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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 10 juin 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à la pêche maritime (Donny, Desmet, Smits,
Desmaisières, de Brouckere,
de Theux, Donny)
2) Projet
de loi ouvrant un crédit au budget du département de la guerre pour le couchage
des troupes (Schaetzen, Pirson,
Eloy de Burdinne, Milcamps, Devaux, Schaetzen, d’Huart, Demonceau, Schaetzen, d’Huart, A. Rodenbach, Desmet, Dumortier, d’Huart)
3) Projet
de loi autorisant le gouvernement à accorder une pension à la dame veuve Plaisant
(de Brouckere, Ernst)
4) Projet
de loi autorisant l’émission d’un emprunt de 30 millions de francs. Situation
de la dette publique, construction du chemin de fer et de routes par l’Etat, Sambre
canalisée. (Polfvliet, d’Huart,
(+polder de Lillo) Legrelle, (+corps des ingénieurs) (Desmet, d’Huart), (+polder de Lillo)
Rogier, A. Rodenbach,
(modalités d’émission (Verdussen)), (+usage de
l’armée dans les travaux publics) Devaux, d’Huart, Watlet, d’Huart,
Gendebien, Verdussen, Lebeau, d’Huart, Watlet,
Eloy de Burdinne)
5)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Traitement des vicaires par
l’Etat (Doignon, Gendebien, de Theux), naturalisations (de
Jaegher), créances arriérées (Dubus), poids et
mesures (d’Huart)
(Moniteur
belge n°164, du 12 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Dechamps lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître à la chambre l’objet des pièces qui lui sont adressées.
PIECES ADRESSEES A
« Les délégués des armateurs pour la pêche
nationale à Ostende demandent que la chambre autorise M. le ministre de
l’intérieur à répartir l’allocation de 120 mille francs pour primes
d’encouragement à la pêche nationale. »
________________
« Le sieur Bastide (Pierre-Alexandre), capitaine
major de place de deuxième classe à Anvers, né en France, et domicilié en
Belgique depuis 1816, demande la naturalisation. »
________________
- Cette dernière pétition est renvoyée au
département de la justice.
________________
Messages du sénat annonçant qu’il a adopté les
projets de loi concernant :
1° La séparation des villages de Deurne et de Borgerhout.
2° La délimitation des communes de Boucin (province de Namur) et Clavier (province de Liége).
3° La séparation du village de Boisschot
d’avec la commune de Heyst-op-den-Berg.
4° La séparation des villages de Horst et de Sevenum.
5° La fixation de la limite territoriale de Stein
et d’Elsloo.
6° La séparation du village de Molembaix
de la commune de Celles.
7° Un transfert au budget du ministère de la guerre
pour l’exercice 1835.
- Pris pour notification.
M. Wallaert s’excuse par
lettre de ne pouvoir assister momentanément aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
M. Donny. - Je
demande que la chambre autorise la lecture de la pétition des armateurs pour la
pêche nationale à Ostende. Cette pétition est d’une nature très urgente.
Vous le savez, messieurs, aux budgets de 1834, 1835
et 1836, il a été alloué des, fonds pour l’encouragement de la pêche ; les
pétitionnaires demandent qu’on fasse la distribution de ce fonds, en attendant
l’adoption de la loi qui a été présentée sur la pêche nationale.
Si la chambre pense que le gouvernement puisse
disposer de ces fonds, sans y être autorisé par une loi, je me dispenserai de
présenter un projet de loi à cet égard.
M. Desmet. - Je
viens appuyer de toutes mes forces la motion de l’honorable M. Donny qui tend à
accorder aux pêcheurs d’Ostende une part dans le subside qui est alloué au
budget pour protéger la pêche nationale, car vous ne pouvez ignorer, messieurs,
que cette pêche est dans une détresse complète ; il faut donc que le
gouvernement vienne à son secours, si vous voulez que le petit nombre de
pêcheurs que nous conservons encore ne s’expatrient pas tous et n’aillent
s’établir à Dunkerque ou autre port de France, où la pêche reçoit une
protection nécessaire à se conserver en France.
Mais, messieurs, ce secours pécuniaire que le gouvernement
accorderait à notre pêche maritime est encore un bien faible remède pour lui
donner la protection dont elle a besoin et porter remède au mal qu’elle reçoit
de la pêche hollandaise, qui, à notre grand détriment, nous livre presque tout
le poisson frais et salé dont le pays a besoin pour sa consommation.
Je vous engage, messieurs, à vous informer de ce
qui se passe au Doel, à Bast,
à Flessingue et dans tout l’Escaut oriental ; vous apprendrez que journellement
les Hollandais transbordent dans des bateaux d’Anvers leurs poissons, pour en
fournir nos marchés ; et c’est ainsi, messieurs, que les soi-disant pêcheurs
d’Anvers vont pêcher dans la mer, mais c’est ainsi aussi qu’ils tuent notre
pêche nationale.
C’est assez étrange que
nous favorisons avec tant de complaisance la pêche des Hollandais, en laissant
entrer si facilement ses produits, tandis que de leur côté ils font tout ce qui
est en leur pouvoir pour gâter notre commerce et prennent les mesures les plus
fortes pour empêcher l’introduction chez eux de nos denrées.
Je présume donc que le gouvernement ne tardera pas
à prendre des mesures efficaces pour défendre l’entrée du poisson hollandais,
frais et salé, et qu’aussi il ne tardera à proposer des modifications au tarif
des douanes, et qu’au lieu de laisser entrer le poisson étranger à peu près
librement, il soit assujetti, comme en France, en Prusse et dans d’autres pays,
à un droit assez élevé pour avoir une protection efficace.
Je ne puis assez recommander cet objet à la
sollicitude du gouvernement, et je pense qu’il ne peut mettre en doute toute
l’importance de cette branche d’industrie, qui particulièrement est d’une si
grande utilité pour fournir des marins au pays.
M.
Smits. - J’appuie également la proposition de M. Donny, tendant à
autoriser le gouvernement à disposer du crédit alloué aux budgets de 1834, 1835
et 1836 pour l’encouragement de la pêche nationale.
M. Donny. - Je ne
pense pas quant à moi qu’il faille une loi pour autoriser le gouvernement à
disposer des fonds dont il s’agit. Au budget de 1834, le libellé du crédit
renferme, il est vrai, une restriction qui empêche le gouvernement d’en opérer
la répartition, s’il n’y est autorisé par une loi. Mais cette restriction
n’accompagne plus les crédits accordés pour les années 1835 et 1836, et je
crois que le ministre peut en faire la distribution.
Toutefois, s’il est nécessaire, je proposerai un
projet de loi mais je prierai M. le ministre de faire connaître préalablement
ses intentions.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je demande que l’on donne lecture de la pétition.
M. Desmaisières.
- Messieurs, l’objet de la pétition est simple ; que demande les pétitionnaires
d’Ostende ? Que le ministre puisse distribuer les fonds que vous, avez votés
pour l’amélioration de la pêche nationale.
Ainsi que l’a déjà dit M. Donny le crédit a été
restrictivement accordé au budget de 1834 ; mais cette restriction ne se trouve
plus dans les deux budgets suivants. Le gouvernement peut donc disposer des
fonds qui y ont été alloués pour cet objet.
M. de Brouckere.
- La discussion actuelle ne peut réellement avoir aucun but ; nous ne pouvons
en aucune manière interpréter une loi qui a été portée par les trois branches
du pouvoir législatif ; si une interprétation est nécessaire, elle ne peut
avoir lieu que par une nouvelle loi ; je demande donc qu’on passe à l’ordre du
jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, je crois que les pétitionnaires ne demandent pas que la chambre interprète
ce qui a été voté au budget ; ils se bornent, je pense, à appeler l’attention
de l’assemblée sur l’importance qu’il y aurait de prendre une décision à cet
égard.
J’ai reçu ce matin une députation de la chambre de
commerce d’Ostende qui m’a conseillé de présenter un projet de loi à ce sujet ;
mais la chambre conçoit qu’il ne m’a pas encore été possible de prendre une
résolution.
Dans ce moment je dois m’abstenir. D’ici à demain
je pourrais peut-être avoir pris une détermination.
M. de Brouckere.
- D’après les dernières paroles de M. le ministre de l’intérieur, ce qu’il y a
de mieux à faire, c’est de lui renvoyer la pétition, et de la déposer en même
temps sur le bureau.
Je demande que la chambre prenne une décision en ce
sens.
M. Donny. - Je me
rallie à la proposition de M. de Brouckere.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI OUVRANT UN
CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Second vote des articles
Article
unique (du projet du gouvernement)
M. Schaetzen.
- Messieurs, à la fin de la séance de mercredi dernier et au moment où nous allions
nous prononcer entre la proposition du gouvernement et celle de la commission,
on nous a improvisé deux propositions nouvelles, l’une de M. Pirson, l’autre de
M. Alexandre Rodenbach, et presque immédiatement l’on a passé aux voix.
La question de priorité ayant été posée, j’ai pensé
que la proposition de M. Rodenbach devait être mise aux voix la première, parce
qu’elle s’éloignait le plus de la proposition du gouvernement et qu’elle
emportait celle de M. Pirson et celle de la commission.
Mais la préférence me semblait due à l’amendement
de M. Pirson, la proposition de M. Rodenbach me paraissant faite sous
l’impression de l’indignation universelle qu’avait excitée en cette assemblée
le développement des conséquences que devaient avoir pour le trésor et pour le
soldat les diverses clauses du contrat fait avec la compagnie Félix Legrand.
Il me paraissait qu’il fallait laisser au
gouvernement et à la compagnie le temps de profiter de notre discussion, et de
nous présenter des conditions raisonnables, des conditions qui conciliassent le
bien-être du soldat et l’intérêt du trésor avec un gain licite.
L’amendement de M. Pirson me paraissait sous ce
rapport préférable ; il n’approuvait pas le contrat et nous laissait la
position d’une année entière pour prendre à l’égard du contrat en question, à
l’époque de la formation du budget prochain, telle décision que l’équité
réclamerait.
Mais je l’avoue, messieurs, j’ai conçu quelque
doute sur la portée de l’amendement de M. Pirson, et ce doute m’est venu d’un
petit article que j’ai vu dans le Moniteur
d’hier ; il ne se trouve pas à la vérité dans la partie officielle, ni dans le
compte-rendu de la séance de la chambre ; je ne l’envisage donc que comme un
article de journaliste ; quoi qu’il en soit, cet article contient une espèce
d’explication de la prétendue intention de M. Pirson ; je ne sais si M. Pirso, a dit ce qu’on lui fait dire dans cet article, du
moins je ne l’ai pas entendu ; je sais encore moins si dans cet article on rend
son intention au lieu d’en douter ; dans tous les cas ce ne sont pas les motifs
énoncés dans cet article qui m’ont fait adopter l’amendement de M. Pirson, et
je sens le besoin de m’en expliquer franchement.
Voici un extrait de cet article :
« M. Pirson a demandé que la chambre votât
l’allocation demandée par le ministre avec cette condition expresse :
« Sans rien préjuger relativement au marché contracté par le ministre le
16 juin 1835, pour la fourniture des lits de fer et de tous les effets de
couchage ; » l’honorable M. Pirson voulant que l’expérience éclairât sur
la bonté du marché, et surtout pour savoir si les soldats n’en seront pas
victimes. »
Pour ma part je proteste formellement que je ne me
contenterai pas de modifications au tarif de réparation des dégradations, je
veux aussi des améliorations dans l’intérêt du trésor. Je proteste surtout que
je ne veux point faire du contrat un essai ; cet essai est pour moi inutile ;
j’ai la conviction que le contrat est mauvais, qu’il est illégal, qu’il est
onéreux pour l’Etat et pour le soldat.
Tout ce que je veux, c’est de ne pas procéder
immédiatement à une annulation dont je ne vois pas bien toutes les
conséquences, annulation dont les conséquences n’ont pas été indiquées ni
examinées par notre commission.
Tout ce que je veux, c’est que le contrat soit pour
nous une lettre morte jusqu’au mois de novembre.
Je désire que dans l’intervalle la compagnie
présente des conditions acceptables ; bien résolu que je suis, si elle ne le
fait pas, de répudier le contrat au mois de novembre, lors du vote du budget de
1837, et de désavouer alors l’œuvre illégal du ministre de la guerre.
C’est afin qu’il ne reste pas à cet égard le
moindre doute que je propose d’ajouter, à la suite de l’amendement de M.
Pirson, ce qui suit :
« Lequel marché ne pourra, en aucun cas et en
aucun temps, être opposé ni invoqué qu’après qu’il aura été homologué par le
pouvoir législatif. »
Je me rallierai à toute autre rédaction qui rendra
ma pensée d’une manière plus claire et plus forte.
Je n’ajouterai qu’une seule
observation, c’est que l’adoption de la proposition de M. Rodenbach,
l’annulation immédiate du contrat prononcée par la chambre, ne peut que
produire des effets fâcheux dans l’armée ; nous savons tous qu’aujourd’hui plus
que jamais, nous devons, avec des sentiments d’une sage liberté, inspirer à nos
jeunes soldats des sentiments d’ordre et de discipline, des sentiments de
respect pour leurs chefs.
Or, de quel œil envisageront-ils un chef dont les
actes auront été flétris, annulés et cassés par une assemblée comme la nôtre ?
Ce n’est pas que je reculerai devant des
conséquences aussi fâcheuses ; mais je ne les admettrai que quand je ne pourrai
plus les éloigner, quand je serai réduit à les accepter et nous n’y sommes pas
encore réduits. Quatre mois de réflexion peuvent nous apporter des résultats
moins funestes, des résultats qui concilient nos devoirs envers le soldat,
envers le trésor public, envers des gens qui ont contracté de bonne foi avec
notre agent qui s’est trompé.
M. Pirson. -
Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter à la séance
d’avant-hier sur le marché des lits de fer, et qui a été adopté par un premier
vote, est devenu l’objet de vives attaques. Les unes me sont personnelles, les
autres portent sur le fond de la question.
Je dirai peu de choses sur les personnalités.
Je suis devenu tout à coup un ministériel renforcé,
peut-être même un renégat.
Par le temps qui court, et au milieu de ce
débordement d’injures et de calomnies, qui va peut-être faire subir une
nouvelle épreuve à notre état politique, j’espère que le bon sens du peuple
belge lui indiquera le moyen de se débarrasser de la fange et de se placer pur
et net sur la scène politique.
Que tous les hommes francs et dévoués de bonne foi
au pays marchent la tête haute et en avant ; bientôt les désorganisateurs se
trouveront seuls et en bien petit nombre.
Depuis 47 ans j’ai pris rang dans la révolution, et
si je l’ai traversée sans encombres jusqu’à ce jour, c’est à la franchise de
mon caractère que je le dois.
Jamais je n’ai été le colporteur de l’opinion
d’autrui ; jamais je n’ai craint de dire la mienne, et mes longues années ne
m’ont point encore fait assez baisser la tête pour que je sois obligé de
ramasser les inspirations du banc ministériel ou du banc de tel ou tel autre
membre de cette chambre.
M. d’Huart ne m’a point fait passer de son banc une
lettre quelques minutes avant que je déposasse mon amendement. Mais, avant que
la discussion fût engagée, M. le ministre de la guerre se leva de son banc et
m’apporta le brevet qui d’avance était la récompense de l’amendement auquel je
ne pensais pas moi-même en ce moment.
Voici, messieurs, ce brevet pour l’un de mes fils ;
ce n’est pas même un brevet de lieutenant, quoique j’aie deux sous-lieutenants
qui s’en contenteraient :
« Bruxelles, 8 juin 1836.
« En vertu des dispositions de l’arrêté royal
du 26 septembre 1832, il est accordé à M. Pirson, capitaine au 3ème régiment
d’artillerie, une prolongation de congé jusqu’au 1er juillet prochain pour en
jouir à Paris (France). Ce congé prendra cours à dater du jour de l’expiration
de celui dont il est porteur.
« Le ministre de la guerre,
« Baron Evain. »
Mon fils n’est point à Paris pour ses plaisirs,
mais bien pour une cause fort affligeante pour moi.
Par le temps qui court, vous le voyez, messieurs,
toutes les insinuations calomnieuses sont en jeu. C’est un motif de suspicion d
avoir trois fils parmi les défenseurs de la patrie. Le fait est qu’on veut tout
brouiller, surtout dans l’armée, les uns dans l’espoir de revenir à l’ancien
ordre de choses ; les autres mécontents, déçus, ne sachant trop ce qu’ils
veulent.
J’en reviens à mon amendement.
Je ne m’attendais pas du tout que la discussion
allât finir subitement ; on avait dit que plusieurs orateurs devaient encore parler,
entre autres M. Dubus ; cependant M. le président annonce qu’il n’y a plus
d’orateurs inscrits, personne ne demande la parole. M. Rodenbach propose son
amendement.
A mon sens, les deux
alternatives par lui posées sont trop absolues ; je ne peux voter ni pour l’une
ni pour l’autre. Je ne veux pas repousser ici une inconstitutionnalité par une
autre inconstitutionnalité. Je me décide à l’improviste, et je lance mon
amendement. Quel en sera le résultat ?
Si le ministre Evain reste à son poste, il fera une
nouvelle convention avec les entrepreneurs, il mettra nos soldats à l’abri de
leurs spéculations en fait de dégradations, il donnera satisfaction aux villes
munies d’effets de casernement ; dans 5 mois, il nous présentera le budget de
1837, et alors si la chambre n’a pas tous ses apaisements, elle rejettera toute
allocation, voire même le budget de la guerre.
Si le ministre Evain se retire, son successeur ne
voudra point endosser un manteau de mauvaise structure ; il faudra bien encore
que les entrepreneurs composent avec lui. De cette manière nous arriverons à
notre but sans perturbation incessante.
M. Eloy de Burdinne. - Si, par un vote
approbatif des crédits demandés par le ministère de la guerre pour faire face
aux dépenses du couchage des soldats, on prétend que c’est donner son
assentiment au marché Legrand, je vous déclare que je serais dans une position
bien difficile, parce que je considère ce marché comme étant très onéreux au
trésor et aux soldats ; cependant, en votant contre les crédits demandés, c’est
paralyser l’action du gouvernement ; c’est empêcher le soldat d’être couché ;
et ce n’est pas là mon intention. L’amendement présenté par M. Pirson ne donne
pas assez de garanties contre le marché que je n’approuve pas, et je voudrais
qu’il fût dit explicitement que la chambre n’approuve pas le contrat relatif au
couchage des troupes. Je regrette de ne pouvoir ratifier par mon vote un acte
du gouvernement, et surtout un acte émané d’un ministre qui a rendu des services
à mon pays, je le reconnais ; d’un ministre honnête homme et dont l’intégrité
est à l’abri de toute suspicion.
Je pense que l’on peut faire un marché moins
onéreux que celui qui a été passé : c’est du moins l’opinion que je me suis
formée d’après les documents produits et les discussions qui ont eu lieu.
Voilà ce que j’ai cru devoir dire pour motiver mon
vote, qui sera, dans cette circonstance, comme il le fut toujours, dicté par ma
conscience.
M. Milcamps. -
Messieurs, l’amendement de M. Pirson porte : « sans rien préjuger
relativement au marché des lits de fer, contracté le 6 juin 1835. »
Dans ma manière de voir, la portée de cet
amendement est de ne point préjuger la question de validité de ce marché,
c’est-à-dire de ne pas la décider avant de l’avoir approfondie, avant d’avoir
connaissance de tout ce qui doit servir à la résoudre.
On propose de modifier cet
amendement dans ce sens que le marché ne pourra être invoqué ou opposé qu’après
avoir été homologué par le pouvoir législatif.
Mais, messieurs, pour adopter une semblable
modification, il faut méconnaître l’existence d’une convention passée entre les
entrepreneurs et le ministre de la guerre ; que de cette convention une action
est ouverte aux entrepreneurs pour la faire exécuter, que le gouvernement peut
faire valoir des exceptions, que ces questions sont du ressort des tribunaux.
Or, que nous propose-t-on ?
d’interdire aux entrepreneurs toute action pour faire
exécuter le contrat, d’interdire aux tribunaux d’en connaître.
Je ne pense pas, messieurs, qu’une proposition qui
doit entraîner des conséquences semblables puisse être admise ; tout ce que la
chambre doit faire, c’est de ne point poser des faits qui emporteraient la
ratification du marché.
Je rejetterai la modification proposée.
M.
Devaux. - Pour avoir une idée claire de l’amendement, je demanderai un
mot d’explication à son auteur. On parle, dans cet amendement, de
l’homologation du contrat par les chambres ; je voudrais savoir ce que
l’honorable M. Schaetzen entend par
homologation ; entend-il par là donner une solution à la question que
l’amendement de M. Pirson laisse intacte ? Ou bien entend-il par là une
approbation explicite ou implicite comme celles qui ont été données jusqu’ici
dans les budgets ?
M. Schaetzen.
- J’ai entendu par mon amendement une approbation expresse. J’ai pris un terme
de droit. L’homologation ne peut jamais avoir lieu que d’une manière expresse, explicite
; elle ne peut être tacite. Je ne veux cependant pas par là que l’homologation
ait lieu par une loi à part ; elle peut être donnée dans le budget ; nous
pourrions dire dans la loi de finances que les fonds que nous allouons sont
pour l’exécution du marché Legrand.
Dès que nous ne mettrons pas de restrictions au
budget, en allouant la somme qui sera demandée l’année prochaine, le ministre
pourra employer celle qui lui sera accordée comme il l’entendra. Mais si le
ministre qui reçoit des fonds voulait les employés à un autre usage que celui
qui est indiqué dans le budget, il faudrait une loi expresse.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il y a dans l’amendement proposé par
l’honorable M. Schaetzen deux inconvénients qu’il n’a sans doute pas aperçus.
Je crois que d’après cet amendement la cour des comptes n’autoriserait aucun
paiement pour le couchage au moyen
des lits en fer. En effet, il est dit dans cette proposition que le marché ne
pourra en aucun cas être invoqué jusqu’à ce qu’il puise être considéré comme
homologué par le pouvoir législatif. Il est évident que l’allocation du crédit
accompagnée d’une telle restriction ne permettrait pas à la cour des comptes
d’autoriser les paiements pour frais de couchage sur les lits en fer ;
cependant telle n’est pas l’intention de M. Schaetzen.
D’un autre côté, nous ne pouvons pas nous
dissimuler que la proposition soulève la grave question de savoir si la chambre
doit explicitement ratifier le marché ; en un mot, si elle peut convenablement
porter sur le contrat vu et homologué par le pouvoir législatif.
Je ne veux pas m’occuper de l’espèce d’incident
soulevé par M. Pirson et dans lequel mon nom a été cité quoique je fusse tout à
fait étranger à ce que l’on a pu m’attribuer, je ne sais dans quel écrit ; je
dirai seulement que j’ai dès le principe compris l’amendement de cet honorable
membre comme il l’a développé aujourd’hui.
Toutefois, je crois que
l’on rendrait plus complètement sa pensée et que nous serions tous d’accord avec
lui si on ajoutait quelques mots que je vais indiquer à son amendement, au lieu
du sous-amendement de M. Schaetzen, qui me paraît inadmissible par les motifs
que je viens de déduire.
Voici la proposition de M. Pirson telle que vous
l’avez adoptée :
« Sans rien préjuger relativement au marché
contracté par le ministre de la guerre le 16 juin 1835 pour la fourniture des
lits de fer et de tous les objets de couchage. »
Je propose d’y ajouter ce qui suit :
« La présente allocation de fonds ne pouvant
en aucun cas être invoquée ou opposée comme une approbation expresse ou tacite
du marché par le pouvoir législatif. »
Avec cette rédaction, la cour des comptes ne pourra
refuser les fonds qui lui seront demandés, et tout est formellement réservé
pour vous prononcer dans la session prochaine, avec parfaite connaissance de
cause, sur le marché des lits militaires.
M. Demonceau. -
Messieurs, je crois devoir soumettre quelques observations à la chambre qui, je
pense, prouveront que les termes de l’amendement proposé par l’honorable M.
Pirson ne rendent pas l’idée de son auteur, et pour l’en convaincre, il suffit
de lire les développements qu’il nous a donnés, car pour lui, il n’y a pas
doute sur l’illégalité du marché. Ils ne rendent pas non plus l’idée de ceux
qui ont combattu si vivement et avec tant de lucidité les principes mis en
avant par M. le ministre de la guerre, à savoir si l’Etat serait lié par le
contrat de juin 1835 ; enfin, ils ne me paraissent pas expliquer assez clairement
l’idée à peu près unanime dans cette chambre pour repousser un pareil système,
qui ne tendrait à rien moins qu’à rendre inutile, lier même contre son gré, le
vote de la chambre, chaque fois qu’il plairait à un ministre de faire un pareil
contrat.
« Ne rien préjuger, » c’est laisser une
question intacte ; c’est en d’autres termes, ajourner la discussion, même celle
de la légalité du marché. Sur ce point la chambre devrait, ce me semble,
s’expliquer positivement ; le ministère ne peut non plus se taire s’il veut
obtenir l’allocation. Aussi, si j’ai bien compris l’amendement proposé par M.
le ministre des finances qui, sans doute, parle dans cette circonstance au nom
du cabinet entier, le ministère a compris sa véritable position vis-à-vis de la
chambre, mais je vous l’avoue, je préfère l’amendement proposé par l’honorable
M. Schaetzen ; il est plus exprès.
La rupture d’un contrat passé avec la publicité que
celui dont s’agit a obtenue, c’est sans doute un fait grave ; mais n’est-ce pas
un fait non moins grave que de ne pas s’expliquer d’une manière expresse sur
une question légale ? Un ajournement ne doit pas être le résultat d’un travail
préparatoire, si longuement élaboré et si bien résumé dans la discussion : que
dira le pays !
Je reconnais que,
rigoureusement parlant, la chambre n’a pas qualité pour annuler positivement le
contrat ; mais l’on ne contestera pas, je pense, qu’elle peut l’approuver en
votant le chiffre nécessaire à son exécution. Le vote du chiffre lui est donc
exclusivement dévolu. Eh bien ! rejeter le chiffre ou
en voter un insuffisant, n’est-ce pas l’annulation indirecte du contrat ? Nous
voudrions ne pas rejeter le chiffre, mais émettre une opinion telle qu’en aucun
cas et dans aucun temps ce marché ne pût être opposé comme pouvant lier l’Etat
: ce n’est pas annuler dès ce jour le contrat, c’est seulement déclarer que la
chambre ne le considère pas comme valable. Ceux qui pensent que les tribunaux
seuls peuvent l’annuler, doivent avoir tout apaisement. Que la société
adjudicataire soumette la solution de cette question aux tribunaux, et vous
verrez qu’elle sera leur décision ; pour moi, elle ne paraît pas douteuse. Du
reste, les tribunaux jugeront comme ils l’entendront, la question reste entière
; plus tard la chambre verra ce qu’elle aura à faire lors du vote du budget ;
car je vous l’avoue, avec le système soutenu par M. le ministre de la guerre et
même la société dans leurs mémoires respectifs, un ministre, si nos tribunaux
déclaraient légal un marché de l’espèce de celui-ci, serait plus puissant que
nous, pour voter la dépense,
Je pense donc que malgré les explications et
l’amendement de M. le ministre des finances, nous devons donner la préférence à
l’amendement proposé par l’honorable M.
Schaetzen.
M.
Schaetzen. - L’on a objecté à mon amendement que la cour des comptes ne
pourrait recevoir les ordonnances de paiement en exécution de la disposition
que je propose. La cour des comptes peut ordonnancer tous les paiements que le
ministre de la guerre imputera sur l’article en discussion.
Il n’est pas nécessaire que le ministre de la
guerre dise que la demande de paiement se fait en vertu de tel ou tel contrat
passé avec tel entrepreneur. Il suffit que la fourniture ait eu lieu, et que
les pièces justificatives prouvant qu’elle a eu lieu en effet soient annexées à
la demande de paiement pour que la cour des comptes accorde son visa.
Je maintiens donc mon amendement. Il garantit tous
les intérêts. Au mois de novembre prochain nous pourrons homologuer le contrat
tacitement ou explicitement si nous le voulons.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que la cour des
comptes n’interpréterait pas la chose comme le fait M. Schaetzen. Du moment que la cour des comptes verrait une demande
de paiement faite au profit de la compagnie Legrand, après les discussions que
ce marché a soulevées dans cette enceinte et surtout en présence de la
disposition formelle sur l’homologation, contre l’intention de son auteur sans
doute, la cour des comptes ne manquerait pas de refuser ce paiement.
Mon amendement remplit bien mieux l’intention de la
chambre. Ce n’est qu’une addition à l’amendement de M. Pirson qui n’y change
rien au fond, mais le rend seulement plus explicite et assure toutes les garanties
que la chambre peut désirer. Ceux qui ne veulent pas du marché dès aujourd’hui
rejetteront cet amendement ; ceux, au contraire, qui croient que le marché peut
être sanctionné, ceux qui attendent de plus amples renseignements pour
l’homologuer ou le rejeter définitivement, adopteront cette disposition.
M. Dumortier. -
M. Rodenbach n’a-t-il pas déposé un amendement ?
M.
A. Rodenbach. - Mon amendement est également déposé sur le bureau. Je
suis persuadé que si la chambre l’adoptait, la compagnie Legrand s’empresserait
de transiger avec le gouvernement. J’en ai l’intime conviction. Si au contraire
la chambre le rejette, la compagnie continuera à exploiter le malheureux soldat
d’une manière vraiment scandaleuse.
On répond à cela que si les soldats ont été
exploités, c’est de la faute des officiers. Je dis, moi, que M. le ministre de
la guerre aurait dû donner aux chefs de corps des instructions précises à cet
égard. Il aurait montré, en agissant ainsi, de la sollicitude pour les
malheureux soldats.
Le tarif dont on nous a donné connaissance dans une
séance précédente est réellement scandaleux. Rien ne nous donne l’assurance
qu’il sera aboli, si vous n’adoptez pas mon amendement.
Je ne crains pas de le dire, dans l’état actuel des
choses le soldat est volé. La chambre ne doit pas tolérer un vol aussi odieux.
M. Desmet. -
Messieurs, pour ce qui concerne les dégradations qu’on fait payer à la troupe,
je viens appuyer ce que vient de dire le préopinant et ce qu’en a dit dans une
de nos séances précédentes l’honorable M. Desmanet de Biesme, et il est certain
une c’est une charge très lourde pour le soldat.
J’ai visité deux casernes de cette ville, celle de
Ste-Elisabeth et celles des Guides : dans les deux, les officiers que j’y ai
vus et qui ont eu la complaisance de me montrer en détail le nouveau couchage,
m’ont déclaré que pour ce qui concernait le couchage, ils en étaient très
satisfaits, que la troupe en était de même très contente, que jamais elle n’en
avait eu de meilleur ; mais que d’un autre côté ils se plaignaient fortement de
la charge qui incombait au soldat pour les dégradations qu’ils avaient à
indemniser.
Je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il ne
peut déjà pas communiquer à la chambre l’avis qu’il a demandé à une commission
composée d’officiers supérieurs, pour arrêter une mesure pour prévenir les
vexations qu’on pourrait faire subir à la troupe, dans l’indemnité des
dégradations qui se commettraient aux lits et literies.
Qu’il y ait abus au détriment des soldats, dans
l’évaluation de ces dégradations ou soi-disant dégradations, il paraît, d’après
ce que j’ai appris dans les casernes, que c’est incontestable. Mais, messieurs,
cet abus n’existe pas seulement dans le couchage de l’entreprise ; celles que
les régences ont contractées avec les particuliers ont le même inconvénient, et
ne croyez pas que l’entreprise de couchage de la place de Nieuport, qui est
aussi une entreprise particulière, soit à l’abri de ces abus.
Il est donc évident que
l’indemnité des dégradations ne tient pas au marché et que les inconvénients
qu’il présente existaient avant l’entreprise des lits de fer et que même ils
étaient plus grands qu’à présent ; nous devons espérer que le gouvernement fera
sans retard cesser ces abus, qui sont si ruineux pour le soldat, et que des
mesures seront prises pour qu’il ne soit responsable que de véritables
dégradations, et qu’on ne mettra pas à sa charge les dégâts qui ont lieu par
simple usure.
Par exemple, daignez, messieurs, me permettre
l’expression, une tache d’urine, que je vois comme une dégradation que le
soldat peut prévenir, n’est pas faite par suite de l’usage qu’il a fait du lit,
mais par sa propre faute et sa malpropreté ; mais d’autres taches qui n’ont
lieu qu’en occupant le lit et qu’il ne peut éviter, ce ne peut être une
dégradation dont l’indemnité peut incomber à la charge du soldat. En un mot, il
faut que ce soit absolument une dégradation faite par la
propre faute du soldat, pour qu’on puisse le rendre responsable de la
dégradation.
Je ne puis donc assez engager le gouvernement qu’il
fasse cesser ces abus qui sont réels, qui sont de véritables vols qu’on fait au
pauvre soldat ; mais, je le répète, je ne le demande pas seulement pour les couchages
de l’entreprise Legrand, mais pour toutes les entreprises de couchage des
casernes ; car ces abus existent partout et ont existé avec l’entreprise des
lits de fer.
M. Dumortier. -
J’ai été frappé, messieurs, dès le commencement de cette discussion, des
difficultés que présentait la question. Je me suis dit : Le marché est
évidemment onéreux pour le trésor. Il est illégal. Mais la grande difficulté,
c’est de retirer le couchage actuel qui est évidemment meilleur que le mode
ancien.
Or, remarquez que par une heureuse coïncidence le
marché est aussi onéreux pour le soldat qu’il l’est pour le trésor. Nous nous
trouvons donc par bonheur dans une position toute spéciale dont il faut nous
hâter de profiter. Le soldat aussi bien que l’Etat retireront un grand avantage
de l’annulation du marché.
Mais si vous remettez à une autre époque d’exécuter
cette annulation et si dans l’intervalle le ministre de la guerre améliore les
réparations à la charge du soldat, sans améliorer la situation du trésor
public, cette position heureuse vous la perdrez. Il faut profiter de votre
situation. Le marche est onéreux, il est illégal ; tout le monde en convient.
Personne n’a élevé la voix pour soutenir le contraire. Dès lors il faut savoir
profiter de votre situation.
Je demande donc que la chambre admette la
proposition de l’honorable M A Rodenbach, la seule qui soit admissible, la
seule qui puisse amener à une bonne transaction, ou à l’annulation du marché.
Quant à la proposition de
M. le ministre des finances, il est évident qu’elle n’a qu’un but, et ce but,
je le dirai n’en déplaise à l’honorable auteur de la proposition, c’est de
jouer l’assemblée ; car elle n’est autre chose que la répétition de
l’amendement de M. Pirson. Dire
que vous n’approuvez ni n’improuvez le
marché et que vous ne préjugez rien, c’est dire que vous voulez que le marché
soit exécuté jusqu’à ce qu’il en ait été décidé autrement, tandis qu’avec la
proposition de l’honorable M. Schaetzen, cela n’est plus possible ; cette dernière
proposition est donc plus rationnelle et plus logique que celle de M. le
ministre des finances.
Ainsi je voterai d’abord pour la proposition de M.
Rodenbach. Si cette proposition est rejetée, je voterai pour l’amendement de M.
Schaetzen. Mais je repousserai celui de M. le ministre des finances qui n’est
qu’une pure redondance de l’amendement de M. Pirson.
Un grand
nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je renoncerais volontiers à la parole. Mais je
ne puis admettre les imputations de M.
Dumortier.
Jouer l’assemblée ! est-ce
qu’il y a l’apparence de cela dans mes paroles ? (Non ! non !)
Oui, il s’agit d’adopter la proposition de M. Piron.
Est-ce bien clair ? Mais avec ses motifs, il s’agit d’exécuter le marché
provisoirement jusqu’en 1837, soit parce que nous ne sommes pas suffisamment
éclairés, soit parce que nous ne savons pas quelles pourraient être toutes les
conséquences du rejet du marché. Voilà ce que nous devons faire dans l’intérêt
du crédit du pays et de la foi due aux contrats et par d’autres considérations
de haute politique. Est-ce là jouer l’assemblée ? (Non ! non ! aux voix ! aux voix !)
Permettez-moi, messieurs, de répondre un mot à M.
Dumortier. Le marché, dit-il, est onéreux. Mais quelle différence y a-t-il
entre le marché et ce qui existait précédemment ? 60 centièmes de centime par
lit sur 19,000 lits. Voilà, messieurs, ce qu’il en coûte de plus au trésor par
an. (Réclamations de la part de quelques
membres.)
Un grand
nombre de voix. - Aux voix ! aux voix !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Ce n’est pas moi qui ai recommencé cette
discussion ; si on ne veut pas la continuer et passer au vote, je renonce bien
volontiers à la parole.
- Le sous-amendement de M. Schaetzen est mis aux
voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :
66 membres prennent par au vote.
33 votent pour l’adoption.
33 votent contre.
M. le président. -
Conformément à l’article 38, deuxième paragraphe de la constitution, le
sous-amendement de M. Schaetzen n’est pas adopté.
Ont voté pour l’adoption : MM. Dams, Dechamps, de
Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de
Biesme, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien,
Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Raymaeckers, A. Rodenbach, C.
Rodenbach Rouppe, Schaetzen, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux,
Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen, Watlet,
Lejeune.
Ont voté contre : MM. Bekaert, Goblet, Coghen,
Cols, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Sécus,
Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Lardinois,
Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet,
Raikem, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Verdussen, C. Vuylsteke.
- Le sous-amendement de M. le ministre des finances
est mis aux voix et adopté par assis et levé.
- L’amendement de M. Pirson, sous-amendé par M. le
ministre des finances est mis aux voix par appel nominal ; voici le résultat du
vote :
66 membres sont présents.
2 s’abstiennent.
38 votent pour l’adoption.
26 contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert, Goblet,
Coghen, Cols, Dechamps, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de
Puydt, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst,
Fallon, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel,
Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Smits, Ullens,
Vandenhove, C. Vuylsteke, Watlet, Verdussen.
Ont voté contre : MM. Dams, de Jaegher, de Meer de
Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon,
Dubus aîné, Dumortier, Heptia, Gendebien, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn,
Lejeune, A. Rodenbach, C. Rodenbach
Rouppe, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Vande Wiele, Vanderbelen, Vergauwen.
Se sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne et Schaetzen.
M. le président. -
Les membres qui se sont abstenus sont invités, conformément au règlement, à en
énoncer les motifs.
M. Eloy de
Burdinne. - Je me suis abstenu comme je m’abstiendrai dans le vote de
la loi, parce que je n’ai pas eu les apaisements que je désirais.
M. Schaetzen.
- Je connaissais la portée de mon amendement ; mais je ne connais pas la portée
de l’amendement de M. le ministre des finances. C’est par ce motif que je me
suis abstenu.
Vote sur l’ensemble
du projet
La chambre procède au vote par appel nominal sur
l’ensemble du projet ; en voici le résultat :
66 membres sont présents.
2 s’abstiennent.
38 votent pour l’adoption.
26 contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert, Goblet,
Coghen, Cols, Dechamps, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de
Puydt, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst,
Fallon, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel,
Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove,
Verdussen, C. Vuylsteke, Watlet et Raikem.
Ont voté contre : MM. Dams, de Jaegher, de Meer de
Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon,
Dubus aîné, Dumortier, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn,
Lejeune, A. Rodenbach, C. Rodenbach
Rouppe, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen.
Se sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne et
Schaetzen.
M. le président. -
Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à
énoncer les motifs de leur abstention.
M. Eloy de
Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que j’ai énoncés au
vote précédent.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A ACCORDER UNE PENSION A
M. le président. -
L’objet de l’ordre du jour est la proposition de M de Brouckere ayant pour but
d’accorder une. pension à la veuve d’Isidore Plaisant.
La proposition de M. de Brouckere est ainsi conçue
:
« Léopold, etc.
« Vu l’article 114 de la constitution ;
« Voulant récompenser, dans la personne de la
veuve du sieur Isidore Plaisant, les services rendus au pays par son mari dont
un excès de zèle et un trop grand amour pour le travail ont hâté la mort ;
« Nous avons, de commun accord, etc.
« Article unique. Une pension annuelle et
viagère de la somme de trois mille francs est accordée, à dater de la
promulgation de la présente loi, à la veuve du sieur Isidore Plaisant, en son
vivant procureur-général près la cour de cassation. »
La section centrale propose l’amendement suivant :
« Léopold, etc.
Voulant récompenser, dans la personne de la veuve
Isidore Plaisant, les services rendus au pays par son mari dès les premiers
jours de la révolution ;
« Nous avons. etc.
« Article unique. Une pension annuelle et viagère
de la somme de quinze cents francs est accordée, à dater de la promulgation de
la présente loi, à la veuve d’Isidore Plaisant, ancien administrateur de la
sûreté publique et en dernier lieu procureur-général près la cour de cassation.
« Mandons et ordonnons, etc.
M. de Brouckere se rallie-t-il à cet amendement ?
M. de Brouckere.
- Je me rallie à la rédaction, mais non au chiffre. Je déclare réduire mon
chiffre de trois mille à deux mille.
M.
le président. - A quelle proposition veut-on donner la priorité ?
M. Devaux. - Au
chiffre le plus élevé ; c’est toujours de cette manière que l’on procède dans
les questions de chiffre ; si on ne procédait pas ainsi, ceux qui ne veulent
pas de chiffre du tout ne pourraient pas voter.
- Le chiffre de deux mille fr. est mis aux voix.
Après deux épreuves, la première ayant été
douteuse, le chiffre de deux mille fr. est rejeté.
Celui de 1,500 fr. est ensuite adopté ainsi que
l’article de la section centrale.
M. le président. -
Comme il y a un amendement, il faut remettre le vote définitif à un autre jour.
Plusieurs
membres. - Non ! non !
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - J’ai l’honneur de proposer à la chambre de déclarer
l’urgence ; les séances du sénat approchent de leur fin. Cette assemblée est
saisie d’un autre projet qui a beaucoup d’analogie avec celui qui nous est en
ce moment soumis, et elle attend ce dernier pour les renvoyer tous deux à la
même commission.
- La proposition d’urgence est mise aux voix et
prononcée.
L’article adopté est soumis à un second vote et
confirmé.
Les motifs sont également adoptés.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la
loi.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 56.
Ont répondu oui 42.
Ont répondu non 14.
En conséquence le projet est adopté. Il sera
transmis au sénat.
ont répondu oui : MM. Goblet, Coghen, Cols, Dams,
de Brouckere, Dechamps, de Jaegher, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de
Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst,
Hye-Hoys, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lejeune, Meeus, Milcamps, Pirson,
Raymaeckers, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Smits, Thienpont,
Trentesaux, Vandenhove, Verrue-Lafrancq, Watlet et Raikem.
Ont répondu non : MM. Doignon, Dubus aîné, Fallon,
Heptia, Keppenne, Legrelle, Pirmez, Polfvliet, Ullens, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, C. Vuylsteke.
PROJET DE LOI AUTORISANT L’EMISSION D’UN EMPRUNT DE 30 MILLIONS
DE FRANCS
Discussion générale
M. Polfvliet. - La légèreté avec
laquelle j’ai entendu parler de temps en temps des émissions de la dette
flottante commençait à m’inquiéter et à me faire craindre des conséquences
funestes ; ce n’est pas que je m’oppose à ces émissions, je les crois bonnes en
temps opportun, salutaires dans certaines circonstances, mais je redoute les
inconvénients qui peuvent résulter d’une émission considérable ; l’émission de
la dette flottante est chose toujours utile aux spéculateurs et aux sociétés
existantes ; cette dette flottante leur sert de caisse d’épargne dans laquelle
ils peuvent toujours verser leurs fonds disponibles ou inactifs, en les
négociant avec faveur ou en les retirant en temps opportun ; mais l’émission de
la dette flottante n’est pas toujours aussi favorable au trésor, comme
quelques-uns paraissent le croire ; à cette émission vous avez besoin d’une
tenue scrupuleuse et exacte de livres, d’une correspondance volumineuse et
suivie, d’une rentrée à temps des fonds nouveaux et nécessaires aux
remboursements respectifs, des grands ports de lettres, des transports
considérables de fonds, des commissions et courtages à payer ; les employés
chargés de la direction pour ces émissions doivent tous être des hommes
spéciaux ; les intérêts des fonds levés par anticipation, les ports coûteux de
lettres, les ports considérables des fonds, les commissions et courtages font
que la dette flottante négociée à 4 1/2 p. c. ne coûte à l’état pas moins de 5
p. c. : tout ceci n’est pas ruineux, mais pénétrez-vous bien, messieurs, que
dans l’émission de la dette flottante toute la perte, tous les désastres à
subir sont à la charge du trésor, et que dans un emprunt consommé toute la
perte, toutes les chances sont pour compte du préteur ou détenteur de ces
obligations. Que feriez-vous, messieurs, des émissions considérables de la
dette flottante, si un seul nuage venait à obscurcir notre horizon politique ?
Des émissions devraient se faire et se succéder pour rembourser les émissions
échues et à échoir, et à quel sacrifice ne serait pas exposé le trésor ! Le
sacrifice serait ruineux, incalculable. Il n’en est pas de même des emprunts
consommés ; les temps sont récents et sont encore présents à ma mémoire, que
les emprunts faits par
M. le ministre proposant la loi de l’emprunt de 30
millions, j’ai vu reculé par leur geste significatif quelques honorables
collègues devant cet énorme emprunt ; la même sensation pourrait avoir lieu
dans le public, et la malveillance pourrait s’en emparer ; c’est pourquoi
j’essaierai de prouver que cet emprunt n’imposera aucune charge à la nation,
qu’elle ne paiera rien, qu’elle n’use que de son crédit, qu’elle ne concède que
sa garantie, et que cet emprunt sans aucun sacrifice par elle se fait tout à
son avantage.
Cet emprunt est proposé pour la confection
progressive des chemins de fer et le remboursement successif de la dette
flottante, émise pour la construction de ces chemins de fer, le tout d’après la
loi du 1er mai 1834 ; pour éclairer nos concitoyens et prouver ce que j’ai
allégué plus haut, j’ai besoin de vous soumettre mes calculs ; il sera en tout
supérieur aux dépenses à faire, d’après ce que je pense, et inférieur aux
recettes d’après ce que j’ai observé, par mes yeux, jusqu’à présent.
Je suppose donc que le chemin de fer de Bruxelles à
Anvers coûtera avec ses accessoires 5,000,000 de
francs, ce qui fait à 5 p.c. d’intérêt annuel 250,000 fr.
Je suppose encore que pour les dépenses
journalières, employés, etc., chaque journée montera à 500 fr. ; 360 jours,
182,500 fr.
Ensemble, dépenses, fr. 432,500.
Les voitures, nommées berlines, de Bruxelles à
Anvers, sont payées à fr. 3 50 par place, les diligences à 3 francs, les
chars-à-bancs à 2 francs, les waggons à fr. 1 20. Je prends la distance totale,
parce qu’à Malines les sortants sont remplacés par les arrivants : il y a 12
traverses pendant les 8 mois d’été ; il y en a 10 pendant les 4 mois d’hiver ;
je suppose encore que, dans les deux saisons, le nombre moyen des voyageurs
est, par traverse, de 180 personnes, et que le prix moyen des voitures est de
fr. 1 60.
8 mois ou 243 jours à 180 personnes par jour et à
fr. 1 60 par personne, et à 12 départs, rapportent fr. 839,808
4 mois ou 122 jours à 180 personnes par jour, à fr.
1 60 et à 10 départs, rapportent fr. 351,360.
Recette totale : fr. 1,191,168
Desquels il faudra déduire pour dépense 432,500
Reste bénéfice net, fr. 758,668.
A présent si la communication est établie avec les
Flandres et avec Louvain, vous conviendrez avec moi que le bénéfice sera
beaucoup plus considérable ; mais ce bénéfice pourra être joint aux bénéfices
des chemins nouveaux qui ont fait naître ce bénéfice ; il suit de ce que j’ai
dit, que ces chemins de fer paieront les intérêts et les remboursements des
capitaux empruntés eu peu d’années ou même en 7 ans, et qu’ils feront un beau
et lucratif domaine de la nation.
Cet emprunt est encore proposé pour la construction
de routes pavées ou ferrées à faire jusqu’à la concurrence de six millions de
francs, d’après la loi du 2 mai 1836 ; ici, j’ai besoin de répéter en quelque
sorte ce qu’a déjà dit M. le ministre des finances ; du temps du gouvernement hollandais,
l’excédant des barrières fut versé dans la caisse du syndicat, l’usage qu’on en
fit nous est inconnu ; depuis la révolution cet excédant a servi
d’encouragement, et subsides pour exécuter de nouvelles chaussées dans les
différentes provinces ; cet excédant est de 900,000 francs, mais par la
construction des chemins de fer, je pense que les années postérieures ne
rapporteront que 800,000 francs.
Eh bien, en faisant en cinq années de temps les
routes proposées, vous ferez la première année un emprunt de 200,000 fr, pour
l’intérêt duquel à raison de 5 p. c. on paiera 60,000 fr. censés déduits des
800,000 fr., excédant des barrières ; reste boni fr. 740,000
La deuxième année on fera encore un emprunt de
1,200,000 fr., ensemble avec l’emprunt précédent 2,400,000 fr. dont l’intérêt à
payer, 120,000 fr, déduits des 800,000 fr. excédant des barrières, Il restera
encore un surplus ou bénéfice de fr. 680,000.
La troisième année, on fera encore un emprunt de 1,200,000 fr., ensemble avec l’emprunt précédent 3,600,000
fr. dont les intérêts ensemble 180,000 fr., déduits des 800,000 fr. excédant
des barrières, procureront encore un bénéfice de fr. 620,000.
La quatrième année, se fera le quatrième emprunt de
1,200,000 fr., ensemble avec les trois emprunts susdits
4,800,000 fr. qui paieront 240,000 fr. d’intérêt, lesquels déduits des 800,000
fr., bénéfice des barrières, il restera encore un bénéfice de fr. 560,000.
Enfin la cinquième et dernière année, on ferait
encore un emprunt de 1,200,000 qui ferait le complément
de six millions, compris dans l’emprunt de 30 millions proposé, et de ces
6,000,000 empruntés, les intérêts à payer seront 300,000 fr., qui réduisent les
800,000 fr. bénéfice des barrières à la somme de 500,000
Ensemble, fr. 3,100,000
Si donc on ajoute ces 3,100,000
fr. de bénéfice aux 6,000,000 fr. empruntés, et qu’on les emplois pour les
mêmes objets, vous ferez encore un beau et lucratif domaine, par lequel la
nation pourra être diminuée un jour dans ses contributions. En voici la preuve
: d’après mon calcul, M. le ministre, dans l’emprunt général, a proposé
6.000,000 fr. pour construire des chaussées nouvelles ; les chaussées donnent
annuellement 800,000 fr. de bénéfice, qui jusqu’à présent n’ont pas figuré dans
les voies et moyens ; les 600,000 fr., ont besoin de 300,000 fr. d’intérêt,
censés déduits de 900,000 fr, que rapporteront les barrières jointes avec les
nouvelles chaussés faites ; il restera le bénéfice de 600,000 fr, et si le
bénéfice annuel sert progressivement tous les ans au paiement des intérêts et
aux remboursements progressifs des capitaux empruntés, après la première année
votre emprunt des 6,000,000 sera réduit à 4,400,000 fr., la deuxième à
4,770,000 fr., la troisième à 5,108,500 fr, la quatrième à 3,415,925 fr., la
cinquième à 2,684,621 fr., la sixième à 1,918,852 fr., la septième à 1,114,792
fr., et à la huitième année, il ne restera plus à rembourser que 270,533 fr. ;
et c’est ainsi que nous aurons favorisé la prospérité générale.
Cet emprunt a été encore proposé pour rembourser ou
retirer à l’échéance les 1,490,000 francs, dette
flottante émise par suite de la transaction approuvée par la loi du 26
septembre 1835, relative à la rétrocession de
J’espère que, par mon calcul, tout chacun aura la
conviction que cet emprunt ne sera à charge de personne, que les intérêts à
payer de ce chef et les remboursements à faire à cet emprunt seront fournis par
les chemins de fer, routes pavées et la canalisation de
M.
le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la
section centrale ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’aurais bien quelques observations à
présenter sur le paragraphe 2 de l’article premier proposé par la section
centrale relativement au temps de rigueur fixé pour contracter l’emprunt ; mais
je crois que pour abréger la discussion, je puis sans danger réel admettre ce
délai d’un mois ; je ne m’opposerai pas à l’adoption de ce second paragraphe.
Dans le paragraphe 3 du même article on exige le
visa de la cour des comptes sur les obligations de l’emprunt ; mais en
l’absence de cette disposition ce visa n’aurait pas moins été appliqué. Dans
l’emprunt de 48 millions de florins la cour des comptes a visé toutes les
obligations, quoique la loi n’en parlât pas. De sorte que je ne vois pas non
plus d’inconvénient à l’adoption de ce paragraphe.
M.
Legrelle. - Quelque éloigné que je sois du système des emprunts, je
pense que dans la position actuelle il est indispensable d’adopter le projet.
Vous savez quel est le but de la loi, c’est de fournir le moyen d’annuler les
bons du trésor ; c’est ensuite de faire face à des dépenses toutes dans
l’intérêt du pays et à des dépenses non stériles.
Pour la construction du chemin de fer, le trésor
dépensera beaucoup, mais il recevra un intérêt assez considérable des sommes
qu’il aura dépensées, L’expérience est la pour le prouver.
La section centrale a donné beaucoup de latitude au
ministre pour contracter l’emprunt ; j’applaudis à cette disposition qui
permettra au ministre de choisir les circonstances pour faire le mieux
possible. Je suis persuadé qu’il n’agira pas avec légèreté. Son zèle pour la
défense des intérêts du trésor me répond qu’il saura les défendre encore pour
l’emprunt, c’est-à-dire qu’il saura se mettre à l’abri d’influences qui
auraient pour but de satisfaire des intérêts particuliers bien plus que
l’intérêt du trésor.
En nous demandant 30 millions pour les routes et
les travaux du chemin de fer, on pense obtenir tout ce qui est nécessaire pour
nos besoins ; toutefois, je demanderai si le ministre comprend dans cette somme
la dépense qui sera nécessaire pour la digue de Lillo. On sait combien il est
important de construire cette digue. S’il faut s’en rapporter aux promesses
faites par le gouvernement, on s’occupera de la digue de Lillo aussitôt qu’on
sera d’accord avec
M. Desmet. - Il est
possible que l’honorable M. Legrelle dise vrai en avançant que le chemin de fer
est un bel, un joli intérêt au gouvernement ; mais, dans de telles entreprises,
dans de tels ouvrages qui font toute une révolution dans le pays, on ne doit
pas considérer uniquement l’intérêt du trésor, mais on doit surtout avoir en
vue les intérêts de la généralité du pays. Et quand l’honorable membre presse
tant l’exécution des travaux de ce chemin, je ne puis non plus partager son
opinion. Je critique au contraire cette exécution et je soutiens qu’elle est
très mal faite : qui pourrait dire autrement, quand on voit employer pour les
travaux aussi bien le bois blanc, le tremble, le sapin, le peuplier de Canada
que le chêne ? A moins que les ingénieurs directeurs du chemin de fer aient
trouvé un spécifique pour faire durer aussi longtemps les bois tendres que les
bois durs, il est certain que sous peu on aura de grandes réparations au
chemin.
Une autre critique que j’ai à faire contre
l’administration des travaux du chemin, c’est qu’elle est abandonnée
exclusivement à deux ingénieurs et se trouve pour ainsi dire sous les
attributions de la direction des ponts et chaussées.
Et c’est une chose vraiment étrange ! Pour la
confection d’un petit pavé ou d’un simple ponticule,
il faut qu’inspecteur, ingénieur et tout le conseil des ponts donnent leur avis
; et quand il s’agit d’un travail aussi gigantesque, aussi dispendieux, on
laisse tout faire, tout diriger par deux simples ingénieurs qui ont un pouvoir
omnipotent et qui sont à l’abri de toute inspection et au-dessus de tout
inspecteur, de tout chef. Ces deux hommes peuvent tout diriger, tout arrêter ;
même les directions des sections du chemin sont laissées à leur propre et seul
arbitre ; ils n’ont qu’à vouloir, pour que le chemin passe plutôt par tel
endroit que par un autre ; on se soucie très peu de ce qu’une ville perd en lui
enlevant tout passage et en dirigeant la nouvelle route en fer par un autre
endroit, qui a d’autres passages et d’autres moyens de prospérité. On va
toujours en avant dans l’exécution des travaux, et, agissant d’après son bon
plaisir, on n’écoute personne. C’est ainsi que la ville d’Alost est sur le
point de perdre un passage journalier de 44 voitures publiques, et, qu’en étant
privée, elle perdra beaucoup, tandis que la ville de
Termonde, en outre de ses riches moyens de prospérité, a encore l’avantage
d’avoir le passage du chemin de fer. Il paraît vraiment que la ville d’Alost a
toujours été abandonnée de tous les gouvernements depuis la révolution de 93 ;
elle a perdu son tribunal, qui est allé se placer dans la petite et commerçante
ville de Termonde ; et elle a aussi presque entièrement perdu sa navigation de
Comme j’ai toujours été
l’ennemi de tout ouvrage qui se faisait par régie, et par les agents du
gouvernement, j’ai voté contre la construction du chemin, quand elle ne se
faisait pas par concession. Je voterai donc contre la partie de l’emprunt qui
concerne le chemin de fer, et pour pouvoir voter en faveur de la partie dont on
a besoin pour les routes à faire, je demanderai la division de la somme de
l’emprunt demandé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Nous irions trop loin messieurs, si nous
examinions la question de savoir s’il faut oui ou non rester dans les termes de
la loi du 1er mai 1834, question qui d’ailleurs serait résolue affirmativement
par la grande majorité de la chambre.
La section du chemin de fer qui est ouverte
actuellement présente de trop grands avantages pour que l’on ait la pensée
d’interrompre un travail qui fait le plus grand honneur à
Quoi qu’il en soit, je regrette que les
observations de l’honorable M. Desmet portent sur un point qui ne rentre pas
dans les attributions de mon département, mais bien dans celles de mon
honorable collègue de l’intérieur, dont les discussions de l’autre chambre y
réclament la présence en ce moment.
Je répondrai cependant à M. Desmet que la direction
du chemin de fer ne dépend pas, comme il le croit, des deux ingénieurs qui sont
chargés de son exécution. Cette direction est arrêtée par M. le ministre de
l’intérieur, après avoir entendu le conseil des ponts et chaussées.
L’enquête détaillée qui a
lieu à l’occasion de la direction du chemin de fer près de Liége, prouve bien
toute la sollicitude du gouvernement à cet égard.
J’entends dire que la loi
du 1er mai
Je répondrai maintenant à l’honorable M. Legrelle
au sujet de la construction d’une digue dans le polder dont il a parlé. La
construction de cette digue pourra s’effectuer sur les fonds ordinaires du
budget. Il ne sera pas nécessaire de recourir pour cela à des moyens
extraordinaires. Le gouvernement sent la nécessite de ne pas laisser ce polder
plus longtemps dans la situation où il se trouve. Je le répète, ce travail qui
coûtera environ 1,500,000 francs, sera exécuté sur les
ressources ordinaires du budget.
M. Rogier. - M. le
ministre des finances a-t-il l’intention de proposer une allocation de ce chef
au budget de 1837 ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le gouvernement demandera un crédit pour
l’exécution de ce travail lorsque tous les renseignements qu’il a demandés sur
la construction de cette digue lui seront parvenus.
M. A. Rodenbach.
- Dans cet emprunt de 30 millions se trouvent compris 6 millions pour
l’exécution de routes nouvelles. Je demanderai si M. le ministre de l’intérieur
a l’intention d’achever les lacunes qui existent dans les routes commencées
depuis longtemps. C’est ainsi qu’il y en a une d’une lieue et demie entre Ypres
et Roulers. Il est bon d’ouvrir de nouvelles communications dans les provinces
qui en sont privées. Mais il est important, si l’on veut que les barrières
continuent à rapporter un grand revenu, d’achever les communications commencées
dans les provinces plus favorisées.
J’espère que le gouvernement prendra mes
observations en considération. Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien
en faire part à M. le ministre de l’intérieur, qui les lira d’ailleurs au Moniteur.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je tiendrai note du discours de M. Rodenbach,
et je ne doute pas que mon collègue de l’intérieur, auquel j’en parlerai, ne
fasse droit à des observations que je me plais à croire fondées.
- La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. -
La discussion est ouverte sur les articles.
Article
premier
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à
emprunter jusqu’à concurrence d’un capital nominal de trente millions de fr.
« L’emprunt ne pourra être contracté qu’un
mois, au moins, après la promulgation de la présente loi.
« Les obligations à créer seront soumises,
préalablement à leur émission, au visa de la cour des comptes. »
M. Verdussen. -
Depuis la publication du rapport que j’ai eu l’honneur de présenter, l’on a
adressé plusieurs notes sur les différents paragraphes dont se compose
l’article 1er. Car, messieurs, vous aurez remarqué que cet article est complexe
sous plus d’un rapport. Les objections principales avaient pour objet principal
de montrer le danger qu’il y aurait à contracter à 3 p. c. D’autres démontraient
au contraire les grands avantages qu’il y aurait pour le trésor à contracter à
ce taux, même en négociant l’emprunt beaucoup au-dessous du pair.
Je crois que les uns et les autres sont tombés dans
de grandes exagérations sur les conséquences de cette opération, qui ne doit
être jugée que d’après le taux auquel l’emprunt sera négocié.
Il n’est pas inutile de traiter cet objet dans
cette séance, car une partie de ces considérations ont circulé dans le public
appuyées de chiffres, et ont pu produire de fâcheux effets sur l’esprit même de
quelques membres de cette assemblée. Pour faire comprendre les exagérations
qu’il y a dans les deux sens, je n’aurai qu’à présenter les résultats
favorables d’un emprunt au taux de 3 p. c. d’intérêt, négociés par exemple, à 80
p. c., et à le mettre en regard avec un emprunt au taux de 4 1/2 p. c.
d’intérêt, négocié au pair.
L’exagération de ceux qui croient qu’il y a un très
grand désavantage à contracter beaucoup au-dessous du pair vient de cette idée
qu’ils ont que l’Etat ne recevant que 75 p. c., par exemple, du capital
nominal, il peut arriver plus tard que soit par le crédit croissant du pays,
soit par les opérations de l’agiotage, le gouvernement ne soit obligé de
rembourser à un taux très élevé. Ils craignent que l’Etat ne rembourse, par
exemple avec 20 p. c. de primes ce que l’on aurait contracté à 20 pour cent
au-dessous, soit que le remboursement se fasse par achat, soit qu’il se fasse
au pair.
Tout dépend, comme je l’ai déjà dit, du taux auquel
on négociera. Quant à ceux qui ont soutenu par des chiffres qu’il y a des
millions à gagner pour le pays en prenant pour base le taux de 3 p. c.
d’intérêt, leur grande erreur de calcul provient de ce qu’ils n’ont pas fait
attention à ce que j’ai dit à la page 7 de mon rapport qui tient à la deuxième
question, où j’ai reproduit une vérité que tout financier connaît que, plus le
taux de l’intérêt d’un emprunt s’allonge, plus la période s’allonge pour
l’amortir avec une dotation d’amortissement d’un pour cent, plus les intérêts
composés.
Sans avoir égard à cette assertion, dont la vérité
ne peut être contestée raisonnablement, ils ont soutenu dans des écrits que
j’ai eus sous les yeux, qu’il fallait 35 ans pour tous les cas, aussi bien pour
le remboursement de l’emprunt à 5 p. c. comme pour celui de l’emprunt à 3 p. c.
Or, s’il est vrai que pour 5 p.c. il faut seulement
35 ans, il est également vrai qu’il faut une période de 45 ans pour le
remboursement total du capital emprunté à 3 p. c.
En effet, si nous obtenons 80 p. c.,
capital effectif, d’un emprunt proposé à l’intérêt de 3 p.c. sur le capital
nominal, il nous faudrait emprunter 37,500,000 fr. pour se procurer les
30,000,000 effectifs dont le gouvernement parait avoir besoin.
L’intérêt annuel de ces 37,500,000
fr. donne 1,125,000. Il faudra y ajouter d’après l’article 2 un fonds annuel
d’amortissement à 1 p. c. Ce qui fera 375,000 fr. à ajouter à l’intérêt annuel.
Ensemble à fournir annuellement pendant 43 années, 1,500.000 fr. Ce qui
multiplié par le nombre d’années donnera un total de 64,500,000
dr.
Mais vous concevez qu’il est à peu près impossible
de voir le cours d’un papier qui ne donnerait que 3 p. c. d’intérêt, s’élever à
cent pour cent sur nos bourses, surtout quand primitivement on a contracté à
80. J’ai donc été porté à prévoir que malgré l’influence de l’agiotage et de
l’accroissement du crédit, l’on réussira à faire le rachat des obligations au
taux moyen de 90 p. c., ce qui fait supposer que l’emprunt à 3 p. c. puisse
d’abord monter sur les places cambistes au cours de 85 p. c., et s’élever même
vers la fin de l’amortissement jusqu’à 95, ce qui certes sera l’ultimatum.
Pour arriver à cette supposition, j’ai comparé
En France la rente à 3 p. c. ne s’élève pas au-delà
de 82. En Angleterre où le crédit public est si raffermi, les 3 p. c. sont
cotés à 90 environ.
Si nous parvenons, comme je le suppose, à opérer
notre amortissement annuel par rachats à ce taux moyen de 90, nous faisons sur
le capital nominal un bénéfice de 10 p. c. Ce qui fait 3,750,000 fr. à déduire
de la somme totale de 64,500,000 fr. qui aurait été nécessaire au remboursement
intégral au bout de 43 ans ; somme définitive à payer, 60,750,000.
Je passe à la seconde base, et je suppose que l’on
négocie au pair un emprunt à 4 1/2 p. c. pour les 30,000,000 nécessaires au
gouvernement ; mais ici il faut nécessairement tenir compte des frais de
commission, car l’on ne peut supposer que le papier belge à 4 1/2 p. c. soit placé
dans les différentes places de l’Europe au pair et sans aucun profit pour ceux
qui auront pris l’emprunt pour leur compte, et je pense que l’on peut porter
sans exagération cette commission à 2 p.c.
- Les 30,000,000 négociés
au pair, vu l’intérêt annuel de 4 1/2 p. c., donnent par an la somme de
1,350,000 ;
- La dotation annuelle à 1 p. c. pour
l’amortissement fait 300,000 ;
Ensemble à fournir pendant 38 ans, 1,650,000
Soit en total, fr. 62,700,000
- Commission de négociation, 600,000
- Intérêt sur fr. 150,000, dont on a besoin en plus
par an, comparativement à la base d’un emprunt au taux de 3 p. c., par approximation, 100,000
Total, fr. 63,400,000
Différence en plus, au désavantage du système de
l’emprunt à 4 1/2 p.c. d’intérêt : fr. 2,650,000
Somme égale, fr. 60,750,000
Ceci vous prouve donc, messieurs, qu’il n’y a pas
lieu à craindre l’emprunt à 3 p. c., si le gouvernement peut le négocier à un
bon prix, mais qu’il n’y a pas non plus à en attendre d’énormes bénéfices en
tout état de cause.
J’ajoute encore un intérêt sur 150,000 fr. par an,
dont il y a besoin pour un pareil amortissement que pour un amortissement à 3
p. c. ; car, dans ce dernier cas, il faudrait un
million et demi ; et il faut, dans l’autre cas, 1,650,000 fr. Il faut donc
tenir compte de ces 150,000 fr. Alors je trouve qu’il y a une différence de 2,670,000 fr. en faveur de l’emprunt à 3 p. c. négocié à 80.
Bien que ces développements soient extrêmement
difficiles à saisir dans une discussion publique, j’ai cru qu’il était utile de
les présenter à cause de l’importance donnée à cette question dans les papiers
publics, et à cause des avis dont on a bien voulu m’honorer.
- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.
Article
2
« Art. 2. Il sera consacré à l’amortissement de
ce capital une dotation d’au moins un pour cent par an, indépendamment du
montant des intérêts annuels des capitaux amortis. »
- Adopté.
Article
3
« Art. 3. Le capital effectif provenant de la
négociation de l’emprunt autorisé par l’art. 1er ci-dessus, sera spécialement
affecté
« 1° Au remboursement successif des bons du
trésor, émis pour la construction du chemin fer, en vertu de la loi du 1er mai
1834 ;
« 2° Au remboursement à échéance des 1,490,000
fr. des bons du trésor, émit par suite de la transaction approuvée par la loi
du 26 septembre 1835, relative à la rétrocession de
« A la construction de routes nouvelles,
jusqu’à concurrence de six millions de francs (Loi du 2 mai 1836) ;
« Et 4° jusqu’au complément dudit capital, à
la continuation des travaux du chemin de fer, décrété par la dite loi du 1er
mai 1834. »
M. Devaux. - Je me
permettrai, à l’occasion de cet article, d’exprimer un vœu, c’est que le
gouvernement veuille bien examiner encore une fois s’il ne serait pas utile de
faire sur une très petite échelle l’essai de l’emploi de l’armée aux travaux
publics.
Un mémoire nous a été distribué, rédigé par un de
nos honorables collègues, en sa qualité d’officier du génie. Il m’a paru dans
le temps, si je me le rappelle bien, que ce mémoire devait exciter le
gouvernement à faire un essai de ce genre ; car je crois qu’en France cet essai
avait réussi, sauf sous le rapport de l’économie ; or, le gouvernement français
ne voulait pas faire, de l’application de l’armée aux travaux publics, un moyen
d’économie. Il voulait avant tout introduire l’exécution de ces travaux dans
les mœurs de l’armée. Il est certain que si, comme en France, on part de ce
principe qu’il faut d’abord payer le soldat et ensuite payer l’exécution des
travaux au même taux que d’ordinaire, on ne pourra jamais arriver à une
économie.
Mais je voudrais, je le répète, que le gouvernement
fît un essai sur une petite échelle ; on verrait peut-être quelle économie cela
peut donner par la suite, et quelle serait la possibilité de travaux auxquels
il n’y a pas moyen d’arriver maintenant.
J’aurai maintenant un changement de rédaction à
proposer à l’article en discussion.
Les numéros 3° et 4° portent :
« A la construction de routes nouvelles,
jusqu’à concurrence de six millions de fr. (loi du 2 mai 1836) ;
« Et 4° jusqu’au complément dudit capital, à
la continuation des travaux du chemin de fer, décrété par la prédite loi du 1er
mai 1834. »
On sait (le rapport de la section centrale le fait
connaître) que cette somme ne suffit pas pour l’achèvement des travaux du
chemin de fer ; elle suffit seulement pour les travaux à exécuter jusqu’à la
fin de 1837.
Remarquez que d’un côté on fait des fonds pour
construction de toutes les routes décrétées par la loi du 2 mai 1836, jusqu’à
l’achèvement de ces routes.
Il en résultera un inconvénient, c’est qu’au bout de
deux ans ou un an et demi, vous n’aurez pas employé les six millions affectés à
la construction de routes pavées ou ferrées. Vous n’aurez guère employé à la
fin de cette année, vu la saison avancée, qu’un million, et à la fin de l’année
prochaine, peut-être trois. Il pourrait se faire d’un autre côté que les
besoins du chemin de fer dépassassent ce qui leur reste ; vous auriez alors
dans vos coffres trois millions sans emploi, tandis que pour continuer les
travaux du chemin de fer, vous seriez forcés de proposer une nouvelle mesure.
Remarquez que le complément de l’emprunt attribué
au chemin de fer n’est pas fixe. Si le gouvernement emprunte à 3 p. c. pour les
30 millions nominaux, vous n’aurez pas 30 millions, vous n’aurez que 23 ou 24
millions de sorte que le complément pour le chemin de fer, au lieu d’être de 11
millions comme on l’aurait voulu, ne serait que de 5 à 6 millions.
Vous voyez que les besoins
du chemin de fer, pour 1837, peuvent dépasser ce qu’on veut leur affecter,
tandis que les besoins des routes pavées et ferrées ne s’élèveront pas à la
somme de 6 millions qu’on leur destine.
Voici comment je crois qu’on préviendrait
l’inconvénient que je signale. Au lieu des n°3° et 4°, je proposerai un n°3°
ainsi conçu :
« Et jusqu’au complément dudit capital à la
construction de routes nouvelles pavées et ferrées conformément à la loi du 2
mai 1836, et à la continuation de l’exécution du chemin de fer décrété par la
loi du 1er mai 1834, dans la proportion des besoins respectifs de ces
travaux. »
Il y aura liberté plus grande pour le gouvernement
qui ne sera pas forcé de laisser dormir des fonds dont on aurait besoin
ailleurs.
S’il peut employer aux constructions de routes
pavées les 6 millions qui y sont affectés, il le fera ; sinon, il les
emploierait à l’exécution du chemin de fer.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallierai à la
proposition de M. Devaux qui donne plus de latitude au gouvernement pour
continuer les travaux du chemin de fer jusqu’à la fin de 1837, si la somme
qu’on leur affecte spécialement se trouvait insuffisante. L’amendement proposé
est destiné à permettre momentanément, le cas échéant, une espèce de prêt sur
le fonds disponible destiné aux routes pavées et ferrées, pour la continuation
des travaux du chemin de fer, jusqu’à ce qu’on y ait pourvu par un nouveau
crédit.
Je dirai cependant que les renseignements que j’ai
consignés dans l’exposé des motifs m’ont été transmis par le département de
l’intérieur. L’appréciation des sommes nécessaires m’a donc été donnée par ceux
qui étaient à même de connaître la situation des choses, autant qu’il est
possible de connaître une dépense aussi variable par sa nature.
Je ferai une remarque sur une erreur dans laquelle
est tombé M. Devaux, lorsqu’il a dit que les fonds qui ne seraient pas employé
aux constructions de routes pavées resteraient improductifs, dormiraient dans
les coffres de l’Etat. Ceci n’est pas exact. Nous avons notre dette flottante
ordinaire ; et s’il nous restait des fonds qui ne pussent pas être employés aux
travaux pour lesquels ils sont destinés, nous émettrions moins de bons du
trésor dont l’intérêt est à peu près égal à celui des fonds empruntés. En sorte
que cela ferait compensation.
M.
Watlet. - Je prierai M. le ministre de me donner une explication. Il
résulterait de la rédaction des articles 3 et 4 proposée par la section
centrale, qu’on doit prélever chaque année, sur l’excédant du produit des
barrières, les intérêts des six millions destinés à la construction de routes
nouvelles pavées et ferrées. Si une partie de cette somme des six millions
était employée à la construction de la route en fer, alors une portion de
l’excédant du produit des barrières serait détournée de sa destination, car
d’après la loi sur la matière l’excédant du produit des barrières doit toujours
servir à la construction de routes nouvelles.
Le ministre des finances, dans la discussion de la
loi du 2 mai
Si l’amendement de M. Devaux était adopté, il sera
peut-être nécessaire de modifier la rédaction de l’article 4.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La
rédaction de l’art. 3 est très claire. Cet article porte que l’intérêt et la
dotation d’amortissement seront annuellement prélevés dans la proportion de
l’affectation du capital sur les produits respectifs du chemin de fer, des
routes et de
Il est évident que si l’on n’affecte que trois
millions, en 1837, à la construction de routes ordinaires, et qu’on affecte
momentanément par forme de prêt les trois autres millions, revenant à ces mêmes
routes, au chemin de fer, il est évident, dis-je, que l’intérêt de ces trois
derniers millions sera prélevé sur les produits du chemin de fer, aussi
longtemps qu’ils seront distraits du crédit des routes ordinaires, parce que
l’art. 4 porte que les produits respectifs du chemin de fer, des routes et de
M. Gendebien. -
Je ne comprends pas bien l’utilité d’une comptabilité à part pour les canaux,
les routes pavées et les routes en fer. Il serait plus simple de verser tous
ces produits dans le trésor, qui rend compte des recettes de toute espèce pour
les appliquer aux divers services suivant les besoins respectifs.
Il y aurait moins d’embarras pour l’administration,
et on répondrait à l’objection de M.
Watlet.
M. Verdussen. -
L’observation que vient de faire M. Gendebien, a été présentée à la section
centrale, et dans le rapport que j’ai déposé vous devez voir qu’à la discussion
de cet article il a été dit :
« La 6ème section est d’avis qu’il faut rayer
de l’article les mots : « dans la proportion de l’affectation du
capital. » Parce qu’il résulte de leur conservation une complication de
comptabilité fort embarrassante et parfaitement inutile ; embarrassante, par
l’obligation qui en dérive de tenir un compte exact et spécial des sommes
dépensées successivement aux trois parties du service public mentionnées dans
l’article ; inutile, parce qu’avec ce système les fonds non encore employés de
l’emprunt doivent rester à charge des revenus généraux du royaume, parmi
lesquels se trouvent aussi compris les produits éventuels du chemin de fer,
au-delà des intérêts, de la dotation pour l’amortissement, des frais
d’entretien et d’administration.
« Mais la
section centrale n’a pas cru pouvoir admettre la radiation demandée, en
présence de l’art. 5 du texte de la loi du 1er mai 1834, qui dit : « Le
produit de la route (en fer)... serviront à couvrir les intérêts et
l’amortissement de l’emprunt, ainsi que les dépenses annuelles d’entretien et
d’administration de la nouvelle voie. » Ni en présence de l’article 2 de
la loi du 2 mai 1836, ainsi conçu : « La dépense (de la construction de
routes pavées et ferrées) sera couverte au moyen d’un emprunt.., dont les
intérêts et l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des
barrières. »
Par ces motifs, la proposition a été écartée à
l’unanimité des voix, et l’art.
M.
Lebeau. - J’ai une explication à demander. Si mes souvenirs sont
fidèles, il a été entendu que la disposition de l’art. 4 était d’ordre
intérieur et ne devait pas trouver place dans le contrat, car cela préjugerait
la permanence de l’impôt des barrières, ce que la chambre ne veut pas faire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est pour lever le doute qu’exprime l’honorable
préopinant, que nous avons proposé l’article 5 portant que les biens et revenus
du royaume seront au surplus affectés en garantie de l’emprunt autorisé par la
présente loi.
Il est évident que nous ne pourrons pas
spécialiser. Cette hypothèque sera générale comme celle donnée dans l’emprunt
de 48 millions de florins.
M. Watlet. - Je
déclare être satisfait des explications données par le ministre des finances ;
car il en résulte que rien ne sera détourné de la destination légale de
l’excédant du produit des barrières. Comme il aurait pu s’élever des doutes à
cet égard, ils viennent à cesser par la déclaration du ministre et la publicité
qui lui sera donnée par son insertion au Moniteur.
- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix et
adopté.
L’article 3 ainsi amendé est également adopté.
Article
4
« Art. 4. L’intérêt et la dotation
d’amortissement seront annuellement prélevés dans la proportion de
l’affectation du capital sur les produits respectifs du chemin de fer, des
routes et de
- Cet article est adopté.
Article
5
« Art. 5. Les biens et revenu du royaume
seront au surplus affectés en garanties de l’emprunt, autorisé par la présente
loi. »
- Cet article est adopté.
Second vote des articles et
vote sur l’ensemble du projet
M. Eloy de
Burdinne. - L’amendement introduit dans l’article 3 ne peut être
considéré que comme un changement de rédaction ; et comme, d’un autre côté, le
sénat est assemblé, je pense que ces motifs suffiront pour que la chambre
procède immédiatement au vote définitif. J’en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
La chambre confirme d’abord l’amendement introduit
dans le troisième article du projet de loi.
Puis on passe à l’appel nominal sur l’ensemble de
la loi.
60 membres prennent part au vote et répondent
affirmativement.
2 se sont abstenus (MM. Desmet et Dumortier).
En conséquence le projet de loi est adopté et il
sera transmis au sénat.
M. Dumortier. -
Je me suis abstenu de voter, parce que si d’un côté j’approuve l’emprunt pour
la construction des routes, je n’approuve pas la direction donnée à toutes les
sections du chemin de fer.
M. Dumortier. -
J’ai déjà eu l’occasion d’exposer à la chambre les motifs pour lesquels je
m’opposais à l’emprunt. Je ne veux pas m’opposer aux travaux publics ; mais je
ne puis autoriser un emprunt de 30 millions quand nous avons 25 millions entre
les mains de notre caissier.
M. Doignon (pour
une motion d’ordre). - Avant de nous séparer, je demanderai à la chambre qu’on
veuille bien d’occuper du projet de loi relatif au traitement des vicaires ; ce
projet ne peut donner lieu à de longs débats ; beaucoup de communes l’attendent
avec impatience. Les sections et la section centrale ont adopté la même
opinion, et je pense que le ministère l’adoptera également.
M.
Gendebien. - Si l’on décrète par une loi que nous serons en nombre
suffisant pour délibérer demain, je ne verrai pas d’inconvénient à ce que l’on
mette le projet à l’ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je verrai avec plaisir que l’on s’occupe du projet dont parle M. Doignon ;
mais je demanderai à la chambre qu’elle veuille bien avancer l’heure de sa
séance, parce que j’assisterai à la séance du sénat qui discutera demain la loi
sur les mines.
M. de Jaegher.
- A la veille des élections des membres des administrations communales, je
regrette que l’on ne puisse s’occuper des naturalisations ; je voudrais que la
priorité fût accordée aux rapports sur les naturalisations, et qu’on les mît à
l’ordre du jour de demain.
M.
Dubus. - On élève de doutes sur la question de savoir si nous serons en
nombre demain ; mais il serait extraordinaire que l’on négligeât les graves
intérêts dont on a parlé. Il est encore un objet sur lequel la chambre doit
statuer : c’est sur le paiement des créances arriérées des exercices 1831, 1830
; un rapport peut être présenté demain sur ces créances, et on pourrait en
délibérer immédiatement après avoir voté sur le projet concernant le traitement
des vicaires.
- La chambre consultée met à l’ordre du jour de
demain le projet relatif aux vicaires.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il y a un autre petit projet qui ne peut
donner matière à discussion ; c’est celui concernant le renouvellement des
poids et mesures.
M. le président. -
Il est à l’ordre du jour.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’aurais proposé de le discuter à l’instant ;
mais pour rendre complète la proposition faite par M. Seron, j’ai deux
amendements à présenter. Comme je n’ai pas les documents relatifs à cet objet,
je demande que l’on en renvoie la discussion à demain à l’ouverture de la
séance.
- La chambre consultée fixe à dix heures du matin
l’ouverture de la séance de demain.
La séance est levée à quatre heures et demie.