effet, le chiffre qu’on vous propose ici est plus que prohibitif.
On propose de mettre un droit de 3 francs par 100 kilog.
sur des racines dont les 100 kilog. ne valent que 2
francs, c’est-à-dire que vous propose un droit de 150 p. c.
Je voterai pour la
proposition. Mais j’ai voulu faire remarquer la contradiction dans laquelle se
mettent certains membres qui sont chauds adversaires de la prohibition quand
elle leur est contraire, et savent bien l’admettre quand elle leur est
avantageuse. Ils devraient alors se montrer un peu moins rigoureux dans leurs
principes quand des industries réclament une protection qui leur est
nécessaire.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition
d’imposer à l’entrée les racines de chicorée. Il est bon de remarquer qu’avant
1836 la culture de la chicorée était très suivie ; il s’en faisait un commerce
considérable avec l’Angleterre. Elle vient d’imposer la chicorée, tant en
racines qu’en poudre, à un taux qui équivaut à la prohibition, et cela pour
favoriser la vente de son café.
Eh bien, nous devrions également repousser le café anglais, l’imposer
comme l’Angleterre impose la chicorée. Nous trouverions de cette manière une
ressource qui ne pèserait guère que sur les riches, et qui nous permettrait de
faire disparaître l’impôt sur le sel et sur la bière qui est la boisson des
malheureux.
M.
Desmet. - J’engage le gouvernement à faire quelques démarches auprès de
l’Angleterre pour obtenir la réduction du droit sur la chicorée à l’ancien taux
; nous sommes en droit d’attendre qu’elle fasse quelque chose pour nous ; nous
venons de prendre une mesure qui lui est avantageuse en réduisant le droit
d’entrée sur le fil d’un certain numéro. Notre agriculture gagnerait beaucoup
si on pouvait obtenir cela de l’Angleterre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je répondrai à l’honorable préopinant que le gouvernement n’est pas en
demeure de réclamer auprès de l’Angleterre ; depuis longtemps il fait de vices
instances auprès de ce gouvernement pour que les chicorées soient admises au
droit qui existait avant 1835. Je ne dirai rien pour m’opposer à la proposition
de M. Verdussen, cependant, je crois de mon devoir de faire remarquer que la
denrée que nous allons frapper d’un droit élevé est exclusivement destinée au
pauvre. C’est celui-là seul qui en fait usage. Je n’ai pas pu me dispenser de
présenter cette considération, parce que si le prix de la chicorée venait à
hausser par suite du droit prohibitif qu’on propose, je ne voudrais pas qu’on
pût arguer de notre silence à cet égard pour nous en faire un reproche.
M. A. Rodenbach. - La racine de
chicorée est la matière première pour les fabricants de chicorée ; si nous en
manquions, je ne ferais pas la proposition qui vous est soumise. Mais nous en
avons considérablement en Belgique, on la cultive dans presque toutes les
provinces.
Il est vrai que la
chicorée est consommée par le pauvre, mais elle n’est pas chère. Quand elle est
tarifée, elle se vend 13 fr. les
Nous devons
encourager l’agriculture, et nous ne devons pas manquer de le faire quand nous
le pouvons sans nuire au consommateur.
M. Verdussen. - J’avais demandé la
parole pour faire quelques observations sur la médiocrité du prix de la
chicorée, mais l’honorable préopinant vient de remplir ma tâche.
Puisque j’ai la parole,
je répondrai quelques mots à l’honorable M. Dumortier. Il vous a dit que la valeur de la chicorée n’était
que de 2 fr. les 100 kil. J’aime autant m’en rapporter à cet égard à la
statistique qui nous a été distribuée ; j’y trouve la valeur portée à 35 c. le
kil. pour la racine et à 45 c. pour la chicorée préparée ou moulue.
L’honorable membre
a dit ensuite qu’il m’engageait à suivre son exemple et à y engager les députés
d’Anvers. Je n’ai pas de conseil à donner aux députes d’Anvers. Si M. Dumortier
croit en conscience devoir, dans l’intérêt de
M. Dumortier. - Je demande la parole. Je ne
sais pas de quel droit l’honorable préopinant vient supposer que je n’émets pas
mes votes consciencieusement. Je ne reconnais à personne le droit de faire de
semblables suppositions. Je vote aussi consciencieusement qu’un Anversois.
- La proposition de
MM. Verdussen et Rodenbach est mise aux voix et adoptée.
Fils
de lin
M. le président. - Nous passons à la
proposition de MM. Dubus, Dumortier et Doignon.
Elle est ainsi
conçue :
« Nous avons
l’honneur de proposer de fixer les droits d’entrée de douanes sur les fils de
lin, comme suit :
« Fil de lin,
de chanvre et d’étoupes (à l’exception des autres fils, spécialement dénommés
au tarif de 1822)
« Ecru, à la
valeur, 1/2 p. c. à l’entrée. (Ce droit d’entrée est le même qu’aujourd’hui) et
1/2 p. c. à la sortie (Le droit de sortie est jusqu’ici de 3 p. c. sur le fil
écru et de 1 p. c. sur le fil à tisser)
« A tisser, à
la valeur, 1 p. c. à l’entrée. (Ce droit d’entrée est le même qu’aujourd’hui)
et 1/2 p. c. à la sortie (Le droit de sortie est jusqu’ici de 3 p. c. sur le
fil écru et de 1 p. c. sur le fil à tisser)
« Les autres
fils, comme au tarif actuel. »
M. Dumortier. - J’ai eu l’honneur de développer
les motifs de notre proposition. Ils sont extrêmement saillants. Dans l’état
actuel les lins sont libres à la sortie, tandis qu’il existe un droit sur le
fil de lin. C’est vraiment absurde ; car c’est un impôt qui frappe notre
production.
M. Desmaisières (pour une motion d’ordre.) -
Je n’ai pas demandé la parole pour demander l’ajournement de la proposition des
honorables députés de Tournay. Je ne m’oppose pas à ce que l’on discute cette
proposition, que je ne repousse pas formellement, du moins quant à présent.
Mais je dois faire observer à la chambre, en ma qualité de rapporteur de la
section centrale chargée de l’examen des propositions de trois membres
relatives à l’industrie linière, que l’amendement des honorables députés de
Tournay n’est pas un amendement à la loi des douanes que nous discutons
actuellement, mais un amendement à une proposition qui a reçu tous les degrés
d’instruction, et sur laquelle il a été fait un rapport.
J’ai en main le rapport que j’ai eu l’honneur de présenter sur cette
proposition le 30 avril 1834. Là nous proposions un tarif tout nouveau sur le
fil de lin et sur le lin. La chambre alors jugea à propos de ne s’occuper que
de la question des toiles, et ajourna la question du lin et fil de lin. J’eus
l’honneur de faire observer que c’était l’ajournement aux calendes grecques.
L’événement l’a prouvé, puisque le rapport est fait depuis 3 ans et qu’on n’a
pas encore abordé la question. Je réclame donc la priorité pour la proposition
de la section centrale sur laquelle les chambres de commerce et les commission
d’agriculture ont été consultées, et qui n’a été faite en 1834 qu’après que
nous avons eu reçu un grand nombre de pétitions des localités où s’exercent ces
industries, et notamment du Hainaut ; car je dois faire remarquer aux
honorables membres que leur proposition ne satisfait pas aux réclamations de la
localité qu’ils représentent : en effet les localités du Hainaut ont demandé la
suppression du droit de 5 p. c. sur les fils de dentelles. La proposition de la
section centrale admet cette suppression, tandis que les honorables auteurs de
l’amendement maintiennent le tarif actuel à égard de ces fils.
M. Dubus (aîné). - J’ai peine à
croire que ce soit encore sérieusement que l’on fait cette motion de priorité,
en même temps que l’on demande que l’amendement ne soit pas ajourné ; car je
demande si c’est autre chose qu’une demande d’ajournement, à moins qu’on ne
suppose qu’on va interrompre la discussion sur te tarif des douanes, pour
entamer la discussion sur la question linière, qui occuperait la chambre
pendant peut-être 15 jours.
Je crois que
l’honorable préopinant a voulu saisir cette occasion de rappeler à la chambre
qu’elle a à s’occuper de la question linière et qu’elle ferait bien de s’en
occuper à la session prochaine. Mais, je le répète, je ne pense pas que ce soit
sérieusement qu’il vienne nous demander de suspendre la discussion de la loi
dont nous nous occupons en ce moment, pour revenir à un projet de loi abandonné
de fait depuis plusieurs années.
Il s’est agi de
diminuer les droits sur le fil, lorsqu’on s’est occupé de la question du lin.
Je le crois bien. Il s’en est agi même auparavant ; car depuis longtemps il est
arrivé chaque année à la chambre des pétitions pour réclamer la suppression des
droits sur les fils, droits dont l’absurdité a été démontrée. Si cette
absurdité a été reconnue par tout le monde et par le préopinant lui-même,
pourquoi ajournerions-nous ? Il y a là un abus. Empressons-nous de le faire disparaître.
Je ne crois pas vraiment que la chambre puisse hésiter à adopter la proposition
que nous avons eu l’honneur de lui soumettre.
M.
Desmet. - Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l’honorable
préopinant, et je pense au contraire que la proposition de l’honorable M.
Desmaisières est très logique et qu’elle est faite très à propos.
L’honorable membre
soutient que vous devez adopter les deux propositions sur lesquelles il a fait
le rapport et vous a présenté un projet de loi : ces deux propositions sont
celles du lin et du fil ; qu’il y a connexité entre ces deux propositions. Ceux
qui connaissent un peu l’industrie linière ne peuvent en disconvenir ; et c’est
vraiment étrange qu’on veuille discuter avec tant de précipitation et sans
aucun examen un amendement qui a une grande portée et qui est une proposition
entière, et qu’on voudrait refuser de mettre en délibération une proposition
qui concerne le même objet et dont on vous a fait un rapport et présenté un
projet de loi.
Toute
l’argumentation des honorables auteurs de l’amendement consiste à dire que le
lin n’est imposé que d’un simple droit de balance, tandis que celui sur le fil
l’est de 3 p. c., et ils trouvent que c’est une contradiction même que
d’imposer le fil qui est le produit du lin, tandis que le lin qui en est la
matière première ne l’est aucunement.
Je ferai remarquer
aux honorables députés de Tournay, auteurs de cet amendement, que si
l’industrie linière n’a pas eu jusqu’à présent de protection, et qu’aucune
mesure n’a été prise contre l’accaparement de la matière première du lin, elle
avait une certaine protection par le droit de 3 p. c, qui était imposé sur le
fil, qui, comme on le sait, est aussi matière première pour le tissage des
toiles et pour la fabrication du fil retors et doublé.
Et ici je dois vous
faire remarquer que nos tisserands de toiles ont toujours beaucoup de peine à
se procurer tout le fil dont ils ont besoin pour le tissage de leurs toiles.
C’est de même pour
les fabriques du fil tors ; ces fabriques ne peuvent pas se procurer toujours à
temps et en quantité suffisante tout le fil simple dont ils ont besoin pour
leurs fabriques.
Et vous savez,
messieurs, que nous sommes en lutte continuelle dans la fabrication du fil
retors avec les mêmes fabriques de Lille ; nous avons beaucoup de difficulté à
lutter avec elles ; eh bien, si vous allez favoriser ces fabriques françaises,
en laissant notre fil simple librement, vous allez augmenter les moyens de nos
rivaux pour avoir le dessus sur nous.
Et vous ne pouvez
ignorer que
Et qu’on ne dise point, comme quelques préopinants l’ont fait sentir,
que nous devons laisser entrer librement nos fils en France, afin de ne pas
laisser fournir ce pays par le fil anglais filé à la mécanique ; mais, messieurs,
il paraît qu’on ignore que les fabriques de France du fil à coudre, et
principalement celles de Lille, n’emploient que notre fil filé à la main, et ne
font aucun usage du fil anglais ; et si elles risquaient à l’employer dans
leurs fabriques, je ne doute pas que bientôt les nôtres ne triomphassent de
celles de France.
Oui messieurs, la
question est plus importante qu’on ne paraît le croire, et il est vraiment
déplorable qu’on veuille la trancher avec tant de précipitation et sans examen
préalable ; si vous ne voulez pas admettre la proposition de l’honorable M.
Desmaisières, du moins alors ajournez le vote sur l’amendement des députés de
Tournay, et je conjure ces honorables membres de retirer leur proposition, car
l’objet est d’une importance majeure pour l’industrie linière, qu’ils ont même
reconnu être la première de toutes les branches de notre industrie nationale ;
et je ne puis croire que la chambre voudra faire passer une modification au
tarif sans avoir consulté les intéressés.
M. Dubus (aîné). - J’avais raison de dire que,
tout en protestant que ce n’était pas l’ajournement que l’on demandait, on le
demandait bien réellement ; en effet l’honorable préopinant, qui a appuyé la
motion de l’honorable député de Gand, vient de nous engager à retirer notre
proposition, et a soutenu qu’elle doit être ajournée. La question de priorité
n’est donc qu’une question d’ajournement.
L’honorable
préopinant, pour motiver sa motion d’ajournement, a hasardé de dire qu’il était
difficile de trouver le fil nécessaire pour les trames, et qu’en conséquence la
proposition que nous faisons mérite examen et donnerait lieu à des
inconvénients.
Mais je vous prie
de considérer que le fil frappé à la sortie d’un droit de 3 p. c. n’est pas le
fil à tramer, mais le fil à retordre. Le droit sur le fil écru à tisser n’est
que de 1 p. c.
Il est manifeste
que, même malgré le droit, on est obligé d’exporter en grande quantité ce fil
dont on a besoin à l’étranger. C’est pour la fabrication étrangère une matière
première dont elle ne peut se passer.
Les chiffres dont vient de parler le préopinant qui indiquent que
l’exportation des fils de lin va en augmentant me paraissent être plutôt en
faveur que contre la proposition, à moins que le préopinant ne préfère que ce
soit le lin qui sorte, au lieu du fil, pour être fabriqué à l’étranger.
Mais, dit le
préopinant, nous demandons un droit à la sortie du lin. Je ne pense pas que la
chambre soit disposée à le voter.
Au reste, quand la
chambre sera disposée à cela, elle examinera si, en rapport avec ce droit de
sortie, elle doit établir un droit autre que celui que nous proposons pour le
fil. Aujourd’hui nous n’avons qu’une chose à faire, c’est de mettre le droit
sur la sortie en harmonie avec le tarif actuel, en ce qui concerne le lin brut.
Ce peu d’observations suffit pour montrer qu’il y a lieu à rejeter la
proposition d’ajournement.
M. Desmaisières. - L’honorable
préopinant prétend toujours que c’est l’ajournement que nous demandons par
l’amendement ; je lui déclare que ce n’est qu’une question de priorité que nous
agitons.
La proposition des
honorables députés de Tournay n’est pas un amendement au projet de loi en
discussion ; elle n’est qu’un amendement au projet de loi dont la chambre est
saisie et sur lequel un rapport a été présenté ; dans ce projet la question du
fil se combine avec celle du lin ; et c’est ainsi qu’il faut procéder ; il y a
connexion entre ces deux questions ; on ne peut donc repousser la demande de
priorité. (La clôture ! la clôture !)
M.
Desmet. - L’honorable M. Dubus vient de dire que j’avais hasardé un
fait en assurant que nos tisserands trouvaient peu de fil pour la trame ;
cependant rien n’est plus exact… (La
clôture ! la clôture !) Je crois que je pourrais dire la même chose à
l’honorable adversaire, que c’est bien hasardé que de lancer d’une manière si
improvisée une proposition qui a une si grande portée que celle dont les
honorables députes de Tournay sont les auteurs.
Oui, messieurs,, je
peux dire sans craindre un démenti que nos tisserands de toiles ont besoin du
fil écru qu’on veut laisser entrer librement en France ; ils en ont tellement
besoin, comme je l’ai déjà dit, qu’ils ne peuvent toujours se procurer les fils
qui sont nécessaires pour la trame en quantité suffisante du tissage des
toiles, et qu’ils doivent souvent venir dans plusieurs marchés pour se les
procurer.
C’est un fait que tout le monde reconnaît dans nos provinces. Je me
peine fortement que l’honorable M. Bekaert n’est pas en séance ; je ne doute
pas qu’il n’affirmât ce que je viens d’avancer. L’honorable M. Dubus vient de
vous dire que je m’étais trompé dans la qualité du fil et que ce fil, dont il
veut réduire le droit à la sortie, n’est pas le fil à lisser. Mais, messieurs,
c’est l’honorable membre qui est ici dans l’erreur. Le fil simple écru, imposé
aujourd’hui à 3 p. c. à la sortie, est celui qui est employé pour la trame de
nos toiles de lin, et le fil à tisser qui est distingué dans le tarif, et dont
l’honorable membre veut parler, est ce fil fin qu’on file particulièrement dans
le district de Soignies. C’est vraiment étrange qu’on veuille ainsi par un vote
d’assaut ôter à cette importante industrie linière, importance qui a été
solennellement reconnue par l’honorable adversaire il n’y a pas longtemps, la
seule protection qu’elle ait dans le tarif actuel, et qui a été placée dans ce
tarif avec grande connaissance de cause. Oui, messieurs, c’est déplorable qu’on
foule ainsi aux pieds la plus intéressante branche de l’industrie nationale. (La clôture ! la clôture !)
M. de Muelenaere. - On vous a fait pressentir toute l’importance de la
question ; elle est grave, et je suis étonné de voir l’impatience qu’on montre
dans cette enceinte pour la trancher ; elle intéresse cependant une industrie
qui rapporte au pays de
On n’est pas
d’accord sur la question essentielle : les uns disent qu’il s’agit de fil à
tisser, les autres qu’il s’agit de fil à trame ; il faudrait que je fusse
éclairé par une discussion plus ou moins approfondie pour me déterminer.
M. Dubus (aîné). - On dit que l’on n’est pas
d’accord sur le fil dont il s’agit ; c’est du fil écru et du fil à tisser que
nous parlons, et nous demandons que l’un et l’autre soit diminué d’un demi pour
cent.
- La chambre ferme
la discussion sur la question de priorité. Cette question, mise aux voix, est
rejetée.
M.
Kervyn. - Messieurs, j’ai peu de chose à ajouter aux développements que
vient de donner l’un des honorables auteurs de la proposition.
En imposant le fil
de lin écru à 3 p. c. à la sortie, les auteurs du tarif de 1822 eurent
évidemment pour but d’empêcher l’exportation trop considérable de cette espèce
de fil : ils voulurent nous le conserver afin qu’il acquît avant l’exportation
quelques degrés de manipulation de plus. En effet, messieurs, comme le tarif
français l’admet, il était à craindre que les industriels français qui retordent
et blanchissent le fil de lin écru ne s’emparassent de la plus grande partie de
notre fil écru au détriment de nos industriels. Il était à craindre qu’il n’en
fût de nos fils comme de nos toiles, que nous exportons écrues et qui reçoivent
en France le blanchiment et l’apprêt. Ce raisonnement pouvait être juste en
1822, mais les circonstances sont tellement changées aujourd’hui, le filage du
lin a fait des progrès si remarquables en d’autres pays et notamment en
Angleterre, qu’il serait absurde de regarder aujourd’hui le fil de lin écru
comme une matière première qui soit propre à
M. A. Rodenbach. - Nous recevons en
Belgique le fil de Silésie qui ne paie que deux à trois pour cent, tandis que
d’un autre côté nous gênons notre fabrication en lui imposant un droit de 3 p.
c. à la sortie. C’est frappés par un tel droit que nous devons soutenir la
concurrence avec les Anglais qui font leur fil à la mécanique. En France
maintenant, à Commines, on fabrique le ruban avec le fil anglais. De plus, nous
laissons les fils d’Allemagne traverser
M.
Desmet. - Les membres qui viennent de parler confondent deux choses
distinctes... (Aux voix ! aux voix !)
- La proposition de
MM. Dubus, Doignon et Dumortier, mise aux voix, est adoptée.
Fromages
du Limbourg
M.
le président. - Nous passons à la proposition faite par M. Demonceau tendante à réduire le droit à la sortie sur les fromages de
Limbourg, de 1 fr. 6 centimes à 5 centimes par 100 kilog.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne
vois aucun motif pour m’opposer à la proposition de M. Demonceau. Le trésor y pourra perdre ; mais la perte est si peu
de chose, qu’il serait ridicule de s’en prévaloir pour repousser la demande. Il
y a lieu à admettre cette proposition sans discussion.
M. Demonceau. - Je saisis cette occasion pour
observer à la chambre et à MM. les ministres qui nous ont vanté la concession
faite sur ce point par
Je réclame ici toute l’attention de MM. les ministres ; je leur
recommande de faire bien attention sur ce point important pour les cultivateurs
des communes, dont l’intérêt n’est malheureusement bien compris généralement
que par ceux qui savent ce qui s’y passe lorsque les produits du sol lie
trouvent point de placement à l’étranger. Je désire surtout que
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a
été convenu, dans les négociations avec le commissaire français, que les
fromages du Limbourg seraient admis en France au droit de six francs les cent kilog., comme devant être rangés dans la catégorie des
fromages de pâte mole et blanche.
Aussi, messieurs,
pendant les six premiers mois après la loi du 2 juillet 1836, c’est ainsi que
la chose a été comprise par la douane de France ; cela est si vrai que des
receveurs ayant appliqué différemment la perception du droit dont il s’agit,
c’est-à-dire les uns ayant perçu le haute droit et les autres seulement le
droit de 6 francs ; l’administration supérieure a fait restituer tout ce qui
avait été perçu au-delà de 6 fr. Cependant il résulte de renseignements
positifs qui me sont parvenus que les receveurs des douanes ont depuis reçu
d’autres instructions, et que maintenant ils perçoivent le haut droit. Aussitôt
que j’ai eu connaissance de ce fait j’en ai écrit au département des affaires
étrangères qui a immédiatement réclamé auprès du gouvernement français, et nous
avons lieu de croire qu’on interprétera de nouveau sainement la loi, et qu’on
en reviendra aux instructions données en premier lieu, d’après lesquelles les
fromages dont il s’agit devaient être rangés dans la catégorie imposée à raison
de 6 fr., comme on nous l’avait promis.
- La proposition de
M. Demonceau est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée
à 4 heures et demie.