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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du lundi 24 avril 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Prise en considération de demandes en naturalisation
3) Projets de loi accordant des naturalisations
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Légionnaires de l’empire
(Gendebien), école militaire (de
Puydt), droits sur le sucre (Dumortier), école
militaire (de Puydt), impôt sur le sel (Desmet), caisse de retraite du personnel du ministère des
finances (de Brouckere, d’Huart),
école militaire (F. de Mérode), tarif des douanes (de Nef), légionnaires de l’empire (Gendebien,
Jullien), école militaire (Ernst),
légionnaire de l’Empire (Gendebien), école militaire
(F. de Mérode)
5) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes.
Discussion générale (politique commerciale du gouvernement et négociations
commerciales avec
(Moniteur
belge n°115 du 25 avril 1837 et Moniteur belge n°116, du 26 avril 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°115 du 25 avril 1837) M. de Renesse
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des
pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Sixtus, fourrier au deuxième
régiment de chasseurs à cheval, demande que la chambre statue sur sa demande en
naturalisation. »
_______________
« Les éditeurs de sept journaux paraissant à
Bruxelles demandent l’abolition du droit de timbre sur les journaux. »
_______________
« Des
électeurs de Malines demandent la réforme de la loi électorale. »
_______________
« Les
membres du conseil communal de la ville d’Audenaerde font la même
demande. »
_______________
- La première pétition est renvoyée à la commission
des naturalisations ; les autres, à la commission des pétitions.
_______________
M. Stas de Volder,
devant rendre les derniers devoirs à un membre de sa famille, demande un congé.
- Accordé.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN NATURALISATION
Premier scrutin. - Demande en naturalisation
ordinaire formée par le sieur Edouard Lefrançois.
Nombre des votants, 66.
Boules blanches, 51.
Boules noires, 15.
En conséquence, la demande en grande naturalisation
formée par le sieur Edouard Lefrançois est prise en
considération. Cette résolution sera communiquée au sénat.
________________
Deuxième scrutin. - Demande en naturalisation
ordinaire formée par le sieur Marie-Gabriel Maignieu
Vasseur.
Nombre des votants, 67.
Boules blanches, 55.
Boules noires, 12.
En conséquence, la demande en naturalisation
ordinaire formée par le sieur Maignieu Vasseur est
prise en considération. Cette décision sera communiquée au sénat.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES NATURALISATIONS
Premier projet. - «Vu la demande du sieur Cerf Godchaux, avoué et juge suppléant au tribunal d’Arlon,
province du Luxembourg, né à Thionville (France), le 28 avril 1807, tendant à
obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par
les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des
conditions d’âge et de résidence exigées par l’art. 5 de ladite loi.
« Nous avons, de commun accord avec les
chambres, décrété et nouns ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire est
accordée au sieur Cerf Godchaux. »
________________
Deuxième projet. - « Vu la demande du sieur
Gustave-Parfait-Joseph Collart, avocat avoué,
domicilié à Nivelles, province du Brabant, né à Nivelles, le 19 janvier 1809,
tendant à obtenir la grande naturalisation ;
« Vu la 3ème disposition de l’art. 2 de la loi du
27 septembre 1835, portée en faveur des individus habitant le royaume, nés en
Belgique de parents y domiciliés, qui auraient négligé de faire la déclaration
prescrite par l’art. 9 du code civil ;
« Attendu que le pétitionnaire se trouve dans le
cas prévu par la disposition précitée ;
« Attendu que les formalités prescrites par
les art. 7 et 8 de cette loi ont été observées.
« Nous avons de commun accord, etc.
« Article unique. La grande naturalisation est
accordée audit sieur Gustave-Parfait-Joseph Collart. »
- La chambre vote successivement, par assis et
levé, sur les articles et les considérants de ces projets, et par appel nominal
sur l’ensemble de chacun d’eux ; ils sont adoptés à l’unanimité des membres
présents.
Ce sont : MM. Beerenbroeck, Berger, Coppieters,
Corneli, Cornet de Grez, David, de Behr, de Brouckere, de Man d’Attenrode,
Félix de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de
Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt,
d’Huart, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier,
Eloy de Burdinne, Gendebien, Goblet, Hye-Hoys. Jadot, Jullien, Keppenne,
Kervyn, Lardinois, Lebeau, Liedts, Manilius, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb,
Pirson, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Seron, Simons,
Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen,
Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, Wallaert, Watlet et Raikem.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE
M. Gendebien (pour une motion d’ordre).
- Messieurs, vous avez décidé dans la séance de vendredi dernier qu’on
s’occuperait le lendemain de la question de savoir quand on discuterait le
rapport de M. Fallon, concernant la proposition de M. Corbisier, en faveur des
légionnaires.
Je n’ai pu me rendre samedi
à la chambre, parce que j’ai été obligé d’assister à la séance du conseil
communal.
Je viens demander que la chambre veuille bien
statuer en ce moment sur la motion que j’ai faite vendredi.
Depuis 6 ans on s’occupe des légionnaires ; depuis
plus de 4 ans une proposition formelle a été faite ; depuis trois ans, je
crois, le rapport est fait.
Il me semble qu’il devient urgent de prendre en
considération des droits que chacun de nous se plaît à regarder comme sacrés,
et qui le sont en effet.
Je demande que la chambre s’occupe de la
proposition relative aux légionnaires immédiatement après le vote du projet de
loi concernant les indemnités.
M. de Puydt. - Messieurs, je n’ai pas
l’intention de m’opposer à la motion que vient de faire l’honorable M. Gendebien. Je regarde aussi
comme très justes les réclamations qu’on fait en faveur de la proposition de M.
Corbisier, mais je rappellerai à la chambre qu’il y a un projet fort important
dont la discussion a été retardée par l’absence de M, le ministre de la guerre,
je veux parler de la loi organique sur l’école militaire. Je crois que la
chambre pourrait dès aujourd’hui fixer l’époque de la discussion de ce projet
de loi.
Je déclare que je suis autorisé par notre honorable
collègue M. Willmar à faire connaître à la chambre qu’il est prêt à soutenir la
discussion de la loi.
On pourrait donc, me semble-t-il, s’occuper d’abord
du projet concernant l’école militaire, et statuer immédiatement après sur la
proposition relative aux légionnaires.
M. Gendebien.
- Messieurs, l’honorable préopinant demande que le projet de loi concernant
l’école militaire soit discuté avant la loi relative aux légionnaires ; je ne
vois, pour moi, aucun inconvénient à mettre le premier projet après l’autre,
attendu qu’en fait l’école militaire existe déjà et peut continuer sans loi,
tandis que beaucoup des honorables débris de l’armée française meurent de faim,
ou au moins vivent misérablement.
Je suis persuadé que si nous voulions consulter les
professeurs et les élèves de militaire, ils sentiraient et reconnaîtraient tous
la nécessité de laisser le pas à leurs aînés.
Je persiste donc à demander que la chambre statue
sur le sort des légionnaires avant d’aborder la discussion de la loi de l’école
militaire.
M. Dumortier.
- Je ne viens pas m’opposer aux propositions des honorables préopinants. Je
rappellerai cependant que nous avons à nous occuper d’une matière plus sérieuse
encore, je veux parler de la loi sur les sucres dont on nous promet
incessamment le rapport.
Il est urgent, messieurs, que nous nous livrions à
l’examen de cette loi, parce que les personnes qui ont établi des sucreries
doivent connaître sans retard si elles auront ou n’auront pas de protection ;
car, pour fabriquer du sucre en automne prochain, il faut planter la betterave
au printemps.
Sans m’opposer aux propositions faites par
d’honorables membres, je demande seulement que la chambre, en prenant une
décision à cet égard, n’entende rien préjuger en ce qui concerne la loi sur les
sucres.
M. de Puydt.
- Entre la proposition de M. Gendebien et la mienne, il n’y a que la différence
de quelques jours, mais quelques jours pourraient exercer une influence funeste
sur le sort de l’école. Les examens pour l’admission ont lieu ordinairement
dans le mois de mars ; or, on n’a encore rien décidé cette année sur ces
examens à cause de l’éventualité de l’adoption prochaine du projet de loi, de
sorte que si la loi n’est pas immédiatement votée, il est très probable que
l’ordre intérieur des cours de l’école sera complètement interverti.
Je demande donc que la
chambre s’occupe d’abord de la loi concernant l’école militaire ; le projet
relatif aux légionnaires viendrait immédiatement après.
M. Desmet. - En appuyant les
observations de M. Dumortier, en ce qui concerne l’urgence de la question des
sucres, je ferai remarquer qu’il y a un autre projet d’une extrême importance,
celui concernant le sel. Vous savez, messieurs, combien la législation actuelle
sur cet objet est mauvaise ; je désirerais qu’on mît le projet à l’ordre du
jour le plus tôt possible.
M. de Brouckere.
- Messieurs, au moment où la chambre s’occupe des projets qu’elle mettra à
l’ordre du jour, je crois devoir rappeler qu’il y en a un autre qui n’est pas
moins urgent, c’est celui qui est relatif à la caisse de retraite ; personne,
je pense, ne contestera l’urgence de ce projet, car en attendant que la chambre
l’ait voté, les pensionnaires ne touchent que la moitié de leurs pensions. Or,
vous savez, messieurs, si la pension entière est nécessaire ou non à la plupart
des titulaires. C’est donc aussi au nom du malheur que j’élève la voix et que
je prie la chambre d’aborder le plus tôt possible la loi concernant la caisse
de retraite.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, je ne puis qu’appuyer la motion de l’honorable préopinant. Je
l’eusse présenté moi-même, si déjà je n’avais annoncé à la chambre, dans la
séance du 17 mars dernier, que je la reproduirais entre les deux votes des lois
importantes dont nous devions nous occuper.
Puisque j’ai la parole en
ce moment, je proposerai, en conséquence, de mettre la loi concernant la caisse
de retraite à l’ordre du jour entre les deux votes de la loi qui nous occupe en
ce moment.
M. le président. - Je ferai remarquer
que déjà la chambre a décidé que le vote du projet de loi concernant
l’aliénation des parcelles domaniales aurait lieu entre les deux votes de la
loi concernant les douanes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Dans ce cas, et puisqu’il est à présumer que ce dernier projet ne donnera
lieu à aucune discussion, on pourrait y ajouter la loi relative à la caisse de
retraite.
M. F. de Mérode.
- Messieurs, le projet de loi relatif à l’école militaire était à l’ordre du
jour avant la loi qui nous occupe maintenant ; Il y a eu transposition, parce
que M. le ministre de la guerre n’aurait pu assister à la discussion du projet,
si on l’avait entamée avant celle sur les douanes. Dès lors, et puisque M. le
ministre peut actuellement soutenir le projet, il n’existe plus aucun motif
pour en éloigner la discussion.
Comme l’a fait observer l’honorable
M. de Puydt, il est urgent que l’on organise définitivement l’école militaire.
La loi qui s’y rapporte est une loi d’intérêt général ; les lois de cette
nature doivent passer avant les lois d’intérêt privé.
Quant à la loi concernant
les sucres, je partage aussi l’avis de l’honorable M. Dumortier. C’est encore une loi
d’intérêt général, une loi qui doit procurer des voies et moyens. Or, sans
voies et moyens, il n’est guère possible d’accorder ni accours aux
légionnaires, ni indemnités aux personnes en faveur desquelles on en réclame.
Je demande donc que la chambre maintienne l’ordre
du jour motivé qu’elle a fixé antérieurement, c’est-à-dire qu’elle vote le
projet d’organisation de l’école militaire après la loi concernant les douanes.
M. de Nef. - Je demande qu’on achève la
loi en discussion, et que l’on fixe l’ordre du jour des autres lois après que
celle-ci aura été votée.
M. Gendebien. - Messieurs, que
résultera-t il de la motion de l’honorable préopinant, si elle est adoptée ?
C’est qu’on recommencera la discussion qui nous occupe déjà depuis une
vingtaine de minutes. Il me semble donc que la chambre gagnerait du temps en
fixant l’ordre du jour dès maintenant.
J’ai demandé que la chambre délibérât sur le
rapport concernant les légionnaires, avant d’entamer la discussion de la loi
d’organisation de l’école militaire. On m’objecte que cette dernière loi a déjà
été mise à l’ordre du jour
Mais la proposition relative aux légionnaires a été
mise dix fois à l’ordre du jour et toujours elle a été ajournée, parce qu’on a
fait passer des projets de loi avant. On ne peut donc pas se prévaloir contre
cette proposition, et en faveur de la loi d’organisation de l’école militaire,
de la mise à l’ordre du jour de ce dernier projet ; car il n’y a pas longtemps
que nous en sommes saisis. D’ailleurs, l’école militaire marche quoiqu’il n’y
ait pas de loi, et quant aux examens dont on a parlé, on les a bien faits
jusqu’ici chaque année ; on pourra bien les faire encore cette année sans la
loi qu’on réclame. Il n’y donc pas de motif pour donner à ce projet la priorité
qu’on réclame.
Quant à la loi sur les
sucres, comme c’est une loi financière et d’intérêt général, les légionnaires
qui ont déjà fait tant de sacrifices au pays, sacrifieraient encore ici leur
intérêt à l’intérêt général et ne se plaindraient pas qu’on fît passer cette
loi avant celle qui les concerne. Si donc le rapport est fait, lorsque nous
aurons voté la loi relative aux indemnités, je crois pouvoir au nom des
légionnaires consentir à ce que la priorité soit donnée à la loi sur les
sucres. Mais pour les autres projets dont on a parle, je ne vois pas de motifs
pour leur donner la préférence. Les pensionnaires ont sans doute droit à notre
sollicitude ; mais ils reçoivent la moitié de leur pension, tandis que les
légionnaires ne reçoivent rien.
M. Jullien. - Voilà la chambre encore
une fois lancée dans ces éternelles questions de priorité où chacun vient vous
présenter son projet et demander qu’on lui donne la préférence. Pour peu que
cela continue, on viendra vous demander la priorité en faveur de la loi
relative à la pêche, de celle concernant le jury et d’autre
lois qui méritent également l’attention de la chambre.
Dans cet état de choses, la chambre doit adopter la
proposition la plus juste, c’est-à-dire donner la préférence au projet le plus
ancien, c’est celui qui concerne les légionnaires. Depuis quatre ou cinq ans,
nous réclamons la discussion de cette loi, et toujours on l’écarte, tantôt pour
un motif, tantôt pour un autre. Il est temps de prendre un parti, d’autant plus
qu’à chaque session il nous arrive des pétitions de la part des légionnaires
qui souffrent. J’appuie en conséquence la proposition de l’honorable M. Gendebien.
M. le président. - Voici les diverses
propositions qui ont été faites :
M. Gendebien demande que la loi concernant les
légionnaires soit mise à l’ordre du jour après la loi d’indemnité.
M. de Puydt réclame la priorité en faveur de la loi
d’organisation de l’école militaire sur celle relative aux légionnaires.
M. de Brouckere demande qu’on mette la loi sur la
caisse de retraite à l’ordre du jour entre les deux votes de la loi en
discussion.
M. Dumortier demande une réserve en faveur de la
loi sur les sucres.
M. de Nef demande l’ajournement de toutes ces
questions après le vote de la loi actuelle.
- L’ajournement est mis aux voix. Il n’est pas
adopté.
La proposition de M. de Brouckère est adoptée.
M. le président.
- Dans quel ordre veut-on que je mette les autres propositions aux voix ?
M. Gendebien. - Suivant l’ordre des
présentations ; mettez d’abord aux voix la proposition relative aux
légionnaires.
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Je ne sais si la proposition de M. de Puydt est identique avec celle du comte
de Mérode. Cet honorable collègue demande qu’on rende à la loi d’organisation
de l’école militaire la place qu’on lui a ôtée momentanément, à cause de
l’empêchement où s’est trouve M. le ministre de la guerre d’assister à la
séance. Vous vous rappellerez que cette loi était à l’ordre du jour, et que,
malgré l’empêchement légitime de M. le ministre de la guerre, quelques députés
voulaient que la discussion eût lieu immédiatement. La chambre a voulu avec
raison qu’on l’ajournât jusqu’à ce que le ministre pût assister à la séance.
Nous demandons l’exécution de ce que vous avez décidé, c’est-à-dire que la loi
relative à l’organisation de l’école militaire soit mise à l’ordre du jour
après celle que nous discutons et avant la loi d’indemnité.
On vous a donné de très bonnes raisons pour
justifier cette proposition que je viens appuyer.
M. Gendebien.
- Je regrette qu’après la clôture de la discussion, on revienne encore sur
cette question. On vous a dit que la loi sur l’école militaire avait été mise à
l’ordre du jour précédemment, et on demande que vous persistiez dans cette
décision.
J’ai déjà fait remarquer que le projet de loi
concernant les légionnaires a été mis dix fois à l’ordre du jour, et que celui
concernant l’école militaire lui était de beaucoup postérieur ; que d’ailleurs
cette école pouvait continuer à marcher sans loi, tandis que les légionnaires
attendent depuis six ans qu’on leur rende justice ; eh bien, non seulement on
veut faire préaller l’école militaire sur les
légionnaires, mais même la mettre avant la loi d’indemnité. On ne veut faite
justice ni à ceux qui souffrent par le fait de la révolution, ni à ceux qui ont
versé leur sang pour le pays.
Voilà la conclusion que je suis autorisé à tirer,
quand toujours je vois ajourner la loi et la loi concernant les légionnaires.
Si l’on veut repousser les uns et les autres, qu’on ait le courage de le dire
nettement. Ils sauront au moins à quoi s’en tenir.
M. F. de Mérode.
- Je ne cherche pas à empêcher qu’on accorde une indemnité à ceux qui ont
souffert de la révolution et des secours aux légionnaires, mais je demande
qu’on suive l’ordre qu’on a établi, que ce qui n’était qu’une transposition ne
devienne pas un ajournement indéfini. Je ne vais pas chercher toutes les
anciennes fixations d’ordre du jour de l’année dernière, d’il y a deux ans ;
mais je me suis attaché au dernier ordre du jour fixé par la chambre, parce que
c’est celui-là qui doit faire notre règle. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre décide que la loi relative à
l’organisation de l’école militaire sera mise à l’ordre du jour après le vote
de la loi sur les douanes, et que le projet de loi concernant les légionnaires
sera mis à l’ordre du jour après la loi d’indemnité.
Elle adopte ensuite la proposition de M. Dumortier
de réserver la priorité à la loi sur les sucres, quand le rapport sera fait.
PROJET DE LOI PORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
Discussion générale
M. Desmet. - Messieurs, « la
section centrale est tombée dans une erreur fondamentale, que je dois relever,
» disait l’honorable M. Smits dans le discours qu’il prononça dans la séance de
jeudi.
Et quelle est cette erreur fondamentale dans
laquelle nous sommes malheureusement tombés dans la section centrale ?
C’est que notre rapport contient qu’il ne faut pas
toujours aller en avant dans la voie des concessions, qu’il faut une fois
s’arrêter.
La section centrale a su ce qu’elle a avancé, et
elle saura défendre son rapport.
Elle a voulu dire que continuellement elle ne
pouvait réduire les articles de son tarif, quand les autres nations rivales ne
faisaient de même.
Elle a voulu dire qu’il ne fallait pas de plus en
plus ouvrir ses barrières quand les autres nations tenaient les leurs fermées.
Enfin elle a voulu faire voir à la chambre que nous
ne devions pas continuer à jouer un rôle de dupes, en diminuant continuellement
notre protection industrielle, pour favoriser l’industrie étrangère et faire
tort à la nôtre.
Si l’honorable membre envisage cette opinion comme
une erreur fondamentale ou une utopie, et que ce n’est pas celle qu’on partage
dans notre bureau de commerce et d’industrie, au moins je m’aperçois que c’est
celle que la majorité de la chambre adopte, et la majorité paraît tellement
forte, que jusqu’à présent MM. le ministre et le chef du bureau de l’industrie
et du commerce se sont trouvés isolés.
Je ne commencerai pas à discuter la nécessite du
système protecteur, quand nos voisins le mettent en usage d’une manière si
prononcée. Mais je me permettrai de vous citer ce que disait il y a deux à
trois ans, dans le parlement anglais, un membre que nous connaissons tous, le
docteur Bowring, quand il combattit l’opinion de son
collègue Hume, qui avait soutenu le système des réductions progressives dans le
tarif des douanes.
« Je ne saurais mieux comparer, disait le
docteur, la progression que veut établir M. Hume, qu’à l’opération d’un
chirurgien qui applique le tourniquet à une jambe démise ; chaque tour de la
vis est suivi de tortures nouvelles pour le patient. (Applaudissements.) Voilà
ce que M. Hume appelle réduction progressive. »
Le parlement, au lieu de prendre l’assertion du
docteur Bowring pour une utopie ou une erreur
fondamentale, y applaudit de nouveau avec force.
C’est ainsi que s’énonçait le docteur Bowring sur la proposition de réduire le tarif anglais et
de diminuer la protection qu’on accorde dans le pays à l’industrie et à
l’agriculture.
La comparaison était bien anglaise, mais pleine de
vérité ; car, à chaque reprise qu’on relâchera la protection sans obtenir de
représailles, on devra craindre avec le docteur Bowring
que quelque branche de l’industrie n’en souffre.
Il est vrai que depuis un an le même docteur Bowring vient nous prêcher le contraire. Il est le
missionnaire anglais, qui va de ville en ville, de pays en pays, exciter, j’ose
le dire, les diverses rivalités commerciales contre la législation de
protection industrielle.
Mais, connaissant les besoins de l’Angleterre, on
ne doit pas s’étonner de toutes les demandes qu’elle fait pour introduire
partout ses produits.
Elle a donné à ses productions un tel élan qu’elle
ne saurait trouver assez de consommateurs.
Elle en a près de 100 millions dans l’Inde ; elle
verse ses produits dans le vaste empire de
Cc n’est pas encore assez pour elle, il lui faut
encore tout le marché européen.
Et voilà, messieurs, le seul but des missions
anglaises.
Mais je ne crains point qu’elles réussissent sur le
continent, et à cet égard on pense comme nous dans le parlement.
Voici comment un membre de la chambre des pairs, un
lord de l’amirauté, s’exprimait naguère sur le compte des missionnaires de la
propagande commerciale :
« On a essayé vainement, disait-il, d’amener les
nations étrangères au système de liberté de commerce, et quoique un théoricien
(philosophe), le docteur Bowring, ait été regardé sur
le continent comme un génie adroit, je suis convaincu que, quand bien même M.
Hume et M. Poulett Thompson se joindraient à M. Browring, pour compléter le trio, l’éloquence de ces
messieurs ne réussirait jamais à persuader aux Allemands, aux Français, aux
Russes, d’entrer dans leurs vues. »
J’ai voulu faire ces citations pour faire voir à
l’honorable M. Smits, que l’énoncé de la section centrale n’était pas si
extraordinaire ni si déraisonnable ; que c’était l’opinion prédominante dans
tous les pays !
La section centrale a senti que sans réciprocité il
ne fallait pas plus longtemps être dupe d’une doctrine que j’ose, moi, appeler
une utopie ou une monstruosité en fait d’industrie, et qui tend à faire dominer
le commerce extérieur, le commerce de commissions, aux dépens de l’agriculture
et de l’industrie. Et il nous semble qu’elle a saisi l’opinion de la chambre.
Quand l’honorable M. Smits nous parte des arrêtés
de 1823, il ne connaît pas très bien l’origine de ces actes.
Ce n’est pas ainsi, comme l’avance l’honorable
membre, que ces arrêtés auraient été pris, comme mesure de colère et
d’irritation de la part de l’ex-roi, et qui auraient compromis les intérêts du
pays.
Ces arrêtés ont été pris par force que par amour de
la part de Guillaume et des Hollandais, ils l’ont été uniquement sur les cris
et les plaintes des Belges, dont le commerce et l’industrie venaient d’être
frappés d’un coup de mort, par les mesures prohibitives de
Si les plaintes et les murmures de notre part
n’eussent pas été si prononcés, Guillaume n’eût jamais pris ses arrêtés, car le
haut commerce et les Hollandais s’y opposèrent fortement.
Probablement que le haut commerce du jour les voit
du même œil et désire autant que
L’honorable M. Smits veut nous faire peur en nous
insinuant que si nous ne retirons pas nos mesures de protection, au besoin les
Français ne viendront plus à notre secours, comme ils l’ont fait avec tant
empressement en 1831.
Cet argument serait bon d’être adressé aux enfants
ou aux vieilles femmes, mais il me semble qu’on a tort de l’employer ici. Et je
ne crains pas d’affirmer que le gouvernement français est trop loyal pour nous
faire jamais de telles menaces ; il ne voudrait méconnaître que, formant
nation, nous avons le droit de défendre nos intérêts et protéger notre
industrie.
J’ai voulu faire remarquer ces petits moyens que,
d’après moi, on emploie assez maladroitement pour faire passer des projets de
loi qui seraient la destruction de plusieurs branches de l’industrie nationale.
Il paraît encore que notre bureau de commerce et
d’industrie croit que les modifications françaises ont été très avantageuses à
diverses branches de l’industrie belge.
Cette opinion n’est pas partagée dans la chambre ;
jusqu’à présent aucun orateur n’a su le dire ; au contraire, tous ceux qui ont
parlé ont démontré que
L’article des toiles est celui que le ministre a
cité avec le plus d’emphase ; j’avais demande la parole pour lui faire voir que
rien n’avait été fait en faveur de nos toiles, qu’au contraire elles avaient
perdu ; ce que je vais faire.
Mais, avant, je désire faire remarquer que le
gouvernement français comme la chambre des députés pensent comme nous, que les
derniers changements au tarif français n’ont rien produit pour notre industrie
ni pour notre commerce.
Vous en serez convaincus quand vous aurez entendu
les paroles que je vais vous citer : celles d’un homme d’Etat, qui était
ministre quand les ordonnances furent discutées, et celles d’un député, qui est
une sommité parlementaire !
Dans la séance de la chambre des députés du 25 août
1836, le député Odilon-Barrot insista pour qu’un traité de commerce sur de
larges bases fût conclu entre
M. Thiers, alors président du conseil, y répondit
en ces termes :
« Ainsi vous dites : Fournissez aux Belges un
débouché, cherchez quelque matière produite par eux que vous puissiez employer
chez vous, et introduisez-la. Eh bien ! nous l’avons cherché. Je me souviens,
lorsque j’avais l’honneur ministre du commerce, d’avoir cherché avec les
Belges, d’avoir discuté avec eux, et je n’ai pas trouvé qu’il fût bien possible
d’introduire en France des marchandises belges ; j’ai cherché de tous côtés
pour trouver un moyen de dédommager les Belges, je l’ai cherché, mais je ne
l’ai pas trouvé. »
Cette déclaration de M. Thiers doit vous paraître
remarquable ; le grand homme d’Etat déclare officiellement à la chambre
française qu’il a cherché avec les commissaires belges, et qu’il n’a rien pu
trouver pour dédommager
Vous savez, messieurs, qu’au moyen d’un instrument
appelé compte-fils, on désigne avec la dernière précision, et sans qu’on puisse
être trompé par des fausses apparences, le véritable degré de finesse des
tissus de lin et de chanvre, et par conséquent approximativement leur plus ou
moins de valeur.
Ce qui détermine ce degré, c’est le plus ou moins
grand nombre de fils formant la chaîne et la trame, que l’on peut apercevoir
dans l’espace de cinq myriamètres
La certitude de ce mode d’appréciation aurait pu
permettre d’établir le droit à tant par fil, mais la douane française a senti
que cela eût exigé la vérification minutieuse de chaque pièce de toile, tandis
qu’en faisant plusieurs groupes, comme cela se trouve dans le tarif,
c’est-à-dire, en réunissant sous une même taxe les toiles de qualité très
analogue, celles qui, par exemple, ont moins de huit fils, celles qui ont huit
à douze fils, etc., on pouvait rendre les opérations de la douane plus faciles
et plus promptes, et en même temps l’expédition de nos toiles plus facile, ce
qui était un grand avantage pour ce commerce, et, à cause que les catégories
étaient plus étendues, diminuait de beaucoup les droits sur des espèces de la
même catégorie. C’est ce qu’avait établi la loi du 17 mai 1826.
Mais, dans les corrections que le gouvernement
français vient de faire dans son tarif, il a vu que les points de sections qui
séparent les différentes classes des toiles étaient placés d’une manière trop
large et ne répondaient point au but qu’on avait voulu atteindre ; il les donc
placés d’une telle manière que les classes sont beaucoup plus rétrécies, et au
lieu d’avoir modifié dans le sens de diminuer les droits de nos toiles à leur
entrée en France, il les a augmentés et même considérablement en augmentant au
même moment et beaucoup les entraves de l’expédition et du passage à la
frontière ; ce qui est facile à comprendre, ayant beaucoup diminué l’étendue
des diverses classes ; et la diminution de ce fil unique dont on fait tant
d’étalage n’a pas pu compenser la perte que notre commerce de toiles a fait par
les changements et les rétrécissements aux classes.
Ce que j’avance ici a été même reconnu par le
ministre du commerce de France, à la tribune de la chambre des députés, dans
l’une des séances (celle du 3 mai 1836), où on discutait les dernières lois sur
le tarif des douanes.
Répondant à ceux qui voulaient conserver l’ancienne
tarification, il y disait : « Ainsi la question ici consiste uniquement à
savoir si le nouveau tarif ou plutôt la rectification de l’ancien tarif protège
suffisamment l’industrie des toiles de lin et de chanvre ? A cet égard,
disait-il, je ferai remarquer qu’il n’y a pas ici, comme on le suppose, une
tarification nouvelle ; il y a seulement rectification à l’ancienne
classification, rectification conforme aux règles indiquées en 1826, lors de la
discussion de la loi, par les députés du département du Nord, département
particulièrement intéressé au maintien des droits protecteurs… » L’aveu
peut-il être plus clair ? Je ne le pense pas ; ainsi donc, le gouvernement
français reconnaît lui-même que rien n’a été fait d’avantageux pour notre
commerce de toiles dans les dernières modifications de son tarif.
Cependant je crois qu’on pourrait lui faire le
reproche qu’il n’agit pas même dans l’intérêt du commerce de toiles dans son
propre pays, tant reste-t-il entêté à ne rien faire qui puisse améliorer
l’entrée de nos toiles en France ; car il ne peut mettre en doute que depuis
que nos toiles ne peuvent plus entrer en France qu’avec un droit très élevé, le
commerce des toiles avec l’étranger dans les départements de
Le gouvernement français se plaint tant des arrêtés
pris sous le gouvernement précédent, qui contiennent des droits différentiels
au désavantage des produits venant de France ; ne sait-il donc pas que dans son
tarif existe pour nos toiles une taxe différentielle à leur détriment vis-à-vis
les toiles venant d’Allemagne, de Saxe et de Silésie ? Ce désavantage est bien
de deux fils sur l’étendue du compte-fils ; j’ignore si nos commissaires ou nos
ministres, qui paraissent avoir traité la question des toiles avec le
gouvernement français, n’ont pas fait remarquer cette faveur pour l’Allemagne ;
mais je pense que non, car, d’après ce que j’ai entendu, M. Duchâtel, étant
ministre, s’est plaint qu’il n’avait reçu aucun renseignement clair et positif
sur l’article des toiles, de la manière que les toiles d’Allemagne sont
confectionnées, étant plus claires et plus légères que les nôtres, et la valeur
en disproportion avec leur moindre qualité : il est constant que, dans
l’estimation des droits, ils ont au moins un avantage de deux fils contre les
nôtres. Cela est connu et démontré, et c’est là la raison pourquoi elles
s’exportent plus facilement en France et entravent fortement le commerce de nos
toiles dans ce pays, et même, je peux le dire, au détriment du consommateur,
qui ne peut jouir au même droit d’entrée de nos bonnes qualités.
D’ailleurs, les chambres de commerce de Gand et de
Courtray l’ont encore démontré plus clairement, que les modifications
françaises n’ont fait qu’augmenter les difficultés de l’entrée de nos toiles en
France.
M. le ministre et l’honorable M. Smits n’y ont rien
répondu ; c’était cependant les observations de ces chambres de commerce qu’ils
auraient dû combattre, comme ils nous auraient dû expliquer ce fait que, dès
que les ordonnances de France étaient connues dans les départements
limitrophes, de suite les négociants de ces départements ont fait rentrer les
dépôts de toiles qu’ils avaient en Belgique.
Je ne traiterai point d’autres articles, sinon que
je ferai remarquer que c’est assez étrange qu’on fasse un si grand étalage de
la prohibition levée sur l’entrée des tulles fins qui servent à l’application
des broderies de dentelles.
On dirait qu’on ne sait point que tous ces tulles
passaient en contrebande pour une légère prime de 4 à 5 p.c., et
qu’aujourd’hui, en les taxant d’un droit de 5 p. c., le trésor français en
profitera beaucoup, parce qu’il en touchera le droit, tandis qu’avant les
ordonnances il ne recevait rien ; mais qu’il n’y aura aucun avantage pour nos
ateliers de dentelles, dont la position n’est pas améliorée.
Il est inutile, dis-je, de faire d’autres
observations sur le malencontreux projet que les ministres nous présentent et
nous engagent d’adopter sans voir le tort qu’il ferait au pays ; car
heureusement la chambre en sait toute l’importance et voit qu’il n’est
aucunement acceptable.
Cependant il est à déplorer que les premières
négociations qui ont été entamées entre deux pays qui échangent déjà entre eux
tant de relations d’affection et d’intérêt, l’ont été, je peux le dire, si
inconsidérément, qu’on ait disposé de nos plus grands intérêts sans avoir
consulté les intéressés et les principaux juges de nos affaires commerciales,
les chambres de commerce.
Dans la séance de samedi, un ministre a avancé que
ces chambres avaient été consultées ; oui, mais après, quand déjà on avait
négocié et fait des promesses au gouvernement français.
J’en ai la preuve ; le 28 juin dernier, on adressa
le projet aux chambres de commerce, et le 25 avril avant, M. Dechâtel avait déjà annoncé à la chambre des députés les
promesses que nos ministres avaient faites au gouvernement français.
Voici comment ce ministre s’exprimait à la tribune
ce jour-là :
« La chambre sait quelles propositions, qui
nous sont très avantageuses, vont être faites aux chambres belges ; elles
suppriment les prohibitions que les arrêtés de 1823 avaient établies en
représailles contre
Eh bien, messieurs, voilà l’œuvre de notre bureau
de commerce et d’industrie ; vous voyez qu’il a été au-devant de
Il est donc absolument nécessaire d’engager le
gouvernement de prendre son projet en considération ultérieure, mais de
l’inviter en même temps avec beaucoup d’instances de rouvrir les négociations
avec le gouvernement français, après qu’il se sera entouré de toutes les
lumières nécessaires pour négocier un traité qui sera avantageux aux deux pays.
Et, quoi qu’en ait dit l’honorable ministre de
l’intérieur dans la séance de samedi, qu’il était impossible de négocier un
traité avec
Voici comment s’exprimait M. Odillon-Barrot
à la chambre des députés dans la séance du 25 avril 1836 :
« J’attache plus que personne de l’importance
à notre alliance avec
Les vœux de ce député sont les miens, je m’empresse
de le déclarer, et je ne doute pas que les deux pays y trouvassent les plus
grands avantages ; l’époque de l’empire en fait foi.
Les deux nations
regrettèrent longtemps leur séparation et ces relations libres de commerce, si
considérables et si avantageuses à l’une et à l’autre.
Puissent les deux gouvernements et les chambres,
éclairés sur les véritables intérêts des deux nations, rétablir ces liaisons si
utiles sur le même pied de liberté et de réciprocité en franchise de tous
droits, et ne faire qu’une seule et même nation sous le rapport commercial !
En résumé, il me semble que c’est impossible
d’accepter le projet de loi tel que les ministres nous le présente ; ce serait
nous faire jouer un rôle de dupes et attirer sur nous la risée de l’Europe et
la colère du pays, qui verrait une bonne partie de son industrie
considérablement compromise.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, à chaque discussion relative à nos relations commerciales avec
l’étranger, on ne s’est pas fait faute d’engager le gouvernement à entamer des
négociations avec
Mais, messieurs, à l’époque où l’on poussait le
gouvernement à ces négociations avec
Aussi, on nous prêchait alors le système le plus
libéral en matière de douanes ; les membres de la chambre que nous voyons à
présent chauds adversaires du projet que nous discutons, nous reprochaient
d’être rétrogrades, parce que nous ne proposions pas instantanément des
modifications au tarif, parce que nous ne mettions pas plus d’empressement à
proposer l’abaissement des droits qui forment nos lois douanières.
En vérité, messieurs, la mémoire de certains
orateurs que vous avez entendus dans de précédentes séances les a bien mal
servis, car il est tel orateur qui voulait, et l’a voulu à plusieurs reprises,
l’anéantissement de toute prohibition, qui ne craignait en aucune manière le
retranchement de notre tarif de toute prohibition et même de tous droits
élevés, et qui maintenant s’oppose avec vigueur aux principes du projet en
délibération, principes qui ne sont autres que l’application de ceux que cet
orateur avait lui-même professés antérieurement.
Nous avons été attaqués avec très peu de ménagement
dans cette discussion ; on nous a prêté des intentions qui ne sont pas et ne
peuvent être les nôtres ; on a été jusqu’à prétendre que nous défendions des
intérêts autres que ceux de
Voyons, messieurs, ce que l’honorable M. Lardinois…
M. Lardinois. - Je demande la parole
pour un fait personnel.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Voyons, dis-je, ce que l’honorable M. Lardinois vous disait dans la séance du
5 juillet 1834.
Un de ses collègues, l’honorable M. Desmaisières,
lui faisait reproche en quelque sorte de ne vouloir aucune protection pour
l’industrie linière, et lui disait : « Vous vous opposez à des droits
protecteurs de l’industrie linière, vous qui avez la prohibition pour protéger
les draps de Verviers, etc. » M. Lardinois, interrompant M. Desmaisières,
lui riposta par ces mots : « Nous n’avons pas besoin de la
prohibition. » M. Desmaisières continue son discours, et ensuite
l’honorable M. Lardinois lui répond :
« L’honorable préopinant, à la crainte que
j’avais exprimée que le droit ne fût élevé de quelques pour cent, m’a objecté
que les draps de Verviers étaient mieux protégés que l’industrie linière, les
draps français étant tout à fait prohibés. Cela est vrai. Le roi Guillaume,
dans un moment de colère, voulant user de représailles contre
Ainsi, vous le voyez, la mesure du roi Guillaume
que M. Lardinois considère maintenant comme ayant été dictée par un sentiment
nation, il la considère maintenant comme une sottise.
« J’ai pour principe, continue l’honorable
membre, de ne jamais transiger avec mes convictions. » (Nouveaux rires.)
« Et mon vote ne sera jamais influencé par une
question d’élection. Quoique député de Verviers, si l’intérêt général exigeait
que les draps français ne fussent soumis à l’entrée qu’à un droit de 10 p. c.,
je ne balancerais pas à donner mon assentiment à une pareille modification.
« La concurrence que nous craignons le plus
n’est pas celle des draps français, mais bien celle des draps allemands. Et
cependant ceux-ci ne sont soumis à leur entrée en Belgique qu’à un droit de 6 à
8 p. c. Au reste l’industrie de Verviers ne demande que des débouchés, et l’on
ne peut les obtenir par une guerre de douane. »
Vous voyez que l’honorable M. Lardinois ne
craignait pas du tout la concurrence française, et cependant il repousse notre
proposition qui n’a aucunement pour objet d’abaisser les droits sur les draps
d’Allemagne, car nous demandons de placer tout simplement
On pourrait croire que l’opinion de M. Lardinois
que je viens de rappeler a pu lui être arrachée par la précipitation qu’il a
mise à répondre à M.
Desmaisières. Mais, à ce que disait M. Lardinois le 5 juillet
1834, permettez-moi d’ajouter ce qu’il exprimait le 8 septembre 1835.
Vous ne trouverez pas mauvais, messieurs, que je
cite des discours prononcés antérieurement ; les paroles récentes des
honorables membres auxquels j’ai à répondre, sont de nature à avoir de
l’influence sur vous, parce qu’ils ont des connaissances plus spéciales dans la
matière qu’il s’agit de traiter en cette occasion ; il nous importe par suite
d’atténuer quelque peu l’effet de cette autorité, en produisant les assertions
contraires qu’ils émettaient précédemment
Voici comment s’exprimait M. Lardinois le 8
septembre 1835 :
« Le roi Guillaume,
irrité des mesures hostiles de
« En fait de draperie,
la concurrence que Verviers craint n’est pas du côté de
Veuillez remarquer, messieurs, que, selon
l’honorable M. Lardinois, les dispositions de l’arrêté du roi Guillaume peuvent
être éludées, et qu’on fait entrer les draps français, soit par la fraude, soit
par un autre point que par la frontière belge-française.
Suit maintenant un vœu qu’énonçait M. Lardinois,
vœu que nous avons compris et accueilli, et qui, lorsque nous voulons le
réaliser, est le plus vivement repoussé par celui-là même qui l’avait hautement
formé.
« Je désire que le gouvernement adopte pour
règle le tarif actuel et qu’il déclare que les industries qui ne peuvent lutter
contre la concurrence étrangère avec un avantage de 10, 20 et quelquefois 30 p.
c. ne méritent aucun intérêt et qu’elles doivent être abandonnées à leur sort.
Imposer les produits étrangers à des droits plus élevés, ce n’est plus protéger
telle ou telle branche d’industrie, mais pressurer la consommation, favoriser
la fraude, l’apathie et l’incapacité. »
Messieurs, l’honorable M. Lardinois ne s’est pas
borné dans cette séance à examiner la question spéciale des draps ; il a aussi
parlé en général de l’intérêt de
« Je ne vous parlerai pas de l’intérêt qu’à
Je vous prie de remarquer, messieurs, que les
choses sont maintenant changées à notre avantage ; depuis cette époque,
l’exportation de France chez nous a diminué, tandis que notre exportation
totale en France est restée la même, si toutefois elle n’a pas augmenté pour
certains articles les plus importants ; j’aurai l’honneur de signaler ceci à la
chambre en arrivant à un autre point de cette discussion. Je continue ma
citation :
« Vainement vous prétendez (c’est M. Lardinois
qui parle) que
Ce que disait M. Lardinois méritait votre plus
sérieuse attention ; il en est encore de même aujourd’hui. En ce qui concerne
la houille, que l’on préférerait ne pas voir exporter parce que notre industrie
en emploie beaucoup en ce moment, je ferai remarquer qu’au bout d’un certain
temps, alors que l’exploitation de nos houillères aura augmenté, et que nos
forgeries, par une cause quelconque, se seront ralenties, nous regretterions
que le débouché vers
Vous avez entendu, messieurs, comment l’honorable
membre, dont je viens de citer quelques fragments de discours, s’est opposé au
projet du gouvernement dans une de vos dernières séances ; je le prie de nous
concilier ses derniers raisonnements avec ceux antérieurs, selon moi très
logiques, auxquels je me suis réfère.
On n’a pas épargné dans cette discussion les
insinuations ni même les attaques les plus fortes et les plus directes qu’on
puisse jamais diriger contre un ministère. On a supposé que le gouvernement
belge agissait ici sous la domination d’un gouvernement voisin ; le
gouvernement français nous imposait en quelque sorte sa volonté. Voici ce que
disait M. Zoude au début de cette discussion :
« Messieurs, ce sont des ministres belges qui
vous le proposent ; ce sont des ministres qui avaient fait preuve de
patriotisme et qui jouissaient de votre confiance tout entière ; mais nous le
disons avec un profond regret, infidèles à leurs antécédents, plutôt que
d’abdiquer le pouvoir, ils ont eu le courage de venir vous proposer
l’anéantissement d’une partie de vos industries. »
Nous ne reconnaissons, ni à M. Zoude, ni a qui que
ce puisse être, le droit de nous adresser de pareilles imputations. Nos actes
sont là. Jamais nous n’avons cédé à une influence étrangère. Jamais nous
n’avons écouté que les véritables intérêts de notre pays. Il est toutefois,
j’en conviendrai volontiers, une influence à laquelle nous nous soumettons et
dont on ne tient pas assez compte. C’est celle de la loyauté, de la bonne foi.
Après être entrés en négociations avec
A entendre l’honorable M. Zoude, auquel, du reste,
je ne ferai pas le reproche de changer de système douanier, car il a toujours
été partisan des droits élevés, des prohibitions ; à entendre cet honorable
membre, les concessions faites par
M. Zoude, dans une lettre en quelque sorte
officielle, adressée à un de nos commissaires commerciaux à Paris, sous la date
du 1er mars 1834, disait, à propos de la zone du moindre droit d’entrée du fer
fabriqué avec le charbon de bois :
« Je ne sais si à l’œil nu on peu reconnaître
à quel des deux genres de fabrication le fer appartient (le fer fabriqué au
coak ou au bois) : si cette distinction est possible et que vous sachiez
l’enchâsser dans les têtes françaises, vous serez le sauveur du
Luxembourg. »
Or, les commissaires ont obtenu à peu près ce que
l’on demandait alors, ce que l’on considérait comme devant sauver le
Luxembourg, comme étant le plus grand bienfait pour cette contrée : nous ne
croyons pas, nous, que cette concession ait jamais eu la portée que lui
attribuait M. Zoude, quoiqu’elle puisse nous devenir éminemment utile, si plus
tard l’on avait besoin de moins de fer en Belgique, si les chemins de fer étant
achevés, l’exportation du fer vers
Dans des discussions semblables, il faudrait un peu
mieux tenir compte du passé ; il serait juste de se rappeler que si le
gouvernement a présenté le projet qui est en discussion, c’est comme
conséquence des instances mêmes faites dans nos chambres législatives. Il
conviendrait d’ailleurs, en tous cas, de ne pas trop méconnaître et dédaigner
les modifications réelles apportées, à notre demande, dans le tarif de la
grande puissance avec laquelle nous avons négocié, soit officiellement soit
officieusement.
Mais l’honorable M. Zoude nous considère comme des
ennemis du pays ; selon lui, nous voulons sacrifier beaucoup d’industries
indigènes au profit de l’industrie étrangère.
Nous examinerons ce point quand nous arriverons à
la discussion des articles. Je préviens, du reste, d’avance nos adversaires
qu’en appréciant les effets du projet par rapport aux intérêts des industriels,
nous ferons entrer en considération les intérêts des consommateurs : ceux-ci
ont aussi des droits à notre sollicitude et nous tiendrons compte des égards
que nous leur devons dans la fixation législative des articles du tarif.
Dans cette discussion, on a parlé de la réciprocité
commerciale entre nations et de la manière dont il faut l’entendre ; à cet
égard il y a beaucoup de systèmes en présence. Les uns voudraient de la
réciprocité pour chaque article, et c’est là probablement le fond de l’opinion
de la section centrale, dont on a déjà fait justice. Selon moi, messieurs, la
véritable réciprocité possible est celle définie le 10 septembre 1835 par
l’honorable M.
Dumortier.
Tout système de protection, a dit cet orateur, qui
va au-delà de ce qui est nécessaire à l’industrie qu’on veut protéger, est un
grand malheur pour une nation : un pareil système nuit à la nation toute
entière, en ce qu’il empêche le développement des capitaux et la perfection de
l’industrie. Il faut accorder à nos manufactures ce qui leur est nécessaire, et
rien que ce qui leur est nécessaire.
« … Pour moi, j’ai étudié les
matières commerciales, et pour cause ; et je ne reconnais pas la possibilité de
la réciprocité commerciale ; la théorie de la réciprocité est une absurdité
commerciale. Que serait ce système comme on l’entend ? Ce serait l’adoption
pure et simple de tous les tarifs des nations avec lesquelles nous sommes en
rapport.
« Que diriez-vous d’une
nation qui aurait besoin dans plusieurs de ses localités des produits
étrangers, et qui refuserait de les recevoir sous le prétexte qu’on en produit
de semblables dans quelques-unes des manufactures du pays ?
« Ainsi, le pays produit
du bois propre à la bâtisse, il faudrait se passer du bois de l’étranger et le
prohiber. »
Je me déclare de nouveau tout
à fait d’accord avec M. Dumortier. Je
continue à lire :
« Sans doute, il faut de
la réciprocité entre les nations ; si elle n’existait pas, la nation pour
laquelle elle n’existerait pas en serait la première victime. Mais cette
réciprocité doit-elle se fonder sur chacun des articles d’un tarif de douane ?
Non certainement, elle doit reposer sur l’ensemble du tarif. Voilà la
réciprocité que vous devez rechercher, et je ne crains pas de déclarer non
seulement qu’elle existe entre
« Aujourd’hui l’avantage
est bien plus considérable. Voilà où est la réciprocité, c’est dans la balance
du commerce, c’est dans le résultat des faits généraux et non pas sur tel ou
tel article en particulier, S’il en était ainsi, il n’y aurait pas de si petit
industriel, de marchand d’allumettes qui ne put venir vous demander une loi de
réciprocité et de prohibition.
« Lorsque la grande
balance commerciale, comme cela résulte de l’exemple que je viens de citer, est
en faveur d’une nation, on peut en conclure, sans craindre de se tromper, que
cette nation fait de bonnes affaires et que la réciprocité est en sa
faveur. »
Aussi vous voyez qu’en 1835 on
trouvait, quand nous recevions 40 millions et que nous exportions pour plus de
44 millions, que la balance était en notre faveur ; or, qu’a dit le même
orateur dans une de nos dernières séances ? Il a exprimé une opinion toute
différente et sur laquelle nous commençons à n’être plus d’accord.
« Je traiterai, dit
M. Dumortier, la question de réciprocité, dont nous a entretenus dans une
précédente séance l’honorable M. Smits. Cet honorable membre ne voit la réciprocité que
dans la balance commerciale. Pour lui, dès que les capitaux, les valeurs
importées et exportées se balancent, il y a réciprocité. Mais c’est là une
réciprocité de banque et non une réciprocité d’industrie. Une réciprocité
d’industrie, c’est une balance des journées d’ouvriers. Si vous n’exportez que
des matières premières et que l’étranger n’introduise chez vous que pour une
valeur égale que des produits manufacturés, vous lui aurez fourni la matière
avec laquelle il vous approvisionnera des objets dont la confection devait
occuper vos ouvriers. Une réciprocité semblable n’est pas admissible. On sait
que le bénéfice que l’on fait sur la manutention et beaucoup plus considérable
que celui que l’on fait sur la matière première. Il est facile de démontrer que
la réciprocité, comme l’entend M. Smits, est une réciprocité de banque et non
une réciprocité d’industrie. »
Ainsi, en
M. Dumortier.
- Cela prouve que j’ai mieux défini la réciprocité avant-hier.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - M. Dumortier, dans sa dernière définition de la
réciprocité, vous a beaucoup parlé de l’exportation d’objets manufacturés qui
laissent plus de numéraire dans le pays que les matières premières ; à cet
égard, je suis de son avis qu’il nous importe d’exporter particulièrement les
objets produits par beaucoup de main-d’œuvre. Mais examinons la balance de
En denrées,
En marchandises, matières
naturelles,
En matières apprêtées (ici la
main-d’œuvre se complique déjà)
En matières fabriquées
Ainsi, si vous aimiez mieux
établir la balance sur les matières fabriquées exclusivement, l’avantage serait
en notre faveur d’une manière notable.
En objets divers
La houille se trouve avec
raison classée dans la nomenclature des objets divers et non dans les matières
premières, parce que ce n’est pas là un objet qu’on peut appeler matière
première, la houille n’ayant de prix que par suite de l’immense main-d’œuvre
que nécessite son extraction. On ne pourrait jamais dire, au surplus, que la
houille soit une matière première lorsqu’elle sert de chauffage. Encore une
fois, la houille n’a de valeur que par les capitaux qu’elle occupe et que par
le travail des ouvriers.
Nous avons donc exporté en
France pour 44 millions de matières manipulées en 1834, et nous n’en avons reçu
d’elle que pour 18 millions ; la balance est donc en notre faveur, et nous
n’avons qu’à nous en applaudir.
Indépendamment des houilles,
a-t-on dit,
Mais toujours est-il qu’il y a
amélioration réelle à cet égard ; si l’administration des douanes ne suit pas
la loi, si elle prescrit des mesures gênantes pour le commerce, elle a tort, et
il suffira sans doute de le lui démontrer. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la
faute de la législature française si l’administration des douane, a agi
contrairement à ses intentions.
On vous a démontré clairement
que l’abaissement du tarif français, en ce qui concerne nos toiles, est
important ; je n’ai pas besoin de m’appesantir beaucoup sur cet objet ; je vous
prierai seulement de prendre en mûre considération que nous exportons
annuellement en France pour plus de 25 millions de francs en toiles ; qu’ainsi
nous pouvons lutter en France avec les
fabricants de toiles de
Mais, ont prétendu nos
adversaires, nous ferions trop pour
Je puis même déclarer que,
dans les conférences qui ont amené les modifications que
Arrivé à la discussion des
articles, nous examinerons, messieurs, si les concessions que renferme le
projet de loi tourneraient réellement au détriment, à la perte de quelques-unes
de nos industries.
Si cela nous était démontré,
je serais le premier à m’opposer à un tel résultat. Nous attendrons donc aux
articles la preuve de toutes les allégations qui ont été faites à cet égard.
Ainsi que cela a été dit dans
l’exposé des motifs et répété dans cette discussion, le but essentiel de la loi
qui nous occupe, est de mettre
Si donc les mesures prises en
France ne s’appliquaient pas seulement
On s’est appuyé, messieurs,
des discours qui ont été prononcés dans les chambres françaises, discours qui
indiqueraient que
J’aurais, messieurs, encore
bien des choses à dire sur les dispositions du projet qui est soumis à vos
délibérations, mais je crois qu’il convient d’attendre la discussion des
articles, car la discussion de chacun d’eux sera encore jusqu’à un certain
point une discussion générale ; puisqu’à l’occasion de leur examen spécial, une
foule d’intérêts différents viendront se présenter.
(Moniteur belge n°116, du 26
avril 1837) M. Lardinois (pour un fait
personnel). - Messieurs, j’avais cédé mon tour de parole aux orateurs qui
n’avaient pas encore parlé ; aujourd’hui que M. le ministre des finances m’a
attaqué, j’ai demandé à parler pour un fait personnel, mais je ne saurais me
défendre sans entrer dans le fond de la question ; j’attends de votre justice
que vous vouliez bien m’entendre, d’autant plus, je le répète que j’avais cédé
mon tour de parole à d’autres membres. (Parlez
! parlez !)
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je ne m’oppose aucunement à ce que l’honorable M. Lardinois soit entendu de
suite, mais il donner une mauvaise base à sa réclamation : je n’ai rien dit de
personnel à l’honorable membre, j’ai défendu le gouvernement des attaques qui
été dirigées contre lui ; j’ai rappelé les opinions que l’honorable préopinant
a émises dans une autre circonstance, et c’est ce qui arrive souvent dans des
discussions de la nature de celle qui nous occupe ; mais, je le répète, je n’ai
pas eu l’intention de rien dire qui fût personnellement désagréable à M. Lardinois.
M. Lardinois. - Avant d’entrer en
matière, je me vois forcé, pour éviter toute fausse interprétation, de faire
connaître les motifs qui dirigent ma conduite dans cette discussion. Je sais
qu’il me sera difficile de vous persuader, parce que le ministre des finances
n’a cité que des morceaux détachés de mes opinions, et qu’il a eu soin de
choisir les principes généraux que j’avais professés dans la question
cotonnière, sans vous parler des exceptions que j’aurais fait valoir dans mes
discours. Comme je suis pris au dépourvu, je ne puis donc repousser
complètement ces attaques.
Déjà, dans la séance de samedi, M. le ministre de l’intérieur a débuté
par vous dire qu’il n’est pas rare, lorsqu’il s’agit de discussions relatives
au commerce international, d’entendre proclamer bien haut des principes de
liberté ; mais ce qui est très rare, c’est en venir à l’application de ces
principes. D’un autre côté, l’honorable M. Desmaisières s’est félicité de voir
que les principes qu’il a défendus dans la question cotonnière fussent
maintenant partagés par ceux qui l’ont combattu.
Quoique je n’aie pas été désigné personnellement, je pense que ces
allusions ont été faites également en partie contre moi, puisque j’ai
constamment défendu les principes libéraux en matière de douanes, et que j’ai
été un des adversaires du projet de loi sur les cotons.
Je dois déclarer, messieurs, que mes principes ne sont pas changés, et
je pense toujours que le système libéral est celui qui convient le mieux aux
intérêts commerciaux de
Mais notre devoir est aussi de respecter les droits acquis, et de ne pas
porter la perturbation dans les industries existantes pour favoriser des
intérêts étrangers. Vous devez vous rappeler que, dans la discussion de la loi
sur le bétail, on se défendait de la supposition contraire à peu près comme
d’une calomnie.
Cette distinction a été faite par plusieurs orateurs en maintes
circonstances. J’ai partagé cette idée de justice, et une fois admise, je ne
m’en sois jamais écarté. Je défie donc qu’on me prouve que depuis le congrès
j’aie fait ou adopté une proposition qui aurait eu pour but de rendre plus
fiscal notre système de douanes, ou que j’aie cherché à restreindre les
avantages qui sont accordés à quelques industries par le tarif actuel.
Le gouvernement des Pays-Bas nous a légué un tarif de douanes très
libéral, et je n’ai jamais voté une disposition législative qui pût en altérer
le système : ainsi, tout l’échafaudage accusateur élevé par le ministre des
finances contre moi, tombe devant l’évidence de ce fait.
Si l’étude que vous avez faite du projet de loi actuel ne vous avait pas
conduits à le condamner dans les résultats qu’il doit produire, vous ne devez
pas balancer à le rejeter lorsque l’on voit un ministre réduit, pour le
justifier, à exhumer les discours des membres de cette chambre pour les mettre
en contradiction avec eux-mêmes. Mais c’est une tactique usée, et chacun sait
que l’on peut faire dire aux hommes politiques blanc et noir lorsque, en citant
leurs opinions, on ne fait pas la part des temps et des circonstances dans
lesquels elles ont été prononcées.
De grâce, ne soyons pas trop prompts à juger ! Personne de nous n’est
infaillible, et pour mon compte je sais que j’ai commis plus d’une faute dans
ma vie politique ; c’est pourquoi je tâche de m’amender et d’avoir de
l’indulgence pour les autres. Je crois que M. le ministre des finances n’est
pas non plus tout à fait exempt d’écarts de jugement. Il n’y a pas 4 jours
qu’il confessait s’être trompé en donnant son assentiment à la loi sur les
distilleries. Eh bien ! moi je l’ai regrettée parce que je prévoyais les
ravages qu’elle devait produire dans les mœurs et le déficit qui en résulterait
pour le trésor. Mais cette loi était demandée au nom de l’agriculture qui est
le talisman par excellence.
Si je voulais aussi fouiller dans le passé, ne pourrai-je à mon tour
embarrasser M. le ministre des finances ? Quelle fut donc sa conduite dans la
question des céréales ? Il a voté la prohibition et les droits prohibitifs.
Dans la loi sur le bétail, ce fut pour lui une occasion de débiter toutes les
erreurs et toutes les hérésies possibles en fait d’économie sociale. Dans la
question du chemin de fer, il a voté, si je ne me trompe, avec son collègue de
l’intérieur contre son érection, mais je dois dire qu’ils voulaient qu’il fût
exécuté par voie de concession. Le chemin de fer était cependant une entreprise
avantageuse et glorieuse pour le pays. C’est par cette conception que nous nous
sommes relevés aux yeux de l’Europe !
Je crois qu’il serait difficile de dire quel est le système suivi par le
cabinet actuel dans les questions commerciales. Et-ce le système libéral ou le
système restrictif ? Comment les ministres, à qui je réponds, sont-ils arrivés
sur les bancs qu’ils occupent ? N’ont-ils pas recueilli la succession de leurs
prédécesseurs parce que ceux-ci n’avaient pas voulu soutenir la loi anti-libérale
sur les toiles ? Aujourd’hui vous dites que vous professez les principes
libéraux ; mais vous êtes donc en opposition avec votre origine et tout votre
passé.
Il paraît que dans une circonstance, j’ai dit que les représailles que
le roi Guillaume avait exercées contre
Je dois encore avoir dit que si l’intérêt général exigeait que les draps
français ne fussent soumis à l’entrée qu’à un droit de 10 p. c.,
je ne balancerais pas, quoique député de Verviers, à donner mon assentiment à
une pareille modification.
Je suis, messieurs, représentant de la nation et député du district de
Verviers. Lorsque l’intérêt général l’exige, je fais taire mes affections ou
mes intérêts personnels, et je déclare que lorsqu’il réclamera un sacrifice de
cette nature, je me résignerai toujours à le faire. Par exemple, demandez au
gouvernement français qu’il abaisse de 50 p. c. son tarif sur les toiles et
qu’il lève la prohibition sur les articles de coton, et alors vous me trouverez
très traitable pour l’industrie drapière. Mais vous n’entendez pas sans doute
que je la laisse absolument désarmée vis-à-vis les produits français comme
l’établit si généreusement votre projet de loi.
De quoi est-il donc question aujourd’hui ? S’agit-il de renforcer notre
tarif de douanes par des mesures prohibitive, ? Non ; car je m’y opposerais. Le
projet que nous discutons propose non seulement les concessions que nous
pouvons consentir, mais il veut encore affaiblir, sans raison, la protection
dont jouissent certaines branches industrielles. Je ne donnerai pas mon
assentiment à ces innovations, aussi longtemps que
Croyez, messieurs, que ma conduite n’est pas guidée par esprit d’intérêt
local ; car ce n’est pas seulement la draperie qui est en cause, mais bien
toutes les industries manufacturières. Et pour vous dire toute ma pensée, si
les industriels de mon district m’avaient consulte, je ne leur aurais pas
conseillé la pétition qu’ils vous ont adressée, parce que je crois qu’il y
avait un autre moyen de mieux servir leurs intérêts, puisqu’il entre en
Belgique pour 15,000,000 de francs de tissus de laine venant de l’Angleterre et
de l’Allemagne, et que ces tissus pourraient être facilement remplacés par les
draps, casimirs et autres étoffes légères. Mais la question a été envisagée
sous un point de vue général, et je m’y renferme car, vous n’entendez pas sans
doute que je me mette en opposition avec cinq cents de mes commettants qui
doivent connaître mieux leurs intérêts que moi.
Une autre circonstance qui m’engage à persister dans ma résolution,
c’est la crise commerciale qui existe en France. Je ne vous citerai qu’un fait
qui s’est passé tout récemment. On a vendu à Paris 80,000 pièces de coton, et
cela aux plus vils prix. Ouvrez nos frontières aux draps et casimirs français
et bientôt vous verrez les marchés de
Maintenant je veux répondre quelques mots aux discours prononcés par M.
le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères et par M. Smits. Je pourrais bien m’en
dispenser, car ce n’est que la paraphrase des motifs du projet ministériel,
motifs qui ont déjà été victorieusement réfutés.
Le premier de ces orateurs a bien senti que la chambre pouvait adresser
au gouvernement des reproches sur sa manière de procéder pour établir nos
relations internationales. Il vous a dit que, dès le principe de notre
révolution,
Avant de présenter le projet actuel, il était du devoir du gouvernement
d’éclairer la nation sur le résultat de ces conférences en faisant un rapport à
la chambre. L’Angleterre avait aussi envoyé à la même époque des commissaires à
Paris, et vous savez qu’elle a publié le rapport remarquable que lui avaient
adressé MM. Villiers et Bowring.
C’était encore une mesure indispensable que celle de consulter
préalablement les chambres de commerce, afin d’éviter les erreurs les plus
grossières. L’honorable M. Dumortier vous a démontré avec quelle légèreté on a
établi les droits pour l’article bonneterie ; eh bien, je dirai qu’à la lecture
de ce projet il m’a semblé qu’il avait été rédigé dans les antichambres
ministérielles et que j’en ai souffert pour les ministres patriotes qui nous
l’ont présenté. Voyez plutôt :
Les draps et casimirs sont imposés, terme moyen, à 5 p. c. de la valeur,
et l’on vous demande le même droit sur les mêmes articles de provenance
française.
Les draps et casimirs français jouissent d’une prime de sortie de 10 p.
c. que l’on peut élever par de fausses déclarations jusqu’à 15 p. c., ainsi que
le fait a été constaté officiellement.
D’autre part, il est reconnu que la différence de prix que paient les
fabricants français sur les matières premières et la main-d’œuvre s’élève tout au
plus à 5 p. c. ; reste donc une prime de 10 p. c. pour acquitter un droit de 5
p. c. Et voilà comment, selon M. Smits, on a substitué aux prohibitions des
droits protecteurs plus élevés que les anciens, afin de garantir l’industrie
nationale contre une nouvelle concurrence qui, sans les précautions
nécessaires, pourrait lui être nuisible. Je rapporte ses propres expressions.
Quelle dérision !
C’est toujours le même système. On invoque l’amitié, le bon voisinage,
la justice, le droit commun ;
Sans doute la nationalité belge a d’immenses obligations à
L’honorable M. Smits se révolte des exceptions qui ont été introduites
dans notre tarif contre les produits français, et tout serait au mieux si on
les avait appliquées aux produits des autres nations.
Et voilà cependant les hommes qui se vantent d’entrer franchement dans
la voie libérale. Si les mesures exceptionnelles étaient applicables à tous les
pays, ils n’auraient pas d’objection à faire. Je ne partage pas cette manière
de voir ; si l’on porte la hache dans les prohibitions, elles doivent être
remplacées par des droits protecteurs, mais modérés, afin qu’on ne suit pas
tenté de les éluder.
Il n’est pas exact de dire que le tarif français est général et qu’il
n’établit pas d’exceptions. Vous n’avez qu’à l’ouvrir, et vous trouverez, au
contraire, que ses dispositions favorisent tantôt un pays, tantôt un autre,
mais toujours dans un intérêt purement français. Restriction des bureaux
d’entrée pour telles et telles marchandises et provenances ; tonnage des
navires a certaines importations et pour certains ports ; distinction de
provenances ; entraves apportées au transit ; ce sont bien là des exceptions
qui affectent différemment chaque pays, et c’est
N’avez-vous pas admiré avec quelle heureuse logique l’orateur à qui je
réponds vous a fait envisager la conduite de
D’ailleurs je dois répéter que les mesures exceptionnelles dirigées
contre
Mais, dit l’honorable M. Smits, elle nous a fait des concessions, et il
s’empresse de vous en donner le tableau pompeux et détaillé. Je me trompe ;
car, après avoir tout énuméré, il s’impose une prudente réserve que nous devons
comprendre, dit-il.
J’ai bien compris qu’il défendait avec chaleur les modifications faites
au tarif français ; j’ai bien compris qu’il était en opposition de vue avec la
majeure partie de nos chambres de commerce ; j’ai bien compris que le
gouvernement s’était engagé, je ne sais par quel intermédiaire, à retirer les
mesures exceptionnelles contre
A notre tour, jetons un coup d’œil rapide sur ces prétendues concessions
qui doivent favoriser à un si haut degré nos relations commerciales avec
Les dernières ordonnances françaises ont diminué les droits d’entrée sur
la fonte de 9 fr. à 7 ; sur la fonte mazée, de 15 à 12, et 25 p. c. sur le fer
en barres.
Ces réductions sont trop faibles pour augmenter nos exportations vers
Il en est de même du fer travaillé au bois, qui ne peut entrer en France
sous l’empire de ces ordonnances.
La chambre de commerce de Bruxelles reconnaît que le système des zones a
détruit les avantages qui existaient pour les houillères belges, et que c’est
surtout l’Angleterre qui en profitera.
Il est aussi démontré que
Deux ministres se sont évertués à vouloir vous prouver que la houille
n’est pas une matière première, et qu’avant de livrer ce combustible au
commerce, il a reçu une main-d’œuvre considérable. J’admets que le charbon ne
sort pas tout seul de terre et qu’il faut l’en extraire. Mais vous ne voulez
pas sans doute l’assimiler à un produit manufacturé ni sous le rapport de la
transformation, ni sous le rapport des frais de manipulation ; cette
comparaison serait ridicule. En économie politique et dans les manufactures on
appelle matières premières ou produits bruts ceux qui ont reçu peu de façons et
ceux qui doivent être travaillés de nouveau avant d’être livrés à la consommation.
Les modifications apportées au tarif pour les toiles sont plutôt
nuisibles qu’utiles. Il n’y a que déclassement, plus augmentation d’entraves
contre lesquelles le commerce même de Lille est en réclamation.
Les tulles écrus restent prohibés, Les tulles à dentelles seulement
peuvent entrer, et cette mesure est prise forcément contre la fraude qui était
très facile.
Les Luxembourgeois vous disent que
Le droit reste prohibitif sur le cuivre et le laiton.
Le zinc est un objet de première nécessité pour
On a fait observer avec raison que les peaux brutes servent de matière
première à beaucoup d’industries, et que
Pour couper court, je vais vous lire le résumé de la chambre de commerce
de Bruxelles, et j’ai remarqué que l’opinion de cette chambre était toujours
impartiale :
« En résumé, demande-t-elle, que fait
A propos de réciprocité, l’honorable M. Smits s’est amusé en la
comparant à un échiquier. Je ne sais pas, messieurs, qui vous a parlé, dans un
sens absolu, de la réciprocité pour les produits similaires ; mais il est
toujours facile de fronder une opinion lorsqu’on la torture.
Quant à moi, je n’entends pas par réciprocité des concessions d’articles
à articles, mais bien une réciprocité de système comme vous l’a expliqué
l’honorable M. Desmaisières ; c’est-à-dire que je conçois qu’on peut
raisonnablement demander à
Les ministres et plusieurs orateurs se sont beaucoup prévalus, pour
appuyer le projet, de la différence des exportations sur les importations dans
notre commerce avec
Nous fournissons à
Si votre sollicitude est si grande pour
Pour apprécier les avantages que nous retirons de nos relations avec
Nous fournissons à
Elle nous fournit : vins, 5,000,000 ; étoffes de soie, 7,000.000 ;
toiles imprimées, 3,500,000 ; articles de Paris, 5,000,000.
Ces chiffres sont pris du tableau statistique du commerce français en
1835.
D’après ces données, vous voyez que nous ne fournissons principalement à
L’on propose de supprimer les prohibitions et de les remplacer par des
droits équivalents. Je vous dirai que les droits prohibitifs n’atteignent pas
le même résultat que la prohibition, parce que la fraude est un commerce qui
répugne à la majeure partie des négociants. Elle ne peut d’ailleurs s’étendre
sur les produits manufactures, les marchandises étant presque toujours
volumineuses et encombrantes. Voici ce que disait la chambre de commerce de
Lille à ce sujet : « Si la prohibition est l’arme la plus puissante,
pourquoi la déposer alors que nos voisins la tiennent levée sur nos têtes
? »
En définitive, messieurs, toute la question est de savoir s’il y a
nécessité et avantage pour
Je dis qu’il n’y a pas nécessité, car notre tarif de douanes est deux
fois plus libéral que celui de
Les avantages que procurent à
Je ne prétends pas que les
prohibitions et les droits élevés qui restent encore dans notre tarif soient
perpétuels, mais nous avons déclaré plusieurs fois que nous n’effacerions ces
taches qu’avec circonspection, et le moment est très inopportun.
Les manufacturiers sont très alarmés parce que le gouvernement n’a
encore rien fait pour eux et que sa sollicitude se porte principalement vers
l’industrie agricole.
Vous avez proclamé le principe prohibitif dans votre loi sur les
céréales et des droits restrictifs dans celle sur le bétail. La loi sur les
distilleries a porté la démoralisation et presque l’abrutissement dans la
classe ouvrière. Tout conspire contre les manufactures, et je ne sais par
quelle justice distributive l’on brise ainsi l’équilibre sans compensation
aucune.
Cependant, songez, messieurs, que la force des Etats ne réside pas
seulement dans une grande population, mais surtout dans la richesse d’un pays.
L’industrie est un de plus puissants véhicule, pour augmenter l’une et l’autre,
et par conséquent le levier pour s’élever à une grande puissance politique.
Vous auriez donc grand tort de ne pas lui accorder toute votre protection.
M. Dechamps. - Messieurs, dans la
discussion qui nous occupe, il y a des questions bien distinctes que nous
devons soigneusement séparer et que plusieurs préopinants ont constamment
confondues. La première question est celle de savoir si nous maintiendrons à
l’égard de
Vous concevez que nous pouvons très bien admettre
Mais, pour atteindre ce résultat, pour unifier notre tarif de douanes,
il ne serait pas nécessaire d’apporter des changements bien remarquables au
tarif adopté par la section centrale.
En effet la section centrale admet
Il me paraît, messieurs, et ici je rencontre l’opinion de M. de
Brouckere, que nous pourrions, sans inconvénient, supprimer les prohibitions
absolues et les remplacer par des droits efficacement protecteurs. Il me paraît
même que les industriels qui sont ici en cause auraient tout à gagner dans ce
système. Je prends pour exemple l’industrie des draps dont M. Lardinois vient
de s’occuper si longuement. Comme cet honorable membre l’a avoué, ce n’est pas
autant par la crainte de nuire à l’industrie drapière qu’il s’oppose au tarif,
c’est plutôt comme mesure générale contre
Il n’a pas nié, il a même certifié que la concurrence que l’industrie
des draps a à craindre ne vient pas du côté de
Messieurs, je ne conçois pas véritablement l’ombre d’une bonne raison
pour nous déterminer à rester à l’égard de
On vous a parlé de balance commerciale, de réciprocité entre
D’abord que nos négociations commerciales doivent être dirigées vers
Pourquoi donc resterions-nous à l’égard de
Si vous refusez d’admettre
Veuillez remarquer que si
L’honorable M. de Brouckere a dit que c’était là une question
d’amour-propre : il y a ici autre chose et plus qu’une question d’amour-propre
; car si on admettait le système que je propose, on supprimerait les
prohibitions absolues, et
Mais il en serait ainsi, qu’il faudrait encore ne pas perdre de vue que
les questions d’amour-propre entre nations sont des questions d’honneur
national, et vous savez que les gouvernements ne passent pas légèrement sur ces
questions d’honneur national, et qu’il en résulte souvent des guerres dans la
sphère politique et des représailles dans la sphère commerciale.
L’honorable M. Desmaisières, dans une séance précédente, vous a dit :
« Si en apparence le tarif français ne s’adresse pas directement à
Je vous disais, messieurs, que le tarif français s’adresse aux autres
nations comme à
Si
Il est donc évident que
Qu’auriez-vous à répondre si elle venait dire : Vous ne consentez pas à
m’admettre dans le droit commun, vous ne voulez pas abolir des mesures
exceptionnelles prises contre moi ? Eh bien, pour répondre à cet acte, je ne
ferai qu’user d’une mesure d’équité à votre égard, je n’admettrai vos matières
premières que simplement en concurrence avec les matières premières semblables
provenant de l’Angleterre.
Faites attention, messieurs, qu’en agissant de cette manière
Et quels sont, messieurs, les motifs qu’on apporte pour ne pas égaliser
le tarif des douanes et le rendre applicable à
L’honorable M. Dumortier, dans une séance précédente, a fort bien prouvé
que ce mode de réciprocité n’est pas admissible ; mais cet honorable membre et
après lui l’honorable M. Lardinois ont commis une méprise analogue en soutenant
que la véritable réciprocité doit être basée sur le travail, et que par
conséquent il n’existe pas de réciprocité entre
Messieurs, la principale argumentation qu’on ait fait valoir pour
s’opposer à l’adoption du principe de l’égalisation de notre tarif, consiste à
dire que les modifications récemment introduites dans le tarif français n’ont
aucune valeur réelle pour nous. Messieurs, il ne faut pas exagérer, il faut
reconnaître de bonne foi que
Mais, messieurs, s’il est vrai que
« Ce projet, a dit la pétition (en partant du projet primitif) qui
laissait subsister la détermination numérique des droits, les adoucissait
néanmoins en faisant descendre d’un degré le premier fil de la première et
seconde classe. La commission de la chambre des députés avait conclu dans son
rapport à l’adoption du projet. Cependant, sur la demande d’un député tendante
à réduire d’un quart chaque quotité des droits, le projet fut renvoyé à la
commission pour un nouvel examen. Cette demande de réduction écartée, la
commission présenta le lendemain une combinaison plus compliquée, différant
essentiellement avec le projet dont elle avait proposé l’administration la
veille. Le changement subit introduit par la commission et adopté par les
chambres établissait le nouveau tarif suivant (c’est le tarif que vous
connaissez). Ce qui frappe d’abord dans la combinaison adoptée, c’est la
disproportion qui existe entre les 18, 19 et 20 fils ; les 18 fils devant payer
180 fr., les 19 fils devant payer 240 fr., les 20 fils devant payer 225 fr.
Rien ne semble pouvoir motiver pour les 19 fils ce droit de 240 fr., puisque le
chiffre de tous les autres droits sur la gradation de finesse de la toile, il
est très présumable que cette fixation disproportionnée n’a eu lieu que par
erreur. Un autre inconvénient bien plus grave, messieurs, se présente avec le
nouveau tarif ; son application, en raison des difficultés extrêmement
nombreuses qu’elle suscitera, pourra devenir tout à fait impraticable. La
nouvelle classification se compose de 11 catégories dont 7 n’admettent qu’un
fil seul. L’ancienne encore actuellement en vigueur, et le nouveau projet qui
avait été présenté par le gouvernement, réduisent les catégories au nombre de
6, et toutes comportaient plusieurs fils. Malgré ce nombre plus restreint des
diverses classes de toiles, les difficultés aujourd’hui sont déjà plus
fréquentes. »
Ainsi, messieurs, d’après ces passages de la pétition de Lille, il est
évident que la trop grande rigueur apportée à l’exécution de la loi provient
non seulement du mauvais vouloir des douaniers et de l’administration, mais
encore du système qui a été adopté de faire plusieurs catégories ne comprenant
chacune qu’un seul fil ; cela rend la loi inexécutable.
Mais, messieurs, pour en revenir à mon point de départ, la question du
plus ou moins grand avantage résultant des modifications introduites dans le
tarif français ne touche en rien au principe général : d’admettre
Je vous avoue, messieurs, que le système des mesures exceptionnelles me
paraît extrêmement mauvais et préjudiciable à l’industrie générale de
Veuillez remarquer, par exemple, que les Etats-Unis frappent d’un droit
additionnel de 10 p. c. tous les produits belges introduits par navires belges,
et cela par mesure de représailles contre le léger droit différentiel qui
existe chez nous ; remarquez que ce droit additionnel de 10 p. c. qui frappe
sur nos produits manufacturés est d’une bien plus haute importance que le droit
différentiel que nous percevons sur les matières premières que nous importons
des Etats-Unis ; il me paraît que la marine marchande est ici tout à fait hors
de cause ; car si, dans l’état actuel des choses, les navires nationaux gagnent
au droit différentiel qui existe chez nous, d’un autre côté ils perdent 10 p.
c. par la mesure de représailles qui a été prise aux Etats-Unis.
Si donc l’on pouvait abolir en même temps les droits différentiels
établis de part et d’autre, notre marine marchande resterait dans la même
position où elle est, et il en résulterait que nous aurions fait un pas immense
dans la voie de nos relations commerciales ; car, si je suis bien informé, ce
qui empêche les Etats-Unis de diminuer les droits de 20 à 40 p. c. qui frappent
nos produits, et celui de 10 p. c. additionnels, c’est que nous nous entêtons à
maintenir le léger droit différentiel sur les navires de cette nation. A moins
qu’on ne me réponde par des objections solides je me propose, à la fin de cette
loi qui traite de mesures exceptionnelles, de faire la proposition dont j’ai
parlé tout à l’heure.
Je me résume, messieurs : je pense que nous pouvons admettre
Lorsque la discussion générale sera close, et avant qu’on entame la
discussion des articles, je proposerai à la chambre de voter sur cette question
toute préalable et que je formulerai en ces termes :
« Maintiendrons-nous exceptionnellement à l’égard de
Si la chambre abolit ces mesures exceptionnelles, elle pourra toujours,
comme je viens de le dire, fixer son tarif à tel taux qu’il conviendra de
déterminer pour le plus grand avantage de notre industrie nationale.
- La séance est levée à 4 heures et demie.