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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 26 mai 1836
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif à l’école vétérinaire de Bruxelles
3) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Ecole vétérinaire (Desmet, de Theux), loi sur le
transit (Legrelle),
modifications au tarif des douanes (d’Huart, Raikem)
4) Projet de loi relatif à l’avancement des officiers dans l’armée,
notamment des officiers volontaires de 1830 (de Puydt)
5) Projet de loi relatif au paiement des traitements des vicaires par
l’Etat
6) Projet de loi relatif à la perte du grade d’officier de l’armée.
Commission d’enquête (procédure) (Evain, Desmaisières, Raikem, d’Huart, Verdussen, Desmaisières, Ernst, Pollénus, Gendebien, Ernst, Gendebien, d’Huart, Gendebien,
(+implication personnelle du général
Evain dans la condamnation à mort du général Chartrand
en 1816) (d’Huart, Evain, Gendebien, d’Huart, de Theux, Gendebien), code pénal
militaire (Evain, Raikem), droit à
la pension militaire (Dumortier, d’Huart,
Ernst, Gendebien), composition
de la commission d’enquête (Gendebien, Ernst)
7) Projet de loi relatif à l’avancement des officiers dans l’armée.
Second vote des articles (Evain, Gendebien)
8) Projet de loi autorisant des transferts de crédit au sein du budget
du département de la guerre, pour construction d’écuries et de casernes et/ou
achat de terrains pour le camp de Beverloo (Evain, d’Huart, Verdussen, Ernst, Evain, de
Puydt, de Theux, Pollénus,
de Jaegher, de Theux, Evain)
9) Projet de loi portant un transfert de crédit au sein du budget du
département de la justice pour l’exercice 1835
(Moniteur
belge n°149, du 28 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon.,
vice-président.)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. de Renesse lit
le procès-verbal de la séance précédente.
M. Verdussen
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil communal de Tourinnes-Beauvechain
(Brabant) demande l’achèvement de la route projetée de Wavre à Tirlemont, et
déjà pavée jusqu’à Hammemille. »
_______________
« Le sieur E.-B. Jacques, congédié du service à
cause d’une blessure qui lui a estropié la main gauche, demande une
pension. »
_______________
- La première pétition concernant une construction
de route est renvoyée, conformément aux antécédents de la chambre, à M. le
ministre de l’intérieur.
La deuxième pétition est renvoyée à la commission
des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
_______________
M. le ministre de la justice
(M. Ernst) adresse à la chambre un rapport sur treize demandes en
naturalisation.
Le message de M. le ministre de la justice, avec
les pièces qui l’accompagnent, est renvoyé à la commission des naturalisations.
PROJET DE LOI
RELATIF A L’ECOLE VETERINAIRE DE BRUXELLES
M. Desmet, rapporteur
de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’école
vétérinaire de Bruxelles, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Desmet. - Je
demande, au nom de la commission dont je suis l’organe, que le projet de loi
dont il s’agit soit discuté après les lois à l’ordre du jour.
M. Legrelle. -
Messieurs, je ne m’oppose pas à ce que ce projet soit discuté après ceux qui
sont à l’ordre du jour ; mais je dois faire observer que la loi sur le transit,
cette loi si impatiemment attendue et si longtemps promise, qui a été mise à
l’ordre du jour par décision de la chambre, a disparu depuis quelques jours des
bulletins qu’on nous distribué ; je demande qu’elle y soit remise.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de fixer dès aujourd’hui l’ordre du
jour sur le projet relatif à l’école vétérinaire ; toutefois, je désire
beaucoup que la chambre s’en occupe avant qu’elle se sépare.
Au reste, la discussion en sera très courte ;
chacun de vous, messieurs, en lisant l’exposé des motifs, se sera convaincu que
c’est une affaire extrêmement simple.
Si la chambre ne vote pas la loi cette année, il en
résultera que le marché provisoire qui a eu lieu sera annulé de fait.
Je demande donc que, sans rien préjuger du reste,
on mette la loi à l’ordre du jour sur les bulletins de convocation.
M.
Legrelle. - Je fais la même demande pour la loi du transit.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, la loi des douanes qui vous a été
présentée par le gouvernement a été renvoyé aux
sections. Je désirerais savoir si les sections s’en sont déjà occupées, et si
la section centrale elle-même l’a déjà examinée.
Ce projet est de la plus haute importance ; il a
aussi son caractère d’urgence, s’il n’avait pas encore été délibéré dans les
sections, je désirerais que M. le président voulût bien leur rappeler cet
objet.
M. le président. -
Je prie M. Raikem de vouloir bien donner quelques explications à ce sujet.
M. Raikem. -
Messieurs, vous savez comment les choses se passent. Quand les sections se sont
constituées, les présidents sont convoqués, pour mettre à l’ordre du jour les
divers projets de loi qui ont été présentés à la chambre.
Je rappellerai que les sections sont saisies en ce
moment d’un grand nombre d’objets ; et il n’y a pas longtemps que le projet de
loi dont parle M. le ministre des finances a été envoyé aux sections.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Mon intention n’a été nullement d’inculper ni
le bureau ni les sections ; mon but unique a été de les prier de s’occuper le
plus tôt possible du projet dont j’ai parlé.
PROJET DE LOI
RELATIF A L’AVANCEMENT DES OFFICIERS DANS L’ARMEE
Rapport de la
commission spéciale
M. de Puydt, rapporteur,
s’exprime en ces termes. - MM. Dumortier, Doignon, d’Hoffschmidt, Liedts et A.
Rodenbach ont présenté à la chambre, dans la séance du 17 mai, un amendement
relatif à la loi d’avancement, ainsi conçu :
« L’ancienneté pour l’avancement sera déterminée,
savoir :
« Par la date du jour de leur entrée au
service actif de l’armée nationale, pour les officiers qui n’ont pas obtenu
d’avancement depuis leur première nomination à la suite de la révolution ;
« Par la date du brevet, pour ceux qui ont obtenu
de l’avancement depuis cette époque.
« Dans le cas où plusieurs officiers du même
grade auraient un brevet de même date, l’ancienneté sera réglée d’après celle
du grade antérieur. »
Cet amendement, proposé comme disposition transitoire,
a été renvoyé à une commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe et qui m’a
chargé de vous faire connaître le résultat de son examen.
Après avoir pris connaissance des pièces relatives
au mode de classement des officiers de l’armée opéré par le département de la
guerre et de l’arrêté du gouvernement provisoire en date du 10 décembre 1830,
qui pose les premières bases de ce classement, la commission a été d’avis qu’un
semblable travail était entièrement dans les attributions du gouvernement ; qui
en possède les éléments pratiques et peut seul apprécier les moyens de vaincre
toutes les difficultés dont il est inséparable en blessant le moins possible
les intérêts nombreux, et plus ou moins opposés, des différentes catégories
d’officiers. Elle pense donc ne pas devoir se prononcer sur la proposition dont
il s’agit.
La loi d’avancement par son article 10 ne dispose
que pour l’avenir ; cet article ne s’appliquera point au classement qu’ont
nécessité les circonstances extraordinaires amenées par la révolution.
La commission fait remarquer, d’ailleurs,
qu’admettre d’autres bases que celles arrêtées par le gouvernement, que
chercher par des dispositions générales à améliorer le sort de certains
officiers d’une catégorie qui auraient pu être lésés, ce serait s’exposer à
nuire à certains officiers d’une autre catégorie et tout aussi dignes peut-être
de la sollicitude du gouvernement. Pour opérer un classement parfait il
faudrait, en raison de la diversité des éléments qui composent l’armée, et par
suite des circonstances qui ont présidé à son organisation, apprécier en
quelque sorte chaque cas spécial ; or, c’est ce qui est impossible à la
législature et même au gouvernement.
La commission croit cependant devoir attirer
l’attention du gouvernement sur le sort des officiers en général, auxquels la
chambre portera toujours tout l’intérêt que la justice réclame. Elle voit un
moyen de réparer les torts que le classement pourrait avoir faits à
quelques-uns en particulier, dans la latitude laissée au Roi pour l’avancement
au choix. La totalité des emplois d’officiers supérieurs, la moitié dans les
autres grades, sont à la nomination du Roi. Si l’ancienneté, en thèse générale,
peut et doit avoir une influence sur ces nominations, il n’en est pas
absolument ainsi à la suite d’un classement, résultant d’un concours de faits
extraordinaires. Ici, le gouvernement, libre dans son choix, examinera les
circonstances particulières du classement à l’égard de chaque officier, et par
les nominations qui lui seront déférées, il pourra corriger les défauts du
travail qui a été fait : défauts qui ne peuvent, ainsi qu’on l’a fait observer,
être réparés par des dispositions générales et législatives.
D’après ces considérations, la commission a été
d’avis qu’il n’y avait pas lieu à adopter l’amendement proposé.
PROJET DE LOI
RELATIF AU TRAITEMENT DES VICAIRES
M. Doignon dépose
sur le bureau un rapport sur le projet de loi relatif aux traitements des
vicaires.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la discussion
en sera ultérieurement fixée.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion des articles
M. le président. -
Nous en sommes restés à l’article 9, ainsi conçu :
« Art. 9 (projet du gouvernement.) Le
procès-verbal d’enquête, signé par les membres du conseil et par l’auditeur,
sera envoyé, dans les trois jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
« Art. 9 (projet de la section centrale.) Le procès-verbal
d’enquête et l’avis du conseil, signés par les membres du conseil et par
l’auditeur, seront envoyés, dans les trois jours après la clôture, au ministre
de la guerre. »
M. le ministre de la guerre propose d’amender la
rédaction de la section centrale, comme suit :
« Le procès-verbal d’enquête, signé par les
membres du conseil et par l’auditeur, et l’avis du conseil d’enquête, seront
envoyés, dans les 3 jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Comme la rédaction de la section centrale est au fond la
même que la mienne, je m’y rallie.
M.
Desmaisières, rapporteur. - Je n’ai pas bien compris M. le ministre de
la guerre. Entend-il se rallier entièrement à la rédaction de la section
centrale ? Dans l’imprimé qui nous a été distribué, le ministre de la guerre ne
parle pas de la signature que les membres du conseil doivent apposer sous
l’avis qu’ils émettent, tandis que la rédaction de la section centrale exige
l’accomplissement de cette formalité.
M.
Raikem. - Messieurs, j’ai à présenter une simple observation.
Il faut que le procès-verbal d’enquête et l’avis du
conseil soient l’un et l’autre signés ; mais faut-il qu’ils soient signés par
la même personne ? Je soumets cette question à M. le ministre de la guerre.
Que le procès-verbal d’enquête soit signé par les
membres du conseil et par l’auditeur, il n’y a pas de difficulté sur ce point ;
mais l’auditeur n’intervient pas dans l’avis du conseil : est-il nécessaire
qu’il signe cet avis ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je propose la rédaction suivante :
« Le procès-verbal d’enquête et l’avis du
conseil, signés par les membres du conseil, seront envoyés, dans les trois
jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
M. Verdussen. -
Il y a une lacune dans cette rédaction ; en voici une autre que je propose :
« Le procès-verbal d’enquête, signé par les
membres du conseil et par l’auditeur, et l’avis du conseil d’enquête signé par
les membres, seront envoyés, dans les 3 jours après la clôture, au ministre de
la guerre.
- Cette rédaction est adoptée.
Article
10
« Art.
10 (projet nouveau du gouvernement.) Le Roi décidera sur le rapport du ministre
de la guerre. Si les faits sont déclarés constants par le conseil d’enquête, le
Roi pourra prononcer, suivant la gravité des cas, la perte, la suspension du
grade, ou seulement la mise au traitement de réforme.
« Les arrêtés royaux seront motivés. »
« Art. 10 (projet de la section centrale.) Le
Roi décidera, sur le rapport du ministre de la guerre. Il pourra prononcer la
perte ou la suspension du grade.
« Les arrêtés portant le retrait ou la
suspension des grades seront motivés.
« Les avis du conseil d’enquête ne pourront
être modifiés qu’en faveur de l’inculpé. »
M.
Desmaisières, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour faire une
interpellation à M. le ministre de la guerre.
Le ministre propose de rédiger ainsi l’art. 10 :
« Le Roi décidera sur le rapport du ministre
de la guerre.
« Si les faits sont déclarés constants par le
conseil d’enquête, le Roi pourra prononcer, suivant la gravité des cas, la
perte, la suspension du grade, ou seulement la mise au traitement de réforme.
« Les arrêtés royaux seront motivés. »
Comme hier nous avons dû nécessairement anticiper
sur la discussion de cet article, parce qu’il se lie à l’art. 8, je désirerais
savoir positivement et d’une manière catégorique si, en disant : « si les
faits sont déclarés constants par le conseil d’enquête, » le ministre a
entendu limiter l’avis à émettre par le conseil sur les faits imputés à
l’officier, à déclarer si les faits sont constants oui on non. Ainsi, Pour citer
un exemple, lorsqu’un officier sera traduit devant un conseil d’enquête comme prévenu d’avoir commis un fait grave de nature à compromettre l’honneur et
la dignité de la profession des armes ou la subordination militaire, le
ministre entend-il que le conseil d’enquête n’aura qu’à répondre : Oui ou non,
à cette question : « Est-il constant que l’officier inculpé a commis un
fait grave de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession
des armes ou la subordination militaire ? »
Je désirerais que M. le ministre
de la guerre voulût s’expliquer à cet égard.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Ainsi que l’a très bien dit
l’honorable préopinant, il était impossible que la chambre discutât l’art. 8,
sans discuter en même temps la question qui s’élève sur l’art. 10. Ces
questions sont évidemment connexes ; en décidant l’une, on a préjugé la
solution de l’autre.
Si vous aviez voulu adopter le
système de la section centrale, vous auriez dit à l’art. 8 que le conseil
d’enquête émettra un avis au scrutin secret sur les conséquences que devra
entraîner pour l’officier la déclaration de sa culpabilité. Cependant vous avez
décidé que le conseil d’enquête déclarerait seulement l’existence des faits.
Mais de quels faits s’agit-il ? A cet égard, il n’y a pas le moindre doute.
Quel fait peut-on imputer à l’officier ? Un des faits énoncés dans l’art. 1er,
comme il est dit à l’article 2.
Il faut que l’inculpé soit
prévenu d’un fait pour lequel la loi prononce la perte ou la suspension du
grade ou la mise à la réforme. Cela est tellement vrai que l’arrêté ne peut
être motivé que sur un fait de cette nature déclaré constant par le conseil
d’enquête. Le ministre violerait évidemment la loi s’il prononçait la perte du
grade pour un fait autre que ceux énoncés dans la loi, ou pour un fait qui
n’aurait pas été déclaré constant par le conseil. Après cela, je ne sais pas où
il y a la moindre difficulté.
Par
exemple, on impute à un officier d’avoir publiquement manifesté une opinion
hostile à la monarchie constitutionnelle. Après l’instruction prescrite par la
loi, le conseil déclare qu’il est constant que l’officier a publiquement
manifesté, dans tel lieu et tel jour une opinion hostile à la monarchie
constitutionnelle : Mais le conseil ne déclare pas les circonstances
atténuantes ; là-dessus je me suis expliqué hier : il est manifeste que le
conseil d’enquête n’a pas à s’occuper des circonstances atténuantes, mais
uniquement de l’appréciation du fait. L’arrêté royal sera motivé sur le fait
apprécié et déclaré constant par le conseil d’enquête. Il portera, par exemple,
que « vu la déclaration du conseil d’enquête d’après laquelle il est
constant que tel officier s’est rendu coupable d’avoir publiquement manifesté
une opinion hostile à la monarchie constitutionnelle, cet officier est privé ou
suspendu de son grade, ou mis à la réforme. » Cependant le Roi peut user
d’indulgence, et ne prendre aucune de ces mesures.
Prenons une autre hypothèse,
celle signalée par l’honorable préopinant ; car, en vérité, je ne sais où est
la difficulté. On impute à un officier d’avoir outragé, menacé par écrit un
officier supérieur. Je prends cet exemple que j’ai déjà cité, parce que, selon
moi, c’est bien là un fait grave de nature à compromettre la subordination
militaire.
Le fait est-il prouvé ?
L’officier inculpé a-t-il menacé par écrit un officier supérieur ? Ce fait
est-il grave ? Compromet-il la subordination militaire ? Si le conseil déclare
que le fait présente ces trois caractères, le Roi peut, sur le rapport du
ministre de la guerre, prononcer la perte ou la suspension du grade de
l’officier, ou sa mise au traitement de réforme. Mais si la déclaration du
conseil porte que l’officier a effectivement commis tel fait, mais que ce fait
ne porte pas atteinte à la subordination militaire, ou que ce fait porte
atteinte à la subordination militaire, mais qu’il n’est pas grave, alors il ne
réunit pas les caractères déterminés dans le n°1° de l’article 1er, et aucune
mesure ne peut être prise contre l’officier. Ainsi il n’y a pas de doute sur la
nature de la déclaration à faire par le conseil d’enquête.
Je répéterai que l’arrêté doit
contenir ses motifs et qu’il ne peut en contenir d’autres que ceux indiqués
dans la loi et constatés par le conseil d’enquête.
Je crois que ces explications
satisferont l’honorable rapporteur de la section centrale.
M.
Pollénus. - Je prierai la chambre de me permettre une dernière
observation, pour justifier la proposition de la section centrale, en ce moment
en discussion.
On a paru élever des doutes, à la
séance d’hier, s’il était dans l’intention de la section centrale de considérer
l’avis du conseil d’enquête comme pouvant contenir des propositions sur les
mesures à prendre à l’égard de l’officier. Pour ma part, j’ai déjà dit que
telle avait été mon intention en admettant la proposition de la section
centrale ; je croyais même, d’après l’exposé des motifs, que la section
centrale n’avait fait qu’énoncer d’une manière explicite les intentions du gouvernement.
En effet, l’honorable général ministre de la guerre s’exprime ainsi dans
l’exposé des motifs :
« La juste susceptibilité
qui porte les militaires à ne point permettre que celui-là conserve leur
uniforme, qui a commis des actions dégradantes, encore qu’elles ne soient point
du ressort des tribunaux, cette susceptibilité n’est pas un sentiment qu’on
puisse ni qu’on doive combattre ; mais il est convenable de lui prescrire les
moyens réguliers de se produire, et c’est ce que nous proposons. »
Ainsi le ministre de la guerre
propose d’investir le conseil d’enquête du droit de produire son opinion sur la
question de savoir si tel officier est oui ou non digne de conserver
l’uniforme. Après ces termes clairs et précis de l’exposé des motifs, la
section centrale pouvait-elle croire que l’on voulût borner les attributions du
conseil d’enquête à une simple déclaration sur ou la non-existence des faits ?
Comment voulez-vous cependant qu’en l’absence de la proposition de la section
centrale, le conseil d’enquête puisse faire une proposition sur les mesures à
prendre à l’égard de l’officier inculpé ? Cette proposition était évidemment
dans la pensée du ministre de la guerre ; je n’ai pas besoin de faire des
efforts pour le prouver. Cela résulte de l’exposé des motifs. La section
centrale, au moins de ma part, lorsque conjointement avec mes collègues j’ai
été d’avis qu’il y avait lieu de formuler la disposition en discussion, ne
s’est pas attendue, de la part du gouvernement, à la moindre opposition à
l’égard d’une disposition si bien justifiée par l’exposé même du ministre de la
guerre.
D’ailleurs je ne considère pas
qu’il soit exact de dire que le conseil d’enquête émette un avis si ses
attributions se bornent à déclarer l’existence d’un fait ; car un avis est une
opinion sur une chose à faire ; si le conseil ne fait qu’une déclaration, ce
n’est plus un avis qu’il donne.
La loi française du 19 mai 1834
contient dans son art. 13 une disposition plus expresse encore. Je n’ai pas
entendu que cette disposition ait été le moins du monde combattue. Il y a
encore cette différence entre la loi française et le projet de la section
centrale, que la loi française est plus explicite. Elle dit que les mesures
dont il est question, s’il s’agit de sévir contre des officiers inculpés, ne
sont prononcées, par décision royale, que sur l’avis du conseil d’enquête.
J’ai un mot à répondre à M. le
ministre de la justice qui a répliqué à M. le rapporteur de la section
centrale. Mais, dit ce ministre, ne suffit-il pas que l’avis du conseil d’enquête
énumère les cas rentrant dans les dispositions de l’art. 1er et qu’il dise
qu’il est constant qu’il y a eu des abus graves. Mais la loi elle-même suppose
qu’il y a des degrés de gravité. La loi prononce une échelle de peines. Dans
certains cas, elle prononce la suspension du grade ; dans d’autres, la
déchéance. Il y a donc une échelle de mesures de répression. Donc ici il y a un
degré dans les faits auxquels cette échelle doit s’appliquer. Pourquoi ne
voulez-vous pas que le conseil fasse des propositions et s’explique sur les
degrés de gravité ? Il lui sera difficile de déclarer d’une manière absolue et
par oui ou par non si l’officier a mérité la perte de son grade.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - On ne lui demande pas cela.
M.
Pollénus. - On me dit qu’il n’appartient pas au conseil de se prononcer
là-dessus. Mais c’est cela qui est en question.
Plusieurs membres. - La
question a été jugée hier.
M.
Pollénus. - Je conviens que dans la séance d’hier il a été question de
ce point ; mais le vote émis par la chambre n’a rien décidé à cet égard. Du
texte adopté, il ne résulte pas que le conseil ne peut se prononcer sur la
nature de la peine.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le
conseil ne pourra émettre qu’un avis sur les faits.
M.
Pollénus. - Un avis sur les faits peut contenir un avis sur les mesures
à prendre. (Réclamations.) S’il en
est autrement, alors à quoi bon la proposition que nous discutons ? Et si la
question n été jugée hier, votre amendement devient inutile. Mais, je le
répète, il ne m’est pas démontré que, dans l’opinion de la chambre, il ait été
reconnu que le conseil ne pourra se prononcer que sur les faits. Dans tous les
cas, l’opinion professée par M. le ministre de la guerre, dans son exposé des
motifs, n’est pas la même que celle défendue par son honorable collègue M. le
ministre de la justice.
Veuillez d’ailleurs ne pas perdre
de vue qu’en restreignant inutilement l’avis du conseil, vous gênez une
déclaration à laquelle on pourrait attribuer des conséquences qui ne sont pas
entrées dans l’esprit de ses auteurs.
M.
Gendebien. - J’avais pris la résolution de ne plus prendre la parole,
parce qu’il me semblait que tout a été décidé dans les séances précédentes
contre les libertés de l’armée ; mais je ne crois pas, tant qu’il reste une
heure d’espoir, qu’il me soit permis de déserter mon mandat : je reprends donc
le courage et la parole.
C’est une chose singulière, pour
ne rien dire de plus, de voir l’abus du sophisme que l’on fait sans cesse dans
cette enceinte. L’on ne veut point d’avis du conseil sur autre chose que les
faits ; on n’en veut point sur la nature des faits et sur leur gravité. De
plus, l’on ne veut pas de jugement. L’on veut laisser le tout à l’arbitraire du
ministre et sous la responsabilité du Roi personnellement, et l’on prétend que
le Roi ne prononce pas de jugement, n’inflige pas de peine.
Je ne reviendrai pas sur ce que
j’ai dit dans la séance d’hier, pour prouver le danger de cette imprudente
disposition. Je me bornerai à demander pourquoi l’on ne fait pas ici ce que
l’on fait en France. L’art. 12 de la loi française rentre dans les théories que
j’ai développées hier :
« Le prononcé du conseil
d’honneur ne recevra son exécution qu’après avoir été préalablement soumis par
M. le ministre de la guerre à l’approbation du Roi. »
En France, vous le voyez, ce
n’est pas le Roi qui prononce, qui prend le rôle de juge ; c’est le Roi qui est
le modérateur, comme c’est son rôle unique en toutes choses, et surtout entre
le juge et le condamné. Le conseil d’honneur n’avise pas seulement, il
prononce. Le Roi est appelé, non pas à prononcer une peine, à dépouiller un
officier de son honneur, de sa fortune, mais à arrêter les effets du jugement,
s’il trouve qu’il est basé sur l’erreur ou l’injustice ; et vous, vous voulez
intervertir les rôles sous une constitution aussi explicite que la nôtre ; vous
répudiez ce que l’on a jugé nécessaire en France sous une constitution qui ne
contient aucune des garanties caractérisées dans la nôtre.
Que
vient-on dire après cela ? Que l’art. 1er se compose de plusieurs paragraphes ;
que s’il s’agit de faits rentrant dans la catégorie des n’ 2° et 3°, ils seront
caractérisés comme ils le sont dans l’article. D’abord, c’est ne pas répondre à
la question. Il en résultera toujours cette conséquence que c’est le Roi et non
le conseil qui prononce. Mais, pour la première partie de l’article, lorsqu’il
s’agira de faits graves non prévus par les règlements qui sont de nature à
compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, je vous
demande ce qu’il en adviendra. L’on demandera, dit le ministre, au conseil
d’enquête si tel officier a adressé des injures par écrit à son chef, si cet
écrit contient des faits graves, si leur gravité est de nature à compromettre
la discipline ou la subordination militaire. Mais quel article de la loi impose
au ministre l’obligation d’adresser ces questions au conseil d’enquête ? Si
vous voulez ce que vous dites, quel inconvénient trouvez-vous à ce que cela
soit inséré dans la loi ? En adoptant l’amendement de la section centrale, vous
arrivez à ce résultat. Si vous repousser cet amendement, c’est que vous ne
voulez pas ce que vous dites que vous voulez. Mais, pour qu’il n’y ait pas
d’équivoque, si vous êtes sincères dans vos allégations, admettez l’art. 12 du
projet de loi de 1832, projet que la législature française n’a pas voulu
discuter, parce qu’elle le trouve trop arbitraire. Adoptez néanmoins cet
article, vous serez dispensés de faire toutes les distinctions si laborieuses
et insolites qui prolongent bien inutilement notre discussion.
Un officier, dénoncé pour un fait
quelconque, comparaît devant le conseil d’enquête. Le conseil prononce alors
sur l’existence des faits, sur leur gravité et sur la peine qu’ils entraînent.
Le Roi n’aura autre chose à faire qu’à approuver, s’il croit qu’il est nécessaire
que l’officier soit puni, ou à refuser son approbation s’il croit qu’il y a eu
trop de sévérité ou qu’il y a eu des erreurs. L’article 12 est d’ailleurs
conforme à tous les principes constitutionnels, à ce que vous appelez la
dignité et à ce que j’appelle moi l’intérêt du chef de l’Etat.
Il fait une distinction que l’on
doit toujours respecter, la distinction entre le juge et celui qui gracie. Au
chef du pouvoir exécutif appartient le droit de grâce, au pouvoir judiciaire
celui de juger ; confondez ces deux choses essentiellement distinctes, et vous
produirez le plus monstrueux comme le plus dangereux des cumuls.
Si ce que j’ai dit, dans la
séance d’hier, si le peu de mots qui ont été prononcés aujourd’hui ne suffisent
pas pour vous convaincre, je désespère de la chose publique.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il est
inutile de relever les paroles de l’honorable préopinant que l’odieux de la
décision retombera sur la personne du Roi. La prérogative appartient au Roi ;
au chef de l’Etat appartient tout honneur ; c’est sur les ministres que
l’odieux retombe si jamais il y en a.
(Addendum inséré dans le Moniteur belge n°150, du 29 mai 1836)
L’honorable membre ne s’élève pas contre la manière dont j’ai interprété le
projet ; mais il prétend que les textes pouvaient être exécutés d’une manière
différente : quant à moi aucun doute ne me paraît possible d’après la
combinaison des divers articles : en effet, les faits sont déclarés constants
par le conseil : quels faits ? Ceux imputés à l’officier. Or, on ne peut lui
imputer d’autres faits que ceux prévus par l’article 1er. Le conseil doit donc
examiner si les faits réunissent les conditions prescrites par cet article.
En outre l’arrêté royal ne peut
être motivé que sur des faits de cette nature : dès lors, je ne comprends pas
qu’il reste la moindre difficulté.
M. Gendebien. - Je ne répondrai qu’à une seule
objection. L’on dit : Mais l’arrêté sera motivé. La belle garantie vraiment !
Lorsque l’on a arraché à la
législature la loi sur l’ordre civil contrairement à la constitution, l’on
devait aussi motiver tous les arrêtés. L’on disait aussi : Qu’avez-vous à
craindre ? Tous les arrêtés seront motivés, il sera donc impossible d’en
abuser. Pour mieux assurer que les arrêtés seraient motivés, on a consenti
d’insérer dans la loi que les motifs seraient spécifiés. Eh bien, consultez les
arrêtés qui confèrent l’ordre civil, y en a-t-il un dont les motifs soient
spécifiés ? La plupart des arrêtés ne sont pas seulement motivés, ou le sont
sur services rendus, ce qui rentre dans les généralités du genre des lieux
communs, et peut s’appliquer à tout.
Quelle sanction donnerez-vous
d’ailleurs à votre loi pour défaut de motifs ? Quand le juge néglige de donner
les motifs d’un arrêt, il est réformé par la cour d’appel ou cassé par la cour
de cassation. Mais quel recours l’officier aura-t-il contre un arrêté royal qui
l’aura destitué sans motifs ? Vous voyez donc que cette garantie est un leurre
comme les autres.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Il est nécessaire de donner
encore un mot de réponse au préopinant. Je répéterai d’abord ce qu’on a déjà
répondu plusieurs fois, qu’il aura beau prétendre que la responsabilité des décisions
qui seront prises en vertu de la loi en discussion tombera sur la personne du
Roi, cette allégation est sans aucune espèce de fondement. L’honorable membre
qui se montre si jaloux de défendre la constitution, alors qu’on n’y porte
aucune atteinte, devrait aussi se pénétrer de l’art. 64 de cette même
constitution, portant en termes exprès que le ministre est toujours
responsable, et qu’aucun acte du Roi comme chef du gouvernement n’a d’effet
qu’avec le contreseing du ministre.
Nous repoussons donc les idées de
danger dont l’honorable membre nous entretient avec tant de précaution en ce
moment dans l’intérêt de la personne du Roi ; ce danger ne peut être considéré
comme sérieux par personne.
Le même orateur a dit que dans la
loi, qu’il a qualifiée d’inconstitutionnelle, relative à l’ordre civil, on
avait, comme dans la loi qui nous occupe, stipulé que les arrêtés devaient être
motivés, que cependant aucun arrête ne contenait de motifs spéciaux. Je
demanderai si dans la loi de l’ordre civil on a indiqué les motifs qu’il
fallait donner, si on a stipulé dans la loi que les arrêtés devraient s’appuyer
sur tels et tels motifs spécifiés. Non. On ne l’a pas fait, tandis qu’ici les
motifs sont précisés.
Et en
effet s’agit-il d’un des faits rentrant dans le n°1 de l’article premier ? Il
faudra que ce soit un fait grave non prévu par les lois, de nature à
compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, ou la
subordination militaire.
Voilà un motif déterminé. Si
c’est ce fait qui est imputé à l’officier inculpé et que ce fait soit reconnu
constant, la peine que porte la loi y sera appliquée. Mais remarquez qu’il
faudra que le fait soit reconnu constant tel qu’il est spécifié ; je dis le
fait tel qu’il est spécifié, car c’est à tort que pour raisonner dans cette
discussion, on a tronqué l’article et qu’on a conclu que l’officier pourra être
privé de son grade pour faits graves non prévus par les lois. Il faut que ce
soit un fait grave de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes.
Il n’y a donc pas là
d’arbitraire. L’arbitraire n’existe que dans l’opinion de l’honorable membre,
car il est impossible avec une disposition aussi positive.
Ce ne sera, je le répète encore,
que quand un des faits tels qu’ils sont spécifiés dans la loi aura été reconnu
constant par le conseil d’enquête que le Roi pourra prononcer une des
pénalités, si toutefois ce sont des pénalités, ce que nous n’avons jamais
admis, mais soit une des pénalités portées dans l’article dont il s’agit.
M.
Gendebien. - M. le ministre des finances s’est fâché et fâché très
fort.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Pas autant que vous.
M.
Gendebien. - Je montrerai plus de modération. Le ministre me reproche
de ne pas respecter l’art. 64 de la constitution, moi qui me montre si sévère
pour défendre la constitution en toute circonstance.
Si on avait pris la peine de
répondre aux observations que j’ai faites hier, au lieu de faire avec colère de
semblables accusations, j’aurais pu prendre la peine de répliquer ; mais ces
accusations sont sans portée, je n’y répondrai pas.
J’ai dit hier, et sans attendre
la semonce d’un ministre, que l’art. 64 de la constitution assurait l’inviolabilité
de la personne royale par le contreseing d’un ministre dans tous les actes du
pouvoir exécutif proprement dits ; mais j’ai ajouté que par votre loi vous
immisciez le pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire, et qu’en cela vous
violiez la constitution, et que dès lors vous n’aviez plus le droit d’en
invoquer l’égide. J’ai dit qu’en ce sens vous mettiez imprudemment à découvert
l’inviolabilité royale, et que le contreseing du ministre était impuissant en
dehors de la constitution.
J’ajoutais qu’en supposant que
cela fût inexact, toujours est-il vrai qu’on faisait peser sur la personne du
Roi la responsabilité morale, qu’on faisait remonter jusqu’à sa personne les
plaintes de ceux qui se trouveront frappés par un acte judiciaire porté par le
pouvoir exécutif.
Voilà ce que j’ai dit, et
j’invite le ministre à y répondre s’il veut prendre la parole encore une fois.
Je me suis montré plus jaloux des
prérogatives du chef de l’Etat que les ministres eux-mêmes, en signalant le
danger qu’il y avait à faire sortir le pouvoir exécutif de ses attributions
pour l’immiscer dans le pouvoir judiciaire.
On a dit que, dans la loi
relative aux décorations de l’ordre civil, il n’y avait pas de motifs
spécifiés. Je répondrai que la loi dit positivement que tout arrêté devra
contenir des motifs spécifiés. On ne s’est pas contenté de dire que les parties
seraient motivées, on a exigé que les motifs seraient
spécifiés. Eh bien, malgré cette précaution, il n’y a pas un arrêté qui soit
motivé ; on n’y parle que de services rendus sans les individualiser, de
manière qu’on peut décorer celui qui a attaqué les libertés de son pays comme
celui qui les a défendues ; et on prétend qu’on pourrait en citer des exemples.
Ici, dit-on, c’est différent ;
l’article 1er, paragraphe 1er, dit que l’officier pourra perdre son grade, être
suspendu ou mis au traitement de réforme :
« Pour faits graves non
prévus par les lois, de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes ou la subordination militaire. »
Eh bien, qu’est-ce que cela
prouve ? Je suppose qu’on dise dans l’arrêté qui prive un officier de son grade
: « Attendu que tel officier s’est rendu coupable d’un fait grave non
prévu par les lois et de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession
des armes, etc. » (C’est le texte même de l’article cité par le ministre
des finances.)
Est-ce
que cet arrêté sera motivé ?
Mais c’est là ce qu’on appelle un
lieu commun, qu’on peut appliquer à tous, à l’innocent comme au coupable. Quand
on dit qu’un arrêté sera motivé, il faut qu’il soit motivé sur un fait, sur les
circonstances de ce fait, sur son caractère, sur les circonstances aggravantes,
en un mot sur les circonstances caractéristiques du fait.
Ainsi, non seulement vous n’avez
pas la sécurité qu’on dit vouloir vous donner, mais le texte même de la loi
repousse toute supposition à cet égard ; en effet vous voyez qu’il s’agit de
faits graves non prévus par les lois, de nature à compromettre l’honneur de la
profession des armes : faits vagues, insaisissables. Au surplus, veuillez-le
remarquer, la loi ne dit même pas que le ministre devra suivre l’avis de la
commission d’enquête ; le ministère ne veut pas être lié par son avis.
Le ministre des finances ne m’a
donc pas répondu plus que ses collègues.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
L’honorable préopinant nous a reproché de manquer de modération, de nous fâcher
très fort, ce sont ses expressions.
Je crois, messieurs, qu’il est
peu d’exemples d’une modération comme celle dont les ministres ont fait preuve
dans toute la discussion des lois militaires. Ne nous a-t-on pas accusés de
toutes les façons ? Le respectable général Evain en particulier n’a-t-il pas
été attaqué de la manière la plus scandaleuse, quand on lui a imputé un
assassinat juridique ? Cependant il a gardé le silence. Mais puisqu’on veut
pousser les choses à bout, il est de son intérêt de ne pas le garder plus
longtemps, et je l’engage à le rompre. Je l’invite en quelque sorte à donner
des explications sur sa participation à un acte qu’on a qualifié de barbare, de
lâche assassinat et de je ne sais quel autre caractère qu’on lui a encore
donné.
Je le répète, j’invite mon
honorable ami le général Evain à parler, si ce n’est maintenant, dans une
séance prochaine. Et nous verrons à qui appartiendra le scandale et de quel côte est le défaut de modération.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - Je demande la parole.
Je réponds à l’invitation de mon
honorable ami le ministre des finances, et en même temps à l’attaque dont j’ai
été l’objet de la part de M. Gendebien.
J’ai hésité, je vous l’avoue, sur
la question de savoir s’il convenait aux usages parlementaires de repousser,
avec les sentiments qu’elle fait naître, la nouvelle et injuste attaque dont
j’ai été l’objet de la part du même représentant ; mais, en ce moment, je me
trouve dans l’obligation, quoique bien à regret, de faire connaître, pour que
mon silence ne puisse être interprété contre moi, quel est le motif de l’accusation
et de la condamnation de l’homme dont il a fait un si brillant éloge, sans
l’avoir jamais connu, et sans être à même de prouver la moindre de ses
assertions à son égard.
Je prouverai, moi, par des faits,
celles que je vais alléguer, en lui disant d’abord qu’il est odieux d’imputer à
lâcheté la versatilité d’opinion politique qu’il me reproche et que je n’ai
jamais eue, ainsi que je vais le démontrer.
Ainsi que tous les bons Français,
je vis avec une grande satisfaction l’avènement du général Bonaparte au pouvoir
suprême, comme étant le gage de notre délivrance de l’anarchie, et la fin du
règne des misérables factions qui ensanglantaient
Je servis fidèlement l’empereur,
qui m’en a publiquement, et à diverses reprises, témoigné toute sa satisfaction
; j’étais, conformément à ses ordres, à Blois avec la régence, quand, après
l’abdication de Fontainebleau, je reçus l’ordre du nouveau gouvernement de
revenir prendre mes fonctions au ministère de la guerre.
Honoré de la confiance du Roi et
des ministres de la guerre, je continuai à remplir mes fonctions avec zèle et
fidélité.
A l’annonce du débarquement de
l’empereur, le 5 mars 1815, le maréchal Soult, alors ministre, me fit appeler,
et nous concertâmes les mesures à prendre pour défendre le gouvernement à qui
nous devions nos services, quel que fût notre ancien attachement pour Napoléon.
Mais l’empereur était déjà à Grenoble avant que nos ordres y fussent arrivés,
et il fut reconnu par le maréchal et par moi qu’il était impossible d’arrêter
ses progrès et d’empêcher sa prochaine arrivée dans la capitale.
Cette vérité, que nous avouâmes,
fit naître des soupçons de la part de gens qui voyaient partout de la trahison.
Ce fut le 15 mars que le maréchal Soult fut obligé de céder aux préventions qui
s’élevaient contre lui, et qu’il remit au roi son épée et son portefeuille.
Ce fût le même jour que des
ordres furent donnés pour m’arrêter comme ayant été en correspondance avec
l’île d’Elbe, et comme étant d’intelligence avec le général Drouot qui
accompagnait l’empereur à son retour. Le nouveau ministre de la guerre prit sur
lui de suspendre l’ordre de mon arrestation, et il me fut facile de prouver la
fausseté des accusations de trahison dont j’étais l’objet, en montrant ma
correspondance toute d’intimité, et non politique, avec le général Drouot.
Je servis fidèlement le
gouvernement jusqu’au 20 mars, jour de l’arrivée de l’empereur à Paris, et le
ministre duc de Feltre m’ayant donné l’ordre, le 19, de rester à Paris jusqu’à
nouvel ordre de sa part, je fus appelé le 21 mars par l’empereur.
Dans la conversation que j’eus
avec lui, comme dans celle qui suivit son retour de Russie, il m’ordonna de lui
proposer et soumettre les mesures à prendre pour se mettre promptement en état
d’entrer en campagne, afin de repousser les armées alliées qui ne manqueraient
pas d’attaquer
Mes services réclamés pour la
défense de la patrie ne pouvaient être refusés, et je repris le 22 mes
fonctions au ministère de la guerre.
Au retour de Gand, j’eus de
violents reproches à essuyer sur la part que j’avais prise à la réorganisation
de l’armée, et dès le mois d’août je donnai ma démission. Mais le maréchal Gouvion-St-Cyr, alors ministre, voulut me conserver jusqu’à
l’achèvement de la nouvelle réorganisation des troupes, et me conserva en effet
près de lui jusqu’au mois de novembre suivant, époque à laquelle il donna
lui-même sa démission et m’autorisa à renouveler la mienne.
Ce fut au mois de décembre que je
pris le commandement de l’école d’artillerie à Douai, loin de toute affaire et
de toute tourmente politique. J’y restai quinze mois avant d’être de nouveau
rappelé à Paris, pour y reprendre encore mes anciennes fonctions.
Voyez-vous dans cette conduite
autre chose que mon dévouement au pays, mon désir de me consacrer aux services
que l’on reconnaissait que j’étais en état de lui rendre, et ma fidélité au
gouvernement auquel je devais obéir ? Où est donc ma versatilité politique ?
Suis-je cause que le gouvernement ait changé quatre fois en France dans
l’espace de quinze mois ? Mais la confiance que le gouvernement m’accorde à
chaque revirement n’est-elle pas une preuve manifeste de mon dévouement au
pays, de la loyauté de mes services ?
C’est pendant mon séjour à Douai,
au mois de mai 1816, que je fus appelé, en ma qualité de maréchal de camp
employé dans la 16ème division militaire, à faire partie du conseil de guerre
de cette division, chargé de juger le général Chartrand,
détenu à Lille.
Je vous ferai d’abord observer
que c’est d’après les dispositions de la loi qu’on adjoignit au conseil de
guerre trois maréchaux de camp pris dans la division, et les seuls, je crois,
qui s’y trouvaient alors. Ce n’était donc pas une commission extraordinaire,
comme on l’a faussement avancé, mais bien un conseil de guerre ordinaire, et
composé conformément à la loi.
Je vous ferai ensuite remarquer
que tous les membres du conseil (sauf un seul, le comté de Caraman, qui n’avait
pas repris de service) avaient servi loyalement la cause de l’empereur pendant
les cent jours.
Aussi n’était-ce pas pour avoir
servi pendant les cent jours que nous devions juger le général Chartrand, c’était sur une tout autre accusation.
Quelque pénible que me soit le
souvenir de cette affaire, j’entrerai cependant dans quelques détails qui vous
prouveront, j’espère, que le conseil a jugé d’après les lois existantes, et n’a
pu se dispenser d’en faire l’application. Telle avait été d’ailleurs la
jurisprudence suivie par les autres conseils de guerre qui avaient jugé et
condamné les généraux Mouton-Duverney, Gilly, Travo, Debelle et autres, pour
avoir attaqué l’autorité royale le 20 mars, époque de sa chute.
Le général Chartrand
fut arrêté à Toulouse, vers le 10 mars, pour avoir voulu renverser l’autorité
du roi, et il fut conduit à Paris pour y être jugé.
Le 20 mars, il sortit de la
prison où il était détenu en attendant son jugement, et le 23 ou le 24, il
sollicita l’ordre d’aller à son tour arrêter le duc d’Angoulême dans le midi.
Mais déjà ce prince avait réuni
quelques troupes, et le genéral Chartrand
ne prit qu’une partie de ses chevaux et de ses bagages, qu’il était accusé
d’avoir gardé à son profit.
Ce fut
donc sur le chef d’accusation d’avoir pris les armes avant le 20 mars contre le
gouvernement du roi, et non, je le répète, pour avoir servi pendant les cent
jours, que ce général a été jugé.
J’ajouterai que néanmoins sa
grâce était promise, comme au général Debelle et à
d’autres, s’il avait voulu joindre sa demande à celle que nous avions faite.
Quant à l’éloge pompeux qu’on a
fait de lui, j’en appelle aux anciens officiers de la garde impériale. Ils ont
encore gardé le souvenir de faits que je ne veux pas signaler ici, mais que je
dévoilerais si l’on m’y forçait.
Voilà, messieurs, comme des
récits mensongers peuvent égarer l’opinion publique. L’honnête homme, fort de
sa conscience, tout en déplorant ces abus de la presse, doit les mépriser.
Mais, reproduits à la tribune, j’ai dû faire connaître la vérité pour les
repousser, et si je ne la dis pas tout entière, c’est par un sentiment que les
âmes honnêtes sauront apprécier. (Très
bien ! très bien !)
M.
Gendebien. - Je dois au ministre des finances des remerciements pour la
manière dont il a amené cette espèce de comédie préparée d’avance, puisque le
ministre de la guerre avait en poche un discours écrit, et qu’il n’attendait
que l’occasion de produire son apologie par lui-même.
M.
le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Une comédie !
M.
Gendebien. - Je prie M. le ministre de l’intérieur de ne pas
m’interrompre ; je trouve fort inconvenant qu’un ministre donne le signal des
interruptions.
M. Rogier.
- Mais est-ce que cette comédie va durer longtemps ?
M.
Gendebien. - J’ai la parole pour un fait personnel ; on n’a pas le
droit de m’interrompre.
M. Rogier.
- Mais vous avez toujours la parole.
M.
Gendebien. - C’est une compensation pour ceux qui ne parlent jamais ou
trop rarement. (Agitation.)
Je remercie donc M. le ministre
des finances d’avoir fourni à son comparse, le ministre de la guerre,
l’occasion de lire ici son article biographique fait par lui-même. Mais de tout
ce qu’a dit le ministre de la guerre, il n’est pas un mot qui contrarie ce que
j’avais dit ; au contraire, il en dit beaucoup puis que je n’en ai dit
moi-même. J’ai voulu signaler et j’ai signalé les dangers de toute commission
quelconque formée sous l’influence des ministres ou par des hommes qui sont
eux-mêmes sous l’influence des ministres ; j’ai cité divers exemples et entre
autres, un exemple dans lequel M. le baron Evain, ce n’est pas ma faute, jouait
un triste rôle. J’ai lu son nom comme tous les autres ; je ne pouvais m’en
dispenser, puisque le général baron Evain a reconnu lui-même qu’il assistait au
jugement qui condamnait à mort le général Chartrand,
malgré le traité fait en 1815, sons les murs de Paris, avec Wellington,
garantissant l’amnistie à tous les officiers de l’armée. Il vous a présenté sa
justification ; ah ! quelle justification !
Quant à la versatilité des
opinions politiques du général Evain, je n’en avais pas parlé ; mais chacun
pourra en juger d’après son propre article biographique rédigé par ses soins.
Ce n’est pas sa faute, dit-il, si le gouvernement, en France, y a changé quatre
fois en si peu de temps. Touchante naïveté !
Ce n’est pas la mienne, si le
général Evain a changé d’opinions et d’affections politiques, chaque fois qu’il
a vu changer le gouvernement et disparaître ses bienfaiteurs. Je n’avais pas
fait, je le répète, mention de la versatilité du général Evain par excès
d’indulgence. Mais, en admettant que j’en eusse eu la pensée, chacun pourra
juger, si les faits historiques ne la justifient pas parfaitement et
complètement. M. le général baron Evain a pris lui-même la peine de le prouver.
Pour se justifier d’une
condamnation à mort, d’un autodafé réactionnaire, il s’est permis de dire que
le général Chartrand avait été condamné pour d’autres
faits que celui pour lequel il a été fusillé le 22 mai à Lille ! Quelle atroce
insinuation ! J’ai des pièces authentiques, j’ai le jugement qui est consigné
au Moniteur, et l’on ne peut sans
s’inscrire en faux, on ne peut, sans s’exposer à une accusation en calomnie,
alléguer aucune espèce de prétexte quelconque pour justifier une pareille
condamnation. S’il avait existé d’autres faits, on n’eût pas manqué de s’en
prévaloir ; car on en a inventé de bien noirs contre d’honorables officiers. Savez-vous
comment les lois pénales qualifieraient une allégation dans le genre de celle
que présente le général baron de l’empire Evain ! Savez-vous qu’il est certains
faits allégués qui, s’ils ne sont pas prouvés par pièces authentiques, sont
déclarés par les lois calomnieux et exposent leur auteur à la peine du
calomniateur ?
La
mémoire du général Chartrand est placée sous l’égide
d’une pièce authentique, c’est l’arrêt de mort que vous-mêmes avez prononcé ;
sa cendre reposera en paix sous l’égide de tous les hommes de cœur et
d’honneur.
Je ne qualifierai pas les
insinuations lancées contre un homme que vous avez envoyé à la mort ! Moi, j’ai
attaqué face à face un homme qui pouvait me répondre. Je n’attaquerai jamais la
mémoire d’un mort, pas même celle du général Evain ; car je ne l’imiterai pas.
Je respecterai toujours la cendre des morts, même dans l’accomplissement de mes
devoirs constitutionnels ; mais pour les vivants, toutes les fois que mon
devoir me le prescrira, je les flétrirai lorsqu’ils seront méprisables et
dangereux.
Après tout, ai-je dit toute ma
pensée ? (Et je pourrais aussi faire des réticences et des insinuations,
puisqu’on s’en est permis à l’égard d’un brave général qui n’est pas là pour se
défendre, puisqu’on l’a tué.) Non, j’ai rapporté des faits ; seulement je les
ai caractérisés. Je n’ai rien dit de plus et je n’en ai pas dit assez dans
d’autres circonstances ; j’ai été trop facile peut-être à proclamer des
convictions qui se sont bien modifiées depuis.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsqu’il y a deux jours on avait
présenté contre le général Evain les accusations excessivement graves
auxquelles il vient de répliquer, elles avaient fait sur moi, je l’avoue, une
impression extrêmement pénible. Je demandai immédiatement au général s’il avait
quelque souvenir de cette affaire, s’il pourrait répondre à l’attaque dont il
était l’objet. Il me dit à l’instant : Je me rappelle très bien les choses,
mais je ne veux pas remuer une malheureuse affaire dont je pourrais cependant
me justifier complètement ; il me répugne d’attaquer pour cela un homme qui
n’existe plus.
Je lui ai fait remarquer que
l’accusation était tellement grave qu’il n’était pas possible de la passer sous
silence ; je l’engage à y penser et à jeter sur le papier ses explications pour
ne rien omettre de ce qu’il pouvait dire dans une pareille circonstance.
Aujourd’hui, au commencement de
la séance, le général Evain me dit : Voilà ce que j’aurais pu répondre ; et
cependant je garderai encore le silence, à moins que de nouvelles injures,
semblables aux premières, ne me soient adressées.
Vous voyez avec quelle
modération, cet honorable général s’est conduit. Il pouvait se justifier, et il
ne le faisait pas, afin de ne pas renouveler dans cette enceinte les scènes
désagréables qui s’y sont passées à plusieurs reprises depuis quelques jours ;
il n’a parlé, comme vous venez de le voir, que parce que je l’ai en quelque
sorte forcé à repousser d’injustes agressions.
Maintenant
examinons ce qu’avait avancé M. Gendebien, en attaquant l’honorable général
Evain. Celui-ci avait fait partie d’une commission militaire expressément
composée pour condamner un général français ; eh bien, mon collègue n’a point
fait partie d’une commission, mais bien d’un conseil de guerre dont la
formation était réglée par la loi.
Ce n’est donc point par suite
d’un choix arbitraire que le baron Evain a fait partie de ce conseil de guerre
qui était, notez-le bien, formé de généraux de l’empire ; il ne dépendait ni de
lui, ni de la haute administration militaire, qu’il n’en fît pas partie ; c’est
la loi qui l’a appelé, parce qu’il était dans la division militaire où le
conseil a été formé.
M. Gendebien avait prétendu
ensuite que la vie de l’officier condamné par le conseil de guerre était
garantie par le traité de Paris, dont je dirai, en passant, que ce conseil de
guerre n’avait toutefois pas à connaître ; c’est encore une erreur, car les
faits pour lesquels le général Chartrand
comparaissait devant le conseil de guerre, s’étaient passés avant le 20 mars
1815, époque véritable de la chute des Bourbons.
Quant à
ces faits imputés au général Chartrand et sur
lesquels le baron Evain n’a pas voulu s’expliquer, je ne les connais pas ; mais
j’approuve sa réserve. Je crois que le respect que doit aux cendres des morts,
fait un devoir de ne les pas divulguer sans de graves motifs.
Voilà, messieurs, la comédie que,
selon les expressions de M. Gendebien, nous venons de jouer devant vous. Cette
comédie qui a pour objet de faire connaître la vérité, de faire cesser
d’injustes agressions, vaut bien cet échafaudage d’accusations qui s’écroule
dès qu’on y touche.
M.
le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, messieurs, j’ai donné
des marques d’improbation quand j’ai entendu qualifier de comédie la conduite
pleine de modération qu’a tenue le général Evain et les paroles pleines de
dignité et de vérité qu’il a prononcées. Et en donnant des marques d’improbation,
j’ai donné cours aux sentiments d’indignation qui, dans, cette enceinte,
étaient sans doute partagées partout (Adhésion
générale.)
De toutes parts. - La
clôture ! la clôture !
M.
Gendebien. - Je demande la parole pour un fait personnel.
De toutes parts. - La
clôture ! assez ! assez !
M.
Gendebien. - Je suis dans mon droit ;je parlerai ; je défie que l’on
cite un article du règlement qui m’empêche de parler sur un fait personnel,
alors surtout que c’est à un ministre que je demande à répondre. Je ne serai
pas long. Je ne ferai qu’une seule observation. Je ne conçois pas comment on
ose répéter sans cesse que j’ai indignement accusé, que mes accusations sont
fausses, alors que j’ai produit un acte authentique, extrait du Moniteur universel ; au reste, je m’en
rapporte, pour prouver l’exactitude de ce que j’ai dit, à l’article
apologétique du ministre baron Evain lui-même : il a confirmé tout ce que j’ai
dit ; il en a dit beaucoup plus que je n’en avais dit moi-même ; il a prononcé
lui-même sa propre condamnation.
Je n’en dirai pas davantage ; les
fureurs des ministres ne sont pas des raisons ; le Moniteur en fera raison, et moi je dédaigne.
- La chambre ferme la discussion.
L’article 10 mis aux voix est
adopté.
Article
11
« Art. 11. Les dispositions de la
présente loi seront applicables aux officiers de l’intendance militaire et à
ceux du service de santé. »
- Cet article est adopté sans
discussion.
Article
12
M. le
président. - « Art. 12 (présenté par le gouvernement.) Il n’est
pas dérogé par la présente loi aux dispositions des lois militaires et civiles
relatives à la perte des grades militaires. »
« Art. 12 (présenté par la
commission). Il n’est pas dérogé par la présente loi aux autres dispositions
législatives concernant la perte des grades militaires.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois faire observer que par ces
codes militaires la perte du grade peut avoir lieu d’après l’application de
leurs dispositions ; mais comme la commission fait une restriction relativement
aux dispositions législatives, je demanderai si le code militaire est considéré
comme une disposition législative ; si l’on me répond affirmativement, je n’ai
pas d’objection à faire.
M. Raikem.
- L’art. 12 présenté par la commission contient, sauf rédaction, les mêmes
dispositions que l’article présenté par le ministère. Il suffit de lire ces
deux articles pour en être convaincu.
D’ailleurs, messieurs, on sait
qu’une loi ne déroge à une loi antérieure que lorsqu’elle s’en explique
formellement, ou lorsque ses dispositions lui sont contraires ; or, la loi
actuelle n’est pas en contradiction avec la législation précédente.
Quant à la question soulevée par
le ministre de la guerre, de savoir si le code militaire aura toujours force de
loi, s’il y a doute à cet égard, ce doute ne peut être levé ni par la rédaction
de son article, ni par la rédaction de l’article de la section centrale.
Du reste, je pense que le doute
n’est pas fondé, que le code militaire continuera d’avoir là même force
obligatoire qu’il avait avant la loi en discussion, mais c’est là mon opinion
personnelle.
- L’article 12, présenté par la
section centrale, est mis aux voix et adopté.
Article
additionnel
M. le
président. - Voici un amendement proposé par M. Dumortier :
« L’officier révoqué
conservera ses droits à la retraite. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cette
disposition ne peut trouver place ici, mais bien dans la loi relative aux
pensions militaires, dont la chambre est saisie depuis longtemps. En ne
s’occupant pas actuellement de la proposition faite par M Dumortier cela ne
préjugera rien. Je crois d’ailleurs pouvoir déclarer au nom du gouvernement
qu’il n’a pas de raison de s’opposer au principe de la proposition de M.
Dumortier, car aujourd’hui déjà la pension donnée à un officier est
irrévocable, et lors même qu’il est condamné criminellement, il n’est pas déchu
de ses droits, à la pension ; seulement le paiement en est suspendu.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Le projet de loi sur les pensions
militaires, présenté par le ministre de la guerre, contient des dispositions
relatives à la question que soulève la proposition faite par M. Dumortier.
La chambre aura donc à prononcer
sur les causes qui doivent faire perdre les droits à la pension. L’article 31
du projet sur les pensions détermine les conditions requises pour avoir droit à
la pension, et l’art 33 indique les causes pour lesquelles le droit est perdu
ou simplement suspendu.
Je crois donc que la chambre peut
ajourner la disposition présentée par. M. Dumortier sans rien préjuger.
M.
Gendebien. - Il me semble qu’il pourrait y avoir doute dans
l’application de la loi ; ne pourrait-on pas dire à un officier privé de son grade
: Vous avez perdu votre titre ; donc vous avez perdu toute les prérogatives qui
s’y rattachaient, aussi bien les droits à la pension qui s’y rattachaient que
toutes les autres prérogatives ? Cela ne me paraît sans doute pas fondé, mais
il est bon de se mettre en garde contre les abus du pouvoir : si l’on veut ne
rien préjuger sur cette question, je demande que la déclaration en soit faite
au procès-verbal.
- Cette demande est adoptée.
L’amendement de M. Dumortier mis
aux voix n’est pas admis.
Tableaux de la composition des conseils d’enquête,
d’après le grade de l’officier inculpé
« Sous-lieutenant : 1
lieutenant-colonel, président ; 1 major, 1 capitaine, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants.
« Lieutenant : 1 colonel,
président ; 1 lieutenant-colonel, 1 major, 2 capitaines, 2 lieutenants.
« Capitaine : 1 colonel,
président ; 1 lieutenant-colonel, 2 majors, 3 capitaines.
« Major : 1 général de
brigade, président ; 1 colonel, 2 lieutenants-colonels, 3 majors.
« Lieutenant-colonel : 1
général de division, président ; 1 général de brigade, 2 colonels, 3
lieutenants-colonels.
« Colonel : 2 généraux de
division, le plus ancien président ; 2 généraux de brigade, 3 colonels.
« Général de brigade : 4
généraux de division, le plus ancien président ; 3 généraux de brigade.
« Général de division : 7
généraux de division, le plus ancien président. »
- Ce tableau mis aux voix est
adopté.
M.
Gendebien. - Messieurs, il me semble que la loi est incomplète : la loi
française de
« Art. 7. Ne pourront être
membres des conseils d’honneur, le commandant du corps auquel appartiendra
l’officier inculpé, les officiers de l’escadron. ou de la compagnie dont il
fera partie, ses parents ou alliés à l’un des degrés prohibés par la
loi. »
« Art. 9. L’inculpé aura la faculté
de récuser deux membres du conseil, sans toutefois, pouvoir motiver sa
récusation. »
Voila, messieurs, une garantie
que nous devons donner aux officiers inculpés ; cette garantie a été jugée
nécessaire en France, et, en l’accordant, nous ne ferons qu’appliquer un
principe qui n’a jamais été contesté. Je demande donc que les articles 7 et 9
de la loi française de 1832 soient insérés dans la loi que nous votons.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Cette proposition, messieurs,
mérite d’être examinée, je proposerai donc à l’honorable membre qui l’a
présentée, de consentir à ce qu’elle soit imprimée et discutée au second vote.
M.
Gendebien. - Alors, pour la régularité, je demande qu’on l’adopte
provisoirement, sauf à l’examiner d’ici au second vote et à la discuter alors,
si quelqu’un croit devoir s’y opposer ; cela ne préjugera rien ; si on préfère
discuter demain, je n’y vois pas d’obstacle.
M. le
président. - On pourrait mettre la proposition à l’ordre du jour de
demain.
- La chambre consultée décide que
la proposition sera imprimée et discutée dans la séance de demain.
Second vote des
articles
M. le
président. - La chambre veut-elle passer au second vote de la loi sur
l’avancement dans l’armée ?
Plusieurs membres. - Ce
n’est pas possible, cela n’est pas à l’ordre du jour.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - J’aurai l’honneur de faire observer
à la chambre que par une décision qu’elle a prise à la fin de la discussion de
la loi sur l’avancement il a été convenu qu’on passerait à la discussion de la
loi sur la position des officiers, qu’on s’occuperait ensuite de celle sur la
perte des grades, et que quand les trois lois seront votées, on reviendrait au
second vote, en suivant le même ordre que pour la première discussion ; c’est
donc à tort, ce me semble, qu’on fait observer que l’objet n’est pas à l’ordre
du jour
Quoi qu’il en soit, si la chambre
croit devoir remettre à demain le second vote sur la loi sur l’avancement, je
proposerai alors à l’assemblée de passer à la discussion du projet de loi
autorisant des transferts au budget de la guerre.
M.
Gendebien. - Il me semble qu’avant de passer au second vote de la loi
sur l’avancement, il serait convenable que les amendements introduits dans les
trois lois relatives à l’armée fussent imprimées et distribuées aux membres de
la chambre ; puisque ces trois lois forment un ensemble, il est nécessaire
qu’avant d’en voter définitivement une, on puisse les examiner toutes,
M. le
président. - On fera imprimer et distribuer les amendements pour demain.
- La chambre décide qu’elle va
s’occuper de la discussion du projet de loi autorisant des transferts au budget
de la guerre.
Discussion généralee
M. le président. - M. le ministre de la guerre a
présenté successivement deux projets de loi autorisant des transferts au budget
de son département ; la commission les a réunis en un seul projet de loi. M. le
ministre se rallie-t-il à la proposition de la commission ?
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - Je consens à réunir les deux
projets en un seul, mais je ne puis me rallier à la réduction de 50,000 francs,
proposée par la commission ; quand nous en serons à la discussion de l’article
sur lequel porte cette réduction, je prierai la chambre de vouloir écouter à
cet égard quelques observations.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - On peut prendre pour base de la
discussion le projet de la commission ; M le ministre de la guerre
représentera, sous forme d’amendement, une majoration de 50,000 francs, en
donnant les explications nécessaires pour l’appuyer.
M.
Verdussen. - Messieurs, j’ai remarqué que dans l’un et l’autre des deux
projets qui nous ont été présentés par M. le ministre de la guerre, sous la
date du 21 janvier et du 9 mai, sont comprises des sommes destinées à être
avancées à différentes villes pour construction de casernes et d’écuries ;
c’est ainsi, messieurs, que nous trouvons à la page 4 de l’exposé de motifs du
projet présenté, dans la séance du 21 janvier, qu’une somme de 412 mille francs
doit être employée en avances à faire à plusieurs villes dont la nomenclature
ne nous est pas donnée, et que, dans l’exposé des motifs du projet qui nous a
été soumis le 9 mai, nous voyons à la page 5 que la régence de Tournay
recevrait une avance de 107 mille francs, la ville de Mons 60 mille francs,
Namur 67 mille francs, et, enfin, la ville de Louvain, qui a déjà établi un
casernement pour 900 chevaux, 46 mille fr. ; ces quatre sommes réunies forment
un total de 280 mille fr., ce qui, ajouté aux 412 mille fr. dont il est parlé
dans le premier projet, et qui doivent servir, à faire des avances à des villes
qui ne sont pas désignées, fait une somme de 692,000 francs, Il est dit,
messieurs, dans l’exposé des motifs accompagnant le second projet présenté le 9
mai, que ces sommes doivent être successivement remboursées à l’Etat, par le
non-paiement de l’indemnité du casernement des chevaux, jusqu’au parfait
remboursement. C’est contre cette disposition que je m’élève ; je pense que ce
n’est pas une marche régulière de comptabilité de faire rentrer des sommes au
trésor par le non-paiement de ce qui est dû ; nous devons considérer les sommes
qui figurent au budget comme de véritables dépenses.
Les
deux projets qui nous sont présentés, et qui n’ont formeront qu’un, tendent
donc à faire admettre deux nouveaux chapitres au budget de la guerre, car si
les sommes y portées doivent être envisagées comme de véritables dépenses, le
recouvrement de ces sommes doit nécessairement être regardé comme un revenu,
comme une véritable ressource de l’Etat. Je pense donc, messieurs, que ce n’est
pas par le non-remboursement des prix de casernement qu’il faudrait faire
rentrer dans les caisses de l’Etat les avances dont il s’agit, ou du moins
qu’il faudrait les laisser figurer aux budget des dépenses, et porter aux
budgets des voies et moyens, pour les exercices de 1837 et suivants, les sommes
que l’on présumera devoir rentrer de ce chef.
Je suis porté à vous faire cette
proposition, et j’engage M. le ministre de la guerre à marcher de cette façon
pour rendre la comptabilité plus exacte et plus simple.
Il importe beaucoup, ce me
semble, à la législature de faire figurer dans chaque budget toutes les
dépenses qui incombent à un certain exercice et à un certain chapitre de chaque
exercice, ce qui n’arrivera pas si on réduit les dépenses en raison des
produits présumés des non-paiements.
Les observations que je viens de
faire sont tout à fait générales et ne doivent pas influer sur la rédaction du
projet de loi. Mais j’ai cru devoir faire telle observation, parce que déjà,
dans une occasion précédente, une marche, contraire aux principes que je viens
de développer, a été suivie pour la vente des objets de rebut du ministère de
la guerre. Alors on a réclamé avec justice, à mon avis, pour que toutes les
dépenses et toutes les recettes figurassent dans les comptes.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Je trouve très judicieuse, et tout
à fait dans l’ordre régulier de la comptabilité les observations de l’honorable
préopinant.
Il résulte des dépenses faites ou
proposées à faire que nous aurons avancé à 14 régences une somme de 472 000 fr.
et une somme de 280 000 fr. à avancer en 1836 (total, 752 000 fr.), sous
la condition expresse qu’elles rembourseront le montant des avances, et que
l’annuité à percevoir sera réglée d’après le nombre des chevaux qu’elles auront
dans leurs quartier.
Jusqu’à présent le gouvernement
n’avait pas fixé quel serait le mode de remboursement.
Mais je trouve qu’il sera
convenable d’assigner, par arrêté spécial le montant que les régences auront à
verser annuellement au trésor, et par une conséquence juste, il faut que ces
fonds de recettes extraordinaires figurent au budget des voies et moyens.
En conséquence de ces
observations, je crois qu’il est nécessaire que je me concerte avec M. le
ministre des finances pour prescrire un mode de comptabilité qui assure la
rentrée, et pour que les sommes figurent au budget des voies et moyens.
- La discussion générale est
close.
Discussion des
articles
M. le
président. - la chambre passe à la discussion des articles.
Article premier
« Art. 1er. Les sommes
indiquées ci-après, et qui sont restées disponibles au budget des dépenses de
la guerre pour l’exercice de 1835, savoir
« Chapitre II.
« Section II.
« Art. 2. Solde de
l’infanterie : fr. 190,000
« Art. 3. Solde de cavalerie
: fr. 130,000
« Art. 7. Solde de partisans
: fr. 10,000.
« Section III.
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 150,000
« Art. 6. Casernement des hommes : fr. 130,000
« Art. 7. Casernement des chevaux : fr.
60,000.
« Total : fr. 670,000
« Sont transférées au budget susmentionné,
ainsi qu’il suit :
« Au chapitre II, section 2, art. 9, frais de
route : fr. 10,000
« Au chapitre II, section 3, art. 16,
cantonnements : fr. 660,000
« Total : fr. 670,000. »
- Cet article est adopté.
Article 2
« Art 2. Une somme de sept cent mille fr. des
fonds disponibles au budget de la guerre, pour l’exercice susmentionné, est
annulée et sera déduite des chapitres et articles ci-après désignés, savoir :
« Chapitre II :
« Section Ier :
« Article 1er : fr. 7,000
« Article 2 : fr. 15,000
« Article 3 : fr. 4,000
« Article 4 : fr. 30,000
« Section II :
« Article 1er : fr. 60,000
« Article 2 : fr. 30,000
« Article 3 : fr. 120,000
« Article 6 : fr. 8,000
« Article 7 : fr. 20,000
« Article 8 : fr. 70,000
« Section III :
« Article 1er : fr. 70,000
« Article 2 : fr. 230,000
« Article 13 : fr. 40,000
« Article 15 : fr. 25,000
« Total : fr. 700,000. »
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Ce sont ces 700,000
fr. dont je propose l’annulation sur les restants disponibles sur les divers
articles qui sont indiqués ici et sur le budget de 1835. J’avais demande une
somme de 50,000 fr de plus à la commission de transferts. Mon rapport vous a
fait connaître quelles sont les dépenses auxquelles cette somme devait
s’appliquer. Ce sont les frais d’acquisition d’une partie des terrains sur
lesquels est assis le camp de Beverloo.
La commission a cru devoir ajourner cette dépense.
Mais, après les nouvelles observations que je lui ai faites, elle a pensé, tout
en ajournant le transfert de ces 50,000 francs, qu’il convenait que le
gouvernement s’occupât de cet objet ; cet objet est, comme je viens de le dire,
l’acquisition des terrains du camp de Beverloo.
Je pense qu’il est dans l’intérêt de l’Etat
d’acheter ces terrains. Je propose d’ajouter à cet effet une somme de 50,000
fr. au crédit demandé, ce qui le porterait à 750,000 fr., et ces 50,000 fr.
seraient ajoutés en déduction de l’art. 2 de la section 2 du deuxième chapitre
du budget.
M.
de Puydt, rapporteur. - La commission a été d’avis de supprimer
l’allocation de 50 mille francs pour l’acquisition des terrains où est le camp de
Beverloo, et cela par plusieurs motifs. D’abord elle n’a pas pensé que cette
dépense fût urgente, puisque chaque année on met en doute si ce camp sera
permanent, puisque chaque année on espère que les circonstances permettront de
le supprimer. En second lieu, dans l’état actuel, la plus grande partie des
communes cède les terrains pour l’établissement du camp, dans le Voisinage
duquel elles trouvent des avantages suffisants. Rien ne prouve que le
gouvernement ait à craindre une grande augmentation dans la valeur de ces
terrains, pour le cas où il aurait plus tard à en faire l’acquisition.
D’un autre côté la surface des terrains à acquérir,
le prix de ces terrains sont choses indéterminées. Dans cette position la
commission a craint qu’allouer 50,000 fr, ce ne fût donner les mains à la
conclusion d’un marché onéreux. Voilà les motifs qui ont porté la commission à
proposer l’ajournement du crédit demandé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois que l’allocation de 50,000 fr. est extrêmement utile. Sans l’avance
de cette somme le ministre de la guerre ne peut aller en avant pour
l’acquisition des terrains du camp de Beverloo. Il est possible que des
communes ne veuillent pas vendre et qu’il y ait nécessité de recourir à
l’expropriation forcée. Or, il vaut mieux faire l’acquisition dans l’état
actuel que d’attendre que la valeur de ces terrains subisse une augmentation
considérable ; ce qui en rendrait l’acquisition très onéreuse. Je crois que le
moment est très favorable, et qu’il ne faut pas perdre l’occasion.
Dans tous les cas, si l’on renonçait â établir le
camp à Beverloo, les terrains que l’on aurait acquis vaudraient au-delà de
40,000 fr. ; cela est évident.
M. Pollénus. -
J’appuie les observations de M. le ministre de l’intérieur.
L’acquisition de terrains pour l’établissement du
camp de Beverloo sera considérée, comme un véritable bienfait par les habitants
de ces contrées, parce qu’elle donne à ce camp un caractère de permanence. Je
pense avec M. le ministre de l’intérieur qu’il importe de faire ces
acquisitions sans retard ; car des terrains que l’on pourrait obtenir
maintenant à bas pris augmenteront beaucoup de valeur, de jour en jour.
J’appellerai l’attention de la chambre sur un
projet présenté par le gouvernement et qui a pour objet de faire faire des
irrigations dans ces contrées. Si le gouvernement consacre 50,000 fr. à
acquérir des terrains, il est hors de doute pour ceux qui connaissent la valeur
des propriétés que l’emploi de cette somme sera avantageux au gouvernement. Je
suis persuadé que ce capital ne tardera pas à être doublé.
J’insiste donc pour l’adoption de la proposition de
M. le ministre de la guerre, appuyée par son collègue de l’intérieur.
M. de Jaegher.
- La section centrale, en proposant l’ajournement du crédit de 50,000 fr., n’a
entendu aucunement contester l’utilité de l’acquisition des terrains pour
l’établissement du camp de Beverloo. Elle a seulement regretté que le
gouvernement n’ait pas acquis ces terrains, sauf rectification des chambres. Ce
n’est donc pas pour contester l’utilité de la chose, mais seulement dans
l’intérêt du trésor que la section centrale propose l’ajournement. Et en cela
je crois que la section centrale a raison.
M.
Pollénus. - Il me semble qu’il est facile de répondre à l’observation
de l’honorable préopinant. Le gouvernement aurait dû selon lui présenter un contrat,
sauf à en demander la ratification. M le ministre a déjà dit que d’après les
renseignements venus au gouvernement, il est probable qu’il faudrait avoir
recours aux expropriations forcées. Il était donc impossible de faire un
contrat avant de connaître les intentions de la chambre.
Si mes informations sont exactes, la plupart des
communes vendraient leurs propriétés à un prix raisonnable. Il n’y a de
difficulté que pour quelques parcelles. J’espère que le gouvernement procédera
avec prudence dans ces acquisitions, et qu’il ne donnera pas pour l’achat de
ces bruyères un prix trop élevé. Il pourra prendre pour guide le prix moyen de
la valeur de ces terrains dans le pays.
M. de Jaegher.
- Je propose l’ajournement du chiffre de 50,000 fr. S’il n’y a pas d’opposition
de la part des communes, le gouvernement pourrait contracter à des prix
raisonnables. Il faut toujours éviter les expropriations. Elles sont onéreuses,
j’en ai fait l’expérience. Les tribunaux accordent toujours au-delà de la
valeur de la propriété expropriée. Ils comprennent dans le prix d’achat
l’indemnité du dommage causé au propriétaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Si mes souvenirs ne me trompent pas, la plupart des communes offrent de céder
leurs terrains à des prix modérés ; mais il en est qui mettent en avant des
préventions trop élevées. Le gouvernement se verra probablement obligé de
recourir à des expropriations forcées. C’est pour ces motifs qu’un contrat n’a
pu être dressé.
M. de Jaegher.
- Alors, je ne conçois pas pourquoi M. le ministre de la guerre ne nous a pas
donné des renseignements à la section centrale. Ils auraient évité la
discussion qui vient de s’élever.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - La section centrale m’a en
effet déclaré qu’elle ne réduisait le chiffre de 50,000 francs de l’article que
pour offrir au gouvernement les moyens d’acquérir à meilleur marché. Mais je lui
ai fait connaître mon intention de demander à l’assemblée le maintien de cette
allocation. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 120,000 francs proposé par le
gouvernement est mis aux voix et adopté.
En conséquence, la réduction proposée par la section
centrale n’est pas admise.
Article 3
« Art.
3. Il est ouvert un crédit supplémentaire de la somme de sept cent cinquante
mille francs, pour les dépenses des camps et cantonnements, à l’art. 13, sect.
3 du chap. Il du budget de la guerre pour l’exercice 1836. »
- Adopté.
Article 4
« Art.
4. La somme de cinq cent cinquante-cinq mille cent trois francs quarante-huit
centimes des fonds alloués au budget de la guerre, chap. II, sect. 2 et 3, pour
l’exercice 1836, sur les chapitres et articles désignés ci-après, est
transférée au chap. Il, section 3, art. 13 du même budget, savoir :
« Art. 1er : fr. 265,572 72 c.
« Art. 2 : fr. 40,590
48 c.
« Art. 3 : fr. 21,672
00 c.
« Art. 4 : fr. 8,347
50 c.
« Art. 1 : fr.
208,113 10 c.
« Art. 6 : fr. 10,807
68 c.
« Total : fr. 555,103
fr. 48. »
- Adopté.
Second vote des articles et
vote sur l’ensemble du projet
La chambre décide qu’il y a lieu de procéder
immédiatement au second vote de la loi
Les articles en sont successivement mis aux voix et
adoptés,
Le vote par appel nominal a lieu sur l’ensemble de
la loi.
59 membres sont présents.
45 adoptent.
4 s’abstiennent de voter.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera
transmis au sénat.
M. le président. -
Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à
énoncer les motifs de leur abstention.
M. de Jaegher.
- Je n’ai pas voté contre la loi parce qu’elle me paraissait indispensable,
mais d’un autre côté je ne pouvais pas voter l’allocation d’une somme qui doit
servir à l’acquisition d’une propriété dont on ne nous a indiqué, ni l’étendue,
ni la valeur, ni le prix. Par ces motifs je me suis abstenu.
M. Eloy de
Burdinne. - Je me suis abstenu par le même motif que le préopinant.
M. Gendebien. -
Je me suis abstenu par les motifs énoncés par M. de Jaegher.
M. Raikem. - Je
n’ai pas voulu voter contre le projet par le motif exprimé par M. de Jaegher ;
et je n’ai pas cru devoir voter pour le projet, à défaut de renseignements sur
l’application de la somme de 50,000 francs, et parce que je crains, d’après les
explications données aujourd’hui et qui n’ont pas satisfait les membres de la section
centrale, que, si on recourt à la loi d’expropriation, il n’en résulte des
dépenses plus considérables que celles qu’on prévoit. Dans cette position il
m’était impossible de voter.
PROJET DE LOI
PORTANT UN TRANSFERT DE CREDIT AU SEIN DU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Personne ne demandant la parole dans la discussion
générale, on passe immédiatement à la discussion de l’article unique qui est
ainsi conçu :
« Une somme de quarante mille francs sera
transférée au chap. VIII du budget du ministère de la justice pour 1835, à
l’effet d’acquitter les dépenses mentionnées aux art. 1 et 6 dudit chapitre.
« Cette somme sera distraite, savoir :
« 1° 19,000 francs du chap. Il, art. 3 ; 2°
9000 francs du même chapitre, art. 6 ; 3° 4,000 francs du même chapitre, art. 6
; 4° 6,000 francs du chap. III, art. 3 ; et 5° 2,000 fr. du chap. VIII, art.
1er.
On procède à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté â l’unanimité des 57
membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
M. le président. -
Demain séance publique à midi. Ordre du jour : discussion des articles
additionnels proposés par M. Gendebien au projet sur la perte des grades, vote
définitif des lois sur l’avancement dans l’armée et la position dés officiers ;
discussion de la loi sur le transit.
M. Gendebien. -
Et la loi sur la perte des grades, on doit la réunir à celle relative à la
position des officiers.
M. le président. -
La chambre réglera cela demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.