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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 20 avril 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à la construction d’une
route par l’Etat (Eloy de Burdinne)
2) Projet
de loi modifiant les limites de plusieurs communes
3) Projet
de loi relatif au canal de Zelzaete à la mer du Nord. Second vote des articles
(F. de Mérode)
4) Projet
de loi autorisant l’émission d’un emprunt pour construction de routes
(+affectation du produit des barrières) (A. Rodenbach,
(+dette publique) (de Foere, d’Huart,
de Foere, d’Huart, de Foere, d’Huart), Watlet, Jullien, (+dette publique
et société générale) Dumortier, de
Puydt, Watlet, de Theux, de Foere, Jullien, A. Rodenbach, Pirmez, Dumortier, d’Huart, Verdussen, de Theux, Jullien, Pirmez, d’Huart,
Legrelle, de Theux, Legrelle, Smits, Jullien,
d’Huart, Dubus, Lebeau,
de Theux, Dubus, de Theux, de Puydt)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°112, du 21 avril 1836 et Moniteur belge n°113, du 22 avril 1836)
(Moniteur
belge n°112, du 21 avril 1836) M. Dechamps
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Dechamps fait
connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs habitants de Burdinne réclament
contre la direction donnée à la route projetée de Namur à St-Trond. »
______________
« Des gardes civiques demandent que la garde
civique soit organisée en trois bans. »
______________
M. Eloy de
Burdinne demande que la pétition des habitants de Burdinne soit
renvoyée à la commission des travaux publics avec invitation de faire un prompt
rapport.
M. le président. -
La commission des travaux publics a déjà déclaré que son mandat est épuisé.
M. Eloy de
Burdinne. - En ce cas je demande le renvoi à la commission des
pétitions avec la même invitation de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES
LIMITES DE PLUSIEURS COMMUNES
M. de Nef et M. Mast de
Vries déposent sur le bureau leur travail relativement à la séparation
de diverses communes.
PROJET DE LOI RELATIF AU
CANAL DE ZELZAETE A
Second vote des
articles et vote sur l’ensemble du projet
- Les divers articles amendés de ce projet, tels
qu’ils résultent de la première délibération de la chambre, sont successivement
mis aux voix et adoptés sans discussion. L’ensemble de la loi est ensuite
soumis au vote par appel nominal.
65 membres sont présents.
2 s’abstiennent de prendre part à la délibération.
48 votent l’adoption.
17 votent le rejet.
En conséquence le projet est adopté et sera
transmis au sénat.
M. le président. -
MM. de Mérode et Lardinois qui se sont abstenus sont invités, aux termes du
règlement, d’en exposer les motifs.
M. F. de Mérode.
- Messieurs, j’espérais que la commission chargée de l’examen préalable du
projet sur lequel la chambre vient de voter, aurait indiqué un moyen de solder
les frais d’établissement du canal de Dam à la mer et de celui de Zelzaete ;
j’espérais qu’il se rendrait l’organe d’une proposition, au moins d’un vœu,
pour la création ultérieure de revenus égaux à la dépense qui pèsera sur le
trésor ; mais à mon grand regret, je lis dans le nouveau rapport que c’est par
les bons seulement que l’on entend payer des travaux qui ne rapportent rien à
l’Etat.
Messieurs, je suis plus que jamais opposé à
l’accumulation de la dette flottante, et de toute dette quelconque, lorsque je
vois le laisser-aller avec lequel on s’abandonne à des ressources factices, au
lieu de faire face aux besoins successifs du pays par l’augmentation des
recettes. Ce système est aussi commode pour le présent que détestable pour un
avenir qui n’est pas très éloigné. Mais l’imprévoyance n’obtiendra jamais mon
concours. Je veux établir une réelle communauté entre les diverses portions du
pays ; je pense que
M. Lardinois
déclare s’abstenir parce qu’il n’a pas assisté la discussion du projet.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Beerenbroeck,
Bekaert, Cols, Coppieters, David, Dechamps, de Foere, de Jaegher, de Meer de
Moorsel, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse,
de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de
Theux, d’Huart, Dubus, Duvivier, Fallon, Hye-Hoys, Jullien, Kervyn, Legrelle,
Lejeune, Liedts, Manilius, Morel-Danheel, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Smits,
Thienpont, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Vergauwen, Van Hoobrouck de
Fiennes, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Wallaert, Watlet, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Cornet de Grez, Dequesne, Desmanet de Biesme, Doignon, Eloy de
Burdinne, Gendebien, Keppenne, Mast de Vries, Milcamps, Pirmez, Polfvliet,
Raikem, Scheyven, Simons, Ullens, Verdussen.
PROJET DE LOI AUTORISANT
L’EMISSION UN EMPRUNT POUR CONSTRUCTION DE ROUTES
Discussion des articles
Article premier
M. le président. -
Hier, la chambre a clos la discussion générale, et elle a décidé qu’elle
regarderait la proposition de la commission comme étant la principale, et celle
du ministre comme étant un amendement.
Voici la proposition de la commission :
« 1° Le gouvernement est autorisé à contracter
un emprunt de six millions de francs destiné à l’exécution de routes à
construire dans les différentes provinces du royaume.
« 2° L’excédant du produit des barrières est
affecté au remboursement de l’emprunt et au paiement des intérêts.
« 3° L’application des fonds sera réglée, une
fois pour toutes, par une commission de neuf membres, dont chacun sera nommé
par les représentants et sénateurs réunis de chaque province. »
Voici la proposition faite par M. le ministre de
l’intérieur :
« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un
crédit de six millions de francs, à l’effet de pourvoir à la construction de
routes pavées et ferrées. »
« Art. 2. La dépense sera couverte au moyen d’un
emprunt qui sera ultérieurement réglé par une loi, et dont les intérêts et
l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières. »
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, dans la séance d’hier M. le ministre et
plusieurs honorables représentants ont soutenu l’utilité et l’urgence d’un
grand nombre de routes à faire là où il en existe le moins, et notamment dans
les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Je partage entièrement cette
opinion. Certes il faut plus faire pour le Limbourg, le Luxembourg, Anvers et
Je remarque, messieurs, dans le rapport de la
commission que dans la répartition des 2,201,723 fr. accordés depuis 1835 pour
travaux anciens et nouveaux,
Les communes d’Ardoye, d’lseghem et de Roulers se sont endettées par des
constructions de pavés à leurs frais, et se trouvent aujourd’hui dans
l’impossibilité de faire de nouveaux sacrifices pour combler les lacunes encore
existantes, si le gouvernement persiste à ne leur rien accorder malgré leurs
vives sollicitations.
Annuellement ces communes doivent porter dans leur
budget de fortes sommes pour rembourser les intérêts et une partie des capitaux
qu’elles ont levés chez les banquiers hollandais au taux onéreux de 5 à 6 p. c.
Je terminerai ici mes observations en priant M. le ministre d’avoir autant
d’égard aux demandes qui lui ont été adressées ainsi qu’à S. M. pour nouvelles
constructions de routes qu’à celles faites directement à la chambre. On doit
aussi bien accueillir et examiner les unes que les autres.
M. de Foere. -
Messieurs, j’éprouve le besoin de vous présenter quelques considérations sur
l’emprunt que l’on vous propose de lever pour couvrir la dépense qui résultera
de la construction des routes projetées. D’un côté, je suis, dans l’intérêt de
l’Etat, l’adversaire irréconciliable des emprunts ; de l’autre, et aussi dans
l’intérêt de l’Etat, je suis grand partisan des communications à l’intérieur et
à l’extérieur. Ma position, comme vous voyez, messieurs, n’est pas heureuse
dans cette discussion. Elle deviendrait plus facile si je pouvais partager la
prévoyance du ministère et de la commission. Je ne pense pas que les intérêts
et l’amortissement de l’emprunt poissent être couverts par l’excédant du
produit des barrières, d’autant plus que, tous les ans, jusqu’à l’achèvement de
ces routes, le chiffre de l’emprunt deviendra plus élevé. J’ai même lieu de
croire que beaucoup de membres de cette assemblée pensent, à cet égard, comme
moi. Qui pourra même nous assurer que le temps ne nous conseillera pas
d’abaisser le taux des barrières et de le supprimer tout entier dans l’intérêt
du commerce et de l’industrie ?
Ma position serait aussi moins embarrassante si je
ne voyais pas tous nos ministres persister dans une administration déplorable,
en s’obstinant à ne pas porter le budget des recettes au niveau de celui des
dépenses. Ce niveau est aujourd’hui le but vers lequel tendent tous les efforts
des gouvernements sages, éclairés par les funestes expériences qu’ils ont
faites par le malheureux système des emprunts.
Il n’y a aujourd’hui qu’une seule voix contre ce
système. Il est proscrit par tous les vrais hommes d’Etat. Il l’est surtout en
temps de paix. Tous les économistes éclairés sont aujourd’hui convenus qu’il
est dans l’intérêt de l’Etat, c’est-à-dire des contribuables, de préférer, même
en temps de guerre, les impôts aux emprunts. En voici la preuve de fait :
pendant la dernière guerre continentale, c’est-à-dire de 1793 à 1816,
l’Angleterre a emprunté 10 milliards 700 millions de francs. Un relevé des
contributions payées par le peuple anglais, pendant ces vingt-quatre ans,
prouve que la dépense n’a excédé les rentrées de l’impôt public que de 114
millions liv. st., ce qui fait 4 millions et demi pour chaque année. Or, au
commencement de la guerre, le budget des dépenses de ce pays, y compris
l’Irlande, n’était que de 28 millions. En 1816, il avait atteint le chiffre
énorme de 101 millions. L’Angleterre regrette aujourd’hui amèrement qu’au lieu
de se jeter dans le système funeste des emprunts, elle n’ait pas augmenté le
budget des recettes, ou les impôts publics, de 4 millions et demi, et ne l’ait
pas porté ainsi, chaque année, terme moyen à 33 millions.
Quelles sont maintenant les conséquences
déplorables de cette énorme faute financière ? Il en est résulté que, malgré
les économies et les amortissements, le budget annuel des dépenses a été doublé
pendant de longues années. A côté de ces impôts accablants pour le peuple
anglais, surgit une consommation extraordinairement difficile pour les
habitants. Une grande partie est forcée de s’expatrier pour jouir des conforts
de la vie. La nation est accablée de sa dette au point que, malgré son orgueil
politique, elle ne peut exercer aucune influence décisive sur les affaires de
l’Europe. Dans son impuissance à faire la guerre, elle voit périr
Telles sont, messieurs, les conséquences
déplorables dans lesquelles les gouvernements et les parlements entraînent les
nations en voulant couvrir les dépenses publiques au moyen des emprunts.
A l’expiration de la guerre continentale, toute la
dette de France ne s’élevait, en principal, qu’à 4 milliards. Celui qui avait
présidé à ses destinées avait eu le bon esprit de faire couvrir les dépenses
publiques en grande partie par les impôts annuels. S’il n’avait pas été trop pressé,
il aurait vaincu son ennemi par la mitraille financière.
Je vois avec peine que le gouvernement et la
chambre persistent dans une erreur qui doit exercer une influence pernicieuse
sur l’avenir du pays.
Dans cette situation, grand ami, comme je le suis,
des voies de communications intérieures, et ennemi des emprunts, je ne puis
voter pour l’emprunt de six millions qu’à la seule condition que le ministère
déclare que, chaque année, il portera le budget des recettes, au moyen d’impôts
réguliers, au niveau du budget de dépenses, quelle que soit la cause et la
nature de ces dépenses.
Je voterai, dis-je, à cette
condition pour ce premier emprunt de six millions, parce que je crois qu’il est
encore possible que, par le temps, cette somme puisse être remboursée par le
produit des barrières levé sur les routes anciennes et nouvelles. Mais je
repousserai toute proposition d’emprunt qui, l’année prochaine, pourrait être
faite pour l’achèvement de toutes les routes projetées.
Il est peut-être des membres qui proposeraient des
bons du trésor pour couvrir la dépense des routes. Les bons du trésor,
messieurs, ne sont aujourd’hui autre chose qu’un véritable emprunt. La première
levée des bons du trésor n’a été proposée et accordée que pour faciliter le
service de l’administration. Il était entendu que la rentrée successive des
impôts devait en couvrir le principal. Bientôt ils ont dégénéré en véritable
emprunt, coté même à la bourse. Ils ne sont aujourd’hui représentés par aucune
valeur réelle. La quotité de 25 millions, à laquelle ils se sont élevés
aujourd’hui, constitue aujourd’hui un déficit réel dans le budget de l’Etat.
Les bons du trésor exercent d’ailleurs une
influence pernicieuse sur l’escompte au détriment du commerce et de
l’industrie. L’intérêt élevé de ces bons est un obstacle à l’abaissement du
taux de l’escompte. Les capitaux mobiles refluent sur les bons du trésor. Si
l’intérêt n’en était pas si élevé, ces capitaux se porteraient sur l’escompte.
L’affluence en ferait baisser le taux qui est aujourd’hui à 5 p.c. L’escompte
est aujourd’hui en Angleterre et en France à 3 p. c.,
parce que les bons du trésor sont, en Angleterre, à 2 1/4, et en France, à 2
1/2 p. c.
Telles sont, messieurs, les considérations que je
désirais vous présenter sur l’emprunt proposé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que le moment est venu de
donner à la chambre quelques explications sur l’élévation réelle des sommes qui
seront affectées à la construction des routes, au moyen de l’emprunt et de
l’excédant du produit des barrières.
Vous aurez remarqué, messieurs, que par la
rédaction présentée par M. le ministre de l’intérieur, un emprunt de 6 millions
serait levé pour être affecté à cet objet, et que de plus l’excédant du produit
des barrières serait destiné à la construction des routes d’une part, et au
paiement des intérêts de l’emprunt et à l’amortissement de cet emprunt de
l’autre.
D’après les renseignements qui ont été fournis au
département de l’intérieur, 1,900,000 fr à deux
millions constituent la somme que l’on peut employer convenablement aux travaux
de route chaque année. Affecter une somme plus considérable à l’exécution de
ces travaux, ce serait risquer de faire quelque fausse opération, risquer de ne
pas tirer de la dépense tout le profit possible.
Messieurs, l’excédant du produit des barrières sera
cette année, d’après le résultat connu des adjudications, de 965 mille francs,
c’est-à-dire que 965 mille francs pourraient être employés à des constructions
nouvelles après avoir pourvu d’une manière convenable à l’entretien des
communications pavées et ferrées qui existent.
Si je recherche l’excédant du produit des
barrières, resté disponible dans les cinq exercices précédents, je trouve que
moyennement il n’a pas été au-dessous de 750 mille francs.
Je pourrais donc prendre pour point de départ la
somme de 965 mille francs et raisonner sur cette somme restée disponible, en
l’appliquant à l’exécution de travaux neufs et à l’intérêt de l’emprunt.
Mais comme il pourrait arriver des événements qui
fissent baisser le taux de l’adjudication des barrières, je prendrai la moyenne
de 800 mille fr. Je la regarde comme beaucoup au-dessous des probabilités. Mais
il vaut mieux la prendre au-dessous de la réalité qu’au dessus.
L’emprunt de six millions serait réparti en parts
égales pendant cinq années, c’est-à-dire que nous aurions 1,200 mille fr. de
l’emprunt chaque année pendant cinq ans. Les 1,200 mille fr. de la première
année exigeront pour intérêts, en les fixant approximativement à 5 p.c. (j’ai
lieu de croire qu’ils seront moindres,) une somme de 60 mille francs.
C’est donc 60 mille francs qu’il faudra prendre sur
les 800 mille francs de l’excédant du produit des barrière,,
Il ne reste plus ainsi, sur cet excédant, que 740 mille fr. à dépenser avec les
1.200 mille fr. de l’emprunt pour les constructions nouvelles. Ces deux sommes
réunies font 1.940 mille francs, ce qui est à peu près le maximum de la dépense
qu’on peut faire convenablement chaque année en travaux de l’espèce dont il
s’agit.
Je dois dire, avant d’aller plus loin, que
l’amortissement de l’emprunt ne prendrait cours que quand tout l’emprunt aurait
été versé au trésor, c’est-à-dire qu’après les cinq années seulement nous
affecterions un amortissement, mais un amortissement très fort au remboursement
du capital.
Je n’ai donc à défalquer de l’excédant du produit
des barrières qui serait affecté aux constructions nouvelles que le montant des
intérêts.
La deuxième année, la somme empruntée sera de 2,400
mille francs, et les intérêts à prendre sur les 800 mille francs seront de 120
mille francs. Il ne restera à ajouter aux 1,200 mille francs de l’emprunt que
680 mille francs. La somme à dépenser la seconde année en constructions neuves,
d’après les bases que j’ai indiquées, serait de 1,880 mille francs. Mais une
observation, que je ferai tout à l’heure, vous démontrera que cette somme sera
en réalité plus forte, et se rapprochera beaucoup du chiffre de 1,940 mille fr.
de la première année.
La troisième année, en procédant de la même
manière, la somme à employer serait de 1,820 mille francs ; la quatrième de
1,760 mille, et la cinquième, de 1,700,000 fr.,
c’est-à-dire que l’excédant du produit des barrières, moins les intérêts de
l’emprunt, qui sera employé aux constructions nouvelles pendant les cinq
années, sera de 3 millions de francs.
Ensuite, comme les routes qu’on construira
produiront elles-mêmes quelque chose, le produit des barrières augmentera. Il
augmentera encore par suite des relations qui s’établiront entre les routes
nouvelles et celles qui existent. Cette augmentation, je l’évalue moyennement à
50 mille francs par an.
Si j’ajoute successivement ces 50 mille fr., à
partir de la seconde année, je trouve que nous aurons réellement à dépenser en
constructions nouvelles neuf millions six cent mille francs.
Savoir : 1,940 mille fr. la première année, 1,930
mille fr. la seconde la troisième, 1,920 mille ; la quatrième, 1,910 mille, et
la cinquième 1,900 mille fr.
Voilà quel serait le résultat de l’emprunt combiné
avec le produit des routes pendant cinq années.
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’entretenir
la chambre des combinaisons de l’emprunt et du mode que nous proposerons pour
les régler. Car il s’agit ici simplement de stipuler que les 6 millions seront
empruntés avec affectation d’intérêts et d’amortissement sur l’excédant du
produit des barrières.
Quand il s’agira de la loi relative à l’emprunt,
qui ne devra pas comprendre seulement les six millions pour les routes, mais la
somme employée à la construction du chemin de fer décrété par la loi du 1er mai
1834, les 1,900 mille francs pour l’acquisition du canal de
Dans une séance précédente on s’est élevé contre
l’exiguïté de l’emprunt. Quelques honorables membres auraient voulu qu’il fût
porté à dix millions pour hâter la construction des routes.
Nous sommes d’accord avec ces honorables membres ;
car en demandant que l’emprunt fût porté à 10 millions, ils proposaient
d’affecter tout l’excédant du produit des barrières aux intérêts et à
l’amortissement de l’emprunt. Moi, je propose de n’affecter l’excédant du
produit des barrières à l’amortissement qu’à partir de la cinquième année. Dans
l’intervalle, il sera affecté seulement au service des intérêts et à
l’exécution des travaux. Or, si je retranche de l’excédant du produit des
barrières la somme affectée au service des intérêts, je trouve qu’une somme de
trois millions cent mille francs sera réservée pour les travaux ; cette somme
jointe à l’emprunt donne celle de 9 millions, 100,000 fr. ; il resterait donc
seulement, en supposant même que les nouvelles routes ne produiraient rien
d’excédant, une différence de moins d’un million avec la proposition des
honorables membres. Mais ce million sera couvert par la participation des
provinces et des communes qui pourront le faire, aux constructions de routes.
Ensuite je ferai observer que des sociétés, au moyen d’un subside, se
chargeront de continuer des routes. Déjà de telles sociétés se sont offertes ;
l’une a proposé de se charger de la construction d’une route dans les Ardennes,
moyennant un subside de 24 mille francs par lieue, c’est-à-dire la moitié du
montant de la dépense ; car dans le Luxembourg les routes étant étroites et le
terrain des emprises étant d’ailleurs de peu de valeur, on peut construire une
lieue de route empierrée, comme on les construit là, moyennant 50 mille fr.,
terme moyen.
Vous voyez donc, messieurs, que nous sommes, en
résultat, d’accord avec les honorables membres qui, faisant agir de suite
l’amortissement du capital, auraient voulu qu’on portât l’emprunt à 10 millions
pour hâter la construction des routes.
L’honorable membre que vous venez d’entendre, en
s’élevant contre le système des emprunts, vous a parlé de l’Angleterre ; il
vous l’a montrée comme étant obérée par les emprunts et gênée dans ses finances
au point de ne pouvoir entreprendre des choses fort importantes pour elle, et
qu’elle aurait entreprises si elle avait toujours pourvu à ses dépenses au
moyen de ressources ordinaires.
Je ferai observer qu’il y a une énorme différence
entre la nature des emprunts dont a parlé cet honorable membre et ceux dont il
s’agit ici. Les emprunts que nous vous proposons de faire ne sont destinés qu’à
nous enrichir, ils sont destinés à nous procurer dans un moindre espace de
temps des communications utiles au pays, et en quelque sorte sans bourse délier. Au lieu de nous en tenir à l’état de choses actuel,
et d’appliquer lentement chaque année que les 800 mille francs d’excédant du
produit des barrières, nous dépenserons promptement une somme notable à
l’achèvement de nos communications, afin d’en jouir de suite, et ensuite nous
affecterons, pendant un certain nombre d’années, tout ou forte partie de
l’excédant du produit des barrières à l’amortissement de l’emprunt. Un tel mode
ne peut grever l’avenir du pays ni jeter la moindre défaveur sur son crédit.
Je ne m’étendrai pas sur les sources de prospérité
que nous assure la construction des routes. C’est une vérité triviale, c’est un
axiome qui n’a pas donné lieu à controverse. Il est évident que nous
enrichissons le pays en créant de nouvelles communications car nous augmentons
la valeur territoriale en ouvrant des débouchés à ses produits ; nous tirons de
notre position des avantages dont nous serions privés longtemps, si nous
persistons dans le système suivi jusqu’à présent, système qu’il serait donc
essentiellement contraire aux intérêts du pays de continuer.
Le même honorable membre auquel je viens de
répondre, dit encore qu’il était déplorable de voir que le ministère ne
pourvoyait pas aux recettes de manière à les faire balancer par les dépenses,
et il a exprimé le regret que chaque budget des dépenses présentait un excédant
sur les recettes.
L’honorable membre est ici dans l’erreur. Le
dernier budget, quoiqu’ayant subi des majorations assez fortes, ne dépasse pas
le montant des voies et moyens. Il est à remarquer que nous avons une somme
notable et certaine à toucher provenant des intérêts de l’encaisse déposé à la
société générale, et qui ne figure pas au budget des recettes ; le premier mai
il sera versé au trésor la moitié de 670 mille fr. formant l’import de ces
intérêts ; si on ajoute cette somme au budget des recettes dont les évaluations
sont, je le dis en passant, très basses, on voit qu’il y a malgré cela balance
entre les recettes présumées et les dépenses votées.
L’honorable membre doute que l’excédant du produit
des barrières puisse suffire pour faire face aux intérêts et à l’amortissement
de l’emprunt.
Messieurs, il me semble qu’il est impossible
d’avoir des doutes à cet égard, si nous admettons que nos barrières qui, en
1836, donneront un excédant de 965,000 fr., nous procureront au moins, par la
suite, un excédant moyen de 800,000 francs.
Vous le voyez, messieurs, j’aurais pu me servir
d’un chiffre élevé d’un quart de plus que je n’ai fait, pour préconiser le
système que nous défendons. J’ai préféré le réduire, afin de prévenir toute
objection fondée.
L’honorable député auquel je continue à répondre, a
dit, il est vrai, qu’il conviendrait peut-être, dans l’intérêt de l’industrie
et du commerce, d’abaisser le droit de barrières, de supprimer même cet impôt
qui se prélève sur la circulation des marchandises.
Messieurs, pour mon compte, je ne serai jamais
partisan de la suppression d’un impôt qui est aussi simple dans sa base, aussi
juste dans sa perception que l’est celui des barrières ; je pense que cet impôt
est un de ceux qui ne peuvent exciter des réclamations sérieuses.
Celui qui paie cet impôt, le paie, parce qu’il le
veut bien ; et comme la taxe est la même sur tous les points du pays, l’un
n’est pas favorisé au détriment de l’autre.
Je pense donc, messieurs, que cet impôt, qui est un
de ceux qui sont invétérés dans nos mœurs, ne pourrait être supprimé sans les
plus graves inconvénients.
D’abord, il faudrait bien
pourvoir par de nouveaux impôts au recouvrement d’une somme de deux millions ;
et vous auriez par là le déplorable inconvénient de froisser ses habitudes, et
d’obliger les habitants à se soumettre à de nouvelles conditions.
D’après ces considérations, je persiste à croire,
messieurs, qu’il ne pourrait être question de supprimer jamais l’impôt dont il
s’agit. Toutefois, si tout au plus on pouvait songer à le réduire, on
trouverait toujours moyen de le faire, sans abandonner pour cela la somme
nécessaire aux intérêts et à l’amortissement de l’emprunt, car je suis resté de
beaucoup en-dessous de la réalité en supputant pour l’avenir la moyenne
annuelle de l’excédant à raison de 800,000 fr.
Messieurs, il appartient plus particulièrement à
mon collègue de l’intérieur de répondre à la critique qu’a faite un honorable
représentant des Flandres, de la répartition opérée depuis 1833, de l’excédant
du produit des barrières.
Cependant sans connaître les motifs particuliers
qui ont dirigé mon honorable collègue dans cette répartition, je trouverais dans
les chiffres mêmes qui sont repris au tableau la preuve que cette répartition a
été équitable.
La comparaison de ces chiffres est ici une aussi
bonne justification que l’on puisse faire de cette répartition qui, au reste,
n’est opérée, qu’après que mon collègue a examiné les besoins réels des
différentes provinces, et demandé des renseignements au conseil des ponts et
chaussées et aux gouverneurs provinciaux. Et en effet je trouve que si
M.
de Foere. - Messieurs, je n’ai pas contesté les résultats heureux que
doivent avoir les voies de communications intérieures sur le bien-être du pays.
Je me suis, au contraire, déclaré ouvertement partisan de ces communications.
Ce que j’ai contesté, c’est que l’excédant du produit des barrières puisse
couvrir les dépenses des routes nouvelles. J’en ai conclu que nos déficits en
augmenteront dans la même proportion. L’honorable ministre des finances n’a pas
prouvé ce point, car de simples prévisions gratuites ne sont pas des preuves
que cet excédant suffira aux dépenses des routes.
L’honorable ministre n’a pas prouvé non plus qu’il
n’existe pas aujourd’hui un déficit réel au budget de l’Etat. Pour soutenir
cette assertion, il en a appelé aux 12 millions et autant que la banque de
Bruxelles doit au trésor. En admettant ce remboursement, il resterait encore
toujours un déficit de 13 millions, attendu que l’Etat lève aujourd’hui 25
millions de bons du trésor dont 13 millions ne sont représentés par aucune
valeur.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je ferai observer à l’honorable M.
de Foere que dans les 26,490,000 francs de bons du trésor que le gouvernement
est autorisé à émettre, se trouve comprise la somme de dix millions destinée à
la construction du chemin de fer ; que cette somme de dix millions sera
couverte au moyen d’un emprunt qui comprendra aussi la somme de six millions
dont il s’agit en ce moment.
Ainsi ces 10 millions de bons du trésor destinés au
chemin de fer vont être couverts par l’emprunt dont je viens de parler.
En autorisant le gouvernement à couvrir cette
émission de bons du trésor pour les travaux du chemin de fer, vous ne ferez que
donner suite à la loi du 1er mai 1834, qui consacre le principe de la création
d’un emprunt. Ne parlons donc plus de ces 10 millions qui, d’après le projet de
loi qui vous sera soumis incessamment, et que vous adopterez, je l’espère,
peuvent être considérés comme couverts.
Outre cela, il y a 1,490,000
fr. de bons du trésor par
Il restera en définitive 15,000,000 de bons du trésor, destinés à faire face aux
services généraux de l’Etat. Ces 15,000,000 de bons du
trésor ont été créés en 1833, pour couvrir les dépenses antérieures, qu’il
n’est pas besoin de justifier et qui sont très légitimes, ces dépenses n’étant
que la suite de la révolution, la suite des charges que
Ces 15 millions de bons du trésor sont donc, en
supposant qu’ils soient entièrement absorbés (ce qui n’est pas, et vous avez pu
vous en assurer par le dernier compte que j’ai présenté à la chambre), tout le
découvert réel du trésor pour les services généraux de l’Etat ; et si l’on
pouvait obtenir le remboursement des 13 millions d’encaisse dont la banque paie
l’intérêt, il n’y aurait plus un déficit que de 2 millions, et ces 2 millions
seraient comblés et au-delà par l’excédant probable sur l’évaluation du budget
des voies et moyens pour 1836. Vous voyez donc que si, comme je le pense,
l’emprunt du montant des dépenses du chemin de fer est décrété, nos recettes et
nos dépenses seront de niveau. A cet égard, il y a très peu de pays qui
pourraient se placer dans la même position que
Du reste, si la convention passée avec la banque
était maintenue à 5 p. c., nous pourrions emprunter un
capital plus élevé ; car nous obtiendrions l’emprunt au-dessous de 5 p. c. :
vous voyez donc que dans cette hypothèse même on pourrait encore couvrir les 15
millions.
Je suis charmé que l’honorable préopinant m’ait
fourni l’occasion de donner ces explications ; car elles prouvent clairement
pour tout le monde que le crédit de
M.
de Foere. - M. le ministre des finances n’a fait que répondre à la
question par la question même. Le gouvernement se propose, dit-il, de remplacer
10 millions de bons du trésor par un emprunt de 10 millions. S’ensuit-il que le
déficit n’existe plus ? C’est, au contraire, l’aveu le plus positif que le
déficit existe, attendu qu’il faudra le couvrir par un emprunt. C’est donc
répondre, comme je l’ai dit, à la question par la question, d’autant mieux que
nos bons du trésor ne sont, en réalité, autre chose qu’un véritable emprunt. Je
ne vois pas même de raison pour laquelle ces 10 millions de bons du trésor
seraient remplacés par un emprunt, à moins que ce ne soit pour enrichir les
banquiers. Aujourd’hui le ministre des finances parvient à lever des bons du
trésor à 4 et 4 et demi p. c. Je ne pense pas qu’il puisse parvenir aujourd’hui
à ce résultat par la voie d’un emprunt.
L’honorable ministre a cependant reconnu qu’il
existerait encore un déficit de 2 millions. Pourquoi ne se propose-t-il pas de
couvrir aussi ce déficit par un emprunt de 2 millions ? Alors il n’existerait
plus de déficit, si tant est que les emprunts à lever à l’avenir pour remplacer
les déficits actuels prouvent que ces déficits n’existent pas actuellement.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois prendre immédiatement
la parole pour donner une explication ; sans cela, la discussion pourrait
s’égarer si l’on prenait au pied de la lettre les paroles de l’honorable
préopinant. Il suppose que l’on fera un emprunt pour combler le déficit de nos
dépenses.
Mais, non ; nous ne sommes à découvert que des 15
millions pour services généraux+. Ces 15 millions seront couverts soit par le
capital lui-même dû par la société générale, soit par l’intérêt de ce capital.
Il n’est donc pas question d’emprunt pour les dépenses ordinaires de l’Etat,
nous ne demandons pas d’emprunt pour cela.
Nous ne vous demanderons un emprunt que pour
l’achat de bonnes propriétés qui doivent produire 10 ou 15 p. c. Nous proposons
un emprunt pour le remboursement des 10 millions qui vont être dépensés pour la
construction de la route en fer.
Nous en proposerons un également pour les dépenses
plus fortes qui auront lieu à ce titre pour l’avenir. Nous demanderons un
emprunt de 6 millions pour les constructions de routes que vous allez
autoriser. Nous en demanderons également un pour le remboursement de la somme à
payer aux concessionnaires de
Je prie la chambre de faire attention à ces
considérations. Notre emprunt sera exclusivement destiné à payer les travaux du
chemin de fer, ceux des routes dont vous allez autoriser la construction et les
travaux de
Si on considère quel est le produit de la route en
fer de Bruxelles à Malines et surtout quel sera le produit de la route de
Bruxelles à Anvers, on trouvera qu’elle rapportera peut-être 25 p. c. du
capital employé. Je veux admettre que les bénéfices ne soient pas aussi
considérables sur les autres parties du chemin de fer et sur les autres routes,
Il n’en est pas moins vrai que la moyenne sera au-delà de 6 p. c. Or, l’emprunt
sera exclusivement destiné aux travaux du chemin de fer, aux routes, et à
l’acquisition de
M.
Watlet. - Je ferai remarquer à M. le ministre des finances qu’il est
dans l’erreur lorsqu’il dit qu’il est d’accord au fond avec ceux qui demandent
10 millions au lieu de 6 millions, parce que, dit-il, indépendamment des 6
millions on emploiera l’excédant du produit des barrières. Mais j’avais
également entendu que l’on ajoutât à l’emprunt de 10 millions l’excédant du
produit des barrières. De cette manière, au lieu de 10 millions, ce serait 13,200,000 fr. qu’on emploierait. Tout ce que j’ai dit à cet
égard reste donc dans son entier.
Les semi-explications données par la commission des
motifs pour lesquels elle a réduit l’emprunt de 10 millions à 6 millions ne
m’ont pas satisfait du tout ; car je ne vois aucun motif concluant à admettre
cette réduction, d’autant que, d’après les calculs de l’honorable rapporteur,
il y aurait, pour pourvoir aux besoins urgents, 275 lieues de routes à faire ;
tandis qu’avec 6 millions on ne pourra faire que 120 lieues : à cet égard mon
opinion reste conforme à ce que j’ai dit.
Cependant il y a une difficulté, qui, si elle était
réelle, me ferait renoncer à l’intention que j’ai annoncée de présenter un
amendement : c’est qu’il y aurait peut-être de la difficulté avec le personnel
des ponts et chaussées à employer, dans un intervalle de temps de 5 années, un
capital de 10 millions. S’il en était ainsi, je retirerais mon amendement. Dans
le cas contraire, je le maintiendrai.
M. Jullien. - J’ai
déjà eu plusieurs fois occasion de déclarer dans cette enceinte que je n’étais
pas partisan du droit des barrières. Je le considère en général comme une
entrave à la liberté naturelle d’aller et de venir, comme un embarras dans les
communications et pour le commerce. Sous ce rapport, messieurs, je partage
l’opinion de quelques-uns des préopinants.
J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre des
finances vanter cet impôt et ne pas nous laisser même l’espoir de nous en voir
débarrassés un jour comme on s’est empressé de le faire en France,.
Il n’y a pas d’impôt plus légitime, que celui-là,
dit M. le ministre des finances. On ne le paie que quand on le veut bien. Sans
doute, si l’on veut bien ne pas faire le commerce, ne pas circuler sur les
routes, rester chez soi, l’on ne paie pas l’impôt des barrières. Mais M. le
ministre admettra bien qu’il faut sortir de chez soi ; c’est une chose forcée
comme autre chose.
Je ne demande pas l’abolition du droit de
barrières. Ce n’est pas dans un moment où l’on sent la nécessité de faire des
emprunts que je demanderai la suppression de cet impôt. Mais j’appelle
l’attention du gouvernement sur les moyens de le faire cesser un jour.
S’il fallait en croire les calculs de M. le
ministre des finances, l’emprunt de six millions que l’on nous propose doit
nous enrichir. Plus l’on emprunte, plus on s’enrichit, Si l’on poussait trop loin
ce raisonnement, l’on finirait par trouver que c’est un paradoxe. J’admets avec
M. le ministre des finances que quand il s’agit d’un emprunt de six millions
que l’on amortira par un véritable excédant du produit des barrières, on peut y
consentir sans peine. Mais s’il s’agissait d’un emprunt considérable et que M.
le ministre voulût nous persuader qu’il nous enrichirait, je vous avoue que je
me rangerais plus difficilement à l’opinion de M. le ministre des finances.
Comme je suis convaincu de l’utilité et de
l’urgence des travaux, et que, quant à l’emprunt de 6 millions, je vois les
moyens d’y faire face, sans nuire au crédit public, en l’amortissant par un
véritable excédant du produit des barrières, j’y donnerai mon assentiment.
Cependant, messieurs, tout en donnant mon
assentiment au projet, je demande comme d’autres honorables préopinants que
l’application de cet emprunt de 6 millions soit faite dans les différentes
provinces avec plus de justice que n’a été faite jusqu’à présent la
distribution du produit des barrières.
C’est une remarque
extrêmement juste, faite par l’honorable député de Roulers. Il résulte du
tableau qui vous a été mis sous les yeux, que
M. le ministre des finances a répondu à cette
observation qu’en comparant
Vous remarquerez, messieurs, que
Au surplus, toute discussion à cet égard sera mieux
placée lorsque nous aborderons l’article 3 de la loi qui traite des garanties
que la commission demande quant à l’application des fonds de l’emprunt.
Quant à présent, je déclare que je voterai pour
l’emprunt de 6 millions.
M. Dumortier. -
J’avais demandé la parole pour faire quelques observations sur ce qu’a dit
l’honorable M. de Foere. Cet
honorable membre ne veut pas d’emprunt. En règle générale je l’ai déjà dit
souvent, je partage son opinion.
Je conviens avec lui que les emprunts sont ruineux et
qu’ils sont pénibles pour l’avenir du pays. Je ne regrette qu’une chose : c’est
que l’honorable M. de Foere n’ait pas défendu avec le talent qu’il apporte dans
toutes les discussions la thèse qu’il vient de développer, quand il s’est agi
de vanter un emprunt pour le canal de Zelzaete que vous venez de voter. (Hilarité.) Il aurait pu démontrer tous
les inconvénients qu’il y aurait à faire faire ce canal aux frais de l’Etat.
Je ferai remarquer maintenant à l’assemblée qu’il
faut distinguer les emprunts : Celui sur les routes est d’une nature toute
particulière. Il y a ici une caisse spéciale, un budget à part. Vous avez voté
dans les moments les plus calamiteux où se trouva le trésor public une loi qui
affecte exclusivement l’excédant du produit des barrières à des constructions
de routes nouvelles. Ainsi à l’époque où les ressources de
Ainsi, messieurs, nous n’engageons en rien le
trésor public en établissant un emprunt pour la création de routes. Il n’y a
pas d’analogie à établir entre cet emprunt et les autres.
S’il s’agissait d’un emprunt ordinaire à quelque
titre que ce fût, je m’y opposerais de tous mes moyens, parce que nous avons le
moyen d’éviter ces emprunts en faisant une bonne fois rendre ses comptes à la
banque qui est détenteur des fonds de l’Etat.
Si le trésor est en déficit de vingt millions, la
banque est débitrice de plus de vingt millions. Du moment que la banque aura
payé cette somme, nous aurons le bonheur de voir le trésor public libre de
toute espèce de charge.
Je prie donc la chambre de ne pas perdre cet objet
de vue. Je la supplie de ne pas voter d’autres emprunts, mais de forcer la
banque à rendre ses comptes.
La banque, à la vérité, vous paie l’intérêt d’une
partie du capital qu’elle vous doit. Mais cet intérêt n’équivaut pas l’intérêt
et les frais de négociations des bons du trésor que le retard apporté dans
cette liquidation vous force d’émettre. Il est d’un très grand intérêt pour
La banque, après tout, n’est qu’un receveur. Oui,
seulement un receveur d’une taille plus grande, qui se met en parallèle avec
l’Etat. Mais encore une fois ce n’est qu’un receveur, et comme tout receveur
elle doit rendre ses comptes ; il faut en agir avec elle comme avec les autres
receveurs.
Je prie donc la chambre de ne pas oublier cet objet
et de hâter autant que possible la discussion du rapport sur la banque.
Mais, pour qu’on ne puisse pas faire à la
commission chargée d’examiner la question de la banque, le reproche qu’on a
adressé à juste titre à la commission qui s’est occupée du canal de Zelzaete,
de ne pas nous avoir soumis une proposition précise, je désire qu’elle ait soin
de bien formuler la résolution qu’elle nous proposera, de nous présenter un
projet qui puisse être l’objet des délibérations de la chambre. J’insiste
fortement pour qu’après avoir discuté le projet de loi sur les mines, nous nous
occupions enfin de cette importante question de la banque. Vous avez vu que
l’intérêt des bons du trésor a été augmenté, il y a peu de temps ; vous venez
de voter une loi qui nécessitera une nouvelle émission de bons ; cette nouvelle
émission augmentera encore l’intérêt, et, si l’intérêt augmente, ce ne sera pas
seulement sur les nouveaux bons qu’on émettra, mais sur la masse entière des 25
millions de bons du trésor qui se trouveront en circulation après l’émission
dont je viens de parler. Et qui est-ce qui profitera de cette augmentation
d’intérêt ? ce sera la banque qui fait déjà de si gros
bénéfices aux dépens du trésor public.
Je le déclare donc, messieurs, si mon intention est
de combattre toute espèce d’emprunt qui serait destiné à couvrir des dépenses
générales de l’Etat, et cela parce que nous avons un moyen tout simple de
mettre nos dépenses au niveau de nos recettes, en faisant rendre compte à la
banque, je ne puis, en aucune manière, m’opposer à l’emprunt pour les routes,
parce que le montant de cet emprunt a une destination spéciale, parce qu’il
n’entre pas au trésor, parce qu’il ne peut jamais servir à couvrir une partie
des dépenses générales de l’Etat.
Il ne s’agit donc plus à mes yeux que de savoir
s’il est plus avantageux pour
Je désire que le gouvernement, ou ceux qui seront
chargés de répartir le montant de l’emprunt dont il s’agit, songent
principalement aux provinces d’Anvers, du Limbourg et du Luxembourg, parce que
ce sont ces provinces qui manquent le plus de routes : nous en manquons bien
aussi, mais Anvers, le Limbourg, le Luxembourg, surtout la Campine et les
Ardennes, en ont un besoin plus pressant. Je tiens cependant à ce que les
autres provinces ne soient pas oubliées ; mais je le répète, la plus grande
part doit être faite, non pas à nous, mais à ceux qui ont le plus grand besoin
de nouvelles communications. Voilà, messieurs, comment l’on agit quand on veut
se conduire en frères.
Il est une autre considération qu’il importe de ne
pas perdre de vue : lorsque l’on construit des routes, toujours les provinces
interviennent ; je demande que cette disposition salutaire soit maintenue ;
c’est un moyen d’augmenter considérablement les avantages qui doivent résulter
de la loi que nous discutons. Je citerai un exempte : depuis longtemps
l’agriculture réclamait une route à travers une importante partie du
territoire, entre Huy et Tirlemont ; le gouvernement a alloué un subside pour
la construction de cette route, mais il a engagé la province de Liège à y
contribuer, et elle l’a fait pour une forte part.
M. Eloy de
Burdinne. - Pour 160,000 florins.
M.
Dumortier. - Ainsi la province de Liége a fourni une part considérable
dans la dépense à faire pour la construction de cette route, et elle n’en est
pas moins demeurée une propriété de l’Etat.
Il résulte de cela que le gouvernement ne doit pas
perdre de vue l’intervention des localités dans la construction des routes,
pour lesquelles il s’agit de voter un emprunt, et qu’il ne doit pas suivre
l’exemple qui lui a été donné aujourd’hui, par le vote qui met exclusivement à
la charge de l’Etat une dépense qui est toute d’intérêt local ; c’est une faute
qui a été commise et que je désire ne pas voir se renouveler ; aussi je ne puis
assez engager le gouvernement à ne pas y retomber.
Je crains cependant qu’il ne puisse s’en préserver,
quand il aura à sa disposition une somme considérable, et c’est pourquoi
j’insiste à cet égard ; il faut qu’il agisse avec une louable fermeté, qu’il
fasse contribuer les provinces et les localités dans les dépenses qui les
intéressent, et qu’il ne dévie pas un instant de cette règle de conduite.
Je dirai quelques mots relativement à la
réclamation faite par l’honorable député de Bruges. Cet honorable représentant
s’est plaint de ce que la province de
Nous avons voté tout à l’heure une dépense de deux
millions en faveur de
Nous avons donc encore, en votant ce chemin de fer,
consacré plusieurs millions à l’intérêt de la localité que représente
l’honorable membre auquel je réponds. Je demande, messieurs, si c’est en
présence de pareils faits qu’il convient de faire des récriminations et de
venir nous dire que
M. de Puydt, rapporteur.
- Je ne veux donner que peu d’explications relativement à la hauteur de
l’emprunt et à la différence qu’un honorable préopinant a remarquée entre le
montant de la proposition première et celui de la proposition de la commission.
D’abord, je ferai remarquer que la commission n’a jamais eu à s’occuper d’un
emprunt de dix millions. Rien ne lui a été envoyé à cet égard par la chambre ou
du moins rien ne lui est parvenu. Mais la commission s’est trouvée saisie d’une
proposition du 6 mars 1834, pour 16 millions et d’un amendement de M. le ministre
portant la somme à 6 millions, voilà les limites dans lesquelles la commission
a renfermé son travail. Elle s’est rallié à l’amendement du ministre, et voici
ses motifs.
Les besoins du pays sont grands et notamment ceux
de la province du Luxembourg, et certes si les fonds à voter devaient être
employés par le gouvernement en travaux à faire au compte de l’Etat seulement,
il serait difficile de satisfaire ces besoins avec d’aussi faibles moyens que 6
millions, puisque moi-même j’avais, il y a deux ans, reconnu la nécessite de
construire au moins 275 lieues de routes dans les diverses provinces du
royaume. Mais tel n’est pas le projet du gouvernement et tel n’était pas le
désir de la commission.
Ces fonds seront principalement reportés en
subsides à des sociétés concessionnaires pour l’exécution de routes : ainsi
donc il s’agit de faire concourir l’industrie particulière à la création de
routes nouvelles, et si l’industrie particulière y concourt, nul
doute que les provinces et les communes n’y contribuent également.
Il ne peut également pas y
avoir de doutes sur la coopération des compagnies, puisque dans le Luxembourg,
qui présente si peu de ressources, on est déjà parvenu à stimuler l’esprit
d’association : or, si dans une contrée ou il existe peu de transports, on peut
faire des routes par concession au moyen d’un subside égal à la moitié du prix
d’une lieue de route, il est incontestable que dans d’autres provinces où il y
a plus d’industrie, des transports plus variés, plus continués, plus nombreux, les
subsides à accorder aux compagnies ne devront pas être ainsi élevés ; il y a
donc toute probabilité que la plupart des routes le feront par ce moyen, et que
le montant de l’emprunt produira un résultat supérieur à celui que produirait
un emploi pur et simple de cette somme par le gouvernement.
D’après cette opinion, ce
n’est pas six millions seulement qui seront employés en routes, mais une somme
de beaucoup supérieure. D’abord l’honorable ministre des finances vous a prouvé
que pendant les cinq années d’exécution, l’addition annuelle de l’excédant
restant disponible sur le produit des barrières portera la somme à 10 millions.
D’un autre côté, il faut y ajouter la
capitalisation des recettes des routes nouvelles pendant la durée de leur
construction, puisque les recettes représentent le capital qu’emploieront les
compagnies : c’est donc à plus de 20 millions qu’il faut évaluer la ressource
qui sera créée par le projet de la commission. C’est dans cet esprit qu’elle a
compris et voté la proposition qui vous est soumise.
M. Watlet. - Un
honorable préopinant est revenu sur un incident que j’avais cru terminé à la
séance d’hier. Mais pour ne pas arrêter inutilement la délibération de la
chambre, je me bornerais à le renvoyer au numéro du Moniteur du 25 janvier 1835 ; il y verra clairement établis les
objets renvoyés à la commission des travaux publics.
(Moniteur
belge n°113, du 22 avril 1836) M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, on a désiré savoir
la somme qu’on pouvait annuellement employer aux constructions des routes, avec
avantage.
J’avais déjà pris des renseignements sur cet objet
et, d’après un rapport de M. Vifquain, la somme qu’on pourrait convenablement
dépenser en travaux de cette nature, serait de deux millions.
Il est à remarquer que les concessions viennent
encore augmenter les travaux.
Il faut prendre garde de ne pas faire renchérir la
main-d’œuvre en exécutant de trop grands travaux sur un même point. Il ne faut
pas non plus faire renchérir la matière première. Il faut d’un autre côté que
la surveillance puisse être convenablement exercée.
Tout cela ne permet pas de donner à l’exécution des
travaux une extension puis considérable.
Je serai obligé déjà de demander une majoration de
crédit pour augmenter le personnel actuellement existant.
On avait demandé un état du produit des barrières.
Le temps a manqué pour le dresser avec détail et le faire imprimer, mais je
puis dès à présent faire connaître à la chambre le produit global des six
dernières années.
En 1831, le produit des barrières a été de 2,123,401 fr.
En 1832, il a été de 2,049,085
fr.
En 1833, de 2,184,150 fr.
En 1834, de 2,255,991 fr.
En 1835, de 2,205,591 fr.
En 1836, de 2,265,000 fr.
Vous remarquez qu’en 1836
il y a eu une augmentation de 60 mille fr. sur l’année précédente, mais l’année
dernière il y avait eu une diminution de 30 mille fr. sur l’année 1834.
Vous vous rappellerez qu’on a éprouvé une perte par
suite du changement de monnaie. On ne perçoit plus qu’en francs ce qu’on
percevait en florins. Ensuite, il a été accordé différentes exemptions en 1831,
32 et 33.
J’ai calculé que terme moyen des quatre dernières
années, le produit des barrières avais donné un excédant de 900,000 fr. par an
à employer à des constructions de routes nouvelles. Il serait difficile de dire
quelle influence auront les constructions de chemins de fer, sur le revenu des
barrières. Sur certaines routes il y aura une augmentation de circulation, mais
sur d’autres il y aura diminution, de telle manière qu’il sera difficile de
prévoir dès à présent quel sera le chiffre futur du produit des barrières.
Mais je suis porté à croire qu’il n’y aura pas de
diminution de circulation sur les 800 lieues de routes qui traversent le pays.
Si le produit de quelques routes se trouve diminué,
l’étendue de celles-ci est beaucoup moindre que celle des autres routes sur
lesquelles il se trouvera augmenté.
(Moniteur belge n°112, du 21 avril 1836) M.
de Foere. - Vous avez dû remarquer, messieurs, que l’honorable député
de Tournay n’est pas fort heureux quand il croit devoir lancer des épigrammes
contre ses collègues. Cette fois-ci, il n’a pas été plus heureux. Si je m’étais
proposé de voter contre les routes et contre l’emprunt des six millions, mon
honorable adversaire aurait pu peut-être me trouver en contradiction, mais je
me suis déclaré ouvertement partisan des nouvelles constructions, et j’ai
déclaré, en outre, que je voterai pour l’emprunt, si le ministère promettait
que, l’année prochaine, il portera le budget des dépenses au niveau de celui
des recettes. Je me suis élevé contre le système des emprunts, parce que cette
progression d’emprunts est, à mes yeux, effrayante pour les intérêts du pays.
Je suis persuadé que cette progression nuirait considérablement au pays. Je
n’ai eu d’autre intention que de joindre mes efforts à ceux de mes collègues
pour mettre un terme à ce pernicieux système d’emprunts.
M. Jullien. - J’ai
demandé la parole pour répondre quelques mots à l’honorable M. Dumortier. Si je devais le suivre
dans l’espèce de philippique qu’il a débitée, la chambre comprendra que
j’aurais beaucoup à faire, car il a commencé par parler des questions relatives
à la banque qui sont tout à fait étrangères à l’objet en discussion ; il a
parlé d’un rapport concernant la banque, qui n’est pas à l’ordre du jour, et il
a oublié que tous les procès entre le gouvernement et la banque étaient en ce
moment soumis aux tribunaux, car il vous a entretenus pendant une demi-heure de
la nécessité de trancher toutes ces questions. Ce n’est pas sur ce terrain que
je veux me placer avec l’honorable M.
Dumortier.
Je ne dirai pas qu’il m’a attaqué, mais il a fait
allusion à ce que j’avais dit, faisant une observation qui me paraissait
infiniment juste et qui avait été faite avant moi par l’honorable députe de
Roulers.
Dans le tableau remis à la chambre de l’emploi de
l’excédant du produit des barrières pendant les quatre premières années
J’avais donc raison ; non pas précisément de me
plaindre, mais de faire apercevoir que la province du royaume la plus
déshéritée d’établissements publics, à moins qu’on ne compte comme
établissements publics ses quelques couvents de capucins et autres industriels
de cette espèce (on rit), était celle
qui avait la moindre part dans la distribution de l’excédant du produit des
barrières, et qu’il était temps de lui faire une part plus équitable dans la
justice distributive du gouvernement. Voilà quelle était mon intention.
Et ce vœu que je fais est celui d’un bon citoyen.
Il n’y a là ni esprit de localité ni patriotisme de
clocher. La taxe des barrières est payée par tout le pays, tout le pays doit
avoir part à la distribution des sommes qui sont le produit des contributions
imposées à tous, et
Vous avez bien sujet de vous plaindre, a dit
l’honorable membre, lorsqu’il y a deux jours on a accordé dans l’intérêt
exclusif de
Je ferai observer que ce n’est pas à moi à répondre
à cette boutade de M Dumortier, c’est à la chambre tout entière ou du moins à
la majorité de la chambre qui a voté ce canal par la considération qu’il était
dans l’intérêt général et non dans l’intérêt exclusif de
Vous voyez que c’est la
critique de la décision de la chambre qu’a faite M. Dumortier.
On vous fait des chemins de fer qui ne produiront
rien à l’Etat, a encore dit cet orateur ; car quand il y a deux diligences sur
la route de Bruges, il y en a une qui se trouve sans voyageurs. Je crois que
cet honorable membre a très peu voyagé dans cette province, et qu’il a oublié
que c’est par cette route que sont établies nos relations avec l’Angleterre.
S’il venait dans ce pays, il verrait qu’on est très souvent embarrassé pour
trouver place dans les voitures qui viennent à Bruxelles, précisément à cause
de l’activité de nos relations avec l’Angleterre.
On fait des chemins de fer,
dit l’orateur, pour transporter nos moules ; il n’est pas étonnant que M.
Dumortier qui n’a peut-être vu que les écrevisses de
Pour les matières pondéreuses, je crois bien que le
chemin de fer ne remplacera pas le très beau canal que possèdent les Flandres ;
mais ce chemin de fer ne sera pas sans utilité.
Voilà, messieurs, ce que j’avais à répondre à
l’honorable M. Dumortier, et je pense qu’une bonne fois il comprendra qu’il est
dans l’erreur sur ce qui concerne les provinces des Flandres.
M. A. Rodenbach.
- Il me reste très peu de chose à répondre à l’honorable député de Tournay ;
l’honorable député de Bruges lui a mieux répondu que je ne pourrais faire.
Cependant je dirai au député de Tournay qu’il n’est pas autorisé à qualifier la
ville d’Ostende de ville des moules, car si je voulais imiter son mauvais ton
parlementaire, son ton qu’il veut rendre caustique, je dirais que la ville de
Tournay est la ville des bonnets de coton.
M.
Pirmez. - Je me suis opposé à la loi, et je ne l’ai pas fait légèrement
; je persiste dans mon opinion ; et tout ce que l’on a dit ne change pas ma conviction.
Quelques membres de
On a soutenu que l’emprunt que vous allez autoriser
serait établi sur l’excédant du produit des barrières ; c’est une erreur ;
l’emprunt sera établi sur la destruction des routes les plus utiles ; car c’est
en prenant sur les dépenses qu’exigeraient ces routes pour être bien
entretenues, que l’on formera des excédants de produits.
Le ministre de l’intérieur a dit hier que les
ingénieurs avaient déclaré que les sommes accordées pour l’entretien des routes
du Hainaut étaient suffisantes ; mais il ne s’agit pas ici de rapports
d’ingénieurs, il s’agit de la réalité ; que M. le ministre se transporte à peu
de distance de Bruxelles, qu’il aille à Mariemont,
par exemple, el il verra que les routes ne sont pas entretenues.
Que prouve la déclaration des ingénieurs ? c’est que nous allons entrer dans le système qu’a suivi le
syndicat. Savez-vous ce qu’il a fait ? il a rétréci
des routes au lieu de les entretenir telles qu’elles étaient ; par ce moyen les
frais ont été moins considérables. Les chariots passent maintenant sur un
espace moins étroit ; pour les travaux on a employé des pavés d’un numéro trop
peu élevé, et les routes sont dans le plus complet état de dégradation.
En avançant davantage dans ce système, il en
résultera que pendant trente ans au moins nous aurons les plus mauvaises routes
: plus vous ferez de routes nouvelles qui produisent peu, et plus celles qui
produisent beaucoup seront condamnés à être détestables : cela me paraît
évident.
Voilà ce que j’avais à dire. Quand nous serons
entrés tout à fait dans le système que j’ai signalé, la situation deviendra
tellement intolérable que l’on sera obligé d’en venir à ce qu’a proposé un
honorable député de la Flandre orientale, c’est-à-dire d’appliquer à chaque
route l’excédant de ses revenus, et dans chaque province, de ne plus permettre
qu’on enlève les excédants des produits.
M. Dumortier. -
L’honorable député de Bruges, qui n’aime pas voir la barbe des capucins, dit
que la province qu’il représente n’a obtenu, depuis plusieurs années, la
construction d’aucun établissement public, si ce n’est pour des capucins :
l’honorable membre perd de vue toutes les sommes qui ont été accordées à sa
province : il perd de vue que l’on a décrété un chemin de fer pour cette
province ; qu’annuellement nous votons 500,000 francs pour réparer ses ports de
mer ou ses constructions maritimes ; il a donc mauvaise grâce de soutenir
maintenant que sa province est la plus mal lotie dans le partage du budget.
Examinant de plus près les faits, on verra que la
Flandre occidentale donne pour produit des barrières, pour l’année 1835, 205
mille francs, que les dépenses d’entretien des routes se sont élevées à 175
mille francs ; par conséquent que l’excédant du produit est 30 mille francs :
eh bien, c’est en présentant un si faible excédant que l’on se plaint, alors
que la province vient d’obtenir plusieurs millions pour la construction d’un
canal !
Comparez à cette province celle du Hainaut :
celle-ci donne pour les routes 572,000 fr. ; la dépense d’entretien est de
285,000 fr. L’excédant n’est pas 30,000 fr., mais 300,000 fr. Cependant elle ne
coûte rien à l’Etat.
Les plaintes et les demandes que l’on fait entendre
prouvent une chose : c’est qu’il y a des capucins qui ne portent pas de barbe ;
en effet, qu’est-ce que les capucins ? Ce sont des hommes qui demandent, qui collectent ; eh bien, l’honorable député de Bruges ne leur
ressemble pas mal sous ce rapport. (On
rit.)
Un autre député de la même province, et qui a
essayé de me répondre, a prétendu que j’étais en contradiction avec moi-même,
par qu’il veut bien que l’on fasse des emprunts, à la condition que l’on
mettrait les dépenses au niveau des recettes ; mais je lui demanderai comment
il entend que l’on mettra les recettes au niveau des dépenses ; faudra-t-il
pour cela augmenter les recettes, car il est évident que nous n’arriverons pas
à un tel niveau en augmentant les dépenses de six millions ?
L’honorable député prétend que les emprunts ruinent
le pays ; pourquoi n’a-t-il pas fait valoir ces raisons quand il s’agissait du
canal de Zelzaete ? alors elles auraient été très bien
à leur place.
J’ajouterai maintenant quelques mots à ce que j’ai
dit tout à l’heure.
J’ai demandé au gouvernement de vouloir bien
déposer sur le bureau le tableau des excédants des produits des barrières pour
chaque province pendant les cinq années qui se sont écoulées depuis la
révolution : les dernières années ont beaucoup rapporté, parce que
Je me souviens fort bien que lorsque dans sa
première session, la chambre a abandonné pour une fois au gouvernement la
répartition des barrières, en déclarant qu’elle voulait faire cette répartition
pour l’année suivante, cet excédant n’était alors que d’environ 600,000 fr. Or,
il ne serait pas juste d’appliquer l’état actuel à tout l’avenir de
Quant à moi, je donnerai volontiers mon assentiment
au principe du projet de loi Mais je désirerais savoir si nous ne dépensons pas
des sommes dont nous ne devions pas disposer.
Vous devez considérer que
la construction des chemins de fer diminuera considérablement le produit des
barrières. Vous pouvez en juger par la diminution des produits de la route de
Bruxelles à Malines ; et que sera-ce lorsque la route ira jusqu’à Anvers, et
lorsque le gouvernement sur cette ligne transportera non seulement les
personnes, mais encore les marchandises. Qui sait alors, si les produits de la
route pavée couvriront les frais d’entretien ; car il suffit que les barrières
soient ouvertes mal à propos pendant 24 heures pour nécessiter des dépenses
d’entretien qui absorbent les ressources d’une année.
Ensuite nous ne pouvons disposer de l’excédant des
produits des barrières pendant 20 années ; car nous ne savons quels sont les
besoins qui dans cette période de temps se feront sentir. Telle localité
insignifiante peut d’ici là acquérir une grande importance. Ne voyons-nous pas
Roubaix qui n’était, il y 15 ans, qu’un chétif village qui est aujourd’hui une
ville de 38 mille habitants ; Manchester qui n’était qu’un simple village, à
une époque qui n’est pas très reculée, est aujourd’hui une des premières villes
manufacturières d’Angleterre. Il est donc manifeste que si on ne faisait pas la
part des besoins qui pourront se faire sentir, si on disposait de tous les
fonds qui pourront être employés en 20 ans à la construction de routes, ce
pourrait être très préjudiciable à l’avenir du pays.
De tout cela il faut conclure que nous devons faire
un emprunt, mais non pas tellement élevé qu’il puisse nuire à l’entretien des
routes et à la construction de routes nouvelles pour l’avenir.
Je demande donc que le gouvernement dépose sur le
bureau le tableau dont j’ai parlé.
Si l’emprunt n’était que de 4 millions, je le
voterai de suite. Mais je crains que le chiffre de six millions ne soit trop
élevé.
Je voterai pour le principe de la loi ; mais je
renouvelle ma demande du tableau que j’ai indiqué, parce que je désire voter en
connaissance de cause.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je dois répondre deux mots à l’honorable M.
Pirmez, relativement au motif principal qu’il a mis en avant pour s’opposer à
l’article en discussion. Cet honorable membre prétend que si nous avons un
excédant sur l’entretien de nos routes, s’il reste quelque chose sur la somme
qui y est affectée, c’est parce que cet entretien est négligé et n’est pas tel
qu’il devait être. Je pense que cet honorable membre est complètement dans
l’erreur ; car M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que d’après le
rapport des ingénieurs il n’en est pas ainsi et que partout on assigne à
l’entretien des routes ce qui est nécessaire.
M. Pirmez a invoqué, à la vérité, des faits pour
prouver que la somme nécessaire n’est pas employée à cet entretien.
« Allez, a-t-il dit, à quelques lieues de Bruxelles, vous verrez des
routes où la circulation est active, et par conséquent très importantes, qui
sont dans un état déplorable. » Mais je lui répondrai que cet état
déplorable, s’il existe, doit être attribué à une autre cause qu’un manque
d’allocation pour l’entretien ; il ne provient pas de ce qu’on n’affecte pas
aux réparations la somme nécessaire, mais de ce que, en raison de l’immense
circulation, il est impossible de maintenir pendant l’hiver ces routes en bon
état ; on y emploierait des centaines de mille francs que l’on n’y réussirait
pas.
Les charges qui sont transportées sur ces routes
sont tellement fortes et tellement fréquentes que le pavé doit nécessairement
finir par céder, dans le mauvais temps, surtout dans un hiver humide comme l’a
été celui de 1835 à 1836. Voilà la cause inévitable de l’état déplorable de
certaines routes très fatiguées, si toutefois cet état de choses existe
réellement.
M. Dumortier a élevé des doutes sur la durée de
l’excédant du produit des barrières, et il a demandé que le gouvernement fasse
connaître la moyenne de cet excédant depuis
J’ai eu l’honneur d’indiquer tantôt, à l’appui des
calculs que j’ai soumis à la chambre que, pour l’année 1836, l’excédant
s’élèverait à 965,000 francs. Prenant pour l’avenir le chiffre de 800 mille
francs, nous resterons donc de beaucoup au-dessous de la réalité.
Il résulte de ces faits que l’amortissement de
l’emprunt de 6 millions se fera dans un nombre d’années assez restreint. Il ne
faudra pas, comme l’a prétendu M. Dumortier, 30 années pour cet amortissement
ainsi que pour l’amortissement de l’emprunt du chemin de fer et celui du rachat
du canal de
Cet amortissement pourra s’effectuer en 15 ou 18
années au plus, sans absorber tout l’excédant du produit des barrières.
En supposant que l’intérêt de l’emprunt des 6
millions pour les routes soit de 5 p. c. (ce que je n’admets nullement), il
faudrait 300,000 fr. annuellement pour en servir les intérêts ; l’on pourrait
consacrer 300,000 fr., c’est-à-dire 5 p. c., au rachat
de l’emprunt, et il resterait encore 200,000 fr. disponibles sur l’excédant du
produit des barrières.
Du reste, les
considérations que je présente sur ce point sont très sommaires et viennent
seulement à l’appui très subsidiaire des autres moyens que j’ai indiqués. Plus
tard je traiterai à fond la question de l’emprunt, lorsque nous discuterons la
loi qui nous autorisera à le contracter.
L’honorable M. Dumortier pense que le produit des
barrières diminuera annuellement, lorsque le chemin de fer sera construit dans
toute son étendue.
Telle était aussi mon opinion lorsque l’on a
discuté la loi du 1er mai 1834. Je voyais alors que les produits des barrières
sur les routes ordinaires diminueraient en faveur des produits des chemins de
fer. J’étais dans l’erreur, et cette erreur m’a été démontrée par l’expérience
que nous avons pu acquérir jusqu’à ce jour.
La section de Malines à Bruxelles est achevée
depuis un an. La route d’Anvers ne devrait plus rien produire, et cependant il
résulte des chiffres soumis à la chambre par M. le ministre de l’intérieur que
le produit général des barrières s’est accru de 65,000 francs pour l’année
1836. Loin donc qu’il y ait eu une diminution sur les routes ordinaires au
profit du chemin de fer, comme le pense M. Dumortier et comme je le pensais
moi-même, il y a deux ans, il y a eu amélioration.
Je suis porté aujourd’hui à croire que le produit
des barrières sur les routes ordinaires ne sera pas diminué, parce que si d’une
part les routes parallèles à la direction du chemin de fer seront moins
fréquentées, d’un autre côté les routes qui aboutiront perpendiculairement avec
le chemin de fer ou qui seront en rapport avec cette voie principale, auront
des relations beaucoup plus étendues. La création de cette nouvelle espèce de
communication devant faire entrer
Les produits plus élevés de certaines routes
viendront donc compenser bien au-delà les pertes qui se feront sentir sur les
routes abandonnées. Ce n’est pas là une pure théorie, c’est le résultat logique
des faits, et c’est, je l’espère, ce que l’expérience démontrera bientôt plus
amplement.
M.
Verdussen. - Je n’aurais pas pris la parole dans la discussion
générale, si l’honorable M. Jullien n’avait pas accusé le gouvernement d’avoir
été partial dans la distribution de l’excédant du produit des barrières. Il me
paraît, messieurs, que M. Jullien est tombé dans une grave erreur.
Il a puisé ses raisonnements dans les documents
fournis par la commission des travaux publics. Il y a vu que
Selon moi, messieurs, le gouvernement devait, comme
il l’a fait, répartir la somme suivant les besoins de chaque province. S’il y
avait une province où les communications fussent tellement multipliées qu’il
n’y fallût en ajouter aucune nouvelle, y aurait-il injustice à ne lui rien
accorder sur l’excédant du produit des barrières ?
Dussé-je être taxé d’extravagance, je prie le
gouvernement d’être plus partial, mais en réalité plus juste et surtout plus
judicieux encore et d’appliquer l’excédant des routes à l’achèvement des routes
entamées, afin de réaliser les prévisions de M. le ministre des finances sur le
maintien du revenu des barrières. Qu’est, en effet, une route commencée, si les
deux points de communication qui doivent assurer son utilité et sa prospérité
ne sont pas unis entre eux.
Je ne parle pas de ma province. Si je prends pour
base le tableau fourni par l’honorable M. de Puydt, j’y vois que la province
d’Anvers aurait besoin de 31 lieues de routes, tandis que
Je terminerai en réitérant au gouvernement la
prière d’achever les routes commencées, afin qu’elles produisent bientôt une
ressource pour l’Etat.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai demandé la parole pour déclarer que nous avons constamment suivi la
marche qu’on nous conseille de prendre. Notre but a été d’arriver à
l’achèvement des routes commencées dans les diverses provinces.
Du reste, je partage l’opinion de l’honorable
préopinant, que c’est plus particulièrement dans les provinces dépourvues de
routes que l’emploi des fonds doit être fait.
Rien ne serait plus facile que de justifier la
distribution faite jusqu’à ce jour de l’excédant du produit des barrières. Il
suffit de comparer entre elles les différentes considérations qui ont motivé
ces diverses décisions ; mais il faudrait pour cela entrer dans des
explications qui amèneraient des discussions longues et inutiles.
M. Jullien. - La
chambre est témoin que je n’avais rien dit de désagréable à l’honorable M.
Dumortier : il y a donc peu de charité de sa part à vouloir me représenter ici
comme un capucin sans barbe. Je n’avais rien dit qui pût l’offenser.
(Addendum
inséré au Moniteur belge n°1114, du 23 avril 1836 :) Je crois,
messieurs, que s’il fallait absolument faire de l’un de nous deux un capucin,
la métamorphose serait beaucoup plus facile à opérer sur l’honorable M. Dumortier
que sur moi. (Hilarité.)
Je dois aussi une réponse à l’honorable M.
Verdussen. Je n’ai pas dit que le gouvernement avait été partial dans la
distribution de l’excédant des barrières. Je ne me suis pas servi de cette
expression. J’ai seulement appelé l’attention du gouvernement sur la différence
que je signalais dans la part affectée à
J’en ai appelé à la justice distributive du
gouvernement dans l’application des fonds de l’emprunt des 6 millions. J’ai dit
que
Je n’ai pas dit qu’il faut faire une distribution
égale pour chaque province. Il est fait un fonds commun d’un impôt payé par
tout le monde. Mais ensuite il faut le distribuer entre chaque province suivant
que la justice distributive l’exige.
Une dernière réponse à l’honorable M. Dumortier. La province du Hainaut a
produit 300,000 francs dans les recettes des barrières. Comment osez-vous, nous
dit cet honorable membre, demander une répartition plus équitable quand vous ne
rendez pas au Hainaut ce qu’il a produit. Il n’est pas vrai, messieurs, que ce
soit le Hainaut qui produise tout ce que les barrières ont fourni dans cette
province. L’impôt a été payé par toutes les personnes qui ont besoin de ses
productions, par les voituriers venant de la parue méridionale de
Quand vous répartissez l’excédant du produit des
barrières entre elles, vous ne faites que leur rendre ce qu’elles ont donné. Ne
venez donc plus mettre en avant le chiffre des recettes de la province du
Hainaut pour justifier vos prétentions.
Du reste, quand on en viendra à l’article 2, l’on
pourra examiner ce que c’est que l’excédant du produit des barrières.
L’honorable M. Pirmez est dans l’erreur quand il
dit que le produit des barrières sera mis en gage.
Si on devait mettre en gage les revenus des
barrières, il aurait parfaitement raison. Il a encore raison lorsqu’il dit
qu’il ne peut y avoir d’excédant du produit des barrières que lorsque
l’entretien des routes est complet, et qu’elles ont été réparées à fond.
Ne perdez pas de vue qu’en vertu de la loi, le
produit des barrières doit être affecté en première ligne à l’entretien des
routes, ensuite à leur amélioration, et enfin à la construction de nouvelles
routes.
C’est ce principe qui doit être religieusement
conservé aussi longtemps que le droit de barrière se percevra.
Il faudra donc que les routes soient bien
entretenues avant qu’on puisse hypothéquer, donner en gage l’excédant du
produit des barrières ; il faudra que le gouvernement ait pour entendu qu’il
n’est pas possible de distraire un sou de cet excédant, si l’entretien des
routes n’a pas lieu complètement ; et en fait cet entretien n’est pas complet.
Voilà quels sont mes principes ; j’ai dû les
expliquer, pour qu’on ne se méprît plus sur mes intentions comme l’a fait
l’honorable M. Verdussen. (Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion sur l’article premier
est mise aux voix et adoptée.
« Art. 1er (du projet de la commission). Le
gouvernement est autorisé ouvrir un emprunt de six millions de fr. destiné à
l’exécution de routes à construire dans les différentes provinces du
royaume. »
M. le ministre de l’intérieur a proposé à cet
article l’amendement suivant :
« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un
crédit de six millions de fr. à l’effet de pourvoir à la construction de routes
pavées et ferrées. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
Article 2
« Art. 2 (du projet de la commission).
L’excédant du produit des barrières est destiné à
l’amortissement de l’emprunt et au paiement des intérêts. »
M. le ministre de l’intérieur a proposé à cet article
l’amendement suivant :
« Art. 2. La dépense sera couverte au moyen
d’un emprunt qui sera ultérieurement réglé par une loi, et dont les intérêts et
l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières. »
M. Pirmez. - Je
veux répondre quelques mots à M. le ministre des finances, qui a dit qu’il
convenait que les routes sont dans un état déplorable.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas dit cela !
M. Pirmez. - Vous
avez dit au moins que certaines routes sont dans un état peu convenable...
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande à dire deux mots pour faciliter la
réponse de l’honorable M. Pirmez (il n’a pas bien saisi la manière dont je me
suis exprimé), je disais : « l’honorable membre (M. Pirmez) nous parle de
routes qui sont dans un état déplorable, il nous dit : allez à quelques lieues
de Bruxelles, et vous verrez des routes sur lesquelles on transporte de fortes
charges et qui sont très dégradées. »
Ce n’est donc pas moi qui ai parlé de routes qui
seraient dans un état déplorable ; mais en admettant que les routes dont parle
M. Pirmez seraient dans cet état, je ne pense pas qu’il faille en attribuer la
cause au manque de fonds pour les entretenir, mais bien plutôt à la force des
choses, ainsi que je l’ai expliqué tout à l’heure.
M.
Pirmez. - Messieurs, je pense que l’état déplorable des routes dont je parle
est dû au manque de fonds. Il y a des membres dans cette chambre qui peuvent
l’attester, ces routes ont toujours été dans une situation inférieure à celles
qui produisaient très peu ; et cela est tellement vrai que les états du Hainaut
étaient obligés, pendant le régime hollandais, de donner eux-mêmes un subside
pour entretenir les routes qui produisaient infiniment.
C’était le sujet d’une contestation entre les états
du Hainaut et le gouvernement.
Mais comme le gouvernement central était
extrêmement fort, il obligeait les états du Hainaut à donner un subside pour
raccommoder ses routes. Aujourd’hui peut-être le gouvernement central n’est-il
pas assez fort pour exiger un subside des états du Hainaut, mais il implore un
autre moyen et ne raccommode pas les routes, il les laisse dans un état
inférieur à celles qui produisent le moins. Un fashionable ne pourrait pas
parcourir les routes du Hainaut en tilbury comme la route d’Anvers.
Le moyen d’entretenir les routes dans un bon état
serait d’employer des pavés d’un numéro plus fort et d’élargir le pavement.
Je reste persuadé que c’est faute de fonds que les routes
dont j’ai parlé sont en mauvais état.
M.
Legrelle. - Je viens voter aussi pour la construction de nouvelles
communications. Je sens toute l’influence que la multiplication des routes doit
avoir sur le bonheur au pays et la prospérité générale, mais il me semble qu’il
serait dangereux de voter l’art. 2 tel qu’il est conçu, de consacrer en
principe dans la loi que les calculs et l’amortissement de l’emprunt à
contracter seront prévus sur l’excédant du produit des barrières. Cet excédant
appartient à des créanciers qui ont un droit sur cet excédant du produit des
routes. Autrefois, des emprunts comme on propose de le faire aujourd’hui ont
été contractés, en y affectant le produit des routes.
Aujourd’hui des créanciers réclament le paiement
des intérêts de la somme qu’ils ont prêtée, des causes sont portées devant les
tribunaux, et déjà, si ma mémoire est fidèle, la justice doit avoir prononcé en
faveur d’une ville qui a des prétentions très élevées. Si vous allez affecter
encore cet excédant du produit des barrières à un nouvel emprunt, les anciens
préteurs qui ont ou croient avoir des droits contre le gouvernement actuel, parce
qu’il a succédé au gouvernement hollandais, ne pourront-ils pas nous reprocher
consacré un principe inique ?
Dans ces circonstances, il me semble plus prudent
de retrancher la deuxième partie de l’article 2, de se borner à dire que la
dépense sera couverte par un emprunt, mais sans déterminer les fonds qui seront
affectés au service de l’intérêt de l’amortissement. Si vous ne faites pas
cela, vous allez froisser l’opinion de ceux qui croient avoir des droits acquis
sur l’excédant du produit des routes.
Votre emprunt ne s’en fera pas moins facilement et
comme à celui de la maison Rothschild, vous lui affecterez la généralité de vos
revenus. Cette seule considération doit suffire pour faire adopter ma
proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Les observations de l’honorable préopinant doivent tomber en présence d’une
loi déjà portée, dans laquelle il a été décidé que l’excédant du produit des
barrières serait employé à l’amélioration et à l’extension des routes.
L’honorable préopinant craint qu’on ne porte atteinte à des droits des tiers.
Il est évident qu’on ne porte jamais atteinte à des droits des tiers par une
disposition de la nature de celle dont il s’agit. Si des tiers ont des droits,
ils demeurent saufs. Nous vous contestons ces droits et si on admettait la
proposition de l’honorable membre, ne serait-ce pas jeter le poids de la
chambre dans la balance de la justice et établir un préjugé défavorable contre
les intérêts que le gouvernement défend ?
En votant l’emprunt proposé, vous ne faites
qu’appliquer le principe que vous avez voté antérieurement. Quelle que soit la
décision judiciaire, les produits des barrières seront toujours suffisants pour
faire face à l’emprunt et aux condamnations qui seraient prononcées, si tant
est qu’il puisse en être prononcé.
M.
Legrelle. - Il y a une énorme différence entre la loi des barrières et
le principe qu’on veut consacrer dans la loi actuelle. La loi des barrières est
une loi annale, tandis que dans celle dont nous nous occupons il s’agit d’un
emprunt de six millions fondé sur un principe qui n’a rien de temporaire. Une
fois que vous aurez donné aux prêteurs l’excédant du produit des barrières,
vous ne pourrez plus le retirer. Ensuite l’ancien emprunt hypothéqué sur ce
revenu est aussi valide que l’emprunt que nous décréterions maintenant ; et les
intérêts dus depuis plusieurs années ne sont pas moins légitimes que ceux pour
lesquels nous engagerions maintenant.
Est-il loisible au ministre ou à la chambre de
donner en hypothèque ce que vous avez déjà donné ? Je crois, je le répète,
qu’il serait plus prudent de ne rien préjuger, de prélever les 6 millions sur
tous les revenus de l’Etat sans spécialiser les revenus parce qu’il a déjà été
donné en garantie.
Selon moi l’homme honnête ne peut pas donner deux
fois le même gage.
M.
Smits. - Indépendamment des réflexions très judicieuses de M. le
ministre de l’intérieur, je ferai observer que toutes les routes n’ont pas été
construites au moyen d’emprunts, il n’y en a qu’une très petite partie dans
quelques localités qui aient été construites de cette manière. La grande masse
de routes ont été construites avec les fonds de l’Etat.
Il suffit au reste que toutes les routes n’aient
pas été construites au moyen d’emprunts particuliers, pour que l’objection de
l’honorable préopinant tombe.
Je ferai remarquer encore que l’emprunt dont il
s’agit ne reçoit qu’une garantie temporaire, car cet emprunt, au moyen de
l’augmentation du produit des barrières, pourra être amorti en 10 ou 15 années
et même en moins de temps si on veut y affecter un amortissement de 3 à 4 p. c.
Car vous savez tous que l’amortissement à un pour cent
éteint toute la dette au bout de 32 ou 33 années ; ainsi, avec l’amortissement
que l’on se propose de donner, on pourra éteindre la dette en quelques années
seulement.
M.
Jullien. - Cette question est plus grave peut-être qu’on ne le pense ;
et les observations de M. Legrelle auraient sans doute quelque fondement, si le
gouvernement entendait affecter l’excédant du produit des barrières comme
garantie aux prêteurs ; mais je ne crois pas que telle soit son intention. S’il
voulait donner l’excédant du produit des barrières en garantie, il faudrait
qu’il fît ce qui se pratique en Espagne, qui engage les produits du tabac, les
produits des douanes pour les emprunts que l’on y contracte. Il faudrait, d’un
autre côté, que le gouvernement s’assujettît à débattre avec le prêteur la
quotité des besoins pour la restauration des routes ; car celui qui aurait
privilège sur l’excédant de leurs produits, contesterait toujours la nécessité
des réparations.
Toutefois je demanderai au ministre des finances
qu’il veuille bien déclarer dans quel sens il entend la disposition de
l’article 2 ; s’il l’entend dans le sens d’une garantie à donner an prêteur, ou
seulement comme indiquant par quels moyens on fera face aux intérêts et à
l’amortissement ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Le gouvernement entend
seulement par cette disposition, indiquer les ressources au moyen desquelles il
couvrira les intérêts et donnera un amortissement. Si l’on veut examiner la
différence qui existe entre la rédaction proposée par la commission, et celle
qui a été présentée par le ministre de l’intérieur on verra qu’il ne s’agit pas
d’une garantie dans l’article du gouvernement.
Le projet de la commission porte que l’excédant du
produit des barrières est affecté au paiement des intérêts et au remboursement
de l’emprunt ; tandis que dans le projet du ministre de l’intérieur, il y a : «
La dépense sera couverte par un emprunt dont les intérêts et l’amortissement
seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières ». Il ne s’agit
donc pas ici d’affecter, comme le proposait la commission, tout l’excédant du
produit des barrières pour les intérêts et de l’emprunt et d’après les calculs
que j’ai présentés, il n’y a que quelques instants, j’ai fait voir que l’on
n’emploierait pas en effet tout l’excédant du produit des barrières pour servir
les intérêts et l’amortissement,
M. Dubus. -
Messieurs, d’après l’article en discussion, c’est une loi ultérieure qui doit
régler tout ce qui concerne l’emprunt ; dès lors il me paraîtrait tout à fait
convenable de déterminer quelle sera l’attention que l’on donnera au paiement
de l’emprunt et à la formation d’un amortissement quand nous en serons arrivés
à la discussion de cette loi ; et il me semble inutile de dire actuellement que
l’emprunt sera paye sur l’excédant des barrières. Si maintenant l’on était en
mesure de déterminer l’hypothèque qui sera donnée aux prêteurs, pourquoi ne pas
déterminer sur-le-champ toutes les autres conditions de l’emprunt ? Car de
cette manière on ne ferait pas une loi sur l’emprunt en deux volumes. Ou
renvoyez tous ce qui concerne l’emprunt à une loi nouvelle, ou réglez-le dès
aujourd’hui.
Si vous voulez affecter l’excédant du produit des
barrières à l’emprunt, il se présente une question assez grave : pouvons-nous
voter maintenant pour un nombre indéfini d’années un emprunt qui ne peut être
voté qu’annuellement ; et déclarer, par exempte, que cet impôt sera maintenu,
pendant 15 ou 20 ans, à un taux assez élevé pour qu’il y ait toujours un
excédant de la recette sur l’entretien des routes ? Car telle est la
conséquence de la loi : vous allez en effet voter actuellement que jusqu’à
l’amortissement intégral de l’emprunt, il y aura excédant. Si donc vos routes
venaient à rapporter moins, vous vous obligez à augmenter l’impôt afin de
conserver la même différence ou le même gage. (Oh ! oh !)
Messieurs, cela ne fait pas le moindre doute : il
faudra que dans les années futures l’impôt soit voté de manière à donner
toujours le même excédant ; sans cela il n’y a rien dans votre loi, et elle ne
présente aucune garantie.
Je comprends que l’on affecte un emprunt sur des
impositions, sur des revenus ; mais je ne comprends pas que l’on ôte sur
l’excédant du produit des barrières.
(Erratum
inséré au Moniteur belge n°113, du 22 avril 1836 : ) On a fait du produit des
barrières un fonds spécial ; il faut le maintenir tel qu’il a été établi par
les lois.
Ainsi on s’oblige à maintenir un impôt des
barrières pendant 15 ans, à un taux élevé. Voilà la conséquence de la loi.
Maintenant, si j’ai recours à l’article 3 de la
constitution, j’y trouve :
« Art. 3. Les impôts au profit de l’Etat sont
votés annuellement.
« Les lois qui les
établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées. »
Et ici que propose-t-on ? De voter une loi de
laquelle il résulte qu’il y aura, pendant 15 ou 20 ans, un impôt des barrières
à un taux élevé. Je ne crois pas que ceci soit en harmonie avec la
constitution.
J’ai cru devoir appeler l’attention de la chambre
sur cette question qui est véritablement grave. Je crois que cette question
doit être écartée et renvoyée à la loi spéciale. On pourra alors examiner de
quelle manière il y aura lieu de procéder.
Je demande donc la division de l’art. 2 ; et je
m’oppose à la deuxième partie de l’article portant : « et dont les
intérêts et l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des
barrières. »
On réglera ce point lorsqu’on fera la loi spéciale
d’emprunt.
M.
Lebeau. - M. le ministre de l’intérieur a déjà répondu à la plupart des
observations que vient de faire sur la seconde partie de l’article 2 un
honorable député du Hainaut. Mais il a négligé de répondre à une articulation
d’inconstitutionnalité avancée par le même orateur.
L’honorable M. Dubus voit dans l’adoption de l’art.
2, comme conséquence inévitable, la perpétuité de l’impôt des barrières pendant
tout le temps nécessaire au remboursement de l’emprunt. Cela est évidemment une
erreur. Par cela seul que nous aurons voté l’article proposé à votre sanction,
en aucune manière cela n’impliquera la perpétuité de l’impôt des barrières, ou
seulement sa durée au-delà d’une année. Il est vrai qu’il en serait ainsi si
dans le contrat d’emprunt, que vous autoriserez le gouvernement à souscrire, le
gouvernement avait l’imprudence d’affecter un privilège sur le produit des
barrières. Mais le gouvernement ne fera rien de semblable, pas plus que dans
l’émission des bons du trésor pour le chemin de fer (bien qu’il dît que les intérêts
er les dépenses seront pris sur le produit du chemin de fer) il n’a stipulé que
les porteurs de ces bons seraient privilégiés sur l’excédant des produits. Le
gouvernement ne fera rien de semblable. Que résultera-t-il de la disposition
proposée ? Qu’il y aura désormais, pour l’excédant du produit des barrières, un
autre mode que celui suivi aujourd’hui. Le gouvernement se sera engagé
vis-à-vis des chambres et du pays à faire un autre emploi du produit des
barrières.
Mais si, contre les prévisions que nous avons le
droit de former, il n’y avait pas d’excédant de produit des barrières,
l’emprunt serait servi sur les autres produits du trésor public. Si vous jugiez
à propos d’abolir le droit des barrières, il n’y aurait pas dans la loi de fin
de non-recevoir à vous opposer. La chambre est maîtresse de modifier et
d’abolir le droit des barrières. Tout cela est à sa libre disposition, autant
que le gouvernement (et j’espère qu’il n’y pense pas) n’affecte pas, dans le
contrai d’emprunt, de privilège sur l’excédant du produit des barrières.
Néanmoins il n’est pas indifférent pour beaucoup de
membres de conserver la dernière disposition de l’art. 2. Vous avez entendu un
honorable membre, qui vote habituellement avec l’honorable M. Dubus, dire qu’il
ne voterait la loi qu’à cette condition. Pour moi, qui crois très essentielle
la construction de routes nouvelles, je ne la voterais pas non plus, si on n’y
affectait pas l’excédant du produit des barrières.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je dois combattre la proposition de
l’honorable préopinant. Il voudrait renvoyer à une loi spéciale une disposition
qui trouve sa place naturelle dans la loi en discussion. Si la chambre
n’affectait pas à l’emprunt l’excédant du produit des barrières, l’emprunt
serait à la charge du pays, il faudrait imposer une contribution pour payer
l’intérêt et l’amortissement du capital ; or telle ne peut être la pensée la
chambre. Il a été constamment admis en principe que de la même manière que
l’excédant du produit des barrières ne doit pas entrer dans la caisse de
l’Etat, de la même manière le trésor ne doit pas non plus être chargé de
l’entretien des routes et de la construction de routes nouvelles.
Mais, dit le préopinant, il s’agit d’une contribution
publique ; vous ne pouvez la voter pour plusieurs années. Cependant vous
concédez la construction d’une route ou d’un canal pour un péage pendant 90
ans. Dans l’un et dans l’autre cas ce n’est pas une contribution publique.
Evidemment c’est ainsi qu’il faut envisager la question.
Les routes appartiennent à l’Etat ; l’Etat a donc
des droits à la jouissance de ces routes. C’est une véritable location, de la
même manière que les concessionnaires d’un canal et d’un chemin perçoivent les
péages sur ce canal, sur ce chemin.
Si l’on admettait les
principes de l’honorable préopinant il faudrait aller plus loin : lorsque le
chemin de fer serait construit, vous ne pourriez en concéder l’exploitation
pour plus d’une année.
Je pense donc que la proposition mise en avant par
l’honorable préopinant ne peut être admise par la chambre.
De tout temps, depuis qu’il existe un droit de
barrières, on a admis le principe d’un fonds spécial ; et l’on peut assurément
affecter ce fonds à l’amortissement de l’emprunt.
Nous pensons de plus que rien n’empêcherait qu’au
lieu d’adjuger annuellement les barrières, on les louât pour trois années. Si
nous avions trouvé qu’il y eût assez de stabilité dans l’état actuel des
communications, si nous n’avions pas craint que les nouvelles communications
établies par les chemins de fer ne forçassent à déroger aux baux contractés,
nous vous aurions proposé d’adjuger les barrières pour plusieurs années, parce
que nous pensions cette mesure utile au trésor.
L’honorable préopinant prétend que la seconde
partie de l’article 2 est inutile ; je pense au contraire qu’elle est
extrêmement utile. De la même manière que vous avez été amenés à voter la
construction du chemin de fer parce que son produit devait suffire à son
entretien, au service des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt, par la
même raison vous serez amenés à consentir l’emprunt spécial pour constructions
de routes pavées, parce que vous trouverez une ressource pour amortir l’emprunt
dans le produit des barrières.
Du reste, dans la pratique, nous partageons
l’opinion émise par M. Lebeau.
Il ne s’agit pas dans le contrat d’emprunt d’hypothéquer le produit des
barrières. C’est un règlement antérieur, pour donner au pays une garantie qu’il
ne sera pas établi de contribution nouvelle pour couvrir l’intérêt et
l’amortissement de l’emprunt qui va être contracté pour constructions de routes
nouvelles. (La clôture ! la clôture !)
(Moniteur
belge n°112, du 21 avril 1836) M. Dubus.
- Quel que soit le sort de la division que j’ai demandée, j’ai toujours fait
chose utile en provoquant une explication sur ce point. Je vous prie de
remarquer que l’honorable préopinant qui a parlé le dernier, tout en appuyant
les observations de M. le ministre de l’intérieur, ne paraît pas bien d’accord
en principe avec lui. Suivant lui, la phrase que je veux supprimer de
l’article, serait peu satisfaisante, parcs qu’elle laisserait à la législature
le champ libre de voter ou de pas voter la continuation de l’impôt sur les
barrières, parce que dans son sens, le ministre ne devrait pas stipuler que
l’amortissement de cet emprunt se trouverait affecté sur l’excédant du produit
des barrières.
M. le ministre s’est expliqué dans un sens bien
différent. Chose remarquable, il a renouvelé dans cette enceinte les thèmes des
ministres du roi Guillaume sur la nature du droit des barrières, sur le droit
du gouvernement relativement à cette espèce d’impôt.
Le roi Guillaume avait la prétention de régler le
droit de barrières par arrêté ; il faisait adjuger ce droit et en fixait le
montant. L’on a crié à la violation de la constitution. Il y a eu les
réclamations les plus vives dans le sein des états-généraux. Qu’a répondu le
ministre de l’intérieur ? Précisément ce que vient de répondre M. le ministre
de l’intérieur de la Belgique, que les barrières sont une propriété de l’Etat,
que la perception de ce droit n’est que la perception d’un droit de location,
que ce n’est pas un impôt de l’Etat.
Ainsi en renouvelant la doctrine, on viendra plus
tard vous dire que ce n’est pas à la législature, mais au pouvoir exécutif
qu’il appartient de régler le droit de barrières.
Cependant il avait été fait justice de cette
prétention du roi Guillaume ; nous-mêmes nous étions unanimes sur ce point, que
c’est un véritable impôt. C’est ainsi que le congrès en avait jugé et il avait
fixé le droit des barrières pour une année seulement, parce que les impôts ne
se votent que pour un an.
Cette doctrine de M. le ministre me fait insister
plus que jamais sur une proposition. Je ne voudrais pas que la chambre reconnût
par son vote, avec M. le ministre, que les routes sont une propriété de l’Etat,
que l’Etat peut mettre en location.
Du reste, l’honorable préopinant ne paraît pas
entendre que le gouvernement ait le droit de louer les routes. Il dit que vous
n’êtes pas liés par la loi, que la législature future pourrait ne pas
renouveler la loi des barrières si elle le jugerait à propos.
M. Lebeau. - En
droit absolu, oui.
M.
Dubus. - Il pense que M. le ministre de l’intérieur se gardera bien
d’insérer dans l’acte d’emprunt la clause dont il s’agit ici. La loi dont nous
nous occupons n’est pas une loi d’emprunt ; nous ne faisons que poser le
principe de l’emprunt. Je demanderai à l’honorable préopinant de quelle
utilité, dans son opinion, sera la phrase dont je propose la suppression. Elle
ne signifiera quelque chose que quand elle sera mise en action dans la loi qui
déterminera les conditions de l’emprunt. Reportez cette phrase à sa place
naturelle, c’est-à-dire dans la loi d’emprunt.
Ce que vous allez dire maintenant ne constitue pas
un principe dans une loi de principes, puisque cela ne lie ni la législature,
ni le ministre dans l’exécution de la loi.
L’honorable préopinant tient à cette phrase, parce
qu’il ne voudrait pas voter un emprunt de six millions, si cet excédant des
barrières n’était pas là pour assurer le remboursement de cet emprunt.
Remarquez bien que vous ne votez pas l’emprunt, que
vous le renvoyez à une loi. On ne le fera que quand cette loi sera portée.
Attendez que cette loi soit présentée pour stipuler les garanties que vous
croyez nécessaires et ne conservez pas une disposition inutile.
M. le ministre de l’intérieur, pour répondre à vos
observations sur la constitutionnalité de la mesure, a dit que souvent en vertu
même de la loi que vous avez votée, l’on concède à des particuliers ou à des
compagnies des péages pour un terme de 99 ans par exemple, que dans ce cas
l’application de la constitution est impossible.
La constitution dit :
« Les impôts au profit de l’Etat sont votés
annuellement. » Un péage de 99 ans accordé à une compagnie n’est pas perçu
au profit de l’Etat. La constitution n’est donc pas applicable à ce cas.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Nous n’entrerons pas dans ces questions
de théorie ; c’est inutile, il y a assez de raisons pour ne pas adopter
l’amendement de M. Dubus.
Nous ne vous demandons pas la faculté de louer
indéfiniment les barrières, le principe que nous avons défendu, nous le tenons
pour vrai.
(Moniteur
belge n°113, du 22 avril 1836) - La clôture est mise aux voix et prononcée.
L’article 2 est mis aux voix et adopté.
M. le président. -
Ces deux articles remplacent les deux premières dispositions de la commission.
Article 3
M. le président. -
Nous passons à la troisième qui est ainsi conçue :
« L’application des fonds sera réglée, une fois
pour toutes, par une commission de neuf membres, dont chacun sera nommé par les
représentants et sénateurs réunis de chaque province. »
M. de Puydt, rapporteur.
- Je suis autorisé à dire que la commission retire le troisième article qu’elle
a présenté.
M. le président. -
La commission peut déclarer renoncer à cet article ; mais comme la chambre en
est saisie, il faut le mettre aux voix.
- L’article mis aux voix est rejeté.
M. le président. -
Les articles présentés par le ministre de l’intérieur, et que l’on vient
d’adopter, ayant été considérés comme des amendements, le vote définitif doit
être renvoyé à après-demain.
- La séance est levée à cinq heures.