Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et liens
Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 16 novembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Réponse du Roi à l’adresse de la chambre en réponse au discours du trône
3) Projet
de loi relatif à la mise à charge de l’Etat du traitement des vicaires (en place
notamment des fabriques d’églises ou des communes). (Legrelle)
Discussion des articles. Reconnaissance préalable par le gouvernement (Lebeau, Legrelle, Desmet, de Theux, Lebeau,
Doignon, Pollénus, Lebeau, Pollénus, Gendebien, A. Rodenbach, Gendebien, Rogier, Trentesaux, Verdussen, Pollénus, Demonceau), fixation
du traitement et intervention complémentaire des communes (Gendebien,
de Theux, Legrelle, Trentesaux, d’Huart, Dumortier, de Jaegher, Gendebien, d’Huart, Pollénus, Trentesaux, de Theux, Dubus, Gendebien)
(Moniteur
belge n°323, du 17 novembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
fait l’appel nominal.
M. Lejeune lit le procès-verbal
de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur L.-M. Vande Male, entrepreneur de
diligences à Termonde demande des modifications à l’art. 161 du code
civil. »
« Le sieur Alexandre Carpentier, receveur de
contributions à Tronchiennes (Flandre orientale), demande à être nommé membre
de la cour des comptes en remplacement de M. Barcel,
décédé.)
- Ces mémoires sont renvoyés à la commission des
pétitions.
REPONSE DU ROI A
L’ADRESSE DE
M. le président. -
Messieurs, la députation chargée de présenter à S. M. l’adresse de la chambre,
a été reçue aujourd’hui à midi et demi.
Voici ce qu’a répondu S. M. :
« Messieurs,
« Je reçois avec satisfaction l’adresse de la
chambre des représentants.
« J’espère que la session qui vient de
s’ouvrir sera féconde en bons résultats. Je suis heureux de voir que vous avez
apprécié l’état florissant du commerce et de l’industrie. Il est néanmoins
encore certaines branches de la richesse publique qui réclament toute notre
sollicitude.
« Je me plais à redire avec vous que l’unité
de vues entre mon gouvernement et la représentation nationale est une condition
essentielle de bonheur et de prospérité : attachons-nous à maintenir cet
accord.
« Il m’est agréable de recevoir l’assurance de
votre coopération franche et active dans l’intérêt de la paix publique et du bien-être
du pays. »
- La chambre ordonne l’impression de cette réponse
du Roi et de l’adresse.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion des articles
M. le président. - La
parole est à M. Legrelle.
M. Legrelle. -
On a demandé hier la clôture de la discussion générale ; je ne m’opposerai pas
à ce que cette discussion soit close aujourd’hui, me réservant de parler sur
les articles dans le cas où je le croirais utile.
M. le président. -
Nous allons passer à la discussion des articles.
M. le président. -
L’article premier du projet du gouvernement est ainsi conçu :
« Les traitements des vicaires sont à la
charge des fabriques des églises et portés leur budget. »
L’art. premier de la section centrale est ainsi
conçu :
« A dater du premier janvier 1837, les sommes
nécessaires pour payer les traitements des vicaires qu’exige l’administration
des paroisses seront portées annuellement an budget de l’Etat. »
- Cet article du projet de la section centrale, mis
aux voix, est adopté sans discussion.
M. le président. -
En conséquence de cette décision, je vais mettre aux voix les dispositions
présentées par la section centrale.
M. Lebeau. - Je
demanderai la permission de présenter un paragraphe additionnel à l’article que
l’on vient d’adopter.
Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Les places de chapelain et de vicaire, dont
l’autorisation aura été approuvée par le gouvernement, pourront seules être
rétribuées sur le trésor public. »
Voici les motifs de ma proposition.
Aussi longtemps que les chapelains et les vicaires
ont été rétribués par les fabriques, et à leur défaut, par les communes, une
pareille disposition ne pouvait exister ; mais aujourd’hui que vous assimilez
les vicaires et les chapelains aux desservants, il me semble qu’il faut les
placer tous sur la même ligne quant aux traitements. Maintenant, vous le savez,
il ne peut être établi une cure, une succursale, sans l’assentiment du
gouvernement, quand elle entraîne un traitement à charge du trésor public ;
pourquoi cet assentiment ne serait-il pas nécessaire pour les traitements des
vicaires et des chapelains ? Lorsque les évêques, d’accord avec les habitants
d’une commune, créeront un vicariat, une chapelle, et qu’on trouvera les moyens
de faire face à la dépense, sans recourir au trésor public, il est évident que
le gouvernement n’aura pas à s’en occuper.
Mais lorsqu’il s’agira de
faire profiter des dispositions de la loi de nouveaux vicaires (et il y en a
150 ou 200 qui peuvent être dans ce cas), et que l’érection du vicariat ou de
la chapelle n’aura été faite que par l’autorité spirituelle, il faut que le
gouvernement soit appelé à approuver cette nomination en ce sens qu’il doit
accorder le traitement.
Je crois que cette disposition est tout à fait rationnelle
et qu’elle ne peut rencontrer le moindre obstacle. Si, contre mon attente, elle
en rencontrait, je ne crains pas l’interprétation qu’on ferait de mes
intentions. Je n’ai pas besoin de protestations à cet égard ; on connaît mes
antécédents.
- L’amendement est appuyé.
M.
Legrelle. - Je ne m’oppose pas à l’amendement quant au fond ; cet
amendement paraît assez rationnel à la première lecture ; cependant j’y trouve
un mot qui ne me paraît pas convenable ; c’est le mot « approuvé. »
Les fonctions de vicaire et de chapelain peuvent être créées par l’autorité
spirituelle sans l’autorisation du gouvernement. Or, par les termes de
l’amendement, il semblerait qu’il en serait autrement ; ce qui serait
évidemment contraire à la liberté des cultes, à la constitution. Si le
gouvernement peut intervenir, ce ne peut être que pour accorder le traitement ;
mais alors il n’approuve pas, il agrée.
Je demande que le mot « agréée » remplace
le mot « approuvée. »
M.
Lebeau. - Je ne m’oppose pas à cette substitution d’un mot à un autre,
ce qui ne change rien au fond.
M.
Desmet. - Messieurs, je m’oppose à l’admission des mots : approuver et
agréer, et à tout amendement. Par la proposition que l’on vous fait, nous
rentrerions dans le gouvernement de Bonaparte et de Guillaume, et l’on
avilirait le clergé. Lorsque l’on a mis le mot « agréer » dans le
concordat, on a placé le clergé dans la dépendance de l’autorité civile. Les
évêques ont réclamé la faculté de créer autant de vicaires et de chapelains
qu’ils le jugeraient nécessaire. Au reste, pourquoi le gouvernement
approuverait-il ? Est-ce lui qui votera les sommes pour les traitements ? Ce
seront les chambres qui voteront les fonds ; ce sera donc à elles à voir s’il y
a trop de vicaires ou de chapelains. Je n’attaque pas les intentions qui ont
dicté l’amendement ; mais il porte atteinte à une de nos libertés.
Laissons les choses comme elles sont.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant confond des
choses entièrement distinctes ; le gouvernement des Pays-Bas s’arrogeait le
droit d’autoriser la célébration du culte dans un lieu quelconque, et il se
réservait en même temps la faculté d’allouer ou de refuser un traitement. Ici
on ne s’oppose pas à la nomination des ministres du culte et à la célébration
des offices dans aucun lieu ; mais on demande que le gouvernement reconnaisse
la nécessité d’un vicaire ou d’un chapelain pour qu’on puisse grever le trésor.
Au reste, faites comme vous voudrez, il faudra toujours décréter le traitement
; ainsi il faudra toujours l’intervention de l’autorité civile pour constater
ou reconnaître l’utilité des fonctions de vicaire et de chapelain.
M. Lebeau. - Je ne
tiens en aucune façon à l’expression que j’ai présentée. Si le mot
« approuver » ne convient pas, on peut en prendre un autre.
Toutefois, je crois que les fonctions de vicaire ou de chapelain doivent être
reconnues par l’autorité civile pour être payées par elle ; et de plus je crois
que ce principe ne porte pas la plus légère atteinte à la liberté du culte.
Cette liberté doit être entière ; mais il faut prendre garde que nos
prérogatives doivent aussi rester entières et qu’il ne doit dépendre d’aucune
autorité de grever à loisir le budget de l’Etat. Je sais bien que vous aurez le
droit de refuser une allocation demandée ; mais comment pourrez-vous apprécier
l’utilité d’une création nouvelle ? Irez-vous établir une correspondance avec
les chefs des diocèses, avec les communes ? Remarquez de plus que vous
n’éluderez pas ce que l’on vous a signalé comme un grand inconvénient.
L’honorable M. Desmet veut
que l’autorité épiscopale ne soit limitée en rien par l’autorité civile ; il
faudra cependant bien que vous reconnaissiez vous-même l’utilité d’une création
de vicaire ou de chapelain ; ainsi, il faudra l’intervention d’une autorité
civile.
Je le répète, la chambre sera dans l’impossibilité
d’apprécier les motifs qui ont déterminé à demander la création d’un vicaire ou
d’un chapelain ; le gouvernement, par la nature de ses relations, en
conséquence de la mission qui lui est dévolue, peut seul connaître les besoins
des communes ; et s’il refusait de reconnaître l’utilité d’une chapelle
nouvelle, d’un vicaire nouveau, la voie de pétition est ouverte à la commune,
et la conduite du ministère pourrait être déférée à votre contrôle.
Notez bien que je crois avec M. le ministre de
l'intérieur que le gouvernement n’a rien à voir relativement aux créations pour
le traitement desquelles son intervention ne sera pas réclamée, et que les
chambres elles-mêmes n’ont pas à s’en occuper.
M. Doignon, rapporteur.
- Je pense aussi, messieurs, que l’amendement qui vous est présenté par
l’honorable M. Lebeau n’a rien que de rationnel, qu’il ne renferme rien de
contraire aux véritables principes ; mais je crois qu’une pareille disposition
est superflue, parce que l’article que nous venons d’adopter remplit le but que
l’honorable auteur de l’amendement se propose d’obtenir. En effet, messieurs,
voici comment cet article est conçu :
« A dater du 1er janvier 1837, les sommes
nécessaires pour payer les traitements des vicaires qu’« exige
l’administration des paroisses, » seront portées annuellement au budget de
l’Etat. »
Ainsi, messieurs, les traitements qui devront être
mis à la charge de l’Etat sot ceux des vicaires dont l’administration des
paroisses exigera l’établissement : ce sera donc au gouvernement qui prépare le
budget, et aux chambres qui le votent, à juger s’il est nécessaire d’établir
tel ou tel vicariat. C’est ainsi, messieurs, que la section centrale l’a
entendu, car voici ce qu’elle dit page 13 de son rapport :
« Les traitements des
vicaires étant, pour l’avenir, une dépense de l’Etat, doit être portée au
budget ; il s’ensuit que les questions qui pourraient s’élever dans certains
cas relativement à la suffisance des revenus des fabriques et à l’établissement
des vicaires dans les paroisses, devront être instruites et décidées par le
gouvernement, de concert avec les évêques et sous le contrôle des
chambres. »
Vous voyez, donc, messieurs, que la disposition
additionnelle que vous propose M. Lebeau, n’est qu’une répétition de ce qui
ressort évidemment de l’art. 1er que vous avez déjà voté, et que par conséquent
cette disposition est superflue.
Il est bien certain, messieurs, que les évêques ne
peuvent avoir le droit de grever le budget de l’Etat d’autant de traitements de
vicaires qu’il leur plairait d’en établir, comme d’un autre côté l’Etat ne peut
pas imposer aux évêques l’obligation de restreindre à son gré le nombre des
vicaires. Les évêques ont le droit de nommer des vicaires, pour autant que cela
n’entraîne pas une charge pour le trésor ; mais dès que ces ministres doivent
être salariés par l’Etat, l’Etat doit intervenir dans leur établissement ; ce
point, que je crois conforme à tous les principes de justice, a été reconnu par
la section centrale. Ainsi, messieurs, l’amendement de M. Lebeau est tout à fait
inutile.
M. Pollénus. - Je
pense aussi, messieurs, que l’amendement de l’honorable M. Lebeau est superflu,
puisque, du rapport de la section centrale et du texte même du projet qu’elle
vous a présenté, il résulte évidemment que la création de vicariats ne peut
avoir lieu que sous le contrôle des chambres, et c’est ce dont M. Lebeau
convient lui-même.
Ne résulterait-t-il pas,
messieurs, de l’adoption de l’amendement de M. Lebeau que le gouvernement
aurait, à lui seul, le droit de reconnaître l’utilité ou l’inutilité de tel ou
tel vicariat, et qu’il dépendrait de la décision que prendrait le gouvernement
de porter au budget la somme qui devrait être allouée pour en rétribuer le
titulaire ? En d’autres termes, du moment où la loi attribuerait au
gouvernement seul le droit de juger de l’utilité de l’établissement d’un
vicariat, appartiendrait-il encore aux chambres d’exercer un contrôle à cet
égard ?
Il me semble, messieurs, que la rédaction de la
section centrale présente toutes les garanties : sans doute, il ne doit
appartenir à aucune autorité quelconque de prendre une résolution qui puisse
grever le budget de l’Etat en dehors du contrôle des chambres, mais je crains
précisément que si nous adoptions l’amendement de M. Lebeau, ce contrôle
n’existerait plus, tandis que si nous laissons l’art. 1er tel qu’il vient
d’être adopté, il est évident qu’il appartiendra aux chambres d’accorder ou de
refuser des traitements aux titulaires des vicariats qui auraient été
institués.
C’est pour ces motifs messieurs, que je combats
l’amendement de M. Lebeau, tout en reconnaissant qu’il ne porte aucune atteinte
au principe de l’indépendance du clergé.
M. Lebeau. - Je
crois, messieurs, que l’honorable préopinant n’a pas bien compris mon
amendement, n’en a pas bien saisi les termes. Ces termes, je les ai pesés avant
de vous soumettre ma proposition, et je n’ai pas cru que, comme elle l’est,
elle pût donner lieu à une objection sérieuse.
Remarquez bien, messieurs,
que je n’ai pas dit que les traitements des vicaires dont l’établissement aura
été approuvé par le gouvernement, devront nécessairement figurer au budget de
l’Etat ; mais que, s’il y a des établissements nouveaux, ceux-là seulement qui
auront été approuvés par le gouvernement, pourront réclamer un traitement ; de
manière que, pour tous les nouveaux établissements dont la nécessité n’aurait
pas été préalablement reconnue par le gouvernement, il y aurait une fin de
non-recevoir quand il s’agirait de leur allouer un subside. Mais, messieurs,
lorsque le ministre, après avoir reconnu l’existence de nouveaux vicariats,
aura porté au budget les sommes à leur allouer, et qu’il aura justifié aux yeux
de la chambre la nécessité de ces vicariats, il appartiendra encore à la
chambre d’accorder ou de ne pas accorder les fonds demandés.
Voilà, messieurs, ce qui ressort des termes dont je
me suis servi, et c’est la consécration du principe de l’art. 117 de la
constitution qui dit que les chambres votent annuellement les sommes
nécessaires pour faire face aux traitements des ministres du culte. Je me suis
servi de l’expression « pourront seuls » réclamer un traitement ; de
cette manière les droits des chambres restent intacts, et c’est ainsi que je
l’ai entendu.
M. Pollénus. - Je
remercie l’honorable préopinant des explications qu’il vient de nous donner ;
mais voici, messieurs, un autre inconvénient qui résulterait de l’adoption de
son amendement. Je suppose que, lors de la discussion du budget, la création
d’un nouveau vicariat soit demandée par l’un ou l’autre membre de la chambre.
Eh bien, messieurs, si l’amendement de M. Lebeau est adopté, quelque juste que
puisse être cette demande, quelque évidente que puisse être la nécessité d’y
satisfaire, si l’autorisation du gouvernement n’a pas été accordée il sera
impossible à la chambre de porter pour cet objet une somme au budget. Il me
semble donc, messieurs, que la proposition porte quelque atteinte au droit
d’initiative de la chambre.
Je n’ai pas pu méditer
toutes les conséquences de l’amendement de M. Lebeau ; mais, par cela seul que
je trouve dans la proposition de la section centrale toutes les garanties
désirables, je crois qu’il convient de ne pas adopter cet amendement.
Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Doignon, le
projet de la section centrale ne porte aucune atteinte au contrôle que les
chambres auront à exercer sur l’établissement des vicariats par les chefs
diocésains, en tant qu’ils entraîneraient une charge pour l’Etat, et ce
contrôle existant ce sera au gouvernement de prendre toutes les mesures
nécessaires pour être à même d’éclairer la chambre dans la discussion du budget
lorsqu’il y serait porté des traitements pour des vicaires nouvellement
établis.
M. Gendebien. -
Messieurs, nous ne devons pas nous dissimuler que l’affaire dont vous vous
occupez est très délicate, et je pense qu’en de pareilles matières nous devons
être sobres de dispositions législatives.
L’amendement de M. Lebeau m’a paru, au premier
abord, superflu, en ce qu’il n’ajoute rien au droit d’initiative du
gouvernement ni de la chambre s’il reste dans les termes de la constitution ;
et il m’a semblé qu’il pourrait paraître aux catholiques plus ou moins
restrictif de leur liberté, quoique je reconnusse que cela n’est nullement dans
l’intention de l’auteur de l’amendement ni dans le texte de l’amendement
lui-même.
Je considère, messieurs, cet amendement, non
seulement comme superflu, mais encore comme dangereux même pour le but que se
propose M. Lebeau ; car, pour parler net, messieurs, si nous adoptons sa
proposition, nous allons mettre en présence toute la catholicité belge et el
gouvernement ; je vous demande bien pardon de faire intervenir ici le nom du
Roi, mais nous allons mettre toute la catholicité belge en présence d’un roi
protestant, chose qu’avec raison on a cherché jusqu’ici à éviter. Or,
messieurs, si vous mettez le gouvernement directement en contact avec les
catholiques, il en résultera peut être une trop grande disposition de la part
du gouvernement à tout accorder, de crainte d’encourir les accusations les plus
graves ; d’un autre côté, on l’accusera peut-être, tout aussi injustement, de
n’accorder pas assez.
Dans cette situation il convient de rester dans
l’état naturel des choses, dans le droit commun, et de continuer à traiter les
ministres du culte comme les autres fonctionnaires pour lesquels on propose un
traitement que les chambres accordent ou rejette selon qu’elles le jugent convenable
: de cette manière le gouvernement sera toujours libre de proposer ou de ne pas
proposer un traitement pour tels ou tels vicaires ; il usera ou n’usera pas de
son initiative comme nous userons ou n’userons pas de la nôtre.
Il ne faut pas mettre le Roi en face des
réclamations des catholiques, car vous savez que souvent on arrive du ministère
au chef de l’Etat ; c’est est très inconstitutionnel, j’en conviens ; mais
moralement on remonte souvent plus haut que le ministère.
Je crois, messieurs, et je dirai ma pensée tout
entière, que dans l’ordre des idées de ceux qui redoutent l’abus d’une trop
grande multiplication des vicaires, il est plus prudent que le gouvernement
n’intervienne pas, parce que chacun des membres de cette chambre sera plus libre
de se prononcer a priori, que lorsqu’il aura à se décider, après que le
ministère se sera prononcé.
Je pense qu’en ces sortes de matières, il faut
éviter les complications et pour les éviter, il faut abandonner la question,
comme toutes les autres questions de finances, à l’initiative du gouvernement
et de la chambre.
On vous a dit, et c’est là la seule objection un
peu spécieuse qu’on ait faite : « Comment voulez-vous que la chambre aille
prendre des informations sur l’utilité ou la nécessite d’un vicaire dans une
paroisse ? Pourra-t-elle se mettre en rapport avec l’administration communale,
avec l’autorité ecclésiastique ? »
Mais, messieurs, quand le
gouvernement vous proposera de nouveaux traitements de vicaire, ne devra-t-il
pas justifier de leur utilité, et vous faire un rapport sur lequel vous
porterez vos investigations ?
D’un autre côté, si un membre de la chambre, usant
de son initiative, fait une proposition, dans ce cas il aura recueilli les
renseignements nécessaires pour justifier de la nécessité d’un nouveau
traitement ; et la chambre jugera si ces renseignements sont suffisants.
On voit donc qu’on évite tout inconvénient, en
suivant cette marche ; tandis qu’il en résultera de très grands de l’adoption
de l’amendement que propose M. Lebeau et que, pour moi, je ne puis admettre.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, je viens m’opposer à l’amendement présenté par l’honorable M.
Lebeau, pour les raisons que vient de faire valoir l’honorable député de Mons.
Ainsi que l’a dit M.
Gendebien, il résultera de grands inconvénients de l’adoption de cet
amendement. Je vais citer un exemple. Je suppose que nous ayons un ministère
qui ne soit pas libéral dans toute la latitude de l’expression, un ministère
anticatholique qui ne partage pas les principes qui ont présidé à l’union ; je
suppose également une chambre imbue des mêmes idées que ce ministère ; eh bien,
qu’arrivera-t-il ? Lorsque les communes auront besoin de vicaires, et que les
évêques feront la demande de nouveaux traitements, ces propositions pourront ne
pas être adoptées ; et ainsi les localités se trouveront privées de vicaires.
Je pense, en conséquence, que l’amendement de M.
Lebeau ne peut nullement être adopté, et les raisons alléguées contre cette
disposition par l’honorable M. Gendebien me paraissent irréfutables ; j’ai
donné un exemple des inconvénients qu’elle peut entraîner et qu’il faut
prévenir, et je suis persuadé que c’est dans cette intention que le député de
Mons s’est élevé contre l’amendement.
M. Gendebien. -
Je déclare que ce n’est pas dans cette intention que j’ai combattu l’amendement
de M. Lebeau.
M. Rogier. -
Messieurs, je ne puis m’expliquer les résistances que rencontre l’amendement
présenté par mon honorable ami M. Lebeau, amendement qui n’est que la
consécration de principes déjà existants, et contre lesquels personne ne
s’élève dans cette enceinte.
En effet, on vous l’a dit aujourd’hui, l’érection
d’une nouvelle cure, d’une nouvelle succursale, emportant un traitement à la
charge de l’Etat, doit être approuvée, agréée par le gouvernement ; il n’en a
pas été de même jusqu’ici pour les vicariats dont les titulaires n’étaient pas
rétribués par le trésor public.
Mais actuellement que les vicaires vont, comme les
curés et les desservants, recevoir un
traitement à la charge de l’Etat, il est juste que la même règle leur soit
appliquée, règle dont l’application n’a pas provoqué d’objection.
L’on craint, messieurs, que sous un ministère qui
ne serait pas complètement libéral, les besoins du culte ne fussent négligés,
et que la chambre elle-même ne se trouvât paralysée dans ses intentions
vis-à-vis du culte. D’abord, messieurs, il n’est pas possible de supposer un
état de choses où le ministère se trouve longtemps en opposition avec la
chambre ; car un ministère, qui serait dans un dissentiment complet avec la
chambre, serait bientôt renversé par elle.
L’exemple contraire peut arriver. Je suppose un
ministère, libéral comme il faut l’entendre, en présence d’une chambre
intolérante, qui ne veut pas faire face aux besoins du culte ; dans cette
hypothèse, le contrôle qu’on veut attribuer aux chambres tournerait précisément
contre le culte, malgré la bonne volonté qu’aurait le ministère pour pourvoir
aux nécessités du culte.
Vous voyez donc, messieurs, que ces suppositions
peuvent se tourner pour et contre le principe du contrôle des chambres ; que ce
principe soit ou ne soit pas exprimé dans la loi, le contrôle n’en existera pas
moins ; et selon que la chambre sera tolérante ou intolérante il sera fait face
aux besoins du culte.
Je demande si les adversaires de M. Lebeau seraient
disposés à appuyer une disposition comme celle-ci :
« Les questions qui pourraient s’élever,
relativement à l’établissement des vicaires dans les paroisses, devront être
instruites et décidées par le gouvernement, de concert avec les évêques, et
sous le contrôle des chambres. »
Voilà l’amendement que je proposerais, si la
chambre repoussait celui de M. Lebeau ; le fond en est le même, avec une
rédaction différente.
Au reste, mon amendement n’est que la reproduction
des expressions elles-mêmes du rapport de la section centrale ; car c’est ainsi
que la section centrale a compris l’application du principe nouveau que nous
voulons déposer dans la loi ; je ne concevrais donc pas pourquoi la section
centrale s’opposerait à ce que cette disposition devînt un article de la loi.
Je n’ai pas l’habitude de flatter ici aucun parti ;
je ne crains pas non plus, en présence de mes actes antérieurs, d’être accusé
de vouloir porter la moindre atteinte à la liberté des cultes, et mettre
obstacle à ce qu’il soit suffisamment pourvu aux besoins du culte. Quand
j’étais au ministère de l’intérieur, j’ai fait doubler les traitements de tous
les chapelains qui ne recevaient que 200 fr., et j’ai reçu des évêques du
royaume des remerciements à cet égard.
Il me semble, messieurs, que lorsque nous posons un
nouveau principe dans la loi, il faut aussi que le principe soit accompagné de toutes
ses conséquences, lesquelles existent déjà en réalité à l’égard des curés et
des succursales.
J’aime à croire que nul d’entre vous, messieurs,
n’attribuera à l’amendement que je propose aucune arrière-pensée ; et s’il peut
y avoir des esprits aussi mal faits, nous les abandonnons volontiers à
eux-mêmes ; mais nous espérons qu’ils ne seront pas de force à exercer la
moindre influence sur cette assemblée, qui se montre toujours impartiale dans
toutes les questions touchant le culte.
Je demande qu’on veuille
répondre aux observations que j’ai eu l’honneur de présenter.
Quant aux inquiétudes qui ont été manifestées par
un honorable membre sur les complications qui pourraient l’élever relativement
au chef de l’Etat, véritablement cette objection pourrait s’appliquer à toute
autre espèce de subside. Ainsi, quand un instituteur sollicite un traitement à
la charge de l’Etat, le gouvernement s’assure si le subside réclamé est
nécessaire ; le traitement est souvent refusé ; et je ne pense pas que
l’instituteur dont on a rejeté la demande fasse remonter la réprobation au-delà
du bourgmestre de sa commune.
Il en est de même de toutes les autres questions de
subside, questions dans lesquelles on ne doit pas faire intervenir le Roi, mais
bien le ministre qui contresigne l’arrêté ; ainsi, l’objection élevée de ce
chef est absolument sans fondement.
M. Trentesaux.
- Messieurs, on dit que la proposition est une conséquence du premier article
que nous avons voté ; mais il me semble, messieurs, que c’est plus qu’une
conséquence, c’est en quelque sorte une atteinte portée au principe posé dans
l’article qui a été adopté.
Et en effet, que dit cet article ?
« Les sommes nécessaires pour payer les
traitements des vicaires qu’exige l’administration des paroisses, seront
portées annuellement au budget de l’Etat. »
Qui est-ce qui fait le budget de l’Etat ? Ce sont
les trois branches du pouvoir législatif, et d’après la teneur de la
proposition, indirectement le gouvernement serait le seul qui déciderait en
cette matière, car ce serait les seuls établissements de vicaire approuvés par
lui qui pourraient être admis au budget ; et remarquez que le gouvernement
serait le seul juge des conditions prescrites par l’article premier.
C’est un mauvais cadeau à faire
au gouvernement ; qu’a-t-on besoin de le mêler dans tout cela ? S’il y a lieu
d’accorder un nouveau traitement de vicaire, le gouvernement usera de sa
prérogative ordinaire, et nous soumettra une proposition ; et nous débattrons
les motifs qu’il donnera à l’appui.
Mais donner à lui seul un droit tel que les seuls
établissements de vicaires ou chapelains qu’il aura approuvés pourront être
portés au budget, c’est en opposition avec ce que vous venez de voter.
Je ne comprends pas la tendance qu’on montre à tout
abandonner au gouvernement. On lui a déjà fait de mauvais cadeaux, et celui
qu’on veut lui faire maintenant me paraît avoir ce caractère.
Je voterai en conséquence contre l’amendement.
M. Verdussen. -
Si j’ai bien compris l’intention de l’auteur de l’amendement, il a craint que
le mot de vicaire qui se trouve dans l’article premier, ne donnât lieu à des
abus, qu’on ne pensât qu’il suffit de porter le nom de vicaire pour avoir le
droit d’être porté au budget. Pour obvier cet inconvénient, il propose un
amendement ; et cet amendement, je le trouverais admissible s’il n’empiétait
pas sur une des prérogatives de la chambre.
Mais si vous lisez l’amendement en retranchant le
mot « par le gouvernement, » vous laissez entières les prérogatives
de la chambre et vous obtenez ce résultat qu’il ne suffit pas de porter le nom
de vicaire pour avoir droit à un traitement à la charge du trésor public. Après
avoir reçu ce titre de l’autorité ecclésiastique qui a seule le droit de le
conférer, il faut encore l’assentiment de l’autorité civile pour avoir droit au
traitement.
Les places, dit l’amendement, de chapelain et de
vicaire, dont la création aura été approuvée par le gouvernement, pourront
seules être rétribuées par le trésor public.
De cette manière, nous qui avons l’initiative de
proposer des chiffres plus forts ou moindres que ceux portées par le
gouvernement au projet de budget, nous n’aurons pas le droit de dire :
« Ce sera le vicaire de tel village qui profitera de la somme que nous
voulons voter en plus. »
Le gouvernement nous répondra : « C’est à moi
à juger si cette localité a besoin d’un vicaire. Vous avez accordé 10 mille
francs de plus que je n’avais demandé, mais je les emploierai comme je voudrai
; car d’après la loi que vous avez votée, il m’appartient de dire : Ce sera le
chapelain ou le vicaire de tel ou tel endroit qui sera payé par l’Etat. »
Ce serait donc porter atteinte aux prérogatives de la chambre que d’adopter une
disposition semblable.
Mais si vous voulez poser une barrière à la
cupidité qui pourrait porter l’autorité ecclésiastique à créer une foule de
vicariats qui ne seraient pas nécessaires aux besoins du culte ; si vous voulez
qu’il ne suffise pas d’être nommé vicaire par l’autorité ecclésiastique pour
avoir droit de participer au budget, adoptez une disposition qui donne au
gouvernement le droit de porter au budget le traitement des vicariats de telles
et telles communes, mais en laissant à la chambre le droit de modifier comme
elle l’entendra les propositions du gouvernement.
Si le gouvernement
reconnaît la nécessité d’établir de nouveaux vicariats, il en fera la
proposition au budget. La chambre demandera les motifs de l’augmentation
proposée ; le gouvernement répondra : « Parce que j’ai reconnu la
nécessité de créer 10 ou 20 vicariats pour tels ou tels villages. » La
chambre aura le droit de voter une augmentation d’allocation avec affectation
spéciale.
Je proposerai en conséquence de sous-amender de la
manière suivante la disposition proposée par M. Lebeau :
« Les places de chapelain ou de vicaire, dont
la création aura été reconnue nécessaire, pourront seule être rétribuées sur le
trésor public. »
Plusieurs
membres. - Cela a déjà été dit dans l’article premier.
M. Pollénus. - Je
crois que l’opinion de M. Verdussen s’accorde avec celle que j’ai exprimée tout
à l’heure. Je dois cependant faire une observation sur le sous-amendement qu’il
a proposé.
L’amendement de M. Lebeau, modifié comme M.
Verdussen propose de le faire, n’est plus qu’une répétition de ce qui est dit à
l’article premier que vous venez de voter. En effet, que dit cet article
premier ?
« A dater du 1er janvier 1837, les sommes
nécessaires pour payer les traitements des vicaires qu’exige l’administration
des paroisses seront portées annuellement au budget de l’Etat.
Or, le sous-amendement de M. Verdussen ne fait que
répéter en d’autres termes ce que porte
cette disposition.
Le droit d’examen par les
chambres, que veut consacrer M. Verdussen, résulte non seulement des ces mots :
« Les sommes nécessaires pour
payer les traitements, » mais encore « seront portées annuellement au budget. »
Par cela seul qu’une somme est portée au budget, on
en examine l’objet ; elle est susceptible d’être diminuée, augmentée, rejetée
ou adoptée.
Les termes de la disposition et les discussions
auxquelles elle vient de donner lieu, ne peuvent laisser aucun doute. S’il
avait pu en exister, les explications du rapport de la section centrale l’auraient
levé.
Je pense donc qu’on doit rejeter l’amendement. (Aux voix ! aux voix !)
M. Demonceau. -
Lorsque j’ai demandé la parole, je l’ai fait pour dire à la chambre que
l’amendement proposé par M. Lebeau, s’il était modifié ainsi que le propose M.
Verdussen, ne dirait rien d’autre que ce que contient l’article adopté. Le
doute qui peut exister provient, ce me semble, de ce que l’article ne désigne
pas l’autorité qui reconnaîtra la nécessité d’un ou plusieurs vicaires. Veuillez
le lire attentivement avec moi. Le voici : (L’orateur donne lecture de cet article). Si l’on a égard à ce que
renferme sur ce point le rapport de la section centrale, l’amendement
deviendrait inutile ; car alors ce serait le gouvernement, d’accord avec l’autorité
spirituelle et sous le contrôle des chambres, qui reconnaîtrait l’utilité ou la
nécessité. Il me semble que la loi ferait bien de s’expliquer sur ce point,
pour ne pas laisser du doute, et l’amendement proposé par M. Lebeau me paraît
devoir être adopté.
Plusieurs
voix. - Ce seront les chambres. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. -
Je vais mettre aux voix le sous-amendement de M. Legrelle qui propose de
substituer aux mots : « approuvée par le gouvernement, » ceux-ci :
« reconnue nécessaire par le gouvernement. »
M. Legrelle. -
Je fais observer que je ne propose mon sous-amendement que pour le cas où
l’amendement serait adopté.
- Le sous-amendement de M. Legrelle est mis aux
voix et adopté.
L’amendement de M. Lebeau, ainsi modifié, est mis
aux voix. Après une épreuve douteuse, il est déclaré rejeté.
Article
2
« Art. 2. Ces traitements sont fixés à 500 fr.
sans préjudice aux suppléments que les communes et les fabriques des églises auront
la faculté d’accorder. »
M. Gendebien. -
Je crois qu’il y a une bonne partie de l’article à retrancher, et qu’on
pourrait se borner à ces mots :
« Ces traitements seront fixés à 500
fr. »
D’abord, quant aux fabriques, je ne pense pas qu’il
soit nécessaire de rappeler qu’elles sont autorisées à donner un supplément. Je
ne vois aucun inconvénient à laisser subsister la législation existante. Il est
donc inutile d’en parler dans la loi.
Quant aux communes, je crois que la disposition
doit disparaître. Je demanderai donc qu’on retranche les mots : « les
communes, » et qu’on dise :
« Ces traitements sont fixés à 500 fr, sans
préjudice aux suppléments que les fabriques des églises auront la faculté
d’accorder. »
Lorsqu’on a proposé de mettre à la charge de l’Etat
les traitements de tous les ministres des cultes, la question a été renvoyée à
la section centrale, dont je faisais partie, et je n’ai pas hésité à dire que
la question n’était pas susceptible d’un doute, que la constitution s’était
prononcée si formellement qu’il n’y avait pas moyen de douter. D’un autre côté,
j’ai reconnu et déclaré également qu’il était hors de doute que les traitements
des ministres des cultes ne pouvaient être mis à la charge des communes, par la
raison que la constitution y a pourvu en les mettant à la charge de l’Etat, et
aussi parce que la liberté des cultes exclut la possibilité d’imposer tous les
habitants d’une commune pour un pareil objet. Quand les communes voudront
donner un supplément à un ministre des cultes, elles imposeront tous les
habitants de la commune, catholiques ou protestants.
Eh bien, vous ne pouvez pas, aux termes de la
constitution, autoriser une pareille contribution, sans froisser les
consciences, sans porter atteinte à la liberté des cultes. Pourquoi voulez-vous
contraindre un citoyen à pourvoir aux frais de deux croyances alors qu’il n’en
a qu’une ? Je ne parle pas de ceux qui n’en ont aucune, mais encore ont-ils
cette faculté. Je crois que tout habitant non catholique à le droit de se
refuser à supporter une imposition communale destinée à rétribuer un ministre
d’un autre culte que le sien ; je dis plus : il n’est pas dans le pouvoir de la
loi de l’y contraindre.
Rappelez-vous les motifs qui ont été allégués pour
soutenir que les traitements des ministres des cultes devaient être mis à la
charge de l’Etat. On a fait valoir les inconvénients qu’il y aurait à mettre
les ministres des cultes à la merci de la commune ; on a fait valoir les motifs
de désaffectation qui pourraient en résulter pour lui : on a fait sentir tous
les inconvénients à mettre les ministres des cultes aux prises avec la commune
au sujet de son traitement, les questions d’argent étant toujours les plus
irritantes.
Eh bien, ces mêmes motifs ne doivent-ils pas vous
déterminer à ne pas autoriser, ou plutôt à ne pas mettre les communes dans la
nécessité d’allouer des suppléments de traitement à des ministres de cultes
quelconques ?
Comment, dira-t-on dans les communes pauvres
surtout, on impose des malheureux pour compléter ou augmenter des traitements !
Mais si les traitements ne sont pas suffisants, que le gouvernement y pourvoie,
la constitution l’a ordonné ainsi textuellement.
De bonne foi, que pourrait-on répondre à ceux qui
tiendront ce langage. S’il est prudent, s’il est convenable d’éviter des
conflits entre les citoyens et les ministres du culte, lorsqu’il s’agit du
nécessaire, n’est-il pas cent fois plus convenable d’éviter ces mêmes conflits
pour des suppléments de traitement qui pourront être considérés comme du
superflu ?
Je le répète, il résulte, d’une part, de la liberté
des cultes assurée à la nation belge par la constitution, que l’on ne peut
assujettir un citoyen belge à aucune rétribution pour un culte qui n’est pas le
sien, pas plus qu’on ne peut le contraindre à telle ou telle croyance ; on ne
peut méconnaître ni directement ni indirectement ces principes, sans entrer
dans la théorie d’une religion de l’Etat, d’une religion de majorité. D’un
autre côté, la constitution ayant pourvu aux traitements des ministres des
cultes, et les chambres, en exécution de la constitution, étant forcées de
porter au budget les sommes nécessaires pour y faire face, il devient plus
inconvenant, plus dangereux que jamais d’autoriser, ou plutôt de contraindre
indirectement les communes à les augmenter, ou à les compléter.
Que les fabriques, que les
citoyens individuellement donnent un supplément ; que l’on s’associe, que l’on
se cotise dans les communes pour former un supplément, rien de mieux.
J’applaudis, surtout pour les communes rurales, à ces cotisations qui ajoutent
au traitement de 500 fr. alloué aux vicaires.
Mais comme je veux être juste, je dis d’un autre
côté que si vous voulez aller au-delà, vous commettrez une
inconstitutionnalité, et vous tombez dans tous les graves inconvénients que
vous voulez éviter.
Mon amendement tend à retrancher dans l’article
tout ce qui suit le chiffre 500 francs, mais surtout à supprimer les
contributions communales.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il me semble que si l’on adoptait l’amendement de M. Gendebien, les vicaires
se trouveraient dans une position pire que celle où ils se sont trouvés
jusqu’ici. En effet leurs traitements sont fixés à 300 fr., minimum, jusqu’à
500 fr., maximum, et ils reçoivent en outre en subvention du gouvernement 210
fr., ce qui porte leurs émoluments à 510 fr. minimum, ou à 710 fr. maximum ; il
est donc évident qu’il y aurait lésion pour un grand nombre de vicaires, si
l’amendement était admis. Mais en laissant aux fabriques et aux communes la
faculté d’accorder un supplément, il en résultera qu’ils amélioreront le sort
des vicaires par des gratifications de 100 ou 200 fr. quand elles le pourront ;
et ces légers soulagements seront accordés dans bien des cas, si vous laissez
l’art. 2 tel qu’il est.
On craint qu’il ne soit inconstitutionnel qu’une
commune votât un supplément de traitement à un vicaire ; mais comment
pourrait-il y avoir là inconstitutionnalité ? Rien n’empêche les communes de s’imposer
elles-mêmes ; de la liberté des cultes découle la nécessité de voter des sommes
pour le traitement de leurs ministres, et on ne peut comprendre qu’il y ait
violation de la constitution quand une commune accorde spontanément un
supplément de traitement, soit à un vicaire, soit à un chapelain.
Je ne vois pas de motifs pour retrancher les
dispositions de l’article 2.
M.
Legrelle. - Si l’art. 2 disait que les communes sont dans l’obligation
de donner un supplément de traitement, je trouverais, l’observation faite par
M. Gendebien très juste ; mais l’art. 2 donne simplement la faculté d’accorder
un supplément de traitement, et ceci est bien différent. La commune que
j’habite, ainsi qui beaucoup d’autres, a demandé que l’Etat fût chargé du
traitement des vicaires ; ce n’est pas à dire qu’elle ne veut rien faire pour
ceux dont elle aura besoin : accordez d’abord aux vicaires et aux chapelains,
dont les populations ne peuvent se passer, un traitement, et laissez faire
ensuite aux communes ce qu’elles jugeront convenable. Or, si vous voulez leur
laisser cette faculté, ne supprimez rien dans l’article.
M.
le président. - M. Trentesaux propose l’amendement suivant :
« Ces traitements sont fixés au maximum de 600
francs, sans préjudice des suppléments que les communes pourront accorder. »
M. Trentesaux.
- Le projet de loi met d’une manière uniforme 500 francs ; cependant, selon les
localités, 400 francs ou 500 francs peuvent convenir ; ainsi je ne crois pas
que l’on doive établir une règle uniforme, et je pose uniquement un maximum, en
laissant aux fabriques la faculté d’ajouter des suppléments.
Je n’appelle pas les communes à donner des
suppléments, parce qu’il faut autant que possible éviter le contact entre les
ministres du culte et les pouvoirs municipaux ; je n’aime pas les débats qui
peuvent surgir, pour cause d’intérêt, entre les vicaires et les communes.
- L’amendement de M. Trentesaux est appuyé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’amendement de l’honorable M. Trentesaux
pourrait bien aller en sens inverse du but que veut lui assigner son auteur. Et
en effet, en disant simplement un
maximum de 600 fr., il se pourrait que plus tard l’on ne voulût accorder que
100 francs par exemple ; et on serait en droit de le faire, si la rédaction
proposée par le préopinant était admise. Or, il n’entend certainement pas
introduire une disposition qui pût empirer le sort des vicaires.
L’honorable M. Gendebien
demande que l’on retranche de la loi la faculté accordée aux communes de donner
des suppléments de traitement ; mais le décret de 1809 subsistant, la commune
conserverait toujours le moyen de donner un supplément de traitement au vicaire
quand les revenus de la fabrique seraient insuffisants. Sons ce rapport donc,
le retranchement proposé n’aurait pas la portée qu’on lui donne.
Quoi qu’il en soit, il ne peut y avoir qu’utilité à
maintenir entière cette disposition de l’article qui consiste à dire « sans
préjudice de la faculté réservée aux fabriques et aux communes d’accorder un
supplément de traitement ; » car dans certaines circonstances il pourrait
arriver sans cela que des administrations provinciales ou communales se
prévalussent du texte de la loi pour écarter toute demande, en prétendant que
les 500 fr. alloués par le trésor forment un maximum qui ne doit pas être
dépassé.
Par ces considérations, je crois que l’article de
la section centrale doit être adopté par la chambre sans aucune modification.
M.
Dumortier. - Je me proposais de faire les mêmes observations que le
ministre des finances vient de présenter ; je me bornerai à en ajouter une
nouvelle.
Si vous retranchez aux communes la faculté de
donner un supplément de crédit aux vicaires, beaucoup de communes pourraient se
regarder comme n’ayant pas le droit d’en donner, et les députations
provinciales pourraient aussi se regarder comme obligées d’effacer dans le
budget des communes les suppléments que celles-ci auraient votés. Il ne faut
pas laisser de doute dans cette question ; et je pense qu’il faut mettre
explicitement que les communes peuvent donner des subsides à leurs vicaires. Il
est écrit dans la constitution que les charges communales doivent être réglées
par les conseils communaux : ne serait-ce pas ôter cette liberté à la commune
que de l’empêcher de faire l’emploi qu’elle veut de ses fonds ? Il est
donc important que les autorités provinciales sachent bien qu’elles n’ont rien
à retrancher aux subsides que les communes accordent aux vicaires ou aux
chapelains.
M.
de Jaegher. - L’intervention du gouvernement me semble indispensable.
Quelle garantie a-t-on que le vicaire dont l’autorité ecclésiastique demande
l’établissement soit d’une utilité urgente dans une commune ? Les communes
diront toujours qu’elles ont besoin d’un vicaire, même de deux ; c’est dans
leur intérêt, je dis leur intérêt matériel, de multiplier les ministres du
culte ; le nombre des vicaires est avantageux à leurs finances, parce que le
nombre des offices augmente en proportion : ; il en résulte qu’elles sont plus
fréquentées par les fidèles, et que le petit commerce de débit en profite
d’autant. Par ces motifs, il est donc important d’examiner s’il y a lieu
d’accorder les demandes des communes et si des vicaires leur sont réellement
utiles.
M. Gendebien. -
Messieurs, à entendre le ministre de l’intérieur, mon intention serait de
rendre la position des vicaires pire qu’elle n’est, tandis que la loi que nous
discutons a pour objet de l’améliorer. Ce n’est pas là répondre aux
observations que j’ai faites à l’appui de mon amendement. Je n’ai nullement
l’intention de rendre la position des vicaires moins heureuse, je me suis expliqué
assez clairement pour ne pas être obligé de revenir sur ce point.
De tout ce qu’a dit M. le ministre de l’intérieur,
il résulte que, par les dispositions que vous avez votées, vous n’avez pas
satisfait au vœu de l’article 117 de la constitution qui déclare que les
traitements des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat ; car si le
taux du traitement que vous avez fixé est insuffisant, il en résulte seulement
que vous auriez dû l’élever davantage, mais nullement que vous devez mettre à
la charge des communes une partie de la dépense qui, suivant la constitution,
doit être supportée en totalité par le trésor de l’Etat.
Quant à l’inconstitutionnalité qu’il y aurait à
imposer les communes de ce chef, on n’a pas répondu aux arguments que j’ai fait
valoir. J’ai dit que la constitution consacre le principe que les traitements
des ministres du culte sont à la charge de l’Etat ; j ai dit que d’un autre
côté la constitution consacre également la liberté de tous les cultes, et qu’il
est par conséquent impossible de se conformer au texte et à l’esprit de la
constitution en autorisant les conseils communaux, ou plutôt en mettant les
communes dans la nécessite d’imposer tous les habitants d’une commune pour un
traitement que la constitution met à la charge de l’Etat pour la totalité. Je
suppose une commune dont la population se compose pour les deux cinquièmes de
protestants ou de non-catholiques : eh bien, messieurs, cette commune aura la
faculté ou plutôt sera mise dans la nécessité d’imposer au profit du clergé
catholique, deux cinquièmes de ses citoyens qui, d’après la constitution, n’ont
rien de commun avec ce clergé.
La constitution, messieurs, je le répète, s’oppose
doublement à ce que les communes votent des fonds pour les traitements des
ministres du culte : d’un côté elle met la totalité de ces traitements à la
charge de l’Etat, et d’un autre côté elle déclare que toutes les opinions sont
libres : vous ne pouvez donc pas autoriser, c’est-à-dire, je le répète, forcer
sciemment les communes à faire concourir indistinctement tous les habitants au
paiement du supplément de traitement que vous reconnaissez nécessaire
d’accorder aux vicaires par la loi même que vous faites, en exécution de l’art.
117 de la constitution qui vous impose impérativement l’obligation de porter au
budget toutes les sommes nécessaires pour les traitements des ministres des
cultes. C’est là une observation à laquelle personne ne peut répondre.
On vous a dit, messieurs, que ce serait porter
atteinte à la liberté des conseils communaux que de ne pas leur laisser la
faculté de se cotiser pour accorder un supplément de traitement à leur vicaire
; mais c’est là une manière toute nouvelle d’argumenter : d’un côté, on prétend
que les communes sont obligées, en vertu d’un décret impérial encore subsistant,
de porter ce supplément à leur budget ; d’un autre côté, on dit que c’est
porter atteinte à leur liberté que de ne pas leur reconnaître dans la loi la
faculté de le faire ; je vous le demande, messieurs, par qui la liberté des
communes est-elle ici contestée ? Il me semble qu’il n’y a plus de liberté là
où il y a contrainte de faire quelque chose, tandis que si vous omettez
d’insérer dans la loi que les conseils communaux ont le droit d’imposer leurs
administrés pour subvenir au supplément de traitement qu’ils voudraient
accorder aux vicaires, tout le monde est d’accord que ce supplément n’en pourra
pas moins être alloué ; seulement alors les conseils communaux ne seront pas
armés d’une disposition législative exécutoire de plein droit envers et contre
tous, sans distinction de culte ; ces résolutions rentreront dans le droit
commun.
Laissons, messieurs, les
choses dans le droit commun : la constitution reconnaît aux citoyens le droit
de s’associer pour tout objet quelconque, ils auront donc le droit de
s’associer pour donner aux vicaires un supplément de traitement ; mais du
moment où vous reconnaissez dans la loi la nécessite de ce supplément, vous
reconnaissez en même temps que vous n’exécutez pas loyalement la constitution.
Il faut renier tout ce qu’on a dit pour mettre le
traitement des vicaires à la charge de l’Etat, pour repousser mon amendement,
car tous les arguments qui ont été présentés à l’appui de cette mesure se
reproduisent avec plus de force contre vous si vous n’admettez pas mon amendement.
Je demande, messieurs, qu’on réponde aux arguments
que j’ai tirés de l’art. 117 de la constitution et de celui qui laisse à chacun
la liberté de suivre le culte que bon lui semble. Si chacun a la faculté, je le
répète, de suivre un culte plutôt qu’un autre, vous ne pouvez contraindre
personne à payer pour une opinion qui n’est pas la sienne. Il est possible que
je me trompe, mais je désire au moins qu’on m’éclaire, qu’on me réponde d’une
manière logique et constitutionnelle surtout.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense, messieurs, qu’il ne faut pas
interpréter la constitution comme l’entend M. Gendebien ; car si, en toutes les
occurrences, nous tirions de la constitution des conséquences aussi rigoureuses
que celle qu’en tire cet honorable membre, nous la trouverions souvent
impraticable, intolérable.
L’enseignement est libre, messieurs, toute comme
les cultes ; eh bien, admettrez-vous pour cela qu’il soit défendu aux communes
de voter des subsides pour l’instruction ? L’honorable M. Gendebien
l’admettrait-il lui-même ?
M.
Gendebien. - Non, sans doute !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Cependant, messieurs, celui qui n’a pas
d’enfants doit contribuer aux frais de l’instruction qui se donne pour compte
de la commune ; s’il est des individus qui ne veulent pas du tout de cette
instruction, ou auxquels l’instituteur qui la donne ne convient pas, il faut
bien cependant qu’ils concourent à la rétribuer. Du moment que l’administration
communale, le chef de l’association communale a décidé qu’une dépense est utile
à tous, il faut que tous y contribuent.
Vous voyez donc, messieurs, que l’article 14 de la
constitution peut s’interpréter tout comme l’article 117, et que le simple
rapprochement de ces deux articles est une réponse suffisante aux observations
de M, Gendebien.
M. Pollénus. - Un
honorable membre de cette chambre disait qu’il y a peu ou presque point de communes
qui se trouvent dans le cas de pouvoir payer le traitement des vicaires, et je
crois que cet honorable membre a dit là une chose très exacte ; si je suis bien
informé il y a dans tout le diocèse de Malines, qui se compose des provinces
d’Anvers et du Brabant, tout au plus quatre fabriques qui seraient dans le cas
de pouvoir accorder un subside aux vicaires. Ce point étant reconnu, je ne vois
pas quelle utilité il y aurait à établir dans la loi la faculté pour les
fabriques de donner aux vicaires un supplément de traitement.
Mais je dois vous faire une autre observation. Sous
quelle influence, messieurs, avons-nous voté l’article premier, si ce n’est
sous l’influence du principe que c’est à l’Etat seul de payer les traitements
des ministres des cultes ? C’est en partant de la même idée que beaucoup de
membres de la chambre se sont opposés à l’adoption de l’article 3, qui
reconnaît une faculté à laquelle ils croient que des inconvénients sont
attachés, parce qu’il faudrait pouvoir se rendre compte des revenus des
fabrique pour pouvoir juger quelles sont celles qui se trouvent à même de
subvenir au traitement de leurs vicaires.
Je sais, messieurs, qu’on a invoqué le décret
impérial de 1809, qui met le traitement des vicaires à la charge des communes ;
mais il est un autre décret, porté en exécution du concordat, qui dit que les
charges des fabriques consistent uniquement dans des temples et la surveillance
des aumônes ; je crois aussi qu’outre ces frais, les besoins journaliers des
églises sont également à la charge des fabriques, mais qu’elles ne doivent rien
supporter de tout ce qui concerne le traitement des ministres du culte. (M. Legrelle fait un signe négatif.)
L’honorable M. Legrelle, qui semble révoquer en doute ce que j’avance, n’a qu’à
consulter les personnes qui sont au courant de ce qui se pratiquait avant 1789
; alors les traitements des ministres du culte étaient à la charge des
décimateurs, mais jamais à la charge des administrations des églises.
Il me semble donc, messieurs, qu’en consultant les
dispositions qui, les premières, ont organisé l’établissement des fabriques, on
doit reconnaître que les revenus de ces fabriques ne peuvent être employés à
autre chose, si ce n’est aux frais du temple proprement dits.
Telle est ma manière de voir sur cette question ;
dans une matière telle que celle-ci, je pense que la chambre est animée des
meilleures intentions envers les ministres du culte ; j’aime à croire qu’on ne
donnera pas une interprétation erronée à mes paroles ; j’ai des doutes, je
tiens à les communiquer, pour que la discussion les éclaircisse.
Qu’ils y prennent garde, ceux qui pensent qu’en
présence des dispositions qui affectent les revenus des fabriques aux frais du
culte proprement dits, on ne peut imposer aux fabriques la charge du
traitement, alors même que ces fabriques jouissent d’un revenu de 500 et
quelques francs ; car dans le projet de la section centrale, la faculté qui est
abandonnée aux fabriques, d’accorder des suppléments, n’est nullement
subordonnée à l’acquittement des autres dépenses de l’église, de manière qu’il
deviendrait possible qu’un conseil de fabrique votât un traitement
supplémentaire, avant d’avoir acquitté les autres charges et les autres
dépenses.
Je le répète, je n’ai pas une opinion positive à
cet égard ; avant de prendre la parole, un de mes honorables collègues m’avait
dit qu’il y avait peu ou point de fabriques en état de payer les traitements
des vicaires ; en ce cas, m’étais-je dit, la disposition de la section centrale
devient presque sans objet.
Je sais bien peut m’objecter que la faculté laissée
aux fabriques n’implique pas une obligation pour ces fabriques ; mais je crains
beaucoup que la faculté attribuée à celles-ci n’amène entre elles et les
vicaires des discussions et des conflits fâcheux.
Je prie la chambre de vouloir bien peser ces
inconvénients ; si je suis dans l’erreur, je ne demande pas mieux que d’en
revenir, mais la possibilité des inconvénients existe, puisqu il n’y a presque
pas de commune où ces fâcheuses discussions n’aient eu lieu.
En terminant, je pourrais
répondre à ce qu’a dit M. le ministre des finances, « qu’il ne fallait pas
interpréter les dispositions de la constitution dans un sens absolu ; et qu’en
le faisant, on tombait dans l’absurde ; » M. le ministre a comparé la liberté
de l’enseignement à la liberté des cultes ; je lui ferai remarquer qu’à côté de
la liberté des cultes se trouve l’art. 117 de la constitution, qui porte :
« Les traitements et pensions des ministres des
cultes sont à la charge de l’Etat ; les sommes nécessaires pour y faire face
sont annuellement portées au budget. »
Et qu’à côté de la liberté de l’enseignement, il
n’y a pas un article qui porte que tous ceux qui seront préposés à
l’enseignement, seront rétribués par l’Etat.
M.
le président. - Voici un nouvel amendement proposé par M. Trentesaux :
« Ces traitements sont fixés au maximum de 600
fr., et au minimum de 400 fr.... (Le reste comme dans le projet de la section
centrale).
M. Trentesaux.
- Par suite des observations que l’on m’avait faites, j’avais d’abord effacé
dans mon amendement ces mots : « un minimum de 400 fr. » ; tout bien
considéré, je les ai rétablis dans mon projet ; j’adopte la fin de la rédaction
de la section centrale, quoique mon désir eût été de voir disparaître les
discussions pécuniaires entre les membres du clergé et les administrations
municipales.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
- Messieurs, c’est à tort qu’un honorable député du Limbourg vient de dire que
très peu de fabriques seraient en état d’accorder un supplément de traitement
aux vicaires ; c’est là une erreur évidente. Il est clair que l’observation de
cet honorable membre ne peut se rapporter qu’à l’art. 3, où il est parlé d’un
revenu ordinaire suffisant pour que la fabrique supporte le traitement de 500
fr. après l’acquittement de toutes les charges ; c’est à cette circonstance
seule que M. Pollénus peut faire allusion ; car il est constant aujourd’hui, d’après
les tableaux qui ont été communiqués à la chambre, que les fabriques
contribuent pour 400 mille fr., pour traitement des vicaires et subsides aux
desservants.
Il est hors de doute qu’un grand nombre de
fabriques seront en état d’accorder un supplément de 100 ou de 200 francs.
M. Dubus. -
Messieurs, je viens défendre l’art. 2, proposé par la section centrale, et je
ne puis admettre aucun des amendements qui vous ont été présentés.
Pour apprécier l’esprit dans lequel la section
centrale a proposé cet article, il faut se rendre raison de la situation
actuelle des choses, et de la manière dont sont établis et payés les
traitements du clergé catholique. La section centrale a posé le principe que
les traitements des vicaires seraient à la charge de l’Etat, comme tous les
traitements des desservants. Comment ces traitements sont-ils à charge de
l’Etat ? Les lois en vigueur fixent un même traitement pour tous les
desservants du royaume, sans égard aux circonstances locales qui, dans beaucoup
de communes, rendent ce traitement évidemment insuffisant. Les lois en vigueur
n’établissent réellement qu’un minimum à charge de l’Etat, et dans les
localités où ce minimum est insuffisant, la commune ou la fabrique vote un
supplément.
Cet état de choses subsiste, et va subsister
encore, jusqu’à ce qu’on l’ait changé ; et nous n’avons autre chose à faire que
mettre ce qui concerne les vicaires en harmonie avec tout le système, jusqu’à
l’époque où l’on voudra et l’on pourra le changer ; car je préviens d’avance
que ce sera un immense travail ; il faudra prendre le parti, si on
l’entreprend, de se faire donner des renseignements précis sur les
circonstances de chaque localité et de fixer un traitement spécial pour chaque
ministre du culte, domicilié dans telle ou telle commune. Il s’écoulera un long
temps avant l’organisation d’un pareil système. En attentant, force nous est de
marcher dans la voie tracée, de nous mettre dans le système actuellement en
vigueur d’après lequel l’insuffisance d’un traitement à charge de l’Etat est
réparée par un subside sur le fonds de la commune ou de la fabrique.
A coup sûr, personne ne prétendra qu’un traitement
de 797 fr. 50 c. sera partout un traitement convenable pour un desservant ;
personne ne dira non plus qu’un traitement de 500 fr. est un traitement
suffisant pour un vicaire dans toutes les localités ; vous accorderiez 600 fr.,
que le traitement serait encore insuffisant dans beaucoup de communes.
Nous n’avons donc d’autre moyen que d’étendre, en
ce qui concerne les vicaires, l’état de choses existant, quant aux desservants,
et d’autoriser les fabriques à accorder des suppléments aux vicaires, comme
elles en ont déjà la faculté à l’égard des desservants.
Mais on objecte quant aux communes que c’est
blesser la constitution ; car, dit-on, vous obligez l’administration d’une
commune à forcer tels ou tels individus de la commune qui ne sont pas
sectateurs du culte à contribuer à en payer les ministres. On n’a pas fait
attention que cet habitant qui ne voudrait pas contribuer dans les charges
communales à une dépense pour le traitement du curé est obligé d’y contribuer
si on range cette dépense parmi les charges générales.
Comment peut-on se trouver en opposition avec la
constitution dans le premier cas et ne pas l’être dans le second ?
On ne peut pas considérer comme contraire à la
liberté des cultes d’obliger un citoyen à contribuer à une dépense dont il
n’approuve pas l’application ; car il peut ne pas convenir à un citoyen qu’on
paie un instituteur, et cependant il est obligé de contribuer aux charges
communales qui ont pour objet de faire face à cette dépense ; cela n’est pas
considéré, d’après nos lois, comme une atteinte portée à la liberté.
Il y a dans bien des communes des conseils qui
votent un subside considérable pour une salle de spectacle ; cependant il est
des citoyens dont l’opinion, dont la conscience est contraire au vote de
semblables dépenses, et pourtant on les fait contribuer. Est-ce là une atteinte
portée à la liberté des cultes, à la liberté de conscience ?
Je demanderais qu’à côté de la disposition, au
point où on veut la réduire, on ajoutât qu’il sera défendu aux conseils
communaux de voter des subsides pour les spectacles.
Mais, d’une autre part, on insinue que les
fabriques ne doivent pas non plus voter de supplément de traitement aux
vicaires, et on demande s’il est bien convenable de permettre que ce supplément
de traitement soit considéré comme une dépense de fabrique.
On demande cela en mettant à part apparemment, pour
un instant, l’article 117 de la constitution, ou en réservant pour la
discussion de l’art. 3 la question à laquelle donne lieu l’article 117 de la
constitution ; je me réserve aussi de m’expliquer sur cette question de
constitution, quand nous en serons à l’article 3.
Quant à la question de convenance à laquelle on
réduit actuellement la discussion, je ferai observer que les fabriques ont bien
été obligées par un simple décret de l’empereur à supporter, quand leurs
revenus leur en donnaient les moyens, le traitement des vicaires ; mais qu’en
même temps elles ont été dotées à cet effet par différents décrets du même
empereur, et qu’il ne me paraît pas si fort contraire aux convenances de leur
imposer cette charge, s’il est vrai qu’il leur a donné des moyens suffisants
pour y faire face.
J’ajoute qu’il est malheureusement vrai que la
rapacité française a si complètement dépouillé nos fabriques, que les arrêtés
de restitution n’ont produit que très peu de chose, que la majeure partie des
fabriques n’a pas de quoi supporter ses charges, en mettant à part le
traitement des vicaires, et qu’on est obligé de leur donner des subsides.
Mais si quelques fabriques, au moyen des
restitutions qui leur ont été faites, ont un revenu suffisant pour couvrir le
traitement du vicaire, je demanderai à l’honorable membre qui a parlé avant le
ministre, en quoi il est contraire aux convenances qu’il soit mis à la charge
de ces fabriques, alors qu’on leur a donné des moyens suffisants pour couvrir
cette charge.
Si le traitement du vicaire peut être supporté par
la fabrique quand elle a des revenus suffisants pour couvrir la dépense, à plus
forte raison faudrait-il reconnaître que la fabrique qui peut, d’après ses
facultés, et qui veut voter un supplément de traitement au vicaire, ne doit pas
en être empêchée.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Trentesaux,
je ne puis aucunement l’admettre, parce qu’il ne satisfait manifestement pas
aux besoins, parce qu’il est certain que dans plusieurs localités un traitement
s’élevant au maximum de 600 fr. ne suffira pas, et que partout le minimum de
400 fr, sera insuffisant, à moins que vous n’autorisiez le vote de suppléments
de traitement. Or, je crois qu’il n’a proposé son amendement qu’en supprimant
la faculté qu’on laissait aux fabriques de les augmenter.
M.
le président. - C’est une erreur, M. Trentesaux maintient la fin de
l’article que son amendement modifie.
M. Dubus. - Cet
amendement présente un avantage, en établissant un maximum du traitement à la
charge de l’Etat, mais il est manifeste qu’un traitement de 400 fr. est
insuffisant ; je crois qu’il serait vrai de dire même qu’un traitement de 500
fr. pas assez.
Plusieurs
membres. - La clôture ! la clôture !
M. le président. -
La parole est à M. Vandenbossche.
(La clôture ! la clôture !)
M. Gendebien. -
Je demandé la parole contre la clôture.
Messieurs, quelle que soit votre fatigue, quelle
que soit votre volonté de ne plus entendre personne, vous ne pouvez refuser la
parole à l’auteur de la proposition surtout quand il a à répondre à deux
ministres. Je suis dans une position de défendeur.
Je n’abuserai pas de votre attention, car le temps
que j’ai mis pour combattre la clôture, m’aurait suffi pour répondre.
M. le président met
la clôture aux voix.
- Deux épreuves étant douteuses la discussion
continue.
M. le président. -
M. Vandenbossche a la parole.
Un grand
nombre de membres. - A demain ! à demain !
- La séance est levée à 4 heures et demie.