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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 janvier 1837

(Moniteur belge n°19, du 19 janvier 1837 et Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1837)

(Moniteur belge n°19, du 19 janvier 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen procède à l’appel nominal à 1 heure.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sauniers adressent des observations sur le projet de loi relatif au sel. »

- Cette pétition est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur le sel.


« Le conseil de régence de la ville de Maeseyck demande la construction d’une digue qui arrête les envahissements de la Meuse et préserve le hameau d’Aldeneyck d’une ruine complète. »


« Les membres du conseil général d’administration des hospices et secours de la ville de Louvain, demandent l’abrogation de la loi du 13 brumaire an VII relative au timbre. »


« Le sieur J.-B. Lefort, maître de forges à Beaufort, adresse des observations contre la proposition de M. Berger sur la sortie du minerai de fer par la frontière prussienne. »


« Le sieur Vandael, chevalier de la légion d’honneur, à Mons, demande que la chambre alloue une somme au budget pour payer le traitement des légionnaires. »


« La dame Anne-Catherine Peeters, boutiquière, à Anvers, demande la radiation d’inscriptions prises au profit du trésor pour assurer le fermage d’une barrière sur la route d’Anvers à Boom, fermage qui a été régulièrement soldé et acquitté. »


« Le sieur J.-C. Flechet, bourgmestre à Bombaye (Liège), demande une disposition qui institue des inspecteurs voyers dans toutes les provinces du royaume. »


« M. L. Van Mons, colonel d’artillerie fait hommage à la chambre d’un exemplaire d’un ouvrage sur l’art militaire. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« MM. J. Kicks, Laisné, E. Tandel, T.-J.-C. Smolders, nommés membres suppléants des jurys d’examen, remercient la chambre par lettres.


M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères adresse à la chambre 104 exemplaires : 1° de l’annuaire de l’observatoire de Bruxelles pour 1837 ; 2° du tableau général du commerce de la Belgique avec les pays étrangers, pendant les années 1831, 1832, 1833 et 1834.


Le sénat annonce qu’il a adopté les projets de loi concernant :

- le contingent de l’armée ;

- les crédits provisoires (pour le service des départements de l’intérieur, de la guerre, des finances et de la justice, et pour l’intérêt et l’amortissement de l’emprunt des 30 millions) ;

- le budget des voies et moyens ;

- les primes pour constructions navales ;

- la surveillance des condamnés libérés ;

- les crimes et délits commis par des Belges à l’étranger.

Projet de loi, amendé par le sénat, relatif au droit d’entrée, de sortie et de transit des os

Le sénat renvoie amendé le projet de loi relatif à la sortie sur les os.

- La chambre décide que ce projet sera renvoyé à la commission d’industrie, à laquelle les deux pétitions suivantes seront également renvoyées.

Pièces adressées à la chambre

« La dame veuve Frans-Impens, à Gand, adresse des observations contre le projet sur la sortie des os, amendé par le sénat. »


« Des marchands et colporteurs en os, de Roulers, réclament contre l’élévation du droit de sortie sur les os, adopté par le sénat. »

Projet de loi sur le duel

Transmission par le sénat

Le sénat transmet à la chambre le projet de loi qu’il a adopté dans la séance du 30 décembre dernier, relativement au duel.

- La chambre décide que ce projet sera renvoyé aux sections.

Pièces adressées à la chambre

M. Troye informe qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances de la chambre.


Sur la proposition de M. Scheyven, la pétition du conseil de régence de Maeseyck est renvoyée à la section centrale, chargée de l’examen du budget de l’intérieur.

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Motion d'ordre

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, j’ai eu l’honneur d’adresser à la chambre les rapports des diverses chambres de commerce sur le projet de loi relatif aux douanes ; vu l’importance de la matière, je prie la chambre de vouloir bien s’occuper en sections de l’examen de ce projet de loi le plus tôt possible.

M. Desmet. - Je demande que la lettre qui a été adressée par le département de l’intérieur nous soit également communiquée.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Cette lettre sera communiquée demain ou après-demain au plus tard.

- La chambre décide que le projet des modifications au tarif des douanes sera mis à l’ordre du jour dans les sections, et qu’il aura la priorité sur le projet concernant la comptabilité.

Projet de loi modifiant la loi sur les distilleries

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je viens déposer sur le bureau de la chambre un projet, amendant ceux qui ont été présentés sur les distilleries par le gouvernement et par la commission, qui récemment vous a soumis son travail.

Le rapport de la commission a fait, de ma part, l’objet d’un mûr examen ; et j’ai pensé que les dispositions que j’ai l’honneur de vous soumettre en ce moment nous mettront à même de nous entendre plus facilement sur cette grave question, et d’atteindre plus promptement le but qui est si ardemment désiré par tout le monde dans le pays.

L’examen du nouveau projet n’exigera pas beaucoup de temps ; car, sous deux ou trois rapports importants, je me suis rapproché du travail de la commission ; c’est ainsi, par exemple, que je propose de ne plus imposer la colonne distillatoire et les alambics.

La seule modification peut-être qui rencontrera de l’opposition de la part de la commission, est celle qui consiste à élever à 40 centimes le droit par hectolitre de matière macérée et fermentée.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet qui sera imprimé et distribué.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande que le projet soit renvoyé à la commission des distilleries.

M. Desmet. - Messieurs, il y a quelque chose qui se passe d’incompréhensible en ce moment et qui certainement est contre les convenances et usages parlementaires. La chambre est saisie d’un projet de loi sur les distilleries, qui lui a été présenté par une commission spéciale, que vous avez chargée de s’occuper de ce projet quand, dans la dernière session, le ministre des finances avait, dans le budget des recettes, inséré quelques paragraphes qui détruisaient totalement la législation actuelle de l’accise sur les distilleries.

Votre commission spéciale, pour s’acquitter du mandat que vous lui aviez confié, n’a rien épargné pour le faire avec bonheur et s’est entourée de toutes les lumières qu’elle a pu se procurer pour éclaircir une question aussi grave et prévenir que le pays retombât dans une législation fiscale que les Hollandais avaient uniquement inventée pour détruire entièrement nos distilleries et laisser à eux seuls le monopole de la distillation des eaux-de-vie de grain.

Elle a d’abord procédé à une enquête sur le nouveau projet de loi que le ministre avait formulé dans les paragraphes intercalés dans les voies et moyens et aussi pour s’enquérir si la loi actuelle ne réclamait point des changements ; pour procéder à cette intéressante enquête, elle a fait un appel aux principaux distillateurs de toutes les parties de la Belgique qui ont répondu avec empressement, et nous devons dire qu’elle a infiniment contribué à éclaircir tous les points en contestation sur la législation de l’accise sur les alcools ; dans le rapport que votre commission a eu de vous présenter, vous trouverez très en détail les résultats de cette enquête.

Ensuite, votre commission s’est occupée à compulser tous les procès-verbaux des contraventions qui avaient en lieu à la loi actuelle depuis son existence, afin de pouvoir jeter un jour sur les lacunes de la loi et chercher où des corrections étaient nécessaires pour rendre plus claires et plus précises ses dispositions et prévenir que désormais les tribunaux ne jugeassent plus contre son véritable esprit et son économie.

Ce travail fait, elle a invité M. le ministre des finances à se rendre dans son sein afin de s’entendre avec elle et délibérer sur les modifications qu’elle croirait utiles à faire à la loi actuelle ; M. le ministre n’a pas trouvé bon de se rendre à cette invitation ; alors quelques membres de votre commission ont trouvé utile, dans les intérêts du bien-être général, de se rendre eux-mêmes dans le cabinet du ministre, afin de lui donner part du travail de la commission et lui demander ses observations.

Mais M. le ministre a répondu à nos instances qu’il n’était d’aucune utilité de discuter l’objet, puisqu’il était informé que la commission avait repoussé son projet, qu’alors il était en désaccord sur le système, il n’était d’aucune utilité de nous communiquer ses observations sur l’économie des modifications que nous présentions à la loi actuelle ; qu’il aurait présenté derechef son système d’imposer les vaisseaux à distiller à la délibération de la chambre, qui aurait fixé celui des deux qu’elle aurait préféré.

Sur quoi votre commission a continué son rapport, et elle s’est arrêtée à la rédaction des nouvelles dispositions qu’elle vous a soumises pour modifier la loi actuelle et la rendre aussi parfaite que possible et pouvoir prévenir les fraudes, comme les fiscalités, et assurer au trésor la perception de tous les droits que l’accise doit produire.

Et après l’achèvement d’un travail aussi laborieux, et particulièrement de la part de l’honorable rapporteur de la commission, qui n’en a épargné aucun pour rendre son rapport complet et n’y laisser aucune lacune, on vient vous présenter inopinément un autre projet de loi. Je le répète, c’est inconvenant et tout à fait contre les usages de la chambre. Certainement que cette étrange manière de procéder n’y a jamais eu lieu, et je dois le dire, elle est plus ou moins injurieuse pour la commission. Je ne ferai, à cet égard, aucune proposition mais je laisse la chambre juge du procédé, peu délicat, du ministre. Et je ne puis terminer sans faire remarquer à la chambre, comme au pays, que la guerre que le ministre actuel des finances fait à la législation actuelle des distilleries est une guerre peu loyale, car il a fait toujours par surprise ; dans la session dernière, il voulait jeter derechef les distilleries dans l’esclavage et dans le régime hollandais, par quelques paragraphes cachés dans un projet de voies et moyens, et aujourd’hui, quand la chambre est saisie d’un projet ordonné par elle et dont la discussion est à l’ordre du jour, il vous présente un autre projet. Dieu sait si le ministre n’en a pas un de réserve dans son portefeuille pour venir nous surprendre, si celui d’aujourd’hui est rejeté, comme je l’espère, car d’après le peu de mots que j’en ai compris, il est aussi vicieux que le premier, qui était une véritable monstruosité en fait d’impôt d’accise sur une branche d’industrie, et une véritable école en fait d’administration et qui ne pouvait servir qu’à annuler toutes nos distilleries, et servir ainsi Guillaume et les Hollandais. Aujourd’hui, par l’émancipation de nos distilleries et la modicité des droits, nos distillateurs envoient de leurs produits en Hollande ; et si malheureusement le dilemme du ministre devait être mis à exécution, vous verriez de suite le contraire, vous verriez derechef entrer chez nous le genièvre étranger et particulièrement le genièvre hollandais. Je dis donc hautement que toutes les démarches que fait le ministre actuel des finances et pour lesquelles il fait tant d’efforts, ne peuvent tendre qu’à servir la cause de Guillaume et faire prospérer les distilleries hollandaises au détriment des nôtres.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’anticiperai pas sur la discussion du fond de la loi des distilleries, comme vient de le faire le préopinant ; je me bornerai à repousser par quelques mots la critique élevée sur la marche que j’ai suivie en cette circonstance dans la présentation de mes propositions.

J’aurais pu me dispenser de saisir la chambre d’un nouveau projet, et me contenter, pendant la discussion du projet primitif, de proposer successivement les amendements que j’aurais jugés nécessaires ; mais j’ai cru qu’il convenait, dans l’intérêt de la discussion, de présenter ces divers amendements dès à présent, réunis sous forme de projet.

Loin donc de critiquer ce mode, il me semble qu’on devrait y applaudir, puisqu’on aura le temps d’examiner à l’avance les amendements que j’aurais eu le droit de présenter seulement dans le courant de la discussion.

L’honorable M. Desmet a dit que je me serais refusé à me rendre dans le sein de la commission des distilleries. Effectivement, messieurs, je ne m’y suis pas rendu ; mais en voici le motif. Le rapport de la commission était déjà déposé sur le bureau de la chambre lorsque la commission a désiré m’entendre ; dès lors, il ne convenait pas que j’allasse discuter pour la forme un projet dont la chambre était saisie, et auquel par conséquent la discussion à laquelle nous nous serions livrés ne pouvait plus amener aucune modification.

M. Desmet. - M. le ministre des finances vient de dire que déjà le rapport était déposé quand on l’avait invité à se rendre dans le sein de la commission. Le fait n’est pas exact ; quand on l’a appelé dans la commission, le rapport n’était pas fait, ainsi on aurait pu tenir compte de ses observations.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre des finances de renvoyer le projet qu’il vient de déposer à la commission qui a été chargée d’examiner le projet primitif sur tes distilleries.

M. de Brouckere. - On ne peut pas faire autre chose. M. le ministre a dit que ce projet devait être considéré comme une suite d’amendements au projet primitif ; ainsi il est indispensable de renvoyer à la commission qui a examiné le projet le nouveau projet présenté.

- La chambre consultée renvoie le projet qui vient d’être déposé à la commission qui a examiné le projet primitif sur les distilleries, et décide que cette commission sera invitée à faire un prompt rapport.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Mons

M. B. Dubus. - Messieurs, la commission de vérification de pouvoir m’a chargé de vous présenter son rapport sur l’élection d’un membre de cette chambre qui a eu lieu à Mons, le 19 décembre 1836.

Le nombre total des électeurs qui se sont présentés pour exercer leur droit électoral, était de 530, divisés en 5 bureaux. La majorité absolue était de 266. Les votes se sont répartis de la manière suivante :

MM. Colmant, avocat à la cour d’appel de Bruxelles, a obtenu 142 suffrages.

Hubert Dolez, avocat à la cour de cassation, 241 suffrages.

Hauzeur de Ceply, 51 suffrages.

Louis Joly, avocat à Mons, 51 suffrages.

Vandael, médecin, 7.

L. Joly, avocat, 1.

Mathieu, notaire à Mons, 1.

Le baron Théodore Tahon de la Motte, 2.

Joly, avocat, 1.

Coquelle, dit Magnifique, 1.

Jean-Baptiste Pierart, 1.

Louis Joly, 1.

Goblet, curé, 2.

Bulletins blancs, 3.

Total, 530.

Personne n’ayant réuni la majorité absolue des suffrages, il a été procédé à un scrutin de ballottage qui a constaté la présence de 488 électeurs : majorité absolue 245.

M. Hubert Dolez a obtenu 279 suffrages.

M. Colmant, 205 ;

M. Paternostre, 1 ;

M. Joly, avocat, 1 ;

Billets blancs, 2.

Total, 488

M. Hubert Dolez, ayant obtenu plus que la majorité absolue des suffrages, a été proclamé membre de la chambre des représentants. Votre commission, messieurs, s’est assurée qu’aucune réclamation n’a été faite contre cette élection ; elle s’est assurée, en outre, que toutes les formalités requises par la loi électorale ont été remplies. Le tout est constaté par le procès-verbal d’élection.

En conséquence elle a l’honneur de vous proposer l’admission de M. Hubert Dolez comme membre de la chambre des représentants.

M. le président. - Personne ne demandant la parole, les conclusions de la commission sont adoptées.

En conséquence, M. Hubert Dolez est nommé membre de la chambre des représentants ; il sera admis à la prestation de serment prescrite par la loi, quand il sera présent.


M. de Brouckere. - Je crois que la même commission était chargée de vérifier les pouvoirs du député nommé par l’arrondissement de Maestricht.

M. Jadot. - La commission a trouvé jointes au dossier des pièces relatives à l’élection du district de Maestricht, trois pétitions adressées à la chambre, dans lesquelles on signale des faits qui lui ont paru mériter d’être éclaircis ; en conséquence, elle a envoyé le tout à M. le ministre de l’intérieur, en lui demandant sur ces faits les renseignements qui lui sont nécessaires pour remplir la mission qu’elle a reçue de la chambre. Elle fera son rapport quand elle aura reçu ces renseignements.

Projet de loi qui ouvre un crédit au département de l’intérieur pour l’achat de la bibliothèque de feu M. van Hulthem

Rapport de la commission

M. le président. - M. Liedts a la parole pour présenter le rapport de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’acquisition de la bibliothèque Van Hulthem.

M. Liedts se dirige vers la tribune.

Un grand nombre de membres. - L’impression ! l’impression !

M. le président. - Le rapport qui vient d’être déposé sera imprimé et distribué aux membres de la chambre.

M. Liedts. - M. le ministre de l’intérieur, qui n’est pas présent, m’a dit qu’il demanderait à la chambre de fixer la discussion du rapport que je viens de déposer dès qu’il aurait pu être distribué. Il pourra l’être demain ; si M. le ministre croit la discussion urgente, il demandera qu’on la mette à l’ordre du jour d’une de nos prochaines séances.

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur n’étant pas présent, le jour de la discussion du rapport qui vient d’être déposé sera ultérieurement fixé.

Projet de loi qui modifie l’impôt sur les chevaux

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale n’a pas été terminée hier ; M. Eloy de Burdinne a présenté des amendements qui sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Il ne sera payé en principal que 15 fr. par cheval servant à l’attelage des voitures suspendues sur ressorts ou soupentes, mais employé principalement, et dans l’exercice de leurs fonctions, par les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, fabricants, notaires, commis-voyageurs et cultivateurs, dont la culture est de cinq hectares de terre par chaque cheval qu’il tient. »

« Art. 2 (nouveau). Il ne sera payé que 5 fr. par cheval servant à la selle, employé principalement et dans l’exercice de leur profession, par les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, fabricants, notaires, commis-voyageurs et cultivateurs. »

« Art. 3. (C’est l’art. 2 du projet du gouvernement ou de la commission.) »

« Art. 4. (Art. 3 du projet du gouvernement modifié.) Toutefois les commis-voyageurs et les gardes civiques ne pourront jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes dispositions.

« Tous autres chevaux tenus par eux et servant aux mêmes usages seront imposés comme chevaux de luxe. »

« Art. 5. (C’est l’art. 4 du projet du gouvernement.) »

M. Seron a fait une proposition qui est ainsi conçue :

« 1° Un impôt de répartition qui se composera d’une cote personnelle et d’une cote mobilière ; 2° un impôt sur les portes et fenêtres ; 3° un impôt sur les voitures suspendues et sur tout cheval de luxe employé comme mouture ; 4° enfin, un impôt sur les domestiques de luxe. »

M. Vandenbossche. - Messieurs, j’approuve qu’on apporte des modifications à la sixième base de l’impôt personnel ; j’aurais désiré les voir étendre à d’autres bases, et même qu’on nous eût présenté une loi toute nouvelle sur cet impôt.

Mais je trouve que le projet est par trop rigoureux pour le cultivateur et pour le fabricant.

D’après l’article 1er un cultivateur qui se servirait une fois par an d’un de ses chevaux de labour à la selle, serait tenu à la taxe de 15 francs, et s’il se sert ainsi alternativement de tous ses chevaux de labour, il serait tenu à la taxe pour tous et chacun. D’après l’article 3 de la commission, tous, excepté un, se trouveraient imposés comme chevaux de luxe. Telle n’est sans doute pas, telle ne peut être l’intention de la chambre.

Un cultivateur, qui élève communément aussi des chevaux, a un intérêt de les monter parfois afin de les dresser un peu, pour pouvoir mieux les vendre ; mais comment les dresse-t-il ? Il ne peut pas s’en faire une occupation spéciale ; lorsque ses affaires l’appellent quelque part, il monte le cheval, et ainsi il lui fait connaître la bride et le dresse. Quels sont d’ailleurs, parmi ceux suffisamment dressés pour lui, les chevaux de labour qu’il emploie à la selle ? Des chevaux qui, quoique bien sellés, fatiguent communément davantage le cavalier que s’il marchait à pied ; et quand monte-t-il un cheval ? quand les mauvais chemins ou le mauvais temps ne lui permettent pas d’aller à pied. Peut-on sérieusement interdire à un pareil cultivateur d’y mettre une selle, s’il veut éviter l’impôt ?

Il y a des cultivateurs qui ont des chevaux de monture, qu’ils attellent en même temps à la charrue ou à la herse, servant cependant principalement à la selle ; mais ces chevaux sont connus, on ne peut même pas s’y méprendre. Qu’on les soumette à la taxe, j’y souscris, et je ne trouve rien de plus convenable ; il y a des cultivateurs qui ont des voitures suspendues ; si c’est une voiture à un cheval, qu’on lui fasse payer la taxe pour un cheval ; si c’est une voiture à deux chevaux, qu’on lui fasse payer la taxe pour deux. Mais je pense qu’il doit avoir le droit d’y atteler alternativement tous ses chevaux ; les mêmes principes doivent s’appliquer aux fabricants qui ont plusieurs chevaux, principalement et habituellement employés dans l’exercice de leur profession.

Pour ces motifs j’ai l’honneur de proposer un amendement à l’article premier du gouvernement, et un article nouveau pour les chevaux de cultivateurs.

Les chevaux servant à la selle on à l’attelage des voitures suspendues sont, pour toutes les professions y dénommées, non seulement destinés pour leurs commodités, ils sont aussi nécessaires à leur état ; mais pour les médecins, les chirurgiens et les notaires des grandes villes, il n’y a point de nécessité, et pour ce même fait une exception pour ces professions dans les villes de plus de 20,000 habitants.

Je ne peux admettre l’amendement de M. Eloy de Burdinne, qui vent comprendre dans la règle les cultivateurs dont la culture est de cinq hectares de terre par cheval qu’il tient. Il y a beaucoup de cultivateurs dont la culture ne comporte pas cinq hectares, et qui ont un cheval ; dont la culture ne comporte pas 10 hectares, et qui ont deux chevaux, y exclusivement employés, et qui ne servent ni à la selle ni à l’attelage de voitures suspendues : dussent-ils y servir, ces chevaux seraient-ils des chevaux de luxe ou devraient-ils en supporter l’impôt ?

Je propose un deuxième article nouveau pour les particuliers qui ne tiennent point de cheval, mais qui ont une voiture suspendue, et qui empruntent un cheval de cultivateur, quand ils doivent se transporter quelque part, où ils ne peuvent pas aller commodément à pied ; parmi cette classe je connais des percepteurs de contribution, des curés et d’autres, dont la fortune ne permet pas de tenir un cheval.

On me dira peut-être ici que ces particuliers peuvent engager un cultivateur à déclarer un cheval à double usage, et lui en restituer le montant de la contribution ?

Mais ils ne peuvent pas toujours se procurer un cheval chez le même cultivateur ; ils doivent l’obtenir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, et ainsi ils devraient payer la taxe d’un cheval à tous les cultivateurs qui parfois se trouveraient assez complaisants pour leur prêter un cheval, ce qui ne serait pas juste, et n’est même guère possible : comme cela ils s’exposent aux amendes, et finissent ordinairement par ne rien payer,

M. Dechamps. - Avant de reprendre la discussion de la loi qui nous est soumise, il faudrait, ce me semble, prendre une décision à l’égard de la proposition de M. Seron, qui n’a pas un rapport direct avec cette loi ; il faudrait statuer sur la question de savoir si on enverra cette proposition à la commission d’industrie ou au ministre des finances, qui la transmettrait à la commission des finances.

Il me semble que cette question est préalable.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai aucune espèce d’intérêt à m’opposer à ce que la proposition de M. Seron soit renvoyée à une commission quelconque ; cependant je ferai remarquer qu’un semblable renvoi serait insolite et contraire à tous nos précédents. Si ma mémoire est fidèle, dans une circonstance semblable, une proposition analogue, tendant à renvoyer de simples indications d’un projet de loi à une commission, a été écartée par la chambre, qui a fait comprendre ainsi l’auteur de la proposition qu’il devait lui-même formuler en lois les bases qu’il posait pour qu’elles pussent être renvoyées à un examen ultérieur, comme toutes les propositions ordinaires.

On conçoit qu’il ne peut pas en être autrement ; la commission à laquelle on renverrait des éléments sommaires de cette nature pourrait n’en pas bien saisir la portée et le sens qui attache celui qui les aurait conçues, et par suite ne pas être en situation de produire un résultat.

Je pense donc qu’il n’y pas lieu de renvoyer la proposition de M. Seron, soit au ministre des finances, soit à une commission.

M. Dechamps. - L’honorable M. Seron a proposé un système nouveau de contribution personnelle dont il a indiqué les bases. Je ne m’oppose pas à ce qu’on renvoie cette proposition à la commission d’industrie pour la formuler en loi, mais comme les bases posées par l’honorable membre et les développements qu’il a présentés sont de nature à éclairer la commission chargée de la révision de la contribution personnelle, je demande qu’on renvoie la proposition de M. Seron avec les développements à M. le ministre des finances, qui se chargera de transmettre, comme renseignements, à la commission des finances, afin de l’éclairer dans le travail dont elle s’occupe et qu’elle nous présentera, je pense, dans le plus bref délai possible.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce n’est pas là ce que demande M. Seron.

M. Seron. - Effectivement, ce n’est pas là ce que je demande : ma proposition a pour objet, comme la commission des finances ne fait rien, d’avoir enfin une loi sur la contribution personnelle, de sortir de l’état de choses actuel, de la vieille routine. Comme je vous l’ai déjà dit, il ne s’agit pas de faire une loi nouvelle, mais uniquement de rétablir les lois françaises.

M. le ministre vous a dit qu’on ne pouvait pas renvoyer à une commission une simple indication de bases, parce qu’on ne comprendrait pas la portée de l’idée que j’attachais à ces bases. C’est une erreur, car si le renvoi à une commission était ordonné, je serais appelé dans le sein de cette commission avec voix consultative et je pourrais lui expliquer toute ma pensée.

Je ne sais pas pourquoi M. Dechamps nous a parlé de renvoi à la commission d’industrie ; je ne vois pas ce que ma proposition peut avoir de commun avec la commission d’industrie, je n’ai parlé que de la commission de finances. Si cette commission était surchargée de travail on pourrait nommer une commission spéciale.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit hier, je crois avoir suffisamment développé mes idées. Si on ne comprend pas combien il est urgent de changer la loi existante sur la matière, je retirerais mes observations.

M. le président. - La proposition de M. Seron se détachant du projet en discussion, M. Dechamps propose de prendre préalablement une décision sur cette proposition.

M. Gendebien. - Je crois que la proposition de l’honorable M. Dechamps est prématurée. Nous sommes dans la discussion générale d’un projet de loi qui porte sur une des bases de la contribution personnelle. Dans cette discussion générale, l’honorable M. Seron a proposé le changement total de la loi. Continuons la discussion générale. Il peut surgir d’autres propositions. Quand la discussion générale sera close, avant d’aborder la discussion des articles, nous statuerons sur ces propositions, et notamment sur celle de M. Seron.

M. le président. - C’est que personne ne demande la parole dans la discussion générale.

M. Gendebien. - Alors, que la discussion générale soit close, et que l’on décide sur la proposition de M. Seron.

- La chambre consultée prononce la clôture de la discussion générale.

La proposition de M. Dechamps, tendant à ce qu’il soit statué préalablement sur la proposition de M. Seron, est mise aux voix et adoptée.

M. Fallon. - Je dois m’opposer au renvoi de la proposition de M. Seron à la commission permanente des finances. Cette manière de procéder serait tout à fait contraire aux antécédents de la chambre.

M. Seron demande que sa proposition soit renvoyée à la commission des finances, pour obtenir d’elle un projet de loi. Si la chambre ordonne ce renvoi, elle préjuge la prise en considération. Nous n’en sommes pas à ce point-là. Avant de renvoyer une proposition à une commission, il faut que la chambre se soit prononcée sur l’utilité d’un projet de loi.

Si M. Seron se bornait à demander le renvoi de la proposition à la commission des finances pour qu’elle y ait tel égard que de droit, et qu’elle formule, si elle le croit convenable, un projet de loi, je le concevrais. Mais lorsqu’on demande le renvoi avec obligation pour la commission des finances de formuler un projet de loi, je ne comprends pas cette manière de procéder,

M. Seron. - On a dit que le renvoi proposé était sans exemple, mais il me semble qu’il y a quelques années on a institué une commission des mines chargée de réviser la loi du 21 avril 1810 et même de la refaire. Je ne vois pas plus de difficultés à charger une commission de la révision de la loi sur la contribution personnelle qu’à en charger une de la révision de la législation des mines.

M. F. de Mérode. - La proposition sur les mines est une proposition isolée. La question des mines ne se lie pas à d’autres lois ; c’est une question spéciale. Une question d’impôt est tout autre ; elle se lie au budget des vois et moyens et au budget des dépenses. Il n’y a pas de comparaison admissible entre la loi des mines et une loi qui change un système de contribution.

M. Fallon. - Pour opérer régulièrement, il faudrait mettre en question si la chambre est d’avis qu’il y a lieu de changer la loi sur le personnel, et s’il y a lieu de charger la commission des finances de proposer une loi dans ce but. Mais jusqu’à présent la chambre n’a pas décidé que la loi sur le personnel serait renversée. Donc il n’y a pas lieu de charger une commission de proposer un projet de loi pour remplacer la législation existante.

M. Verdussen. - La proposition de M. Seron a, selon moi, une plus grande portée qu’il ne semble au premier abord. Si la chambre l’adopte, elle décide que la loi sur le personnel est abolie, et doit être remplacée par un projet de loi que la commission des finances serait chargée de formuler. Une proposition de cette nature aurait dû suivre la filière ordinaire, et être renvoyée aux sections ; car peut-être y a-t-il moins d’inconvénient à laisser subsister le système établi depuis plusieurs années qu’à admettre une modification dont nous ne connaissons pas toute la portée. Je ne préjuge rien ; mais je crois qu’il est possible que tous les membres de la commission des finances à laquelle M. Seron propose de renvoyer le libellé de sa proposition n’abondent pas dans son sens. Dans ce cas, ils ne peuvent même pas déclarer qu’il n’y a pas lieu d’adopter sa proposition. La commission est dans l’obligation de formuler un projet de loi contraire à sa manière de voir. On ne contestera pas que tel est le résultat possible de l’adoption de la proposition de M. Seron. Je crois qu’il faudrait un plus mûr examen et qu’il est nécessaire que la proposition suive la filière des sections.

M. Desmet. - Je répondrai à l’honorable préopinant qu’on n’est pas habitué à la loi néerlandaise sur l’impôt personnel. Depuis le commencement de la révolution, les réclamations n’ont pas tari à ce sujet. La proposition de M. Seron tend à y faire droit. Je ne discuterai pas sur la forme de la proposition. J’appuie la proposition de M. Fallon. Que la chambre décide s’il y a lieu de modifier la loi sur le personnel. Je crois que cette proposition ne rencontre aucune opposition.

M. Gendebien. - Que le système d’impôt personnel et mobilier soit détestable, c’est ce que la chambre, c’est ce que personne n’oserait mettre en doute. Il fut l’objet des réclamations les plus vives et les mieux fondées sous l’ancien gouvernement, et de réclamations unanimes au congrès. Je ne crois pas qu’il soit convenable de mettre en doute si la loi doit être révisée. Je vais plus loin ; je dis que constitutionnellement, il y a chose jugée à cet égard, car l’article 139 de la constitution a formellement proclamé la nécessité d’une révision. Ainsi on ne peut mettre aux voix la question de savoir si l’on s’occupera de ce système, car la constitution a prononcé. Dès lors on ne peut repousser par une fin de non-recevoir toute proposition rentrant dans le texte et dans l’esprit de l’article 139 de la constitution.

On ne peut repousser, par conséquent, la proposition de l’honorable M. Seron par une fin de non-recevoir. Cependant je ne me dissimule pas que l’on peut différer d’opinion sur la manière de changer les bases de l’impôt personnel et mobilier ; on peut ne pas être d’accord sur l’adoption des quatre points proposés par M. Seron. Si M. Seron voulait que l’on décidât dès à présent l’adoption des quatre points qu’il a proposés, je ne pourrais appuyer sa demande ; mais il demande seulement, je crois, le renvoi à la commission des finances des quatre points qu’il a indiqués, à l’effet qu’elle élabore un projet de loi sur ces bases et telles autres bases qu’elle jugera à propos. C’est donc simplement une espèce de memorandum qu’il propose d’adresser à la commission des finances, et ce memorandum est conforme au texte et à l’esprit de la constitution.

Mais, dit-on, M. Seron doit proposer un projet de loi dans la forme ordinaire. Mais un projet de loi de finances ne s’improvise pas. Comment ! vous voulez que M. Seron travaille pendant 15 jours ou trois semaines à un projet de loi sans savoir s’il y a quelque chance qu’il soit adopté ! Ne vaut-il pas mieux que ce travail soit fait par une commission, qui représente toujours plus ou moins l’opinion de la chambre ? En matière d’impôt, plus qu’en toute autre matière, il faut avant tout adopter une base. Une fois cette base établie par la commission, elle s’occupera ensuite des moyens de perception et de la répression de la fraude, c’est-à-dire de nombreux articles qu’il serait fort pénible de concevoir et de rédiger sans être certain de l’adoption de la base de l’impôt.

Quant à l’objection faite par M. le ministre d’Etat, M. F. de Mérode, je n’en comprends pas bien la portée. Mon ami M. Seron a invoqué ce qui s’est fait au sujet des mines. On a nommé, vous a-t-il dit, une commission à l’effet de réviser la législature des mines et de proposer une loi nouvelle sans même qu’on ait indiqué des bases. M. Seron a fort judicieusement invoqué ce précédent. M. F. de Mérode dit qu’il y a une grande différence entre la loi des mines et une loi sur la contribution personnelle et mobilière. La loi des mines n’a, dit-il, aucun rapport avec le budget tandis que la loi du personnel fait partie du budget des voies et moyens. Mais ce n’est pas là répondre. S’il s’agissait d’arrêter ou de modifier l’effet du budget des voies et moyens que vous avez adopté pour l’année 1837, l’observation de M. F. de Mérode serait fondée ; mais quand on parviendrait à faire une nouvelle loi avant la fin de 1837, elle n’aurait d’effet que sur le budget des voies et moyens de 1838. Ainsi la proposition de mon ami M. Seron n’a aucun rapport avec le budget, en ce sens qu’elle puisse en déranger en aucune façon l’économie.

D’ailleurs, les mines ont aussi rapport au budget des voies et moyens, puisqu’à ce budget il y a un article consacré au produit des mines. Mais je fais abstraction de cette observation qui peut être contestée, et je m’arrête à la première.

Quant à l’objection qui a été faite par M. Verdussen, je ne puis admettre que le vote de la chambre entraîne nécessairement un préjugé en faveur de la question de savoir si l’on abandonnera l’ancien système de contribution ou si on ne l’abandonnera pas ; le renvoi ne préjugera rien dans le sens que je l’entends et le propose ; la commission pourra adopter les propositions de M. Seron, elle pourra présenter au contraire un projet tendant à renforcer les bases du système actuel ; la commission ne sera gênée en rien, elle restera en pleine puissance de proposer tout ce qu’elle voudra. Seulement elle apprendra, par le renvoi à son examen de la proposition de M. Seron, que la chambre n’a pas oublié les prescriptions et les volontés constitutionnelles du congrès.

Quant à l’espèce de regret que l’honorable M. Verdussen a paru manifester relativement aux changements que l’on pourrait apporter à la loi actuelle ou à son abandon, attendu que l’habitude l’a fait passer dans les mœurs des populations, je témoignerai à mon tour des regrets de voir un homme qui juge ordinairement si bien des choses, se tromper aussi gravement dans cette circonstance ; car jamais loi, avant et depuis la révolution, n’a été si amèrement et si justement attaquée que celle dont on propose le remplacement. J’aime à croire que ses intentions n’ont pas pour but de conserver des abus funestes ; je pense que si nous ne voulons pas renvoyer aux calendes grecques l’exécution des prescriptions du congrès, il faut adopter la proposition de M. Seron, proposition, je le répète, qui ne préjuge rien.

S’il fallait discuter la question à fond aujourd’hui, je déclare que je serais le premier à reculer devant la difficulté d’improviser de nouvelles bases d’impôt ; j’appuie la demande de renvoi de la proposition à la commission des finances, sans rien préjuger.

(Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1837) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Seron demande purement et simplement que l’on charge une commission de préparer un projet ayant pour but de remplacer l’impôt de quotité sur le personnel par un impôt de répartition ; mais comment pourrait-on charger une commission de semblable quand on ne sait pas si un tel changement est dans la pensée de la majorité de la chambre ?

Qui nous garantit que nous ne porterons pas le trouble dans nos campagnes et dans nos cités, si nous adoptons le principe de la répartition ? Est-il démontré que l’impôt de quotité qui existe n’a pas de grands avantages sur l’impôt de répartition ? C’est au moins ce qu’il faudrait examiner. Mais le moment n’est pas venu de le faire ; sans cela je demanderais si l’on serait très certain de trouver partout des personnes qui voulussent se charger de l’odieux d’une répartition d’impôt sur leurs cohabitants ?

On dit que l’impôt personnel actuel est détestable, est intolérable, et qu’il n’a cessé d’exciter de vives réclamations ; je pense qu’il n’en est pas ainsi : avant 1830, cet impôt était en effet l’objet d’amères critiques ; mais, depuis la révolution, comme on l’a appliqué d’une manière tout à fait modérée, les réclamations ont cessé. On a d’ailleurs introduit, en 1832, par la loi des voies et moyens, une modification importante, en donnant la faculté aux contribuables d’éviter toute recherche des agents du fisc en s’imposant eux-mêmes, comme l’année précédente, lorsqu’ils ne trouvent pas leur quotité trop élevée,

Au lieu de retarder l’examen de la loi qui est à l’ordre du jour, on devrait la hâter ; cette loi tend à modifier une des parties de l’impôt personnel, qui donne lieu au plus grand nombre de procès-verbaux ; par les dispositions que le gouvernement a proposées, on évitera ces procès-verbaux, ce qui sera une amélioration importante et souvent réclamée dans cette enceinte.

Messieurs, un projet complet sur la révision de la contribution personnelle a été élaboré au ministère des finances et soumis à l’examen de la commission de révision des impôts ; s’il ne vous a pas été présenté, c’est qu’on a reconnu que vous n’auriez pas le temps de le discuter ; vous êtes saisis de soixante projets de loi très importants, et vous ne pourrez pas en examiner la moitié dans cette session ; à quoi bon vous en présenter d’autres ?

On a donc tort d’attaquer si vivement l’absence d’un projet complet concernant la contribution personnelle ; quand le gouvernement verra qu’il y a moyen d’aborder convenablement la révision dont il s’agit, il ne demeurera pas en arrière.

Je répéterai une dernière considération, plutôt comme représentant que comme ministre, afin de vous engager à écarter la proposition de M. Seron : c’est que si elle était admise, demain et successivement on vous demanderait, et il faudrait bien l’admettre, par suite du précédent, que d’autres commissions changeassent, sur un plan donné, toutes nos autres lois financières ; or cela ne saurait se concilier avec la marche régulière de nos travaux.

M. Verdussen. - Messieurs, j’éprouve le besoin de répondre quelques mots à M. Gendebien, et je ne puis le faire mieux qu’en vous rappelant la proposition faite par l’honorable M. Seron. Il vous demande que la chambre veuille bien charger une commission des finances de lui présenter un projet de loi pour établir l’impôt de répartition, celui des portes et fenêtres ; un impôt sur les voitures suspendues, sur les domestiques de luxe... ; ainsi, il s’agit de remplacer le système existant par un système donné, par le système présenté par M. Seron. Lorsque M. Gendebien a parlé, il a changé toute la proposition de notre honorable collègue, et il s’est trompé sur mon opinion.

Il a cru trouver dans mes expressions des regrets en voyant qu’on se propose d’abolir le système actuel ; c’est une erreur ; j’ai formellement dit, au contraire que je ne voulais rien préjuger, et que je ne savais pas s’il ne vaudrait pas mieux continuer, en l’améliorant, un système vicieux auquel on est habitué, que de porter le trouble dans les habitudes en adoptant le système de M. Seron, lors même qu’il serait praticable.

C’est parce que la commission à laquelle on proposait de renvoyer le plan de M. Seron, n’aurait pas le loisir de faire une loi dans un système quelconque, que j’ai voté contre le renvoi ; j’aurais voté autrement si elle avait pu admettre le système qui lui aurait semblé le meilleur.

M. Gendebien. - Je me lève, non pour prolonger la discussion, mais pour présenter un amendement à la proposition faite par M. Seron, dans le sens que je l’ai comprise : je demande que l’on renvoie purement et simplement cette proposition à la commission des finances, ou à une commission. C’est dans ce sens que j’ai parlé et voté la première fois que j’ai pris la parole, et je persiste.

Maintenant, messieurs, reviendrai-je sur la législation relative aux contributions personnelle et mobilière, sur l’inconvenance de la maintenir et surtout parlerai-je de l’inconvenance d’une objection semblable à celle-ci : la commission des finances serait surchargée si elle devait réviser tous les impôts ? Mais il y a quelque chose de plus important, de plus sérieux à considérer : c’est l’art. 139 de la constitution, par lequel le congrès déclare qu’il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées à plusieurs objets, et dans le plus court délai possible ; et au nombre de ces objets sont les finances.

Cependant, voilà six ans que nous attendons ; et malgré notre juste impatience, nous nous résignerons encore au provisoire pendant toute cette année. Nous poussons la modération jusqu’à demander qu’on nous laisse l’espoir de voir renouveler cette législation en 1838. Après une aussi longue attente, c’est, il me semble, beaucoup de modération.

Je demande que les propositions soient renvoyées purement et simplement à une commission sans rien préjuger, car j’ai reconnu de prime abord l’impossibilité de les discuter à fond et de prononcer actuellement sur l’un et l’autre système. Je n’hésite cependant pas à dire qu’il est impossible de suivre un plus mauvais système que celui de quotité, surtout d’après les bases adoptées et imposées par le régime hollandais ; quoi qu’il en soit, obéissons à l’article 139 de la constitution, et saisissons toutes les occasions de nous occuper de la réforme de nos lois de finance.

M. Pirmez. - La proposition de M. Seron tend au développement en loi des bases qu’il présente, et par ce motif je m’opposerai à leur renvoi à une commission ; car préalablement il faudrait discuter ces bases et les adopter ; or cette discussion n’ayant pas eu lieu et ne pouvant avoir lieu dans l’état des choses, le discours de M. Seron et ses conclusions ne doivent être regardés que comme des renseignements ; et comme tout le monde peut donner des renseignements à une commission, une décision de la chambre est inutile dans cette occasion.

Je vote contre le renvoi.

M. Gendebien. - Alors il faudrait demander l’ajournement.

- La proposition de M. Seron, modifiée par M. Gendebien, est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Discussion des articles

Présentation des amendements

M. le président donne lecture de l’amendement de M. Eloy de Burdinne qui est ainsi conçu

« Art. 1er. Il sera payé en principal 15 fr. par cheval servant à l’attelage des voitures suspendues sur ressorts ou soupentes, mais employé principalement, et dans l’exercice de leurs fonctions, par les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, fabricants, notaires, commis-voyageurs et cultivateurs, dont la culture est de cinq hectares de terre par chaque cheval qu’il tient. »

« Art. 2 (nouveau). Il ne sera payé que 5 fr. par cheval servant à la selle, employé principalement et dans l’exercice de leur profession, par les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, fabricants, notaires, commis-voyageurs et cultivateurs. »

« Art. 3. (C’est l’art. 2 du projet du gouvernement ou de la commission.) »

« Art. 4. (C’est l’art. 3 du projet du gouvernement modifié.) Toutefois les commis-voyageurs et les gardes civiques ne pourront jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes dispositions.

« Tous autres chevaux tenus par eux et servant aux mêmes usages seront imposés comme chevaux de luxe. »

« Art. 5. (C’est l’art. 4 du projet du gouvernement). »

- Cet amendement est appuyé.

L’amendement de M. Vandenbossche est également appuyé.

Celui de M. Zoude est conçu en ces termes :

« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de comprendre dans l’art. 1er les doyens ruraux domiciliés dans les villes. »

M. Zoude est appelé à le développer. L’honorable membre s’exprime en ces termes. - Messieurs, les motifs que j’invoque à l’appui de l’amendement que j’ai l’honneur de proposer sont ceux que la commission fait valoir en faveur des médecins qui ne peuvent convenablement exercer leur profession sans l’emploi de chevaux.

C’est, en effet, précisément la position dans laquelle se trouvent les médecins spirituels dont je parle ; les besoins religieux de leurs districts les appellent fréquemment dans les paroisses rurales confiées à leur surveillance, il en est parmi ces doyens dont la juridiction s’étend à 20 et même jusqu’à 39 paroisses ; cependant la plupart d’entre eux ne sont appelés à ces fonctions que lorsque l’âge, sans altérer leur zèle, commence à trahir leurs forces ; comment alors s’acquitter de leur devoir sans l’emploi d’un cheval lorsqu’ils ont de longues distances à parcourir ?

D’ailleurs, ce n’est qu’au hasard de leur domicile dans une ville qu’ils doivent être soumis à la taxe pour un cheval qui dans leurs mains n’est certainement pas de luxe, ils ne s’en servent pas pour se promener fastueusement dans les places publiques ; ce cheval, ils ne l’emploient que pour faire le service rural que leur profession exige, et à ce titre je pourrais invoquer l’article 46 de la loi d’août 1822, qui prononce formellement l’exception de cette contribution pour tous les ecclésiastiques du plat pays ; mais telle n’est pas ma prétention, ni celle des ecclésiastiques au nom desquels je prends la parole. Ce que ceux-ci vous demandent, c’est d’être admis à partager la faveur, je dirai plutôt la justice, que vous allez rendre aux médecins temporels, celle de ne soumettre leurs chevaux qu’au droit de 15 francs.

- L’amendement de M. Zoude est appuyé.

Article premier

La discussion est ouverte sur les articles du projet et sur les divers amendements qui viennent d’être appuyés.

M. A. Rodenbach. - Je donnerai la préférence à l’art. 1er du projet du gouvernement dont la commission nous propose l’adoption ; il me semble qu’on a parfaitement bien fait d’écouter les plaintes nombreuses qui ont été élevées par les médecins et les chirurgiens relativement à l’impôt dont nous nous occupons : 20 fl. me semblent un taux exorbitant pour le cheval d’un médecin ou d’un chirurgien, de campagne surtout ; aussi, lorsque la loi du 28 juin a été promulguée, les trois quarts des médecins et chirurgiens du plat pays se sont défaits de leurs chevaux, parce qu’ils ne pouvaient pas payer l’impôt que cette loi leur imposait de ce chef.

Il est donc certain que si le droit est modéré, le fisc y gagnera beaucoup : sans aucun doute, un faible droit produira plus que celui de 42 fr. 32 c, qui existe aujourd’hui.

Il y a aussi, messieurs, une raison d’humanité qui milite en faveur de la modération de l’impôt dont il s’agit : le médecin qui devra faire ses courses à pied, faute de payer la contribution élevée dont sont maintenant frappés les chevaux, sera souvent accablé de travail, harassé de fatigue, et ne pourra par conséquent pas visiter ses malades avec autant d’empressement que s’il avait un cheval à sa disposition.

Remarquez en outre, messieurs, qu’il est tout à fait injuste de faire payer par des hommes qui exercent des professions libérales, souvent très pénibles autant que par les hommes riches qui attellent leurs chevaux à des carrosses uniquement destinés à leurs plaisirs. C’est ainsi que maintenant les chevaux du millionnaire ne paient pas plus que ceux des médecins et chirurgiens de campagne ; cela me paraît souverainement injuste.

De plus, messieurs, c’est un fait constant qu’au moins la moitié des visites des hommes de l’art des campagnes ne sont pas payées.

Il me semble, messieurs, que ces considérations suffisent pour vous faire adopter l’art. 1er du projet du gouvernement, qui a reçu l’approbation de la commission.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l’art. 1er du projet de loi qui vous est soumis veut que les chevaux des médecins, chirurgiens, etc., soient imposés à 15 fr., soit qu’ils servent à la selle ou à l’attelage des voitures suspendues sur ressorts ou soupentes, ce qui, selon moi, n’est pas conforme à l’esprit de la loi, qui veut atteindre les chevaux de luxe et autres en proportion du degré de commodité qu’ils procurent aux contribuables. On ne me contestera pas que le cheval servant à la selle pour les médecins, chirurgiens et autres, procure les mêmes commodités que le cheval servant à les conduire dans une voiture. Pour ce motif, j’ai cru que l’impôt devait être plus élevé pour les chevaux attelés à une voiture que pour celui servant la selle ; pour ce motif, je propose d’imposer à 15 francs les chevaux servant à l’attelage des voitures suspendues sur ressorts ou soupentes et seulement 5 francs les chevaux servant à la selle, quand ils sont employés à une procession. Le médecin de ville, si tel est son bon plaisir, pourra monter un cheval pour faire ses visites ; alors il ne paiera que 5 francs ; s’il veut se procurer plus de commodité en attelant son cheval à une voiture, et comme il fait ses visites plus agréablement et plus confortablement, alors il paiera 15 francs, ce qui est conforme à la loi.

J’ai aussi ajouté la profession de notaire comme devant être considérée avoir besoin d’un cheval pour exercer sa profession ; et on ne me contestera pas que dans les campagnes un notaire, pour le peu qu’il soit en réputation, ne soit obligé de tenir un cheval pour se transporter où son ministère exige sa présence.

Par ce que je viens de dire, je crois avoir suffisamment justifié les modifications que je propose à l’art, 1er ainsi qu’à l’art. 2 de ma proposition.

On pourra m’observer qu’en réduisant l’impôt à 5 francs pour les chevaux employés aux professions préétablies, on réduira le produit de la contribution personnelle. Pour mon compte je ne le crois pas. Sur un cheval déclaré sous l’empire de la loi actuelle, il en sera déclaré trois et même davantage, et par le nombre déclaré en plus, il résultera plutôt une augmentation de produit qu’une diminution. En fait d’impôt, 15 et 15 ne font pas toujours 30, mais 6 fois 5 font le plus souvent 30.

En fixant à 5 francs l’impôt au lieu de le fixer à 15 pour les chevaux des cultivateurs, notaires et autres sus-désignés, il en résultera que nul ne fraudera et ne se privera de monter à cheval ; il en serait autrement si vous mainteniez le chiffre de 15 fr. par cheval monté par les cultivateurs et autres de la même catégorie.

Je propose une autre modification à l’article 1er, en ce que je fais disparaître la clause que pour que le cultivateur qui se sert de ses chevaux à l’attelage des voitures suspendues, soit passible de payer l’impôt à raison de 15 francs, il faut que la culture forme son principal moyen d’existence. En faisant disparaître cette clause, je crois éviter de nombreuses contestations entre les contribuables et l’administration des contributions ; en outre il serait injuste de faire payer le même impôt pour des chevaux d’agriculture attelés à des voitures suspendues dix à douze fois au plus par an, autant que pour les chevaux de luxe qui servent pendant l’année entière plus souvent par luxe que pour la commodité.

En ajoutant à l’art. 1er que le cheval qui cultive 5 hectares de terre au moins est considéré comme cheval d’agriculture, je crois avoir prévenu la fraude sur le rapport des déclarations des chevaux de luxe comme chevaux d’agriculture, sous le prétexte qu’ils sont employés parfois aux travaux agricoles.

L’homme qui tient des chevaux de luxe ne les fera pas labourer cinq hectares par tête pour ne payer que 15 francs au lieu de 20 florins ; il perdrait plus qu’il ne gagnerait en ruinant ses chevaux élégants et de grande valeur.

M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, je m’occuperai d’abord de la proposition de M. Eloy de Burdinne, relativement aux cultivateurs.

M. Eloy de Burdinne propose de supprimer le paragraphe du projet du gouvernement et celui de la commission, lequel consiste à définir comme cultivateur, par rapport à la taxe modérée, celui dont la culture forme le principal moyen d’existence.

Messieurs, je viens défendre le projet du gouvernement et celui de la commission ; vous savez dans quel but on a inséré dans la loi le paragraphe dont on demande la suppression.

La législation de 1822 avait laissé subsister un abus criant, qui s’est souvent reproduit sous le régime de cette loi. De grands propriétaires, des industriels opulents cultivaient quelques bonniers de terre de leur campagne, et prétendaient, de ce chef, jouir de l’exemption, comme ils en ont joui en effet, par cela seul qu’ils employaient à cette culture insignifiante un des chevaux, qu’ils attelaient ordinairement à leurs voitures suspendues.

Le gouvernement et la commission ont jugé que l’unique moyen de porter remède à cet abus était de définir exactement dans le projet de loi ce qu’on entendait par cultivateur de profession, relativement à l’objet qui nous occupe ; or, cette définition consiste à regarder comme profession de cultivateur celle qui tire le principal moyen de subsistance de la culture. Et je pense, messieurs, qu’il en doit être ainsi car, je vous le demande, peut-on dire que de riches propriétaires, d’opulents industriels, parce qu’ils cultivent quelques hectares de terre, exercent la profession de cultivateur ? Mais évidemment non ; leur profession est d’être de grands industriels, de grands propriétaires ; leur culture n’est qu’un accessoire fort insignifiant pour eux ; c’est une affaire de fantaisie, et il ne peut être question ici que de chevaux employés par pur agrément, de chevaux de luxe.

La loi de 1822 comprenait trois catégories. La première concernait ceux qui employaient des chevaux de luxe par pur agrément ; la seconde avait rapport aux personnes qui employaient des chevaux, simultanément à des voitures suspendues et à l’exercice de leur profession ; or, messieurs, comme je viens de le prouver, la profession du grand propriétaire qui cultive par délassement quelques bonniers autour de sa campagne n’est pas celle de cultivateur, mais uniquement celle de propriétaire par conséquent, la taxe modérée dont il s’agit dans la législation de 1822 et dans le projet qui nous occupe ne le concerne nullement.

En citant dans son discours d’hier le paragraphe relatif aux cultivateurs, M. Eloy de Burdinne a toujours supposé que cette partie de la loi est injuste à l’égard du pauvre campagnard ; mais il n’en est pas ainsi, messieurs ; car le pauvre cultivateur tire toujours son principal moyen d’existence de la culture, et la loi n’atteindra que les hommes, opulents d’ailleurs, qui cultivent quelques bonniers de terre par délassement.

L’amendement de M. Eloy de Burdinne atteint, lui, directement le petit cultivateur. En effet, je suppose un cultivateur qui occupe quatre hectares de terrain ; eh bien, d’après l’amendement, ce cultivateur, s’il emploie à un double usage le cheval destiné à la culture de ces hectares, devra payer pour ce cheval comme si c’était un cheval de luxe. Vous voyez donc que l’amendement consacrerait une véritable injustice à l’égard des pauvres campagnards.

En ce qui regarde les notaires que M. Eloy de Burdinne voudrait comprendre dans l’exemption, je pense qu’il y a une grande différence à faire entre les notaires d’une part, et les médecins, chirurgiens et les autres professions, qualifiées dans le projet de loi, de l’autre. Un cheval, surtout dans les communes rurales, est indispensable aux médecins et aux chirurgiens ; et la preuve en est que peu de médecins et chirurgiens peuvent s’en passer. Il n’en est pas de même pour les notaires ; la majeure partie de leurs affaires se traite dans leurs bureaux, tandis que les médecins et les chirurgiens doivent aller eux-mêmes chez leurs malades. Les clients du notaire viennent ordinairement le trouver chez lui ; il doit en conséquence employer un cheval plus rarement que les médecins, chirurgiens, etc.

La commission a pensé que les raisons qui pouvaient militer en faveur de ceux-ci, n’avaient pas le même poids à l’égard des notaires.

En ce qui concerne l’amendement de M. Vandenbossche, j’ai une remarque assez importante à présenter. M. Vandenbossche voudrait ne pas faire jouir du bénéfice de l’exemption les médecins et les chirurgiens dans les villes de 20,000 habitants. Je conçois bien que toutes les considérations qu’on peut alléguer en faveur des médecins de campagne, n’ont pas la même force à l’égard des médecins des villes. Mais si nous n’adoptons pas une mesure générale sur ces matières, de graves inconvénients se présenteront.

On n’ignore pas que beaucoup de médecins, dont la clientèle se trouve dans les communes rurales, habitent les villes, Pour moi, je connais beaucoup de médecins de villes de 20,000 habitants, et dont les clients pour la plupart sont domiciliés dans les communes rurales. Il est fort difficile de faire ici des distinctions, et s’il arrive, par exception, qu’un médecin de ville jouisse de l’exemption, sans la mériter, cet inconvénient exceptionnel est bien moins grave que celui résultant de l’injustice que l’on commettrait envers le médecin d’une petite ville dont la clientèle se trouverait dans les communes rurales, en le privant de l’exemption portée par l’article premier.

Relativement à la proposition de M. Zoude qui voudrait faire jouir les doyens ruraux, habitant les villes, de la même exemption que les doyens ruraux, habitant la campagne, je pense d’abord que les doyens ruraux, habitant les villes, forment une véritable exception ; la plupart, en effet, habitent la compagne, et sous ce rapport je ne crois pas que l’on doive faire des lois pour des exceptions. D’ailleurs, j’ignore si les visites obligatoires auxquelles sont tenus les doyens ruraux sont assez fréquentes pour nécessiter l’emploi d’un cheval ; ce sont des faits que je ne connais pas assez pour les apprécier.

D’après ces diverses considérations, je pense que ce que nous avons de mieux à faire, c’est d’adopter l’art. 1er.

Il me reste à faire une observation sur la rédaction de cet article. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il prétend faire jouir de l’exemption le cultivateur qui, pour visiter ses travaux avec plus de facilité, pour aller aux marchés des villes voisines, se sert d’un cheval qui n’est pas employé ordinairement à la culture. Le cultivateur pourra prétendre que ce cheval sert à sa culture dans un sens indirect.

Il en est de même des fabricants. Je connais beaucoup de fabricants qui sont assez éloignés de leurs usines, et qui se servent de chevaux de luxe pour s’y rendre tous les jours. Que M. le ministre des finance, veuille donc bien me dire s’il entend faire jouir ces chevaux de luxe de l’exemption ; l’opinion de la commission a été négative à cet égard ; et pour rendre la pensée exacte de la commission, je propose d’ajouter le mot « immédiat » après le mot « exercice, » qui se trouve au milieu de l’article 1er.

De cette manière, il sera entendu clairement que les chevaux de luxe, employés dans le cas que je vient de citer, ne sont pas compris dans l’exemption qui vous est proposée.

- L’amendement de M. Dechamps est appuyé.

M. Desmet. - J’appuie de toutes mes forces l’amendement de M. Zoude ; car cet amendement n’est qu’une conséquence de ce qui a été décidé précédemment. L’exemption doit être étendue aux doyens ruraux qui ont à faire des courses assez étendues dans le plat pays. J’en connais dans mon district qui ont à parcourir un rayon de 3 à 4 lieues ; je ne vois donc pas pourquoi l’on voudrait les exclure de l’exemption proposée par l’article.

M. Zoude. - Je ferai simplement observer à l’honorable rapporteur qu’il est excessivement rare que les doyens ruraux habitent la campagne ; ils sont pour la plupart domiciliés dans les villes.

M. Desmanet de Biesme.- Je viens combattre l’amendement de la commission que je n’avais pas bien compris, en ce qui concerne les chevaux de fermier.

Dans le pays wallon où les exploitations agricoles sont très étendues (il en est qui vont jusqu’à 130 hectares) un fermier doit nécessairement avoir un cheval pour surveiller sa culture et aller aux marches des environs. On ne peut pas considérer ce cheval comme un cheval de luxe. Ensuite il est des fermiers qui, quoique très âgés, conservent la direction de leur ferme ; il est indispensable qu’ils aient un cheval de selle pour l’exercice de leur profession.

Si la commission a entendu l’article autrement, elle n’a pas compris l’intention du gouvernement ; je demande que l’article soit voté dans le sens que je viens d’indiquer et qui est celui de la disposition du projet du gouvernement.

M. Eloy de Burdinne. - L’honorable M. Dechamps, pour soutenir l’article 1er, vous a dit qu’on faisait payer au cultivateur la taxe de 15 francs pour le cheval qu’il montait, afin de faire disparaître la fraude de quelques grands propriétaires qui, cultivant autour de leur châteaux quelques bonniers de terre par amusement, échappaient à l’impôt pour leurs chevaux. Je crois avoir donné le moyen d’éviter la fraude, en stipulant qu’il faudrait qu’il fût constaté que le propriétaire d’un cheval cultive cinq bonniers de terre pour être exempt de l’impôt. Cette stipulation est suffisante pour rendre la fraude impossible ; mais ne le fût-elle pas, serait-il juste qu’un cultivateur qui distrait de son labour un ou deux chevaux pour se transporter où ses besoins ou ses devoirs l’appellent ; par exemple, pour remplir les fonctions de juré, serait-il juste, dis-je, que ce cultivateur fût astreint à payer pour ces chevaux l’impôt de 20 florins, comme le riche financier, l’homme opulent qui possède en ville un brillant équipage ?

Je l’ai déjà dit, la loi de 1822 est injuste ; mais si vous adoptez la disposition qui vous est soumise, elle sera plus injuste, plus inique, plus vexatoire.

M. Dechamps m’a mal compris quand il a prétendu que je forçais les pauvres cultivateurs à payer un impôt considérable pour les chevaux de culture qu’ils montent ou attellent.

Je ferai remarquer que le cultivateur qui cultive quatre bonniers n’attelle pas son cheval à une voiture. Je ne dirai pas qu’il a dénaturé mes paroles, mais au moins qu’il les a mal comprises.

Vous l’avez remarqué comme moi, le cultivateur qui attelle ses chevaux à une voiture, s’il ne prouve pas qu’il tire sa principale subsistance de sa culture, sera astreint à payer l’impôt comme pour les chevaux de luxe, tandis que le riche fabricant n’est pas astreint à faire cette preuve ; lui, il est favorisé, mais le campagnard sera obligé de payer 20 florins, parce qu’on prétendra qu’il ne tire pas sa principale existence de sa culture : de là une masse de conflits et de mécontentements dans les campagnes. C’est ce que je vous ai dit hier et ce que je répète aujourd’hui.

M. Vandenbossche. - En proposant mon amendement, je n’ai pas entendu favoriser les cultivateurs ayant des chevaux de luxe ; je n’ai voulu les exempter de la taxe que quand ils ne montaient en selle que leurs véritables chevaux de labour. Je ne pense pas qu’on peut raisonnablement imposer les chevaux que l’on ne monte que dans des cas extraordinaires.

On aurait pu croire que l’article du projet s’appliquait uniquement à des fermiers ; mais je suppose que les propriétaires cultivent leurs propres terres, ce sont bien des cultivateurs : je ne pense pas qu’on puisse les exclure du bénéfice de l’art. 1er.

Lorsqu’un paysan ne monte un cheval en selle que cinq ou six fois l’an, il n’est pas convenable qu’on lui fasse payer l’impôt, d’autant moins qu’il ne le payait pas sous l’empire de la loi de 1822.

Je persiste dans mon amendement.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dechamps a déjà répondu à la plupart des objections faites contre le projet du gouvernement, et il me reste bien peu de mots à ajouter à ce qu’il a dit.

M. Vandenbossche voudrait établir une exception défavorable à l’égard des médecins et chirurgiens des villes d’une population de plus de 20 mille habitants. Je ne comprends pas les motifs qui peuvent le porter à faire cette proposition ; car les médecins et chirurgiens qui habitent ces villes sont obligés de se déplacer et d’aller quelquefois à une assez grande distance visiter des malades à la campagne. A la vérité l’honorable membre fonde l’exception qu’il propose sur ce que les médecins et chirurgiens des villes reçoivent des salaires plus élevés, tirent plus de profit de leur profession. Mais il faut considérer que tout est relatif. Si le médecin de campagne est moins payé, il dépense moins ; les patentes des médecins, par exemple, sont proportionnées à la population des lieux qu’ils habitent, et la vie dans les villes est plus chère qu’à la campagne. Il n’y a donc pas de motif pour faire une exception qui serait nuisible aux médecins et chirurgiens des villes, et, dans l’intérêt de l’humanité, nous devons faciliter autant que possible leurs excursions dans les campagnes.

M. Vandenbossche propose ensuite de ne pas soumettre tous les notaires qu’à la contribution de 15 francs par cheval. Cet amendement exempterait de l’impôt de 20 florins par cheval les notaires qui habitent les villes et qui presque toujours reçoivent chez eux, sans déplacement, les personnes qui ont besoin de leur ministère, et trouvent dans l’exercice de leur profession des avantages que les notaires de campagne n’ont pas, parce qu’ils sont obligés de se déplacer ; je ne puis admettre cette proposition. L’article 2 du projet de la commission auquel je me suis rallié, prévoit le cas, où un notaire peut être compris dans l’exception établie par l’article 1er.

Si la députation provinciale reconnaît que l’usage d’un cheval est indispensable à un notaire pour l’exercice de sa profession, il ne paiera pour ce cheval qu’un impôt de 15 fr. comme pour les chevaux servant aux professions énumérées à l’article premier ; tout est donc suffisamment prévu à cet égard.

L’honorable M. Zoude demande que l’on range, parmi les exceptions admises à l’article premier, les doyens des villes. Cet amendement me paraît très peu important, ce qui me porte à le regarder comme inutile. En effet, les doyens des villes n’ont presque jamais besoin des chevaux pour faire les visites auxquelles leur ministère les oblige. Toutefois, s’il était bien constant qu’ils eussent réellement besoin de l’usage d’un cheval, je ne ferais aucune difficulté à les comprendre dans l’article premier.

L’honorable M. Dechamps, en terminant, a demandé de quelle manière j’entendais l’art. 1er, si un riche propriétaire ou fermier se servant, pour sa commodité, d’un cheval de selle sans l’atteler, serait exempt de la contribution établie pour le cheval de luxe, et s’il serait compris dans l’exception établie par l’article 1er. Je répondrai que je comprends la loi comme l’entend l’honorable rapporteur de la commission : il faut qu’un cheval soit employé à la culture ou aux besoins immédiats d’une fabrique ou profession, pour être exempt de la contribution établie sur le cheval de luxe. S’il ne sert que pour être attelé à une voiture suspendue ou être monté en selle, il est considéré comme cheval de luxe.

Il me reste à examiner la proposition de M. Eloy de Burdinne, par laquelle il demande que les cultivateurs soient soumis à un droit de 15 fr. seulement pour le cheval qu’ils attellent à des voitures suspendues et qu’ils emploient à la culture de 5 bonniers de terre. De même que le rapporteur de la section centrale, je ne puis adhérer à cette proposition. Il me paraît que le projet du gouvernement est plus juste, plus équitable, et rentre mieux dans les principes que vous appliquez constamment. C’est-à-dire que si un propriétaire a un cheval principalement pour son agrément, et que la culture ne soit que la minime partie de son revenu, il convient de faire payer l’impôt comme pour un cheval de luxe. Ce cheval, dira-t-on, est employé à l’agriculture. Mais il n’en est ainsi presque toujours que pour éluder la loi, que pour se soustraire au droit de 20 fl.

M. Zoude. - M. le ministre a dit qu’il ne s’opposerait pas à ce que les chevaux des doyens fussent compris dans l’exception, s’ils étaient nécessaires à l’exercice de leur profession. A cet égard, je dois dire que dans mon district les doyens demeurent dans les villes, mais qu’ils ont à parcourir les campagnes. J’ajoute que ce sont des ecclésiastiques rompus par l’âge ; un cheval est donc un moyen de leur faciliter l’accomplissement de leurs devoirs.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Dubus (aîné). - Je demande la parole contre la clôture. La discussion a embrassé 4 ou 5 amendements à la fois. C’est par ce motif que la discussion a laissé à désirer. Je désirerais prendre la parole pour appuyer un amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, celui qui consiste à repousser la dernière phrase de l’article du gouvernement et de la commission, et à remplacer par une disposition favorable à l’agriculture qui se trouvera véritablement placée dans un état exceptionnel.

Je crois que cette question pas n’est pas suffisamment discutée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je trouve aussi que le point indiqué par l’honorable M. Dubus n’a pas été suffisamment discuté, et je désirerais entendre les observations qui pourraient être faites à cet égard. Je ne puis laisser ignorer à la chambre que la disposition proposée empire la position actuelle de certains cultivateurs ; j’ai dit que, dans mon opinion, cette discussion est juste. Mais néanmoins je désirerais m’éclairer encore des raisons que l’on pourrait présenter à cet égard. Je m’oppose par conséquent à la clôture de la discussion.

- La clôture est mise aux voix et n’est pas adoptée. La discussion continue.

M. Dubus (aîné). - J’avais demandé la parole pour appuyer l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne.

Le gouvernement et la commission, en accordant en apparence la même faveur à ceux qui exercent la profession de cultivateur, et à ceux qui exercent d’autres professions, pour lesquelles l’emploi d’un cheval ou de chevaux est indispensable, placent cependant les cultivateurs dans une position exceptionnelle très défavorable. J’avoue que je ne puis m’en rendre raison.

Remarquez qu’en combinant les articles 1 et 2, il en résulte que le principe des deux articles est d’accorder la diminution d’impôt à l’emploi des chevaux dans toutes les professions où ils sont indispensables. A côte de ce principe on formule une exception contre les cultivateurs dont la culture ne forme pas le principal moyen d’existence. Je ne puis comprendre une exception semblable. Mais, dit-on, la culture peut ne pas être l’emploi principal des chevaux d’un cultivateur. Ses chevaux peuvent être employés à la culture et à autre chose. Mais pourquoi n’en dites-vous pas autant pour les autres professions ? Si un médecin a une autre profession où il se serve aussi de son cheval, et s’il gagne plus d’argent dans cette autre profession, il jouit néanmoins de la diminution de droits.

Ce n’est que pour le cultivateur que vous établissez une position exceptionnelle. Et le fabricant ? ne peut-il pas avoir de grands revenus, soit 40 ou 50 grands revenus ? Néanmoins si les chevaux qu’il a sont indispensables à sa fabrique, il jouit de la diminution de droits. Pourquoi donc ajoutez-vous pour le cultivateur une condition qui n’existe pas pour le fabricant ?

Je poserai simplement une hypothèse, qui est une réalité dans beaucoup de localités. Beaucoup de cultivateurs sont en même temps distillateurs, même par intérêt pour leur culture. A l’égard de ceux-là on va procéder par mesures inquisitoriales ; on voudra savoir si sa distillerie lui procure plus de profits que sa ferme. Il faudra que le fermier détermine la quotité de ses profits et en indique la source, lorsqu’il voudra obtenir une diminution de droits. S’il prouve au fisc que sa ferme lui rapporte plus que sa distillerie, il obtiendra la diminution de droits ; si c’est sa distillerie qui lui rapporte davantage il ne l’obtiendra pas.

Je ne puis admettre cette exception contre l’agriculteur. Si la chambre la maintenait, je voterais contre l’ensemble de la loi.

Je pense qu’il conviendrait de retrancher de l’article les mots « dont la culture ferme le principal moyen d’existence. »

M. Vandenbossche. - Je ne puis qu’appuyer la proposition de l’honorable M. Dubus. Mais M. le ministre des finances a critiqué le paragraphe quant à l’exception que je fais pour les médecins, chirurgiens et notaires des grandes villes. J’ai toujours pensé que les personnes qui exercent ces professions-là ne tiennent des chevaux que par luxe.

A Alost il y 4 médecins, aucun n’a de cheval.

Dans les grandes villes il y a des louageurs chez qui les médecins peuvent prendre des chevaux quand ils en ont besoin.

Voilà les motifs qui m’ont fait proposer une exception. Cependant je n’y tiens pas, je le déclare. Mais je tiens beaucoup à ce que les chevaux de labour ne paient pas de taxe, parce que ce ne sont pas même des chevaux de commodité.

M. Dechamps. - Comme j’ai eu l’honneur de le dire, l’exception relative aux cultivateurs n’a été introduite dans le projet et adoptée par la commission que pour remédier à des abus qui avaient soulevé beaucoup de réclamations sous le régime de 1822 : c’est que de riches propriétaires, de riches industriels avaient des chevaux de luxe qu’ils employaient par moments à cultiver quelques bonniers de terre pour jouir de la diminution de droits.

M. Dubus demande pourquoi l’on fait une exception à l’égard des cultivateurs ; mais l’abus dont je viens de parler et les réclamations à ce sujet n’ont eu lieu qu’à l’égard des cultivateurs. En effet, je ne comprendrais pas qu’il en fût de même pour les fabricants. Un propriétaire ne fonde pas une usine pour son agrément. Cette usine a toujours une certaine importance et est d’ordinaire le principal moyen d’existence de son propriétaire.

D’ailleurs il n’y a pas d’exception contre le cultivateur, car celui dont la culture forme le principal moyen d’existence jouit de la diminution de droits ; or, celui dont la culture ne forme pas le principal moyen d’existence n’est pas à proprement parler un cultivateur.

A l’égard des fabricants je ferai une remarque. Je pense que rarement ils pourront jouir du bienfait de la disposition dont nous nous occupons.

Et en effet, il se trouve peu de fabriques où l’emploi des chevaux existe encore ; dans presque toutes, c’est la vapeur qui est le moteur en usage ; je crois que le cas se rencontre rarement où le fabricant pourra jouir de l’exemption proposée.

M. Eloy de Burdinne. - Il est étonnant que M. le rapporteur prenne l’exception pour la règle. Il vous dit que les grands propriétaires éluderont la loi en employant leurs chevaux de luxe quelques jours aux travaux de culture ; mais il ne s’agit pas de cela ; il s’agit des grands cultivateurs qui emploie tous leurs chevaux d’une manière utile ; ne serait-il pas injuste de les faire payer comme les grands propriétaires ?

Cependant, combien n’avez-vous pas de petits cultivateurs à dix, quinze, vingt bonniers, qui sont obligés de transporter leurs produits avec des chevaux de labour ! Pouvez-vous les imposer comme faisant usage de chevaux de luxe ?

Le but de la loi est de faire payer ceux qui en ont le moyen, est d’atteindre le luxe, l’opulence, et non les cultivateurs. En adoptant la proposition du gouvernement, prenez garde de faire renaître dans les campagnes les mêmes plaintes, les mêmes doléances que la loi de 1822 a provoquées : on vous dira que le gouvernement actuel est aussi ridicule sous ce rapport que l’était le gouvernement hollandais ; les hommes des campagnes se demanderont pourquoi ils ont fait une révolution ; car il faut qu’on le sache, ce sont les campagnards qui ont fait la révolution ; si vous n’aviez eu que les gens des villes pour la faire, vous n’y seriez pas parvenus ; eh bien, voulez-vous faire dire à ces hommes : Nous avons perdu notre temps en chassant les Hollandais car nous n’avons rien gagné sous le rapport de nos intérêts matériels.

M. Dubus. - Si la définition que vient de présenter M. le rapporteur était vraie, il faudrait modifier l’article ; si elle est fausse, il n’a plus d’argument. Mais, dit-il, on doit prévenir un abus : de riches propriétaires se disaient cultivateurs, et ils avaient l’air de faire travailler leurs chevaux pendant quelques jours afin de se dispenser de l’impôt ; et l’on a rédigé l’article afin d’empêcher qu’on éludât la loi : dès qu’un cheval est employé principalement et habituellement dans l’agriculture, il n’est pas un cheval de luxe ; mais ce que l’on propose d’ajouter est contraire au principe de la loi : le principe des articles premier et deuxième, c’est que la diminution du droit est dû pour tout cheval indispensable à l’exercice d’une profession ; cela est vrai pour le cheval employé à l’agriculture comme pour le cheval employé dans les fabriques, les usines. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président se dispose à mettre en délibération l’article premier, et rappelle les amendements qui ont été proposés.

M. Dubus. - Ce que je voudrais, c’est que la chambre retranchât ces mots : « Ceux dont la culture forme le principal moyen d’existence. » Je crois que mon amendement doit être mis aux voix le premier, parce qu’il s’éloigne le plus de la proposition du gouvernement et de celle de la section centrale, puisqu’il ne fait aucune exception pour les cultivateurs.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne tiens pas à l’addition que j’ai proposée. Si j’ai demandé que 5 hectares au moins fassent labourés par cheval, c’était pour éviter la fraude ; mais je crois que le gouvernement a le moyen d’empêcher cette fraude. En conséquence, je me rallie à la proposition de M. Dubus.

Plusieurs membres faisant remarquer que la chambre n’est plus en nombre suffisant pour délibérer, on procède à l’appel nominal, qui constate la présence de 49 membres seulement ; ce sont MM. Beerenbroeck, Brabant, Coghen, Lehoye, David, Dechamps, de Foere, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, Félix de Mérode, Werner de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Des,net, de Terbecq, de Theux, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Doignon, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Frison, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Lejeune, Liedts, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, de Man d’Attenrode, A. Rodenbach, Rogier, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, Vilain XIIII, Zoude et Raikem.

- La séance est levée à cinq heures.