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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 21 mai 1836
Sommaire
1) Pièce adressée à la chambre
2) Projet de loi relatif à la position des officiers dans l’armée.
Position de disponibilité (Evain, Gendebien,
Evain, Gendebien, d’Huart, Desmaisières, d’Huart, Gendebien, Evain, d’Huart, de
Puydt, Gendebien), position de non-activité (Evain, Desmaisières, d’Huart, Pollénus, d’Huart, Liedts, Evain,
Desmaisières, Pollénus, Evain, Gendebien, Liedts, F. de Mérode), traitement
de réforme (Evain, de Jaegher, Evain, de Brouckere, Ernst, de Jaegher, F. de Mérode, de Jaegher, F. de Mérode, Ernst, Rogier, de Jaegher, de Brouckere, Ernst, Gendebien, de Muelenaere, de Jaegher, Ernst, Gendebien, Evain, Ernst,
de Brouckere, Ernst, Gendebien, Gendebien), justice
militaire (Gendebien, Evain, Gendebien, F. de Mérode, Gendebien, F. de Mérode, de Muelenaere, Rogier, Gendebien), fusion des lois militaires (Liedts, Evain)
(Moniteur
belge n°143, du 22 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon,
vice-président.)
M. Dechamps
procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps fait
connaître l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.
PIECE ADRESSEE A
« Le sieur Lemeret
rappelle la requête qu’il a présenté à la chambre le 10 août 1835, et demande
qu’il y soit statué. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion des articles
Article 6 (devenu article
5)
M. le président. - Nous
en sommes restés à l’article
« « La disponibilité est la position
spéciale de l’officier-général ou d’état-major, appartenant aux cadres de
l’armée et qui est momentanément sans emploi. »
« L’officier en disponibilité jouit d’un
traitement égal aux deux tiers de la solde d’activité de son grade.
« Quelle que soit, etc. »
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, l’objet de l’amendement présenté par M. Gendebien
est de supprimer, dans la rédaction du premier projet proposé par le
gouvernement et par la section centrale, les mots « officier
supérieur » ; et par conséquent, de circonscrire dans les limites du
général de division et du général de brigade le droit à être mis en
disponibilité.
Notre rédaction, qui est commune avec celle de la
section centrale, porte : « officier supérieur ». Je vais avoir
l’honneur de vous exposer les motifs qui m’ont engagé à appliquer la même
disposition aux officiers supérieurs de toutes armes.
La position de disponibilité, en tant qu’elle
concerne les officiers généraux, n’a été l’objet d’aucune observation. La
nécessité en a été reconnue partout, et elle est inhérente au genre varié de
services auxquels ils peuvent être en tout temps appelés.
On peut en dire autant des officiers du corps
d’état-major ; bien qu’exposés à voir cesser d’un moment à l’autre les
fonctions ou les services spéciaux auxquels ils sont destinés par la nature
même de leurs emplois, ils doivent toujours se trouver à la disposition du
gouvernement, et de manière à pouvoir être instantanément employés. Oter au
gouvernement la faculté de les garder en disponibilité, ce serait donc le
forcer à les maintenir constamment en activité pour ne pas courir le risque d’être
privés de leurs services, au moment où le besoin s’en ferait sentir.
Si je propose dans le projet de loi d’étendre cette
mesure aux officiers supérieurs des autres armes, c’est qu’il est à prévoir, vu
le peu d’extension donné dans notre armée au cadre des officiers-généraux et de
l’état-major, que plusieurs officiers supérieurs des armes de l’infanterie et
de la cavalerie devront continuellement être appelés à des commandement en
dehors de leurs attributions ordinaires et à des services spéciaux que ne
comporte pas la nature de leur armes.
Ces commandements et services spéciaux n’étant
jamais que temporaires et souvent de courte durée, il a fallu aviser aux moyens
de donner à ces officiers, après leur expiration, une position d’attente qui ne
leur fût pas trop préjudiciable, et qui permît de les remplacer immédiatement
lorsqu’un emploi se trouverait vacant et qu’ils fussent propres le remplir.
Une autre considération pourrait être ajoutée à
celle-ci.
Une réduction plus ou moins forte à la paix
deviendra une suite nécessaire de cet état de choses ; mais il est à désirer,
il est même de rigoureuse justice qu’elle se fasse sans secousse et sans
préjudice notable pour ceux qui s’étaient voués à la défense de la patrie dans
les moments de danger. Deux pays en Europe ont, dans des circonstances à peu
près analogues, donné à leur état militaire la même extension forcée :
Eu Hollande, la position de disponibilité avec deux
tiers de solde existe, et y a été même étendue à tous les grades et à toutes
les armes. Je demande surtout que cette mesure soit conservée pour les
officiers supérieurs. La réduction à opérer à la paix ne pourra pas être
individuelle, elle devra porter sur des portions de corps.
Les officiers qui se
trouveront les commander ne pourront pas, à l’instant même, être pourvus
d’autres commandements, qu’on pourra vouloir leur donner peu de temps après,
lorsque des mutations seront reconnues nécessaires. Il faut donc qu’ils restent
un laps de temps moral à la disposition du gouvernement. Cette disposition
existait du reste dans l’ancienne armée, et on a cru bon de conserver les
anciens errements, consacrés par un long usage, lorsque, loin d’offrir des
inconvénients, ils ne présentent qu’un moyen de récompenser de bons services.
C’est au surplus une mesure peu coûteuse, qui ne
sera applicable qu’à très peu d’individus, et qui sera toujours de course
durée.
Telles sont, messieurs, les considérations qui
doivent vous engager à maintenir le texte de l’article, tel qu’il a été proposé
par le gouvernement et la section centrale.
M.
Gendebien. - Messieurs, c’est précisément pour faire sentir l’injustice
de la proposition du gouvernement et de la section centrale que j’ai présenté
mon amendement.
On ne voulait plus de disponibilité, les
discussions de plusieurs budgets en ont constaté l’abus ; mais on a reconnu la
nécessité (et je l’ai reconnue aussi) de maintenir la disponibilité pour les
officiers généraux et les officiers d’état-major, parce qu’ils peuvent en temps
de paix n’avoir aucun service à faire quoique capables d’en rendre encore ; mais
pourquoi accorder les deux tiers de solde aux officiers supérieurs de toutes
les armes, tandis que vous n’accordez que la demi-solde aux grades inférieurs ?
Est-ce parce que les supérieurs ont un traitement plus élevé que les autres ?
Mais c’est là une cruelle injustice.
Si vous jugez utile de conserver dans l’intérêt du
service, dans celui de l’armée, un certain nombre d’officiers en disponibilité,
il faut faire, comme le ministre de la guerre a dit qu’on a fait en Hollande,
et comme on fait aussi en Prusse, il faut étendre la mesure à tous les grades.
Si vous croyez devoir dévier de cette règle, il faut prendre une mesure pour
tous ; sinon vous constituez un privilège, précisément en faveur de ceux dont
la demi-solde est la plus forte en raison de la solde plus forte qui leur est
allouée.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, en principe de
justice, la thèse que soutient l’honorable préopinant devrait être adoptée, et ce
serait effectivement dans l’intérêt de tous les officiers, si l’on pouvait y
comprendre les capitaines, les lieutenants et les sous-lieutenants ; mais
l’objet principal que l’on se propose en maintenant un officier en
disponibilité, c’est de l’avoir sous la main, de pouvoir réclamer son service,
quand les circonstances l’exigent.
Dans tous les corps nous avons un nombre suffisant
d’officiers pour remplir l’emploi des grades de capitaine, de lieutenant et de
sous-lieutenant ; par exemple, en l’absence du capitaine, le lieutenant peut
prendre et prend le commandement de la compagnie.
Mais il n’en est pas de même pour les grades
supérieurs ; le nombre en est restreint ; il n’est pas aussi facile d’en
remplacer les titulaires.
Comme, dans l’ancienne armée, la solde de
disponibilité était attribuée aux officiers que momentanément on ne pouvait pas
employer, j’ai cru devoir réclamer la même faculté pour les officiers
supérieurs, par la raison que le nombre en est très borné, que cela ne fera pas
une grande différence dans la dépense, et qu’ensuite ces officiers ayant déjà
atteint un certain âge, et ayant de longs services, méritent plus d’égards que
les jeunes officiers qui ne reçoivent que la moitié de leurs traitements.
M. Gendebien. -
Mais ce n’est pas là répondre à mon observation : ou la mesure est juste pour
les majors et autres officiers supérieurs, ou elle ne l’est pas ; si elle est
juste pour eux, il faut l’appliquer aux capitaines et aux lieutenants et
sous-lieutenants.
Le ministre de la guerre vous dit que s’il propose
de donner les deux tiers de la solde aux officiers supérieurs, c’est que
ceux-ci ont plus d’ancienneté que les officiers subalternes, et méritent par
conséquent plus d’égards que ceux-ci.
Mais, messieurs, d’après la loi que vous avez déjà
votée, on n’accorde plus rien à l’ancienneté ; vous avez déshérité tous les
capitaines de leur droit d’ancienneté, pour donner au gouvernement l’arbitraire
le plus large, le plus grand essor au favoritisme. Il pourra donc souvent
arriver que les majors soient plus jeunes que les capitaines ; ainsi, un
capitaine qui aurait 20 ans de service, n’obtiendra que la moitié de sa solde,
dans la position de non-activité à laquelle il peut être condamné, tandis qu’un
major, qui n’en aura que 10, recevra les deux tiers de son traitement et cela
uniquement parce que tel sera le bon plaisir d’un ministre.
Si vous voulez établir une règle, adoptez-en une
conforme à la justice, à l’équité et à l’égalité qui est consacrée par notre
révolution et notre constitution ; retranchez, si vous voulez, la
disponibilité, mais que la mesure s’étende à tous, excepté toutefois aux
officiers généraux et d’état-major ; car, hors du temps de guerre, il n’est pas
nécessaire de conserver un aussi grand nombre de généraux et d’officiers
d’état-major en activité ; et l’on ne peut pas les réduire à la moitié de leur
solde ; j’admets cela ; mais quant aux officiers de la ligne, il faut, je le
répète, adopter une seule et même mesure : les exclure ou les admettre tous. Je
dis plus, s’il était nécessaire d’en exclure quelques-uns, il faudrait plutôt
exclure de la solde de disponibilité les officiers supérieurs que les officiers
inférieurs, puisque ceux-ci reçoivent une solde beaucoup moindre.
On vous a dit en commençant
qu’on envoyait souvent les officiers supérieurs en mission ; eh bien, dans ce
cas ils seront soldés à raison de la mission qu’ils remplissent ; mais cette
position exceptionnelle ne peut nullement rentrer dans la règle générale, dans
les règles tracées pour la position ordinaire des officiers en général.
Je prie le ministre de la guerre de réfléchir à ces
observations. Je considère comme souverainement injuste d’établir une solde de
disponibilité pour les officiers supérieurs (autres que les généraux et les
officiers d’état-major), sans faire jouir du bienfait de cette mesure les
officiers subalternes. Ce que je dis ne tend pas à priver un officier
quelconque de la position de disponibilité aux deux tiers de solde, mais à
faire sentir la nécessité de mettre le moins grand nombre possible d’officiers
à la demi-solde, et surtout de ne pas mettre à la demi-solde les capitaines,
lieutenants et sous-lieutenants, alors qu’on reconnaît qu’il est injuste de
mettre à la demi-solde les officiers supérieurs qui jouissent d’une solde plus
forte.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je ne puis concevoir les arguments
de l’honorable M. Gendebien, en présence de l’amendement qu’il a présenté ;
car, par cet amendement, il veut restreindre le nombre des officiers qui
auraient droit à un traitement de disponibilité ; il ne veut pas que les
officiers supérieurs jouissent de ce traitement, il ne fait exception que pour
les officiers généraux et ceux d’état-major.
Ainsi, sous ce rapport, l’amendement de l’honorable
membre est, selon tout ce qu’il vous a dit, moins juste que la disposition du
gouvernement.
Messieurs, il est à
remarquer que si nous avons un excédant d’officiers, en égard au nombre
d’emplois dans les grades supérieurs, il n’y a jamais trop d’officiers pour les
grades inférieurs, M. le ministre de la guerre pourrait vous dire qu’il y a de
nombreuses places à remplir dans les grades de lieutenant et de capitaine ; il
y a toujours là surabondance d’emploi, il manque plutôt de titulaires à ces
grades.
Le ministre de la guerre vous a d’ailleurs dit que
lorsqu’un capitaine doit s’absenter de sa compagnie, le lieutenant le remplace.
Mais lorsqu’un général de division disparaît de la
tête de sa division, il faut un homme capable pour le suppléer ; et en effet,
on ne peut pas toujours le remplacer par un colonel ou un général de brigade,
comme on peut remplacer un capitaine par son lieutenant.
La disposition relative à la disponibilité ne
trouverait donc pas d’application pour les officiers subalternes, tandis
qu’elle est indispensable pour les grades supérieurs.
M. Desmaisières,
rapporteur. - Quoique j’aie voté à la section centrale le rejet d’un
amendement qui était en partie semblable à celui qui vous est présenté par
l’honorable M. Gendebien, je ne viens pas pour cela combattre son amendement,
car nous ne l’avons rejeté que parce que nous l’avons cru inutile, du moins en
partie.
Il y a une section de la chambre qui avait, par
amendement, inséré dans cet article de la loi les mots « d’état-major, »
comme le porte la loi française ; nous avons rejeté cet amendement, parce qu’il
nous paraissait que le cadre de l’état-major, en ce qui concerne les officiers
subalternes, n’était déjà pas trop nombreux ; qu’il n’était même pas trop
nombreux pour l’état ; car à l’état de paix les officiers subalternes
d’état-major trouveront de l’occupation dans la formation de la carte du pays
et dans d’autres travaux.
Messieurs, je l’avoue, je ne verrais pas
d’inconvénient cependant à ce qu’on consacrât dans la loi que l’on peut mettre
aussi les officiers subalternes d’état-major en disponibilité.
Maintenant je dois faire remarquer qu’on ne définit
pas bien ce que c’est que la disponibilité, qu’on ne se rend pas bien compte de
ce qu’est la disponibilité. La disponibilité n’est pas précisément un avantage
; c’est même quelquefois une charge ; car lorsqu’un officier-général est mis en
disponibilité, il doit toujours se tenir prêt à passer au service actif ; par
conséquent, il est tenu à des dépenses plus fortes que l’officier qui est en
non-activité.
Un officier en
disponibilité est, pour ainsi dire, payé à la journée, quand il travaille,
quand il fait un service actif ; quand il ne fait pas un service actif, il
reçoit une solde moindre. Et cependant il est toujours tenu d’être en mesure de
répondre à l’appel à l’instant où cet appel lui serait fait pour le service
actif.
D’ailleurs il suffit, pour se convaincre de ce que
je vous dis, de lire le troisième paragraphe de l’article en discussion ; il
porte :
« Quelle que soit la position de l’armée, il
n’a droit qu’au nombre de rations de fourrages attribuées à son grade sur le
pied de paix. »
Ainsi, quand bien même l’armée est sur le pied de
guerre, l’officier en disponibilité n’a toujours droit qu’aux rations de
fourrage qui lui sont dévolues sur le pied de paix ; et cependant, d’un moment
à l’autre, il peut être obligé de se tenir prêt à entrer en campagne ; alors à
l’instant même, et quel que soit le prix des chevaux, il faut qu’il en achète.
Il faut donc que la quotité du traitement de disponibilité l’indemnise des
frais qu’il sera obligé de faire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il me semble résulter clairement des dernières
observations de l’honorable rapporteur, qu’il est bon de placer les officiers
supérieurs hors du service actif dans une meilleure position que les officiers
subalternes, car l’officier subalterne n’a pas besoin de chevaux ni grand
bagage. Il n’est pas obligé de maintenir toutes ces dépenses indispensables à
un officier supérieur ; il n’a qu’à remettre son uniforme et il reprend son
service.
Quoi qu’il en soit, je crois qu’il y a une raison
d’économie pour rejeter le proposition qui est faite de donner au gouvernement
la faculté de mettre tous les officiers indistinctement en disponibilité. Pour
ceux qui se défient toujours de la manière dont on exécutera les lois, il doit
résulter d’une faculté semblable (dont je ne pense pas, quant à moi, que l’on
abuse) la possibilité de dépenses excessives. Par exemple, dans un régiment où
le nombre des capitaines serait au complet, je suppose que deux ou trois
capitaines préfèrent rester chez eux et toucher la demi-solde, et qu’ils
demandent la disponibilité ; ils seront renvoyés en disponibilité, et il sera
pourvu immédiatement à leur remplacement dans ces régiments. Vous aurez aussi
un double traitement à payer : la solde entière aux capitaines en activité, la
demi-solde aux capitaines restant chez eux en disponibilité.
Pour prévenir tout cela, il
ne faut pas autoriser la mise en disponibilité des officiers subalternes.
Il serait possible toutefois d’admettre une partie
de l’amendement de M. Gendebien, et de rédiger l’article comme suit :
« L’officier-général, supérieur ou
d’état-major, jouit d’un traitement égal aux deux tiers de la solde d’activité
de son grade. »
Je concevrais que l’amendement fût admis en ces
termes, parce que les officiers d’état-major, qu’ils soient capitaines ou
lieutenants, sont obligés, en quittant la position de disponibilité, d’avoir un
cheval, et sont tenus à d’autres dépenses extraordinaires. Je pense donc que de
cette manière l’amendement de M. Gendebien pourrait tout au plus être adopté.
M. Gendebien. -
M. le ministre des finances vient de dire que, d’après les dernières
observations de M. Desmaisières, on devait nécessairement repousser l’opinion
de ceux qui voulaient que tous les officiers pussent être mis en disponibilité.
Eh bien, c’est précisément de ces observations invoquées par M. le ministre des
finances que je m’empare en faveur de mon opinion. M. Desmaisières a dit que
l’officier supérieur avait droit à un traitement élevé de disponibilité, parce
qu’il devait acheter des chevaux lors de sa mise en activité. Mais je
demanderai à M. le ministre des finances si les adjudants-majors, dans les
régiments d’infanterie, si les capitaines, les lieutenants et les
sous-lieutenants de cavalerie et d’artillerie ne doivent pas acheter des
chevaux ; veut-on les faire rejoindre l’armée active à cheval sur un manche à
balai ? ou s’il faut qu’ils achètent des chevaux,
veut-on qu’ils pourvoient à ces dépenses avec leurs économies sur un traitement
de 740 francs ou 370 francs ? Et quelles sont les économies que peut faire un lieutenant
ou un sous-lieutenant ? Que sont ces économies pour acheter deux ou trois
chevaux, comme il y est forcé, s’il plaît au ministre de la guerre de le lui
ordonner ?
J’en reviens à ce que j’ai
dit : Si la position de disponibilité est juste pour l’officier supérieur, à
plus forte raison l’est-elle pour l’officier subalterne ; car si l’officier
supérieur a besoin de son traitement de disponibilité pour s’acheter des
chevaux quand il est rappelé à l’activité, à plus forte raison l’officier
subalterne en a-t-il besoin ; car, avec sa modique demi-solde, il ne pourrait
faire face à ces dépenses.
M. le ministre des finances vous a dit en
commençant que j’étais moins juste que le gouvernement, puisque je ne voulais
admettre la position de disponibilité que pour les officiers généraux et
d’état-major. Mais en cela je ne crois pas être injuste. On avait admis le
principe, dans le projet du gouvernement et dans le projet de la commission,
qu’il n’y aurait plus de position de disponibilité excepté pour les officiers
généraux et pour les officiers d’état-major. J’ai dit hier, et je répète
aujourd’hui, que pour être juste il ne faut accorder cette position à personne.
S’il est juste d’admettre cette position pour les
officiers supérieurs, il est juste de l’admettre pour tous. Mais en quoi donc
cela est-il moins juste ? Je voudrais qu’on le démontrât ; car, pour la rareté
du fait, j’en prendrais note.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Je crois que par l’explication
que je vais donner la question sera simplifiée et sera facile à résoudre.
S’il résultait de l’article du projet que tous les
officiers généraux et supérieurs, qui momentanément ne sont pas employés,
auraient droit au traitement de disponibilité, je comprendrais que, par esprit
de justice, on voulût admettre les officiers subalternes à la même faveur. Mais
il n’en est pas ainsi. Le gouvernement n’accorde des traitements de
disponibilité qu’à ceux des officiers généraux et supérieurs qu’il croit avoir
besoin de tenir à sa disposition, et qu’il croit susceptible de rendre de bons
services, en cas de reprise des hostilités. Quant aux officiers qu’il ne
regarde pas comme pouvant être immédiatement rappelés au service, ils ont tous
la position de non-activité, et touchent la moitié au lieu des deux tiers de la
solde.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il me sera facile, je crois, de démontrer à M.
Gendebien qu’il n’est pas conséquent, dans son amendement, avec les raisons
qu’il a fait valoir. Il voudrait, d’après ce qu’il a dit tantôt, que les
officiers pussent être mis en disponibilité. Je dirai d’abord que la
disponibilité, pour les officiers subalternes, ne sera jamais appliquée, car il
n’y a jamais lieu à placer les officiers subalternes en disponibilité.
Dans le budget, vous n’avez pas vu de traitement
d’officiers subalternes en disponibilité ; il n’y en a pas.
Il n’y a que des officiers supérieurs et généraux
dans cette position, et cela se conçoit facilement, car ce n’est que dans les
grades supérieurs qu’il peut y avoir avantage à tenir en réserve des hommes
disponibles pour le cas où l’on aurait besoin de leurs services, tandis que,
dans les grades inférieurs, un lieutenant, un sous-lieutenant prend au besoin
la place d’un capitaine ; et jamais il n’y a d’embarras, parce que les
sous-officiers prennent à leur tour la place des lieutenants et des
sous-lieutenants.
Mais M. Gendebien, tout en
voulant rendre possible pour tous les officiers la position de mise en
disponibilité, restreint en même temps cette mesure dans son amendement pour
les officiers généraux et ceux de l’état-major. Il y a donc bien contradiction
évidente entre le résultat de sa proposition et les raisons dont il l’appuie.
Il faut bien reconnaître en définitive que la
proposition du gouvernement est plus rationnelle que celle de M. Gendebien, qui
voudrait, ou que tous les officiers indistinctement pussent être mis en
disponibilité, ou que les officiers généraux et les officiers de l’état-major
seulement y fussent admissibles, puisque le gouvernement limite le droit de
mise en disponibilité aux officiers généraux et supérieurs.
M. de Puydt. - Il
me semble que, pour s’entendre sur cette question, il faudrait d’abord définir
la disponibilité d’une manière claire et précise. La disponibilité est une
position temporaire dans laquelle on ne peut placer qu’un très petit nombre
d’officiers, et seulement des officiers supérieurs généraux, appartenant aux
états-majors.
On s’est servi, dans la loi du terme « de cadre. »
L’art. 6 porte : « La disponibilité est la position spéciale de l’officier
général ou supérieur qui appartient au cadre de l’armée et qui est
momentanément sans emploi. »
Il y a dans l’état-major
deux espèces de cadres : les cadres des corps et des armes spéciales, ensuite
les cadres qui forment l’état-major des brigades et des divisions. Il n’y a que
les officiers de l’état-major, des brigades et des divisions qui peuvent être
mis en disponibilité, lorsque les circonstances obligent à diminuer momentanément
les brigades ou les divisions, ou à les supprimer entièrement pour faire
rentrer les choses dans leur état naturel. A ces états-majors des brigades et
des divisions sont appelés des officiers des armes
spéciales du génie, de l’artillerie et de l’état-major. Mais ces officiers,
quand l’état-major est dissous, rentrent dans leurs armes spéciales.
Quant aux officiers généraux et supérieurs,
lesquels sont en très petit nombre, ils peuvent être mis en disponibilité
lorsque le gouvernement pense que la suppression des divisions et des brigades
n’est que momentanée. Le gouvernement a donc été conséquent lorsqu’il a proposé
de ne créer la position de disponibilité que pour les officiers généraux ou
supérieurs.
M. Gendebien. - M.
le ministre de la guerre reconnaît et dit : Si tous les officiers supérieurs
avaient droit à la disponibilité, il faudrait aussi admettre ce droit en faveur
de tous les officiers inférieurs. Mais c’est précisément ce favoritisme que je
crains. Nous faisons une loi non pour établir des faveurs, mais pour établir
des droits : s’il est vrai, comme vous le dites, qu’il est nécessaire
d’accorder par exception les deux tiers de solde aux officiers supérieurs, il
faut l’accorder à tous ; sans cela votre principe est faux et cache des
intentions de favoritisme.
Le préopinant prétend que les officiers subalternes
faisant partie des états-majors rentrent dans leurs corps, quand les
états-majors sont dissous.
Mais ils sont à cet égard dans la position des
officiers supérieurs qui rentrent aussi dans leurs corps, dont ils n’ont été
que momentanément détachés ; ils rentrent dans leurs corps quand leur place y
est vacante ; mais leur position diffère en ce que si la place n’est pas
vacante, les officiers supérieurs ont les deux tiers de la solde, tandis que
les officiers subalternes n’ont que la moitié de leur solde. Ainsi il y a
injustice pour les officiers subalternes ; et la réponse du préopinant ne
répond à rien ; il a fait comme souvent une digression dans un cercle vicieux.
Ce qu’on propose aujourd’hui est la conséquence de
ce qu’on vous a arraché il y a deux jours : on a méconnu les droits
d’ancienneté de tous les capitaines de l’armée, on les a déshérités de leur
droit d’arriver au grade de capitaine, parce qu’on veut que les officiers du
grade de major et au-dessus deviennent les favoris du pouvoir, parce qu’après
les avoir nommés arbitrairement, et sans égard pour l’ancienneté, on veut que
dès qu’ils auront été jugés dignes de cette faveur, ils aient droit par cette
seule raison à une position différente de l’officier subalterne. On veut leur
assurer une position privilégiée. En un mot, on veut consacrer le favoritisme.
Nous voulons au contraire qu’on établisse des
droits, et non des privilèges ; et si vous établissez des droits,
établissez-les pour tous, car tous les Belges sont égaux devant la loi, et ils
ne souffriront pas longtemps des privilégiés.
Les observations qui ont été faites ne signifient
donc rien à mon sens. Je crois d’ailleurs y avoir répondu.
- La discussion est close.
L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
Article 7 (devenu article
6)
« Art. 7. La non-activité est la position de
l’officier hors du cadre et sans emploi. Jusqu’à
ce qu’il y soit autrement pourvu par une loi, le traitement des officiers
actuellement en non-activité reste fixé d’après le tarif existant ci-annexé qui est applicable aux
officiers de toutes armes.
« Le traitement de non-activité sera fixé,
pour les officiers qui y seront admis après la promulgation de la présente loi,
aux deux cinquièmes du traitement d’activité pour les officiers-généraux, et à
la moitié du traitement d’activité des officiers d’infanterie pour tous les
officiers depuis le grade de colonel jusqu’à celui de sous-lieutenant, quelque
que soit l’arme à laquelle ils appartiennent. »
(Les mots en italique dans l’art. 7 sont des
additions proposées par la commission.)
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Je me rallie à la proposition de
la commission d’annexer à la loi le tarif existant. Ainsi, il n’y a pas de
difficulté de ma part pour l’adoption de cette disposition. Mais j’aurai
l’honneur de faire observer à l’assemblée que la chambre ayant supprimé l’art.
5 qui portait qu’une loi fixerait les traitements des officiers, une
conséquence de ce vote est de supprimer de cet article l’addition proposée par
la commission, consistant dans les mots : « Jusqu’à ce qu’il y soit
autrement pourvu par une loi. »
M. Desmaisières, rapporteur.
- Effectivement, comme j’ai eu l’honneur de l’expliquer hier, la commission ne
vous avait proposé de statuer à l’art. 5 que la loi fixerait les traitements
des officiers que parce que le ministre de la guerre avait proposé que ces
traitements fussent fixés par arrêté royal, et que la commission a pensé que la
chambre ne devait pas se dessaisir de sa prérogative. L’addition proposée à
l’art. 7, consistant dans les mots : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement
pourvu par une loi, » n’était qu’une conséquence de la proposition que
vous avait faite la commission à l’article. Par conséquent, je crois, à moins
que mes collègues ne s’y opposent, pouvoir retirer cet amendement.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je suis porté à croire que
l’amendement proposé par la commission avait un autre but que celui que lui
attribue l’honorable rapporteur, du moins je le comprends dans un autre sens.
L’amendement porte :
« Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu par
une loi, le traitement des officiers actuellement en non-activité reste fixé
d’après le tarif existant ci-annexé qui est applicable aux officiers de toutes
armes. »
Cela annonce que la loi pourra venir modifier le
tarif existant. Convient-il de statuer d’une manière positive et en quelque
sorte irrévocable sur les traitements, ou ne vaut-il pas mieux annoncer qu’il
sera possible de réviser ces traitements ?
Par l’amendement de la commission, nous ôterons à
cet article le caractère de permanence qu’il aurait, et nous éviterons que l’on
ne nous oppose plus tard une sorte de droits acquis par les officiers mis en
non-activité.
Voilà en quel sens je verrais volontiers conserver
en entier l’article de la commission, si la chambre trouve que ces observations
ont quelque fondement.
M.
Pollénus. - Je déclare également pour ma part, comme l’a fait
l’honorable rapporteur, que je trouve que le retranchement proposé par M. le
ministre de la guerre des mots : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu
par une loi, » est une conséquence de la suppression de l’article 5 ; je
pense donc qu’il y a lieu d’accueillir cette proposition.
L’observation de M. le ministre des finances ne me
paraît pas exacte. Je crois que ses craintes ne sont pas sérieuses ; en effet,
un traitement affecté à une place qui n’est pas inamovible est toujours
susceptible d’être modifié. Un traitement conféré par un arrêté ou par une loi
peut être modifié par un arrêté ou par une loi, sans que le titulaire de ce
traitement puisse invoquer, pour le conserver, aucun droit acquis.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que par la position
que j’occupe particulièrement comme ministre des finances, je dois insister
pour le maintien de la disposition. Je la regarde comme étant dans les
véritables intérêts du pays ; et en effet, si plus tard le gouvernement jugeait
à propos de diminuer les dépenses de l’espèce de celle dont il s’agit ici, il
faudrait bien le faire. Or je crois qu’il est convenable de maintenir la
disposition dont il s’agit, pour que la législature qui suivrait et qui
jugerait convenable de modifier les traitements, ne paraisse pas le moins du
monde enlever les droits acquis aux officiers qui jouiraient du bénéfice de
l’art. 7.
Voilà, messieurs, quelle est la partie des
observations que j’ai l’honneur de vous soumettre.
Je ferai mienne l’addition proposée par la section
centrale : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu par une loi. »
M.
Liedts. - Je demande la parole pour faire une autre observation.
Je vois au paragraphe 2 que les officiers, à partir
du grade de colonel, qui seront mis en non-activité, recevront la moitié du
traitement d’activité des officiers d’infanterie. Je voudrais connaître les
motifs de cette disposition, en ce qui concerne les officiers des armes
spéciales. Les officiers d’artillerie et du génie jouissent, quand ils sont en
activité, d’un traitement intégral plus fort que les officiers d’infanterie.
Remarquez que ce n’est pas par faveur qu’on accorde
aux officiers de ces armes un traitement plus élevé. Leur instruction leur
coûte moins cher, et ils ont moins de chances d’avancement que les officiers
d’infanterie.
Ce n’est pas par faveur qu’on leur donne un
traitement d’activité plus fort. Il me semble que quand on les met en
non-activité, il faudrait avoir égard aux considérations qui ont déterminé la
fixation de leur traitement d’activité.
Je prie M. le ministre de nous faire connaître les
motifs qui l’ont déterminé à annuler pour la non-activité le traitement des
officiers de toutes les armes.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, le tarif annexé au rapport de la section
centrale avait été adopté par l’ancien gouvernement en 1817, et les dispositions
qu’il renferme sont fondées sur ce que la non-activité met tous les officiers
hors cadre et les considère comme n’ayant aucun service à faire, tant qu’ils
restent dans cette position ; peu importe alors la position qu’avaient ces
officiers dans les diverses armes dont ils faisaient partie. Il n’est pas
juste, parce qu’un capitaine d’artillerie en activité est plus payé qu’un
capitaine d’infanterie, qu’il conserve en non-activité cette prérogative d’un
traitement plus fort, quand l’un et l’autre sont dans la même position
d’inactivité.
C’est ainsi que tous les tarifs de non-activité ont
été réglés en France. Quelle que soit l’arme à laquelle appartenaient
auparavant les officiers mis en non-activité, on leur a toujours donné un
traitement unique et le même pour toutes les armes.
Quant aux officiers généraux et aux colonels,
l’ancien gouvernement n’avait pas appliqué cette règle-là d’une manière
expresse, mais les fixations pour ces trois grades me paraissent assez justes.
Un général de division avait (3,800 florins) 6,300
fr. de traitement de non-activité, un général de brigade avait (2,500 florins)
5,250 francs, un colonel (2,000 florins) 4,200 francs. Ensuite l’arrêté portait
qu’à partir du grade de lieutenant-colonel les officiers de toutes les armes
quelconques recevraient en non-activité la moitie du traitement d’activité des
officiers d’infanterie.
Je trouve ces principes
équitables et fondés, et c’est en conséquence que j’en ai proposé la
continuation.
En appliquant le deuxième paragraphe depuis le
grade de colonel jusqu’à celui de sous-lieutenant, je les maintiens dans la
même position où les avait mis l’arrêté dont je viens de parler. Si j’avais
proposé de donner aux généraux de division de brigade la moitié du traitement
d’activité, j’aurais outrepassé leur traitement actuel de non-activité. J’ai
voulu rester dans les limites de l’arrêté, et j’ai trouvé que les 2 cinquièmes
du traitement d’activité rentrent dans ces limites. C’est pour cela que le
deuxième paragraphe porte que le traitement de non-activité des officiers
généraux sera fixé aux 2 cinquièmes du traitement d’activité et à la moitié du
traitement d’activité des officiers d’infanterie, pour tous les officiers
depuis le grande de colonel jusqu’à celui de sous-lieutenant, quelle que soit
l’arme à laquelle ils appartiennent.
M. Desmaisières,
rapporteur. - Les officiers en non-activité pouvant toujours être
rappelés à l’activité, je ne vois pas d’inconvénient, dans l’intérêt du trésor,
à garantir aux officiers actuellement en non-activité, les traitements dont ils
jouissent.
Pour mieux faire apprécier les résultats de
l’article en discussion, s’il est adopté avec l’amendement de la section
centrale, je crois devoir faire connaître quels seront les effets de cet
article à l’égard des officiers actuellement en non-activité.
J’ai ici le tarif fixé par l’arrêté du 22 décembre
1832. Je ne pense pas qu’il ait subi depuis de modifications.
D’après ce tarif, un général de division touche un
traitement d’activité de 16,900 fr., lorsqu’il sera mis en non-activité, il ne
touchera le 2/5, soit 6,760. D’après le tarif proposé par la section centrale,
il ne touchera que 6,300 fr. Donc pour le général de division, il y aura
défaveur, car il touchera 460 fr. de moins.
Le général de brigade touche en activité 11,600 fr.
En non-activité, il touche les 2/5, ou 4,640. Ici il y a avantage pour le
général de brigade, il touchera 640 fr. de plus.
Pour le colonel, comme, à partir du grade de
colonel l’article stipule que le traitement de non-activité sera la moitié du
traitement d’activité de l’infanterie, le colonel d’infanterie touchant en
activité 7,100 fr., la moitié 3,700 fr. formera le traitement de non-activité
de tous les colonels à quelque arme qu’ils appartiennent actuellement.
D’après l’arrêté, un
colonel en non-activité avait 500 fr. de plus. Le lieutenant-colonel
d’infanterie touche en activité 5,900 fr. D’après le projet du gouvernement, il
ne touchera que 2,950 fr. ; il touchait avant 3,150 fr., c’est-à-dire 200 fr.
en plus. Le capitaine touchait également 215 fr. en plus qu’il ne touchera à
l’avenir. Pour les lieutenants et sous-lieutenants, leur position est restée la
même. Le lieutenant d’infanterie à 1,900 fr. de traitement en activité ; la moitié
pour le traitement de non-activité sera de 950 fr. ; c’est le même chiffre que
celui qui se trouve au tarif annexé. Le sous-lieutenant d’infanterie touche en
activité 1,480 fr. ; la moitié pour le traitement de non-activité sera de 740
fr. ; c’est encore le même chiffre que celui porté au tarif.
Ainsi, si vous adoptez l’amendement de la section
centrale qui maintient l’arrêté de 1832, il n’y aura désavantage que pour les
généraux de division ; ce désavantage sera de 460 fr. ; mais il y aura avantage
de 610 fr. pour les généraux de brigade, de 500 fr. pour les colonels, de 200
francs pour les lieutenants-colonels, et de 215 fr. pour les capitaines.
La position des lieutenants et sous-lieutenants
reste la même.
M.
Pollénus. - Je ne comprends pas pourquoi la position des officiers en
non-activité subirait un changement d’après la loi nouvelle.
Plusieurs
voix. - Non ! non ! il n’y en aura pas.
M. Pollénus. - Je
croyais avoir entendu un honorable membre exprimer cette opinion, je prenais la
parole pour faire remarquer que le paragraphe disait le contraire.
Je ferai en outre remarquer qu’il y a lieu de
supprimer quelques mots inutiles. On dit après la promulgation de la présente
loi, les officiers qui seront admis au traitement de non-activité. On fait une
distinction entre ceux qui sont et ceux qui seront mis en non-activité.
Comme une loi ne peut avoir d’effet rétroactif, il
est inutile de dire là que c’est après la promulgation de la présente loi. Je
demande la suppression de ces mots.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Il résulte des calculs faits par la section centrale,
calculs que j’avais faits moi-même, que sur les dix grades qui composent notre
hiérarchie utilitaire, par la disposition que nous proposons, deux grades
seulement auront une légère augmentation, et que les huit autres subiront une
diminution. Les deux grades qui auront une augmentation sont les grades de
général de division et de major.
Le général de division aura
une augmentation de 460 fr., et le major une augmentation de 200 fr. ; mais le
général de brigade subira une réduction de 610 fr. ; le colonel, une de 500 fr.
; le lieutenant-colonel, une de 200 fr. ; le capitaine, une de 215 fr., et
quant à la position des lieutenants et sous-lieutenants, elle ne change pas.
Sur l’augmentation qu’éprouve le major, je dois
vous donner une explication. Lors du tarif de 1817 les majors n’avaient que
2,200 florins. En 1826, sur la proposition des inspecteurs-généraux la solde
des majors de toutes les armes a été élevée de 200 florins, taux qui a été
maintenu lors de la révolution.
Mais on avait conservé l’ancien chiffre du
traitement de non-activité. Voilà pourquoi par le nouveau tarif ils auront 200
fr. de plus qu’auparavant.
Les deux augmentations peuvent être admises,
puisque les autres grades présentent une diminution proportionnelle et basée
sur la nouvelle règle établie qui me paraît devoir être adoptée.
M. Gendebien. -
Je ne comprends pas l’utilité ni la justice d’établir un tarif différent entre
les officiers qui sont en non-activité actuellement et ceux qui seront mis en
non-activité. Est-ce que les officiers en non-activité maintenant ont plus
démérité que ceux qui pourront l’être demain, ou du moins le lendemain de la
promulgation de la loi ?
Le général de division sera augmenté ; le général
de brigade sera diminué ainsi que le colonel, On dit que le général de division
est augmenté parce qu’il a un commandement en chef d’une partie de l’armée ; ce
n’est là qu’un faux-fuyant, car pourquoi diminuer par la même disposition la
demi-solde du général qui commande aussi une partie de l’armée ; pourquoi
diminuer le colonel qui commande en chef son régiment ? Mettez tous les
officiers en non-activité sous le même niveau ; leur sort est déjà assez
fâcheux ; ne l’empirez pas pour les uns en l’améliorant pour un petit nombre.
Il ne faut pas surtout augmenter la demi-solde de
ceux qui ont les plus gros traitements, et diminuer ceux qui ont les plus
faibles traitements ; faites la même chose pour tous ; cela aura au moins
l’avantage de rendre votre comptabilité plus facile.
Vous avez quatre catégories
d’officiers hors d’activité ; et vous allez faire encore d’autres subdivisions,
d’après lesquelles le sort des uns serait amélioré, et le sort des autres
serait rendu plus mauvais ; pouvez-vous procéder ainsi ? est-ce
là faire des lois ?
Le législateur procède-t-il ainsi par catégorie,
sans principes, et pour ainsi dire au hasard ? mais il
vaut mieux le régime du bon plaisir, car c’est sous sa responsabilité qu’il
agit.
Maintenant, je demanderai ce que l’on entend par la
position de l’officier en non-activité : le considère-t-on comme un officier
qu’on ne peut plus rappelé au service actif ?
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Non.
M. Gendebien. -
Le ministre répond non, je prends acte de cet aveu ; eh bien, si l’officier en
non-activité peut être appelé au service, comment le lieutenant de cavalerie ou
du génie pourra-t-il conserver ses chevaux ou être en état d’en acheter quand
il sera rappelé ?
M.
Liedts. - M. le ministre de la guerre vient de me faire une réponse ;
il vient de dire que les officiers en non-activité rentraient dans la vie
civile ; mais il n’est pas exact de dire qu’ils rentrent dans la vie civile,
puisqu’on peut les rappeler au service. En supposant qu’ils soient rentrés dans
la vie civile, il n’est pas exact non plus de croire qu’ils aient les mêmes
besoins ; car un officier du génie et un officier de cavalerie ne peuvent pas
occuper leur temps de la même manière. Il faut qu’un officier du génie puisse
acheter des livres pour se conserver à la hauteur de la science, il ne faut pas
qu’il se rouille.
Quoi qu’il en soit, je crois qu’il serait plus
juste de mettre tous les officiers sur la même ligne, en leur donnant la moitié
de leur grade d’activité. Je proposerai un amendement dans ce sens, en
demandant la suppression des mots « officier d’infanterie. »
M. F. de Mérode.
- Les observations présentées par M. Liedts paraissent avoir quelque chose de
vrai.
L’officier qui est en activité doit garder ses chevaux
et les nourrir avec les fourrages qu’on lui accorde. Cela ne suffit pas ; il
faut qu’il puisse les remplacer s’il les perd ; mais quand il est en
non-activité, il n’en a plus besoin ; et il se trouve dans la même position que
les officiers d’infanterie, et c’est pour cela que cette règle a été établie
non seulement ici, mais encore en France. Toutefois, je crois qu’il serait bon
de donner une indemnité aux officiers de cavalerie quand ils rentrent au
service, afin qu’ils puissent acheter des chevaux. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement présenté par la section centrale est
adopté.
L’amendement présenté par M. Liedts n’est pas
admis.
L’article 7 est adopté.
Tarif annexé à la loi
M. le président. -
Nous allons mettre aux voix le tarif annexé à la loi.
« Général de division, fr. 6,300.
« Général de brigade, fr. 5,250.
« Colonel, fr. 4,200.
« Lieutenant-colonel,
fr. 3,150.
« Major, fr. 2,300.
« Capitaine de première classe, fr. 1,690.
« Capitaine de seconde classe, fr. 1,270.
« Lieutenant, fr. 950.
« Sous-lieutenant, fr. 740. »
- Cet article est adopté.
Article 8 (devenu article
7)
« Art. 8. Le traitement de réforme est
inhérent au grade dont l’officier est pourvu dans l’armée, et il ne peut en
être privé, en tout ou en partie, que par la perte de son grade.
« Les officiers peuvent être mis au traitement
de réforme pour les causes suivantes :
« 1° Pour désobéissance, inconduite
habituelle, sévices envers leurs
inférieurs ou excès ;
« 2° A cause de négligence dans l’accomplissement
des devoirs qui leur sont imposés. »
M.
rapporteur. - Cet article est celui qui est présenté par la section
centrale.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Les deux amendements proposés par la section centrale
consistent, l’un dans une addition, l’autre dans un retranchement ; je me
réunis à la section centrale relativement au paragraphe qu’elle a ajouté ;
j’avais oublié de prévoir le cas de sévices graves envers leurs inférieurs. Cette
addition me paraît très bonne. J’avais mis dans la loi : « pour inconduite
habituelle ou excès qui auraient résisté aux punitions disciplinaires : »
en effet, il faut prendre des menaces plus sévères envers les officiers qui,
ayant été souvent punis, n’ont pas changé de conduite. Cependant, je ne demande
pas le rétablissement de cette disposition.
Je me réunis aussi au retranchement proposé par la
section centrale.
M. de Jaegher. - L’art.
« La réforme est la position de l’officier sans
emploi, qui, n’étant plus susceptibles d’être mise en activité, n’a pas de
droit acquis à la retraite. »
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - L’observation du préopinant sur l’absence définitive de
la position de réforme est juste ; il est naturel qu’ayant déterminé les trois
positions de l’officier nous déterminions également celle-ci.
En conséquence, je me rallie à la définition qu’il
a tirée de la loi française. Elle renferme l’explication exacte de la position
de réforme.
On pourrait faire de cet amendement l’objet d’un
nouvel article.
M.
de Brouckere. - M. le ministre a déclaré se rallier à la rédaction de
la section centrale en ce qui concerne le troisième paragraphe. Il en résulte que,
selon lui, un officier pourra être mis à la reforme pour désobéissance,
inconduite habituelle, sévices envers ses inférieurs ou excès.
Pour désobéissance : si l’on s’en tenait à la
lettre de la loi, telle qu’elle est conçue, il suffirait d’un simple acte de
désobéissance de la part d’un officier pour qu’il fût mis au traitement de
réforme, c’est-à-dire dans une position à ne plus être remis en activité. Telle
n’est pas sans doute l’intention des rédacteurs de la loi. Ils ont voulu sans
doute que le mot « habituelle » qui se rapporte au mot inconduite
s’appliquât également au mot désobéissance.
Ce serait pousser la rigueur jusqu’à l’excès que de
vouloir punir un simple acte de désobéissance d’une manière tellement sévère
que celui qui s’en serait rendu coupable ne fût plus susceptible d’être remis
en activité.
Je pense qu’il y a lieu de modifier le texte de la
loi et d’y introduire d’acte de désobéissance réitérée. L’officier saura qu’il
ne peut être mis à la réforme pour un premier acte de désobéissance.
Je déposerai un amendement dans ce sens.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - M. le ministre de la guerre a déjà dit que dans la pensée
du gouvernement, un simple acte de désobéissance ne peut donner lieu à la
réforme. C’est la désobéissance habituelle que les rédacteurs de l’article ont
eu en vue de réprimer.
Les observations de l’honorable préopinant sont
donc justes sous ce rapport ; en général, une première désobéissance ne doit
pas donner lieu à une mesure aussi sévère que la réforme.
Cependant, messieurs, une première désobéissance
peut être d’une gravité telle que l’exemple exige la mise à la réforme de
l’officier qui s’en est rendu coupable. Je pense donc que l’amendement de
l’honorable M. de Brouckere est incomplet, et que, si on l’adopte, il est
inutile d’y ajouter le mot « grave » et de dire : « Pour
désobéissance grave ou réitérée. »
Je ne sais si M. le
ministre de la guerre a mûrement réfléchi à la portée de l’amendement de
l’honorable M. de Jaegher, qui propose d’insérer cette disposition extraite de
la loi française :
« La réforme est la position de l’officier
sans emploi, qui, n’étant plus susceptibles d’être mise en activité, n’a pas de
droit acquis à la retraite. »
Je ne sais si l’intention de l’honorable membre est
d’aggraver la position de l’officier mis à la réforme. Si un officier mis à la
réforme donne ensuite l’exemple du repentir ou de la meilleure conduite,
pourquoi ne pourrait-il pas être rappelé en activité ? Il ne faut pas que la
réforme ait des conséquences irrévocables.
La mise à la réforme a pour but, dans l’esprit de
notre projet, de réduire le traitement de l’officier, et non de le frapper
d’une incapacité absolue, de lui fermer à jamais la carrière militaire. Une
mesure pareille ne me semble ni juste ni politique.
D’un autre côté il n’est pas prudent de déclarer
que l’officier en réforme est privé de tout droit à la pension de retraite.
Est-il nécessaire de prononcer cette nouvelle peine ? Il ne faut rien préjuger
à cet égard ; le projet en discussion n’a pas pour objet de régler les droits à
la retraite. Je propose donc le rejet de l’amendement de l’honorable M. de
Jaegher.
M.
de Jaegher. - Mon intention n’a pas été d’aggraver la position de
l’officier mis la réforme. Cependant, je demanderai ce que l’on entend par le
mot de réforme ? Il me semble qu’il indique que l’officier sera hors d’état de
servir ultérieurement. C’est pourquoi j’ai présenté l’amendement qui en donne
la définition. Je supposais que c’était dans cet esprit que le gouvernement
avait rédigé la loi.
Je partage l’opinion de l’honorable M. de Brouckere
sur le mot « désobéissance. » Il me semble que ce mot comprend tous
les cas prévus dans la nomenclature qui le suit. Qu’est-ce qu’une négligence habituelle,
des excès, de l’inconduite, si ce n’est une désobéissance réitérée ? Il une
semble qu’il était inutile d’ajouter ces expressions dont le sens est déjà
compris dans le mot désobéissance. J’ai formulé un amendement dans le sens de
ces observations :
« La réforme peut être prononcée pour
désobéissance habituelle, sévices envers ses inférieurs ou excès qui auront
résisté aux peines disciplinaires.»
M. F. de Mérode.
- La loi ne parle pas de réforme. Elle s’occupe seulement du traitement de
réforme. La mise au traitement de réforme, ne doit pas être une punition
irrévocable, au point que le ministre de la guerre ne puisse en relever celui
qui en aura été frappé.
La mise au traitement de
réforme est le meilleur moyen de rappeler à l’ordre les officiers qui,
quelquefois par jeunesse, s’abandonnent à des défauts dont la correction peut
se trouver dans la perte ou dans la forte réduction du traitement. Le ministre,
dans ce cas, met, si je puis m’exprimer ainsi, l’officier coupable à la portion
congrue. C’est le meilleur moyen de réprimer certaines inconduites de jeunesse
qu’il est bon d’empêcher. Voila pourquoi la définition de la position de
réforme n’a pas été mise dans la loi.
Admettre dans la loi la
définition que propose l’honorable M. de Jaegher, ce serait faire hésiter M. le
ministre de la guerre à prendre dans certaines circonstances, une mesure
salutaire contre les officiers coupables, si elle n’est pas irrévocable. Dans
toute punition, il faut que la loi laisse quelque latitude à celui qui est
chargé de l’appliquer.
Je me range donc à l’avis de M. le ministre de la
justice, quoique, dans le premier moment, j’aie appuyé l’amendement de
l’honorable M. de Jaeger dont je ne saisissais pas toute la portée.
M.
de Jaegher. - Si la chambre adoptait la manière de voir de M. le
ministre de la justice, on pourrait modifier mon amendement dans le sens de ses
observations. J’avais adopté la définition de la loi française sur la position
de réforme, parce que je trouvais qu’il y avait d’autres punitions moins
sévères pour l’officier coupable, entre autres la mise en non-activité.
M. F. de Mérode.
- Cette punition n’en serait pas une pour certains officiers qui trouvent la
punition de non-activité très commode, en ce que, si elle diminue le traitement
de moitié, elle débarrasse en même temps de toutes les fatigues du service.
Aussi bien des officiers ne seraient pas arrêtés par la menace d’être mis en
non-activité. C’est pour ces motifs que la mise au traitement de réforme sera
très efficace. L’officier qui en sera frappé désirera toujours être remis en
activité. Ils se contenteront de manière à cesser de recevoir un traitement sur
le trésor public sans que le pays en retire aucun avantage.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - La réforme dans le système du
projet prive l’officier d’une grande partie de son traitement, mais ne le
déclare pas indigne de servir dans les armées du Roi. C’est une position
intermédiaire entre la non-activité et la destitution ; la non-activité peut
être prononcée sans qu’on ait le moindre reproche à faire à l’officier, tandis
que la mise à la réforme est infligée à l’officier pour le punir dans l’intérêt
de la discipline militaire.
D’un autre côté, l’officier en réforme n’est pas
privé de son grade et de son traitement comme celui qui est destitué, maïs il
n’a plus qu’une petite partie de son traitement, et c’est en cela que consiste
sa punition. Cette peine doit-elle être perpétuelle, irrévocable ? Je ne le
pense pas.
On dit que la position de réforme n’est pas définie
par la loi : soit, mais ses effets sont clairement indiqués. Vous le savez,
messieurs, les définitions sont dangereuses dans la législation ; or, ici il
n’y a pas nécessité de définir, il n’y a aucune utilité pratique à le faire.
M. Rogier. - Il est
inutile de définir ce que l’on entend par la réforme. La loi l’explique d’ailleurs
d’une manière suffisante. C’est quelque chose de moins que la non-activité et
quelque chose de plus que la perte du grade. Ce degré intermédiaire dans
l’échelle des punitions est utile. S’il n’existait pas, on serait obligé de
frapper l’officier coupable par la perte même du grade.
La définition de M. Jaegher d’ailleurs ne rendrait
pas la pensée de la loi. La position de réforme comprenait les officiers qui ne
seraient plus susceptibles d’être mis en activité ; mais elle n’indiquerait pas
que ce serait par suite d’une punition. Il y a des officiers qui, quoique
s’étant parfaitement conduits, ne sont plus susceptibles d’être remis en
activité. Ceux-là seraient donc compris dans la position de réforme.
M. de Jaegher.
- Comme mon intention n’a pas été d’aggraver la position des officiers de
l’armée, je déclare que par suite des observations de M. le ministre de la
justice je retire mon premier amendement, tout en maintenant le second relatif
à la désobéissance habituelle et aux excès qui auront résisté aux punitions
disciplinaires.
M. de Brouckere.
- Je crois qu’il fait ou admettre l’amendement de l’honorable M. de Jaegher qui
rétablit la rédaction primitive du projet du gouvernement, ou adopter le mien
qui subsiste au mot désobéissance les expressions suites : « Pour actes de
désobéissance réitérée. »
M. le ministre de la justice voudrait qu’on dît :
« pour acte de désobéissance grave ou réitérée. » Je ne puis pas
partager son opinion. En temps de guerre tout acte de désobéissance grave est
puni par la loi pénale, par le code militaire. Nous n’avons pas à nous occuper
d’actes que les circonstances transforment en crimes. La loi que nous faisons
est pour le temps de paix. Je ne conçois pas un acte de désobéissance, si grave
que vous le supposiez, qui puisse nécessiter la mise à la réforme de l’officier
qui s’en sera rendu coupable.
Nous sommes d’accord avec
le gouvernement sur ce point que la mise à la réforme est une punition très
sévère. Ce que M. Félix de Mérode appelle la portion congrue, est pour un
sous-lieutenant une solde annuelle de 370 fr. Il ne faut pas qu’une punition
aussi rigoureuse puisse être infligée pour des causes légères.
La chambre ne peut pas vouloir que pour un acte
unique de désobéissance, qu’elle qu’en soit la gravité, un officier puisse être
mis au traitement de 370 fr. par an, c’est-à-dire reçoive moins que ce que l’on
donne à un ouvrier. Il faut, pour que cette mesure soir prise, qu’il soit
constaté que l’officier ne revient pas à la résipiscence, alors qu’il a été
condamné disciplinairement.
Les punitions disciplinaires peuvent être très
sévères. Elles vont depuis les arrêts simples jusqu’à la prison. Je demande si
un emprisonnement d’un mois ne suffit pas pour punir un simple acte de
désobéissance. Mettre un officier pour ce fait au traitement de réforme, serait
pousser la sévérité jusqu’à l’excès.
Je demande donc que la chambre veuille bien adopter
mon amendement ou la première rédaction du projet du gouvernement.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Ces mots : « qui ont résisté
aux punitions disciplinaires » ont quelque chose de vague, c’est ce qui a
engagé la section centrale à les retrancher. Nous avons consenti à ce que loi,
insérât l’épithète « réitérée » à la suite du mot désobéissance. Mais
je crois qu’une désobéissance grave peut être une infraction beaucoup plus
forte à la discipline militaire, que deux ou trois désobéissances légères ; car
la loi ne dit pas combien de fois il faudra que l’officier ait désobéi pour
avoir mérité la mise à la réforme. Une désobéissance grave, une infraction
scandaleuse aux devoirs militaires peut nécessiter cette punition, et obliger
le ministre à faire un exemple sévère.
Il y a d’autant moins d’inconvénients à admettre
mon système que j’ai été le premier à demander que la position de reforme n’eût
point d’effets perpétuels et irrévocables. Si l’officier s’est amendé, rien
n’empêche qu’il ne soit rétabli dans son emploi.
M. Gendebien. -
Contre mon habitude, je suis plus ministériel que les ministres eux-mêmes. Dans
mon opinion, la rédaction primitive du projet du gouvernement me paraît
préférable aux amendements qui ont été présentés, puisqu’il exige une condition
qui nécessite la preuve de faits matériels dont on peut établir l’absence par
des documents positifs.
Le ministre de la justice dit qu’un officier peut
commettre un acte de désobéissance tellement grave qu’il faille le retrancher
de l’armée. Mais l’honorable M. de Brouckere a déjà répondu que les peines
disciplinaires, qui comprenaient une échelle de punitions depuis le simple
arrêt jusqu’à la prison, seraient assez fortes pour punir cet acte de
désobéissance ; la compétence des conseils de guerre et la haute cour seront
d’ailleurs toujours saisies de ces excès graves.
Un officier, dans un moment où les têtes sont
échauffées, aura désobéi grossièrement à un chef ; vous voulez qu’il soit mis
aussitôt à la réforme. Mais au moins il faudrait définir ce que vous entendez
par désobéissance grave. Quand vous avez la preuve de résistance à toutes les
peines disciplinaires, alors je conçois que la sévère punition de la mise à la
réforme devienne juste.
Je préféré la rédaction primitive du projet parce
qu’elle comprend l’amendement de M. de Brouckere et dit plus encore. Une
désobéissance qui aura résisté à toutes les peines disciplinaires est bien une
désobéissance réitérée.
En disant inconduite habituelle, le mot
« habituelle » caractérise la conduite. De même, il faut caractériser
la désobéissance, l’excès.
L’excès en tout, dit-on, est un défaut. De la
vertu, pas trop n’en faut.
On ne punira pas, je pense, l’excès de vertu chez
les officiers ; mais toujours est-il que l’expression est trop vague, il faut
qu’on définisse ce qu’on entend par là.
Quant au deuxième
paragraphe, il autorise la mise en réforme d’un officier pour cause de
négligence dans l’accomplissement des devoirs qui lui sont imposés. Je voudrais
aussi qu’on qualifiât le mot négligence. Je ne sais pourquoi on ne comprendrait
pas le mot négligence dans le premier paragraphe du projet ministériel,
pourquoi on ne le soumettrait pas à l’épreuve des peines disciplinaires comme
les autres faits. Je demande qu’on rédige comme suit la disposition ;
« 1° Pour cause de désobéissance réitérée,
inconduite ou négligence habituelle qui aura résisté aux peines disciplinaires.
« 2° Pour excès et sévices envers ses
inférieurs. »
De cette manière la disposition serait logique.
Mais vous séparez la négligence de l’épreuve des peines disciplinaires. Cela
n’est pas logique, car la négligence peut être moins coupable que la
désobéissance, que l’excès. Il faudrait refondre tout cet article.
(Moniteur
belge n°144 et 145, des 23 et 24 mai 1836) M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, je
conçois que l’on pourrait adopter sans inconvénient, soit l’article du
gouvernement, tel qu’il est rédigé, soit l’article proposé par la section
centrale. Mais si on apporte des amendements au projet, je m’opposerai
forcément à celui proposé par M. de Brouckere qui tend à insérer ces mots :
« pour désobéissance réitérée, » à moins qu’on n’adopte aussi le
sous-amendement de M. le ministre de la justice. Il me semble qu’il faut faire
une distinction. Il est des actes de désobéissance si graves de leur nature,
qu’il est impossible de ne pas voir dans cet acte seul, isolé, un degré plus
grand de culpabilité que dans une désobéissance deux ou trois fois répétée dans
une circonstance de peu d’importance.
M. Gendebien. -
Traduisez dans ce cas devant un conseil de guerre.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Mais c’est pour éviter ces
inconvénients qu’on propose la disposition dont il s’agit. La bonne discipline
est intéressée à ce qu’un acte de désobéissance tel que celui que je viens de
qualifier soit puni d’une manière sévère et immédiatement, Il y a d’autant
moins d’inconvénient à insérer cette disposition, que la réforme, comme vient
de le faire observer M. le ministre de la justice, n’est pas dans notre système
une mesure irrévocable ; que la conduite ultérieure de l’officier, mis en
réforme, peut être prise en considération, et que si par la suite des rapports
sont faits en sa faveur il pourra être remis en activité. La mise au traitement
de réforme doit pouvoir s’effectuer non seulement pour désobéissance réitérée,
mais aussi pour désobéissance grave qui causerait du scandale, ou qui
intéresserait essentiellement la bonne discipline de l’armée.
M. le président. -
Voici comment M. Gendebien propose de rédiger son amendement :
« 1° Pour désobéissance réitérée, inconduite
ou négligence habituelle, ou excès graves qui auront résisté aux peines
disciplinaires ;
« 2° Pour sévices envers leurs
inférieurs. »
(Moniteur
belge n°143, du 22 mai 1836) M. de Jaegher.
- Je me réunis à cet amendement.
M. le président. -
M. de Brouckere a proposé de dire pour négligence réitérée.
Et M. le ministre de la justice ajoute « ou
grave. »
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Il est bien entendu que je n’ai fait cette proposition que
comme sous-amendement à la proposition de M. de Brouckere, car le gouvernement
s’est rallié à la proposition de la section centrale qu’il préfère.
M. Gendebien. -
Je préviens que si tous les amendements sont rejetés, je fais mien le
paragraphe premier du projet du gouvernement.
- L’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix
et rejeté.
L’amendement de M. Gendebien est également rejeté.
M.
Gendebien. - Quand j’ai déclaré que je faisais mien le paragraphe
premier du projet du gouvernement, j’ai ajouté qu’il faudrait rétablir les mots
« qui auront résisté aux peines disciplinaires ; » car je trouve là
une garantie, puisqu’il faudra consulter le registre des punitions. Sans cela
il pourrait arriver qu’un officier n’ayant pas une seule mauvaise note au
registre des punitions fût mis au traitement de réforme pour une faute légère
que le gouvernement lui-même l’aura poussé à commettre, car il a ses agents
provocateurs qui poussent les jeunes officiers à faire des folies afin d’avoir
un motif pour les frapper.
Je veux que le registre de punition constate la
conduite de l’officier. Sans cette condition vous laissez tout à l’arbitraire
du gouvernement.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois déclarer que dans ma
pensée comme dans la rédaction que j’ai proposée, les mots « qui auraient
résisté aux punitions disciplinaire, » se rapportaient aux seuls mots qui
terminent, c’est-à-dire aux excès.
Chaque officier a une feuille de punitions. Dans le
registre des punitions, tous les officiers sont indiqués ; il y a une feuille
particulière pour chacun d’eux, et ce sont ces feuilles qui me sont envoyées
avec les rapports qui les concernent. Je vois par là les officiers qui ont résisté
aux peines qui leur ont été infligées. Je le répète, dans mon opinion, les mots
: « qui auront résisté aux punitions disciplinaires, » ne s’appliquaient
qu’aux excès et nullement aux deux premiers termes du paragraphe.
Dans le sein de la commission nous avons soutenu
que le traitement de réforme devait suivre un acte de désobéissance grave.
M.
Gendebien. - Il faut que les mots : « qui auront résisté aux
punitions disciplinaires,» s’appliquent à tout. Sans cela on pourrait mettre à
la réforme un officier pour une seule faute, qui aurait eu postérieurement une
conduite régulière.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Le gouvernement ne s’oppose pas à ce que l’on insère ces
mots : « qui ont résisté aux punitions disciplinaires ; » mais pour
éviter toute difficulté et stipuler clairement que ces mots ne s’appliquent
qu’aux excès et non pas à la désobéissance, j’ai rédige un n°1° nouveau qui
serait ainsi conçu : « Pour excès qui ont résisté aux punitions
disciplinaires. »
M.
de Brouckere. - Je crois bien que la rédaction du paragraphe, présenté
par le gouvernement, doit s’entendre comme l’explique le ministre ; mais il ne
suffit pas d’avoir désobéi pour être mis à la réforme ; il faut encore que la
désobéissance ait été grave. Il paraît que l’on veut aller plus loin que ne le
demandait le gouvernement, plus loin que les règlements militaires eux-mêmes.
C’est par les arrêts et par la prison que les règlements punissent la
désobéissance, et cela n’est déjà pas mal et ces règlements disent qu’en
infligeant des punitions, on doit avoir soin de faire une distinction entre
ceux qui commettront souvent des fautes et ceux qui en commettent rarement.
Ainsi les règlements militaires n’imposent de punitions sévères que quand il y
a des manquements graves. Prenez donc garde de donner la faculté de mettre à la
réforme un officier, parce qu’il aurait déplu à son chef.
Je suis de ceux qui pensent qu’il faut laisser au
Roi une grande latitude pour sévir contre les officiers qui se conduisent mal,
qu’il faut laisser au gouvernement la faculté d’expulser de l’armée des hommes
indisciplinables ; mais j’ai peur que la chambre aille tellement loin qu’elle
consacre l’arbitraire. Ne serait-ce pas en effet donner l’arbitraire que de
dire : Vous mettrez au traitement de réforme ou au traitement de 375 fr. un
sous-lieutenant dont la conduite a été jusque-là irréprochable, et qui commet
une première faute. Après, M. Evain il peut venir tel ministre qui ferait un
fâcheux usage de la faculté que vous lui accorderiez ; et mon intention n’est
pas de voter des dispositions semblables.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Pour prouver à la chambre que
le gouvernement ne veut que des choses raisonnables, je proposerai la
disposition suivante :
« 1° Pour excès qui ont résisté aux punitions
disciplinaires ;
« 2° Pour désobéissance grave ou réitérée,
inconduite habituelle, sévices envers leurs inférieurs ;
« 3° A cause de négligence dans les devoirs
qui leurs sont imposés. »
Ce texte me semble de nature à concilier toutes les
opinions
M. de Brouckere.
- J’aurais préféré qu’on ne mît pas désobéissance grave ; quoi qu’il en soit,
l’amendement est une amélioration, et je m’y rallie. (Aux voix ! aux voix !)
M. Gendebien. -
Puisqu’on semble d’accord et que je désespère d’obtenir une disposition plus
juste, je ne prolongerai pas la discussion ; mais je ne puis m’empêcher de
faire observer qu’après avoir expliqué le sens que présentaient les
dispositions de l’article, personne ne s’est levé au banc des ministres pour
répondre à mes observations, et cependant ce n’est que parce que je considérais
la dernière disposition du 1° du projet du gouvernement applicable à toute
disposition que je l’agréais. Ce n’est pas parce que je considérais les mots :
« qui auront résisté aux punitions disciplinaires, » comme une garantie
contre l’arbitraire, que j’ai fait mien le paragraphe 1er du projet du
gouvernement. Les ministres ont acquiescé à mes observations par leur silence,
et ce n’est que lorsque les amendements ont été rejetés qu’ils se sont
expliqués dans un sens contraire. Cela est-il bien loyal ?
- L’amendement présenté par M. le ministre de la
justice est adopté.
L’art. 8 amendé est adopté.
Article 9 (devenu article
8)
« Art. 9. La mise au traitement de réforme
pour les causes ci-dessus prévues sera prononcée par arrêté royal motivé, sur
le rapport du ministre de la guerre. »
M. Gendebien. -
Je ne veux pas proposer d’amendement à cet article, parce qu’il aurait le même
sort que toutes les autres propositions raisonnables ; mais je veux protester
contre cette juridiction exorbitante, c’est la seul ressource qui me reste
contre le débordement d’arbitraire qui menace toutes nos libertés. Je ne sais
comment on peut priver un officier de son état sans règles, sans garantie
aucune contre l’arbitraire.
Est-ce que les officiers ne méritent pas qu’on leur
conserve leurs droits comme la constitution les garantit aux autres citoyens ?
On veut en faire des parias ou des instruments aveugles du despotisme ; eh
bien, votez, mais je proteste.
- L’art. 9 est adopté.
Article 10 (devenu article
9)
« Art. 10. Le traitement de réforme des officiers
de tout grade et de toute armes est fixé est à la moitié de celui de
non-activité. »
- Adopté.
Article 11 (devenu article
10)
« Art. 11. Les officiers en disponibilité, en non-activité
et en réforme, restent soumis à la juridiction militaire et aux ordres du
ministre de la guerre. »
M. Gendebien. -
Messieurs, je ne comprends pas comment, avec une constitution qui garantir la
liberté à tous, on veuille soumettre à la juridiction militaire, et surtout aux
ordres et aux caprices d’un ministre de la guerre, les officiers en
non-activité et surtout les officiers en réforme.
Savez-vous ce que c’est que de mettre les officiers
dans la juridiction militaire, que de les soumettre aux caprices, au bon
plaisir d’un ministre ? Un malheureux officier à demi-solde, un officier de
cavalerie, d’artillerie, du génie, d’infanterie, aura 740 fr., s’il est en
non-activité ; et la moitié ou 370 fr., s’il est en réforme ; ce n’est pas là
une existence.
Eh bien, en vertu de l’art. 11 du projet, on
l’enverra dans une forteresse, ou dans une ville quelconque du royaume qu’il
aura pour prison, sous le poids d’une véritable lettre de cachet ; et on veut
que cet officier vive avec 740 fr., ou avec la moitié de 740 fr,, avec 370 fr.
On agira ainsi ; on exécutera la loi dans ce sens ; car c’est ainsi que l’on
opère sans loi, c’est ainsi que l’on opère aujourd’hui. En effet, messieurs, un
médecin est mis en non-activité ou au traitement de réforme ; il désire aller
habiter telle ville où il avait avant d’entrer au service une clientèle, ou
bien où il espère se faire une clientèle ; on le relègue dans une autre ville,
et on lui déclaré que s’il la quitte, même pendant 24 heures, il sera mis en
prison ; on lui refuse tous les moyens de se faire une existence indépendante,
on veut qu’il végète toute sa vie, qu’il soit toujours à charge du trésor.
Il ne peut sortir de la ville qu’avec l’agrément du
commandant de place ; et celui-ci à l’ordre de ne jamais lui donner la
permission de sortir de la prison qu’on lui a assignée sans jugement et presque
toujours pour des torts imaginaires.
Et cet officier qui s’est permis cet acte
arbitraire, odieux, je dois le dire, c’est un officier qui doit la vie
précisément à l’officier à qui il a fait cette réponse ; c’est l’officier qui
aurait été pendu, si les patriotes ne l’avaient pas défendu ; c’est l’officier
qui doit l’avancement à la révolution ; voilà comment cet officier traite un
honorable capitaine de l’armée qui, en définitive, n’a d’autre reproche à se
faire que de s’être opposé à des violations de règlement et à des abus.
On ne permet pas aux officiers de rentrer dans leur
famille ; on a la prétention de leur assigner un domicile, quelle que soit leur
position sociale ou de famille.
Monsieur le ministre des finances a parlé
d’économie ; si vous voulez économiser réellement les deniers du trésor,
laissez aux officiers en non-activité ou en réforme la faculté de reprendre leur
ancien état ou de s’en créer un.
Comment voulez-vous qu’ils s’en créent un, si vous
les soumettez au régime militaire, et au régime odieux des lettres de cachet,
car ce sont de véritables lettres de cachet ?
Je connais tel officier gravement blessé, auquel le
climat des Flandres est pernicieux ; eh bien, on l’a relégué dans les Flandres
; il a beau réclamer ; on ne lui répond même pas.
Mais pouvez-vous, en présence de l’art. 7 de la
constitution, en agir ainsi ? Cet article porte :
« La liberté individuelle est garantie, Nul ne
peut être poursuivi qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge qui doit être
signifiée au moment de l’arrestation, ou au plus tard dans les 24
heures. »
Eh bien, la loi que nous
discutons, garantit si bien la liberté individuelle de l’officier, qu’il ne
peut sortir d’une ville qui lui été assignée pour domicile, et qu’on
l’emprisonne arbitrairement quand il en sort. Quelle loi a fait un crime à un
citoyen quelconque d’user de sa liberté, de sortir d’une ville et de se
promener paisiblement dans tout le royaume ? Il n’y a même pas de règle qui
indique le temps qu’il doit passer en prison.
J’avoue, messieurs, que lorsque j’ai signé la
proclamation à l’armée dans laquelle le gouvernement provisoire a reconnu les
droits de citoyens aux officiers et soldats, je ne croyais pas que le
gouvernement, qui viendrait recueillir les fruits de la révolution, se
permettrait des actes aussi odieusement arbitraires, et qu’il demanderait à une
chambre, produit de cette évolution, de consacrer en loi un arbitraire aussi
intolérable.
Il pourra en être de ces observations comme de
beaucoup d’autres que je vous ai soumises sans succès ; j’ai rempli mon devoir
envers mes commettants, c’est à vous à voir ce que vous avez à faire pour
accomplir le vôtre.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, il y a aujourd’hui en
non-activité 127 officiers de tout grade. Je conviens que dans ce nombre il
s’en trouve 6 à 8 à qui l’on a assigné une résidence, mais ils ont le droit de
demander et d’obtenir des permissions, et je les accorde volontiers à ceux que
des affaires mettent dans l’obligation de quitter momentanément la résidence
qui leur est assignée.
Quand un officier est mis en non-activité, je lui
demande assez ordinairement où il veut se retirer, pour lui faire tenir le
paiement de son traitement.
Quand l’arrêté qui prononce sa mise en non-activité
lui assigne en même temps une résidence, il est obligé de s’y rendre, c’est une
mesure disciplinaire ; et la juridiction de la haute cour militaire a reconnu
que le ministre de la guerre avait le droit de fixer un domicile à celui qui
recevait un traitement du gouvernement.
Au reste, je le répète, ceci n’est qu’une mesure
exceptionnelle ; car presque tous les officiers en non-activité sont dans le
sein de leur famille, ou dans la résidence qu’ils ont choisie.
M. Gendebien. -
M. le ministre de la guerre a dit qu’il n’y avait que 6 à 8 officiers en
non-activité qui eussent une résidence fixe. Pour moi, j’en connais quinze au
moins, et je suis persuadé qu’il y en a un beaucoup plus grand nombre, à moins
que depuis fort peu de temps le ministre se soit relâché de sa sévérité pour
mieux accomplir ses desseins.
On a dit qu’on ne refusait jamais aux officiers la permission
de s’absenter de la résidence qui leur avait été assignée ; els bien, ce matin
encore un officier de santé m’a dit que jamais on n’avait voulu lui accorder
l’autorisation de venir à Bruxelles, où il espérait se faire une clientèle. On
n’a refusé, dit-on, aucune autorisation ! et on l’a
refusée à tout le monde.
Le ministre de la guerre dit qu’on assigne des
résidences pour le paiement des traitements ; je conçois que pour l’ordre de la
comptabilité on demande à l’officier d’indiquer son domicile, tout citoyen doit
avoir un domicile, mais ce n’est pas l’officier qui l’assigne, on veut avoir le
droit de le lui désigner.
Rappelez-vous les officiers de cuirassiers qui ont
été mis en non-activité, vous savez pour quelle grave circonstance, parce
qu’ils ne voulaient pas donner leur parole d’honneur qu’ils n’écrivaient pas
dans les journaux. L’un d’eux a été résigné à Charleroy ; il avait des affaires
de famille à terminer à Huy (siège de sa famille), et comme on ne lui permit
pas de quitter Charleroy, il prit le parti de s’absenter sans permission, et il
a subi pour ce fait je ne sais combien de jours de prison. Ces faits,
messieurs, ce n’est pas de l’officier que je les tiens, mais d’un honorable
habitant de Charleroy. Je crois cette précaution nécessaire, car mes paroles
pourraient aggraver la position de cet honorable officier.
Mais, messieurs, il ne faut pas se faire illusion,
ce sont des mesures beaucoup plus acerbes que celles de la surveillance de la
haute police qui ne s’exercent que contre les plus grands criminels ; le
gouvernement, convaincu des abus de la surveillance de la haute police, l’a
supprimée, et maintenant on exerce cette surveillance de haute police envers
d’honorables Belges qui n’ont souvent d’autre tort que celui de déplaire.
Messieurs, le vagabond ou
le criminel, qui sort des bagnes après 15 ou 20 ans de séjour dans ces lieux
d’immoralité, était obligé, avant la révolution, de se présenter à la police à
des jours déterminés ; mais au moins on le laissait libre dans une certaine circonscription,
on le laissait libre de pourvoir à sa subsistance.
Mais il suffit d’avoir été officier de l’armée
belge et surtout d’avoir été un officier de la révolution, pour être jugé digne
d’un traitement plus rigoureux que celui qu’on fait subir au forçat libéré ;
car d’après le projet même de M. le ministre de la justice, le forçat qui
habite une ville forte quelconque n’est pas interdit de la faculté de sortir de
la ville seulement. Il lui est interdit de s’écarter d’un certain rayon.
Mais au moins quand il a satisfait aux exigences de
la loi il peut sortir de la ville quand bon lui semble. Eh bien, un officier ne
le peut pas.
Je demande si ce n’est pas odieux. C’est cependant
ainsi que les choses se passent aujourd’hui sans loi ; que fera-t-on quand on
pourra s’appuyer de l’assentiment de la législature.
M. F. de Mérode. - Si des officiers ont
été mis en non-activité, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas voulu déclarer
qu’ils n’ont pas écrit dans les journaux purement et simplement mais parce
qu’ils n’ont pas voulu déclarer qu’ils n’ont pas écrit dans les journaux contre
leur colonel.
Mais les observations du
préopinant s’appliquent à tous les militaires quelconques ; car l’état
militaire est un état d’assujettissement particulier. Si vous allez comparer
les libertés des citoyens de l’état civil avec les libertés des militaires,
jamais vous ne trouverez rien qui ne soit tout à fait extraordinaire et qui ne
paraisse en quelque sorte intolérable.
Le forçat libéré est beaucoup plus libre que le
soldat ; celui-ci est enfermé dans une caserne ; il est obligé de rentrer à 8
heures à la caserne, et il ne peut pas en sortir sans permission.
L’assujettissement du forçat libéré est donc plus grand que celui du soldat.
Cependant personne ne plaint la position du soldat. Cette position est pénible
pour ceux qui ne la prennent pas volontairement. Mais l’officier qui s’engage
dans l’état militaire sait à quel assujettissement il se soumet.
Si tous les chefs étaient aussi barbares, aussi capricieux
que le dit M. Gendebien, alors personne ne voudrait plus s’engager dans l’état
militaire, s’ils étaient par exemple tous aussi barbares, aussi capricieux que
l’est M. le ministre de la guerre. (Hilarité
générale.)
Mais malgré tous ces prétendus caprices, tontes ces
prétendues barbaries des chefs, je pense que nous ne manquerons jamais
d’officiers ni de soldats.
M. Gendebien. -
Je ne commettrai pas l’inconvenance que vient de faire le ministre d’Etat comte
Félix de Mérode, en comparant un soldat à un forçat libéré. (Dénégation au banc des ministres.)
Je prie. MM. les ministres de ne passe montrer
aussi susceptibles et de me laisser achever ma pensée. Je ne me permettrai pas les
inconvenances qu’a dites leur collègue, le ministre d’Etat comte Félix de
Mérode pour justifier la disposition contre les officiers en non-activité. Il a
dit qu’il y avait pour le forçat libéré plus de liberté que pour le soldat, que
le forçat libéré devait être nécessairement plus libre que le soldat. Je ne
commettrai pas une telle imprudence. C’est d’ailleurs une absurdité.
Le soldat est assujetti à faire son service ; il
doit se rendre à l’heure à la caserne ; cela doit être nécessaire pour l’ordre.
Mais quand il a fini son service il doit être libre comme tout autre citoyen
qui a rempli les devoirs de sa position, et il l’est en effet.
M. de Mérode dit qu’un assujettissement est
nécessaire, et qu’un officier sait quand il entre dans la carrière militaire
qu’il s’assujettit à tous les devoirs de la discipline, Oui, mais il ne se
condamne pas à la privation de la liberté.
Le bœuf attaché à l’écurie est aussi un être
assujetti. Mais au moins, dans son assujettissement, on lui donne la nourriture
qui lui est nécessaire. Tandis que l’officier que vous mettez à la portion
congrue que je qualifierai de portion très incongrue, à 370 francs par an,
comment voulez-vous qu’il se nourrisse avec cette portion congrue ?
Mais si vous ne lui donnez pas les moyens de se
nourrir, ne lui refusez pas au moins les moyens de se procurer lui-même sa
nourriture. Ceci est vraiment plus que de l’assujettissement.
Un officier, aussi bien
qu’un soldat, est assujetti aux règles de la discipline, il est obligé de se
lever de grand matin en été d’aller à la manœuvre, puis de faire la théorie, de
suivre lui-même la théorie ; il a à commander la grande garde, comme le soldat
est obligé de monter sa garde, d’aller à l’exercice ; enfin ils sont assujettis
à tous ces devoirs rien de plus juste ; cet assujettissement leur donne le
droit de recevoir au bout du mois une solde qui fournit à tous leurs besoins.
Et quand ils ont rempli leurs devoirs ils ont le droit de jouir des mêmes
libertés que les autres citoyens.
Ici on veut priver les
officiers d’une semblable liberté et des moyens de se procurer le nécessaire.
Car, en assujettissant l’officier à résider dans un lieu déterminé, vous le
mettez dans l’impossibilité de chercher un état, de se procurer une position
indépendante, à moins qu’il ne secoue le joug auquel vous l’avez soumis.
Je crois avoir répondu au préopinant, et rien, dans
ce que j’avais dit, n’autorisait les observations saugrenues qu’il a
présentées.
M.
F. de Mérode. - Je ne rentrerai pas dans la discussion. Je me borne à
déclarer que je n’ai pas comparé le soldat au forçat libéré. Une telle
allégation ne vaut pas la peine qu’on y réponde.
M. Gendebien. -
Vous avez dit que le soldat était moins libre que le forçat libéré.
M. F. de Mérode.
- Oui, il est moins libre.
(Moniteur
belge n°144-145, des 23 et 24 mai 1836) M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Evidemment notre
honorable collègue n’a voulu faire aucune comparaison injurieuse pour le soldat
; mais il a fait une observation qui est juste ; il a dit que le soldat a des
devoirs plus rigoureux à remplir, et que sous ce rapport il est peut être moins
libre de sa personne que les hommes qui ont subi des administrations
judiciaires. On peut en dire autant d’hommes dans une position beaucoup plus
élevée que celle du soldat. Cela n’a donc rien d’injurieux pour le soldat.
(Moniteur
belge n°143, des 22 mai 1836) M. Rogier. -
Je dois également prendre la défense de l’honorable M. F. de Mérode. S’il a parlé de forçats libérés, il y a été amené
par la comparaison qu’a faite M. Gendebien ; c’est lui qui a établi une
comparaison entre l’officier et le forçat libéré ; de même que tout à l’heure
il a fait une comparaison entre le bœuf et l’officier. (On rit.)
S’il y a inconvenance dans la comparaison,
l’inconvenance est partie du banc du préopinant. M. de Mérode n’a fait que
relever le mot jeté par son honorable contradicteur.
Je finirai par une
observation qui, si elle n’a pas été faite dans cette assemblée, n’aura pas
manqué de frapper vos esprits. On représente toujours les militaires comme des
victimes soumises à des exceptions très barbares. Mais, messieurs, les
exceptions dans lesquelles vivent les membres de la société appartenant à
l’armée, sont de véritables privilèges comparés à la position des
fonctionnaires civils qui sont toujours sous le coup des destitutions. Je
prévois l’objection que l’on me fera. Le militaire consacre sa vie et son sang
à la patrie, à laquelle il l’offre en sacrifice. Heureusement que les occasions
de faire ces sacrifices deviendront de jour en jour plus rares. Mais vous
assurez un sort à ces militaires, à ces fonctionnaires d’une qualité
particulière et privilégiée. Ce ne sont donc pas des victimes comme vous nous
les représentez.
Les fonctionnaires de l’ordre civil, au contraire,
n’ont pas besoin de commettre des actes de désobéissance ou des excès graves
pour être destitués. Ils sont soumis au bon plaisir de leurs supérieurs. Le
ministre renverra le gouverneur, le gouverneur son chef de division, comme ils
le jugeront convenable. Car jusqu’à présent, la législature n’a pas songé à
assurer des garanties aux fonctionnaires publics.
Cependant est-ce que les ministres ont abusé du
pouvoir illimité qu’ils ont sur leurs employés ? Non certainement.
Cessez donc de représenter les officiers comme des
victimes. Leur position est une position privilégiée vis-à-vis de la position des
fonctionnaires civils. Je ne demande pas qu’on la leur enlève. Mais je désire
seulement que l’on ne la perde pas de vue.
M. Gendebien. -
Je proteste hautement contre la supposition que l’on a faite que c’était moi
qui avais fait le premier la comparaison ; j’ai dit que la disposition du
gouvernement rendait les officiers en non-activité moins libres que des forçats
libérés, et je l’ai prouvé. M. de Mérode a trouvé cette position toute simple,
et pour le faire concevoir, il a démontré que les soldats eux-mêmes étaient
moins libres que les forçats libérés. Il a donc bien fait la comparaison,
tandis que moi je me suis attaché à démontrer qu’il résultait du projet que les
officiers en non-activité seront moins libres que les forçats libérés ; j’ai
fait ressortir l’iniquité de la disposition ministérielle, et je me suis borné
à dire qu’elle plaçait les officiers dans une condition pire que celle des
forçats libérés.
Un honorable membre a dit que la position
exceptionnelle des officiers est un véritable privilège. Oui, sans doute, c’est
un privilège pour les officiers de notre armée que d’être mis en charte privée,
que d’être placés sous le poids de lettres de cachet, avec 360 fr. pour vivre.
Oui, c’est un privilège, mais un privilège odieux, déshonorant, une conception
digne de nos gouvernants. On nous a dit qu’un ministre, un gouverneur peuvent
destituer leurs inférieurs, selon leur bon plaisir ; les officiers du parquet
peuvent être destitués. Mais en les destituant, ils leur laissent la liberté,
la faculté de vivre, tandis que les officiers...
M. Rogier. - Ils
n’ont qu’à donner leur démission.
M. Gendebien. -
Laissez-moi achever ma pensée. Un commis, un chef de division, un officier du
parquet a des connaissances usuelles qui lui permettent bientôt de pourvoir par
lui-même aux besoins de la vie. Mais un officier qui a été militaire pendant
15, 20 ans, ne peut parvenir à se procurer des moyens d’existence qu’au bout
d’un certain temps. Car, vous le jetez dans une sphère toute nouvelle pour lui.
Et par votre disposition, vous lui fermez tous les moyens d’entrer dans une
nouvelle carrière. Vous lui interdisez la faculté de se préparer des moyens
d’existence.
- L’article 11 est mis aux voix et adopté.
Motion
d’ordre
M. Liedts. -
L’honorable rapporteur de la section centrale a demandé que l’on ne fît qu’une
loi des deux lois. Je n’ai pas entendu que M. le ministre ait répondu à cette
interpellation.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je répondrai après la discussion de la loi sur la perte
des grades.
M. le président. -
Le jour du second vote de la loi qui vient d’être votée sera fixé
ultérieurement.
_______________
M. le président. -
M. le ministre de la justice vient de me faire parvenir les renseignements sur
les demandes en naturalisation. Ils seront renvoyés à la commission des
naturalisations.
VERIFICATION DES
POUVOIRS D’UN MEMBRE DE
M. le président. -
J’ai reçu également les pièces relatives à la nomination de M. Goblet ; il va
être procédé par le bureau à la formation de la commission d’examen par la voie
du sort.
Les membres de cette commission sont : MM. C.
Vuylsteke, Heptia, Eloy de Burdinne, Fallon, Scheyven, A. Rodenbach, Rogier.
- La séance est levée à 4 heures et demie.