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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 21 avril 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux primes pour
constructions de navires (de Foere) et à la
construction d’une route par l’Etat (A. Rodenbach)
2) Projet
de loi modifiant les limites de plusieurs communes
3) Projet
de loi accordant un subside à la fabrique de soie d’Andenne
4)
Proposition de loi relative aux travaux aux rives de la Meuse dans le Limbourg
(de Renesse, Scheyven,
(+communications terrestres dans le Limbourg et convention de Zonhoven) Simons, Verdussen, A. Rodenbach, de Theux,
(+wateringues) Desmet, Simons, Verdussen, de Theux)
5)
Rapports sur des pétitions relatives aux droits sur les tulles (Zoude, Smits, d’Huart),
à la taxe sur les chevaux (contribution personnelle) (Zoude,
d’Huart, Jullien, d’Huart, Gendebien, Jullien, d’Huart), aux droits des étrangers, aux droits sur les chiffons
(industrie du livre et du papier) (d’Huart, Smits), aux droits sur les os (Zoude, Smits), à l’art de guérir (+ophtalmie militaire) (Ernst)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°113, du 22 avril 1836 et Moniteur belge n°114, du 23 avril 1836)
(Moniteur belge
n°113, du 22 avril 1836) M. Dechamps
procède à l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Dechamps fait
connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Fastraets,
à Bruxelles, propriétaire d’une maison incendiée dans les journées de
septembre, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux
indemnités. »
________________
« Le sieur E. Gilliodts
fils, constructeur de navires, demande qu’il soit introduit dans la loi sur les
primes pour la construction des navires une disposition qui accorde des primes
pour des navires construits depuis un certain temps. »
________________
« La régence de Passchendaele
demande un subside pour l’empierrement d’une distance d’environ une lieue et
demie dans l’ancien chemin vicinal d’Ypres vers Roulers. »
________________
M. Dequesne demande un congé de cinq
jours.
- Accordé.
M. Andries demande un congé de huit jours pour motif de
santé.
- Accordé.
________________
M. de Blargnies informe la chambre que son
état de santé l’empêche de se rendre à son poste.
________________
M. de Foere. -
Parmi les pétitions qui viennent d’être analysées, il en est une qui a rapport
au projet de loi concernant les primes pour constructions navales.
Je demande qu’en attendant la discussion de ce
projet, la pétition reste déposée sur le bureau.
- Cette proposition est adoptée.
________________
M. A. Rodenbach.
- A l’occasion de la pétition de la régence de Passchendaele,
je demande que la commission des pétitions soit invitée à nous présenter un
prompt rapport sur cette pétition, ainsi que sur toutes celles qui nous ont été
adressées antérieurement sur le même objet, et qui n’auraient pas encore été
rapportées.
Messieurs, nous avons voté hier un emprunt de 6
millions pour construction de routes nouvelles ; il est donc urgent que le
rapport dont je parle soit fait le plus tôt possible, pour que le ministre
puisse connaître toutes les pétitions qui ont été adressées à la chambre
relativement aux routes.
- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES
LIMITES DE PLUSIEURS COMMUNES
M. de Nef et M. Mast de Vries
déposent sur le bureau leur travail relativement à la séparation de diverses
communes.
PROJET DE LOI OCTROYANT UN
SUBSIDE A LA FABRIQUE DE SOIE D’ANDENNE
M. Manilius,
rapporteur de la commission d’industrie, dépose sur le bureau le rapport sur la
demande d’un crédit de 139,682 fr. 53 c., pour
compléter la mise sociale dans la société W. Yates et compagnie à Andenne.
- Ce rapport sera imprime et distribué. La
discussion en sera fixée ultérieurement.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE AUX TRAVAUX AUX RIVES DE LA MEUSE DANS LE LIMBOURG
Discussion générale
M. le président. -
Voici la proposition qui a été présentée par M. de Renesse :
« Il est ouvert au département de l’intérieur
un crédit de 40 mille francs pour travaux à exécuter aux rives de la
Meuse. »
M. de Renesse.
- Messieurs, la demande de crédit, que j’ai eu l’honneur de proposer pour
travaux à exécuter à la Meuse, ayant été fortement combattue dans une séance
précédente par un honorable membre qui chaque année s’est opposé à cette
allocation au budget de l’intérieur, je crois devoir répondre à quelques
passages de son discours.
Il semble révoquer en doute que la navigabilité de
ce fleuve est compromise par le défaut de l’entretien de ses rives et de ses
chemins de halage, et s’appuyant sur le rapport d’un ingénieur chargé de
vérifier, par ordre du précédent ministre de l’intérieur, la situation de cette
navigation. Il prétend que les travaux, dont la nécessité a été reconnue alors,
n’avaient presque exclusivement pour objet que la conservation des propriétés
riveraines.
Si je suis bien informé, cet ingénieur a été chargé
de constater l’état de la Meuse dans une saison où les eaux étaient très hautes
et hors rives ; il lui était alors impossible de faire un rapport exact sur la
véritable situation des chemins de halage, et si la navigation était dangereuse
; si l’on s’était adressé à l’ingénieur en chef du Limbourg, si ce
fonctionnaire eût été charge de fournir les renseignements sur la navigabilité
de la Meuse, il est probable que le rapport eût été de tout autre nature ; il
aurait prouvé à l’évidence que la navigation devenait chaque année plus
dangereuse, et était interrompue pendant plusieurs mois de l’année par suite du
défaut d’entretien des chemins de halage, qui, s’ils étaient bien entretenus,
serviraient à contenir la Meuse dans son lit ordinaire ; aussi le premier
rapport de cet ingénieur, inséré dans le Moniteur
du 13 courant, prouve que ce que je viens d’avancer est exact.
L’honorable opposant au crédit que j’ai eu
l’honneur de demander, a dit que jamais les riverains n’ont réclamé un subside
à la législature pour cet objet ; que toujours c’était sur la demande de l’un
ou de l’autre député du Limbourg, qu’un crédit avait été alloué au budget ; il
a même prétendu que la députation des états de cette province, consultée à
l’égard de cette demande de subside, aurait déclaré que la dépense incombait
aux riverains. Je puis affirmer à l’honorable membre qu’il est entièrement dans
l’erreur ; la députation de la province et le gouverneur ont fortement appuyé
la demande de crédit faite par le ministre actuel de l’intérieur, l’honorable
M. de Theux ; le greffier des états a été envoyé ici, avec toutes les pièces
propres à justifier la demande de fonds pour l’entretien de la bonne navigation
de ce fleuve, et la section centrale n’a alloué de crédit qu’après avoir
constaté le droit et l’équité d’accorder à la province un secours en attendant
que l’on pût lui restituer les revenus spécialement affectés à cet entretien.
Quant aux riverains et autres personnes intéressées au maintien de la bonne
navigation, ils se sont adressés chaque année tant à la législature qu’au
ministre de l’intérieur ; encore cette année plusieurs habitants des provinces
de Liége et de Limbourg ont envoyé des pétitions ainsi que la chambre de
commerce de Ruremonde et le conseil communal de Maasbracht
pour obtenir la réparation des chemins de halage et digues de la Meuse ; ces
pétitions ont été renvoyées par la chambre à M. le ministre de l’intérieur. Je
ne citerai qu’un passage de l’une des pétitions, celle des bateliers, pour
prouver que la navigation de la Meuse est, dans le Limbourg, dans la plus
triste situation ; ils s’expriment ainsi :
« De tout temps la Meuse, dont le cours est
très rapide, a fait des dégâts considérables aux digues et par suite aux
chemins de halage, qui nécessitaient de grandes réparations. Dès 1830 jusqu’en
1834, les dégâts ont augmenté d’une manière effrayante, surtout par le défaut
d’entretien des rives ; depuis, des réparations ont eu lieu en quelques
endroits ; mais elles sont loin d’être suffisantes pour garantir la navigation.
En effet, messieurs, par des éboulements continuels des bords, le lit de la
Meuse a gagné en largeur, mais a perdu en profondeur ; en d’autres endroits, il
s’est formé des îlots au milieu de cette rivière, et des atterrissements
considérables, de sorte que déjà, pendant une grande partie de la bonne saison,
elle n’est plus navigable, tandis qu’en tenant, au moyen de réparations, les digues
et bords en bon état les chemins de halage seraient infailliblement moins
mauvais ; la Meuse qui resterait concentrée dans le lit, conserverait plus
infailliblement son cours, et de l’eau suffisante pour la navigation, pendant
la plus grande partie de l’année. »
Les pétitionnaires indiquent ensuite les localités
où les réparations sont les plus urgentes.
J’ai réclamé un crédit de 40,000 fr. pour travaux à
la Meuse, étant convaincu que le rapport de l’ingénieur chargé d’examiner la
situation de la navigation de la Meuse dans le Limbourg, ne pourra être achevé
assez à temps pour que la législature puisse en prendre connaissance, et voter
cette année les fonds nécessaires pour rétablir la bonne navigation et pouvoir
faire les ouvrages dans la bonne saison, où le peu de hauteur des eaux permette
de les faire d’une manière solide.
L’on ne peut assujettir la province du Limbourg à
faire seule la dépense de l’entretien des chemins de halage, lorsque, par le
fait même du gouvernement et des chambres, elle a dû renoncer à des revenus
spécialement affectés à cet entretien par un arrête royal du 17 décembre 1819.
Avant cette époque, le
gouvernement, conformément aux lois et règlements sur cette matière, était
chargé seul du maintien en bon état des chemins de halage. Certes, personne ne
contestera que les fleuves et rivières, navigables ou flottables, ne sont plus
considérés comme dépendent du domaine public, que par conséquent il incombe
encore à l’Etat de rétablir ces chemins de halage, et de détruire les entraves
qui empêchent la bonne navigation ; l’on ne peut forcer la province ou les
riverains de supporter seuls cette charge. Si, sous l’ancien gouvernement, la
province a été chargée de cet entretien, elle avait reçu à cet effet une partie
des revenus de la Meuse ; maintenant qu’elle n’en jouit plus, il serait inique
de lui imposer cette charge extraordinaire.
Sous le gouvernement des Pays-Bas, des secours
extraordinaires étaient parfois accordés aux communes ; et il est de ma
connaissance que celle d’Obbicht a reçu
au-delà de 20,000 florins pour la formation de digues contre la Meuse, qui
menaçait de la submerger. Je regrette de ne pouvoir citer les différents
arrêtés qui depuis 1819 ont accordé à la province des secours extraordinaires,
malgré qu’elle avait la jouissance des droits de péages ; comme les archives
provinciales sont à Maestricht, je n’ai pu me les procurer.
M. le ministre de l’intérieur actuel reconnaît
l’urgence et la nécessité de faire des réparations à la Meuse ; il déclare que
les fonds alloués jusqu’ici sont insuffisants ; que pour constater la véritable
situation de la navigation, il faut d’urgence un travail général ; mais le
rapport ne lui était point parvenu, il n’a pu préciser la somme nécessaire à
porter au budget, pour faire les réparations indispensables ; de là on voudrait
ajourner ma proposition, et attendre le rapport de l’ingénieur chargé de ce
travail. Je ne puis admettre cet ajournement, persuadé que ce travail, très
difficile à exécuter, ne peut être terminé dans un bref délai, et qu’il ne
pourra être livré à M. le ministre que vers la fin de l’été ; alors la
législature ne sera plus assemblée, des fonds ne pourront plus être accordés
pour faire les réparations les plus urgentes dans la bonne saison de cette
année. Je suis d’ailleurs convaincu que si le rapport de l’ingénieur est
communiqué à la chambre, et déjà le premier rapport le prouve, il sera
clairement démontré que des secours plus forts sont indispensables pour
rétablir les chemins de halage, et rendre la navigation praticable ; en
attendant, je crois devoir persister dans ma demande d’allocation de la somme
de 40,000 fr., pour mettre le gouvernement en état de faire les réparations les
plus nécessaires aux chemins de halage et empêcher de plus grands dégâts.
M. Scheyven. -
Messieurs, la question dont la chambre est saisie n’est pas neuve ; déjà à
plusieurs reprises elle a eu à s’en occuper, et chaque fois, par le vote d’une
allocation de fonds pour les constructions à faire aux rives de la Meuse, elle
a reconnu la justice de notre demande ; j’aurais donc pu m’abstenir de prendre
part à la discussion dans la confiance qu’elle resterait conséquente dans ses
décisions antérieures, mais comme quelques-uns de nos honorables collègues ont
soutenu que l’Etat n’est pas tenu aux frais de ces constructions et
réparations, j’ai cru de mon devoir de soumettre quelques réflexions à
l’assemblée pour prouver que c’est en conformité des lois et arrêtés sur la
matière et d’après les principes de la justice que l’Etat doit supporter cette
charge.
Chacun de vous, messieurs, sait que la Meuse,
rivière navigable, est une propriété de l’Etat ; l’art. 538 du code civil est,
du reste, positif à cet égard, puisqu’il déclare dépendances du domaine public,
tous les fleuves et rivières navigables ; dès lors tout ce qu’elle contient ou
produit, appartient à l’Etat : c’est ainsi qu’il a le droit de pêche, que les
îles, îlots et atterrissements qui se forment dans ce fleuve sont sa propriété,
et qu’il a les droits de péage et de passage ; les propriétaires riverains
n’ont aucun droit sur la Meuse, pas même celui d’y faire des prises d’eau, que
la loi du 6 octobre 1791 sur la police rurale leur avait donné, mais que l’art.
644 du code civil leur a retiré ; au contraire, ils sont tenus aux termes de la
loi de laisser le marchepied ou chemin de halage ; mais cette servitude à
laquelle ils sont soumis, est aussi la seule charge qui leur est imposée.
Je ne pense pas que l’on voudra soutenir que de ce
qu’ils doivent abandonner de leur terrain la partie nécessaire qui, à ce que je
pense, est de 16 pieds, pour le chemin de halage, ils devraient aussi le
construire ou l’entretenir, car ce serait aller au-delà des vœux de la loi,
qui, si elle avait voulu en faire un devoir aux riverains, aurait dû le dire
expressément : du reste tous les auteurs qui ont écrit sur la matière, sont
aussi d’accord à cet égard ; ils n’en ont seulement pas fait une question.
Cependant le gouvernement est resté en défaut de
satisfaire à ce devoir que la loi lui impose. C’est aussi vrai que dans toute
l’étendue du Limbourg, que la Meuse parcourt, il n’y a plus de chemin de halage
en bon état de réparation ; de là est résultée, en partie, la détérioration
considérable aux rives ; si le gouvernement avait toujours eu soin de faire
faire les travaux nécessaires pour les halages, les riverains n’auraient pas eu
tant de pertes à essuyer ; plusieurs propriétaires, dont le terrain sert
maintenant de lit à la rivière, le posséderaient encore.
Dans des discussions antérieures qui ont eu lieu
sur cet objet, l’on a soutenu qu’il était juste que les riverains soient tenus
aux travaux nécessités pour des rives des fleuves et rivières navigables, parce
que les alluvions qui se forment vers les rives deviennent la propriété des
riverains ; car, a-t-on dit, celui qui jouit des avantages doit aussi supporter
les charges. J’admets le principe que celui qui profite des avantages doit
aussi avoir les charges ; mais je ne puis admettre la conséquence qu’on a voulu
en tirer ; en effet, est-ce celui aux propriétés duquel les réparations doivent
se faire, qui profite des alluvions ? Evidemment non ; c’est, au contraire, lui
qui perd de son terrain que le torrent enlève, et au détriment de qui
l’alluvion se forme sur l’autre bord, qui supporterait les frais de ces travaux
: d’ailleurs, la loi impose une charge aux riverains pour l’avantage qu’ils
peuvent tirer des alluvions, car elle dit en termes exprès que l’alluvion
profite au propriétaire riverain à la charge de laisser le marchepied ou chemin
de halage ; on ne peut donc lui en imposer d’autre que celle qui résulte de la
loi ; du reste, qu’on entretienne les halages et les rives en bon état, et les
alluvions deviendront très rares pour ne pas dire impossibles. Mais sont-ce là
les seuls avantages qu’on retire de la Meuse ? Certainement non. L’Etat ne
jouit-il pas d’autres très considérables, les îles, les îlots et
atterrissements qui se forment dans la rivière au grand préjudice du riverain,
ne deviennent-ils pas sa propriété ? N’a-t-il pas, ainsi que je l’ai déjà dit,
les droits de pêche, les droits de passage et de péage qui, ensemble,
rapportaient annuellement entre les 60 et 70,000 fr. ? La navigation même
n’est-elle pas d’une utilité pour tout le pays ? Les riverains en retirent-ils un
avantage exclusif. Tous les avantages retournent donc au profit de l’Etat, au
profit du pays ; il est donc juste aussi qu’il supporte les charges des
constructions, alors surtout que l’intérêt de la navigation les réclame,
qu’elles sont nécessitées pour conserver la navigabilité.
Si la Meuse profitait exclusivement aux riverains,
ou si les produits leur appartenaient, je concevrais qu’ils seraient tenus au
moins à une partie de ces travaux ; mais alors qu’ils n’en retirent rien,
qu’ils n’en jouissent que comme le reste de la Belgique, et que c’est surtout
dans l’intérêt de la navigation que ces réparations seront faites, il serait
injuste, me semble-t-il, de les faire supporter par eux. Il ne sera pas
difficile à démontrer que les travaux à faire tendent à assurer la
navigabilité. C’est par l’éboulement continuel des bords que le cours de la
rivière, qui est très rapide, est cause qu’elle s’est étendue en largeur, et
que maintenant, pendant une grande partie de l’année, quand les eaux sont
basses, elle n’est plus navigable à cause de la trop grande largeur du lit ;
c’est aussi au moyen des travaux aux rives, au moyen de freinages, que l’on
peut prévenir ces éboulements, préserver ses bords et empêcher par là la Mense
de s’étendre davantage.
Il est à craindre que si ces réparations ne sont
pas faites, la navigation sera bientôt perdue dans la province du Limbourg. Ne
croyez pas, messieurs, qu’il y a de l’exagération en ce que j’avance, les faits
sont trop patents pour ceux qui ont vu les localités pour en douter un instant
; aussi les bateliers de la province de Liége et de Limbourg, naviguant sur la
Meuse, qui, certainement, ne sont pas intéressés à altérer la vérité, vous ont
exposé dans une pétition, adressée récemment à cette chambre, que le défaut
d’entretien des rives ne nuit pas seulement à la navigation, mais la compromet
totalement pour l’avenir.
Ceci vient d’être appuyé par un rapport que
l’ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. de Sermoise,
a envoyé le 8 de ce mois, à M. le ministre de l’intérieur, et qui a été imprimé
dans le Moniteur ; la chambre me
permettra d’en lire un passage :
« La loi du 30 floréal an X a reconnu aussi
que l’Etat était tenu à ces réparations ; cette loi, en établissant un droit de
navigation intérieure, en a affecté les produits aux travaux à faire. Elle dit
dans son article 1er : « Il sera perçu, dans toute l’étendue de la
république, sur les fleuves et rivières navigables, un droit de navigation
intérieure, dont les produits seront spécialement et limitativement affectés au
balisage, à l’entretien des chemins et ponts de halage, à celui des pertuis,
écluses, barrages et autres ouvrages d’art, établis pour l’avantage de la
navigation. »
On a argumenté aussi d’un arrêté royal du 17
décembre 1819, pour établir que la province était tenue de pourvoir à toutes
les dépenses d’entretien et de réparations.
Il est vrai que, dans l’article 4 de cet arrêté, il
est dit qu’il sera cédé et remis à la disposition de l’administration
provinciale, tous les revenus, sans aucune exception, et consistant, soit en
droits de barrière, de pont, d’écluse, de pavé, ou tels autres, sous quelque
dénomination que ce soit, qui ont été perçus jusqu’à ce jour, par le trésor
public, ou qui seront établis dans la suite à l’effet de pourvoir tant aux
frais d’entretien des travaux qu’aux dépenses à faire pour l’accomplissement
des ouvrages déjà commencés dans les différentes provinces, que pour la
construction des ouvrages dont la confection pourrait être autorisée
ultérieurement.
J’observerai d’abord qu’aux
termes formels de cet article, les produits de tous les revenus ont été cédés à
la province ; cependant elle n’a jamais joui que des droits de péage, que du
droit sur la navigation ; elle a toujours prétendu et à juste titre d’après
moi, que les produits des droits de passage lui revenaient ; mais, malgré
toutes les réclamations de la part des états provinciaux, le gouvernement
d’alors s’est toujours refusé à y faire droit.
En exécution de cet arrêté, la navigation fut
soumise à un droit de péage ; cinq bureaux de perception furent établis dans le
Limbourg, dont les recettes, année commune, s’élevèrent de 40 à 50,000 fr.
Depuis 1830, la navigation a été complètement interrompue dans le Limbourg par
la fermeture du passage par Maestricht, de sorte qu’aucun droit n’a pu être
perçu.
Cette interruption a duré jusqu’à l’adoption de la
convention de Londres du 21 mai 1833 qui fit disparaître les entraves mises à
la navigation ; dés lors les bureaux de péage furent rétablis et la perception
eut lieu à partir du premier août suivant. A peine ces bureaux rétablis, le
commerce fit entendre des plaintes qui déterminèrent le ministre de l’intérieur
à inviter les états députés de la province à faire cesser cette perception. La
députation accéda au désir du gouvernement, et par arrêté du 24 août il fut
ordonné que le droit de péage serait aboli. Dans cet
état de choses on ne peut certainement pas prétendre que la province fasse les
réparations à ses frais. Cet arrêté, en imposant une charge à la province, lui
donna aussi les moyens d’y faire face, en lui cédant les produits des revenus ;
aussitôt donc que le gouvernement, par son fait, lui retirait les moyens, il ne
pouvait plus y avoir d’obligation de la part de la province, qui dès ce moment
a été dégagée de toute charge résultant de cet arrêté. J’appuie donc la
proposition faite par l’honorable M. de Renesse, convaincu, comme je le suis,
que la chambre en votant la somme demandée, fera un acte de justice.
M. Simons. -
Messieurs, mon intention n’était pas de reprendre la parole dans cette
discussion. Déjà, à trois ou quatre reprises différentes, d’année en année,
l’objet dont il s’agira fait le sujet de vos méditations. Il a passé
successivement par le creuset d’un examen spécial d’une commission nommée ad
hoc, et chaque fois, malgré l’opposition violente de quelques membres, la
grande majorité de cette assemblée a fait droit à la juste réclamation de la
province qui, j’ose le dire sans crainte d’un démenti, oui, qui seule est la victime
de la révolution.
Pour ceux des honorables membres qui ont accueilli
favorablement les crédits alloués pour les exercices précédents, il devient
sans doute inutile de répéter les considérations qui militent avec tant de
force en notre faveur, et pour les autres, d’après ce qui s’est passé, il est
permis de douter que l’on parvienne jamais à les faire revenir de leur erreur.
Voilà, messieurs, les réflexions qui d’abord
m’avaient déterminé à garder le silence. Cependant comme j’ai pu remarquer, par
quelques discours prononcés dans cette enceinte dans une précédente séance, que
plusieurs membres sont encore dans une ignorance complète en ce qui concerne
l’état des choses dans la province du Limbourg, force m’est bien de revenir de
ma première résolution.
Je n’abuserai pas des moments précieux de la
chambre. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit à satiété par mes honorables
collègues et moi par rapport aux rives de la Meuse. Je n’examinerai pas non
plus la question de droit qui a été si bien traitée par un honorable ami qui
m’a précédé, que je craindrais d’affaiblir les arguments irrésistibles qu’il a
fait valoir. Mon intention est uniquement de jeter un coup d’œil rapide sur la
situation prospère et pleine d’un avenir brillant dans laquelle se trouvait notre
province avant la révolution, pour la comparer à l’état de marasme, d’abandon
complet et d’isolement dans lequel elle se trouve plongée dans le moment
actuel.
Cette comparaison fera ressortir, de la manière la
plus évidente, combien sont justes, combien sont fondées les doléances que nous
nous permettons, quoique rarement, de faire retentir dans cette assemblée. Elle
prouve en même temps que le dédommagement que nous réclamons pour sauver d’une
ruine totale quelques localités menacées d’une destruction, est insignifiant en
présence des pertes immenses et incalculables que la révolution nous fait
essuyer, et, j’ose l’espérer, elle fera revenir une bonne fois nos adversaires
de l’esprit peu favorable qu’ils nous ont montré chaque fois que nous nous sommes
permis d’élever la voix pour réclamer non pas une faveur, mais un acte de
justice.
A l’occasion de la discussion du projet de loi
relatif à la construction du canal de Zelzaete, un honorable membre vous a dit
que les gouvernements qui avaient successivement pesé sur les Flandres avaient
constamment traité cette partie de la Belgique en marâtres, et que toujours
leurs intérêts matériels avaient été sacrifiés aux exigences de la Hollande.
Avec combien de raison ne puis-je pas dire la même
chose de la province à laquelle j’appartiens ! Pour le prouver, je n’aurai pas
besoin de mettre à contribution l’histoire du 12ème siècle. Je n’ai qu’à me
reporter au commencement du 19ème siècle, et les faits qui parleront plus haut
que l’histoire vous montreront ce beau pays, surtout
dans les environs de Maestricht, dans un ilotisme affreux.
Formé d’un assemblage de pays dont chacun
dépendait, pour ainsi dire, d’un souverain particulier, il n’existait dans le
territoire de cette province aucune communication avec les contrées voisines ;
les intérêts des gouvernants presque toujours opposés n’avaient point permis la
confection de chaussées ou canaux. Sans débouchés, le commerce était restreint
à l’importation ; l’industrie manufacturière se bornait aux objets de première
nécessité.
Maestricht, capitale de la province, n’avait, avant
l’époque de 1810, si je ne me trompe, aucune sorte de communication. Ses
habitants étaient, en quelque sorte, enfermés dans cette forteresse comme des
ilotes. Je me rappelle que, pour aller à Aix-la-Chapelle, ville distante de
Maestricht de 6 lieues, il fallait se mettre en route de bon matin pour arriver
à la nuit tombante à destination ; encore s’estimait-on heureux, si l’on avait
pu faire le trajet sans accident, tellement les chemins étaient impraticables.
Une grande partie de l’année, il était presque
impossible de communiquer avec Tongres, qui n’en est éloigné que de trois
lieues, et pour oser entreprendre le voyage jusqu’à St-Trond, il fallait quasi
faire d’avance son testament.
Avec Liége, Ruremonde et Venloo il n’existait
d’autre voie de communication que la Meuse ; et encore le service de la
navigation était tellement mal monté, qu’en montant dans une mauvaise barque à
Maestricht vers les neuf heures du matin, on se félicitait en arrivant sain et
sauf à huit ou neuf heures du soir à Liége.
Voilà le véritable état de situation, sans
exagération, dans lequel s’est trouvée la province du Limbourg, dans les
districts de Maestricht et Ruremonde, jusque vers l’an 1810.
Alors, à force de lutter entre l’égoïsme du
commerce liégeois, et à force des sacrifices pécuniaires énormes, presque
au-dessus des ressources de la localité, une nouvelle ère s’est ouverte pour
cette partie intéressante du pays. Elle a enfin commencé à revire.
D’abord une route pavée fut construite sous le
gouvernement français, de Maestricht à Tongres ; et une autre en cailloutis de
Maestricht à Ventoo dota le pays d’une communication
importante.
Ce n’étaient là encore que de faibles secours apportés
au commerce ; mais la confection d’un canal entre le chef-lieu de notre
province et celui du Brabant septentrional, une grande route pavée de
Maestricht sur Aix-la-Chapelle, étaient des avantages inappréciables pour le
Limbourg, qui lui montraient l’avenir sous l’aspect le plus brillant.
La route sur Aix-la-Chapelle formait le complément
de celle faite sous l’empire, et rendait Maestricht la limite et l’entrepôt
général du commerce entre la Belgique et l’Allemagne. Le canal facilitait nos
relations avec les provinces septentrionales ; il servait de débouché à notre
industrie et facilitait le défrichement des bruyères immenses qui s’étendent
sur ses deux rives. En un mot, nous étions parvenus à nous procurer un système
de communication dont les avantages étaient inappréciables.
Déjà nous commencions à en ressentir les salutaires
effets. Déjà des maisons de commerce de premier ordre venaient s’établir à
Maestricht. Le commerce liégeois, juste appréciateur de la position prospère
qu’il nous avait disputée avec tant d’acharnement, commençait à se fixer dans
cette ville, et bientôt nos prévisions brillantes allaient se réaliser
entièrement lorsque la révolution éclata et nous enleva tout d’un coup ces
avantages immenses pour nous plonger dans un marasme, dans un ilotisme pire que
le premier. Oui, messieurs, je n’exagère pas. Nous avons été privés pendant 3
ans de la navigation de la Meuse. Depuis la révolution, le beau canal du Nord,
qui nous a coûté des sommes immenses, est tout à fait à sec, la belle route de
Maestricht à Aix-la-Chapelle, pour la construction de laquelle la province a dû
faire un emprunt assez important, est pour ainsi dire déserte.
Celle de Tongres à Maestricht est devenue un
véritable cul-de-sac, et finalement celle qui se dirige sur Venloo est de peu
d’utilité. En un mot, par l’occupation par une garnison hollandaise de la
forteresse de Maestricht, qui formait le centre de ce beau système de
communication, et où toutes les routes aboutissaient, nous nous trouvons privés
des fruits immenses de trente années d’efforts inouïs et de sacrifices énormes,
et replongés dans un isolement d’autant plus affreux, d’autant plus sensible
que nous avons goûté pendant quelque peu d’instants la douceur d’une prospérité
qui nous promettait l’avenir le plus brillant.
Voilà, messieurs, je le répète, la véritable
situation du Limbourg sans exagération.
Je le demande maintenant, n’ai-je pas raison de
dire que la révolution de septembre 1830, belle pour toute la Belgique, et qui
promet un avenir bien brillant encore, a, quant à ses intérêts matériels, été
fatale à la province de Limbourg seule. Oui, elle seule est la victime de ce
bel élan populaire, elle paie bien chèrement son émancipation.
En présence de tels faits, elle ne mérite sans
doute pas d’être traitée comme elle l’est dans cette enceinte par quelques
membres, chaque fois que ses représentants, pressés plutôt par la nécessité que
par l’esprit étroit d’intérêt local, viennent élever la voix en sa faveur.
Plutôt que de nous disputer
ce faible dédommagement, admirez plutôt notre modération. Pour notre province
il ne s’agit pas seulement d’un polder submergé, d’un moyen d’écoulement, qui
d’ailleurs n’a toujours été que très précaire, enlevé ; de quelques habitations
dévastées ; non, messieurs, il s’agit chez nous d’une source de prospérité
générale tout à fait tarie.
Il s’agit de tout un système de communications, que
nous nous sommes procurés à grand frais, paralysé.
Et qu’est-ce que nous vous demandons ? Une
misérable allocation de 40 à 50 mille francs, pour compenser le produit des
péages sur la Meuse dont la province a été en possession, et que par votre
fait, par l’adoption du traité du 21 mai, vous nous avez enlevé.
Je ne sais pas comment les honorables membres qui
nous disputent annuellement, avec une espèce d’acharnement, cette faible
indemnité, entendent la justice distributive, la loyauté et la délicatesse,
dont ils ne manquent jamais de faire un étalage pompeux, lorsqu’il s’agit de
l’intérêt de leur localité. Pour moi, j’ai de la peine à concilier ces paroles
avec leur manière d’agir à notre égard.
Heureusement pour nous que la majorité de cette
assemblée sait mieux apprécier les justes doléances des représentants du
Limbourg. Maintenant, parfaitement au courant de la situation déplorable dans
laquelle cette province se trouve plongée, par suite de la révolution, ils ne
balanceront plus à nous accorder la minime indemnité que nous réclamons, non
seulement pour l’exercice courant, mais tant que durera cet état de choses.
Je conjure aussi le gouvernement de se montrer plus
bienveillant à l’égard de cette malheureuse localité, et de porter à l’avenir
d’office à son budget un crédit équivalant à la perte que la province essuie.
Je le prie de ne pas perdre de vue qu’il en a fait la promesse la plus
formelle, lorsqu’il a ordonné à la députation de retirer les bureaux de péages,
que celle-ci venait de rétablir sur la Meuse, peu de temps après le traité de
Zonhoven. J’ai dit.
M. Verdussen. -
Messieurs, depuis plus d’un mois, la chambre est saisie d’un projet à peu près
semblable, du moins quant au fond, à celui qui vous a été présenté par
l’honorable M. de Renesse.
En effet, c’est dans la séance du 14 mars 1836 que
cet honorable membre à présenté un amendement à introduire dans le budget du
département de l’intérieur.
Cet amendement était ainsi conçu :
« Travaux à la Meuse, conformément aux lois et
arrêtés sur la matière : fr. 40,000. »
Ce libellé était conforme en tout point à celui
d’un crédit qui a été accordé par la législature pour le même objet au budget
de 1835.
Mais, messieurs, c’est au moment même où la chambre
pouvait croire que la discussion se porterait sur un semblable libellé, qu’on
vient en présenter un autre, qu’on formule un projet de loi, ainsi conçu :
« Il est ouvert au département de l’intérieur
un crédit de 40,000 fr. pour travaux à exécuter aux rives de la Meuse. »
La demande de crédit a donc changé de forme sous
deux rapports.
En premier lieu, on demandait comme article du
budget ce qu’aujourd’hui on demande par une loi spéciale.
Ce premier changement, au reste, n’est pas fort
important. Mais ce qui me paraît l’être bien davantage, c’est le changement que
l’on remarque dans les termes de la demande.
Dans la première rédaction, on a laissé intacte la
question de savoir à qui incombait la dépense, si elle était à charge de l’Etat
ou de la province, ou des riverains en tout ou en partie.
Il n’en est plus de même du
nouveau libellé qui tranche la question aux dépens de l’Etat.
Ainsi, lorsque nous nous sommes préparés à discuter
la proposition sur les mêmes bases que les années précédentes ; lorsque nous
n’avons pu prévoir qu’on porterait la discussion sur un autre point, nous
sommes inopinément appelés à nous prononcer sur une question ardue, très
difficile, et dont la solution exigerait un examen plus long, plus approfondi.
S’il ne s’agissait, messieurs, que d’accorder pour
1836, une somme de 40,000 francs au même titre que celle qui a été allouée pour
1835, je n’aurais aucune objection à faire ; je serais le premier à voter la
somme, sauf à examiner plus tard si c’est au gouvernement, à la province ou aux
riverains à se charger de la dépense.
Mais, messieurs, lorsque par un simple changement
de mots on prétend faire trancher la question ; lorsque ce changement de mots
semble avoir été prémédité, je pense que tous les membres de l’assemblée
devraient avoir le temps d’examiner la question à fond.
Si on veut la discuter immédiatement, je vous avoue
que je ne suis pas préparé pour cette discussion.
Je crois, messieurs, que si nous accordons
aujourd’hui un crédit sur le même pied qu’en 1835, la province de Limbourg
n’aura pas à se plaindre ; je pense aussi que la question principale doit être
laissée intacte.
Je proposerai un amendement, qui rétablira le
libellé inséré dans le budget de 1835, et ainsi conçu :
« Il est ouvert au département de l’intérieur
un crédit de 40,000 francs pour travaux à exécuter aux rives de la Meuse,
conformément aux lois et arrêtés sur la matière. »
M.
A. Rodenbach. - Nous avons voté il y a trois ans, si je ne me trompe,
63 mille francs, pour réparations aux rives de la Meuse ; nous avons accordé
ensuite 50 mille francs pour le même objet ; l’année dernière il a été alloué
une somme de 40,000 francs ; et l’on demande la même somme pour cette année.
Messieurs, je pense que lorsque nous avons voté ces
diverses sommes, nous l’avons fait à titre d’avance, avec l’intention de
laisser la question indécise.
Je crois me rappeler que M. le ministre de
l’intérieur nous avait promis de faire examiner, par une commission de
jurisconsultes, la question de savoir si c’était aux riverains à se charger de
la dépense.
Je demanderai à M. le ministre si cette question a
été résolue.
Messieurs, en laissant les choses dans l’état où
elles sont, on pourrait venir nous demander pour un terme indéfini des crédits
pour l’objet dont il s’agit.
Je ne refuse pas justice à la province du Limbourg
; je sais que cette province a beaucoup souffert, quoique je pense que le
tableau que nous en a fait l’honorable M. Simons est exagéré. En effet, le
Limbourg est un pays essentiellement agricole ; il y a d’excellentes serres qui
ont une valeur aussi grande que celles des Flandres.
D’un autre côté, le gouvernement fait tous les sacrifices
possibles en faveur de cette province ; nous avons voté hier un emprunt de 6
millions pour la construction de nouvelles routes, et certes le Limbourg, ainsi
que le Luxembourg, ne sera pas oublié dans la répartition de cette somme.
Avant d’émettre un vote sur la proposition de M. de
Renesse, je désire savoir si la somme sera accordée à titre de prêt ou de
subside ; je veux avoir mes apaisements à cet égard ; je ne voudrais pas voter
une espèce d’abonnement de 50 mille francs en faveur du Limbourg.
(Moniteur belge n°114, du 23 avril 1836) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- D’après l’honorable préopinant, il semble que ce soit une espèce d’abonnement
de crédit que les chambres votent tous les ans en faveur de la province du
Limbourg.
Messieurs, ce n’est pas ainsi qu’il faut envisager
la question.
En effet, messieurs, depuis 1830 jusqu’à présent le
Limbourg perd annuellement, du chef de la suppression des péages sur la Meuse,
une somme de 40 à 50 mille francs ; le terme moyen de la perte est au moins de
45 mille francs.
Du reste la chambre n’a pas préjugé cette question
; d’une autre part, quelle que soit notre opinion, nous n’avons pas voulu non
plus dans l’exécution de la loi préjuger la décision à intervenir sur cette
question.
C’est pour ces motifs qu’en 1834 nous avons fait
les réserves nécessaires. Quant à la décision qui interviendra ultérieurement,
nous mettrons sous peu la chambre à même de décider en connaissance de cause.
C’est lorsque nous aurons recours à elle pour obtenir une loi qui exige des
propriétaires riverains leur participation à l’entretien des rives de la Meuse.
La somme de 40,000 francs que l’on alloue annuellement ne suffit pas pour payer
toutes les réparations nécessaires aux rives de la Meuse. Le concours des
propriétaires riverains est nécessaire. Alors seulement un entretien parfait
des rives de la Meuse pourra être obtenu.
Si nous n’avons pas encore présenté ce travail,
c’est que le rapport de l’ingénieur chargé de l’entretien ne m’a pas été remis
jusqu’à présent. Dès qu’il me sera parvenu, je m’empresserai de présenter ce
projet de loi à la chambre. Je lui annonce que je me suis entouré de tous les
renseignements nécessaires sur cet objet et que j’ai consulté les anciens règlements
sur la matière.
M. Desmet. -
Messieurs, je crois qu’il faut accorder le subside qu’on demande à l’Etat pour
l’entretien et les réparations à faire aux rives de la Meuse, parce qu’il y a
nécessité de faire les réparations nécessaires et que tous les propriétaires
riverains ne sont pas en état de les faire.
Si je suis bien informé, avant que Maestricht fût
aux Hollandais et que la navigation fût libre sur la Meuse, c’était avec une
partie des revenus des droits de navigation que les rives étaient entretenues
et qu’on faisait les réparations que des propriétaires riverains pauvres ne
pouvaient faire ; c’était sur ces revenus de la navigation qu’on accordait des
subsides pour faire les réparations urgentes ; mais à présent, depuis que nous
sommes en guerre avec la Hollande, et que Maestricht n’est plus dans notre
pouvoir, la navigation est tellement diminuée, que les droits ne produisent
presque plus de revenus.
Messieurs, vous voyez donc que ce subside est
nécessaire parce que plusieurs propriétaires riverains ne sont pas en état de
faire les réparations aux rives qui bordent leurs propriétés. Il me semble
qu’on pourrait porter remède à ceci, en mettant l’entretien et les réparations
non à charge des propriétaires riverains seuls, mais à charge de tous les
propriétaires qui ont intérêt à ce que les rives soient tenues dans un bon état
d’entretien : on pourrait faire pour les bords de la Meuse à peu près comme
pour les polders, on pourrait former des wateringues. J’entrais dans la salle
quand M. le ministre de l’intérieur parlait, mais d’après ce que j’ai pu
entendre de la fin de son discours, il m’a semblé qu’il a parlé du projet de
former de telles wateringues pour couvrir les frais à faire pour entretenir les
bords de la Meuse.
Si le gouvernement a en vue
de présenter un projet de loi pour réglementer particulièrement tout ce qui
concerne les rives de la Meuse, il me semble qu’on devrait l’engager à
comprendre dans ce projet l’entretien des digues et bords de toutes les
rivières du pays et qu’il les soumette à une même législation. Je le demande
surtout pour les rivières de l’Escaut et de la Dendre, dont les bords sont
entretenus par les propriétaires riverains ; et quand ces propriétaires
négligent de faire les réparations nécessaires, l’autorité les fait d’office et
à leur charge, et les délinquants sont même frappés d’une forte amende ; cela
s’exécute ainsi en vertu d’un ancien décret de l’an 1740 et d’un arrêté du
préfet du département de l’Escaut du 25 août 1812, qui est pris d’après le
précité décret de 1740.
Messieurs, vous ne pouvez ignorer que ces frais
d’entretien sont souvent très élevés et deviennent une forte charge pour les
riverains, tandis que ce serait peu de chose pour chaque propriétaire, si on
faisait contribuer tous ceux qui ont intérêt, pour la conservation de leurs
propriétés, que les bords de la rivière soient remis en leur état d’entretien.
Ce serait donc un acte de justice de faire former partout des wateringues pour
faire les frais d’entretien des digues et rives des rivières.
J’attire particulièrement sur cet objet l’attention
de M. le ministre de l’intérieur.
J’attire aussi l’attention de M. le ministre des
finances sur un abus qui se commet sur nos rivières dans l’allocation de leur
pêche, et je saisis cette occasion pour le lui signaler.
Dans le cahier des charges, je trouve une clausule
qui donne aux adjudicataires de la pêche le droit d’enlever les herbages qui se
trouvent aux bords de la rivière ; je ne connais pas de loi qui puisse donner
le droit au gouvernement de se rendre propriétaire de ces herbages, et je crois
même qu’on pourrait facilement s’opposer à cette usurpation de la propriété
privée, en s’adressant aux tribunaux ; mais vous savez, messieurs, que souvent
on abandonne son droit pour éviter les frais d’un procès et surtout qu’on se
garde toujours de plaider avec le fisc. J’engage donc avec beaucoup d’instance
M. le ministre des finances de faire faire des modifications dans le cahier des
charges pour l’adjudication de là pêche, et de ne pas laisser le fisc s’emparer
des herbages qui appartiennent aux propriétaires riverains.
M. Simons. - On a
demandé si nous considérions la somme de 40,000 fr. demandée pour les rives de
la Meuse comme un subside ou comme une avance.
Toujours il a été dans l’intention des honorables
membres qui ont déposé successivement des amendements à cet effet, de demander
la somme nécessaire aux réparations de notre fleuve comme une juste indemnité
des pertes que la province du Limbourg a éprouvées.
Les mêmes difficultés que l’on oppose aujourd’hui
se sont déjà présentées. On a agité la question de savoir si c’est aux
propriétaires riverains qu’incombe la dépense. C’est pour ne pas retarder le
vote du budget que nous avons consenti à l’addition que l’honorable M.
Verdussen reproduit sous forme de sous-amendement. Ainsi je ne conçois pas trop
sur quoi se fonde l’honorable membre quand il prétend n’être pas assez éclairé
sur une question qui a été agitée plusieurs fois depuis quelques années.
Ce n’est pas à titre d’avance, mais à titre
d’indemnité, que nous réclamons le subside en discussion.
L’honorable M. Rodenbach est également étonné du
changement que l’on a fait à l’amendement primitif. Il pense que le Limbourg
n’a pas le droit de réclamer cette somme, que l’on ne peut la lui accorder qu’à
titre d’avance. Une pareille manière de voir est assez étrange chez des membres
qui ont soutenu si chaudement la construction du canal de Zelzaete. Est-ce
qu’ils ont réclamé l’emprunt comme avance ; ils ont demandé qu’il fût fait aux
frais du trésor. Sur quoi ont-ils fondé leur demande ? Sur ce que les moyens
d’écoulement que les Flandres possédaient avant la révolution, leur ont été
enlevés par les événements politiques. Nous nous appuyons sur le même
raisonnement, et si le principe a triomphé dans un cas, il doit triompher
également dans un autre cas semblable. La révolution a enlevé au Limbourg (et
c’est la chambre qui, en ratifiant le traité de Zonhoven, a consommé ce fait)
une somme annuelle de 40 à 50,000 francs, provenant des péages sur la Meuse. Si
l’Etat voulait nous rendre ce moyen de recettes, nous ne viendrions pas lui
demander une somme de 40,000 francs pour réparer les rives de la Meuse.
L’honorable M. Desmet dit
que dans sa province les propriétaires riverains sont obligés d’entretenir les
rives de l’Escaut, et que cependant le gouvernement loue la pêche et les
herbages.
La même chose existe dans le Limbourg : en vertu de
la loi de 1829, les riverains ont été tenus d’entretenir les rives des fleuves,
et cependant ils n’ont aucune part dans la pêche ni dans les herbages.
J’ai dit et je répète que le Limbourg avait un
système de communications admirable qu’il a perdu par la perte du canal du Nord
; nous sommes privés, depuis la révolution, de cette importante voie de transit
entre l’Allemagne et la Belgique. Le Limbourg est, comme je l’ai avancé, la
province qui a le plus souffert de la révolution.
Mais, nous répond-on, le
gouvernement fait tout ce qu’il peut pour alléger ses maux. Je conteste ce
fait. Je ne citerai qu’un exemple à l’appui de mon opinion. Depuis longtemps
nous sollicitons du gouvernement un bac sur la Meuse pour rétablir les
communications avec Maestricht. Nous n’avons pu l’obtenir. Le gouvernement ne
fait rien pour cette province ; chaque fois qu’elle a obtenu quelque chose, ce
sont ses députés qui ont fait valoir ses droits. Nous nous plaignons rarement ;
mais si nous faisions entendre nos doléances, nous aurions plus de justes
motifs de nous plaindre que tant d’autres provinces.
Je persiste à demander le maintien de l’allocation
à titre d’indemnité. Je voterai pour l’amendement de M. de Renesse.
M. le président. -
Le projet de loi, amendé par M. Verdussen, est ainsi conçu :
« Il est ouvert au département de l’intérieur
un crédit de 40,000 fr. pour travaux à exécuter aux rives de la Meuse
conformément aux lois et arrêtés sur la matière. »
Cette seconde partie forme l’amendement de M.
Verdussen.
M. Verdussen
réclame la priorité pour son amendement.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je voterai pour l’amendement de
l’honorable M. Verdussen ; ce ne sera pas pour obtenir le remboursement
effectif de la somme dans les caisses du trésor, mais bien pour amener les
propriétaires à contribuer aux réparations des rives de la Meuse et à former un
fonds commun à cet effet. Car il faut la somme votée au budget et la
contribution des propriétaires réunis pour assurer la navigation de la Meuse
dans l’intérêt général et le maintien en bon état des rives de ce fleuve dans
l’intérêt des propriétaires.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix l’addition proposée par M. Verdussen, qui est ainsi
conçue :
« Conformément aux lois et arrêtés sur la
matière. »
- Cet amendement est adopté.
L’article ainsi amendé est également adopté.
M. le président. -
Le projet de loi se compose de cette seule disposition. Il va être procédé à
l’appel nominal sur l’ensemble, à moins qu’on ne considère comme amendement la
proposition de M. Verdussen qui vient d’être adoptée.
Plusieurs
voix. - Non ! non ! C’est le
rétablissement de la proposition primitive.
- Il est procédé à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 55
membres qui ont répondu à cet appel nominal.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
M. Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Davreux, fabricant de tulles à
Bouillon, demande le maintien du droit de 10 p. c. sur les tulles écrus ; le
droit de 15 p. c. sur les tulles blanchis à l’étranger, et celui de 30 p. c.
sur les tulles ouvragés. »
« Plusieurs fabricants et négociants de
broderies sur tulles renouvellent leur demande d’une diminution sur les droits
d’entrée des tulles écrus. »
La commission propose le renvoi de ces deux
pétitions à la commission d’industrie.
Ces derniers pétitionnaires vous exposent que
l’industrie de la broderie de tulles est introduite dans le pays depuis 12 ans
environ, qu’elle était en prospérité lorsqu’en 1827 l’importation des tulles
écrus fut frappée d’un droit qui lui porta un coup fatal.
Les pétitionnaires conviennent que malgré
l’oppression qui résulta de cette augmentation de droit, la broderie a continue
à prendre de l’accroissement, et que depuis 1833 surtout il s’en fait des
expéditions considérables en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis ; et
pour faire apprécier l’importance de cette industrie extrêmement propre à la
Belgique dentellière, ils n’hésitent pas à vous dire que la province d’Anvers
seule paie pour deux millions de main-d’œuvre de broderie par an, et que cette
somme serait augmentée de beaucoup si les droits d’entrée étaient réduits de 10
à 2 ou 3 p. c.
Votre commission a pensé qu’il y aurait lieu de
féliciter toutes les industries si elles éprouvaient une oppression semblable à
celle dont se plaignent les pétitionnaires ; mais il ne paraît pas qu’il en
soit ainsi pour nos fabriques de tulles. En effet, le sieur Davreux,
par sa pétition du 13 septembre dernier, a l’honneur de vous rappeler
qu’autorisé par une loi spéciale et sous la foi d’un droit de 10 p. c. dont les
tulles étrangers étaient frappés à l’entrée du royaume, il a transféré de
France en Belgique ses métiers à tisser et les ustensiles propres à blanchir
les tulles ; qu’il n’ignorait pas alors qu’un droit de 10 p. c. à la valeur
n’est en réalité que de 6 à 7, et se réduit à 6 lorsque l’importation se fait
par navire belge, ce qui, soit dit en passant, prouve qu’un droit différentiel
est avantageux au consommateur en même temps qu’il protège la marine nationale.
Ce droit de 6 p. c. n’enchérit guère les tulles brodés communs que de 1/4 c.
par fr., et si le fil de haut numéro, 160 et au-dessus, propre à la fabrication
des tulles ne payait qu’un droit de balance, ainsi que vous l’a proposé la
commission d’industrie en présentant un projet de loi en faveur de l’industrie
cotonnière ; alors le pétitionnaire garantirait de livrer à la broderie le yard
de tulle à 6 1/2 c. qui est le prix auquel les Anversois déclarent faire faire
leurs achats en Angleterre ; c’est ainsi qu’il est au pouvoir de la chambre de
protéger largement et tout à la fois et la fabrication des tulles et des
broderies.
Le sieur Davreux propose enfin, dans l’intérêt des blanchisseurs de
tulle. d’élever le droit à 15 p. c., et celui des
tulles ouvragés à 30 p.c., qui est le droit que paient nos tulles brodés à leur
entrée en Angleterre.
Ces deux pétitions ayant rapport à deux
fabrications assez importantes pour mériter l’attention de la chambre, votre
commission a l’honneur de vous en proposer le renvoi à
la commission d’industrie.
Mais, vous dit l’honorable M. Smits, ce renvoi est
inutile depuis que le gouvernement vous a présenté un projet de loi sur la
matière. Mais dans quel moment vient-on vous demander à réduire de 10 à 6 p. c.
le droit d’entrée sur les tulles écrus ? c’est
précisément lorsque le pétitionnaire a doublé le nombre de ses mécaniques ;
c’est alors que la fabrique de tulles de Termonde a pris un accroissement
considérable ; c’est au moment ou un établissement qui sera des plus vastes,
est en construction à Bruxelles. Transportez-vous, messieurs, rue Terre Neuve à
l’ancien local des postes, là vous verrez une foule d’ouvriers de tout genre,
maçons, charpentiers, forgerons, mécaniciens anglais et berges, occupés à
monter à la fois 20 métiers à tisser.
C’est alors encore qu’un autre établissement du
même genre se prépare à Malines.
Si vous adoptez le projet du gouvernement sans
admettre à la fois l’entrée des fils de tulle au simple droit de balance, vous
étoufferez à leur berceau les deux établissements naissants dont je viens de
vous parler, et vous ruinez ceux qui se sont élevés à l’ombre de vos lois.
Je crois, messieurs, que ces motifs sont suffisants
pour déterminer la chambre à adopter le renvoi à la commission d’industrie. La
chambre, sera toujours libre d’admettre ou de rejeter les conclusions que cette
commission pourrait vous présenter.
M. Smits. - Je ne
vois réellement pas de motifs pour renvoyer cette pétition à la commission
d’industrie. Ainsi que j’ai eu l’honneur de le faire observer dans une
précédente séance, toutes les sections sont saisies d’une proposition
ministérielle qui tend à modifier les droits actuels sur les douanes. Les
pétitions ont trait à cet objet ; conséquemment la commission d’industrie ne
peut pas être chargée de les examiner puisque toutes les sections sont saisies
de la question qu’elles soulèvent. Je demanderai que les pétitions restent
déposées sur le bureau afin que toutes les sections puissent en prendre
connaissance. Si on les renvoyait à la commission d’industrie, cette
investigation de la part des sections serait difficile, si pas impossible.
L’honorable membre a trouvé étonnant qu’on eût
choisi, pour proposer la réduction du droit sur les tulles, le moment où cette
fabrication tend à prendre de l’extension.
La chambre examinera si la réduction proposée est
fondée ou non, et prononcera en connaissance de cause.
Je persiste donc à demander que les pétitions
restent déposées sur le bureau.
M.
Zoude, rapporteur. - Je ne sais quel motif peut engager M. Smits à
demander le dépôt des pétitions dont il s’agit sur le bureau.
Vous avez une commission ; je ne vois pas pourquoi
vous ne lui demanderiez pas un rapport sur cette question avant que la section
centrale ne vous fasse le sien. Vous apprécierez les motifs qu’elle vous
exposera ; vous aurez ainsi en même temps les renseignements des sections et
ceux de la commission d’industrie. Je ne vois aucun inconvénient au renvoi que
je propose.
Je ne sais véritablement pas quels motifs peuvent
déterminer M. Smits à repousser la demande du renvoi à la commission
d’industrie et à conclure au dépôt au bureau.
M. Smits. - J’ai
confiance dans les lumières de la commission d’industrie, et je ne verrais pas
d’inconvénient à lui renvoyer les pétitions si elle pouvait faire son rapport
avant l’ouverture de la discussion du projet sur les douanes ; mais comme il
faut que toutes les sections aient les pièces sous les yeux pour procéder à
l’examen préparatoire de la loi concernant les tarifs, je crois qu’il y aurait
un inconvénient à se dessaisir des pétitions en les renvoyant à la commission
d’industrie.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il est facile de concilier les deux
propositions : c’est d’ordonner le dépôt des pétitions au bureau des
renseignements et d’ordonner en même temps qu’une copie en sera envoyée à la
commission d’industrie pour qu’elle fisse un rapport
sur ces deux mémoires conçus en sens inverse. La chambre ne pourra que trouver
plus de lumières pour l’examen de la loi de douanes.
M. Smits. - Je me
rallie à la proposition de M. le ministre des finances.
M. Zoude, rapporteur.
- « trois habitants de Binche et de Bollignies
se plaignent des employés des contributions directes, qui veulent soumettre à
la contribution des chevaux qui sont exclusivement employés au commerce. »
Les pétitionnaires exposent que des chevaux
indispensables à l’exercice de la profession pour laquelle ils paient patente,
sont imposés comme chevaux de luxe, parce qu’ils s’en servent quelquefois à la
selle pour aller acheter ou vendre les objets de leur commerce.
Ils invoquent l’article 46 de la loi du 28 juin
1822, qui exempte de toute contribution les chevaux de cette catégorie ; mais,
en réclamant la faveur de cette loi, ils déclarent que pour éviter toute
difficulté avec l’administration, ils ont consenti toujours les déclarer comme
chevaux mixtes, se soumettant au droit de 7 florins.
Cette concession de leur part n’a cessé d’être
accueillie par le gouvernement précédent, dont la fiscalité a bien souvent fait
gémir des industriels belges ; et cependant, sous un régime qui devrait être le
réparateur des injustices, la fiscalisé hollandaise a été dépassée, et les
pétitionnaires ont été attraits par devant le tribunal de Charleroy qui a bien
reconnu que le droit de 7 fl. était seul applicable au cas où ces chevaux se
trouveraient rangés, dans la prévision de l’art. 46, puisque ce tribunal a
ordonné à l’administration de prouver que les chevaux des exposants étaient
employés exclusivement à la selle.
L’administration a répondu
à cette ordonnance en appelant du jugement. La prudence qui légitime parfois
cette mesure pour éviter la prescription que fait acquérir l’expiration d’un
délai fatal, n’est souvent qu’un moyen dont le fort abuse pour écraser le
faible, et c’est contre cet abus de la force que les pétitionnaires réclament ;
car vous le savez, messieurs, on préfère se soumettre à une injustice, quelque
criante qu’elle soit, plutôt que de s’exposer à des frais d’appel qui feraient
payer trop chèrement la justice tardive que l’on obtiendrait.
Sans doute, il faut alimenter le trésor, mais par
des moyens que la loi avoue ouvertement, et alors ils ne sont jamais contestés
par le contribuable honnête ; mais tout ce qui est arraché par la fiscalité,
par la crainte de l’emploi de mesures vexatoires, finit par aliéner les
esprits, et insensiblement la désaffection pousse des germes de mécontentement
toujours fâcheux à l’Etat.
Il dépend de M. le ministre des finances de faire
cesser les motifs de plaintes ; il est peut-être même de l’intérêt du trésor
qu’il renonce à des prétentions exagérées puisque si la loi était exécutée dans
le sens que l’équité réclame, ce qu’un jugement pourrait ordonner, la
contribution de 7 florins offerte spontanément dans le cas actuel pourrait bien
être perdue entièrement.
M. le ministre dans l’exposé des motifs
accompagnant le projet de loi des voies et moyens, semble avoir préjugé la
question dans le sens invoqué par les pétitionnaires ; aussi votre commission
n’a pas hésité de vous proposer de lui faire renvoi de cette pétition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas bien compris si ce
que vient de lire M. le rapporteur est l’analyse de la pétition, ou si cela
exprime l’opinion de la commission relativement à ce que l’on y appelle les
vexations du fisc. Si l’analyse qui vient d’être présentée est purement et
simplement celle de la pétition, je n’ai rien à dire ; mais si la commission,
sur le simple lu d’une pétition, a dit que l’administration est coupable de
vexations envers les contribuables, je repousserai son avis : à égard de
l’objet de cette pétition, le gouvernement a fait tout ce qu’il pouvait faire ;
car un projet de loi est préparé pour lever les doutes que l’on prétend exister
sur la catégorie dans laquelle doivent être compris les chevaux de selle des
personnes qui font le commerce. La pétition dont il s’agit est donc devenue
sans objet.
M.
Zoude, rapporteur. - J’insisterai pour demander le renvoi à M. le
ministre des finances, parce que la pétition est bien détaillée et que les lois
sur la matière y sont bien examinées. Ce renvoi ne pourra être qu’utile.
M. Jullien. - Ce
n’est pas d’aujourd’hui que le fisc prétend imposer les chevaux qui servent à
l’industrie, même les chevaux montés. Il est à ma connaissance des faits
déplorables relatifs à cet objet. L’administration prétend, par exemple, que
tel cheval doit être soumis à l’impôt ; le propriétaire soutient le contraire ;
les tribunaux appelés à prononcer prononcent en faveur du propriétaire, mais
l’administration fait appel ; elle est condamnée, et cela ne l’empêche pas,
l’année suivante, d’élever les mêmes prétentions relativement au même cheval ;
alors il faut subir un nouveau procès ou satisfaire aux exigences du fisc ; or,
on aime mieux payer 20 florins d’impôts, quoique injustement, que de payer 400
fr. pour soutenir un second procès.
Quoique la loi dont a parlé M. le ministre des
finances puisse remédier à ces vexations, nous ne savons pas quand elle sera
portée. Jusque-là, les mêmes sujets de plainte se renouvelleront, et, en
attendant, il faut renvoyer la pétition au ministre des finances afin de faire
cesser ces vexations.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il n’y en a pas.
M. Jullien. -
L’administration prétend qu’il n’y a pas de vexations ; cependant les
pétitionnaires se plaignent, et comme il est des faits qui prouvent que
certains employés suivent une marche vraiment déplorable, il faut tâcher de les
diriger dans une meilleure voie.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Jullien pense
que l’administration se complaît à vexer les contribuables, et que des faits le
prouvent relativement à l’impôt dont sont passibles certains chevaux ; mais je
lui ferai observer que ce n’est pas pour vexer les citoyens que les employés
ont taxé certains chevaux à 20 florins ; c’est pour exécuter la loi ; car la
loi est formelle à cet égard. Dans les contestations qui se sont élevées entre
l’administration et les contribuables, les tribunaux ont prononcé en faveur de
l’administration, et il y a jurisprudence sur ce point. Toutefois, comme
l’administration a trouvé le droit exorbitant, elle s’est empressée de venir
déposer sur le bureau de la chambre des représentants un projet de loi tendant
à trancher les difficultés qui excitent des plaintes ; elle a fait plus, elle a
fait suspendre tous les procès relatifs cet impôt, qui étaient pendants devant
les tribunaux.
J’espère donc que vous serez convaincus que
l’administration ne vexe pas les contribuables ; nous avons d’ailleurs présenté
un projet de loi qui défère au désir des pétitionnaires, et d’autre part j’ai
fait surseoir jusqu’à ce que la chambre eût fait connaître ses intentions, les
procès pendants devant les tribunaux.
Le renvoi au ministre des finances est inutile. Si
on me renvoie la pétition, je devrai purement et simplement attendre que la
législature ait pris une décision sur le projet de loi qui lui est soumis.
Voilà tout ce que je pourrai faire.
M. Gendebien. - Je ne pense pas que
l’administration s’amuse précisément à vexer les contribuables. Mais il est
vrai de dire que certains employés, pour faire preuve de zèle, surtout
lorsqu’ils sont arrivés à de nouvelles fonctions, et pour faire voir qu’ils les
ont méritées, se permettent des vexations à l’égard des contribuables. Telle
est, je crois, la cause des vexations dont se plaignent les pétitionnaires. Un
nouveau contrôleur a voulu faire voir que son prédécesseur avait mal fait, et
il a classé comme chevaux de luxe des chevaux qui avaient été classés comme
chevaux mixtes par son prédécesseur.
Il y a vraiment beaucoup d’arbitraire, lorsqu’il
dépend de certains employés de décider dans quelle catégorie des contribuables
doivent être classés. J’en pourrais citer un exemple. Je connais un
propriétaire qui avait quatre chevaux, lesquels n’ont servi pendant 18 mois
qu’à transporter des terres pour la construction d’un canal d’agrément ; eh
bien, pendant 2 ans ils ont été imposés comme chevaux de luxe. La seule raison
que le contrôleur eu ait donnée, c’est qu’ils étaient à courte queue. (On rit.) Ces quatre chevaux ont payé une
contribution de 20 fl. pendant 2 ans. A la fin de la saison, lorsqu’il n’y a
plus eu de terres à transporter, ces chevaux ont été vendus ; et combien ? 160
fr. les quatre. Voilà des chevaux de luxe ! Le particulier a préféré payer
plutôt que d’avoir un procès qui lui aurait coûté bien davantage.
J’engage donc M. le ministre des finances à
acquitter sa promesse de suspendre toute poursuite, jusqu’à ce que la
législature ait prononcé. Si le ministre persiste dans cette décision comme il
vient de le dire, je ne vois pas l’utilité qu’il y aurait à lui renvoyer la
pétition.
Je crois qu’il serait préférable d’en ordonner le
dépôt au bureau des renseignements, parce que chacun alors pourrait puiser dans
cette pétition des motifs pour la discussion de la loi qui nous a été
présentée.
M. Jullien. - Je
ne vois aucun inconvénient à renvoyer la pétition à M. le ministre des finances
; car il est possible qu’il ignore les griefs des pétitionnaires ; vous
porterez les griefs à sa connaissance en lui renvoyant la pétition. M. le
ministre verra si les sujets de plainte sont réels, et prendra, pour les faire
cesser, les mesures qu’il a indiquées.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il ne s’agit pas d’examiner s’il y a des
inconvénients au renvoi au ministre des finances, mais de voir si ce renvoi est
utile ; car la chambre ne peut rien faire que d’utile. Or, ce renvoi ne
présente aucune utilité. J’ai dit que, quand la pétition m’arriverait, je n’y
donnerais aucune suite, puisque j’ai fait tout ce que demandent les
pétitionnaires. Il n’y a donc rien à attendre du renvoi de la pétition.
D’après le feuilleton sur cette pétition, laquelle
ne porte pas de date, le rapport est du mois d’août 1835 ; et c’est dans le
mois de novembre dernier que j’ai eu l’honneur de proposer à la chambre les
modifications que réclament les pétitionnaires ; leur but, en ce qui me
concerne, est donc rempli.
Le dépôt au bureau des renseignements, qui m’a été suggéré
tout à l’heure par un de mes voisins, serait plus utile, parce que les membres
de la chambre pourraient peut-être trouver dans cette pétition des motifs
d’adopter la loi présentée.
- Le renvoi à M. le ministre des finances est mis
aux voix ; il n’est pas adopté. Le dépôt de la pétition au bureau des
renseignements est ordonné.
M. Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Wielsling, Anglais, signale des
vexations qu’il a éprouvées de la part de la douane. »
Si les faits exposés par le pétitionnaire sont
exacts, si la douane n’a obéi qu’au devoir que la loi exigeait d’elle, il
faudrait nécessairement en modifier la rigueur, car bientôt la chambre ne
retentirait que de la violation de l’art. 128 de la constitution, tant par
l’excès de pouvoir donné à la douane que par la sévérité de la haute police, et
la protection promise aux étrangers cesserait bientôt d’être une vérité. Mais
si l’abus dont se plaint le pétitionnaire, ne provient que d’un zèle outré, il
faut le réprimer, et il suffira sans doute de le faire connaître au ministre
des finances pour que cet abus cesse à l’instant ; c’est pourquoi votre
commission vous propose de lui faire le renvoi de cette plainte.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur.
- « Des fabricants de papier de l’arrondissement de Bruxelles demandent
l’abrogation de l’art. 161 de la loi du 26 août 1822, qui exempte les drilles
et chiffons de l’acquit à caution. »
Dans sa séance du 24 août dernier, la chambre a
ordonné le renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d’explications,
d’une pétition semblable de la part des papetiers de Gand. Il est à regretter
que ces explications ne vous aient pas été présentées, elles auraient
probablement donné lieu à une proposition de loi tendent à révoquer l’art. 161
de la loi générale du , qui permet la circulation dans le territoire réservé de
telle quantité de chiffon dont le droit calculé à 6 p. c. de la valeur n’excède
pas un florin, ou un capital de plus de 16 1/2 fl., ce qui, avec la tolérance
admise dans les déclarations à la valeur, fait le prix ordinaire d’une centaine
de kilos dont l’art. 161 de la loi précitée semble autoriser la sortie
frauduleuse. Des expéditions semblables peuvent se répéter à l’infini. Vous
apprécierez, messieurs, les justes motifs des plaintes que les fabricants de
papier font retentir dans cette enceinte, et si vous croyez que cette
fabrication doive être protégée dans l’intérêt surtout de la librairie, vous
n’hésiterez pas à adopter une mesure que le ministre des finances croira de son
devoir de vous présenter pour en prohiber une bonne fois la sortie.
Vous le voyez, messieurs, le mot prohibition peut
encore être prononcé sans offusquer les oreilles les plus chatouilleuses, et le
véritable intérêt du pays exigerait qu’il fût appliqué plus souvent.
Votre commission vous propose de nouveau le renvoi
de cette pétition à M. le ministre des finances, avec invitation de ne plus
tarder à vous donner des explications sur son contenu.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - La commission, modifiant sa décision première,
propose le renvoi de cette pétition au ministre des finances avec demande
d’explications.
Il semble d’après cette pétition qu’il faut
attribuer à la fraude la pénurie des drilles et l’augmentation de prix de cette
matière première. Mais les pétitionnaires sont complètement dans l’erreur. La
pénurie des drilles ne provient pas de la cause qu’indiquent les pétitionnaires.
L’exportation des livres a été en augmentant, d’une manière étonnante, depuis
1830. Dès lors la fabrication du papier a dû être beaucoup plus active. Une
conséquence inévitable est le renchérissement des drilles, matière première du
papier.
M. A. Rodenbach.
- Il n’y a pas de renchérissement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - S’il n’y a pas de renchérissement, je ne
comprends pas la pétition ; dans ce cas, les pétitionnaires n’ont aucun droit
de se plaindre ; et qu’ils ne disent pas qu’il y a fraude.
Je dirai que l’exportation des livres a beaucoup
augmenté, depuis 1830. Elle s’est accrue de la manière suivante :
L’exportation a été
En 1831, de 48,373 kilog.
de livres
En 1832, de 52,590 kilog.
En
1833, de 96,233 kilog.
En
1834, de 100,188 kilog.
En 1835, de 101,154 kilog.
C’est-à-dire de plus du double de l’exportation de
1831.
Maintenant, messieurs, si l’on consulte l’état de l’exportation
du papier, l’on trouve qu’elle a également augmenté progressivement dans la
même proportion
En 1831, elle a été de fr. 128,000
En 1832, de fr. 149,000
En 1833, de fr. 149,000
En 1834, de fr. 219,000
En 1835, de fr. 243,000
Ainsi, vous voyez qu’en ce
qui concerne le papier, l’exportation en a été, en 1835, double de ce qu’elle
avait été en 1831.
Voilà, messieurs, ce qui est la véritable cause de
la cherté, je dirai même, de la pénurie des drilles et des chiffons.
Du reste, je ne m’oppose pas au renvoi de la
pétition à mon département ; déjà la chambre a ordonné un semblable renvoi pour
une pétition de la nature de celle dont il s’agit, et je n’ai pas laissé dormir
cette requête dans les cartons du ministère ; j’ai, au contraire, pris toutes
les mesures qu’il était possible de prendre dans l’intérêt de l’industrie des
pétitionnaires, et j’ai lieu de croire que par suite de ces mesures, la fraude
dont ils se plaignaient est devenue insignifiante, ou plutôt qu’elle n’existe
plus.
Quoi qu’il en soit, s’il se commettait encore
quelque fraude, le seul moyen de l’empêcher complètement serait de prohiber
tout à fait les dépôts et même le colportage des drilles et des chiffons dans
une certaine partie du territoire réservé, par exemple dans une zone de mille à
quinze cents mètres ; mais je ne pense pas qu’une mesure aussi rigoureuse soit
nécessaire dans ce moment ; elle serait réellement nuisible aux habitants de
l’extrême frontière, car il faut bien que ces habitants puissent vendre leurs
drilles et leurs chiffons aux colporteurs, puisque le vieux linge ne peut pas
se transporter aux marchés ; une mesure semblable à celle que je viens
d’indiquer vexerait donc beaucoup les habitants du territoire auquel elle
s’appliquerait ; et je ne pense pas, je le répète, qu’il y ait urgence d’y
recourir pour le moment.
M. Smits. - Le
ministre de l’intérieur a eu également à s’occuper d’une pétition semblable à
celle dont il est question, et à cette occasion il a cru devoir consulter les
chambres de commerce, particulièrement sur la question de savoir s’il serait
utile à l’industrie papetière de défendre l’exportation des drilles et des
chiffons : presque toutes les chambres de commerce du royaume ont émis une
opinion contraire à la demande des pétitionnaires ; et, en effet, une pareille
prohibition mettrait en quelque sorte hors la loi les habitants de l’extrême
frontière.
M. le président. -
Les conclusions de la commission sont le renvoi à M. le ministre des finances
avec demande d’explications.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois, messieurs, que les explications que
je viens de donner sont concluantes, et il me serait impossible d’y rien
ajouter ; je demande donc que la chambre se borne à me renvoyer simplement la
pétition.
- Le renvoi pur et simple de la pétition à M. le
ministre des finances est ordonné.
M. Zoude, rapporteur.
- « Les sieurs Jansens et Deknuydt,
fabricants de colle forte et de noir animal, demandent que les os soient
frappés d’un droit de 10 p. c. à la sortie. »
Votre commission, loin de reconnaître des faits
avancés par les pétitionnaires, pourrait en contester plusieurs, on au moins en
démontrer l’exagération. Cependant elle n’hésite pas à croire qu’avec
l’extension qu’acquiert de jour en jour l’emploi des os, et surtout avec la
création de la nouvelle branche d’industrie que promet la culture de la
betterave, la législature ne doive recourir sous peu au droit que réclament les
pétitionnaires.
Mais en attendant que les sucreries de betteraves,
qui ne sont guère encore qu’en projet, soient réellement mises en activité,
votre commission croit que le droit proposé par M. le ministre est
momentanément suffisant, et elle l’engage à le représenter à la chambre pour
remplacer la loi actuelle qui n’est prorogée que provisoirement. Ce projet eût
été infailliblement discuté si la chambre fatiguée n’avait reculé devant les
pièces nombreuses annexées au rapport, pièces imprimées sur la demande d’un
membre dont les intentions étaient pures sans doute, mais qui en résultat sont
la cause du retard dans l’adoption d’une loi dont l’intérêt nous semble
démontré.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à la commission d’industrie qui pourra y puiser les
éléments d’une nouvelle proposition.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Perlau, fabricant de colle d’os,
demande que, dans la nouvelle loi, la sortie des os travaillés soit permise
moyennant un droit léger. »
Le rapport fait sur le projet de loi dont il vient
d’être question paraît devoir apaiser les craintes que témoigne le
pétitionnaire ; toutefois nous avons l’honneur de vous proposer le renvoi de
cette pétition à la commission d’industrie, pour qu’elle en fasse l’objet d’un
mûr examen et en rende compte à la chambre, s’il y a lieu, lors de la
discussion de la loi sur la matière.
M. Smits. - M. le
ministre de l’intérieur a présenté l’année dernière un projet de loi tendant à
porter le droit de sortie sur les os à 10 fr au lieu de 5 francs qui est le
droit actuel ; ce projet n’a pu être discuté à cause d’autres travaux dont la
chambre avait à s’occuper, et en conséquence la loi existante a été simplement
prorogée. Je crois qu’il conviendrait de renvoyer la pétition à M. le ministre
de l’intérieur, afin qu’il puisse voir s’il y a lieu à modifier ou non le
projet de loi dont je viens de parler ; M. le rapporteur ne verra sans doute
pas d’inconvénient à se rallier à ma proposition.
M. Zoude.,
rapporteur. - Je m’y rallie.
- Les conclusions de la commission, ainsi que le
renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, proposé par M, Smits
sont adoptés par la chambre.
M. Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Dewilde, inventeur d’un spécifique
pour guérir les maux d’yeux, demande l’abrogation de l’article 10 de la loi du
12 mars 1818. »
Le pétitionnaire se plaint de ce que le
gouvernement ait fait son devoir ; il se plaint parce qu’avant d’autoriser le
débit d’un remède secret, le gouvernement a voulu en connaître la composition.
Il faudrait, suivant l’inspiration du pétitionnaire, livrer le pays aux
empiriques et aux charlatans de toute espèce. Notre système de liberté en tout
et pour tous ne va pas jusque là.
Si le pétitionnaire est guide par le désir d’être
utile à l’humanité, si son secret est réellement tel qu’il puisse apporter du soulagement
à la maladie cruelle qui affecte une partie de nos enfants lorsqu’ils viennent
se ranger sous les drapeaux de la patrie, qu’il n’hésite pas à confier son
secret au gouvernement qui le récompensera à mesure de son importance, et s’il
manquait à celui-ci un crédit suffisant, les chambres s’empresseraient à lui
voter des fonds.
Votre commission vous propose le dépôt au bureau
des renseignements.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - La pétition dont il s’agit tend à obtenir l’abrogation de
l’art. 10 de la loi du 12 mars 1818 ; il a été satisfait à ce désir par la loi
du 27 septembre 1835 sur le haut enseignement, qui accorde au gouvernement le
droit de donner des dispenses pour l’exercice de certaines branches de l’art de
guérir après avoir pris l’avis du jury d’examen ; je crois que par l’adoption
de cette disposition le but que se proposait l’auteur de la pétition a été
atteint, et qu’elle est devenue sans objet ; en conséquence je propose l’ordre
du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
_______________
M. Zoude, rapporteur.
- « Plusieurs artistes vétérinaires demandent que la chambre veuille
adopter des mesures pour empêcher les empiriques d’exercer l’art de guérir les
animaux. »
Les pétitionnaires disent à la chambre que c’est en
vain que le gouvernement fait des frais considérables pour favoriser l’étude de
la médecine des animaux, si l’empirisme vétérinaire n’est pas réprimé comme le
charlatanisme médical.
Or la loi qui existe à cet égard est si peu
positive que lorsque le tribunal applique la peine encourue par l’exercice
illégal de cette profession, le tribunal de Liége déclare que cette loi n’y est
pas applicable.
Les pétitionnaires demandent que la chambre
veuille, dans la prochaine loi sur l’art de guérir, combler la lacune que fait
remarquer la dissidence des tribunaux sur la matière.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_______________
M. Zoude, rapporteur.
- « Les pharmaciens de la province de Liège adressent des observations sur
les dispositions de la loi du 12 mars 1818, qui consacre selon eux un abus dans
l’art médical. »
Les pétitionnaires informés que la chambre est à la
veille de prendre de nouvelles mesures législatives sur l’exercice de l’art
médical, viennent lui soumettre des observations sur la loi du 12 mars 1818 qui
permet aux chirurgiens et médecins à la campagne de fournir eux-mêmes les
médicaments aux malades ; faculté qu’ils mettent à profit dans toute la
province de Liége, la capitale seule exceptée.
Cependant les pétitionnaires, en leur qualité de
pharmaciens, sont tenus de s’approvisionner des médicaments les plus chers,
quoique rarement en usage ; ils paient une patente dont sont dispensés les
médecins qui, vendant les drogues, ne tiennent que celles qu’ils ont l’habitude
de prescrire ; et lorsque cette loi a défendu aux médecins de contracter des
engagements avec les pharmaciens pour la fourniture des drogues, et cela pour
prévenir toute intelligence qui pourrait s’établir entre eux au détriment des
malades, par une bizarrerie singulière cette même loi, si défiante d’abord,
confère à un seul le droit de prescrire et de fournir.
A la vérité cette disposition pouvait avoir un bon
côté lorsque nous étions réunis à la Hollande, parce que là les communications
sont difficiles, le terrain étant entrecoupé d’eau presque partout. Mais
aujourd’hui que ces motifs n’existent plus, les pétitionnaires demandent que ce
cumul des professions de médecin et de pharmacien disparaisse de la loi
nouvelle.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_______________
M. Lejeune, rapporteur,
monte à la tribune.
Plusieurs
membres. - La chambre n’est plus en nombre.
M. de Renesse
fait l’appel nominal pour constater le nombre des membres présents.
Ont répondu : MM. Bekaert, Cornet de Grez, de Brouckere, Dechamps, de Jaegher, de Meer de
Moorsel, de Nef, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq,
d’Hoffschmidt, d’Huart, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien,
Hye-Hoys, Jullien, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Legrelle,
Lejeune, Milcamps, Morel-Danheel, Quirini,
Raymaeckers, Scheyven, Simons, Trentesaux, Ullens, Vanden Wiele,
Verdussen, Van Hoobrouck, Raikem, Wallaert, Zoude.
- La chambre n’est pas en nombre.
La séance est levée à 3 heures et demie.