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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 2 mai 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif à l’organisation des examens universitaires (de Theux)
3) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes
(politique commerciale du gouvernement et négociations commerciales avec
(Moniteur
belge n°123, du 3 mai 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à
midi et demi.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des
pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les propriétaires de voitures et chevaux des
communes de Blanden et Bierbeeck
réclament le paiement des prestations militaires faites en 1831 pour le service
de l’armée belge. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission des
pétitions.
_________________
M. Desmanet de Biesme,
au nom de la commission des naturalisations, dépose des rapports sur plusieurs
demandes de naturalisation.
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution de ces rapports.
PROJET DE LOI RELATIF A L’ORGANISATION DES EXAMENS
UNIVERSITAIRES
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) présente un
projet de loi ayant pour objet de prolonger de 6 mois le délai accordé pour les
examens de doctorat aux jeunes qui avaient commencé leurs études à l’époque ou
la loi sur l’enseignement supérieur a été publiée, mesure justifiée par le
délai qui s’est écoulé pour l’organisation des universités, la loi ayant été
votée à la fin de septembre et l’organisation n’ayant eu lieu qu’au mois de
décembre.
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution de ce projet de loi et le renvoi à l’examen d’une commission qui
sera nommée par le bureau.
PROJET DE LOI PORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
Discussion des modifications
apportées au tableau du tarif
Draps
et casimirs
M. le président. - La discussion
continue sur l’article du tarif : Draps et casimirs.
M. Rogier. - En entendant un honorable
représentant de Verviers critiquer les observations que j’avais faites sur les
avis des chambres de commerce, j’ai cru reconnaître dans ses allégations un
manque de précision que je dois relever dans l’intérêt de l’opinion que j’ai
émise.
J’ai dit (et je n’ai fait en cela que constater une
chose banale) que l’intérêt privé est plus vivace, plus exigeant, plus aveugle
pour soi que l’intérêt général. J’avais trouvé la preuve de cette opinion, qui
n’est, je crois, contestée par personne, dans l’avis des chambres de commerce.
J’ai dit que les chambres de commerce se montraient très accommodantes pour les
industries qui n’intéressent pas les localités qu’elles représentent.
C’est ainsi que j’ai établi que la plupart des
chambres de commerce, à l’exception de celle de Verviers, se montraient de
facile composition pour les draps. Il faut aussi comprendre dans l’exception la
chambre de commerce de Liége, où l’on fabrique aussi des draps, et celle
d’Ypres, qui se prononce pour le maintien de droits réciproques, supposant que
Aussi j’ai peine à comprendre l’aigreur qu’on a
mise à relever mes observations sur ce point, d’autant plus que j’ai fait une
exception pour Verviers. J’ai dit que la question présentait ici un côté
spécial ; comme nous faisions un traité avec
C’est encore à cette occasion que, s’adressant au
banc sur lequel j’ai l’honneur de siéger, on a parlé de théoriciens et d’idéologues.
J’accepte ces qualifications qui n’ont rien en soi
d’offensant. Mais il y a une distinction à faire entre les idéologues.
Il y a une espèce d’idéologues, de théoriciens qui
pensent que
Voilà une espèce de théoriciens à laquelle je me
fais gloire d’appartenir. Ce sont là les principes que j’ai toujours défendus.
Et s’il fallait rappeler à cet égard un antécédent, je dirais que, dans une
discussion assez mémorable, parlant de mes théories en matière d’économie
politique, voici ce que j’ai dit :
« Si j’avais à exposer un système d’économie
politique, j’ajouterais que je voudrais, quant à l’entrée des matières
premières, et quant à la sortie et au transit de toutes marchandises, un simple
droit de balance, sinon liberté absolue, sauf quelques exceptions que la règle
générale suppose nécessairement. »
Et quant aux autres marchandises, je demandais des
droits modérés et j’ajoutais :
« Un droit modéré a trois avantages :
« 1° Il se perçoit, et le fisc en profite.
« 2° S’il se perçoit, l’industrie similaire
indigène jouit d’un avantage assuré qui est nul ou bien moindre si c’est la
fraude qui introduit, attendu que la fraude introduit pour rien, ou pour une
prime inférieure au droit.
« 3° S’il se perçoit, s’il offre moins d’appât
à la fraude, il ouvre moins de sources de démoralisation. »
Voilà quelles étaient mes théories, et quelles
elles sont encore en matière de douanes.
L’autre espèce de théoriciens diffère un peu de
cette manière de voir.
Ce sont ceux pour qui l’intérêt de l’industrie en
général n’est rien, pourvu que l’intérêt de leur localité soit efficacement
protégé ; ceux qui entoureraient volontiers
C’est là la seconde espèce de théoriciens à laquelle
je n’appartiens pas, et bien que, à ce que je vois, elle soit maintenant en
voie de progrès, je n’en reste pas moins pour les théories que j’ai défendues
jusqu’à présent.
Je pourrais me borner à ce peu de mots ; car mon
intention n’est pas d’entrer dans les détails de cette loi que nous sommes
depuis un grand nombre de jours occupés à élaborer.
J’avoue que je ne sais pas où elle va ni le but
qu’on veut atteindre.
Le gouvernement était venu vous proposer un projet
de loi dont le but principal était de faire disparaître des droits
exceptionnels contre un pays ami dont l’existence ne saurait se concilier plus
longtemps avec les relations de bon voisinage dans lesquelles il doit être
placé.
Voilà quel était le but du projet. Maintenant non
seulement on ne veut pas du projet de loi ; non seulement, après avoir obtenu
de
Ainsi, en ce qui concerne la bonneterie et les bas,
il s’agissait d’abaisser les droits vis-à-vis de
Ce que vous avez fait pour les bas et bonneteries
de Tournay, vous devez encore le faire pour les draps de Verviers, pour les
faïences de Tournay, pour les verres de Charleroy.
Sans cela, il aura inégalité, injustice évidente
contre des diverses industries.
Je ne vois pas même
pourquoi (et je le dis sérieusement), lorsque nous arriverons aux cotons, la
ville de Gand ne viendrait pas à son tour demander sa part dans ce grand
partage de faveurs. Et si ce système, dont je ne veux pas en principe, est
appliqué à une localité, je veux qu’il soit appliqué à toutes. Je serais donc
dans ce cas tout opposé à voter en faveur des prétentions de l’industrie de la
ville de Gand.
Mais avec ce système où arriverez-vous ? Vous aurez
dénaturé la loi, vous en aurez ruiné tout le système ; et que restera-t-il au
fond du projet pour
M. Demonceau.
- Je demande la parole pour un fait personnel. Messieurs, quoi qu’on en puisse
dire, j’ai traité la question en elle-même et sans m’occuper des personnes. Je
professe pour le préopinant la plus haute estime ; cependant, chaque fois que
j’aurai à combattre ses opinions ou les opinions d’autres honorables membres, j’emploierai
les moyens que j’ai employés ; j’avais droit de dire tout ce que j’ai dit pour
soutenir le système que je défendais. Je n’ai rien dit de désagréable au
préopinant et n’avais pas envie de lui rien adresser de désobligeant, je n’ai
vu que l’objet en discussion. Je déclare que je n’appartiens ni la première, ni
à la deuxième des catégories qu’il a signalées, et si, souvent, j’ai voté avec
ceux qui composent ces catégories, il me verra aussi souvent voter contre.
M. Jullien. - Il s’agit de savoir si
l’on maintiendra la prohibition des draps de France, ou bien si on substituera
à cette prohibition un droit sagement protecteur ; comme cette question a déjà
été assez longuement développée dans la discussion générale, et que hier encore
elle a trouvé des orateurs qui en ont traité amplement, je considère comme un
devoir des membres qui auront à s’en occuper de ménager les moments de la
chambre ; quant à moi, je me bornerai à une espèce de résumé analytique des
opinions qui sont en présence.
Voyons d’abord ce que disent les partisans de la
prohibition.
Ils disent :
En présence d’une législation pareille convient-il
que nous abandonnions la prohibition contre les draps français ? Celte prohibition
n’est-elle pas l’exercice d’un droit de justes représailles, n’est-elle pas de
la réciprocité dans le véritable sens de ce mot ?
Lorsqu’on objecte que la prohibition en Belgique
n’a aucune espèce de sanction, que cette prohibition est ce qu’on appelle sèche,
qu’elle n’est accompagnée d’aucun moyen de recherches, ils répondent : Il est
vrai que cette prohibition n’a chez nous aucune sanction ; cependant elle
produit d’assez bons effets pour qu’on la conserve ; elle a surtout cet effet
d’empêcher les négociants honnêtes de se livrer au commerce de la fraude, parce
que, lorsqu’une marchandise est prohibée, on y regarde à deux fois pour
entreprendre la fraude qui est proscrite par quelques négociants, tolérée par
les autres, et mise en pratique par le plus grand nombre.
D’un autre côté, la prohibition est un moyen
d’empêcher qu’on ne délaisse nos draps sur notre propre marché ; qu’on ne mette
sur son enseigne : vente de draps français ; et si les tailleurs profitent de
cette prohibition pour vendre des draps du pays pour des draps français, ils
finiront par apprendre aux consommateurs que notre fabrication en ce genre est
égale à celle de nos voisins. Si on remplaçait la prohibition par un droit
d’entrée, nous ne pourrions soutenir la concurrence avec les draps français,
parce que
On ajoute, et c’est un orateur que vous avez
entendu hier qui l’a dit, que l’opinion du pays repousse toute concession ; que
les chambres de commerce de presque toutes les villes du pays ont donné un avis
favorable à la prohibition. On s’étaie encore de l’avis de la section centrale,
de l’avis des sections, pour soutenir qu’il ne faut pas nous relâcher de cette
prohibition afin de faire une part plus considérable à notre propre industrie.
Voilà, sommairement, ce qui me semble être les
principaux arguments des partisans de la prohibition.
Voyons comment les partisans du système contraire y
répondent :
On vous a fait observer premièrement que si
En France, on a bien senti que la prohibition qui
n’était pas appuyée par une sanction, c’est-à-dire, par des recherches dans
l’intérieur, par des visites domiciliaires, par l’estampille, par les saisies,
par les confiscations, par tout ce cortège de vexations que nous ne pourrions
souffrir, était inefficace.
En France, tous ces moyens sont employés, si vous
voulez la prohibition, il faudra lui accorder la même fonction, c’est-à-dire
qu’il faudra en revenir à cette odieuse législation qui autorise les visites
domiciliaires.
Messieurs, quand vous abordez ces questions de
recherches dans l’intérieur, je crois qu’il est tout aussi légal de venir
prendre le manteau qui est sur vos épaules, parce qu’il n’aurait pas de
certificat d’origine, que de venir dans votre maison faire des saisies. Ce
n’est sans doute pas la même chose quant à la vexation, car c’est un degré de
vexation de plus ; mais c’est la même chose sous le rapport de la légalité.
La marchandise doit être libre dans ma maison, sur
mes épaules, partout dans l’intérieur. Je le répète, si vous voulez la
prohibition produise un effet réel, il faut lui donner la sanction qui lui est
indispensable, sans quoi elle est insignifiante.
Relativement à cette prohibition, je vous avoue que
je suis tenté de me ranger tout à fait à l’opinion de M. Lardinois, mais à
l’opinion de M. Lardinois de 1835. Il est très vrai qu’à cette époque il
soutenait l’opinion qui est la mienne aujourd’hui. (On rit.)
Il vous disait : Qu’est-ce qu’une prohibition qui
n’a pas de sanction ? Le danger n’est pas du côté de
Quoi qu’il en soit, voici un raisonnement qui me
paraît bien simple à l’appui des systèmes que nous défendons.
S’il est vrai que la prohibition ne vous produit
pas d’avantages quand elle est sans sanction, eh bien, élevez le droit
protecteur assez haut pour qu’il atteigne la prime que
Mais, dit-on, la prime qui est accordée en France
est une véritable prime d’exportation. On a déjà répondu à cette assertion que
cette prime n’est autre chose que la restitution du droit qui a été payé par le
négociant français pour les laines étrangères qu’il a employées à la
fabrication de ses draps. A cet égard nous devons à l’honorable M. Demonceau
des calculs d’après lesquels il est établi qu’il entre en France, annuellement,
pour 9 millions et quelques centaines de mille francs de laines étrangères, qui
sont incontestablement employées dans les fabriques de draps de France,
auxquels on paie à la sortie un drawback de 9 p. c. Voilà, messieurs, les
calculs tels que M. Demonceau les a établis lui-même ; mais il a prétendu que
le droit dont il s’agit est perçu et restitué d’une manière qui prête beaucoup
à la fraude : ce sont là, messieurs, de simples conjectures, des assertions à
l’appui desquelles on n’apporte aucune preuve ; je crois, messieurs, qu’en
France on s’entend aussi bien qu’en Belgique à réprimer la fraude et qu’on
n’est pas plus disposé là qu’ici à la tolérer. Je regarderai donc tout ce qui a
été dit à cet égard comme des assertions vagues, aussi longtemps qu’on ne
m’aura pas démontré les faits. Nous devons, messieurs, nous défier beaucoup de
toutes les allégations qu’on met si légèrement en avant : pendant trois ou
quatre mortelles séances, nous avons entendu parler de bonnets de coton, de
mitaines, de bas à jour, et voilà que nous lisons dans le Moniteur une lettre d’un marchand de ces sortes d’articles qui
vient démentir tout ce qui a été posé en fait par les défenseurs des bonnets de
coton, des bas de laine ; voilà un négociant de Bruxelles qui vient vous dire
que vous tuerez le commerce si vous adoptez le système de la section centrale.
Une voix. - C’est un
Allemand.
M. Jullien. - Qu’importe, si les faits
qu’il avance sont exacts, s’il en offre les preuves, s’il veut montrer ses
factures ? En vérité, messieurs, à moins qu’on ne lui prouve qu’il montre de
fausses factures, je ne sais ce qu’on aurait à lui objecter. Du reste, il est
possible qu’on puisse détruire les assertions de cet industriel, mais elles
n’en font pas moins sur mon esprit une impression qui me porte à douter
fortement de tout ce qu’on avance sur la matière qui nous occupe ; je n’en
pense pas moins que dans une pareille question nous ne pouvons arrêter notre
opinion qu’avec les plus grandes précautions.
Il me semble, messieurs, qu’une des meilleures
preuves qu’on puisse apporter pour démontrer que les draps de Verviers peuvent
soutenir la concurrence avec ceux des autres pays, c’est précisément ce qui
arrive aujourd’hui ; au moyen d’une prohibition qui est tout à fait
insignifiante, faute de sanction, vous prétendez que vos draps sont
suffisamment protégés ; mais pourquoi sont-ils protégés ? C’est parce qu’ils
sont supérieurs aux autres draps. Si donc vos draps sont suffisamment protégés
aujourd’hui que les draps français peuvent s’introduire par fraude, pourquoi
craindriez-vous de lever la prohibition en la remplaçant par un droit plus élevé que la prime de fraude ? Pourquoi maintiendrez-vous
une mesure prohibitive qui n’a d’autre effet que d’être hostile entre un pays
avec lequel il est de notre intérêt d’entretenir des relations amicales ?
On a dit que toutes les chambres de commerce du
pays sont contraires à la levée de la prohibition des draps français, et la
preuve de cette allégation c’est qu’il est des chambres de commerce qui ont
passé l’article des draps sous silence. Or, on ne me fera pas croire,
disait l’honorable M. Demonceau, que ce soit ici le cas d’appliquer la maxime « qui
ne dit mot consent. » Lorsque vous soumettez une question à une chambre de
commerce, et qu’elle vous répond favorablement, même sans activer son opinion,
j’appelle cela un avis favorable mais si elle ne s’explique point sur la
question, si elle n’en dit rien, c’est qu’elle pense que la question est
indifférente ou qu’elle veut en laisser la solution à ceux qui connaissent
mieux la matière, c’est-à-dire au gouvernement et aux chambres, qui doivent
avoir des notions plus certaines que les chambres de commerce.
« Les avis ne sont pas motivés, » disait
l’honorable M. Demonceau, « et quand un avis n’est pas motivé, je n’en
tiens aucun compte. » Ici l’honorable orateur a été trop préoccupé d’une
idée judiciaire : je conçois très bien qu’il est de l’essence d’un jugement
d’être motivé ; car, quand vous condamnez quelqu’un, quand vous lui faite
perdre sa fortune, son honneur ou sa vie, il faut bien que vous disiez
pourquoi ; du reste, un jugement est sujet à appel, et il faut bien qu’il
soit motivé, pour que le juge auquel on en appelle puisse en apprécier le
mérite ; mais, pour un avis d’une chambre de commerce, qu’il soit motivé ou
qu’il ne le soit pas, c’est pour moi exactement la même chose : certainement
j’aimerais mieux qu’il fût motivé ; mais quand il ne l’est pas, ce n’est pas un
motif pour ne pas en tenir compte. A l’appui de ce que j’avance, je pourrais
citer le rapport de la section centrale, dans lequel je cherche vainement les
motifs de l’opinion qu’elle a exprimée sur l’objet qui nous occupe ; voici ce
que je lis dans ce rapport relativement aux draps :
« La première section est d’avis, à
l’unanimité, d’élever à 15 p. c. le droit actuel de 10 p. c.
; toutefois, elle se prononcerait de préférence pour la prohibition des
draps français, si les circonstances n’interdisaient cette mesure ; la
troisième et la cinquième section n’ont rien dit sur cet objet. »
Ainsi, messieurs, voila trois sections dont l’une
se prononce pour un droit protecteur et dont les deux autres ne disent rien ;
Voyons ce que disent les autres :
« Dans la sixième section, cinq membres ont
été d’avis de maintenir l’état actuel de prohibition des draps et casimirs
français. »
Ces cinq membres formaient sans doute l’unanimité
de ceux qui étaient présents ; sinon, la minorité doit avoir été imperceptible.
Ainsi, messieurs, en appliquant ici l’axiome dont a
parlé M. Demonceau, je pourrais dire que les sections sont favorables au projet
du gouvernement puisqu’il n’y en a qu’une seule qui se prononce contre le
projet et que les autres, à l’exception d’une, qui exprime un avis favorable,
ne disent rien. Ecoutons maintenant la section centrale :
« La section centrale est d’avis de maintenir
l’état actuel des choses, tout en déclarant qu’il n’y aurait aucun inconvénient
à lever la prohibition à l’égard des draps et casimirs français ; mais elle
subordonne cette mesure à une époque de réciprocité, en se réservant de fixer
alors les droits sur les draps français d’après ce qui aura été fait en France
pour les nôtres. »
Vous voyez, messieurs, qu’en recherchant les motifs
on en trouve beaucoup plus pour l’adoption du système du gouvernement que pour
le rejet de ce système, car s’il est vrai qu il n’y aurait aucun inconvénient à
lever la prohibition, du moment qu’on démontre qu’il y aurait le moindre
avantage à le faire, il n’y a plus à hésiter, car lorsqu’un système offre des
avantages, quelques minimes qu’ils soient, et que d’un autre côté, il n’offre
aucun inconvénient, il est évident qu’il faut adopter ce système.
Je terminerai ces observations, messieurs, en disant
que je rends pleine justice aux députés de Tournay et aux députés de Verviers,
qui ont parlé, les uns en faveur des bonnets de coton, et les autres en faveur
des draps ; il y a quelque chose de louable dans ce patriotisme ; mais on me
permettra de dire à la chambre qu’il y a aussi dans le pays d’autres industries
qui méritent son attention : il y a par exemple nos houilles, nos bestiaux, nos
céréales, nos toiles, presque tous les produits agricoles des Flandres, qui
s’écoulent en France. J’accorderais volontiers des droits protecteurs aux deux
industries dont j’ai parlé tout à l’heure, comme je le ferais pour toutes les
industries de
S’il y avait réellement des avantages à maintenir
la prohibition, je dirais : Maintenez-là ; mais, comme je vous l’ai fait
remarquer, messieurs, la section centrale
elle-même ne voit aucun inconvénient à abolir cette prohibition, et d’un
autre côté l’abolition de la prohibition nous procurerait l’avantage de nous
placer dans une voie de conciliation, dans une voie de transaction avec
Je crois, messieurs, que dans ces matières nous
devons avoir confiance au gouvernement puisque c’est lui qui doit le mieux
connaître les intérêts généraux du pays, quelles que soient d’ailleurs ses
opinions. Que les ministres soient catholiques ou libéraux, qu’ils soient plus
ou moins catholiques que M. de Theux, qui d’après ce qu’a dit, il y a quelque
temps, un honorable membre de la chambre, ne le serait pas
assez (on rit), cela est indifférent
; par leur position ils sont toujours le plus à même de connaître dans ces
sortes de matières les véritables intérêts du pays, et ils ne peuvent avoir
d’autre but que de servir ces intérêts ; aussi, lorsqu’ils proposent une mesure
comme celle qui nous occupe, je serai toujours plus disposé à voter avec eux
qu’à m’en rapporter à des théories qu’on présentait dans un sens il y a un an,
et qu’on présente maintenant dans un autre ; théories au milieu desquelles je
ne vois que confusion de tous côtés.
En résumé, messieurs, je
n’ai pas encore mon opinion arrêtée, et je crois que beaucoup de membres encore
sont dans ce cas ; j’attendrai donc la fin de la discussion pour me décider sur
le vote que j’émettrai. Je déclare toutefois que quant à présent, d’après tout
ce que j’ai entendu, je suis très disposé à voter en faveur du projet du
gouvernement.
M. David. - Messieurs, en me servant du
terme d’idéologues dans le discours que j’ai prononcé hier, je n’ai voulu faire
aucune application particulière ; j’ai employé ce mot d’une manière vague et
inoffensive. Déjà l’honorable M. Demonceau qui s’était servi de la même
qualification, a donné à cet égard une explication qui prouve qu’elle
n’emportait aucune espèce de personnalité.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, comme l’honorable M. Jullien, je suspendrai mon vote. J’attendrai
la fin de la discussion.
Messieurs, lorsqu’il a été question du projet de
loi sur le coton, je me suis fortement prononcé contre la prohibition, et
j’étais de l’opinion de l’honorable M. Lardinois. M. Lardinois à cette époque disait que lorsqu’une
industrie ne peut se soutenir par une protection de 10, 20 ou 30 p. c., il faut qu’elle périsse.
C’est encore M. Lardinois qui a dit que
Je pense que cet honorable membre n’est pas
d’accord avec M. David ; car si j’ai bien entendu le discours de M. David, cet
honorable membre a dit tout le contraire. M. Lardinois a demandé la parole pour
répondre à M. Jullien ; j’espère qu’il nous donnera une explication à cet
égard.
M. David a dit qu’il
croyait que lorsqu’on fraudait les draps français en Belgique, on n’accordait
pas la prime d’exportation. Je désirerais savoir s’il en est réellement ainsi.
J’avoue que les chiffres qu’a indiqués M. Demonceau, relativement au prétendu
drawback, ont ébranlé mon opinion ; ils semblent prouver que ce n’est pas un
drawback qu’on accorde, mais bien une prime d’exportation. L’honorable M.
Demonceau a cité des faits, et même des discours de ministres français qui
devaient s’y connaître. Aussi je suspendrai mon vote jusqu’à ce qu’on ait
répondu à M.
Demonceau.
Il me reste à dire deux mots sur ce qu’a avancé
hier M. Demonceau. Cet honorable
membre nous a dit qu’à Verviers et dans la banlieue on débite des draps belges
comme étant d’origine française : si je suis bien informé, cela a effectivement
lieu ; il paraît même que les draps belges portent l’étiquette française. Mais
qu’est-ce que cela prouve ? Cela prouve la perfection de notre industrie ; cela
prouve que nous pouvons, pour ainsi dire, nous passer des draps français.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, l’honorable
M. Jullien vient de vous dire qu’il a trouvé le rapport de la section centrale
plutôt favorable pour le projet de loi que favorable pour le maintien de la
prohibition, vu, dit cet honorable membre, que des six sections trois sections
ne se sont pas prononcées dans leur rapport. Messieurs, je répondrai à
l’honorable M. Jullien que les trois sections ont néanmoins chargé leur
rapporteur de soutenir la prohibition pour les draps et casimirs ; enfin la
section centrale a été unanime pour maintenir l’état actuel des choses.
Messieurs, se figure-t-on bien ce que c’est qu’une
industrie qui emploie des capitaux d’une valeur de 75 millions de francs, qui
occupe 40,000 ouvriers dans une seule province, et livre annuellement à la
consommation 100,000 pièces de draps d’une valeur de 25 millions de francs ? Se
figure-t-on bien ce que cette importante branche de travail donne de richesses,
de bien-être, de moralité, non pas seulement dans la province où elle donne ses
fruits, mais dans tout le royaume, en donnant à la circulation un produit sans
cesse demandé et toujours nécessaire, en rattachant les besoins et les voeux de
tant de nations étrangères solidaires de notre prospérité ? Il semble que nos
ministres doivent être profondément versés dans la connaissance de nos
ressources commerciales et toujours occupés à ce qui peut les étendre, et
devraient voir cet objet avec une prudence et une sollicitude toute particulière,
et ne nous présenter que de projets de loi portant l’empreinte de leur
sollicitude et de leurs connaissances de nos intérêts ; mais il n’en est pas
ainsi, on nous propose gratuitement la ruine des industries. L’industrie,
songeons-y, messieurs, ce n’est pas un objet qu’on traite accessoirement et sur
lequel on a toujours assez de connaissances ; le développement de l’industrie
est une des plus importantes parties du développement humain, et l’on ne compte
aujourd’hui parmi les nations qu’à la condition d’être avancé dans la carrière
industrielle, c’est-à-dire de travailler et de produire. A ces titres nous
comptons aujourd’hui en Europe, et personne ne contestera la large part de
De quelque
manière qu’on envisage le projet du gouvernement, je ne puis m’expliquer les
motifs de la profonde indifférence qu’il manifeste pour nos intérêts les plus
chers ; il faut lever la prohibition des draps et casimirs, dont nos lois
douanières frappent les produits français ! Ne croirait-on pas qu’à une époque
de force nous avons abusé de notre position vis-à-vis de
La question qui nous occupe est soutenue par le
pays contre le ministère ; voyez en effet ce qui se passe partout à l’égard de
nos produits ! Dans la plus grande partie de l’Europe, l’honorable M. Demonceau
vous en a cité hier les exemples, partout ils sont prohibés ou imposés à de si
forts droits qu’on peut dire hardiment que presque tous les pays nous sont
fermés ; nous vivions avec
Il me serait aisé de vous faire voir, et qui de
vous ne le sait déjà, messieurs, combien d’industries sont menacées par le coup
qu’on a vainement cherché à porter à l’industrie drapière. Vous savez qu’en
demandant l’admission des draps français, les ministres n’ignorent pas que la
prime de sortie accordée à nos exigeants voisins leur permettrait de vendre
leur draps chez nous à plus de 5 p. c. au-dessous de nos prix, et il est bon de
savoir qu’une prime de sortie qui ne leur est accordée que sur la laine
étrangère s’applique également sur leur propre matière première dont on
fabrique les draps pour l’exportation. Vous savez, messieurs, à quoi se
réduisent les avantages qu’on nous a accordés ; en général, à abaisser les
droits dont on frappait nos produits au niveau de la prime accordée à
La marche que nous avons à
suivre nous est tracée ; refusons-nous à apporter du changement à l’état actuel
des choses sur cette branche importante, aussi longtemps que
M. Lardinois. - Dans la défense du
projet que nous discutons, l’honorable ministre des finances s’est servi du
contraste des opinions pour frapper vos esprits, et je crains que ce moyen
n’ait assez réussi pour rendre indécis quelques membres de cette chambre.
Permettez donc, messieurs, que j’occupe encore un moment votre attention, et
veuillez, je vous en supplie, vous dégager de toute préoccupation qui pourrait
égarer votre sentiment de justice. Il s’agit d’une question très grave, et vous
ne devez pas seulement considérer mon opinion personnelle, mais vous rappeler
que cinq cents industriels du district de Verviers se sont adressés à vous pour
demander le maintien de la prohibition sur les draps et casimirs français.
L’honorable député de Bruges vient, pour la seconde
fois, de rappeler mon opinion sur la question cotonnière pour m’accuser
d’inconséquence.
Il n’y a pas jusqu’à l’honorable M. Rodenbach qui
ne s’en mêla aussi. Je n’accepte pas ce reproche, messieurs ; je le repousse et
je m’explique de nouveau.
Pour avoir observé trop scrupuleusement les
engagements que le système actuel des douanes impose à ceux qui sont convenus
de conserver le statu quo, afin de ne pas alarmer les intérêts existants, l’on
a voulu me mettre en contradiction avec moi-même. Peu importe si je n’ai jamais
failli aux principes libéraux lorsqu’on voulait renforcer notre tarif par des
prohibitions ou des droits prohibitifs ; peu importe si, dans une circonstance
contraire, je me suis efforcé de faire respecter les droits acquis ou de faire
accorder une protection suffisante et raisonnable à l’industrie indigène : on
n’admet pas la différence des cas, et l’on trouve plus commode de condamner sans
examen et sans preuves. Je ne m’appesantirai pas davantage sur cet incident, et
j’aborde l’article en discussion.
Après les deux discours que vous avez entendus
hier, ma tâche est devenue facile, et je pense, messieurs, que peu
d’observations doivent suffire maintenant pour faire rejeter la proposition
ministérielle en ce qui concerne les draps et casimirs français.
Il faut d’abord se rappeler que les tissus français
ont été prohibés par mesure de représailles, et que les mêmes motifs qui ont
dicté cette exception existent toujours dans toute leur force.
Vous devez reconnaître que l’industrie drapière est
une des plus importantes, des plus précieuses et des plus vivaces du pays. Pour
se développer, elle n’a besoin que de débouchés ; mais quelle est sa position
actuelle ?
La révolution lui a fait perdre le débouché des
colonies hollandaises, perte considérable qui laissera de longs regrets parmi
les industriels qui exploitent ces contrées.
En 1830, nous trouvions à opérer encore quelques
ventes de draps en Allemagne ; mais maintenant il faut y renoncer par suite de
l’accession des petits Etats germaniques au système commercial de
Nos draps sont prohibés ou imposés à des droits
prohibitifs dans tous les pays de l’Europe, excepté en Suisse et en Turquie.
Aussi nos exportations diminuent chaque année, et si
Vous avez décrété plusieurs lois qui ont eu pour
résultat de faire augmenter les denrées de première nécessité, et, par
contrecoup, le salaire des ouvriers, D’un autre coté, la houille et le fer ont
subi une augmentation de prix considérable, et l’industrie manufacturière est
vivement affectée de tous ces faits.
Pour combler la mesure, le ministre vous demande la
libre entrée des draps et casimirs français ! Je dis la libre entrée, car vous
savez que notre tarif n’impose cet article qu’à 5 p. c. de la valeur, terme
moyen.
Si contre toute attente vous adoptiez
malheureusement cette proposition, les fabricants français nous feraient une
guerre d’autant plus facile sur nos marches qu’ils jouissent d’une prime de 10
p. c. à l’exportation. Je dois répéter que lors de l’enquête française, il a
été prouvé qu’au moyen de fausses évaluations on est parvenu à élever cette
prime jusqu’à 20 p. c. de la valeur.
Ce n’est pas tout encore. Par sa position
topographique
Cette seule considération, messieurs, est plus que
suffisante pour demander le maintien de la prohibition des draps et casimirs
français. Si vous ouvrez vos frontières à ces tissus, il ne se passera pas un
mois que vous en serez inondés, parce que les fabricants français ne trouveront
rien de mieux que
Ne croyez pas, messieurs, que j’aie chargé de
couleurs trop sombres le tableau que j’offre à vos regards ; car j’ai longtemps
réfléchi avant de vous tenir ce langage qui n’est pas sans danger, et il m’a
fallu toute l’évidence des faits qui se passent en France pour m’y décider.
Je dois prévenir une objection que les partisans du
projet du gouvernement peuvent me faire. Ils me diront que je signale les
inconvénients que le monopole traîne à sa suite, et cependant que je demande la
conservation du privilège qui existe, par exception, contre les draps français.
A cela je répondrai que je ne réclame pas une
protection spoliatrice, qui dote les uns au détriment des autres ; car, en
maintenant la prohibition sur les draps français, le consommateur belge n’en
sera pas froissé dans les circonstances normales, parce que la concurrence que
les industriels indigènes se font entre eux, jointe à celle des Anglais et des
Allemands, qui peuvent exploiter notre marché intérieur, garantissent assez au
consommateur l’exiguïté des bénéfices que réalise le producteur sur ces
étoffes.
Vous voyez, messieurs, que l’industrie des draps et
casimirs en Belgique est réduite, pour ainsi dire, à sa consommation
intérieure, et qu’il est indispensable de la lui conserver. Cependant nos
fabricants ne craignent pas la lutte, et ils voudraient que les deux
gouvernements s’entendissent pour supprimer d’abord la prohibition et établir
des droits à l’entrée de ces tissus en rapport avec leur position relative.
Mais les manufacturiers français s’opposent à toute concession ; écoutez ce
qu’ils disent :
La chambre consultative de Sedan s’exprime de la
manière suivante :
« Nous nous empressons de reconnaître que la
situation commerciale de
D’après cet exposé, il faut conclure que
l’industrie belge est destinée à succomber sous le poids des entraves qui
l’environnent ; mais il faut espérer que le courage et l’énergie de nos
industriels feront mentir cette prédiction, pourvu qu’ils soient secondés par
le gouvernement. Il n’y a pas que
Les craintes des fabricants français ne sont pas
non plus fondées ; ils s’effraient de leur ombre. D’après leur propre aveu et
les documents officiels,
Avec ses grands établissements et ses immenses
capitaux, la production de
Si vous appliquez le même calcul à
Plusieurs honorables membres de cette assemblée
voudraient supprimer la prohibition et la remplacer par des droits, dussent-ils
même être prohibitifs. Je vous répéterai, messieurs, que le résultat ne serait
pas le même, parce que l’introduction des produits étrangers est beaucoup plus
onéreuse sous l’empire de la prohibition que sous tout autre système répulsif.
La fraude des objets volumineux et pesants ne peut jamais s’établir sur une
grande échelle, et vous voyez d’après la statistique de
Vous savez, messieurs, que la prudence veut que
l’on ne manifeste pas toujours à cette tribune toutes ses craintes et toutes
ses prévisions. Je me borne donc à ces observations, et à vous prévenir que si
vous prononciez la levée de la prohibition, cette décision pourrait avoir
aujourd’hui les conséquences les plus funestes pour l’industrie drapière.
Depuis un an les fabriques de draps sont dans un
grand état de souffrance et de malaise, et l’avenir ne présage rien de
consolant. Croyez-moi, le changement que l’on vous a proposé est tout à fait
inopportun ; et s’il arrivait une crise, il servirait au moins de prétexte pour
en accuser le gouvernement. Une population ouvrière dans la misère est une
chose terrible, messieurs ! Rappelez-vous Lyon.
Si des considérations
politiques ou diplomatiques ne tenaient glacée la langue du ministère, il
épouserait avec chaleur la cause que je défends, et nous dirait :
« L’industrie drapière est une des principales du pays ; elle occupe une
population nombreuse, et elle emploie d’immenses capitaux. Presque tous les
gouvernements étrangers repoussent ses produits par la prohibition ou des
droits prohibitifs ; et elle se trouve menacée dans son existence. Tout nous
convie donc à ménager cette industrie. Ménageons-la, et gardons-nous bien de
faire une loi qui pourrait être fatale, et ne lui servir que comme un linceul
pour l’ensevelir. » Voilà ce que les ministres connaissent aussi bien que
moi, et ce qu’ils devraient nous dire.
Je finis. J’ai rempli mon devoir, et un devoir bien
pénible. C’est à vous maintenant, messieurs, de prononcer ; mais ne perdez pas
de vue qu’il est question d’une industrie qui a pour 80 millions de capitaux
engagés dans ses établissements.
M. Jullien. -
Messieurs, je ne suis pas étonné que l’honorable M. Lardinois cherche à
justifier devant la chambre deux opinions diamétralement contraires qu’il a
émises à deux époques différentes. Mais je suis étonné qu’il me reproche, à
moi, une inconvenance parlementaire, parce que j’ai fait un choix d’une de ces
deux opinions. Je ne pouvais pas, en conscience et avec la meilleure volonté du
monde, les adopter toutes deux ; il a fallu de toute nécessité que je prisse
l’une ou l’autre : or, j’ai choisi celle qu’il avait émise en 1836. Je vous le
demande, messieurs, y a-t-il inconvenance parlementaire ? Si cela était, certes
j’en serais bien fâché. J’ai trop le sentiment des convenances parlementaires,
(erratum inséré au Moniteur belge n°124,
du 4 mai 1837. Voir aussi la motion d’ordre dans la séance du 3 mai 1837 :)
pour y manquer jamais vis-à-vis de mes honorables collègues. C’est à la chambre
à juger cet incident entre M. Lardinois et moi.
M. Lardinois.
- Certes, ce que l’honorable M. Jullien a dit est très spirituel ; mais moi, je
trouve qu’il y avait inconvenance à venir derechef mettre un orateur en
opposition avec lui-même.
On m’accuse d’être en contradiction avec mes
opinions antérieures, mais je défie qu’on établisse un seul fait qui prouve que
j’ai été en contradiction avec mon opinion : maintenir le statu quo et n’y
apporter des modifications que lorsque les circonstances le réclamaient.
M. Smits. - Toutes ces altercations
pour des faits personnels ne prouvent qu’une chose, c’est qu’on doit
quelquefois regretter de prendre part aux questions d’intérêt matériel, parce
que, par la lutte des intérêts divers qu’elles provoquent, elles soulèvent
ordinairement des débats très vifs et souvent assez amers, qui, loin d’éclairer
les discussions, ne font jamais que les aigrir. Si vous repoussez les
privilèges et que vous défendiez la thèse de la protection modérée, on vous
crie que vous êtes partisan de la liberté illimitée de commerce, que vous êtes
un utopiste, et autres qualifications semblables.
Mais, qu’on me permette de le demander, où sont
donc ces partisans de la liberté illimitée du commerce ? où
sont-ils ceux qui veulent laisser l’industrie nationale sans protection aucune
? où sont-ils ceux qui veulent abaisser toutes les
barrières et laisser un libre cours aux marchandises et aux denrées étrangères
? Je les cherche vainement, je ne les trouve pas, je n’en rencontre nulle part.
Messieurs, les hommes de notre opinion désirent
assurer une égale protection à tous, mais ils veulent aussi que
Si encore le système suivi jusqu’à ce jour avait eu
des effets pernicieux, je concevrais les réclamations de nos adversaires. Mais
qu’on examine la situation de notre industrie !
D’ailleurs, on vous l’a déjà dit, à quoi sert le
système prohibitif ? Absolument à rien, et j’ajouterai comme l’honorable M.
David que la prohibition chez nous n’est qu’un vain mot, qu’elle n’existe pas
en fait, et que presque tous les produits prohibés ou surtaxés se fraudent ; et
cela doit être, car nous n’avons pas de frontière qui nous garantissent contre
elle. La fraude des draps ne se fait pas par l’Allemagne, personne ne l’a
prétendu ; elle se fait par d’autres frontières et par la voie de mer,
moyennant une prime de 10 p. c., ainsi que j’en trouve la preuve dans l’enquête
française.
Voici la question que le ministre du commerce
adressait à un industriel : Vous avez parlé de la ligne prussienne qui
empêchait d’exporter dans le duché de Bade ; le duché de Bade n’est pas encore
entré dans l’association allemande. Exportez-vous pour
M. Dubus (aîné). - Mais c’était en très
petite quantité.
M. Smits. - C’est toujours comme cela
que la fraude se fait.
Ainsi, messieurs, la fraude existe ; par la fraude,
le trésor est frustré de ses revenus et l’industrie est privée de sa
protection. Je suis donc autorisé à dire qu’il vaut mieux ôter la prohibition
et la remplacer par un droit convenable et sagement protecteur. Je pourrais, si
c’était nécessaire, démontrer facilement par des calculs que notre industrie
peut lutter avec toutes les industries similaires ; mais je me contenterai de
prendre pour exemple la lutte engagée sur les marchés étrangers. Là
Mais, dit-on encore, l’industrie française a un
immense avantage sur l’industrie belge, en ce qu’elle est protégée par une
prime de sortie. Voyons d’abord quels sont les principes des primes, voyous
pourquoi elles ont été établies. J’ouvre la loi française, et je trouve qu’il a
été successivement accordé, à partir de la loi du 28 avril 1816, des primes de
sortie pour les fabrications dont la matière a subi de forts droits à l’entrée.
Elles ont toutes pour objet de neutraliser l’inconvénient de ces droits, et de
remettre le manufacturier dans la possibilité de concourir avec l’étranger, à
l’étranger, comme s’il s’était servi de matière franche de tout impôt.
Ainsi c’est pour faire remise au fabricant français
des droits qu’il a acquittés sur les matières premières qu’il emploie, c’est
pour le mettre à même de concourir par là à l’étranger et avec l’étranger, que
les primes ont été instituées ; elles ne constituent donc point un
encouragement à l’exportation dans la stricte acception du mot, mais un
drawback, une ristourne de droit. Voici son origine : il y a quelques années,
l’agriculture française se plaignait vivement de l’importation des laines
étrangères.
Le législateur français, croyant ces doléances
fondées, crut pouvoir y faire droit, en imposant une taxe de 30 p. c. à
l’entrée des laines étrangères ; mais en même temps il adopta une mesure en
faveur de l’industrie drapière, en lui accordant une prime de 13 p. c. représentant
la restitution du droit perçu sur la matière première. Plus tard, le droit de
30 p. c. sur les laines ayant été réduit à 20 p. c., la prime subit une
diminution proportionnelle, c’est-à-dire qu’elle fut fixée à 9 p. c. Ici on
fait une objection ; on dit : La prime est juste, elle n’est qu’un drawback
quand le fabricant français a employé des laines étrangères, parce que ces
laines ont supporté le droit établi par la loi ; mais elle cesse d’être
équitable, elle devient véritable prime, quand il a employé des laines
indigènes. Ce raisonnement n’est que spécieux, car le fabricant français n’est
pas plus favorisé quand il a employé de la laine indigène que s’il avait
employé de la laine étrangère.
Vous allez le comprendre : c’est qu’en raison de
l’impôt qui frappe les laines étrangères, le marchand de laine indigène
augmente le prix de sa marchandise. Quand les produits étrangers sont frappés
d’un droit de 20 p. c., le marchand indigène a
augmenté sa laine dans la proportion de l’importance de ce droit ; c’est pour
cela que la prime doit toujours, dans tous les cas, être considérée comme un
véritable drawback, un remboursement du droit perçu sur la matière première
employée.
Ce qui corrobore encore cette opinion, c’est la
déclaration des industriels français eux-mêmes.
Je trouve la réponse suivante dans l’interrogatoire
de M. Lefort, qui déclarait n’avoir employé que de la laine française, de la
laine de Picardie et de
Dans mon opinion, il est parfaitement établi que la
prime est un véritable drawback, un remboursement des droits perçus sur la
matière première.
J’ai encore une autre autorité sur ce point, c’est
l’opinion d’une chambre de commerce certainement compétente pour juger de ces
matières, et qui s’exprime ainsi sur l’objet qui nous occupe :
« Les fabricants français ne sont ni moins
actifs ni moins industrieux que les fabricants belges. Ils sont aussi avancés
qu’eux sur le rapport de la perfection et du bon marché ; et d’ailleurs ne
luttent-ils pas avec avantage contre eux sur les marchés étrangers, au moyen de
la prime d’exportation qui n’est que le remboursement du droit qu’ils ont payé
sur la laine à l’entrée ? » Or, si cette prime eût été une véritable prime
d’exportation, on en aurait fait l’observation. Mais on ne dit rien ; ce qui
confirme encore davantage l’opinion que je soutiens.
Vous voyez donc qu’il n’y a pas beaucoup de motifs
qui militent pour le maintien de la prohibition contre une puissance amie.
Cette prohibition doit nécessairement blesser sa dignité, et elle n’intéresse
pas essentiellement notre industrie, parce qu’elle peut être remplacée par un
droit sagement protecteur.
Mais le droit proposé par le gouvernement serait-il
suffisamment protecteur ? Je déclare que si nous avions eu à discuter la loi au
moment où elle a été présentée, j’aurais été d’une opinion affirmative, mais
depuis lors, des circonstances graves sont survenues ; une crise commerciale
s’est manifestée en Amérique et a réagi sur l’Angleterre et
Ces crises, je ne les
redouterais pas pour d’autres pays ; car je ne m’effraie pas de ces
déversements sur les marchés étrangers. Au contraire, si une nation, ayant un
tarif quelque peu libéral, voulait écraser une branche d’industrie en déversant
à vil prix sur notre marché les produits de cette industrie, il faudrait
acheter ces produits et les renvoyer à la nation dont nous les aurions reçus ;
ce serait la plus terrible manière de lui faire concurrence. Mais ce jeu
commercial ne peut se faire à l’égard de
Cette crise mérite donc attention, et, pour ma
part, j adopterai toute proposition qui tendrait à remédier à cet inconvénient
du moment.
M. Dumortier. - Après les discours
prononcés par nos honorables collègues de Verviers, je pensais que la chambre
devait être convaincue de la nécessité de maintenir, dans l’état actuel des
choses, les dispositions du tarif, quant aux draps et casimirs. Mais j’ai vu
avec étonnement et avec peine que plusieurs honorables préopinants ont voulu
jeter du louche sur l’opinion de nos honorables
collègues de Verviers. Je vois avec peine que l’on cherche souvent à présenter
comme suspecte l’opinion des membres qui représentent les localités intéressées
dans les discussions.
L’honorable député de Bruges vous a cité, contre la
décision que vous avez prise sur les bas et bonneteries, une pétition d’un
négociant étranger qui trouve fort mauvais que l’on prenne des mesures en
faveur de notre industrie. Il paraît, par cela seul, qu’une seule pétition nous
a été adressée, qu’un seul étranger s’est plaint et a posé des faits ; que ces
faits écarteraient tous ceux qui ont été établis de la part d’autorités
instituée par le pouvoir exécutif pour éclairer ces questions.
Ainsi, la chambre de commerce de Tournay, la
chambre de commerce de Bruxelles composée des hommes les plus éminents de
l’industrie, le grand jury de l’exposition nationale des produits de
l’industrie reconnaissent le préjudice que causerait à l’industrie des bas et
bonneteries la disposition du projet du gouvernement concernant cette
industrie. Mais voilà qu’on dépose sur le bureau une pétition qui n’a pas le
sens commun ; dès lors tout est mis en doute. Pour moi je remercie le
préopinant de m’avoir mis à même d’établir en un seul mot combien la pétition
est peu fondée. Le pétitionnaire dit que dans toute
En matière d’intérêts de localité il fait écouter
les personnes qui représentent cette localité. Elles savent mieux que vous ce
qui se passe chez elles ; ayons donc égard aux discours des honorables députés
de Verviers. On n’a pas répondu à ce qu’ils ont dit ; on n’a pas répondu au
discours remarquable de l’honorable M. Demonceau. En pareilles matières écoutons les spécialités,
alors surtout que nous savons que ce n’est pas l’intérêt privé, mais l’intérêt
du pays qui est le mobile de leurs paroles.
Je l’ai souvent déclaré, je ne suis nullement
partisan des mesures prohibitives, je ne les admets que quand elles sont
indispensables. Par exemple, vous ne pouvez lever la prohibition des drilles et
chiffons, sans ruiner l’industrie des papiers ; dès lors vous devez la
maintenir.
Maintenant de quoi s’agit-il ? De continuer un
tarif existant ; d’autre part de supprimer une mesure exceptionnelle établie
dans un moment qui, on le reconnaît, était un moment de crise, et où l’on
devait redouter pour
Je pense que ce serait une grande imprudence de
modifier, dans les circonstances actuelles, le droit sur la draperie. Vous le
savez, cette industrie est une des plus importantes de
Vous le savez, la mode a un très grand empire dans
le pays. Si vous levez la prohibition, fabriquera-t-on à Paris un drap d’une
couleur nouvelle ? Il faudra qu’on l’ait à Bruxelles. Vous ne pouvez en douter,
lorsque vous voyez que l’engouement des modes françaises est telle que nos
fabricants, pour écouler leurs draps, sont obligés de contrefaire les marques
de France et de les étiqueter draps de Sedan, de Louviers, d’Elbœuf .
Il leur faut, pour débiter des produits qui font
leur gloire, renoncer à y mettre leurs noms.
Je pense donc qu’on ne peut sans danger apporter
des modifications à l’article qui nous occupe.
Nous pouvons d’ailleurs, en réduisant les droits
sur les soieries, les spiritueux et les vins, compenser amplement les faibles
avantages que nous a faits
Remarquez que
Imitez cet exemple, écartez une proposition qui
aurait pour résultat le désespoir et la misère de la classe ouvrière à laquelle
vous devez aussi protection.
Songez-y, messieurs, nous sommes loin d’avoir
obtenu de
Remarquez que nous avons fait un premier pas vers
les concessions ; nous avons commencé par supprimer le droit à la sortie des
houilles qui rapportait 1,000,000 à
M. Smits. - C’est en notre faveur que
cette mesure a été prise.
M. Dumortier. - Et quand
Eh bien, pourquoi n’admettez-vous pas un système
semblable ? Vous voyez donc que vous êtes en opposition avec vous-mêmes ; c’est
ce que j’ai déjà fait voir dans une séance précédente.
Rappelez-vous ce que l’on a dit en France en
discutant des tarifs de douane ; on a posé alors des principes : en matière
d’industrie il ne faut jamais céder ce qui est nécessaire aux besoins de votre
industrie ; aucune considération ne doit être mise en parallèle avec les
besoins des localités.
Je dois rencontrer ce qu’a
dit l’honorable préopinant relativement au drawback ; à cet égard le discours
de M. Demonceau est sans réponse. En vain le préopinant prétend-il que l’on
doit considérer la prime comme un drawback ; en fait cette prime nous coûte
plusieurs millions par année. Actuellement le négociant français va en Suisse ;
avec sa prime de 9 p. c., il vend ses draps
préférablement aux nôtres.
Depuis quelques temps les laines sont en baisse de
15 à 20 p. c. ; cette baisse s’étendra encore plus
loin si l’on doit en croire les hommes qui connaissent la partie. Les
négociants de Verviers ont fait des acquisitions considérables en laines à des
prix élevés ; leurs magasins sont encombrés de marchandises fabriquées au taux
le plus haut, à un taux de 40 p. c. plus élevé qu’on ne fabriquerait maintenant
; si vous favorisez donc l’importation des marchandises étrangères, des marchandises
françaises, n’est-il pas manifesté que vous allez opérer la crise que vous
craignez dans le pays ? Nos fabricants ayant acheté les matières premières à
des prix trop élevés, ils ne pourront lutter avec les fabricants français, et
la crise sera imminente. Par cette considération il faut maintenir la
législation existante, et ajourner tout ce qui est relatif à la question des
draps.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). -
Messieurs, au moyen de deux stipulations, on pourrait faire droit aux
réclamations que l’on a faites. Nous avons compris que dans ce moment il y
aurait inconvénient à lever la prohibition ; cependant nous avons pensée que la
levée de cette prohibition pourrait être décrétée maintenant, mais pour
recevoir son effet au 1er janvier 1839. D’ici là la crise commerciale sera
dissipée, car ces crises ne durent jamais longtemps.
En second lieu, on pourrait obvier à l’effet que
peut produire la prime de sortie, en stipulant que dans tous les cas il sera
ajouté au droit ordinaire le montant de la prime accordée à la sortie dans le
pays de provenance ; de cette manière, il est évident que nos fabricants
pourront toujours soutenir la concurrence avec quelque pays que ce soit.
Il ne faut pas se laisser frapper dans ce moment
par l’espèce d’opposition que rencontre le projet de loi ; la cause de cette
opposition est manifeste ; c’est qu’il y a plusieurs intérêts en cause.
Il faut bien remarquer que lorsqu’on a agité
séparément cette question des draps, on n’a pas rencontré d’opposition dans
cette chambre ; au contraire, on a proclamé que la levée de la prohibition
était chose de peu d’importance, parce que la prohibition était illusoire dans
ses effets.
Il faut en convenir, quand
le gouvernement français fait preuve de bonnes intentions pour modifier son
tarif de douanes, et je puis appuyer ce que je dis par des faits, parce que
depuis plusieurs années les modifications faites aux douanes en France tendent
à supprimer des prohibitions ou à diminuer les chiffres des droits, il serait
fâcheux que de notre côté nous repoussions toutes les modifications tendantes à
diminuer nos tarifs, et que nous adoptions un système restrictif à l’égard des
autres pays. Si la loi était faite dans une semblable tendance, il serait
désormais inutile d’essayer d’obtenir de l’étranger des modifications qui nous
seraient utiles.
Je pense donc, messieurs, qu’il y aurait lieu de
mettre aux voix la question de savoir si la prohibition serait levée. Quant à
nous, nous consentons à ce qu’elle ne soit levée qu’en 1839, à condition que le
montant des primes soit ajouté au tarif ordinaire : et, par cette double
garantie, nous croyons qu’il sera satisfait aux réclamations qui ont quelques
fondements. (Aux voix ! aux voix !)
M. Demonceau. - Avant de laisser poser
la question, je tiens à donner des renseignements à la chambre et au ministère
; et comme je vois les ministres marcher avec franchise, je dois, imitant leur
loyauté, leur communiquer ce que j’ai appris sur l’objet en discussion.
Je dois, premièrement, leur dire que les
circonstances leur imposent le devoir de ne pas lever la prohibition.
Le ministre de l’intérieur propose deux moyens :
lever la prohibition au 1er janvier 1839 ; ajouter au droit d’entrée la prime
de sortie accordée par le gouvernement étranger ; eh bien, je crois que nos
ministres ne trouveront pas le moyen de fixer un droit propre à compenser la
prime étrangère.
En effet, il dépend des industriels français de
déclare la valeur qu’ils jugent convenable pour leurs marchandises à la sortie
; je suppose que le drap vaille 25 fr., ils peuvent le déclarer à 35 et 40 fr.
sans inconvénient, parce qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de
distinguer les degrés des qualités au-dessus de 25 fr. par mètre ; il résultera
de là que quand vous voudrez déterminer un droit pour l’importation des draps
étrangers, vous laisserez toujours la prime.
J’ai des renseignements positifs à cet égard. Je
trouve dans des détails statistiques que des draps pesant 1,800,000
fr. de kilog. avaient absorbé une prime de plus de 4
millions ; ainsi en calculant 9 p. c. de prime à la sortie, il a fallu leur
donner une valeur de 45,800,000 fr : or, je défie qui que ce soit de me montrer
que 1,800,000 kilog. de draps puissent valoir
45,800,000 fr.
Jetez les yeux sur le tableau des exportations de
Il me semble donc que, dans l’état actuel de la
législation française, il est impossible de bien comprendre ce que sont les
primes.
Dans la section centrale, on a agité la question de
savoir si on prendrait les primes pour base d’un calcul ; j’ai examiné cette
question avec attention et impartialité, et cependant j’ai voté avec ceux qui
voulaient maintenir le statu quo. M. le ministre des finances a dit alors que
les primes servent à l’industriel pour soutenir la concurrence étrangère.
On a dit encore que
L’honorable préopinant vient de dire que c’est à
son opinion qu’on doit la prospérité de
Faisant allusion à la chambre de commerce de
Verviers, on vous a dit aussi, messieurs, que cette chambre de commerce
reconnaît que la restitution qui existe en France n’est rien autre chose qu’une
restitution des droits d’entrée ; mais comment voulez-vous qu’une chambre de
commerce soit plus savante que les hommes qui ont fait la loi française, et qui
croyant aussi n’établir qu’une restitution, tandis qu’ils ont établi une
véritable prime déguisée, semblable à celle qui existe en Belgique pour les
sucres.
Je ne vois pas moyen, messieurs, de concilier
l’intérêt de
J’ai aussi recours à
l’enquête française, et je me souviens de l’interrogatoire d’un fabricant de
draps d’une ville frontière, qui prouve jusqu’à l’évidence l’abus de la prime
d’exportation : il s’agissait de la supposition que
Vous devez donc bien comprendre qu’il ne vous
serait pas possible d’apprécier toute l’importance de la prime d’exportation
qui s’accorde en France, ni par conséquent l’étendue du droit que vous devriez
établir pour en balancer les effets par rapport à notre industrie. Dans des
circonstances pareilles, je crois qu’il faut faire comme le propose la section
centrale, s’abstenir pour le moment, et attendre que de nouvelles négociations
aient amené un résultat plus satisfaisant.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). -
L’honorable préopinant a supposé, messieurs, que le gouvernement français
admettrait des déclarations exagérées qui augmenteraient la restitution à la
sortie des draps français, afin d’éluder le droit de notre tarif ; mais il est
facile de concevoir qu’il résulterait d’un pareil système une dépense énorme
pour
On dit qu’il faut ajourner
notre décision, puisque nous proposons de n’y donner effet qu’en 1839, et qu’il
faut profiter de l’intervalle pour négocier de nouveau : on conviendra que la
tendance qu’on a montré dans cette enceinte ne serait pas favorable aux
nouveaux négociateurs qu’on dépêcherait vers
On a dit aussi : « Mais n’ouvrez pas un pays
de 4 millions de consommateurs à 32 millions de producteurs. » C’est sans
doute par défaut de réflexion qu’on a fait cette observation, car on sait fort
bien que les 32 millions de Français ne sont pas des fabricants de draps ; si
l’on compare le nombre des fabricants de draps qu’il y a en France au nombre de
ceux qu’il y a en Belgique, on voit de suite qu’il n’y a pas de comparaison à
établir sous ce rapport entre la population des deux pays. C’est là un fait de
la dernière évidence et qui est connu de tout le monde. Je dis donc que cet
argument n’a nulle valeur.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, j’ai été interpellé par plusieurs membres de l’assemblée sur le
point de savoir ce qu’il faut entendre par prime d’exportation en France. Pour
répondre à ces honorables membres, je crois ne pouvoir mieux faire que de
donner lecture d’un discours prononcé par M. de St-Cricq
à l’appui du système de ces primes, qu’il a fait adopter en 1822.
« Entendons-nous bien d’abord sur ce mot
primes, disait M. de St-Cricq. Notre législation n’en
accorde aucune à titre d’encouragement pour l’exportation des produits de notre
industrie intérieure ou de notre sol ; et par cette raison, qu’ayant à exporter
beaucoup de choses, nous nous ruinerions en encouragements, s’il fallait
encourager la sortie de toutes ces choses avec l’argent du trésor ; par cette
raison encore, que telles primes n’ayant pour objet que de procurer à nos
exportations un avantage sur les marchés étrangers, elles ne seraient qu’un
défi fait à d’autres gouvernements d’égaliser cet avantage en accordant aussi
des primes à leurs propres exportations, et qu’un tel défi aurait pour effet de
ruiner les contribuables sans profit pour personne.
« Ce que nous accordons à la sortie de
certains produits, à titre de primes, n’est autre chose que ce que l’Angleterre
appelle drawback, c’est-à-dire le remboursement des droits perçus sur certaines
matières exotiques qui sont entrées dans la composition de ces produits : ce
remboursement est-il calculé sur de justes bases ? C’est la seule chose à
examiner. »
M. de St-Cricq va se
charger lui-même d’expliquer comment dans certains cas ce drawback peut devenir
une prime réelle.
« Or, continue M. de St-Cricq,
j’ai déjà eu l’occasion de montrer hier que la prime accordée à la sortie des
tissus de laine est plutôt exagérée qu’insuffisante. Car on a été forcé, sous
peine de rendre presque impossible, sans nuire à nos exportations de draps, de
mettre une taxe sur les laines étrangères, jugée indispensable pour la défense
de nos propres laines, de calculer la restitution du droit dans la supposition
que toutes les laines qui sont entrées dans la confection des étoffes exportées
sont d’origine étrangère, et le contraire est évident. »
Voilà donc, en ce qui concerne la prime
d’exportation des draps, la portée qu’y attachait M. de St-Cricq,
quand il a fait adopter ce drawback. Ce n’est qu’à titre de restitution que la
prime est payée à la sortie, mais comme il n’y a pas de prise en charge à
l’entrée des laines dans le pays, il arrive que lorsqu’on apporte des draps
fabriqués en partie avec de la laine étrangère, et en partie avec de la laine
du pays, la prime est accordée pour des quantités de draps, pesant beaucoup
plus que la laine que l’exportateur a antérieurement importée de l’étranger.
Nous reconnaissons que sous ce rapport il peut
surgir des abus ; mais comme on l’a fait remarquer tout à l’heure, ces abus se
compensent, quant au fabricant, par le prix plus élevé que le producteur de la
laine fait payer aux fabricants ; car la laine indigène se paie d’autant plus
cher que cette prime d’exportation donne plus d’avantage au fabricant.
Il est encore bon de remarquer que les draps
français ne se fabriquent, et ne peuvent pas exclusivement se fabriquer avec de
la laine de France, et que les fabricants de ce pays sont obligés de faire un
mélange de leur laine indigène avec la laine étrangère.
Ainsi, vous le voyez, messieurs, il doit
nécessairement être introduit en France d’assez fortes quantités de laines
étrangères pour la fabrication du pays ; dans une séance précédente, un
honorable député de Verviers, je pense, a convenu de ce fait.
Il en est de même chez nous, nous ne pouvons
fabriquer nos draps exclusivement avec de la laine indigène, et nous devons en
chercher dans les pays étrangers.
Sous ce rapport donc, il y a parité ; la nécessité
de mêler les laines pour obtenir un bon tissu, oblige
On vient de répéter cet argument déjà plusieurs
fois reproduit et qui consiste à dire : que
Rappelez-vous, messieurs,à quelles vives
récriminations donna lieu, non seulement chez les consommateurs français, mais
aussi dans le parlement britannique, la mesure prise à ce sujet par
M. Gendebien. - Nous ne devons pas tant
nous applaudir de cette mesure ; elle a fait tort au Hainaut.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Ainsi, d’après l’honorable député du Hainaut, la disposition prise par
M. Gendebien. - Oui, très nuisible !
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- S’il en est ainsi, je commence à me rassurer un peu sur les mesures hostiles
que
M. Gendebien. - Je vous le démontrerai.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, je dois ajouter quelques mots d’explication à ce qua dit M. le
ministre de l’intérieur en répondant à M. Demonceau. Cet honorable membre
faisait une objection assez grave sur ce qu’il y aurait une grande difficulté à
calculer l’élévation de la prime à la sortie de France, parce que, disait-il
avec raison, pour obtenir une prime élevée à la sortie, l’exportateur français
déclarera la valeur de son exportation au taux le plus élevé possible, et qu’à
l’entrée en Belgique, il la déclarera au taux le plus bas possible, afin de
payer à notre trésor le moins de droits qu’il pourra.
A cet égard, M. le ministre
de l’intérieur a déjà fait remarquer qu’on pourrait exiger la production du
certificat du remboursement de la prime en France ; de manière que les
exportateurs français ne seraient jamais intéressés à augmenter la valeur du
drap à la sortie, parce qu’ils devraient payer à
M. Desmet. - Messieurs, je devrais renoncer
à la parole, parce que je l’avais demandé pour répondre l’honorable ministre de
l’intérieur sur l’article des primes, et que notre honorable collègue M.
Demonceau l’a fait avec tant de clarté ; mais, comme M. le ministre des
finances vient de toucher d’autres points, je lui répondrai deux mots.
D’après le dire de ce ministre, les partisans de la
protection exigeraient une réciprocité parfaite, article pour article. Mais
quel est le membre qui ait dans toute la discussion fait entendre cette exigence
? Personne, et il serait difficile à M. le ministre à désigner un seul membre.
Ce que nous voulons, c’est de négocier avec
M. le ministre des finances nous a lu l’opinion de
l’ex-ministre St-Cricq sur les primes ou le drawback
; mais, messieurs, il ne faut pas voir ce que M. St-Cricq
pensait en 1822 sur le danger des primes ; mais il faudrait savoir ce qu’il
pense aujourd’hui. Chose certaine, c’est qu’ils n’ont pas voulu en France le
simple drawback ou restitution des droits ; mais ils ont voulu imiter
l’Angleterre et établir des primes pour protéger l’industrie nationale. Ils ont
vu les inconvénients que produisaient ces primes, et ils en ont déjà abolies,
comme celle sur la sortie des sucres et celle sur la sortie des spiritueux,
etc.
M. le ministre de l’intérieur nous a adressé une espèce
de reproche, quand il a bien voulu nous dire que nous agissions par des
intérêts de localité, et que chacun défendait l’industrie de son pays.
Heureusement pour nous, qui sommes des provinces de Flandre, qu’aucune branche
de l’industrie de ces provinces ne figurent dans ce projet ministériel, et
cependant, presque tous les membres de ces deux provinces sont partisans de la
protection à accorder à la draperie comme à la bonneterie, aux cristaux comme
aux ardoises.
Non, M. le ministre, ce n’est pas l’étroit esprit
de localité qui guide en ce moment la chambre, mais bien l’intérêt général, la
prospérité et le bonheur de notre patrie commune, le désir que toutes les
parties soient unies et que l’accord général augmente tous les jours ; et nous
avons une juste crainte que vous malencontreux projet ait un résultat tout
contraire, si malheureusement il devait passer ; nous craignons qu’il serait un
brandon de discorde dans le pays, et servirait en même temps de prétexte au
parti anti-national.
Et quand on nous parle des
désirs de
D’ailleurs, j’ai la conviction que si nos
négociations commerciales avec
M. Smits. -
Messieurs, on a encore contesté ce que nous avons dit sur les primes ; on a
prétendu que les primes étaient un véritable encouragement à l’exportation.
J’ajouterai encore quelques mots qui feront sentir la vérité de ce que nous
avons avancé.
Les primes ont été établies à raison du droit
d’entrée sur les laines étrangères ; personne ne peut contester cela. Eh bien,
s’il est vrai que la prime a été établie pour ce motif, s’il est vrai que tous
les industriels français, loin de demander le maintien de ce droit d’entrée sur
les laines étrangères, réclament au contraire la suppression de ce droit, il
est évident qu’il est de leur intérêt de renoncer à la prime plutôt que de
payer 30 ou 20 p. c. sur les matières premières qui viennent de l’étranger.
Cette unanimité d’opinion de la part des fabricants français prouve que les
primes ne sont pas un encouragement à l’exportation, mais un véritable
drawback.
(Moniteur
belge n°124, du 4 mai 1837) M. Devaux. - Messieurs, dans la
discussion générale, j’avais énoncé mon opinion sur le projet et l’idée d’un
système de conciliation qui consistait à substituer à la prohibition, non pas
des droits prohibitifs, mais des droits d’une certaine élévation à l’égard de
Jusqu’ici c’était une opinion reçue que la
prohibition sur les draps français était illusoire, qu’on fraudait en grande
quantité les draps français, et moyennant une prime très peu élevée ; que dès
lors cette prohibition pouvait être remplacée par un droit tel qu’il n’y aurait
pas eu de changement dans la position des industriels du pays, sans que ce
droit fût fort élevé. Aujourd’hui qu’il s’agit de prendre une mesure de cette
nature, il paraît que tout est changé. Si nous supprimons la prohibition, nous
allons tuer l’industrie nationale : on vous la représente déjà enveloppée de
linceuls et prête à descendre au cercueil, et autres métaphores lugubres.
Messieurs, dès qu’on touche à une industrie, ce sont toujours des exagérations
de ce genre, c’est toujours le même appareil funèbre qu’on vous a fait passer
sous yeux ; toutes les industries se ressemblent sous ce rapport ; nous en
avons eu ici depuis sept ans bien des exemples.
Quant à moi, j’ai de bonnes raisons de croire,
malgré ce qu’on vous a dit, que la prohibition est une mesure illusoire, que
nous avons tout intérêt à abolir et aucun intérêt à conserver. Je crois, malgré
les assertions si formellement contraires, qu’on fraude les draps français au
moyen d’une prime de 5 p. c. je crois qu’il trouve des draps français dans beaucoup de
magasins de Belgique ; je crois qu’on peut sans obstacle introduire les draps
français sous le drap allemand ou anglais par la frontière maritime et par la
frontière d’Allemagne.
Je suis en cela en opposition directe avec MM. David,
Lardinois et Dumortier. Mais je ne me borne pas à exposer mon opinion
personnelle, j’apporte des preuves. Elles auront quelque autorité prés de vous
: ce ne sont ni des idéologues ni des théoriciens qui me les fournissent, ce
n’est pas même la chambre de commerce d’Anvers, ce ne sont ni les anciennes
opinions des députés qui demandent la prohibition des draps français, après
s’être, à une autre époque, prononcés pour la liberté du commerce : leur
position aujourd’hui est trop fâcheuse pour eux-mêmes, pour que je veuille en
abuser ; c’est une autorité imposante en cette matière que je vous présente,
c’est l’autorité de la chambre de commerce de Verviers. Son opinion est
extrêmement explicite, je vous prie d’y prêter attention. Voici comment la
chambre de commerce s’exprime en s’adressant à une commission permanente
d’industrie, au mois de mars 1835.
Voici ce qu’elle disait… Alors il ne s’agissait pas
de lever la prohibition sur les draps. Je conçois que quand vous vous adressez
à une localité où s’exerce une industrie, et que vous demandez à la chambre de
commerce : « Voulez-vous que nous levions la prohibition sur les produits
étrangers semblables à ceux que vous fabriquez, » elle vous réponde
: « Non. » Devant une pareille question, une chambre de commerce qui
se considère, non pas comme le mandataire de l’intérêt général, mais comme
mandataire spécial des industriels, eût-elle même personnellement une autre
opinion, aura toujours beaucoup de peine à agir autrement. Il faudrait pour
cela que les idées commerciales fussent avancées qu’elles ne le sont
aujourd’hui.
Voici donc ce qu’en 1835, époque où en quelque
sorte elle avait plus de liberté d’exprimer son opinion entière sur la
prohibition des draps français, la chambre de commerce de Verviers en pensait.
Voici les faits qu’elle signalait. On peut changer de principes tant qu’on
voudra, on ne peut pas changer des faits :
« Notre industrie a besoin de débouchés ; nous
demandons à
Ainsi, voilà toutes choses qui sont constatées,
établies par la chambre de commerce de Verviers, qui avaient été entièrement
niées dans cette discussion ; il est impossible que la réfutation soit plus
directe. Les draps français entrent en grande quantité ; on les fait entrer
sans le moindre obstacle, ou par la frontière maritime ou par l’Allemagne, en
payant le droit général, ou en fraude en payant une prime de 5 pour cent. En un
mot, la prohibition est une chose illusoire, voilà l’opinion de la chambre de
commerce de Verviers. Je crois que, m’appuyant sur cette autorité, je puis
soutenir ces faits exacts, car ils ont été constatés par les hommes du pays les
plus propres à connaître de pareils faits. L’avis que je viens de lire est
signé par le président de la chambre de commerce de Verviers, M. R. Biolley ;
je ne sache pas qu’il passe pour un pur idéologue, ni, pour un théoricien en
absolu.
Appuyés sur de telles autorités industrielles, nous
pouvons donc tenir les faits pour constant. Restent maintenant deux questions :
d’abord, avons-nous intérêt à lever cette mesure illusoire de la prohibition ?
Dans mon opinion, nous avons, à agir ainsi, un intérêt très réel, d’abord parce
que la prohibition est un vain mot chez nous, qui n’avons pas la saisie à
domicile et toutes les mesures qui en France lui donnent de la réalité. Nous
avons intérêt à donner à
Reste la question de la prime. Chacun l’a évaluée à
sa manière. Le plus sage serait de prendre la moyenne. Je crois qu’en
augmentant le droit à l’égard de
On a dit que nous n’avions pas intérêt à voir lever
la prohibition de nos draps par
Je crois que tout le monde
comprend au contraire que nous y avons un grand intérêt à cause de la
différence qui existe en France entre les mesures que permet la prohibition et
celles qui résultent des droits ordinaires. Je ne me contente pas de ce qu’on a
dit que les industriels de Verviers ne voudraient pas qu’on fraudât leurs
draps, parce qu’ils ont la conscience trop délicate pour cela ; car le même
orateur a dit un instant après qu’il se trouvait dans tous nos magasins des
draps de France contrefaits et portant probant probablement la signature du
négociant français. Il me semble que la délicatesse de conscience, qui ne
répugne pas à cette fraude-là, n’a pas le droit d’être beaucoup plus difficile
pour l’autre.
J’aurais formulé mon opinion en amendement si
j’avais eu quelque espérance de la voir réussir ; mais, en présence des
dispositions imprévues dans plusieurs parties de la chambre, je me bornerai à
appuyer l’amendement de M. le ministre de l'intérieur, qui peut-être pourra
être précisé davantage dans le cours de la discussion.
(Moniteur
belge n°123, du 3 mai 1837) M. Lardinois.
- Je vous prie, messieurs, de vouloir bien m’entendre, je serai bref, je ne
veux faire que deux observations.
Il paraît que ce n’est plus le député de Verviers que
l’on veut mettre en opposition avec lui-même, mais que c’est un corps
constitué, la chambre de commerce de Verviers que l’on traduit devant vous.
Pour apprécier l’opinion de cette chambre, il ne
suffit pas de la tronquer, mais il fallait lire l’ensemble du mémoire dont on
se prévaut et dire dans quel but il a été rédigé.
C’est, je pense, aussi à l’occasion de la question
cotonnière, que la chambre de commerce a produit ce mémoire. Eh bien faut-il
encore vous dire qu’il s’agissait alors de nouvelles prohibitions dans notre
tarif de douanes ; qu’il s’agissait de visites domiciliaires et que les mesures
que l’on proposait étaient dirigées contre
La chambre de commerce de Verviers exposait, à
cette époque, que la fraude des draps français était facile. Je vous ferai
observer que l’industrie cotonnière demandait des mesures sévères coutre la
fraude et que l’intention de la chambre de commerce de Verviers était de
corroborer de son témoignage cette demande, afin d’engager le gouvernement à
augmenter ses mesures de surveillance courre les produits étrangers.
L’honorable ministre des finances, ainsi que
l’honorable M. Smits, vous ont entretenu longuement au sujet de la prime et
prétendent que ce n’est qu’une restitution de droits que l’on fait au fabricant
français. Oui, la loi française l’entend de la manière que vous l’expliquez :
elle frappe les laines et d’autres matières nécessaires à la fabrication de
droits d’entrée, et elle rembourse ces droits au moyen d’une prime à la sortie
des produits fabriqués. Mais voyez comment les choses se passent, et vous vous
convaincrez que les exportateurs éludent les dispositions et l’esprit de la
loi. Je vous l’ai déjà fait remarquer ; par de fausses déclarations la prime
s’élève quelquefois à 20 p. c. de la valeur ; et l’honorable M. Demonceau ne
vous a-t-il pas prouvé que l’on avait restitué jusqu’à 25 fr. par kilogramme de
tissus exportés de France ?
De quelque manière que vous
envisagiez la question, vous trouverez que les fabricants jouissent à peu près
intégralement, au détriment du trésor, de la prime qui leur est accordée.
M. Smits objecte que, lorsqu’une marchandise
étrangère est soumise à un droit d’entrée, les produits indigènes profiteront
dans la même proportion, c’est-à-dire que le prix en augmente.
Si cet honorable collègue avait étudié les causes
des variations que subissent les prix des marchandises, il saurait que, lorsque
la production d’une marchandise est considérable, les droits influent moins sur
les prix que la demande qui en est faite par la consommation. C’est ainsi, par
exemple, que les laines sont pour le moment à meilleur marché en France qu’en
Allemagne, parce que les fabriques françaises sont inactives et que les laines
sont peu demandées. Est-ce que dans ce cas la prime ne profite pas entièrement
au fabricant français ?
M. Gendebien. - On a vanté les
avantages que
Sous la branche aînée des Bourbons, avant, et même
depuis les dispositions hostiles de 1823, les houilles belges étaient reçues en
France avec un droit de faveur ; jusqu’en 1835, nos houilles entrant en France
par le canal de Condé, étaient assimilées aux houilles françaises, elles
étaient en quelque façon nationalisées moyennant le paiement du droit de
navigation fluviale. Or, ce droit était moins élevé des deux cinquièmes que le
droit de navigation par mer, payé par les Anglais, lorsque nos bâtiments transportaient
nos houilles dans tous les ports de l’Océan ; et elles étaient favorisées de
trois cinquièmes du droit, lorsqu’elles arrivaient par les bâtiments français
qui venaient prendre nos houilles dans un de nos ports ou dans un port de
France.
Aujourd’hui nous sommes privés de cet avantage ;
c’est-à-dire qu’il ne nous est plus permis d’importer nos houilles que dans les
zones qui ont été établies. Nous sommes ainsi privés d’une grande partie de nos
relations dans les ports de l’Océan.
Je ne pense pas que le ministère conteste ce fait,
la chose a été reconnue par un ministre ; j’en trouve la preuve dans ce passage
de l’avis de la chambre de commerce de Bruxelles :
« Le système des zones pour l’importation de
nos houilles en France a détruit, comme vous le dites fort bien, M. le
ministre, tous les avantages préexistants pour nos houillères, et il est
aujourd’hui évident que l’Angleterre viendra prendre une large part dans ces
avantages. »
Voilà jusqu’à quel point nos houilles sont
favorisées par les dispositions amicales du gouvernement français depuis 1835 !
Le ministère l’a reconnu mi-même dans une autre circonstance, et je ne
comprends pas comment il a pu insister aussi souvent sur les prétendus
avantages que le gouvernement français accorde à nos houilles du couchant de
Mons.
Je n’ai pas voulu prendre la parole sur ce fait
pendant toute la discussion, parce que je sais qu’on peut nous faire plus de
mal encore.
Si j’ai rompu le silence, c’est que j’ai cru, qu’en
conscience, je ne pouvais laisser induire la chambre en erreur.
Qu’on ne nous parle donc plus des bonnes
dispositions de
Lorsque nos commissaires sont allés à Paris, deux
d’entre eux, au sortir de notre séance et au moment de partir, sont venus me
demander si je n’avais pas de réflexions à leur communiquer. Je leur dis qu’ils
s’y prenaient un peu tard ; que je n’avais qu’une supplication à leur adresser
: c’était de ne pas parler de nos charbons.
Ces messieurs se croient très ferrés sur cette
partie, et le résultat me paraît prouver que nos intérêts, s’ils ont été bien
défendus, n’ont pas été aussi bien traités qu’ils auraient pu l’être, qu’ils
auraient dû l’être.
Aussi longtemps que
En cette circonstance comme dans d’autres, mes
conseils ont été méconnus ; le résultat a prouvé, malheureusement pour mon
pays, que j’avais raison. En un mot, le gouvernement français, au lieu de nous
favoriser, n’a changé le statu quo qu’au profit de l’Angleterre et à notre
détriment. Voilà ce que j’avais à dire, ce qu’on m’a forcé de dire sur la
question des houilles.
Maintenant, permettez-moi d’exprimer en peu de mots
mon opinion sur le fond de la discussion.
J’ai toujours eu une profonde répugnance pour le
mot de prohibition, et bien plus encore pour la chose elle-même. Jusqu’à ce que
j’eusse entendu, l’honorable M. Demonceau, j’étais décidé à repousser la
prohibition ; mais les calculs qu’il a présentés, et le défaut total, je dois
le dire, de réponse à ces calculs, m’ont porté, m’ont décidé à maintenir la
prohibition. On nous a dit : la prohibition n’aura aucun résultat, c’est une
mesure sans sanction. Je veux bien l’admettre en règle générale ; mais telle
n’est pas la question.
On a cité l’opinion de la chambre de commerce de
Verviers qui l’a établi dans une autre circonstance.
Un
membre. - A quelle époque ?
M. Gendebien. - N’importe. L’époque ne
fait rien à l’affaire. Quand la chambre de commerce de Verviers a établi cela,
il s’agissait de toute autre chose qu’aujourd’hui : c’était à propos de la
question cotonnière, et il s’agissait d’une thèse générale. La chambre de
commerce de Verviers avait raison alors ; elle a encore raison aujourd’hui, car
elle a raisonné dans un cas spécial ; et pour une position toute particulière ;
en effet, ce n’est pas seulement contre les fabricats étrangers que nos draps
ont à lutter, c’est contre les véritables primes d’exportation. Et voilà la
différence ; voilà ce qui fait que la chambre de commerce de Verviers n’est pas
en contradiction lorsqu’après avoir parlé dans un sens à propos d’une question
générale, elle parle aujourd’hui dans un autre sens, lorsqu’il s’agit de
conjurer les effets pernicieux de primes dont il est difficile d’apprécier
toute la hauteur.
D’ailleurs tout le monde peut se tromper. Par
exemple, M. le ministre des finances qui prend les théories de M. de St-Cricq pour des réalités pratiques.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Ce sont les motifs de la loi que j’ai lus.
M. Gendebien. - Est-ce donc la première
fois qu’un ministre se trompe ! M. de St-Cricq a émis
une théorie, mais la pratique l’a démentie. M. Demonceau l’a démontré avec une
évidence à laquelle il est impossible de ne pas se soumettre.
M. de Saint-Cricq,
lui-même, si les chiffres de M. Demonceau lui étaient présentés, serait obligé
de reconnaître que la pratique a conduit à un résultat opposé à celui qu’il
voulait atteindre par ses théories ; si tant est qu’il n’ait voulu sincèrement
qu’un drawback, et qu’il n’ait pas voulu déguiser une prime véritable sous les
apparences d’une simple restitution.
Quand je vois, d’un côté, une prime énorme accordée
à l’exportation, prime dont la hauteur ne peut être déterminée, je dis qu’il
faut à tout prix tenir compte de cette prime et la neutraliser. Je ne vois
qu’une seule manière de combattre cette prime, savoir : la prohibition.
Si vous laissez entrer les draps français en leur
faisant payer un droit, les négociants français se feront payer la prime à la
sortie des draps, et ils introduiront leur fabricats sans droits et même avec
prime ; tandis que s’il y a prohibition, les draps français n’entreront qu’en
fraude, et dès lors les fabricants français ne pourront recevoir la prime.
Un
membre. - Mais ils la reçoivent.
M. Gendebien.
- Je voudrais que l’on me démontrât que les fabricants français reçoivent la
prime d’exportation lorsqu’ils nous importent leurs draps en fraude. Cela
pourrait me faire changer d’opinion ;
mais cela n’est pas possible, il me semble, à moins que les douaniers français
n’accompagnent en armes la marchandise jusqu’à ce qu’elle ait traversé notre
ligne de douanes : or, cela n’est pas possible. Et il n’y aurait cependant que
ce moyen pour garantir l’exportation aussi bien contre nos douaniers que dans
l’intérêt du trésor de
Je repousse et repousserai toujours le système
prohibitif en règle générale ; mais comme je ne suis pas systématique et que je
n’appartiens à aucune des classes de nos idéologues, comme je ne vois que des
faits en matière de douane, comme je vois en France un fait tout particulier et
de la plus pernicieuse influence à une prime énorme d’exportation ; j’abandonne
la règle, et, à moins qu’on ne m’indique pour combattre cette prime, un
meilleur moyen que la prohibition, je maintiendrai la prohibition.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est
nécessaire que je réponse à quelques-uns des faits énoncés par l’honorable M. Gendebien.
Il a paru imputer à tort à nos commissaires
l’établissement de zones pour de la houille en France. Je dois relever cette
assertion.
Les réclamations sont venues des charbonniers du
Hainaut, qui ont désiré obtenir l’abaissement des droits à l’importation des
charbons belges en France ; nos commissaires ont d’abord fait la même
réclamation ; mais du moment qu’il a été question de zones pour l’importation
des charbons anglais, ils se sont opposés à ce nouveau système et ont abandonné
leurs réclamations tendant à obtenir l’abaissement des droits à l’importation
de nos charbons en France, pour ne pas donner plus de poids aux réclamations de
l’Angleterre.
En ce qui concerne la
restitution des primes à la sortie des draps, je dois faire observer que les
droits restitués sont de beaucoup inférieurs à ceux qui sont perçus à l’entrée,
de telle manière qu’il ne paraît pas que ceci fasse réellement l’objet de
spéculations, comme l’on voudrait le faire croire. Il en résulte même la preuve
certaine, la partie des laines importées en France, et mises en consommation à
l’intérieur, excède la partie de ces laines qui est exportée après fabrication.
En 1832, le droit perçu à l’importation des laines
en France a été de six millions ; le droit restitué à l’exportation n’a été que
de trois millions.
Dans d’autres années la proportion a varié ; mais
il est constant que, pendant un certain nombre d’années, les droits perçus à
l’entrée des laines, ont surpassé les primes accordées à leur sortie.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je crois utile de répondre à M. Gendebien pour lever les doutes qu’il
manifeste sur la portée qu’aurait la levée de la prohibition avec les
conditions que nous y attachons.
Il craint que la prime accordée en France à la
sortie des draps ôte, par son élasticité, toute efficacité au taux de la
protection que nous porterions dans notre tarif comme droit d’importation ; or
cette prime sera totalement neutralisée par la disposition indiquée tantôt par
le ministre de l’intérieur, disposition qui tend à faire ajouter aux droits du
tarif le montant de la prime restituée en France.
On avait manifesté la crainte que la prime ne pût
être bien appréciée à notre douane par suite de l’exagération de la valeur des
draps à la sortie de France ; mais cette exagération devient sans effet du
moment où, comme nous l’avons dit, il faudra produire le document de la douane
de France comme base de la déclaration d’importation chez nous.
Evidemment, en opérant de
cette manière, la prime, quelle qu’elle soit, ne sera plus un avantage pour les
fabricants français.
Je comprends que la chambre est pressée d’en finir
et je ne prolongerai pas ce débat. J’avais demandé la parole pour répondre à ce
qu’avait d’abord dit M. Gendebien relativement aux houilles ; mais il est
inutile maintenant que j’entre dans des développements à cet égard ; cet
honorable membre a reconnu lui-même en terminant qu’il était prudent d’éviter
les discussions sur ce point ; quoi qu’il en soit, il m’eût été très facile,
vous le reconnaîtrez, de lui répliquer par la simple citation des deux droits
différents établis à l’importation des houilles en France, selon des zones
déterminées. (La clôture ! la clôture !)
M. Dubus (aîné). - Il ne convient pas
qu’un ministre ait la parole le dernier. J’ai un mot à dire relativement à la prorogation
de la prohibition jusqu’au 1er janvier 1839. En proposant cette prorogation, on
déclare qu’il n’est pas urgent de supprimer la prohibition. (La clôture ! la clôture !)
- La chambre ferme la discussion.
M. le président. - La chambre a d’abord
à résoudre cette question : la prohibition sera-t-elle levée ? Ensuite on
examinera la question d’ajournement et la question relative au montant du droit
qui s’ajoutera à la prime
M. Dubus (aîné)
(sur la position de la question). - Je demande la parole sur la position de la
question. Si on fait cette question « la prohibition sera t-elle levée
? », nous serons tous unanimes, et nous répondrons oui, selon les
circonstances ; mais cette question posée au futur ne décide rien.
Sur la question : « Y a-t-il lieu maintenant à
la prohibition ? » le ministre reconnaît qu’il serait imprudent de
répondre affirmativement et il propose de reculer la mesure jusqu’en 1839.
Mais si les circonstances rendent intempestive la
levée de la prohibition aujourd’hui, qui peut nous assurer que les
circonstances seront favorables à cette levée en 1839 ? Vous ne pouvez vous
décider aujourd’hui de ce qu’il conviendra de faire dans deux ans ; vous pouvez
seulement apprécier les circonstances actuelles, et rien de plus. Je demande
donc que l’on pose la question ainsi : « Y a-t-il lieu à lever la
prohibition maintenant ? »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux). - Il est très facile de maintenir la prohibition
indéfiniment, conformément à la proposition de M. Dubus ; mais pour maintenir
la prohibition indéfiniment, il faut faire abstraction des faits ; il faut
faire abstraction de la manière dont en France on considérera notre vote ; car
si nous votons librement des lois, on vote non moins librement chez nos
voisins. En repoussant la mesure que nous vous proposons, la législature
française pourra bien aussi repousser tout ce qui nous serait favorable. Je
demande que la chambre s’exprime franchement, et qu’elle décide que la
prohibition sera levée en 1839, sous les conditions que j’ai posées.
M. de Brouckere.
- Que le ministre veuille dire comment la question sera posée.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Voici la
question : la prohibition sera-t-elle levée au premier janvier 1839 ?
M. de Brouckere.
- Il en résulte qu’il y aura deux questions à mettre aux voix, celle de M.
Dubus et celle du ministre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux). - Ce que propose M. Dubus, c’est la même chose que la
disposition actuellement en vigueur ; et ce que je présente est un amendement à
la loi ; ainsi ma proposition doit avoir la priorité.
M. Jullien. - La question doit être
posée comme le ministre le demande. Dans le projet de loi le gouvernement
proposait la levée de la prohibition dès aujourd’hui et son remplacement par un
droit protecteur ; actuellement le ministre propose la levée de la prohibition
en 1839, et il n’y a pas d’autre question sur laquelle on puisse voter.
(Moniteur belge n°124, du 4 mai 1837) M. Dumortier.
- Messieurs, ma proposition est extrêmement claire ; si elle est adoptée, toute
la question est tranchée ; si, au contraire, elle est rejetée, il faut en venir
alors à la proposition de M. le ministre ; mais, pour démontrer qu’il est
nécessaire de donner la priorité à ma proposition, je demande de nouveau
comment il me serait possible de voter, si la proposition du ministre était
mise aux voix la première, moi qui préfère cette proposition au projet primitif
du gouvernement, mais qui préfère encore de beaucoup la proposition de la
section centrale ? Il faut donc voter d’abord sur la question que j’ai posée ;
si elle est résolue négativement, cela décide seulement que la prohibition ne
sera pas levée maintenant, mais en même temps cela ne préjuge rien sur ce que
nous ferons dans deux ans.
M. Lardinois. - Nous n’avons qu’à
décider une question de principes : il faut dire : Y aura-t-il, oui ou
non, prohibition ?
M. Dumortier.
- Il me semble que la question s’embrouille beaucoup, quoi qu’elle soit fort
claire. Le gouvernement propose de mettre des droits sur la draperie étrangère
; la section centrale propose de maintenir la prohibition existante : la
proposition du gouvernement est par conséquent la proposition principale, et
celle de la section centrale est l’amendement ; c’est donc à la proposition de
la section centrale que vous devez accorder la priorité.
Quant à l’amendement de l’honorable M. de Theux, je
ne pense pas qu’il soit de nature à pouvoir être admis par la chambre ; nous ne
pouvons pas prévoir ce qui se passera d’ici à deux ans ; nous ne pouvons pas
d’ailleurs lier les législatures à venir : la chambre va être renouvelée par
moitié ; savons-nous si après les réélections la chambre serait disposée à
maintenir la résolution que nous aurions prise sur la proposition de M. le
ministre ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux). - Messieurs, je ne conçois pas réellement l’instance
de l’honorable préopinant, car s’il était vrai que la proposition de la section
centrale fût un amendement, il en résulterait que ma proposition serait un
sous-amendement, puisque la section centrale propose aussi ce maintien, mais
seulement jusqu’en 1839. Ainsi, de quelque manière qu’on envisage la question,
il faut toujours en revenir à voter d’abord sur la proposition que j’ai faite.
M. Dumortier. - M. le ministre dit que sa proposition est
un sous-amendement ; cela est inexact, car la proposition de la section
centrale écarte purement le projet du gouvernement tandis que la proposition de
M. le ministre reproduit le projet du gouvernement.
Si vous mettez d’abord aux voix la proposition de
M. le ministre, comment voulez-vous que nous votions, nous qui préférons cette
proposition au projet primitif du gouvernement, mais qui préférons encore de
beaucoup la proposition de la section centrale ? Je persiste donc à demander la
priorité pour la proposition de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je ferai remarquer à la chambre que la proposition M. Dubus n’a pas de but ;
si elle était mise aux voix, elle serait infailliblement adoptée, puisque nous
sommes tous l’accord qu’il ne faut pas lever la prohibition immédiatement. Il
faudrait donc toujours mettre ensuite aux voix la proposition de mon collègue,
M. le ministre de l’intérieur, qui porte que la prohibition sera levée le 1er
janvier 1839.
M. F. de Mérode.
- Il ne s’agit pas, messieurs, d’agir ici avec subtilité, de chercher à
surprendre le vote de l’assemblée : eh bien, si on admettait la proposition de
M. Dubus et que ce fût là un vote définitif, il ne serait plus possible de
voter sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Si la question posée
par M. Dubus est celle de savoir si la prohibition sera levée maintenant ou
plus tard, de manière qu’après l’avoir résolue négativement on puisse toujours
en revenir à la proposition de M. le ministre de l’intérieur, je ne vois pas
d’inconvénient à donner la priorité à la question posée par M. Dubus ; mais si,
après avoir voté sur cette question, il est interdit de voter sur la
proposition de M. le ministre, alors je ne comprends rien à cette manière de
procéder. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président.
- Voici une proposition de M. Dumortier
:
« Je propose de
supprimer dans la proposition de M. Dubus le mot : « maintenant. »
Ainsi il y a trois questions de posées :
« Y a-t-il lieu à lever maintenant la
prohibition ? »
« Y a-t-il lieu à lever la prohibition
? »
« La prohibition sera-t-elle levée au 1er
janvier 1839 ? »
M. Dubus. - Je retire ma proposition et
je me rallie à celle de M. Dumortier.
M. le président. - Ainsi il ne reste
que les deux dernières questions.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable M. de Mérode vient de
faire remarquer qu’il faut ici une explication, et j’insiste pour cette
explication ; je prie M. Dumortier de dire s’il entend qu’après avoir résolu
négativement la question posée d’abord par M. Dubus et modifiée ensuite par
l’honorable membre auquel je m’adresse, on ne pourrait plus en revenir à la
proposition de M. le ministre de l’intérieur ? Dans ce cas la position de la
question de M. Dumortier serait inadmissible comme étant contraire au règlement
; elle ne serait plus conforme aux errements de la chambre et détruirait en
cette circonstance la liberté du vote : comment nous serait-il possible de
voter sur la question posée par l’honorable membre, nous qui sommes d’avis
qu’il ne faut pas lever la prohibition maintenant, mais qu’il faut la lever en
1839 ? Il est beaucoup plus simple, beaucoup plus loyal de voter d’abord sur la
proposition de M. le ministre de l’intérieur, pour en venir ensuite, si elle
était rejetée, à la proposition de M. Dumortier.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Une
chose, messieurs, sur laquelle personne ne peut être trompé, c’est que ceux qui
voteront pour la proposition de M. Dumortier veulent absolument maintenir la
prohibition : cette proposition étant ainsi entendue, je ne vois plus
d’inconvénient à la mettre aux voix ; mais il faut que chacun comprenne bien
qu’en votant en faveur de la proposition de M. Dumortier, il écarte la mienne.
Toutefois ma proposition n’en est pas moins un sous-amendement, et doit de ce
chef, d’après le règlement de la chambre, avoir la priorité.
De
toutes parts. - Aux voix la priorité !
- La chambre consultée décide qu’elle votera
d’abord sur la proposition de M. le ministre.
M. le président. - La proposition de M.
le ministre, que, d’après la résolution que la chambre vient de prendre, je
vais mettre aux voix, consiste à déclarer que la prohibition sera levée le 1er
janvier 1839.
M. Pirson. Il est bien entendu que
c’est aux conditions expliquées par M. le ministre.
De
toutes parts. - Oui ! oui !
Plusieurs
membres. - L’appel nominal !
(Moniteur
belge n°123, du 3 mars 1837) Il est procédé à l’appel nominal. En voici le résultat
: 72 membres prennent part au vote.
1 membre (M. Bekaert) s’abstient.
37 répondent oui.
35 répondent non.
En conséquence, la chambre décide que la
prohibition, qui frappe les draps français, sera levée à partir du 1er janvier
1839.
Ont répondu oui : MM.
Andries, Beerenbroeck, Dams, de Brouckere, Dechamps, de Longrée, de Man
d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Terbecq, de
Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Duvivier, Ernst, Fallon, Goblet, Jullien,
Liedts, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven,
Seron, Simons, Smits, Vanderbelen, Verdussen, C. Vuylsteke, Wallaert et
Willmar.
Ont répondu non : MM. Berger, Coghen, Cornet de
Grez, David, de Behr, Demonceau, de Puydt, de Renesse, de Roo, Desmaisières,
Desmanet de Biesme, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Frison,
Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Meeus,
Pollénus, Trentesaux, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Vergauwen, Verrue-Lafrancq,
L. Vuylsteke, Watlet, Zoude et Raikem.
M. Bekaert. - Je me suis abstenu parce que, n’étant pas
partisan du système prohibitif, je n’ai pas voulu voter en faveur de la
prohibition. Je n’ai pas voulu voter contre pour deux motifs : 1° parce que la
prohibition ne devant être levée que dans deux ans, il est impossible de
prévoir quelle sera en 1839 la position commerciale de
- La séance est levée à 5 heures.