Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et liens
Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du lundi 1er mai 1837
Sommaire
1) Pièce adressée à la chambre
2) Adaptation du règlement de la chambre (procédure de naturalisation) (de Brouckere)
3) Rapport sur une pétition relative à des élections communales
contestées (Ham-sur-Heure)
4) Prise en considération de demandes en naturalisation
5) Adaptation du règlement de la chambre (procédure de naturalisation) (Liedts, Dumortier, Gendebien, de Brouckere, Jullien, Verdussen, de Brouckere, Dumortier)
6) Projet de loi relatif à la pêche nationale (Donny)
7) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes
(politique commerciale du gouvernement et négociations commerciales avec
(Moniteur
belge n°122, du 2 mai 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à
midi et demi.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des
pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants et négociants de Venloo
demandent que le bureau de Venloo soit déclaré bureau de paiement pour l’entrée
et la sortie des marchandises. »
________________
« Des habitants électeurs de l’arrondissement
de Huy, du canton de Nandrin, demandent le maintien
de la loi électorale. »
________________
« Le
sieur Benda, négociant à Bruxelles, demande que la chambre n’adopte pas les
droits proposés par la section centrale sur l’article bas et bonneterie. »
- Dépôt sur le bureau de la chambre pendant la discussion
de la loi qui modifie le tarif de la douane.
________________
« Des
propriétaires de Bruxelles dont les maisons ont été dévastées en tout ou en
partie dans les journées de septembre 1830, demandent le paiement de
l’indemnité qui leur revient. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi sur l’indemnité.
________________
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission
spéciale, qui en fera le rapport.
ADAPTATION DU REGLEMENT DE
M. le président. - La parole est à M.
de Brouckere pour faire lecture d’une proposition déposée sur le bureau, et
signée par un grand nombre de membres de la chambre. »
M. de Brouckere
monte à la tribune et lit la proposition suivante :
« Par dérogation aux articles 4 et 5 du règlement
du 11 mai, il sera, à l’avenir, procédé à la prise en considération des
demandes en naturalisation ordinaire par scrutin de liste.
« A cet effet, le bureau fera imprimer des
listes portant les prénoms, noms, qualités et domicile des pétitionnaires
relativement auxquels la commission aura fait son rapport, et le numéro d’ordre
du rapport. Les listes ne pourront contenir plus de 25 noms.
« Chaque membre recevra à domicile une liste,
et effacera le nom des pétitionnaires auxquels il veut refuser la
naturalisation. Un secrétaire fera l’appel nominal ; les listes seront déposées
dans une urne. Le bureau vérifiera le nombre des votants.
« Quatre bureaux de quatre scrutateurs tirés
au sort dépouilleront le scrutin.
« Les articles 4 et 5 du règlement du 11 mai
1836 continueront à être observés pour les demandes en grande
naturalisation. »
Messieurs, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de
donner de longs développements à la proposition qui vient de vous être lue ;
elle est si simple qu’elle se justifie d’elle-même ; et d’ailleurs, elle a déjà
obtenu l’approbation de la plupart d’entre vous, puisqu’elle est revêtue de la
signature de 46 membres de la chambre.
La proposition a deux choses en vue : d’abord, de
nous faire gagner du temps et, en second lieu, de hâter la décision à
intervenir sur les nombreuses demandes en naturalisation qui ont été adressées
à la chambre. Chaque jour nous passons une partie de nos séances pour prononcer
sur deux ou trois demandes en naturalisation ; comme il en reste environ deux
cents sur lesquelles il n’est pas intervenu de décision, il en résulte que nous
aurons de quoi nous occuper pendant quatre-vingts ou quatre-vingt-dix séances
en continuant la marche que nous avons suivie jusqu’à aujourd’hui.
Il est à remarquer en outre que la plupart de ces
demandes sont très anciennes ; il en est qui datent de cinq à six ans ; il est
plus que temps d’y faire droit. Si vous admettez la proposition, nous pourrons
avoir terminé en sept ou huit jours, c’est-à-dire en sept ou huit heures prises
dans sept ou huit séances différentes.
Je ne sais s’il est nécessaire de prouver à la
chambre que la proposition n’a rien de contraire à la loi du 27 septembre 1835,
et que du reste elle ne présente aucun inconvénient.
En ce qui concerne la loi du 27 septembre 1835,
tout ce qui y est exigé, c’est que la décision de la chambre sur la prise en
considération ait lien sans discussion, et au scrutin secret ; eh bien, d’après
le mode que je propose, le scrutin sera évidemment aussi secret qu’il l’a été
jusqu’aujourd’hui : les listes seront imprimées et distribuées ; et la seule
opération des membres sera de rayer les noms des pétitionnaires auxquels ils ne
voudraient pas accorder la naturalisation ; il n’y aura ni écriture ni
signature d’aucun de nous sur les listes.
L’art 3 de la loi du 27 septembre statue que
l’admission de plusieurs étrangers à la naturalisation ordinaire pourra être
décidée par une seule et même disposition : ainsi point d’obstacle sous ce
rapport.
J’ai dit que la proposition n’avais pas
d’inconvénient ; en effet, les listes étant distribuées à domicile et pouvant
l’être un jour franc avant celui où la chambre s’occupera des demandes en
naturalisation portées sur les listes, nous aurons le temps de prendre les
renseignements indispensables. Du reste, le scrutin sera toujours précédé de la
lecture des rapports sur lesquels nous aurons à décider.
En terminant, je ferai observer que la mesure n’est
pas relative aux demandes en grande naturalisation, sur lesquelles il y aura
toujours un scrutin séparé. Les dispositions des articles 1, 2 et 3 du
règlement du 11 mai 1836 resteront en vigueur pour les demandes en
naturalisation ordinaire comme celles en grande naturalisation.
- La proposition de M. de Brouckere est appuyée ;
la prise en considération est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il reste à la
renvoyer à une commission ou aux sections.
M. de Brouckere.
- Je crois que le renvoi à une commission est absolument inutile, et qu’on
pourrait prendre immédiatement une décision. Il ne s’agit pas d’un projet de
loi, mais d’un article réglementaire pour lequel on peut se dispenser de suivre
les règles usitées.
M. le président. - Conformément au
règlement, il faut renvoyer la proposition à une commission ou à la section
centrale : on peut la renvoyer à une commission qui fera son rapport demain ou
même aujourd’hui.
M. de Brouckere.
- Je prierai M. le président de vouloir bien nommer une commission, et je
prierai en outre la commission de faire son rapport dans cette séance même.
- Le renvoi à une commission est ordonné.
Le bureau, chargé de la formation de cette
commission, désigne MM. Liedts, Bernard Dubus, Lehoye,
Pollénus, Dubois.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. de Jaegher. - Par pétition en date
du 23 décembre 1836, le sieur P. Tallois,
propriétaire à Ham-sur-Heure, a adressé à la chambre une réclamation contre un
arrêté de M. le ministre de l'intérieur, en date du 30 novembre même année, en
matière d’élections communales, et contre les conséquence de cet arrêté sur la
composition du personnel administratif de cette commune.
La chambre ayant hier invité la commission des
pétitions à lui soumettre un prompt rapport sur cette réclamation, qui m’a dans
le temps été transmise, j’ai l’honneur de déférer à son désir.
Voici les faits tels qu’ils sont établis dans la
requête et les pièces y annexées :
Lors des dernières élections pour la recomposition
du conseil communal d’Ham-sur-Heure, en exécution de la loi communale, la liste
primitive des électeurs étant close, le collège des bourgmestre et assesseurs
porta d’office six électeurs sur une liste supplémentaire qui, d’après
l’article 15 de la loi communale, ne pouvait être formée que sur réclamation
approuvée par le conseil communal.
Protestation contre cet acte de la part du
pétitionnaire, tant près l’administration locale que près la députation
permanente des états du Hainaut.
L’administration communale se tait ; la députation
provinciale déclare l’inscription valide, et le réclamant se pourvoit en
cassation contre cette décision.
Entre-temps les élections s’opèrent, les six
individus précités sont admis à voter, et le réclamant proteste contre leur
admission, en exigeant que le procès-verbal en fasse foi.
Intervient l’arrêt de la cour de cassation, qui
déclare illégale l’inscription contestée, ordonne la radiation des six noms de
la liste supplémentaire précitée, et renvoie l’affaire devant le conseil
communal de Namur pour être statué ce qu’il appartiendrait.
Ce conseil déclare également cette inscription
illégale.
Appuyé de l’autorité de ces décisions dont des
copies sont jointes à la requête, le réclamant s’adresse de nouveau à la
députation permanente du conseil provincial du Hainaut, aux fins d’obtenir
l’annulation des élections comme viciées dans leur base.
Ici les choses se compliquent ; car le
gouvernement, sans s’inquiéter de tout ce débat, avait déjà fait choix, parmi
les élus, des nouveaux bourgmestre et échevins.
Le réclamant ne se décourage pas encore, et envoie
immédiatement à M. le ministre de l’intérieur de même qu’au gouverneur de la
province, copie de sa requête aux états du Hainaut, avec prière de faire
surseoir à l’installation du conseil, et à la prestation du serment des
nouveaux titulaires, jusqu’à ce qu’une décision sur la question soulevée leur
égard soit intervenue.
Cette série de protestations et de réclamations,
dans lesquelles l’insistance du plaignant à faite reconnaître ses droits, est
aussi remarquable que son peu de réussite, aboutit enfin à un arrêté de M. le
ministre de l’intérieur qui maintient les élections prétendues viciées, et dont
voici la teneur :
Votre commission considérant que la cour de
cassation à déclaré illégale l’inscription des six individus coutre lesquels il
a été réclamé ; que les réclamations contre les irrégularités qui ont été la conséquence
de cette admission, ont, à en juger par les pièces du dossier, été faites dans
les formes et dans les délais que prescrit la loi ; que d’après la répartition
des suffrages, telle qu’elle apparaît au procès-verbal de l’élection dont copie
est également jointe à la requête, cette admission a pu exercer une influence
sur le résultat de l’élection et spécialement sur la désignation des candidats
mis en présence au second tour de scrutin, votre commission, dis-je, a conclu
au renvoi à M. le ministre de l’intérieur, avec demande de promptes
explications.
- Les conclusions de la commission sont adoptées
par la chambre.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN NATURALISATION
Sur la demande en naturalisation ordinaire formée
par M. Gerson, commissionnaire à Anvers, le scrutin secret donne pour résultat
:
Nombre des votants, 60.
Boules blanches, 50.
Boules noires, 10.
La demande est prise en considération ; il en sera
donné avis au Sénat.
_________________
2° Sur la demande en naturalisation formée par M. Biergaus, le scrutin secret donne pour résultat :
Nombre des votants, 71.
Boules blanches, 55.
Boules noires, 16.
La demande est prise en considération ; il en sera
donné avis au sénat.
ADAPTATION DU REGLEMENT DE
M. Liedts, rapporteur de la commission
qui a été chargée d’examiner la proposition de M. de Brouckere, relative au
mode de voter sur la prise en considération des demandes en naturalisation
ordinaire, fait, au nom de cette commission, le rapport suivant. - Messieurs,
la commission à laquelle vous avez renvoyé la proposition qui vous a été faite
par l’honorable M. de Brouckere, au commencement de cette séance, m’a chargé de
vous présenter son rapport à cet égard. Je commencerai par vous donner une
nouvelle lecture de la proposition. (Ici
M. le rapporteur lit cette proposition).
Vous voyez d’abord, messieurs, que la proposition
ne se rapporte qu’aux naturalisations ordinaires, et que le règlement actuel
continuerait à subsister pour les demandes en grande naturalisation. Votre
commission n’a trouvé aucune difficulté à admettre la proposition : si la
chambre a exigé le vote secret pour la prise en considération, ç’a été pour
ménager à chacun la pleine liberté du vote ; or, la proposition de l’honorable
M. de Brouckere conserve le vote secret et remplit par conséquent ce but.
Aussi la seule objection qui ait été faite contre
cette proposition consiste à dire que si la chambre avait à s’occuper de 25
demandes en naturalisation par jour, ce serait trop et qu’il faudrait limiter
le nombre des demandes que pourront contenir les listes à 12 ou à 15 ; on a dit
que d’un côté une naturalisation même ordinaire doit être entourée de quelque
solennité, et que par conséquent, si la chambre portait le nombre dont il
s’agit au-delà de 12 ou 15, il serait difficile de se procurer du jour au
lendemain les renseignements nécessaires pour pouvoir voter en connaissance de
cause. On a répondu à cela que du moment que les listes seront imprimées, il
sera même plus facile qu’aujourd’hui de se procurer les renseignements
nécessaires sur le compte des pétitionnaires, et que d’un autre côté il
s’écoulera toujours au moins un jour franc entre la distribution de la liste et
le vote.
D’après ces motifs,
messieurs, la commission a cru devoir vous proposer l’adoption de la
proposition de M. de Brouckere telle qu’elle vous a été présentée ; elle fait
toutefois observer que lorsque les demandes excéderont le nombre d’une
douzaine, il sera toujours utile de laisser s’écouler au moins un jour franc
entre la distribution de la liste et le vote, afin que chacun puisse se former
une opinion.
M. le président. - Quand la chambre
est-elle d’avis de discuter cette proposition ?
De
toutes parts. - De suite ! de suite !
- La discussion est ouverte.
M. Dumortier. - Messieurs, la
proposition qui vous a été faite par l’honorable M. de Brouckere et à laquelle
la plupart d’entre nous ont adhéré, est une excellente proposition : il faut
convenir que le règlement actuel, en ce qui concerne les naturalisations,
renferme un grand vice, puisqu’il prescrit le même mode de procéder pour les
demandes en naturalisation ordinaire et pour les demandes en grande
naturalisation, ce qui peut souvent faire oublier l’extrême importance d’une
grande naturalisation : d’un autre côté il résulte du mode de procéder actuel
une grande lenteur et une perte de temps considérable pour la chambre. Je
remercie donc notre honorable collègue de nous avoir présenté la proposition
dont il s’agit et qui tend à introduire une véritable amélioration.
Toutefois, je désirerais qu’on insérât dans la
proposition conçue dans le sens de la dernière observation de l’honorable
rapporteur de la commission ; qu’on stipulât qu’il devra toujours s’écouler au
moins un jour franc entre la distribution de la liste et le vote sur la prise
en considération : il faut nécessairement que chacun de nous ait le temps de
s’éclairer, et s’il arrivait que nous dussions voter sur une liste de 25 demandes
en naturalisation qui nous eût été distribuée la veille, nous n’aurions pas eu
le temps de prendre des renseignements et de nous former une opinion sur le
compte de chacun des pétitionnaires.
Je désirerais aussi, pour mon compte, que le nombre
des demandes contenues dans une liste ne pût dépasser vingt ; j’entends même un
honorable voisin me dire qu’il faudrait limiter ce nombre à 15 ; si l’on en
fait la proposition, je l’appuierai : dans tous les cas, le nombre de 25 est
beaucoup trop élevé.
M. Gendebien. - Pour faciliter le
travail de chacun de nous, je voudrais que la liste portât, outre les noms et
prénoms domicile et qualités du pétitionnaire, le numéro du rapport qui est
relatif à sa demande.
M. de Brouckere.
- Il doit être entendu que cela ne dérogerait pas à la disposition existante
aujourd’hui, et d’après laquelle le bureau fait imprimer les listes selon
l’ordre établi par la commission des naturalisations.
M. le président.
- L’adoption de la proposition de M. Gendebien n’empêcherait pas la commission
des naturalisations de déterminer l’ordre dans lequel il sera proposé à
l’assemblée de voter sur la prise en considération des différentes demandes qui
lui sont faites, et le bureau continuera toujours à faire imprimer les listes
d’après cet ordre fixé par la commission.
Voici, messieurs, les amendements qui ont été
présentés :
Amendement de M. Dumortier : « Il s’écoulera
au moins un jour franc entre la distribution de la liste et le jour du
scrutin. »
Autre amendement de M. Dumortier : « Les
listes ne pourront contenir plus de vingt noms. »
Troisième amendement du même membre : « La
liste sera affichée dans la salle des conférences. »
M. Gendebien demande que les listes portent le même
numéro du rapport sur chaque demande.
- Ces amendements sont successivement appuyés.
M. Jullien. -
J’appuie l’amendement de M. Dumortier qui a rapport au délai qu’il devrait y avoir
entre la distribution de la liste et le scrutin, ainsi que celui qui porte que
la liste sera affiché dans la salle des conférences ; quant au nombre des
demandes qui pourront être contenues dans une liste, du moment qu’on est
d’accord sur le principe de voter par scrutin de liste, je ne vois pas plus
d’inconvénients à voter à la fois sur 25 demandes que sur 20 ; je voterai donc
en faveur de la proposition : ce sera un moyen d’achever plus vite un travail
qui devient fastidieux pour la chambre, qui lui fait perdre beaucoup de temps,
et dont la lenteur excite de vives réclamations de la part de ceux qui sont
depuis plusieurs années en instance pour obtenir la naturalisation.
Ainsi, messieurs, j’accepte deux des amendements de
M. Dumortier, et c’est déjà fort honnête ; pour le reste, je voterai en faveur
de la proposition de M. de Brouckere, appuyée par la commission.
M. Verdussen.
- Je pense, messieurs, que la naturalisation même ordinaire n’est pas un objet
de peu d’importance, et que par conséquent il ne conviendrait pas d’appeler
l’attention de la chambre sur un trop grand nombre de demandes, parce qu’alors
l’apathie s’en mêle à tel point qu’on n’écoute plus même la lecture des
rapports ; car il est peu de personnes dont l’attention soit assez soutenue
pour écouter la lecture de 25 rapports sur des demandes en naturalisation.
Je pense donc qu’il faudrait même réduire le nombre
proposé par M. Dumortier et l’abaisser à 15 ; en supposant qu’il y ait encore
aujourd’hui 150 demandes, ce serait une affaire de 10 jours.
J’ajouterai, messieurs, que rien n’empêcherait le
bureau de faire distribuer plusieurs listes à la fois, afin que nous ayons
mieux encore le temps d’examiner les demandes sur lesquelles nous aurons à
voter.
- L’amendement de M.
Verdussen qui tend à limiter à 15 le nombre des demandes qui pourront être
contenues dans une liste, est appuyé.
M. de Brouckere.
- Je n’ai, messieurs, qu’une seule observation à faire c’est, que le nombre de
25 n’est qu’un maximum et qu’il appartiendrait toujours au bureau de porter
moins de noms sur les listes.
M. Verdussen. - Je craindrais de
laisser une semblable responsabilité au bureau ; car s’il réduisait le nombre
des demandes sur lesquelles la chambre serait appelée à voter dans chaque
séance, les personnes qui éprouveraient par là du retard pourraient le taxer de
partialité.
M. Dumortier. - Comme je l’avais
déclaré d’avance, j’appuierai la proposition de l’honorable M. Verdussen de
limiter à 15 le nombre des demandes qui pourront être contenues dans une liste
; comme l’honorable membre le dit fort bien, s’il y a 150 demandes, il suffira
de 10 jours pour prendre une décision à leur égard. Quant à la proposition de
distribuer simultanément plusieurs listes, je m’y opposerai, car comment
voulez-vous qu’en ayant plusieurs listes sous les yeux, on ne confonde pas
l’une avec l’autre ? Il faut nécessairement finir une liste avant de s’occuper
d’une seconde.
- Le premier amendement de M. Dumortier est mis aux
voix et adopté.
Le sous-amendement de M. Verdussen au deuxième
amendement de M. Dumortier est mis aux voix et n’est pas adopté. Le deuxième
amendement de M. Dumortier est ensuite mis aux voix et n’est également pas
adopté.
Le troisième amendement présenté par le même membre
est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de la proposition ainsi amendée est mis
aux voix et adopté. Elle fera, en conséquence, partie du règlement concernant
le mode de la prise en considération des demandes en naturalisation.
La chambre décide quelle s’occupera vendredi
prochain de naturalisations.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. le ministre des finances (M. d'Huart)
monte à la tribune et donne lecture d’un projet de loi concernant la pêche
nationale.
Il est donné acte à M. le ministre de la
présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que
l’exposé des motifs qui l’accompagne.
M. le président. - Désire-t-on le
renvoi du projet de loi en sections ou à une commission ?
M. Donny. - Messieurs, je demande que
le projet de loi que M. le ministre des finances vient de déposer sur le bureau
soit renvoyé à la commission qui a été chargée de l’examen des propositions que
j’ai eu l’honneur de faire à la chambre dans la séance du 17 mars dernier.
Je demande en même temps que la commission soit
complétée. Un des membres de la commission M. de Foere, est tombé malade le
lendemain de sa nomination, et comme l’objet de mes propositions, ainsi que
celui du projet qui vient de vous être soumis, est des plus urgents, je pense
qu’il y a lieu de remédier à l’absence de M. de Foere.
Cela est d’autant plus nécessaire que les autres
membres de la commission font partie de sections centrales ou d’autres
commissions qui travaillent presque journellement ; c’est à tel point que la
plupart d’entre eux étant absorbés par la discussion du tarif qui occupe la
chambre depuis 7 à huit jours, la commission n’a pu se réunir et s’est trouvée
jusqu’ici dans l’impossibilité de commencer ses travaux.
Je demande donc qu’il plaise à la chambre de décidé
que M. de Foere sera remplacé par un autre membre à la nomination du bureau.
- La première proposition de M. Donny est mise aux
voix et adoptée. En conséquence le projet de loi proposé par M. le ministre des
finances est renvoyé à la commission qui est chargée de l’examen des deux
propositions de M. Donny, concernant la pêche nationale.
M. le président. - Il reste à statuer
sur la deuxième demande de M. Donny, tendant à faire remplacer M. de Foere en
sa qualité de membre de la commission dont il s’agit.
Ne pourrait-on pas conserver M. de Foere, et adjoindre
deux nouveaux membres à la commission. (Adhésion.)
M. Donny. - La proposition de M. le
président remplissant encore mieux le but que j’avais en vue, je déclare m’y
rallier.
- La chambre prend une décision dans ce sens. En
conséquence M. de Foere reste membre de la commission à laquelle deux nouveaux
membres seront adjoints.
PROJET DE LOI PORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, ainsi conçu :
« Bas et mitaines d’Islande, d’Ecosse, de Kloppenburg et de Danemarck ; 3
p. c. »
M. Dubus (aîné). - Je demanderai
d’abord si la discussion est encore ouverte sur cet amendement ? Si la
discussion est encore ouverte, j’aurai des observations de fait à présenter.
Toutefois, si la discussion est close, par respect pour le règlement, je
m’abstiendrai de prendre la parole.
M. Desmet. - Messieurs, il me semble
que dans la séance de samedi la chambre n’a voté que les dispositions
concernant la bonneterie. Rien ne me paraît s’opposer dès hors à ce que la
discussion s’ouvre sur l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Verdussen.
- Messieurs, il faut être ici de bonne foi ; il n’y a pas eu une discussion
réelle sur l’amendement de M. le ministre de l'intérieur. Dans la séance de
samedi, nous étions tellement préoccupés de graves questions, que nous avons
perdu de vue l’amendement du ministre. Il me semble dès lors qu’il y a lieu de
le mettre en discussion.
M. le président. - M. Verdussen est
d’avis que l’amendement de M. le ministre de l'intérieur n’a pas été compris
dans la clôture.
M. Dumortier.
- J’avais regardé l’amendement de M. de Theux comme implicitement rejeté par le
vote de la chambre. (Non ! non !)
M. le président. - Il a été entendu que
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur était indépendant des
propositions de la section centrale.
La parole est à M. Dubus.
M. Dubus. - L’amendement qu’a déposé le
ministre de l’intérieur mérite grandement l’attention de ha chambre, et sous le
rapport du fait même qui a été présenté comme motif principal par l’auteur de
l’amendement, et sous le rapport de l’usage qui a été fait dans ces derniers
temps de l’exception qu’on propose de maintenir.
Quant au fait le ministre a annoncé que la
disposition qu’il présentait ne pouvait pas alarmer l’industrie belge, parce
qu’en Belgique on ne fabrique pas de produits similaires de ceux qui font
l’objet de cette exception. D’après les renseignements qui me sont arrivé
aujourd’hui, on fabrique des produis similaires dans le pays ; notamment cette
bonneterie grossière connue dans le commerce sous le nom de bas et mitaines
d’Islande, d’Ecosse, de Kloppenburg et de Danemarck, a son analogue dans une bonneterie toute
semblable que l’on fabrique dans plusieurs communes de l’arrondissement de
Tournay et dans des communes de la province de Liège et de la province de
Limbourg.
Dans l’arrondissement de Tournay il y a les
communes de St-Sauveur, canton de Frasnes, où on
s’occupe presque exclusivement de ce genre de bonneterie ; plusieurs communes
du canton de Peruwelz, où cet article se fabrique en grande quantité. On le
fabrique aussi à Arendonck, dans la province d’Anvers
; à Visé, dans la province de Liége ; dans
D’un autre côté, d’après les chiffres que j’ai
maintenant sous le yeux, il paraîtrait que cette exception a donné lieu à une
fraude considérable, et que la masse de la bonneterie qui nous arrivait
auparavant d’Angleterre et d’Allemagne, comme bonneterie ordinaire, entre
maintenant comme bonneterie exceptionnelle avec un droit de 3 p. c. au lieu de
10.
En effet, si vous considérez que cette bonneterie a
été présentée comme se réduisant à certains articles tellement grossiers,
qu’ils ne sont qu’à l’usage des marins, l’importation dès lors ne devrait pas
en être considérable ; et en effet, nous voyons que l’importation totale est
nulle en 1831 ; en 1832 elle est encore presque nulle, elle n’est que de 2,965
fr. ; en 1833 elle est de 22,669 fr. Jusque-là, cette importation n’était pas
de nature à alarmer notre industrie ; mais tout à coup, en 1834, voilà qu’elle
s’élève à 523,253 fr. Ainsi, nous voyons l’importation de cet article passer
brusquement de 22 à un demi-million. Voilà de ces changements qui ne peuvent
s’expliquer que par une supposition de fraude, par la supposition que la
bonneterie ordinaire est entrée sous le nom de bonneterie exceptionnelle. Cette
supposition, on sera plus encore en droit de la faire si l’importation de la
bonneterie ordinaire a diminué dans la proportion que l’autre a augmenté.
Or, nous voyons qu’en 1832 on a importé pour
492,000 de bonneterie ordinaire ; en 1833, on en a importé pour 580 mille
francs. En 1834, elle n’est plus que de 189 mille francs. C’est précisément
alors que l’importation de la bonneterie exceptionnelle augmente dans la
proportion de 500 mille fr., que l’autre diminue de 400 mille fr. D’autres
comparaisons de chiffres viennent confirmer cette supposition qui acquiert
ainsi le degré de certitude morale ; je les trouve dans l’examen des quantités
qui sont arrivées de l’une et de l’autre espèce de marchandise, dans ces
années-là, de certains pays.
Prenons d’abord l’Angleterre. En 1831, 1832 et
1833, l’Angleterre ne nous fournit pas pour un sou de cette bonneterie
exceptionnelle. Toutes ses importations sont en bonneterie ordinaire. En 1831
nous en importe pour 50,224 fr. ; en 1832, pour 237,483 francs ; en 1833 pour
277,496. Tout à coup, en 1834, la chance est tout à fait renversée ;
l’Angleterre ne nous envoie plus de bonneterie ordinaire ; toute son
importation est exclusivement en bonneterie d’Ecosse et d’Islande.
Elle s’élève à 212,532 francs. Comment pourrait-on
expliquer un pareil changement autrement que par la fraude ? Pendant trois
années, il nous arrive des importations d’Angleterre pour une somme, terme
moyen, de plus de 200 mille francs en bonneterie ordinaire exclusivement,
payant le droit de 10 p. c. ; et tout à coup ces
importations se font exclusivement en bonneterie exceptionnelle, en bonneterie
prétendument d’Ecosse et d’Islande, au droit de 3 p. c.
Comme il y a un ordre régulier dans le commerce, on
doit conclure que les mêmes importations ont continué et que la différence a
été dans la perception du droit ; que ce qui a été importé antérieurement à
1834 l’a été comme bonneterie ordinaire et a payé 10 p. c. de droit, tandis que
les importations de même nature, faites en 1834 et années suivantes, ont été
déclarées bonneterie d’Ecosse ou d’Islande et n’ont payé par ce moyen que 3 p.
c., au grand préjudice de l’industrie indigène.
Pendant trois années les importations d’Allemagne
ont été exclusivement en bonneterie, qui payait 10 p. c. de droit. Il en entra
pour 82,779 fr. en 1831, pour 171,507 fr. en 1832, pour 276,550 fr. en 1833. La
progression, comme l’on voit, est jusque-là ascendante ; tout à coup, en 1834,
il n’en entre plus que pour 148 mille fr. La diminution est de près de 150
mille fr. Elle est compensée par l’importation de prétendues bonneteries
d’Ecosse, d’Islande ou de Kloppenburg, pour une somme
de 308 mille fr. Voilà la première fois que cette sorte de bonneterie s’importe
par la frontière de terre, par celle d’Allemagne, alors que l’importation en
bonneterie ordinaire a diminué par cette même frontière de près de 150 mille
fr.
Voilà des faits qu’il
faudrait pouvoir expliquer autrement que par la supposition de fraude qui, pour
moi devient une véritable conviction. Si le gouvernement ne les explique pas,
il faudra convenir que cette exception qu’il propose de maintenir est une porte
ouverte à la fraude, et que, si vous l’admettez, toute l’industrie étrangère
prendra le nom de l’industrie en faveur de laquelle l’exception est proposée,
et viendra inonder nos marchés à 3 p. c. de droit d’entrée.
Je crois que si vous considérez d’une part l’abus
qu’on a fait de cette exception, d’autre part que les articles dont il s’agit
sont aussi fabriqués par l’industrie indigène, par conséquent que le motif mis
en avis pour la proposer est le résultat de l’erreur, je pense que vous
rejetterez l’amendement. Quant à moi, je voterai contre.
M. Smits. - Messieurs, je dois encore
répéter qu’on semble perdre de vue le but du projet de loi qui nous occupe ; ce
but c’est de faire cesser les mesures exceptionnelles qui frappent
On a objecté que cette exception avait été établie
parce qu’il n’existait pas d’industrie similaire dans le pays. Cela prouverait
que, même sous l’empire de cette exception, elle a pu se créer et prospérer, et
par conséquent que le droit de 3 p. c. était une protection suffisante.
Au reste, on vous l’a déjà
dit : considérez l’importation totale en objets de bonneterie : elle s’élève
686 mille fr. pour tout le pays. Quelle est, à côté de cela, la consommation ?
En ne la portant pas à 20 fr. par individu, mais à 5 fr., nous aurons encore 20
millions. Or, sur une consommation de 20 millions, qu’est-ce qu’une importation
de 686 mille francs, alors que nous exportons pour 348 mille francs ? Rien ;
cela est véritablement insignifiant et ne vaut pas la peine de prendre contre
des nations amies des dispositions qu’elles pourraient considérer commue
hostiles.
Je le répète, il n’y a aucun motif pour supprimer
l’exception qui existe et qui a toujours existé.
M. Dumortier. - Messieurs, je suis
étonné que l’honorable député d’Anvers, qui est en même temps directeur…. (Interruption.)
M. le président. - Il n’y a ici que des
représentants !
M. Dumortier. - De même que j’ai
l’honneur d’être représentant et colonel de la garde civique, de même
l’honorable M. Smits est député d’Anvers et directeur du commerce.
Je dis donc que je suis étonne que l’honorable
député, qui est en même temps directeur de la division du commerce, vienne
prétendre qu’il faille supprimer les droits différentiels envers
M. Smits. - Mais le droit de 3 p. c.
est très ancien.
M. Dumortier. - Mais le droit sur les
bonneteries françaises est ancien aussi.
L’honorable préopinant a pris soin de se combattre
lui-même. Il a dit que sous le droit de 3 p. c. l’industrie actuellement
existante en Belgique s’était créée : je m’étonne qu’une personne qui doit connaître
l’état de l’industrie du pays, qui doit s’informer des objets de cette
industrie, ne connaisse pas mieux l’état de l’industrie dont il s’agit.
La bonneterie en laine de
Je pense qu’avant de toucher à des questions aussi
délicates, il faut commencer par savoir si, avant le droit de 3 p. c., la
fabrication de la grosse bonneterie de laine existait chez nous.
Il y a ici une considération qui domine toute cette
discussion, c’est l’impossibilité de distinguer, dans la tarification, la
bonneterie d’Ecosse, de Danemarck, d’Islande, de la bonneterie
d Allemagne ou d’ailleurs.
Comment un douanier, avec les meilleures intentions
du monde, pourrait-il prouver aux négociants qui voudront frauder, que les
marchandises présentées sont de telle ou de telle provenance ?
La preuve que le droit de 3 p. c. a été l’occasion
de fraudes, c’est qu’il n’est pas entré de bonneterie d’Ecosse, de Danemarck, en Belgique, pendant l’exercice 1831 ;
cependant, si
En 1832, il en est entré pour 2,963 francs ; en 1833,
il en est entré pour 22,000 francs, et en 1834, pour le chiffre considérable de
523,000 francs. Que résulte-t-il en effet de ceci ? Que le libellé de la loi
prête à la fraude. On peut déclarer toutes les bonneteries comme étant d’Ecosse
; et comme le douanier ne peut distinguer la provenance des produits, le droit
sera éludé. Si le ministre veut donner un moyen de distinguer la provenance des
marchandises, son amendement sera alors susceptible de discussion ; mais comme
on ne peut distinguer la provenance des marchandises, on ne peut mettre des
droits différents sur la même marchandise.
Quand on veut établir des droits différentiels, il
faut prendre des mesures pour empêcher la fraude ; et quand on ne peut pas
faire distinguer les marchandises, il faut mettre des droits uniformes.
D’après le chiffre de
l’introduction en 1834, cette grosse bonneterie devrait se trouver en grande
quantité dans nos magasins ; eh bien, il m’a été impossible d’en trouver dans
ceux de Bruxelles.
Un
membre. - Il s’en trouve à Anvers.
M. Dumortier. - Quel moyen avez-vous de
vous opposer aux introductions frauduleuses ? Tant que vous ne l’indiquerez
pas, nous ne pouvons admettre la proposition du ministre de l’intérieur. Si on
l’admettait, toutes les bonneteries arriveraient en fraude.
M. Desmet. - L’honorable ministre de
l’intérieur a dit dans une séance précédente que la bonneterie qui fait l’objet
de son amendement ne se fabriquait pas dans le pays, et aujourd’hui M. Smits
nous dit qu’elle a prospéré depuis l’établissement du droit de 3 p. c. sur les
bas et mitaines de Kloppenburg.
Messieurs, je vous laisse juges de cette
contradiction entre le ministre et l’honorable député d’Anvers, qui cependant
se trouve à la tête du bureau du commerce qui est établi dans le département de
l’intérieur.
Messieurs, vous connaissez ces bas et gants qu’on
désigne sous le nom de bonneterie d Islande, de Kloppenburg
et de Feroë ; citons ceux qui sont portés par les
marins et qui sont fabriqués d’une très grosse espèce de laine ; ce sont ces
bas de laine foulés et ces gants de laine à un seul doigt.
Ces gros tricots se font aussi bien en Belgique
qu’en Allemagne ; ils se fabriquent notamment à Visé sur
Ils ont été fabriqués chez nous de tout temps, et
quoique, sous le régime hollandais, on les ait laissé introduire avec un petit
droit, il n’est pas moins vrai qu’on les faisait dans plusieurs parties du
royaume, et quoi qu’en dise l’honorable M. Smits, que la fabrication en a
prospéré depuis le droit de 3 p. c., c’est justement le contraire, et il
m’étonne qu’il ne soit pas mieux informé, car, depuis ce petit droit, qui en
réalité était presque l’entrée libre, la fabrication de cette espèce de
bonneterie a beaucoup diminué.
Je m’étonne qu’on ne sache point à notre bureau de
commerce et d’industrie que tout ce qui est bonneterie de laine est dans tous
les autres pays fortement protégé : en France, elle est protégée par la
prohibition ; en Prusse par un droit de 33 thalers le centener,
ce qui revient à 125 fr. les 50 kilog.
Et en Belgique on devrait pour ainsi dire la
laisser entrer librement ; vraiment, messieurs, il y a des choses qui se
passent en ce moment dans notre ministère qui sont inexplicables, car c’est le
ministre de l’intérieur, celui qui a dans ses attributions l’industrie, qui a
déposé cet étrange amendement.
Mais l’honorable M. Smits n’a pas répondu aux
observations de l’honorable M. Dubus ; il ne nous a pas expliqué comment il
arrivé qu’en 1831 il n’y avait aucune provenance de Kloppenburg
; qu’en 1832 il n’y en avait que pour deux à trois mille francs de valeur,
qu’en 1833, que pour une vingtaine de mille francs, et qu’en 1834 il y avait
une provenance qui surpassait un demi-million de francs.
N’est-ce pas clair comme le jour qu’en 1834 on a vu
qu’on pouvait exercer la fraude à l’entrée en Belgique de la bonneterie étrangère,
en faisant la déclaration que c’étaient des objets de bonneterie qui venaient
de Kloppenburg, d’Islande et d’Ecosse ; c’est ainsi
qu’on a tant fraudé le droit de 10 p. c., et que toute
la bonneterie étrangère est entrée en Belgique à raison du minime droit de 3 p.
c.
L’Angleterre et l’Allemagne ont joliment profité de
la facilité de notre douane et ont fait un bon usage pour elles de la
dénomination de Kloppenburg pour faire entrer leurs
produits à 3 p. c. de droit et ainsi gagner 7 p. c. sur le véritable droit
qu’ils auraient dû payer ; de la sorte l’Allemagne en a fait entrer pour une
valeur d’au-delà de 300,000 fr., et l’Angleterre pour plus de 200,000 fr.
Je vous laisse à présent,
messieurs, juger si ce n’est pas un véritable scandale de faciliter autant la
fraude et de laisser faire un si grand tort à notre trésor et tuer en même
temps une branche intéressante de notre industrie, qui est doublement
importante, parce qu’elle occupe particulièrement la classe pauvre et celle qui
réside dans les campagnes ; et après de tels faits et une si dure expérience,
comment peut-on concevoir que le ministre de l’intérieur veuille nous
reproduire une telle mesure exceptionnelle qui anéantirait entièrement la
protection de la bonneterie ?
Mais je ne doute pas que la chambre ne fasse droit
de l’amendement en faveur de Kloppenburg.
M. Smits. - Quand le législateur de
1822, celui qui a fait le tarif en vigueur, à fixé à 3 p. c. les droits
d’entrée sur les produits du Danemarck, de l’Ecosse,
il a eu ses motifs ; il a jugé que ce droit était suffisant pour protéger
l’industrie nationale. On ne fait des tarifs que pour cela. Mais on dit que
depuis la fraude s’est emparée de cet article, et que maintenant on introduit
sous le tarif de 3 p. c. les produits de la fabrication allemande. Dans mon
opinion, le fait signalé par M. Dubus peut s’expliquer autrement et ne tenir
qu’à la progression des importations, résultat de la progression générale du
commerce, que vous remarquerez pour presque tous les articles d’importation et
d’exportation renseignés au tableau qui vous a été communiqué.
Quoi qu’il en soit, si la
fraude qu’on signale existe réellement, il y aurait un moyen facile d’y
remédier : ce serait de ne permettre l’entrée de la bonneterie d’Ecosse et du Danemarck que par la mer, sauf en outre, à l’administration
des douanes, de prendre toutes les mesures de précaution qu’elles pourrait
juger convenables.
Si l’Allemagne devait importer par mer pour
profiter du tarif à 3 p. c., les frais seraient trop considérables,
et elle n’aurait plus d’avantages. Je crois donc que l’amendement du ministre
de l’intérieur pourrait être adopté, en ajoutant que les provenances d’Ecosse,
de Kloppenburg, etc., devront, pour jouir du petit
droit, être importés par mer. De cette manière, on évitera tous les
inconvénients. Je déposerai un amendement dans ce sens.
M. A. Rodenbach.
- Le chiffre qu’a cité l’honorable député de Tournay, m’a indiqué que le droit
de 3 p. c. était un moyen de fraude ; et j’ai été encore porté à le croire
d’après les informations que j’ai prises sur la vente de la grosse bonneterie
en laine. On m’a dit que cette vente était peu considérable. Cependant, il est
évident que la majoration des tarifs donnerait tous les bénéfices aux
contrebandiers, au détriment du fisc et de notre industrie. La question que
nous discutons est donc épineuse, et nous ne saurions nous entourer de trop de
lumières.
Dans la pétition qu’on a citée ce matin, il peut y
avoir des renseignements utiles ; il faudrait qu’on l’imprimât dans le Moniteur pour que nous pussions la tire
tous. C’est ce que je demande formellement.
M. Coghen -
Je demande la parole pour m’opposer à l’amendement présenté par le ministre de
l’intérieur. La possibilité de frauder en employant de fausses dénominations
doit obliger le législateur à changer de tarification. Les chiffres
d’importation cités par l’honorable député de Tournay sont une preuve frappante
de l’abus qu’on fait du droit de 3 p. c. Je crois qu’il est dans l’intérêt du
pays d’élever ce droit ; nous avons dans le pays beaucoup de laines communes,
et beaucoup de bras inactifs dans les prisons, dans les hospices, que l’on
pourrait employer pour faire les gros ouvrages en laine. (Marques d’approbation.)
Remarquez que la proportion de 3 à 15 n’est pas
celle de 3 à 10 qu’on proposait, et qu’il y a ici nécessairement un changement
à faire.
M. Dubus (aîné). - Je voudrais répondre
à une observation présentée par l’honorable député d’Anvers. Il croit pouvoir
expliquer les différences entre les chiffres d’importation que j’ai signalées,
par le mouvement ascendant du commerce qui a amené une augmentation générale
dans le chiffre de toutes les importations : mais ce mouvement ascendant
n’explique rien dans le cas actuel ; car j’ai fait voir que l’exportation de
bonneterie ordinaire avait diminué dans la même progression que l’importation
avait augmenté ; cependant le mouvement du commerce aurait dû agir sur
l’exportation comme sur importation.
Or, l’importation pour la bonneterie ordinaire
était en 1833 de 580,000 fr. ; et elle est descendue, en 1834, à une somme
inférieure à 200,000 fr. Il y a là environ 400,000 fr. de différence qui se trouvent
compensés par une augmentation de 500,000 fr. sur la bonneterie exceptionnelle.
L’explication que vient de donner l’honorable
député ne signifie rien, en présence du fait relatif à l’importation
d’Angleterre. Je ferai remarquer que cette importation se faisant par mer,
l’addition proposée à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur n’empêchera
pas la fraude. La fraude continuera par mer.
L’importation d’Angleterre,
en bonneterie, s’est faite exclusivement par mer et ainsi qu’il suit :
En 1832, 237,000 fr.
En 1833, 277,000 fr.
En 1834, alors elle cesse tout à fait, mais elle
est remplacée par les bonneteries d’Islande et de Kloppenburg,
pour 212,000 fr. ; et pendant les 3 années qui ont précédé 1834, l’Angleterre
n’avait rien importé en bonneteries d’Ecosse et d’Islande. Ce fait demeure
incontesté. Il est donc évident que la chambre ne peut adopter l’amendement
proposé.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si les
suppositions de l’honorable M. Dubus sont fondées, si, depuis trois ans, il y a
une tendance à substituer les bas et bonneteries ordinaires aux bas et
bonneteries d’Ecosse et d’Islande, alors il est évident que, malgré
l’introduction des bonneteries à 3 p. c., malgré une
concurrence si facile à faire à notre industrie, celle-ci a eu peu à en
souffrir ; il y a donc eu erreur lorsqu’on a élevé le droit à 15 p. c. Je
prends acte de cette circonstance.
A cette occasion,
j’appuierai la proposition de l’honorable M. A. Rodenbach de faire imprimer la
pétition dont il a parlé, parce qu’elle contient probablement des faits qui
pourraient éclairer les membres de la chambre pour le second vote.
En ce qui concerne la proposition spéciale, je
ferai remarquer qu’en tenant pour exacts les chiffres de l’honorable M. Dubus,
au moins doit-il admettre qu’antérieurement on a distingué les bonneteries
d’Ecosse, d’Islande et de Danemarck, et que s’il y a
eu confusion, ce n’est que depuis peu de temps.
Dans ce cas, l’administration des douanes pourrait
prendre des mesures pour assurer davantage la distinction et la perception
effective des droits, de manière à empêcher l’application de l’exception à la
bonneterie ordinaire. Ce qui serait contraire à notre pensée.
M. Dumortier.
- Il est manifeste que le libellé proposé ne serait qu’un moyen de fraude. Or,
un moyen de fraude doit être repoussé par la législature.
Le ministre de l’intérieur vous a dit que le
ministre des finances prendra des mesures. Autant qu’il n’y a pas possibilité
de distinguer entre les différentes espèces de bonneteries, on devra s’en
rapporter à la déclaration.
Un honorable membre vient de me faire remarquer que
si la chambre n’adopte pas l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, cet
amendement restera néanmoins en vigueur. C’est pour cela que je propose de dire
: « Bas et bonneteries de toute provenance. »
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - J’ai entendu faire la proposition d’imprimer au Moniteur une pétition relative à la
discussion actuelle ; je ne sais si cette impression a été décidée, et dans le
doute j’en demanderai la lecture. Toutefois, je préférerais l’impression, parce
qu’au deuxième vote la question reviendra devant la chambre et que d’ici là ou
pourra examiner les chiffres concluants que cette pièce renferme.
M. Dumortier. - Je ne suis pas opposé à
l’impression. Je ferai seulement remarquer à MM. les ministres, qui paraissent
y tenir autant, que l’auteur de la pétition n’est pas un Belge. C’est un
étranger domicilié à Bruxelles, qui cherche à faire sacrifier l’industrie
belge, au profit de sa propre industrie.
- La chambre décide l’impression au Moniteur de la pétition de M. Benda,
négociant à Bruxelles.
Le sous-amendement de M. Smits tendant à ajouter à
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur les mots : « importés par
mer, » est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement de M. le ministre de l’intérieur et
des affaires étrangères est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le président.
- La chambre a maintenant à statuer sur la proposition de M. Dumortier tendant
à ajouter aux mots du tarif « bas et bonneteries » ceux « de
toute provenance. » Je ferai remarquer que le libellé de l’article a été
adopté dans la séance de samedi.
M. Dumortier. - Comme ceci est une
affaire de rédaction, je retire ma proposition ; je la reproduirai au second
vote ; il suffit seulement que la proposition de M. le ministre n’ait pas été
adoptée.
M. de Roo. - L’observation que j’ai à
faire valoir, messieurs, se rapporte au tableau en général, et non à un article
spécial. Je demanderai à M. le ministre des finances à quel tarif il fait
allusion lorsque, dans la première colonne de son tableau joint au projet de
loi en discussion, il cite les numéros d’ordre du tarif, 163, bas et
bonneteries, 3, bois, etc.
J’ai compulsé la loi sur les douanes, et vainement
j’ai cherché à pouvoir rapprocher lés articles qu’elle contient, avec les
chiffres indiqués dans la susdite colonne. Cependant, je crois en tenir la
solution dans un ouvrage que j’ai sous les mains, où il se trouve les mêmes
articles avec les mêmes chiffres, qui se rapportent ici à un tarif appelé Veldman. Vous voyez, messieurs, qu’il y a de tout dans ce
projet. Maintenant, si vous voulez connaître ce que c’est que ce tarif Veldman, la note suivante, couchée dans un tarif imprimé à
Bruxelles, vous l’expliquera ; elle est ainsi conçue :
« Le tarif Veldman
est l’ouvrage du commis-archiviste de ce nom : au 1er juin 1828, par une
résolution du conseiller d’Etat alors chargé de l’administration des droits
d’entrée, de sortie et des accises, il a été établi que ce tarif servirait de
règle aux employés en ce qui concerne la perception des droits, à l’exclusion
de tous autres ouvrages particuliers.... M. Veldman a
donc fait imprimer son travail à son profit, et il y en avait encore, à
l’époque de la révolution, plus de cent exemplaires à la vente dans les bureaux
de l’entrepôt de Bruxelles.
« Ceux qui sont aujourd’hui à l’administration
des douanes belges étaient collaborateurs de M. Veldman,
et ils ont fait faire, à leur profit ou à celui de leur imprimeur, une
contrefaçon de la propriété littéraire de leur ancien camarade... Une
contrefaçon du tarif Veldman pour servir de
régulateur aux employés belges !... Mais cela n’a pas de nom. »
Or, messieurs,
vous voyez que ces chiffres ne sont point les numéros d’ordre de la loi,
mais se rapportent à un ouvrage tout à fait hétérogène, à une œuvre qui n’a
aucun caractère d’authenticité ni de légalité, et que certainement vous ne
voudrez pas sanctionner par votre vote : c’est pourquoi je demande la
suppression formelle de tous les chiffres contenus dans cette colonne première.
M. le président. - M. de Roo demande la
suppression des numéros d’ordre du tarif. S’il n’y a pas d’opposition, je
mettrai les articles aux voix sans indication de numéros. (Adhésion.)
- Les deux articles suivants du tarif sont
successivement adoptés sans discussion.
Bois
« Bois de réglisse sans distinction de
provenance et de qualité. Par 100 kil. Droit d’entrée : 60 c.
; droit de sortie : 30 c. »
Boissons distillées
« Liqueurs alcooliques quelconques, non soumis
aux accises, contenant en mélange ou en solution des substances qui en altèrent
le degré. Le litre. Droit d’entrée : 50 c. ; droit de
sortie ; 1 c. »
M. Verdussen. - Messieurs, j’ai eu l’honneur
de présenter avec l’honorable M. Rodenbach un amendement relatif à la chicorée
; comme on a suivi dans le tarif l’ordre alphabétique, il me semble que ce
serait le moment de s’occuper de cette proposition.
M. Desmet. - Si la chambre veut
s’occuper maintenant de la proposition de MM. Verdussen et Rodenbach, je
demanderai la parole ; mais il me semble qu’il conviendrait de ne s’occuper de
cette proposition qu’après avoir voté le projet de loi ; car si tout le monde
va présenter des amendements relatifs à telle et telle industrie je ne sais pas
où cela pourra nous mener.
- La chambre, consultée, décide qu’elle s’occupera
de la proposition de MM. Verdussen et Rodenbach, après le vote du projet en
discussion.
Draps
M. le président. - Nous passons à la
disposition relative aux draps ; voilà la proposition du gouvernement.
« Draps. Draps et casimirs sans distinction de
provenance, savoir :
« De la valeur de 8 fr. et au-dessous, 85 fr.
pour 100 kilog.
« De la valeur de 8 à 16 fr., 150 fr. pour 100
kilog.
« De la valeur de 16 à 25 fr., 215 fr. pour
100 kilog.
« De la valeur de 25 à 33 fr., 255 fr. pour
100 kilog.
« De la valeur de 33 fr. et au-dessus, 520 fr.
pour 100 kilog. »
La note suivante se trouve
annexée au tarif ;
« La valeur des draps et casimirs se rapporte
au mètre de longueur de l’étoffe supposée à la largeur ordinaire de 100 à
La section centrale propose le maintien de l’état
de choses actuel.
M. David. - Messieurs, dans la longue
discussion générale du projet de loi qui nous occupe, tous les articles de
cette loi ont déjà été abordés. Il serait donc difficile, pour ne pas dire
impossible, d’éviter des répétitions. Vous connaissez déjà, messieurs, tous les
arguments qu’apporte la draperie nationale, pour prouver la nécessité du
maintien de la prohibition sur la draperie française. Je viens ici les
reproduire en les accompagnant de mes réflexions particulières à leur sujet.
On vous a fait judicieusement observer qu’en levant
la prohibition sur les draps français, et ne les imposant que du droit commun à
l’Allemagne et à l’Angleterre, votre loi placerait sur notre propre marché les
fabricants français dans une position plus favorable que les fabricants belges
eux-mêmes. Cette assertion, messieurs, est évidente, incontestable. Ce résultat
serait dû à la circonstance de la prime d’exportation en France, qui est de 10
p. c. et que, par de fausses déclarations de valeur, on parvient à porter à 12 et
15 p. c.
Cette prime dans laquelle un des honorables
préopinants ne voit de juste remboursement des droits payés sur la laine
étrangère en France, et que moi je considère comme tout à fait dangereuse pour
nos fabriques, est le point le plus intéressant à éclaircir, et aussi qui
domine toute la discussion à l’article des draps et casimirs. C’est en étudiant
ce point, que l’on finit par être convaincu que sans le maintien de la
prohibition, ou sans des droits élevés, les fabricants français ont sur nous une
avance de 7 à 8 p. c. sur nos propres marchés, si la proposition de M. le
ministre vient à passer. Sans doute, si l’on veut admettre que les fabricants
français emploient de préférence la laine étrangère aux excellentes et
abondantes laines qui sont maintenant produites dans leur pays, et que souvent
nous achetons nous-mêmes, on se dira que cette prime n’est qu’une restitution.
Mais il n’en est pas ainsi, messieurs ; les fabricants français connaissent
trop bien leurs intérêts, pour employer des matières étrangères sans une
impérieuse nécessité, et à coup sûr tous les draps moyens qu’ils nous
enverront, si nous levons la prohibition, seront fabriqués avec leurs laines
indigènes. Les fabricants français n’ont recours aux laines étrangères que pour
leurs draps superfins. Alors incontestablement ils sont plus ou moins
tributaires du nord : je dis plus ou moins, car on trouve en France des laines
admirables, témoin celles de Rambouillet,
Il est donc évident, messieurs, qu’aussi longtemps
que dure la législation française actuelle sur les primes, il est du plus haut
intérêt pour nos fabriques que la prohibition soit maintenue.
On croit généralement que la fraude ne coûte que le
sacrifice de 7 à 8 p. c. aux fabricants français. Je ne puis être de cet avis.
Il me semble qu’il est facile de démontrer que quand le fabricant français
fraude, il perd la prime d’exportation.
En faisant la fraude, comment remplir toutes les
formalités exigées à la frontière pour constater l’exportation ? Ce serait
vouloir se faire livrer par les douaniers français, dans les mains des
douaniers belges. Ce n’est donc que dans le cas d’exportation régulière que
l’on est apte à toucher la prime. S’il en était autrement,
On a dit encore : Puisque, par la frontière de
Prusse, on peut entrer au droit commun de notre tarif (et ce droit, toujours
par la combinaison des déclarations, doit être évalué de 5 à 6 p. c. environ) ; puisque par cette frontière, dis-je, on peut
entrer au droit ordinaire, empruntons le territoire prussien, et nous ne
paierons pas plus que les Allemands.
D’abord, je conteste que les fabricants français se
soient jamais servis d’une pareille voie, et je crois pouvoir dire, sans
crainte d’être contredit, qu’en s’y prenant ainsi, ils ne seraient pas plus
avancés qu’en faisant directement la fraude.
Si, au lieu de 7 ou 8 p. c.,
pour la fraude directe en Belgique, ils ne paient que 5 fr., pour frauder par
le détour qu’occasionne la frontière allemande, encore ont-ils dans ce cas un
excédant de frais de transport qui amènerait toujours le même résultat,
c’est-à-dire les 7 à 8 p. c.
Mais il y a mieux ; c’est que selon moi cette
fraude est absolument impossible et n’a jamais été qu’un rêve. En effet,
comment faudrait-il s’y prendre pour l’exécuter ? On répond qu’il faut déclarer
la marchandise en transit par
Il n’y aurait donc possibilité de frauder des draps
français en Belgique par le territoire prussien, qu’en acquittant les droits
prussiens ; mais, à leur tour, ces droits sont très élevés, et rendraient
l’opération doublement impraticable. Ainsi, sans présupposer l’acquittement des
droits prussiens, on ne peut s’expliquer cet allégué, que des fabricants
français, moyennant de faux certificats d’origine obtenus de la complaisance de
fabricants prussiens, seraient parvenus à introduire, à un droit de 5 à 6 pour
cent, leurs draps en Belgique. Ce fait est controuvé et la chose n’est pas
soutenable.
Si je suis forcé d’entrer dans ces détails,
messieurs, c’est pour combattre le raisonnement de ceux qui s’obstinent à dire
que la prohibition ne sert à rien, et que c’est par entêtement que nous
rejetterions les propositions de MM. les ministres.
On vous a cité la crise financière, messieurs : à
cette occasion je dirai qu’on doit être frappé du danger qu’a couru l’industrie
de draperie dans notre pays. Si, moins soucieux de l’avenir, ou abusés sur les
vrais intérêts du pays, nous avions commis la faute de voter, pendant la
session de l’année dernière, la levée de la prohibition des draps de France,
qu’en serait-il arrivé ? La pénurie extrême du numéraire dans l’état actuel du
commerce en France, ayant doublé l’appât de la prime, que l’on rembourse argent
comptant à la sortie, toutes nos villes seraient aujourd’hui inondées de draps
et de casimirs français, on les y vendrait à tous prix ; il faudrait des années
pour réparer le mal affreux et la perturbation qu’une aussi imprudente mesure
aurait amenés dans notre industrie drapière.
Il est réellement fâcheux, messieurs, que dans les
circonstances où nous nous trouvons engagés vis-à-vis de
Que
Et alors, messieurs, si nos frontières étaient
franchement ouvertes aux Français, ils auraient toujours sur nous certains
avantages indépendants de la prime, que nous ne pourrons jamais leur disputer.
On comprend merveilleusement combien l’empire de la
mode a de force et combien ce prestige exercerait d’influence sur nos acheteurs
à notre détriment.
Je pose en fait qu’un dépôt de draps français
établi à Bruxelles y placerait de la marchandise qui, dans nos mains, serait
souvent invendable. Avec la réputation d’apporter la nouveauté, nos concurrents
feront tout passer. La couleur la plus bizarre, une nuance manquée ou douteuse,
que l’art du teinturier ne pourrait reproduire, trouveront des amateurs. Tel
est l’engouement des hommes pour tout ce qui est étranger et surtout pour la
mode.
On nous parle des concessions faites par
Nos fabricants peuvent s’en applaudir de ces
concessions. Elles sont cause que l’on vient aujourd’hui remettre en question
leur existence et celle de tant de malheureux ouvriers. Les fabriques de draps,
déjà si maltraitées par les prohibitions accumulées de toutes parts, seront
offerte en holocauste, pour payer la faveur faite à la houille et à la toile.
Il y a longtemps que je m’aperçois qu’il ne peut en être autrement. Si au moins
il y avait des motifs légitimes de craindre que
En augmentant le droit sur les charbons de terre à
leur entrée en France par terre, ce seront les Français eux-mêmes qui se
puniront. On a beau dire que les droits à l’importation par mer seront diminués
en faveur de l’Angleterre. L’importation par mer ne peut exercer d’influence
sur les parties de
De nos toiles,
Les députés les plus au courant de cet article vous
disent que
Je suis donc loin, pour mon compte, d’imputer à
blâme à un honorable collègue le revirement d’opinion dont on l’a accusé. Je
partage sur le principe de la liberté du commerce les idées qu’il a émises à
cette tribune ; mais il faut en convenir, leur application est quelquefois bien
rigoureuse. Cependant, quel est l’homme consciencieux, chargé de la défense des
intérêts de son pays, qui ne doive le sacrifice de son amour-propre et de son
opinion, quand il reconnaît que ses doctrines deviennent dangereuses ou
inapplicables ? Certes, la draperie belge, elle qu’on repousse de toutes parts,
serait gravement compromise si on lui appliquait les beaux rêves des
idéologues.
Avant de donner la main à la spoliation de nos
fabricants, il me semble que nous devrions au moins nous enquérir des
concessions que l’on pourrait accorder à
Si donc, MM. les ministres, vous êtes liés par un
engagement d’honneur et forcés de faire des concessions à
Je borne là cette digression pour appeler un
instant votre attention sur un article pour l’admission duquel nos voisins nous
traitent encore avec une extrême rigueur, à laquelle nous n’opposons aucune
réciprocité.
Je veux parler de nos cuirs tannés, article de
toute première nécessité et pour la fabrication duquel
Vous semble-t-il qu’il n’y ait pas là une
révoltante injustice ? Pourquoi ne pas admettre à 30 francs, en pleine
réciprocité, le produit des tanneries belges ? Mais, dira-t-on, à l’entrée par
mer, en France, les peaux sèches des îles paient 15 francs aux 100 kil. J’en conviens ; aussi pourrait-on stipuler
l’augmentation relative sur les 30 francs imposés sur le cuir tanné, et à ce
taux, messieurs, les tanneurs français ne risquent rien ; la concurrence sera
toujours facile à tenir chez eux avec un droit protecteur de 40 à 45 aux 100
kil., d’autant plus que le cuir étant une matière très pondéreuse, les frais de
transport seuls, pour le rendre au coeur de
J’ai dit, messieurs, que les Français étaient dans
une position analogue à la nôtre pour la fabrication du cuir ; et, en effet,
ils viennent dans nos ports acheter la matière première en concurrence avec
nous, comme nous pouvons, nous, aller la chercher dans les leurs, au Havre, à
Bordeaux, à Marseille, etc.
Le véhicule de la tannerie, messieurs, c’est
l’écorce du chêne, ou tan.
Aux dernières discussions de la chambre française
sur les douanes, il fut question de fixer le droit du cuir tanné au taux de 50
fr. par
Avant la loi du 5 juillet
1836, les cuirs étaient prohibés en France. Depuis cette loi, ils ne le sont
pas moins, car lever ainsi une prohibition, c’est faire une concession tout à
fait dérisoire. Je le répète, messieurs, il y aurait justice que
Messieurs, je termine en protestant de tout mon
pouvoir contre la levée de la prohibition des draps de casimirs, tout aussi
longtemps que
M. Demonceau. - (Note du webmaster : la présente version numérisée prend en compte
les errata (de nature typographique) insérés dans le Moniteur belge n°125 et 126,
des 5 et 6 mai 1837) Deux systèmes sont en présence, celui du gouvernement
et celui de la section centrale. Je viens combattre le premier et appuyer le second : je ne ferai
pas usage des notes que j’avais préparées, en tant qu’elles se rapportent à la
partie que vient de traiter mon honorable collègue M. David ; il est par sa
position plus à même que moi de traiter pareille matière, mais les arguments
que j’ai entendus de la part des défenseurs du projet du gouvernement, les
motifs plus ou moins spécieux qu’ils ont fait valoir pour l’appuyer exigent de
ma part un examen sérieux de la question ; elle est grave, messieurs, elle
intéresse au plus haut degré le district le plus industrieux en ce genre de
« Vous me dites : Fournissez aux Belges un
débouché, cherchez quelque matière produite par eux que vous puissiez employer
chez vous, et introduisez-la ; eh bien ! nous l’avons
cherché. Je me souviens, lorsque j’avais l’honneur d’être ministre du commerce,
d’avoir discuté avec les Belgique, et je n’ai pas trouvé qu’il fût possible
d’introduire en France des marchandises belges ; ainsi, lorsqu’il s’est agi du
drap, vous avez
Voilà, messieurs, un langage bien clair, un aveu
solennel ; ce n’est point le gouvernement français qui refuse de s’entendre
avec les Belges, ce sont les industriels français qui nous repoussent, et l’on
viendra nous faire croire que, faute par nous de lever la prohibition sur les
draps français, un gouvernement qui tient un pareil langage, invoquera les
concessions qu’il a faites sur d’autres points, alors que lui-même est
convaincu que négocier un arrangement quant aux draps, peut produire à
Les industriels français ne veulent pas se
contenter de droits de 40 à 50 p. c., et les
fabricants belges ne vous en indiquent aucune ; ils se bornent à vous dire :
« Nous ne demandons pas mieux que de voir
lever la prohibition sur les draps français, pourvu qu’il y ait réciprocité de
la part de
Leur langage fut le même en 1833 :
« Il est à désirer que cet état d’hostilité
commerciale cesse entre deux pays qui ne peuvent que gagner l’un et l’autre à
se faire de mutuelles concessions.
« Nous ne pensons pas que cette exclusion
réciproque ait été plus profitable à
« Dans les négociations qui vont s’ouvrir avec
la France, nous commissaires feront sans doute tous leurs efforts pour faire
cesser cet état de choses, nous ne demandons pas mieux que de voir le mot
prohibition rayé de notre tarif et voir admettre chez nous les produits
français aux mêmes droits que ceux des autres nations, pourvu que la France
fasse subir la même réforme à son tarif et remplacé la prohibition absolue par
des droits sagement calculés. »
Et ce sont des industriels qui se montrent aussi
conciliants que l’on accuse d’égoïsme, ce sont ces honorables manufacturiers
dont les réclamations sont à peine lues par quelques-uns de nos collègues et
peut-être par le gouvernement !
Réfléchissons-y bien, messieurs, il s’agit ici de
sacrifier la draperie belge à la draperie française, et cependant quel est
l’homme un peu au courant de cette branche d’industrie qui ignore que, réunies
sous l’empire, elles ont transporté leurs produits dans toutes les parties du
monde ? Partout, alors, vous rencontriez des draps français en concurrence avec
les draps anglais et allemands. Depuis notre séparation de
L’Autriche les prohibe.
Après cette longue série, que reste-il à nos
industriels, comme pays d’exportation ? je ne connais
que
La prohibition est insignifiante ; je pense qu’il
ne me sera pas difficile de prouver le contraire, et, pour le faire, je vais me
servir d’une partie des arguments invoqués à l’appui de la proposition que je
combats. L’intérêt privé de chaque industrie est, dit-on, le mobile puissant
qui fait agir nos industriels en général, et que demandent-ils ? le maintien de la prohibition. Donc, dans l’opinion de nos
adversaires, ils ne peuvent être considérés comme agissant contre leurs
intérêts. Mais si la prohibition est insignifiante, pourquoi les industriels
français en ont-ils repoussé la levée chez eux par des cris aigus, et pourquoi
le gouvernement français tient-il tant à l’obtenir chez nous ? Pourquoi
vous-mêmes voulez-vous l’accorder, alors que 7 à 800 manufacturiers et
commerçants s’y opposent de tout leur pouvoir et ne vous demandent d’autre
protection que le maintien du statu quo. Si vous êtes de bonne foi, et je n’en
doute pas, vous reconnaîtrez au moins que nous qui demandons le maintien de la
prohibition, nous sommes plus conséquents que vous ; car qu’avez-vous à
craindre pour le fer et la houille, si vous refusez à la France une concession
illusoire pour laisser à notre industrie drapière la seule fiche de consolation
qu’elle réclame.
Mais, dit-on, la fraude se fait au moyen d’une
prime de 7 à 8 p. c. Demandez en Belgique du drap français, soit à votre
tailleur, soit à tout détaillant, et bientôt vous l’avez sous la main. Mais
pour introduire le drap français en Belgique, il faut au moins recourir à la
fraude, et certes il existe en France comme en Belgique, des négociants qui,
quoiqu’on semble insinuer que l’intérêt est leur seul mobile, ne voudraient pas
avoir recours à ce moyen ; c’est une grande gêne pour le commerce lorsqu’un
fabricant livre ses draps aux fraudeurs, il ne lui est guère possible de
compter sur leur arrivée à destination ; la douane est quelquefois là pour
l’arrêter. Ce que j’admire le plus, c’est la bonhomie, permettez-moi de
m’exprimer de la sorte, de mes honorables collègues, qui, parce qu’on leur
offre ou qu’ils demandent à leurs tailleurs du drap français, croient avoir
porté du drap d’origine française ; les tailleurs, les détaillants peuvent facilement
les tromper sur l’origine ; ils offrent, j’en conviens, du drap beau et bon,
car les draps belges réunissent assez généralement ces deux qualités ; mais
savez-vous ce qui arrive le plus souvent ? C’est que tel qui veut à tout prix
du drap français, porte le plus souvent des habits du même drap que les miens
qui sont d’origine belge. Il paie un peu plus, j’en conviens, mais il croit
avoir des habits de draps français, le nom lui suffit ; et puisque le nom vous
suffit, venez dans notre district, vous y trouverez du Sedan, du Louviers, de
l’Elbeuf. Comme vous rencontrerez dans tous les magasins de
Je préfère le maintien de la prohibition à des
droits prohibitifs, parce qu’il me paraît déloyal (permettez moi de vous le
dire) de remplacer le mot par la chose.
Nous en revenons maintenant au système de
protection, non par principe, mais par nécessité, et parce qu’on nous y force ;
vous les avez entendus, et cette vérité m’a toujours frappé ; ce n’est pas à un
petit pays tel que le nôtre à vouloir donner l’exemple que se gardent bien de
donner les Etats puissants qui nous entourent ; et que serait-il arrivé si,
cédant aux doctrines de certains membres, vous aviez ouvert vos frontières à
tous les pays du monde ? Que vous n’auriez pas à vous enorgueillir de votre
prospérité et de la création de cette communication importante dont, à bon
droit, l’on vous parle si souvent, comme ferait un père tendre, d’un enfant
chéri ; car vous auriez eu beau décréter sa construction, vous n’auriez
peut-être pas trouvé dans votre trésor les fonds nécessaires pour y faire face.
La chambre me pardonnera, j’espère, cette digression, et je me hâte de rentrer
dans la discussion spéciale.
Pour combattre le système du statu quo, nous voyons
les adversaires se livrer sur l’article qui nous occupe à une singulière
argumentation.
Le gouvernement, dit-on, ne vous propose pas de
rétablir de prime abord les choses dans l’état où elles se trouvaient avant
1823. Il vous propose au contraire de substituer à la prohibition des droits
protecteurs généralement plus élevés que les anciens, afin de garantir
l’industrie nationale contre une nouvelle concurrence qui, sans les précautions
nécessaires, pouvait lui être nuisible.
Je nie d’abord ce que vous dit l’honorable député,
qui a prétendu que des droits plus élevés étaient substitués aux anciens, et,
pour lui prouver son erreur, il me suffit de le renvoyer au projet du
gouvernement. Que propose en effet le gouvernement ? un
droit égal au droit actuel et rien de plus.
Douze chambres de commerce, ajoute-t-on, ont émis
un avis favorable, et, chose étrange, mais assez commune aujourd’hui, voyez
comment procède l’intérêt privé ! il s’est ici montré
dans toute sa nudité ; voyez ces avis ; du moment que vous sortez du cercle de
l’intérêt personnel de telle localité, vous la trouvez très accommodante ;
s’agit-il au contraire de l’intérêt d’une industrie locale, les droits
prohibitifs ne suffisent pas, il faut la prohibition, et après la prohibition,
la confiscation, etc. S’agit-il de l’industrie des draps, tout ce qui n’est pas
chambre de commerce de Verviers est d’accord avec le gouvernement ; il faut permettre
l’entrée des draps français en Belgique.
Je regrette, messieurs, d’avoir à relever ces
paroles proférées par une bouche qui toujours montra la plus grande confiance
aux délibérations de nos chambres de commerce, qui souvent provoqua leur avis
et s’en prévalut plus souvent encore ; je regrette surtout d’avoir entendu
faire ainsi le procès d’honorables commerçants ; car rien n’est plus humiliant,
selon moi, pour un homme d’honneur, que de s’entendre dire : vous avez voté
dans votre intérêt.
C’est aux honorables manufacturiers du district de
Verviers que le reproche s’adresse ; je ne ferai pas à cet honorable membre
l’injure de croire et même de supposer qu’il n’aurait pas lu attentivement le
volume qui nous a été communiqué de la part du gouvernement, et ou nous
trouvons les avis émis par la chambre de commerce, l’honorable membre s’est
sans doute plus particulièrement attaché à l’examen de l’avis émis sur le point
en discussion par celles de Verviers et d’Anvers, car de l’ensemble des
opinions émises par toutes les chambres de commerce, il résulte au contraire
(et je vais vous le prouver), que s’il y a unanimité, c’est pour le rejet de la
proposition du gouvernement. Ainsi, après m’avoir entendu, je pense que vous
serez d’accord avec moi pour renverser la question et dire :
Tout ce qui n’est pas chambre de commerce d’Anvers
est d’accord contre le gouvernement, de ne pas admettre en Belgique les draps
français, aussi longtemps que
Résumons donc l’avis de la chambre de commerce sur
l’article des draps :
Bruges. Cet article n’a donné lieu à aucune
observation.
Ypres. La chambre est d’avis qu’il serait de
stricte rigueur que les draps, casimirs et autres tissus de laine provenant de
France, fussent imposés des mêmes droits que ceux frappés par elle sur les
provenances belges de la même nature.
Ostende laisse aux fabricants la tâche d’éclairer
le gouvernement sur les détails que la pratique plutôt que la théorie suggère.
Bruxelles en parle pour mémoire et laisse aux
chambres de commerce de Liége et Verviers le soin d’éclairer le gouvernement,
les reconnaissant plus aptes qu’elle à raisonner sur ce point.
Mons parle en général et ne dit rien de spécial sur
les draps.
St-Nicolas n’en dit rien non plus et ajoute qu’il
lui serait difficile de donner une opinion avec connaissance de cause.
Louvain n’a pas d’observation à faire.
Gand ne dit rien des draps.
Courtray, idem.
Tournay, idem.
Ruremonde, idem.
Verviers, Liége sont pour le maintien du statu quo.
Arlon, Charleroy et Venloo n’en disent rien.
Anvers est pour la levée de la prohibition et a
tranché la question. Examinons les motifs qu’elle a donnés :
« La levée de la prohibition pour les draps et
casimirs d’origine française, a dit la chambré de commerce d’Anvers, nous
paraît une mesure prudente. » Et pourquoi ? Le voici (c’est encore la
chambre de commerce qui parle,) « parce qu’elle amènera peut-être la
législature de France à nous faire également quelques concessions sur cet
article. »
Vous le voyez, messieurs, le seul corps délibérant
qui paraisse contraire au système du statu quo ne paraît considérer la mesure
proposée comme prudente, que parce qu’il espère par là obtenir quelques
concessions sur cet article ; et comment se fait-il donc que ce corps si haut
placé dans le commerce de la ville la plus commerçante de
« Les droits substitués à la prohibition
restent d’ailleurs assez élevés pour préserver d’une forte concurrence de
l’étranger cette branche importante de notre industrie, la prime que le
gouvernement français accorde pour l’exportation des draps ne met point le
fabricant belge dans une position plus défavorable que celui du pays voisin,
parce que cette prime établie au taux de 9 p. c. ne constitue que la
restitution du droit d’entrée perçu en France sur les laines, lequel monte à 20
p. c. sur les laines brutes et à 30 sur les laines peignées. »
Ces observations me conduisent nécessairement à
l’examen d’une question de la plus haute importance, question que les
négociants d’Anvers auraient bien fait d’examiner, parce qu’ils connaissent
mieux que personne l’usage, pour ne pas dire l’abus, que l’on peut faire et que
l’on fait assez généralement des primes d’exportation ; ce que ces messieurs
n’ont pas fait, et pour cause. Je vais tâcher de le faire, et si, pour ce qui
concerne la question particulière des draps, je parviens à vous faire partager
la conviction que j’ai acquise après avoir lu les discussions qui ont eu lieu
sur ce point aux chambres françaises, je pense que vous ne douterez plus que
tout ce qui vous a été dit par d’honorables collègues et par les manufacturiers
de Verviers est de la plus grande vérité.
Cependant, si vous m’entendez flétrir le système
des primes en France, n’allez pas croire pour cela que je me déclare l’ennemi
de toute restitution ; c’est l’abus que je vais attaquer et non les primes en
elles-mêmes ; toute prime qui sera une véritable restitution, mais qui ne sera
rien de plus qu’une restitution de droit, obtiendra toujours mon appui.
C’est aussi comme moi que s’exprime la commission
de la chambre des députés de France dans son rapport sur cette partie du tarif
français.
Les primes en bonne et saine économie, dit la
commission, ne doivent être que des simples drawbacks, leur chiffre doit être
calculé non point sur les exigences plus ou moins puissantes de telle ou telle
industrie, mais bien sur le montant du droit perçu ; dans aucun cas, la prime
ne doit dépasser la proportion établie par le droit et c’est porter atteinte au
trésor et aux contribuables que de ne pas se conformer à cette règle.
Voilà, messieurs, des principes bien clairs en
théorie, noue verrons ce qu’ils sont en pratique.
Pour protéger l’industrie agricole,
Vous savez tous, messieurs, que
Cependant, pour faire taire l’industrie
manufacturière, le tarif français vient aussi à leur secours et il accorde à la
sortie une restitution que moi j’appelle prime de neuf pour cent « de la
valeur du drap en fabrique et au comptant. »
C’est donc la valeur qui sert de base aux droits à
l’entrée comme à la sortie.
Lorsque, pour fixer un droit à l’entrée, comme une
restitution à l’exportation, vous prenez pour base la valeur, les estimations à
l’entrée sont faites au plus bas taux possible ; celles à l’exportation au
contraire sont fixées au prix le plus élevé, ce système conduit donc à une
perte double pour le trésor qui voit réduire les droits à l’importation par la
faiblesse des déclarations, et augmenter les restitutions par l’exagération des
déclarations ; et voyez l’exorbitance du système français sur les primes
accordées pour les draps ! La valeur de ce produit est calculée non seulement
sur la matière en elle-même qui est la laine, mais encore sur le travail que la
matière a subi, sur les frais que le fabricant a dû faire pour convertir la
laine en drap propre à être exporté, car les neuf pour cent sont restitués sur
la valeur du drap en fabrique et au comptant.
Il y a plus, cette prime est en général accordée
sur des draps confectionnés exclusivement avec des laines du produit français.
Faites attention, messieurs, à ces termes de la loi
: valeur en fabrique et au comptant. Pour qui sait un peu ce que c’est que la
fabrique de draps, il peut, sans être fabricant, en comprendre toute
l’importance. La valeur en fabrique, c’est le prix du revient, mais la valeur
en fabrique et au comptant, c’est la valeur réelle et effective du drap livré
au commerce, c’est-à-dire le prix que peut obtenir le fabricant, au comptant. Et
cette valeur, qui peut la constater ? Pour moi je le déclare avec
franchise, je ne me suis jamais occupé de cette branche d’industrie ; mais je
suis né dans le district où j’exerce mes fonctions ; j’ai eu des relations
suivies avec grand nombre de nos honorables manufacturiers, et toujours je leur
ai entendu affirmer que le drap qui arrivait à une valeur de 17 à 20 francs le
mètre, pouvait facilement être déclaré valoir de 24 à 25 francs, et ainsi de
suite, tant il est difficile de reconnaître la véritable valeur, la valeur
intrinsèque de ces produits ; et vous voudriez que des hommes de la douane
fussent appelés à contrôler des valeurs que plus d’un fabricant en Belgique
comme en France ne pourraient vérifier et reconnaître. Voilà, messieurs, l’abus
que nos honorables industriels craignent, et c’est là un motif pour nous de ne
pas céder.
Ayons maintenant recours à la statistique, pour
mieux expliquer l’abus qu’on fait, et l’abus plus grand encore qu’on peut
faire, d’une pareille législation. Ecoutez M. Duchâtel, s’expliquant sur ce
point dans la discussion qui l’année dernière, à pareil jour à peu près, eut
lieu aux chambres françaises ; cet honorable député qui, comme ministre du
commerce, venait de céder la place à M. Passy, reconnaît :
1° Qu’en 1834 le trésor avait perçu sur les laines à
l’entrée fr. 4,750,000, et qu’il avait été payé pour
primes fr. 4.120,000, et qu’ainsi le trésor avait conservé la somme de fr.
630,000 pour tous droits.
2°. Que les exportations en laines s’étaient
élevées au chiffre de 9,400,000 kil., et que les exportations
en draps et tissus n’avaient atteint que le chiffre de 1,800,000 ; différence
en kil,, 7,600,000 ; qui, en réalité, n’ont donné au trésor que la somme de fr.
630,000.
Calculez et voyez si la prime d’exportation sur les
draps et tissus de laine de France, n’est pas égale à plusieurs fois le droit.
Voici, du reste, un calcul que je soumets à vos
méditations, il a un résultat vraiment frappant, et j’espère qu’il sera examiné
avec attention, je désire qu’il me soit prouve qu’il y a erreur, car, je le répète,
le résultat en serait effrayant.
Il est entré en France
Ainsi, 21,600,000 de
valeur ont produit pour :
-
- 45,800,000 de valeur
exportés du poids de
9,400,000 kilog. n’ont été
portés qu’à une valeur de fr. 21,600,000
Terme moyen pour le kilog..
230.. Au contraire 1,800,000 kilog. exportés ont
obtenu une valeur de 45,800,000
Ainsi, il est resté en France 7,600,000
kilog. de laines qui n’ont laissé au trésor que fr.
630,000
Je vous parle de la législation française sur les
primes, parce que là est tout le danger pour nous, écoutez maintenant les
organes du gouvernement français, et vous pourrez juger si je me trompe,
D’abord c’est le commissaire du Roi chargé de défendre la loi de douanes devant
la chambre des députes, (M. Greterin homme spécial),
répondant aux plaintes élevées par quelques honorables députés contre
l’administration des douanes et les douaniers relativement aux préemptions
qu’opéraient trop souvent les employés.
« M. le général Demarçay,
dit-il, estimait (dans une séance précédente), que l’atténuation de valeur donnée
à l’entrée pouvait être d’un tiers ; je pense qu’il y a quelque exagération
dans le chiffre et qu’il n’excède pas le quart. Faites attention que la douane,
outre les dix pour cent qu’elle paie en sus, paie en outre le droit sur ces 10
p. c. Ainsi fr. 2 20 c., ce qui, réuni au droit de 22
p. c. sur la valeur primitivement donnée, fait 12 1/2, donc ce que je viens de
dire prouve que la préemption est impossible quand la déclaration n’est pas
atténuée d’au moins 20 p. c. »
Ainsi voilà qu’il est bien prouvé, j’espère, que la
valeur de la laine à l’entrée peut être portée aux trois quarts, sans craindre
la mesure rigoureuse introduite dans la loi contre les fraudeurs.
Voyons pour les primes et souvenons-nous que la
prime est fixée à 9 p. c. de la valeur en fabrique et au comptant.
« Pour fixer cette valeur, dit M. Duchâtel,
l’administration s’est entourée de toutes les lumières, elle a cherché à savoir
dans quel rapport de valeur les laines entraient dans les diverses espèces de
tissus, puis appliquant une règle de proportion, elle a déterminé quelle
surcharge résultait du droit et par suite quelle devait être la restitution :
l’on a calculé que la laine entrait pour une moitié dans la valeur de ces
tissus. Le droit sur la matière première est de 22 p.c. et la prime de 9. On ne
restitue donc pas tout le droit perçu, on reste plutôt en dessus qu’en dessous
du calcul. » M. Duchâtel donne ensuite les chiffres que je viens de vous
reproduire sur les importations et exportations, et, tout en reconnaissant qu’il
ne reste que 630,000 pour une quantité de 7,600,000 non exportés, il ajoute :
Le trésor n’y perd pas.
Entendons à présent M. le ministre du commerce.
Vous demandez pourquoi il a été payé à
l’exportation à peu près la valeur de ce qui avait été reçu pour la totalité.
En voici la raison :
« Il y a déchet considérable sur les laines,
remarquez ensuite que les draps exportés sont des étoffes de qualité fort
élevées, et que les laines importées au contraire, sont de qualités diverses
parmi lesquelles il y en a de fort communes.
« D’autre part, dans les draps exportés, il
entre non seulement des laines étrangères, mais aussi des laines nationales, en
un mot des laines françaises fines à la place des laines étrangères plus
communes ; vous donnez la prime sur les laines étrangères et françaises. Je ne
sais si je me fais bien comprendre (ajoute M. le ministre) et j’insiste ; car
la question est délicate, et vous prie de remarquer que la restitution du droit
à l’exportation n’est si considérable qu’à cause de la différence des valeurs
entre les laines importées et les étoffes exportées qui sont faites avec des
laines de la plus haute valeur ; ce qui fait que la quantité et le poids
n’offrent aucune certitude d’évaluation quand on compare le poids sorti
fabriqué, et le poids entré, ou la valeur entrée, divisée par la quantité. »
Voilà, messieurs, la législation française
expliquée clairement par ceux-là même qui l’ont proposée et défendue : quel est
maintenant le député belge qui soutiendra qu’une pareille législation ne prête
pas à la fraude et peut engendrer les plus grands abus ! N’est-il pas prouvé par
les faits que le droit de 22 p. c. imposé à l’entrée sur les laines, dans le
but de protéger les laines indigènes, tournent pour ainsi dire entièrement au
profit des manufacturiers ? Et c’est en face d’une pareille législation
que l’on voudrait lever la prohibition et autoriser l’entrée des draps français
moyennant 5 à 6 p. c. de droit ? ne serait-ce pas anéantir
un jour toutes nos fabriques, et placer nos industriels dans la triste
nécessité de fermer leurs ateliers.
La question est grave, elle intéresse au plus haut
degré les industriels qui, jusqu’à ce jour ne vous ont demandé ni primes, ni
protection, mais le maintien du statu quo et des débouchés, si possible, pour
étendre encore leur industrie. Une crise commerciale dont les conséquences ne
peuvent être prévues, effraye en ce moment tous les pays voisins, et nos
manufacturiers, qui toujours ont travaillé à soutenir et à améliorer la
position qu’à force de veilles et de travaux ils ont su conquérir, éprouvent
déjà la plus grande gêne. Pourquoi faut-il que cette discussion soit arrivée
pour jeter l’alarme où naguère la confiance régnait ! La chambre, par son vote,
leur rendra bientôt le calme dont ils ont si grand besoin ; elle adoptera la
proposition de la section centrale. Vous avez toujours eu pour principe de
placer en première ligne les intérêts de tous les Belges sans distinction ;
vous resterez fidèles à ce principe. En prenant ici la défense des honorables
industriels du district que j’habite, je défends des intérêts belges sans
compromettre en aucune manière l’intérêt général de mon pays ; je cède à la
conviction la plus sincère. Je termine donc en invoquant ces paroles qui, dans
une séance précédente, sont sorties de la bouche de M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères : « Il n’est jamais entré dans la
pensée du gouvernement de sacrifier une industrie à un autre avantage, il veut
simplement admettre à l’égard de quelques industries une concurrence
modérée. »
Ce serait sacrifier l’industrie drapière, que
d’admettre la proposition du gouvernement, surtout en face la législation
française sur les primes et eu égard aux circonstances ; et je me flatte que la
chambre maintiendra le statu quo proposé par la section centrale.
M. le président. - La parole est à M.
Rogier, pour un fait personnel.
De
toutes parts. - A demain ! à demain.
M. Rogier. - Puisque la chambre paraît
fatiguée, je ne parlerai pas maintenant, mais je me réserve de répondre demain
à quelques assertions de l’honorable préopinant.
- La séance est levée à 4 heures et demie.