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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 19 avril 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif au transit
3) Projet
de loi modifiant les limites de plusieurs communes (de
Renesse)
4) Projet
de loi autorisant l’émission d’un emprunt pour construction de routes
(+affectation du produit des barrières) (d’Hoffschmidt,
de Theux, de Puydt, Dumortier, d’Hoffschmidt, Watlet, de Puydt, Pirmez,
de Nef, Zoude, de
Theux, Watlet, Gendebien, d’Huart, Gendebien, Watlet, A. Rodenbach, d’Huart, Jullien, Gendebien, de Puydt, d’Huart, Jullien, Gendebien, Watlet, de Theux, de Puydt, Watlet, Fallon, Desmet,
Gendebien, de Theux, d’Hoffschmidt, Gendebien, Eloy de Burdinne)
(Moniteur
belge n°111, du 20 avril 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. Verdussen
fait l’appel nominal.
M. de Renesse
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
fait connaître l’objet des pièces suivantes, adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Dierckx,
à Bruxelles, adresse des observations sur le projet de loi relatif au mines. »
________________
« Les membres du conseil charbonnier du bassin
de Charleroy, représentant 60 sociétés, adressent des observations sur le projet
de loi relatif aux routes. »
________________
« Le
sieur G. Collart, avocat, né à Nivelles de parents
français, ayant omis de faire la déclaration voulue par l’art. 9 du code civil,
demande la grande naturalisation. »
________________
« Le
sieur George-Alexandre Thompson, Anglais de naissance, habitant depuis 9 ans la
ville de Bruges, demande la naturalisation. »
________________
- Les deux premières pétitions resteront déposées
sur le bureau, en attendant la discussion de la loi sur les mines. Les deux
autres sont renvoyées à M. le ministre de la justice.
PROJET DE LOI RELATIF AU
TRANSIT
M. Desmaisières,
rapporteur de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi
relatif au transit, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La
discussion a été précédemment fixée.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES
LIMITES DE PLUSIEURS COMMUNES
M. Simons, rapporteur
de la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation
de quelques communes, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Renesse.
- Messieurs, j’ai l’honneur de demander que ces projets de loi de délimitation,
soient mis à l’ordre du jour entre le premier et le deuxième vote du projet de
loi sur les mines, afin de pouvoir être discutés avant la mise à exécution de
la loi communale, et ainsi éviter aux habitants de ces communes de devoir
concourir, en peu de temps à deux différentes élections communales. Je crois en
outre pouvoir appuyer ma demande sur les nombreuses réclamations faites depuis
très longtemps, par tous les habitants de ces communes, contre leur réunion à
d’autres administrations communales : réunion qui a lésé leurs intérêts les
plus chers, et qu’ils ont toujours regardée comme une véritable injustice
commise à leur égards même l’un des arrêtés de réunion n’a jamais reçu son
entière exécution, et l’une des communes, celle d’Eccloo,
a été privée, depuis 1813, de la jouissance de plus de 200 bonniers, qu’elle
devait recevoir en compensation d’un hameau qu’elle a dû céder à une autre
commune. J’espère que la chambre voudra bien prendre en considération les
motifs que je viens d’énoncer, et déclarer l’urgence de la discussion de ces
projets de loi, en admettant ma proposition, qui tend à faire redresser au plus
tôt l’injustice dont ces communes ont été les victimes. Je pense d’ailleurs que
ces projets de loi ne donneront lieu à aucune discussion.
- La proposition de M. de Renesse est mise aux voix
et adoptée.
Motion d’ordre
M. d'Hoffschmidt.
- Je remarque que dans le rapport de l’honorable M. de Puydt sur la question
qui va nous occuper, il n’est pas formulé de projet de loi, mais seulement une
proposition.
Je demanderai à M le ministre de l’intérieur s’il
n’est pas dans l’intention de nous présenter par lui-même un projet à cet
égard.
Il me semble que pour un objet aussi important,
c’est au gouvernement à présenter un projet lorsqu’il n’y en a pas de présenté.
Il est vrai que nous avons l’initiative ; mais dans
le cas présent il me paraît plus rationnel que le gouvernement présente
lui-même un projet ; par là, nous connaîtrons l’intention du gouvernement, non
seulement sur le taux de l’emprunt, mais encore sur le mode de remboursement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, vous vous rappellerez comment la chambre a été saisie de la
proposition qui va nous occuper : c’est l’honorable M. de Puydt, qui, il y a
deux ans, a présenté un projet de loi d’emprunt de 16 millions de francs,
La commission nommée pour examiner ce projet s’est
mise en rapport avec moi, et je me suis empressé de lui communiquer mon opinion
sur ce projet.
C’est en suite de ce rapport que la commission a
adopté la proposition d’un emprunt de 6 millions de francs.
Sous ce point de vue, je me suis rallié à la
proposition de la commission ; mais je ne puis adopter la proposition de la
commission, en ce qui concerne l’institution d’une commission dont les membres
seraient pris an sein des deux chambres.
Je déposerai sur le bureau, quand la discussion
sera ouverte, deux articles qui, suivant moi, devraient constituer toute la
loi.
Ces deux articles sont ainsi conçus :
« Art 1er. Il est ouvert au gouvernement un
crédit de six millions de fr., à l’effet de pourvoir à
la construction de routes pavées et ferrées. »
« Art. 2. La dépense sera couverte au moyen
d’un emprunt qui sera ultérieurement réglé par une loi, et dont les intérêts et
l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières.
M.
de Puydt, rapporteur. - Je ne puis qu’abonder dans le sens des
explications que M. le ministre vient de donner à la chambre.
Au mois de mars 1834, j’ai présenté une
proposition, tendant à faire contracter un emprunt de 16 millions de fr., dont le montant aurait été consacré à la construction
de nouvelles routes.
Plus tard la commission des travaux publics,
modifiant cette proposition première, vous a proposé, par mon organe, le projet
d’un emprunt de 6 millions.
Le principe et le but de cette nouvelle proposition
étant les mêmes que ceux de mon projet, je n’ai pas de raison pour ne pas m’y
rallier.
Quant à l’absence du projet de loi, signalée par un
honorable préopinant, je pense que ce n’est ici qu’une affaire de forme. La
commission a formulé une proposition ; elle se trouve dans le corps du rapport
; je la considère comme un projet de loi.
Le ministre de l'intérieur vient de nous annoncer
qu’il proposera un amendement à ce projet : tout cela est dans les règles ; la
chambre discutera et prononcera.
Je ferai remarquer qu’à la suite du rapport il est
fait mention de diverses pétitions sur lesquelles la commission avait été
invitée à faire un rapport.
Il est arrivé à ma connaissance que des communes ou
des particuliers qui avaient adressé des pétitions avaient fait la remarque qu’il n’étaient pas compris dans le rapport, et qu’ils
avaient conclu de là que la commission avait l’intention d’écarter leurs
pétitions.
Je dois déclarer que toutes les pétitions qui ont
pu être examinées ont été consignées dans le rapport ; s’il en est arrivé
d’autres depuis, et que la commission n’en ait pas été saisie, elle n’a pu en
faire mention.
Je déclare dans tous le cas que, quelles que soient
ces pétitions, s’il est formé une commission, comme cela est proposé dans le
projet de loi, toutes seront renvoyées à l’examen de cette commission pour être
prises en considération.
Il en est une entre autres de la commune de Wiltz,
ayant pour objet d’obtenir la construction d’une route de Bastogne à Diekirch.
Les intéressés ont pu croire qu’elle était égarée, je dois les rassurer. Quand
le projet de loi sera voté, cette pétition trouvera sa place sans qu’il soit
besoin de faire aujourd’hui de son contenu un examen particulier.
M.
Dumortier. - J’ai demandé la parole, pour relever une observation de
l’honorable M. d’Hoffschmidt.
Je suis étonné de voir cet honorable membre venir
faire un reproche au ministre de ne pas prendre l’initiative : l’initiative est
une des plus belles prérogatives que nous ayons ; et il serait assez singulier
que nous nous en privassions nous-mêmes.
Je ferai remarquer que la commission a présenté un
projet de loi ; il se trouve formulé à la page 3 du rapport ; dès lors nous
avons tout ce que nous pouvons désirer.
Je demanderai maintenant que le ministre de
l’intérieur veuille bien nous indiquer, avant le début de la discussion, quelle
a été la moyenne du produit de nos barrières pendant les 5 années qui viennent
de s’écouler.
Nous devons savoir quel a été l’excédant du produit
de nos barrières, pour nous former une idée de ce que nous pouvons affecter au
projet de loi qui va être mis en discussion, et auquel je me rallie en
principe.
Il ne suffirait pas de raisonner, en prenant pour
point de départ le produit de l’année dernière qui a été productive car il y a
des années moins productives ; il est donc nécessaire de raisonner d’après une
moyenne.
Je crois que le tableau indicatif des produits des
barrières qui est peu considérable pourrait être imprime et distribué pour la
séance de demain.
M.
d'Hoffschmidt. - Je dois répondre à l’honorable M. Dumortier que je me
suis toujours montré aussi jaloux que lui des prérogatives de la chambre.
Si j’ai demandé au ministre de l’intérieur s’il ne
déposait pas un projet de loi, c’était dans le but de connaître quelles
seraient les intentions du gouvernement (intentions qu’il n’avait pas
manifestées jusqu’à présent) sur le taux de l’emprunt et sur le mode de
remboursement.
Je dois dire quelques mots, relativement à la
pétition de la commune de Wiltz. Cette pétition, dit-on, n’aurait pas été
renvoyée à la commission des travaux publics, depuis qu’elle a fait son rapport
; je dois dire qu’on se trompe : la pétition a été renvoyée à cette commission
par décision de la chambre, et même sur ma demande.
Cette pétition a été examinée, comme les autres ;
elle s’est peut-être égarée, et l’honorable rapporteur de la commission la
retrouvera, j’en suis sûr, dans ses archives.
Qu’il me suffise de dire que la pétition avait pour
objet la construction d’une route de Bastogne à Diekirch.
Je demande que le dépôt en soit fait au bureau des
renseignements.
M.
Watlet. - Je demande la parole pour rectifier une erreur commise par le
rapporteur de la commission, et partagée par l’honorable préopinant.
La pétition de la commune de Wiltz a été rapportée
précédemment.
La commission des travaux publics a présenté deux
rapports sur toutes les pétitions qui lui avaient été renvoyées ; L’un est du 8
décembre et l’autre du 18 février.
On ne fait pas mention de la pétition dans le
rapport du 18 février, parce qu’on s’en était occupé dans le rapport précédent.
En effet, la pétition qui, sur la demande de
l’honorable M. d’Hoffschmidt, avait été renvoyée à la commission des travaux
publics, figure dans le premier rapport de cette commission sous le numéro 2.
(L’orateur
donne lecture de cette partie du rapport ; il reprend ainsi :)
Il en résulte donc que la pétition n’a pas été écartée,
mais qu’elle a été renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
M. de Puydt, rapporteur.
- Il résulte de cette rectification que la pétition n’est pas égarée ; qu’elle
a été renvoyée au ministre de l’intérieur comme toutes les autres qui sont
mentionnées dans le dernier rapport. Quoi qu’il en soit, toutes ces pétitions
sortiront leur effet, et il y sera fait droit s’il y a lieu.
Discussion générale
M. le président. -
Voici le projet présenté par M. le ministre de l’intérieur :
« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un
crédit de six millions de francs à l’effet de pourvoir à la construction de
routes pavées et ferrées. »
« Art. 2. La dépense sera couverte au moyen
d’un emprunt qui sera ultérieurement réglé par une loi et dont les intérêts et
l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières. »
M. Pirmez. - Si
l’idée de donner en gage le revenu des routes, pour se procurer les moyens de
construire d’autres routes n’est pas nouvelle, l’opposition que je viens faire
à ce projet ne l’est pas davantage. Pendant de longues années, le système qui
vous est présenté aujourd’hui, fut l’objet des réclamations les plus constantes
et les plus vives d’un grand nombre de députés des états du Hainaut. L’honneur
de cette invention appartient aux Hollandais ; sans eux nous ne l’eussions
jamais faite. C’est une de ces mesures financières qui leur étaient si
familières et par lesquelles ils s’appropriaient d’une manière détournée les
ressources de
En effet
Et dans aucun pays le produit des péages ne devait
être aussi faible. Le niveau du sol qui est presque partout celui de la mer
avait permis de le diviser facilement en tous sens, par une multitude de canaux
sur lesquels se transportaient, par un service régulier de messageries, toutes
les marchandises sans exception et presque toutes les personnes. Le trajet par
terre n’était pour ainsi dire qu’un voyage de luxe à l’usage de ceux qui,
toujours peu nombreux, possèdent des chevaux et des voitures.
Une pareille situation empêchait naturellement la
construction des routes en Hollande.
La prospérité et la richesse inouïe où parvint la
république n’autorisa jamais son gouvernement à entreprendre ces constructions.
Le bon sens public, le bon sens calculateur
hollandais, qui ne se laissait pas égarer par des phrases, eût bientôt fait
justice de dépenses extravagantes qui ne pouvaient être balancées par aucune
recette, et qui, supportées par tous, n’auraient profité qu’à quelques-uns.
Quant aux particuliers dont l’intelligence dans
l’emploi des richesses était proverbiale, ceux dont tous les gouvernements de
l’Europe étaient débiteurs, ils n’ont jamais pensé, quel que fût leur
patriotisme, à donner à leurs capitaux un tel emploi dans leur propre pays.
L’opération était trop mauvaise pour qu’ils songeassent à les y engager.
Mais s’il était absurde pour le gouvernement et
pour les particuliers de construire des routes en Hollande, alors que les
Hollandais auraient dû payer ces constructions, il ne l’était plus dès que la
charge en était supportée par des étrangers. En effet, qui ne voudrait voir son
pays sillonné de communications faciles, alors que ce bien ne devrait être
acheté par aucun sacrifice ?
Messieurs, toutes nos jouissances économiques ne
peuvent être achetées que par du travail, ou, si on le préfère, par de la
peine, de la difficulté. Eh bien, c’est du projet de donner aux Hollandais la
jouissance de communications agréables, et de faire supporter par des Belges la
difficulté, la peine que coûte cette jouissance, que sont nées les idées des
emprunts sur le produit des routes, et toutes les argumentations que vous
entendrez encore dans cette discussion.
Messieurs, les Hollandais étaient les plus forts,
et lorsqu’on est le plus fort, le sophisme est facile ; mais c’est alors
surtout qu’il est odieux à ceux qui en sont la victime. Je me trouve encore
sous l’empreinte des sentiments d’indignation que soulevaient dans les états du
Hainaut les arguments du gouvernement hollandais pour colorer l’œuvre de
déraison et d’iniquité dans lequel il s’était engagé. Et cette indignation
était bien légitime, car c’était surtout le Hainaut que cette mesure opprimait.
La nature a départi ses dons aux différentes
contrées de diverses manières. A
A la chute de l’empire français, il n’existait pas
de droit de barrière. Les Hollandais qui ne possédaient pas de routes,
l’établirent dès leur entrée en Belgique. Ils l’établirent uniformément sur la
distance à parcourir sur toutes les routes, sans égard aux frais de l’entretien
d’aucune d’elles, mais de telle manière que le droit dépassait de beaucoup la
dépense d’entretien. Il en résultait que cet excédant était pris sur les
contrées qui ont beaucoup de matières pesantes à transporter par terre, et par
conséquent sur le Hainaut.
Dans cet état de choses, l’idée hollandaise, d’établir
une communauté, une solidarité entre toutes les routes pavées, ne nous a jamais
donné le change sur son but. C’était prendre au Hainaut une partie de sa
facilité d’opérer le transport par terre pour en gratifier
J’ai cité le Hainaut, parce que c’est le Hainaut
surtout qui souffre d’une association entre les routes, et j’ai dû dire aussi
que cette association ne nous a été imposée que par la force. Les arguments du
gouvernement, loin de nous convaincre, ne nous ont inspiré que de la haine pour
lui.
En effet ces arguments n’étaient autre chose que la
répétition fastidieuse de cet éternel lieu commun, l’intérêt général. L’intérêt
général ! Qui possède une idée nette de l’intérêt général ? Qui a jamais défini
l’intérêt général ? L’intérêt général, mot vague, indéterminé, employé dans les
significations les plus contraires, est la constante ressource de celui qui
pour atteindre un but, n’a pas d’idée à émettre. C’est au nom de l’intérêt
général qu’une communauté de routes pavées fut établie.
Quant à ceux qui combattaient cette œuvre de
spoliation, ils étaient les ennemis de l’intérêt général. On leur reprochait
leurs vues étroites et mesquines, leur patriotisme de province et de paroisse ;
leur esprit n’était pas fait pour apprécier ces mesures larges et belles qui
allaient couvrir le royaume d’un réseau de routes depuis Groningue jusqu’à
Luxembourg.
Messieurs, voilà ce que disaient les Hollandais, et
nous leur répondions ce que je vais répondre aux partisans du projet ;
Nous ne comprenons pas votre intérêt général, ou ce
que nous en comprenons, c’est que vous appauvrissez les localités qui
construisent facilement des routes pavées pour enrichir celles qui les
construisent difficilement.
Nous savons aussi bien que vous toutes les belles
choses qu’on peut dire sur la facilité des communications, et là-dessus point
de dissentiment entre nous. C’est sur la peine que coûte la jouissance de ces
communications que nous ne nous entendrons jamais, parce que vous nous faites
supporter cette peine sans compensation. Avez-vous une raison pour établir une
solidarité entre les routes pavées plutôt qu’entre les autres communications ?
Vous n’en avez d’autre que celle des Hollandais eux-mêmes, qui, par cette
mesure, avaient tout à recevoir et rien à donner.
Nous n’entreprendrons pas plus de définir l’intérêt
général que vous ne le définissez vous-mêmes ; mais nous dirons qu’une mesure
s’éloigne d’autant plus de l’intérêt général qu’elle se rapproche davantage de
l’intérêt local. Et quoi tient plus à l’intérêt local que la construction des
routes ?
Comptez celles qui existent en Belgique, et
dites-nous qui les a construites ? Elles ont été construites par la province,
par l’arrondissement, par la commune, c’est-à-dire par la localité. Il n’y a
guère que 20 ans qu’une communication existe entre la capitale du Hainaut et
Charleroy. Et bien, qui l’a payée ? La localité qui en profile au moyen de
centimes additionnels, et il ne vint, je pense, dans l’esprit d’aucun de nous,
de charger d’autres localités de supporter la peine que coûtait la jouissance
que nous nous procurions.
Le rapport cite des pétitions. Messieurs, les
pétitions prouvent surtout que les routes sont d’intérêt local. Sont-ce les
habitants de Diekirch qui demandent une route pour Thielt, ou ceux de Thielt
qui demandent une route pour Diekirch ?
Est-ce la régence de Verviers qui demande une route
pour Wavre, ou la régence de Wavre qui demande une route pour Verviers ? Non,
messieurs, chacun réclame une route pour sa localité, parce qu’une route est
éminemment d’intérêt local, parce qu’une route est un bien immense pour la
localité, si elle peut l’acquérir sans sacrifices.
Et comment peut-on donner les pétitions pour un
motif d’adopter le projet ? Ah, messieurs, si vous entrez dans ce système, les
pétitions ne vous manqueront pas. Si vous ordonnez que des routes seront construites au moyen des sacrifices de ceux qui n’en
profitent pas, vous pouvez compter que des voix innombrables réclameront un
aussi facile bien-être. Et que réclament ces pétitions ? Donnez-nous de la
richesse sans travail, de la jouissance sans peine, ou plutôt donnez-nous de la
richesse et de la jouissance au prix du travail et de la peine d’autrui. Les
pétitions ne disent rien autre chose.
Mais, dit-on, les routes augmentent la valeur
territoriale des contrées qu’elles traversent, et par conséquent les ressources
de la nation tout entière qui sont en grande partie basées sur cette valeur.
Sous ce rapport au moins les routes sont d’intérêt général. Eh bien, admettons
que les routes pavées augmentent toujours la valeur territoriale, admettons
même que seules entre toutes les communications elles ont le privilège de
l’augmenter. Quelle sera la part de la nation dans cette augmentation ?
Toujours fort petite comparée à la part de la localité. Une faible partie des
ressources particulières est seulement attribuée à la nation. Dans la
contribution foncière, par exemple, elle ne prend que le dixième du revenu.
Ainsi, sous ce rapport-là même, l’intérêt local est à l’intérêt général comme
dix est à un.
Messieurs, nous avons en nous un sentiment du vrai,
dont l’expression se fait jour presque à notre insu à travers tous les
sophismes. Le rapport lui-même si favorable au projet ne contient-il pas l’aveu
formel que les routes appartiennent surtout à l’intérêt local ? Il vous
représente les différentes localités se disputant naguère avec avidité, dans
cette chambre, pendant de nombreuses séances, l’excédant du produit des
barrières ; et fort de l’expérience acquise, il vous demande d’ordonner qu’une
commission prise dans toutes les provinces répartisse la somme que vous
voterez, parce que chaque localité voudra grossir sa part et qu’il s’élèvera à
cette occasion les débats les plus irritants. Peut-on, je vous le demande,
reconnaître d’une manière plus expresse l’intérêt local ?
C’est donc à la localité à construire des routes,
puisqu’elle seule en à tous les avantages. Faire supporter cette charge par la
nation entière, c’est prendre plaisir à y jeter la discorde. Naguère vous avez
réparti les contributions foncières. Les localités que frappe cette opération
s’y soumettront sans murmure, parce qu’elles y verront une mesure d’équité ;
mais pensez-vous qu’en gratifiant de routes pavées des localités quelconques
aux frais de la nation entière, vous ne détruisiez pas vous-mêmes la mesure
d’équité qui vous coûta tant de peine à établir ? C’est une erreur dans
laquelle tomberont peut-être ceux qui doivent recevoir des routes, mais que ne
partageront pas ceux qui doivent les donner.
En effet, toutes les ressources de la nation ne
proviennent que des privations imposées aux localités. Dans la péréquation
cadastrale, avez-vous fait autre chose que de décider qu’une certaine portion
de richesse, ou si vous l’aimez mieux, qu’une partie de la facilité d’obtenir
les choses utiles serait ôtée dans certaines proportions aux localités ? Et
qu’est-ce qu’une route si ce n’est de la richesse, un bien-être, une chose
utile, une chose absolument identique à celles que vous ôtez par votre loi de
péréquation. Ainsi, en construisant des routes aux frais de la nation, vous
détruisez avec une légèreté extrême les mesures d’équité qu’un demi-siècle de minutieux
calculs ont cherché à établir.
Mais, quelqu’injuste et
déraisonnable que soit la construction des routes aux frais de la nation, ce
serait une oeuvre de sagesse et de justice, en
comparaison de la mesure qui vous est proposée.
Nos lois sur les barrières ont établi un droit de
péage uniforme sur la distance parcourir sur toutes les routes, quelle que soit
l’origine de la route, la facilité ou la difficulté de l’entretien, la hauteur
ou la faiblesse du produit, de manière que, dans certaines localités où le
transport par terre est considérable, certaines routes rapportent quatre ou
cinq fois ce qu’elles coûtent, tandis que dans d’autres contrées, elles ne
fournissent pas leurs frais d’entretien.
Nous ne venons pas tenter de détruire cette
uniformité, nous connaissons trop l’impuissance de nos efforts ; mais qu’il
nous soit au moins permis de faire remarquer combien elle doit nous inspirer de
répugnance. Le droit du gouvernement d’user et d’abuser des routes pavées nous
apparaît vague et problématique, puisqu’une grande partie d’entre elles ont été
construites au moyen de sacrifices locaux. Quant à la nécessité d’une
uniformité de péage, nous ne la comprenons pas davantage ; les canaux, les
rivières, les chemins de fer n’y sont pas soumis. Sans doute le péage ne peut
être calculé avec une exactitude extrême sur les frais d’entretien d’une route
; mais lorsqu’il le dépasse de quatre, cinq et six fois, nous ne nous y
soumettons qu’à contrecœur, car cet impôt n’est plus alors une juste
compensation de la charge de l’entretien. C’est une entrave la circulation.
C’est un abus du droit de péage, tout au plus tolérable de la part d’un
concessionnaire qui aurait un titre formel de propriété.
Et cet abus on le pousse jusqu’aux dernières
extrémités. Vous croyez peut-être, messieurs, que les routes qui fournissent
l’excédant de recette sur la dépense sont entretenues dans un état parfait. Il
n’en est rien. Les routes sont mauvaises à peu près dans la proportion du
revenu qu’elles donnent à la nation.
Et n’est-ce pas se jouer des mots, messieurs, que
de nommer les sommes qu’on prélève par de pareils moyens, un excédant du
produit des barrières, car ce n’est dans la réalité que le prix du mauvais
entretien des routes ? Rendez les routes du Hainaut, celle de Mariemont à Nivelles, celle de Charleroy à Genappe aussi
bonnes que l’est par exemple la route d’Anvers à Turnhout, alors nous
consentirons à regarder les sommes qui resteront en caisse commue un excédant
sur le produit des barrières. Jusque-là elles ne sont pour nous qu’un impôt que
l’on se procure par la destruction de nos chevaux et de nos chariots.
Et nous avons cité les routes de Mariemont et de Turnhout, parce qu’en moins d’une
demi-journée chaque membre de cette chambre peut s’assurer de leur état.
Pourquoi le pavé de l’une est-il uni, et celui de
l’autre, labouré par les chariots, entièrement impraticable ? Dans la
discussion de la loi des barrières, on a dit que la dégradation provenait de la
température ; mais vous savez bien, messieurs, que la température a été la même
sur la route d’Anvers que sur celle de Mariemont. On
a dit qu’elle provenait de la pesanteur et du nombre des chariots, mais les
chariots paient en proportion de leur poids et de leur nombre. La vérité est
que l’entretien n’est pas en proportion de la destruction, c’est-à-dire que la
dépense n’est pas en proportion de la recette. Si votre dépense d’entretien
avait été quatre fois plus forte, la route de Mariemont
et toutes celles qui produisent beaucoup seraient aussi bonnes que celles que
produisent moins que rien.
Mais alors vous n’auriez pas ce que vous nommez
l’excédant du produit des barrières, et vous ne pourriez pas l’hypothéquer.
C’est donc l’assurance que les routes qui produisent beaucoup n’obtiendront pas
un entretien nécessaire. C’est que ces routes seront toujours inférieures à
celles qui ne produisent rien que vous donnez à votre préteur. Vous ne pouvez
pas donner d’autre garantie.
En effet dans un pareil système de communauté,
comment ne pas comprendre que lorsque le nombre des routes qui coûtent plus
qu’elles ne produisent s’accroît, les routes qui produisent plus qu’elles ne
coûtent souffrent dans la proportion de cet accroissement, car ce n’est que sur
leur dégradation que se prennent les frais de construction et d’entretien des
routes nouvelles. Si les routes qui produisent beaucoup sont mauvaises, c’est
qu’on leur refuse ce qui est nécessaire à leur réparation, et on le leur
refuse, parce que la construction et l’entretien d’autres routes réclament les
sommes qui auraient dû servir à cette réparation.
Il est donc évident que la construction de chaque
route nouvelle, dont le péage ne suffira pas non seulement à couvrir les frais
d’entretien, mais encore à payer la construction, est une véritable calamité
pour les contrées qui ont beaucoup de matières pesantes à transporter par
terre, c’est-à-dire pour les contrées où les routes produisent infiniment plus
qu’elles ne coûtent d’entretien. Et, comme aucune de vos routes nouvelles ne
produira les sommes nécessaires à ces paiements, votre système, ou plutôt le
système hollandais, que vous reproduisez, n’est que la dégradation organisée
des routes du district qui m’a honoré de son mandat.
Vous sentez, messieurs, qu’un emprunt hypothéqué
sur les ressources de la nation entière serait une faible injustice comparée à
celle-là.
Mais, avec ce dernier emprunt même, la distribution
de la somme empruntée aura toujours de fâcheux résultats. Un emprunt doit être
remboursé, on doit en payer les intérêts. Pour satisfaire à ces charges, il faut
des impôts ; ils seront répartis sur tous en proportion des ressources. Et
pensez-vous que ceux qui ne participeront pas à vos largesses seront satisfaits
du mot intérêt général que vous ferez retentir ? Pour moi, je n’en crois rien.
Vous apprendrez à ceux qui
s’apprêtaient à faire des sacrifices qu’il est un autre moyen de se procurer
des richesses que par du travail, et vous ouvrirez à la nation une nouvelle
carrière d’intrigues. Vous compliquerez les difficultés des fonctions des
ministres, en ajoutant aux nombreux solliciteurs qui les entourent toutes les
députations des localités qui viendront réclamer des routes au nom de l’intérêt
général ; surcroît d’obsession qui ne fortifiera pas le pouvoir central ; car,
pour qu’il soit fort, il faut qu’il soit juste, et il est impossible d’être
juste dans cette question irritante.
Et nous disons que la distribution de ces faveurs
sera faite par le ministre, car ce n’est pas sérieusement sans doute qu’on vous
propose de la laisser à une commission nommée par les sénateurs et les
représentants de toutes les provinces. Attend-on quelque bon effet d’une
opération qui pourrait déverser, selon la composition de la commission, toutes
les faveurs sur une seule partie du pays ? Mais cette proposition renferme au
moins encore l’aveu le plus complet et le plus formel que la question est toute
d’intérêt local. Vous avouez franchement que le pouvoir central ne saurait agir
sans être accusé de partialité, et ne sentez-vous pas que plus sont grandes et
nécessaires vos précautions pour le garantir de cette accusation, mieux vous
établissez que l’intérêt de cette question, n’est pas général, ou si vous
l’aimez mieux, national.
Mais ce qu’il résulte surtout de cette proposition
de faire distribuer les routes par une commission, c’est qu’il n’y a que
confusion dans les idées sur l’intérêt de la nation à construire des routes
pavées. En effet vous allez voter six millions pour cette construction dans
l’intérêt que vous nommez général, et la situation de ces routes est encore
pour vous un mystère. Il ne sera éclairci qu’après le combat que les auteurs du
projet établissent eux-mêmes entre tous les intérêts locaux et qu’après les
transactions où les plus habiles auront triomphé. Quelle idée claire, je vous
le demande, peut exister sur l’intérêt de la nation à construire des routes
lorsque leur situation est remise à de pareils hasards ?
M.
de Nef. - Ayant maintes fois appelé l’attention du gouvernement sur
l’ouverture de nouvelles communications dans le royaume, et principalement dans
les provinces qui en ont relativement le moins, je me trouve naturellement
porté à appuyer les conclusions de la commission des travaux publics, au sujet
d’un emprunt destiné au développement du système des routes nationales.
Personne de nous, je pense, ne contestera que le
pays entier doit nécessairement profiter de la plus grande facilité acquise de
cette manière dans les moyens de transport, dès lors c’est évidemment le pays
entier et non certaines localités convient de charger de cette dépense.
Pour ce qui concerne le mode d’y faire face, je
partage entièrement l’avis de la commission, qui propose d’autoriser le
gouvernement à ouvrir un emprunt de six millions de francs, et d’appliquer au
remboursement et au paiement des intérêts l’excédant du droit des barrières ;
de cette manière il n’en résultera en réalité pas de charge nouvelle pour les
contribuables ; car il est évident que la plus grande circulation, qui sera le
résultat certain des nouvelles communications, va augmenter ce même excédant
dans la même proportion, et peut-être même au-delà.
D’autre part, j’ai assez de confiance dans les
lumières et la prudence du gouvernement pour croire qu’il ne contractera cet
emprunt que dans un moment opportun, par exemple lors de l’emprunt à contracter
pour le système des chemins de fer, ce qui n’empêcherait pas de faire déjà
entre-temps effectuer les travaux préparatoires et d’en couvrir la dépense par
le moyen des bons du trésor.
Finalement et pour ce qui regarde l’exécution
matérielle et notamment le choix des localités où les routes seront tracées,
loin de demander aucune faveur, je désire au contraire que les agents du
gouvernement reçoivent pour instruction d’agir dans tout le pays avec la plus
stricte impartialité, et d’avoir constamment pour but la prospérité des
habitants en général et la création de nouvelles richesses territoriales et
industrielles au profit de l’Etat.
M. Zoude. -
Messieurs, il a été dit il y a longtemps, et il a été répété naguère à la tribune
française, que toute la question des douanes était dans le perfectionnement des
communications intérieures : il est en effet vrai, messieurs, que le tarif des
douanes doit s’élever ou s’abaisser en proportion des facilités que les routes
présentent à la circulation de nos produits ; cette vérité que l’expérience
journalière confirme vous sera démontrée encore, mais d’une manière bien
funeste au district que je représente, si vous adoptez les modifications au
tarif que le gouvernement vient de vous présenter dans la séance du 14 de ce
mois, avant que l’établissement d’une route ne nous ait mis en position de
lutter avec certains produits français dont on propose de réduire brusquement
le droit d’entrée de 3/8.
Je veux vous parler des ardoises ; les carrières
qui les fournissent en France sont au bord de
Ce que je dis ici des ardoises, doit s’appliquer à
tous les produits du Luxembourg : nos forêts de chênes si nombreuses et si
belles, qui pourraient fournir aux besoins de la marine, au moins pour la
navigation de nos eaux intérieures, ces forêts sont pour nous des richesses
presque stériles, parce que le défaut de routes ne nous permet de les produire
sur les marchés du centre du royaume qu’après en avoir consommé la plus grande
valeur en frais de transport.
Vous parlerai-je de la
forgerie dont la nature nous a prodigué la matière première avec la plus grande
libéralité : eh bien, elle ne fait que languir parce qu’elle n’emploie que des
matières pondéreuses qui doivent être transportées à de longues distances à
travers des chemins difficiles, et que ses envois pour Liége, qui est son
débouché le plus ordinaire, sont ordinairement six mois en route avant de
parvenir à leur destination, et il est un membre de cette chambre qui en a
encore qui sont épars dans les campagnes depuis plus de 6 ans.
Les mêmes obstacles se présentent pour nos plombs,
mais bien plus encore pour le plâtre que le pays possède en telle quantité
qu’elle pourrait suffire aux besoins du monde pour plusieurs siècles.
La province de Luxembourg dont le sol n’est pas
aussi ingrat qu’on se plaît à le croire, rendra avec usure les bienfaits qu’il
aura reçus de l’Etat. Cette province dont l’étendue est de plus du cinquième de
celle du royaume a toujours été négligée par les divers gouvernements qui l’ont
régie, sauf celui de Guillaume qui y avait entrepris beaucoup de travaux que la
révolution a arrêtés tout à coup, mais qui ne seront que suspendus, sans doute,
et notamment ceux du canal de Meuse et Moselle, dont le projet gigantesque
avait été déclaré d’une exécution impossible, lorsqu’un honorable membre de
cette chambre en a démontré non seulement la possibilité, mais encore certaine
facilité de construction, et c’est immédiatement après cette démonstration que
les travaux avaient commencé ; nous espérons que le gouvernement les fera
continuer, et que la reconnaissance donnera à ce canal le nom de son inventeur,
comme
Je me bornerai à ce peu de mots pour motiver mon
vote approbatif de l’emprunt proposé, et je prierai le gouvernement d’en
employer une partie en faveur des deux provinces qui en éprouvent le plus
pressant besoin, je veux dire le Limbourg et le Luxembourg.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, à entendre le premier
préopinant, il semblerait qu’il s’agit constamment dans cette chambre de grever
le Hainaut au profit des autres provinces : il est temps que cette plainte ait
un terme, et pour cela il suffira de rétablir les faits tels qu’ils sont.
On ne perdra pas de vue les sommes énormes que le
gouvernement a avancées pour la construction du canal de
Indépendamment de ces faits il est bon de savoir
que lorsqu’en 1819 plusieurs provinces ont été obérées par l’abandon que le
gouvernement précédent leur fit de diverses rivières à charge de leur entretien
dont les dépenses excédaient les revenus, le Hainaut, par une heureuse
circonstance, obtint un accroissement de revenu considérable et qui s’élève de
60 à 80 mille francs par an environ : je n’ai pas le chiffre exact présent à la
mémoire.
On ne perdra pas de vue non plus que lorsque le
système de chemins de fer a été décrété, on a stipulé en faveur du Hainaut un
privilège, car je dois le qualifier ainsi, par la diminution de péage sur les
canaux et les rivières.
Ajoutez à tout cela que l’on a décrété pour cette
province un chemin de fer à charge du trésor.
Je crois que ces faits parlent assez haut, et
répondent suffisamment à toutes les plaintes faites dans cette chambre
relativement aux pertes que la province du Hainaut éprouverait dans
l’association belge.
Messieurs, j’en viendrai maintenant à l’objet qui
nous occupe plus particulièrement, à l’emprunt pour la construction de routes nouvelles.
A en croire l’honorable préopinant, il semblerait
que le revenu total des barrières serait affecté à la construction de nouvelles
routes dans les autres provinces, à tel point que l’entretien des routes
existantes dans le Hainaut aurait même été négligé. C’est encore par les faits
que je vais répondre à ce reproche.
Les routes de première et de deuxième classe du
Hainaut ont été adjugées, en 1835, pour 578,000 fr. Il a été alloué pour
l’entretien de ces routes seulement 279.000 fr. ; et pour subsides, afin de
construire des routes nouvelles dans le Hainaut, il a été alloué plus de
100,000 fr. : total, plus de 379,000 fr., sur un revenu de 578,000 fr. : vous
voyez donc que les plaintes sont mal fondées de ce chef.
Il est inexact de dire que l’on alloue des fonds
insuffisants pour l’entretien des routes du Hainaut ; je l’ai déjà soutenu lors
de la discussion de la loi relative aux barrières. J’ai demandé au gouverneur
et à l’ingénieur en chef de la province des rapports sur l’état des routes et
sur les fonds nécessaires à leur entretien : il résulte des rapports qui m’ont
été présentés et par le gouverneur et par l’ingénieur, que les fonds alloués
sont suffisants et que les grandes dégradations de ces routes tiennent à des
causes que j’ai signalées lors de la délibération concernant la loi des
barrières.
L’honorable membre voudrait qu’il n’y eût pas de
fonds commun pour les barrières ; il voudrait que chaque province fût isolée ;
il voudrait même que chaque route fût isolée, et que partout il y eût une taxe
proportionnée à la dépense pour l’entretien. S’il doit en être ainsi, j’irai
plus loin dans le sens du système de l’orateur ; je dirai que sur une même
route le prix des barrières devrait varier sur les
divers points de son étendue. Ainsi, aux abords des villes les barrières
produisent plus que dans les autres endroits, d’où il suit qu’il faudrait payer
moins près des villes ; mais ce n’est pas sous un point de vue si étroit qu’il
faut envisager la question.
Il est incontestable que dans un Etat, en fait de
communication, tout se lie, et qu’on aurait beau entourer une capitale de
routes très courtes, si on laissait les provinces dans l’isolement, on ne
parviendrait pas à faire une grande ville avec ce système : si vous voulez que
vos foyers de production et d’industrie prospèrent, il faut leur ouvrir des
débouchés : ce sont les parties les plus délaissées du pays qui doivent venir
s’approvisionner dans les centres des productions ; les parties les plus riches
d’un royaume et les parties les moins industrieuses profitent également par les
communications : les unes se procurent ce qui leur est utile, les autres
placent leurs produits.
A part ces motifs, il en
existe d’autres d’un ordre supérieur. Lorsqu’une nation est constituée il faut
que l’on soigne les intérêts de tous ; il faut que le bien-être se répande dans
toutes les parties du territoire ; c’est ainsi que l’on crée un esprit de
nationalité, et que l’amour de la patrie va croissant jusqu’aux extrémités du pays.
Aussi, je ne doute pas que le pays tout entier ne considère comme un grand
bienfait le développement des communications. En suivant ce système, sous peu
d’années nous ne verrons plus de contrées délaissées comme il en existe
aujourd’hui, et végéter dans un état de détresse à côté d’autres qui nagent
véritablement dans l’opulence.
L’honorable M. de Puydt, en 1834, nous a fait voir
l’inégalité qui existe relativement aux communications entre les différentes
provinces ; mais si cette inégalité existe pour les routes pavées et ferrées,
elle est plus grande encore si l’on considère les communications par la
navigation : ainsi l’on verrait précisément que les provinces qui sont les plus
délaissées sous le rapport des routes, sont aussi les plus délaissées sous le
rapport des voies de navigation.
Je dirai même que sous ce dernier rapport la
disproportion est encore plus grande, car la construction des canaux est
ordinairement dans la même proportion que celle des routes.
Le système des chemins de fer que l’on a décrété,
vient de déranger encore davantage les rapports qui règnent pour les voies de
communication ; il est donc temps de rétablir l’équilibre ; et je pense que
vous n’hésiterez pas à sanctionner par votre vote la proposition qui vous est
soumise, et qui est renfermée dans des limites véritablement tracées dans le
cercle de modération.
M. Watlet. -
Messieurs, trois propositions distinctes vous sont faites par la commission des
travaux publics. Premièrement, l’ouverture d’un emprunt de 6 millions pour
construire des routes nouvelles, en affectant au paiement des intérêts et à
l’amortissement de cette somme l’excédant du produit des barrières.
Secondement, la formation d’une commission de neuf
membres, laquelle serait chargée de repartir les 6 millions entre les diverses
provinces.
Par la troisième on a demandé le renvoi au bureau
des renseignements des pétitions, par lesquelles diverses localités demandent
des routes.
Je viens, messieurs, m’opposer aux dernières
propositions ; quant à la première, je demanderai des éclaircissements ; et le
cas échéant je pourrai l’amender.
Je trouve que la création d’une commission pour
répartir l’emprunt est non seulement inutile, mais encore dangereuse.
Elle est inutile en ce qu’il en existe une autre
près du ministère de l’intérieur, et qui a à peu près les attributions
analogues à celles qu’on voudrait donner à la nouvelle ; je veux parler de
commission composée des ingénieurs du royaume, et qui soumet au ministre des
propositions relatives à de nouvelles constructions : elle agit en parfaite
connaissance de cause ; elle est nantie de tous les documents, de tous les
plans, pièces, devis, marchés, qui peuvent la guider dans les conclusions
qu’elle a à prendre ; c’est après que les parties ont été entendues, après que
les autorités locales et provinciales ont émis leur avis, que cette commission
commence son travail et en soumet le résultat à la décision suprême du
ministre.
Je dis que la commission qu’on propose de créer
ferait à peu près double emploi avec celle qui existe au ministère de
l’intérieur, et qui est mieux à même de remplir ses attributions en
connaissance de cause, précisément à raison des documents dont elle se trouve
nantie. La commission qu’on propose de créer est dans une tout autre position :
elle ne possède aucun des renseignements qui puissent la guider dans les
propositions qu’elle aurait à faire au ministre.
Elle devrait toujours s’adresser à lui ou aux
autorités subalternes ; et comme pour obtenir forcément ces renseignements,
elle ne possède aucun moyen coercitif, il dépendrait du bon plaisir du ministre
ou des autres autorités de lui faire parvenir ou de lui refuser les
renseignements qu’elle demanderait. Cette commission peut donc être considérée
comme inutile par la double raison qu’elle fait double emploi avec la
commission d’ingénieurs, et qu’elle est incapable de donner de nouveaux
renseignements au ministre qui en définitive doit décider.
Si c’est à cela que doivent se borner les
attributions de la commission, à donner des avis. Je la trouve encore
parfaitement inutile, parce que pour donner des renseignements au ministre, je
suis persuadé que nous pourrons les donner et que le ministre les recevra avec
plaisir de chacun de nous sans qu’il soit besoin que nous soyons membres d’une
commission quelconque. D’après la proposition de la commission des travaux
publics, ce n’est pas à cela seul que devraient se borner les attributions de
la commission qu’elle veut instituer ; ce ne serait pas des renseignements
qu’elle aurait, mais des décisions qu’elle aurait à prendre. Elle devrait
soumettre au ministre des propositions desquelles il ne pourrait sortir et sans
lesquelles il ne pourrait pas agir.
Sons ce rapport, je trouve que la création proposée
est dangereuse. Elle aurait pour effet d’entraver la marche de l’administration
des travaux publics, et un autre effet peut-être puis grave encore, de nous
priver de la responsabilité ministérielle.
Or je dis que la création de la commission dont il
s’agit retarderait la marche de l’administration ; je ne pense pas être dans
l’erreur.
En effet, cette commission, comme je crois l’avoir
démontré, ne possédant aucuns renseignements, ni documents, et devant toujours
les demander au ministre à qui ils arrivent, si elle reçoit ces documents incomplets
ou qu’elle ne les reçoive pas à temps, la voilà arrêtée dans ses délibérations.
Quand les renseignements dont elle a besoin lui parviendront, il pourra encore
se faire qu’elle ne puisse pas délibérer, par suite de l’absence ou de la
maladie de quelques-uns de ses membres, et pendant ce retard le ministre ne
pourra rien faire. Ce n’est pas en vain que je menace de retard ; je puis en
citer un exemple bien frappant, c’est celui de la commission des travaux
publics, à qui contre mon opinion et celle de quelques autres membres on a
renvoyé la proposition de M. de Puydt et les propositions ayant le même objet.
Ce renvoi a eu lieu au mois de janvier 1835.
Et tout ce qu’a fait cette commission a été de nous
faire perdre quinze mois. Car elle a présenté son rapport le 18 février dernier
qui ne tendait à rien autre qu’à proposer de contracter un emprunt, proposition
qui avait été faite dès le principe ; et pour les questions incidentes, elle
les laissait de côté. Vous vous rappelez qu’on avait voulu amalgamer, dans le
projet de constructions de routes, les constructions de canaux et les
directions à leur donner ; aujourd’hui tout cela est détaché du projet ; or, ne
leur donne plus qu’une seule chose, c’est d’autoriser un emprunt pour
construction de routes.
Tout ce que nous avons gagné au renvoi à la
commission des travaux publics, c’est que l’année dernière on était à peu près
d’accord pour voter un emprunt de 10 millions, et qu’aujourd’hui on propose de
le réduire à six et que nous avons perdu 15 mois. Ce n’est pas que je veuille
ici accuser la commission des travaux publics, mais je vois là l’histoire de
toutes les commissions.
La commission des travaux publics ne manquait ni de
talents ni d’activité, ni de bonne volonté. Cependant elle n’a fait que nous faire
perdre du temps.
La commission qu’on propose, non seulement nous
ferait perdre du temps, mais entraverait la marche de l’administration des
travaux publics. En effet, il résulte de sa proposition que pour qu’une route
puisse être construite, il faudra deux choses : d’abord que la commission
propose la construction et que le ministre tombe d’accord avec elle, qu’il
approuve la proposition. Or, si la commission et le ministre ne sont pas
d’accord, si la commission propose une construction que n’approuve pas le
ministre, ou si le ministre désire une construction que la commission
n’approuve pas, il en résultera des entraves.
On me fait observer que l’on renonce à la création
d’une commission.
Plusieurs
voix. - Non ! non !
M. le président. -
Il y a deux propositions : celle de la commission qui est ainsi conçue :
« 1° Le gouvernement est autorisé à contracter
un emprunt de six millions de francs, destiné à l’exécution de routes à
construire dans les différentes province du royaume.
« 2° L’excédant du produit des barrières est
affecté au remboursement de l’emprunt et au paiement des intérêts.
« 3° L’application des fonds sera réglée, une
fois pour toutes, par une commission de neuf membres, dont chacun sera nommé
par les représentants et sénateurs réunis de chaque province. »
Ensuite le ministre a proposé un projet différent
dans lequel ne se trouve pas le n°3 de la proposition de la commission.
M. Watlet. - C’est
le projet de la commission des travaux publics que je combats. Je suis d’accord
avec M. le ministre de l’intérieur qui ne veut pas de cette commission dont on
propose la formation dans le projet.
La commission embarrasserait la marche des travaux
publics parce que si elle n’était pas de l’avis de M. le ministre de
l’intérieur, il en résulterait que la route ne pourrait être construite,
attendu que le concours du ministre de l’intérieur et de la commission est
nécessaire.
La commission, selon le projet, devra régler, une
fois pour toutes, l’emploi des fonds provenant de l’emprunt. Si je comprends
bien, il n’y aurait qu’une fois pour toutes une proposition à soumettre au
ministre.
Je demanderai quand la commission fera cette
opération. Si ce sera dans six mois, dans un an, dans deux ans, etc. Si c’est
aujourd’hui que la commission doit faire son travail, elle ne pourra le faire
en connaissance de cause, attendu que les plans et devis lui manqueront.
Elle ne pourra faire des propositions que pour les
routes dont la construction a été complétée, tandis que les autres routes pour
lesquelles les devis ne sont pas terminés, qui sont peut-être d’une utilité
plus grande, devront rester en souffrance ; la commission ne pourra s’en
occuper, car il lui serait enjoint de faire la distribution des fonds une fois
pour toutes.
Si au contraire la commission fait les propositions
que, dans un an ou deux ans, il en résultera qu’en attendant l’on ne pourra
rien faire. Sous ce rapport, de quelque manière que l’on envisage la question,
l’on tourne dans un cercle vicieux. Il en résulte toujours des inconvénients
plus ou moins grands.
J’ai dit que la commission aurait pour résultat de
mettre à couvert la responsabilité ministérielle. Je conçois bien qu’en droit
le ministre restera toujours responsable, puisque c’est lui qui sanctionnera
les propositions qui lui seront faites par la commission dont on propose la
création. Mais je pense qu’en fait cette responsabilité se réduira presque à
zéro. Car le ministre, pour se défendre, mettra toujours en avant les
propositions qui lui auront été faites par une commission émanée des chambres.
Il pourra toujours répondre qu’il a agi sous son influence.
Je sais bien que dans une autre enceinte, un
honorable sénateur a beaucoup applaudi à l’idée de la création de cette
commission. C’est qu’il voudrait voir établir auprès de M. le ministre de
l’intérieur une commission des travaux publics qui ne fût pas présidée par un
ingénieur des ponts et chaussées, en raison de l’influence qu’il peut exercer dans
la décision à prendre dans la construction des routes.
Ce que cet honorable sénateur a dit du président de
la commission, il aurait pu l’appliquer à chacun de ses membres. En effet,
chacun d’eux pourra se trouver directement ou indirectement intéressé, soit par
lui-même, soit par ses amis, dans la construction des routes sur lesquelles la
commission aura à prononcer.
Je conclus donc, messieurs, que, sous tous les
rapports, c’est une malheureuse idée que la création de la commission que
propose la commission des travaux publics. Nous devons nous en rapporter au
gouvernement sur la direction des travaux à exécuter.
Si j’insiste sur ce point, c’est que je trouve dans
le rapport de la commission des raisons qui me semblent fort peu concluantes
pour justifier son projet.
L’expérience de 1833 avait trop prouvé les
inconvénients d’une discussion dans la chambre pour qu’il pût être conseillable
d’attribuer à la législature cette distribution.
Oui, la chambre a senti les inconvénients de
s’occuper elle-même de la distribution des fonds consacrés à la construction de
routes nouvelles ; c’étaient des débats à n’en pas finir. L’intérêt local
paraît partout ; la chambre a pris la résolution de ne plus s’occuper de cette
distribution ; mais la commission est-elle l’organe des intentions de la
chambre, lorsqu’elle dit :
« La commission n’a donc pas voulu prendre sur
elle d’indiquer aucun emploi détaillé des routes ; mais comme elle est
convaincue que la chambre désirera, à cet égard, certaines garanties, elle a
été unanimement d’avis de proposer la formation d’un comité composé de neuf
membres, qui réglerait une fois pour toutes l’application du montant de
l’emprunt à des travaux déterminés, autant que les prévisions actuelles peuvent
le permettre, en se concertant à cet effet avec le ministre de l’intérieur, à
la sanction de qui les décisions du comité seraient subordonnées. »
Jamais l’intention de la chambre n’a été de charger
une commission d’une semblable mission. Si je juge au contraire de cette
intention d’après ce qui a été fait, il semblerait plutôt qu’elle a pris la
résolution de s’en rapporter désormais au ministre.
Cette commission serait une chambre des
représentants au petit pied, en ce sens que les mêmes inconvénients qui ont été
signalés dans cette enceinte s’y renouvelleraient. Je pense même qu’ils
seraient plus saillants encore. En effet, dans une assemblée législative
l’intérêt local est plus divisé parce que chaque province est représentée par
un plus grand nombre de membres. Ensuite, dans une chambre, on a beau plaider
pour son clocher en présence du public et de la presse, il reste une certaine
pudeur qui ne permet pas d’aller trop loin. Il n’en est pas de même dans une
commission qui discute à huis-clos et qui ne présenterait que des conclusions
au ministre de l’intérieur.
D’un autre côté, je trouve dans le même rapport des
raisons très plausibles pour fonder mon opinion. La commission reconnaît
elle-même que le ministre a réparti d’une manière équitable et tout à fait
digne d’éloges le produit des barrières en 1834 et 1835. Puisque M. le ministre
de l’intérieur s’est acquitté de cette tâche délicate à la satisfaction de la
législature, je ne vois pas pourquoi il ne continuerait pas à en être chargé à
propos de la loi en discussion. Cela est d’autant plus rationnel que M. le
ministre, par sa position, est tout à fait en dehors des influences de la
coterie et peut s’occuper exclusivement de l’intérêt général.
Je dirai quelques mots sur le montant de l’emprunt.
Permettez-moi de prendre les choses d’un peu plus haut.
Dans le courant de 1834, l’honorable M. de Puydt
avait proposé un projet de loi pour un emprunt de 16 millions. La section
centrale, pour le budget de 1835, d’accord avec le ministre, avait proposé un
emprunt de 10 millions. Lorsque nous en sommes venus à la discussion de cet
article du budget, M. de Puydt s’est rallié au chiffre de 10 millions pour la
construction des routes. Mais il proposa d’y ajouter 5 millions pour
construction de canaux.
Quelques pétitions relatives à la construction de
routes furent à la même époque adressées à la chambre. Toutes ces propositions
et pétitions ont été envoyées à la commission des travaux publics.
Nous devions nous attendre d’après cela que la
commission des travaux publics nous ferait un rapport, sinon sur les pétitions,
au moins sur les propositions qui lui avaient été renvoyées. J’ai donc été fort
étonné de ne pas trouver un mot sur ces propositions dans le rapport du 18
février. On dit bien que l’on propose un emprunt de six millions pour
construction de routes nouvelles ; mais on ne dit pas un mot de la première
proposition de M. de Puydt, de la proposition de la section centrale, non plus
que de la deuxième proposition de M. de
Puydt.
J’insiste sur ce point,
parce que M. de Puydt lui-même a reconnu que la demande de 10 millions était
insuffisante, puisqu’il calculait les besoins à cette époque à 27 millions, et
que d’un autre côté la section centrale dont j’avais l’honneur d’être membre, a
déclaré que si elle bornait le chiffre de l’emprunt à 10 millions, ce n’était
pas qu’elle trouvât cette somme suffisante pour la création de routes
nouvelles, mais parce qu’elle a pensé qu’il serait très facile, en bornant
l’emprunt à 10 millions, d’opérer en peu d’années l’amortissement de cette
somme.
La commission a proposé de
réduire le chiffre de l’emprunt à 6 millions, sans faire connaître les motifs
de cette réduction ; car de 16 millions, nous sommes descendus à 10 millions ;
de 10 nous sommes descendus à 6 ; je suis heureux de ne pas voir renvoyer la
proposition à une troisième commission ; car je craindrais qu’elle ne réduisit le chiffre de l’emprunt à 2 millions. (On rit.) Mais je demande qu’on fasse
connaître les motifs de cette réduction. Est-ce parce qu’on trouve que
l’amortissement serait trop difficile ou trop long ? Je ne crois pas que ce
soit ce motif ; car l’amortissement s’opérera facilement et en peu d’années,
même en admettant la chance la plus favorable, c’est-à-dire la diminution du
produit des barrières.
Je demande donc quelques explications à la commission
des travaux publics, me réservant de présenter un amendement pour
l’amortissement de la somme proposée, si je la trouve convenable, après les
explications données.
(Moniteur
belge n°112, du 21 avril 1836) M. Gendebien. - Quelque irrégulière que soit la
présentation du projet de loi déposé par M. le ministre de l’intérieur, il me
semble que si la discussion continue, l’on ne doit s’occuper que de ce projet
de loi lui-même. Or ce projet de loi ne dit pas un mot d’une commission
spéciale à établir. Ainsi, tant qu’il n’aura pas été présenté un amendement
proposant l’établissement de cette commission, il me semble que ce serait
perdre du temps que de discuter sur cet objet ; car il n’est pas certain que
cette proposition soit faite par amendement. Je pense donc qu’il n’y a plus
lieu de s’occuper de cette commission spéciale dont parle le rapport de la
commission des travaux publics.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - il dépend de la chambre de
prendre pour base de la discussion, non le projet de loi présenté par la
commission, mais l’amendement rédigé par M. le ministre de l’intérieur ; je dis
l’amendement, car la proposition n’est pas un projet de loi, ce n’est pas une
disposition toute nouvelle ; c’est un amendement véritable à un projet dont la
chambre est réellement et régulièrement saisie : et en effet, si nous examinons
le rapport de la commission, nous y trouvons que la commission, d’après ces
dispositions (les raisonnements auxquels elle s’est livrée), a soumis à la
chambre la proposition suivante : « 1° (ou art 1er.) Le gouvernement est
autorisé à contracter un emprunt de six millions, etc. » Suivent les deux
autres articles ; c’est bien là une proposition formelle de loi.
M. le ministre de l’intérieur, pour abréger la
discussion, a fait connaître, dès le début, les intentions du gouvernement en
présentant les deux articles dont il a été donné lecture, et qui doivent être
considérés comme de véritables amendements au projet de la commission, puisque
notamment il ne s’agirait plus, d’après ces articles, de la commission chargée
de régler la répartition de l’emprunt de 6 millions comme il est demandé par le
rapport de la commission des travaux publics, dont je viens de rappeler un
passage.
Du reste il serait peut-être mieux de considérer
les amendements de M. le ministre de l’intérieur comme proposition principale,
et de ne discuter que sur cette proposition. Je pense avec l’honorable
préopinant que cela abrégerait et simplifierait la discussion, parce qu’il m’a
semblé reconnaître d’après la manière dont a été écouté le discours de
l’honorable représentant qui vient de parler, que l’on est généralement
d’accord pour ne pas admettre la création d’une commission spéciale chargée de
faire l’application des fonds.
Quelle que soit donc la manière d’envisager la
forme de la proposition de la commission des travaux publics et de la
proposition du gouvernement, l’on pourrait prendre pour base de la discussion
les deux amendements de M. le ministre de l’intérieur, puisqu’il y a du temps à
gagner en procédant de la sorte.
M.
Gendebien. - Il me semble qu’en définitive je suis d’accord avec M. le
ministre des finances quant au but, c’est-à-dire l’économie du temps.
Il me reste à répondre à une observation qu’il a
faite et sur laquelle je ne suis pas d’accord avec lui ; c’est que si la
proposition du ministre de l’intérieur n’est pas un projet de loi, nous
discutons comme avant-hier sans aucun projet, et la marche que nous suivons est
irrégulière et contraire au règlement.
Je ne conçois d’amendement qu’à un projet de loi ;
il y a un rapport avec trois propositions, et ces trois propositions ne sont
pas un projet de loi. Il en résulte que, quand on aura discuté pendant 2 ou 3
jours, il faudra seulement songer à formuler un projet de loi. Mais cela est
tout à fait irrégulier. Déchirez alors votre règlement et procédez comme bon
vous semblera.
Pour moi je respecte la constitution ; je tiens à
éviter qu’elle soit violée ; quant au règlement j’avoue que j’y tiens beaucoup
moins : je ne suis pas de l’avis d’honorables membres qui tiennent beaucoup à
l’exécution du règlement et sont toujours prêt à faire bon marché de la
constitution.
Je suis tout disposé, quand il y a économie de
temps, à négliger le règlement ; mais nous ne pouvons le négliger dans ses
dispositions essentielles : la première condition pour toute discussion, c’est
qu’il y ait un projet de loi en règle, que nous puissions voter article par
article, et que nous puissions ensuite voter dans son ensemble.
Je demande à cet égard l’exécution du règlement,
sans cependant ajourner la discussion générale.
M.
Watlet. - L’honorable M. Gendebien a dit tout à l’heure que c’était perdre
du temps que s’occuper de la proposition faite par la commission des travaux
publics. Mais ce reproche ne peut pas s’adresser à moi.
M. Gendebien. -
Ce n’est pas à vous que je l’ai adressé.
M.
Watlet. - Depuis plusieurs jours nous avons à l’ordre du jour un projet
de loi pour création de routes nouvelles ; or, évidemment il ne pouvait s’agir
de la proposition du ministre puisqu’il n’y a qu’un moment qu’elle a été faite.
Il ne s’agissait donc que de la proposition de la commission des travaux
publics, à laquelle il ne manque, pour lui donner la forme d’un projet de loi,
que l’en-tête : « Léopold, Roi des Belges, etc. » La chambre ne s’est
pas arrêtée à cette omission, quand il s’est agi de mettre le projet à l’ordre
du jour ; je ne devais pas davantage m’y arrêter pour le combattre.
M. A. Rodenbach. - Je trouve rationnelle
l’observation de l’honorable M.
Gendebien. Mais il me semble que pour donner à sa proposition la forme
complète d’un projet de loi, M. le ministre de l’intérieur devrait y ajouter
l’en-tête : « Léopold, Roi des Belges, etc. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il faudrait alors que le projet fût signé par
le Roi.
Au reste tout cela est inutile puisqu’on est
d’accord.
M. Jullien. - Si
le projet de M. le ministre de l’intérieur n’est qu’un amendement comme on le
dit, et si le projet de la commission n’est pas un projet de loi, je ne sais
plus ce que nous avons à discuter.
M. le ministre de l’intérieur prétend que sa
proposition ne doit être considérée que comme un amendement ; il considère donc
la proposition de la commission comme un projet de loi. En effet, d’après la
lecture de la proposition de la commission, il est évident pour moi qu’elle a
entendu proposer un projet de loi.
M.
Gendebien. - Tout à l’heure j’ai demandé que la chambre ne s’occupât
plus de la question de savoir si l’on nommerait une commission composée d’un
membre de chaque province. Attendu, disais-je, que M. le ministre de
l’intérieur a déposé un projet de loi dans lequel il n’est pas question d’une
semblable commission, il me semble que la discussion doit se renfermer dans les
bornes tracées par ce projet de loi, et que pour économiser le temps il
convient de ne plus parler de la commission dont il avait été d’abord question,
que pour autant qu’un membre de la chambre vienne la proposer par amendement au
projet du ministre. Si l’on veut à toute force continuer la discussion sur le
terrain où elle a été établie jusqu’à présent, je n’insisterai pas davantage
sur ma motion d’ordre, mais je vous répète qu’une pareille marche vous fera
perdre beaucoup de temps.
Je dois répondre un mot à M. Jullien, qui soutient
que c’est bien un projet de loi qui nous est soumis par la commission des
travaux publics. Je lis dans le rapport de cette commission :
« D’après ces dispositions la commission me
charge de vous faire les propositions suivantes... »
Ce n’est donc pas un projet de loi que la
commission vous soumet : elle vous dit elle-même que ce ne sont que des
propositions. On ne peut considérer comme un projet de loi ce qui nous est
présenté sous une pareille forme, et la preuve que ce n’est pas un projet de
loi c’est le doute qui s’est élevé sur la question de savoir si ce sont les
propositions de la commission ou celles de M. le ministre que nous discutons,
car il est hors de doute que, si la commission nous avait présenté un projet de
loi, ce qui a été proposé par M. le ministre ne pourrait être considéré que
comme amendement. On dit que c’est là une question de forme ; mais, messieurs,
il faut tenir aux formes pour la régularité des discussions ; c’est un moyen
d’économiser le temps, notre règlement tout entier n’est qu’une affaire de
forme.
Ce n’est sans doute pas sérieusement que
l’honorable M. Watlet a dit que j’avais voulu lui faire un reproche en me
plaignant du temps que nous perdons en discutant la question de savoir si une
commission serait nommée pour répartir le montant de l’emprunt ; plusieurs
orateurs avaient parlé avant lui sur cet objet, et d’autres allaient
probablement encore en faire de même ; ce que j’ai dit ne pouvait donc pas
s’adresser à M. Watlet, pas plus qu’à aucun autre membre de la chambre ;
j’avais uniquement en vue de simplifier la discussion.
M.
de Puydt, rapporteur. - Messieurs, je n’ai jamais considéré les
propositions que la commission des travaux publics a soumises à la chambre
comme autre chose qu’un projet de loi et pour se convaincre qu’on ne peut pas
les envisager autrement, il suffit de remonter à leur origine : elles datent du
6 mars 1834 ; à cette époque elles ont été prises en considération par la
chambre et renvoyées à une commission spéciale pour être examinées par elle et
recevoir une forme définitive ; le chiffre de l’emprunt, qui est l’objet de ces
propositions, a été réduit à 6 millions de francs, et elles ont reçu la forme
sous laquelle elles vous sont maintenant présentées.
On dit que cela ne constitue pas un projet de loi :
mais je demanderai dans quels termes un projet de loi doit être proposé, s’il y
a pour cela une formule sacramentelle ? Il me semble que toute proposition qui
est présentée à la chambre devient, par l’effet même de sa présentation, projet
de loi : elle est ensuite discutée et, si elle reçoit notre assentiment et
celui des deux autres branches du pouvoir législatif, elle devient ainsi loi de
l’Etat. Je ne puis donc voir dans les propositions de la commission des travaux
publics autre chose qu’un projet de loi, et je ne vois pas de raison pour ne
pas en continuer la discussion.
L’honorable M. Watlet a
reproché à la commission d’avoir fait perdre 15 mois à la chambre pour réduire
à six millions le chiffre du projet d’emprunt qui, dit-il, avait été de dix
millions ; ce reproche me paraît peu fondé ; je dirai même qu’il me paraît
inintelligible : en effet, je ne me souviens pas qu’on ait jamais proposé à la
chambre un projet d’emprunt de dix millions ; je sais bien qu’il a été présente
un projet d’emprunt de 16 millions, puisque je suis l’auteur de ce projet, que
la chambre en a autorisé l’examen, et c’est en définitive sur ce projet qu’un
rapport vous est fait. Mais que, dans l’intervalle, il ait été question d’un emprunt
de 10 millions pour le même objet et que la commission des travaux publics ait
été saisie d’un projet à cet égard, c’est ce dont je n’ai nul souvenir. Ainsi
donc la proposition actuelle est celle de 1834, ramenée à un chiffre moins
élevé.
M. Watlet a demandé le motif de cette diminution :
ce motif, messieurs, est extrêmement simple. La somme de six millions a été
considérée comme rigoureusement nécessaire pour travailler pendant quatre ou
cinq ans à la construction de routes nouvelles dont les projets sont prêts ou
sur le point de l’être. Pendant ce temps,
on pourra faire faire les études d’autres routes qu’on jugera utile d’établir
par la suite, et s’il est reconnu que l’emploi des six millions qui nous sont
demandés aujourd’hui a produit un résultat avantageux, on pourra toujours en
faire de nouveaux ; il est inutile de voter immédiatement un emprunt
considérable.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, il me paraît qu’il
y a lieu à fixer définitivement l’ordre de la discussion comme l’a proposé M. Gendebien. Je pense aussi que le
moyen de simplifier la discussion serait de prendre pour base le projet
présenté par M. le ministre de l’intérieur. Si après cela des membres voulaient
engager les débats sur l’institution d’une commission, ils pourraient le faire
par amendement,
M. Jullien. - Je
m’opposerai à ce qu’on change l’ordre de la discussion, parce que je tiens à ce
que la chambre n’abdique pas une de ses plus belles prérogatives, l’initiative
pour la présentation des lois. La commission des travaux publics a fait une
proposition, et cette proposition, quelque nom qu’on lui donne, je la considère
comme un projet de loi ; car, si j’examine le règlement, je vois qu’il parle
des propositions faites par les membres de la chambre sans faire aucune
distinction entre ces propositions en raison de la forme dans laquelle elles
peuvent être conçues.
Quant à la formule des lois : « Léopold,
etc., » cette formule ne peut être appliquée que lorsque le projet a été
adopté par les deux chambres ; ce n’est donc pas à cause de l’absence de cette
formule qu’on peut dire que la proposition de la commission n’est pas un projet
de loi.
Maintenant l’on propose d’intervertir l’ordre des
débats parce que dans le projet de la commission il y a un article que l’on ne
veut pas discuter à présent, c’est celui qui parle de l’établissement d’une
commission pour la répartition des 6 millions qu’il s’agit d’emprunter ; je ne
vois pas que ce soit un moyen d’abréger considérablement la discussion ;
l’amendement de M. le ministre, qui à laissé de côté cette commission, subsiste
toujours ; laissez donc les débats suivre leur cours, car vous ne ferez que perdre
du temps en voulant leur imprimer une autre direction.
M.
Gendebien. - Je renonce à ma motion d’ordre, car je vois que, loin de
produire une économie de temps, on s’en empare pour prolonger une discussion
oiseuse. Je dirai seulement que, dans le temps, l’honorable auteur de la
proposition qui dédaigne aujourd’hui la forme, a senti lui-même la nécessité de
donner à sa proposition une forme législative, pour qu’elle puisse être
considérée comme un projet de loi : en effet le 4 mars 1834 il nous a présenté
un projet précédé de plusieurs considérants et composé de cinq articles, que je
tiens en mains ; je ne sais pas pourquoi ce projet ne nous a pas été proposé
aujourd’hui sous la même forme ; je ne sais pas pourquoi la commission s’est
permis de dénaturer un projet de loi que la chambre avait pris en considération
et dont elle l’avait saisie ; je ne vois pas le motif de toute ces
irrégularités qui se multiplient depuis quelques jours.
Je considère ces antécédents comme très dangereux,
car il pourra en résulter que, dans un moment d’effervescence ou d’excessive
complaisance, on vienne vous présenter telle ou telle proposition que l’on
envisagera comme un projet de loi contrairement au règlement ; car si l’on ne
tient aujourd’hui aucun compte du règlement, je ne vois pas de raison pour
qu’on l’observe dans d’autres circonstances plus importantes.
M.
Watlet. - D’après les paroles de l’honorable M. de Puydt il semblerait
que j’ai été dans l’erreur quand j’ai dit qu’un projet d’emprunt de dix
millions de fr., pour construction de routes, avait été présenté à la chambre
et renvoyé par elle à la commission des travaux publics.
Je tiens à rectifier ce qu’a dit M. de Puydt, et à
montrer à la chambre que j’avais raison en disant qu’un emprunt de 10 millions
avait été renvoyé à la commission.
Le 6 mars
Le Moniteur dit en effet : « La proposition de M. de Puydt est
renvoyée à la commission des travaux publics. Je n’entretiendrai pas la chambre
des débats qui eurent lieu relativement à cette proposition ; le Moniteur en rend compte. Quoi qu’il en soit,
ce n’est pas sans motifs que je suis étonné de ne pas trouver les raisons de la
diminution du chiffre dans les conclusions du rapporteur de la commission des
travaux publics.
Si je voyais que l’on pût maintenir le premier
chiffre de dix millions, je ferais un amendement dans ce but.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je me suis mis en rapport avec la commission des travaux publics quand la
proposition lui a été soumise ; et je lui ai dit qu’un emprunt de six millions
pouvait suffire. Indépendamment des fonds à provenir de l’emprunt, nous pouvons
appliquer annuellement à la construction des routes une partie de l’excédant du
produit des barrières, en sorte qu’en réalité on emploiera huit ou neuf millions
pour les nouvelles routes. J’ai compté aussi pour beaucoup de constructions de
routes sur la coopération des provinces ou des communes, et sur la construction
de routes avec subsides ou sans subsides, et par concessions. Je ne doute pas
que beaucoup de localités ne veuillent concourir à l’ouverture des
communications qui les concernent.
M.
de Puydt, rapporteur. - Il y a bien quelque chose d’exact dans ce que
vient de dire M. Watlet ; mais la discussion dont il parle doit être mise au
nombre de toutes celles qui n’ont eu aucun résultat ; car il n’y a pas eu de
proposition signée et déposée sur le bureau ; par conséquent la chambre n’a
rien renvoyé à la commission des travaux publics, et celle-ci n’est restée
saisie que d’une seule proposition pour un emprunt de 16 millions, réduit
ensuite à 6 millions par la commission elle-même.
M.
Watlet. - Ce que vient de dire l’honorable membre est une espèce de
démenti formel à ce que j’ai avancé ; c’est un démenti au Moniteur, c’est un démenti à mes souvenirs. Si je voulais faire
perdre du temps à la chambre, je lui lirais le Moniteur, et elle verrait que les choses se sont passées comme je
l’ai avancé.
M. de Puydt demandait sept millions pour les routes
et 5 millions pour les canaux ; je lui ai démontré qu’il diminuait sa première
proposition par laquelle il demandait 10 millions pour les routes seules ;
alors il a demandé 10 millions pour les routes et 5 millions pour les canaux.
Il y a eu des débats relativement à la proposition
de M. de Puydt, et en définitive elle a été renvoyée à la commission des
travaux publics.
M.
Fallon. - Je dirai comment il s’est fait que la commission n’a pas été
saisie de la proposition faite par M. de Puydt : aux termes du règlement, un
membre peut retirer, quand il le veut, la proposition qu’il avait soumise à la
chambre ; or, M. de Puydt a retiré la sienne.
M. Watlet. - La
commission aurait dû le dire.
M. Desmet. - Je
pense que l’intention de M. le ministre de l’intérieur est de faire des routes
par le moyen de sociétés concessionnaires là où il en trouvera, et qu’il fera
les routes entières quand il ne sera pas possible de trouver de semblables
sociétés. (M. le ministre de l’intérieur
fait un signe affirmatif.)
M. Gendebien. -
Je regrette d’avoir encore aujourd’hui à défendre la province du Hainaut contre
des attaques sans cesse renouvelées. Je ne sais pas ce qui a donné occasion ou
plutôt ce qui a fourni un prétexte au ministre de l’intérieur d’adresser des
récriminations au Hainaut. Il lui reproche les sommes énormes dépensées par le
gouvernement pour le rachat du canal de
J’ai le droit, il me semble, de rétorquer contre le
ministre ses propret arguments.
Mais venons au fond des choses et laissons de côté
les théories du ministère pour ce qu’elles valent : croyez-vous que la province
de Hainaut, ou plutôt et pour mieux localiser, croyez-vous que le district de
Charleroy soit merveilleusement traité par cette canalisation de
Quelle est en réalité la cause des sacrifices
énormes faits par le gouvernement au sujet de la canalisation de
Le gouvernement hollandais avait induit en erreur,
par de faux calculs et des plans erronés, les concessionnaires du canal ; et
c’est en conséquence de l’impossibilité physique de réaliser les promesses
faites par le précédent gouvernement, qu’à titre de dommages-intérêts la
société du canal de
On a parlé du canal de Charleroy à Bruxelles ; je ne
sais quel traité a été fait sur cet objet ; je ne puis en juger ; quand nous
serons saisis du projet de transaction, il est probable que nous y verrons les
mêmes choses que pour le canal de Sambre. Quoi qu’il en puisse être, est-ce que
les habitants de la province du Hainaut navigueront gratuitement sur le canal ?
ils paieront ; ou, si l’on aime mieux, ce seront les
consommateurs qui paieront. Il n’y a pas encore là matière à adresser des
reproches au Hainaut.
On a encore reproché à cette province d’avoir
obtenu un chemin de fer et d’avoir obtenu un abaissement des péages sur les
routes et les canaux au taux du péage sur les chemins de fer, c’est-à-dire, la
promesse de chemins de fer et de droits proportionnels ; mais veuillez-vous-le
rappeler, c’est après une lutte de quinze jours, après une lutte courageuse,
acharnée, que nous avons obtenu cet acte de justice. Le projet de loi, d’après
le rapport du ministre de l’intérieur, établissait une réduction des frais de
transport de 50 p. c. pour toutes les marchandises provenant de la province de
Liége, et une réduction de 75 p. c. pour le transport des houilles, et ces
avantages devaient être procurés aux dépens de la généralité ; nous avons
demandé et obtenu que la province du Hainaut fût appelée à jouir des mêmes
avantages, et il n’y avait rien que de très juste, car c’eût été la ruiner pour
enrichir d’autres provinces qui fournissent les mêmes produits ; en un mot nous
n’avons pas voulu qu’elle fût déshéritée.
Nous avons combattu avec persistance ; et on a fini
par nous comprendre.
Je sais qu’on a conservé de l’humeur, car M. le
ministre de l’intérieur a dit naguère que l’on avait cédé à l’obsession.
Cependant je vous demande s’il y avait rien de plus juste, alors qu’on
construisait des communications nouvelles aux frais de la généralité, d’appeler
toutes les localités qui se trouvaient dans la même catégorie à en recueillir
les avantages. Nous n’avons demandé que ce que l’on accordait aux autres
provinces, que l’on dotait de chemins de fer. Nous avons cependant dû faire une
opposition de 15 jours ; on nous a prêté des idées rétrogrades, on nous a
accusés d’être les ennemis du progrès, on a supposé que nous ne voulions pas
des chemins de fer, on nous a supposé des idées étroites de localité, on nous a
traités d’égoïstes. C’est ainsi qu’on a aujourd’hui encore traité les
représentants du Hainaut d’égoïstes, parce qu’ils défendent dans cette
discussion les droits de leur province, sans nulle intention de mettre obstacle
au bien-être général : telles au moins sont mes intentions et ma volonté.
L’honorable M. Pirmez vous a dit que la plus grande
partie de l’excédant des revenus des routes sur les dépenses pour l’entretien
provient de la parcimonie que l’on met à l’entretien des routes, d’où résulte le
très mauvais état des routes du Hainaut, précisément dans les parties les plus
fréquentée, et qui rapportent le plus. Ceci est parfaitement exact. On n’a rien
répondu à cela. Cependant il est très naturel que le produit des routes du
Hainaut profite, en premier ordre, à cette province et aux consommateurs.
Il est de toute justice, je dirai même de toute
nécessité, de maintenir ces routes en bon état ; car si elles sont en mauvais
état, alors qu’on paie 4 fois le montant des frais d’entretien, il y a injustice
à l’égard du Hainaut et du consommateur ; car celui-ci doit payer plus cher le
transport qui se fait plus péniblement et à plus grands frais.
Il y a une autre observation non moins importante :
c’est que dans notre malheureuse province, où il y a une circulation si active,
les routes pavées sont tellement étroites que 2 chariots ne peuvent se
rencontrer sans que l’on ne soit obligé de passer sur les accotements ; et il
leur faut souvent des efforts infinis pour se remettre sur le chemin pavé ; ils
sont obligés souvent de prendre des chevaux d’allège pour sortir de cette
position dans laquelle ils sont à tout moment.
J’espère que M. le ministre de l’intérieur déposera
le renseignement sur le produit des routes qu’a demandé au commencement de la
séance l’honorable M. Dumortier.
Il en résultera la preuve que la province du Hainaut fournit amplement les
moyens d’entretenir convenablement les routes et d’en créer de nouvelles
ailleurs.
Il est de fait que depuis que le gouvernement
hollandais a fait au syndicat d’engloutissement la remise des routes, il ne
s’est pas contenté de les exploiter au profit de
Je crois que les représentants de la province du
Hainaut se sont montrés toujours aussi libéraux que qui que ce puisse être ; je
vais en donner aujourd’hui une nouvelle preuve : on demande six millions, je
suis prêt à en voter dix et même quinze. Je déclare d’avance que j’appuierai
l’amendement de M. Watlet. La
province du Hainaut n’est pas celle qui paie le moins d’impôts ; je consens
néanmoins à ce qu’on prenne les intérêts et les moyens d’amortissement sur les
revenus généraux ; je préfère ce mode parce qu’il est plus simple et plus
facile, et qu’il évite des complications dans la comptabilité qu’il faut
toujours éviter. Je ne conçois pas comment on décrète un emprunt de 1,700,000 fr. pour un canal et ensuite 6 millions pour les
routes, et qu’on affecte d’un côté le produit des routes pour payer l’intérêt
et amortir le capital. En définitive, ce sera toujours la bourse commune, ce
sera toujours la caisse générale qui paiera. Pourquoi toute cette complication
? Il serait plus simple de se borner à demander un emprunt de six millions.
Quant à moi, je déclare que je refuserai l’emprunt, si on y met une condition
quelconque. Ce ne serait pas sans regrets, parce que, dans un pays comme le
nôtre, les dépenses les plus utiles sont celles consacrées aux routes et
canaux. Je le refuserai dans la forme qu’on le propose, parce que je ne veux
pas donner les mains à une loi qui doit consommer la spoliation des revenus des
routes du Hainaut.
D’un autre côté, nous pouvons espérer qu’un jour on
comprendra assez notre position, on sera assez éclairé pour renoncer à tout
droit sur les routes et les canaux. Dans un pays dont toute la vie repose sur
l’industrie, et dont toute l’industrie repose sur l’exploitation des matières
pondéreuses, je ne conçois pas que l’on maintienne ces droits. Ils sont
l’obstacle principal, je dirai même le seul obstacle à l’extension de notre
commerce extérieur.
Au moyen de quelques légers centimes additionnels
aux contributions, ou plutôt de quelques économies de sinécures, et sur des
parasites qui vivent aux dépens du trésor, on pourrait supprimer ces droits. Il
en résulterait une augmentation dans les produits, ce qui mettrait un plus
grand nombre de citoyens en position de devenir contribuables. Ils le seraient
par les impôts de consommation et parce que, ayant plus d’aisance, ils
supporteraient les contributions personnelles, des portes et fenêtres et
foncière (cette dernière pour les maisons seulement, car les terrains la paient
toujours). Les propriétés même en tireraient avantage et pourraient supporter
une contribution plus forte ; car il est certain que partout où l’industrie
s’implante, les propriétés augmentent beaucoup de valeur, et j’ose même
affirmer que les propriétaires sont ceux qui retirent le bénéfice le plus grand
et le mieux assuré.
Je pourrais citer telle propriété dont le
développement d’industrie a porté la valeur de 450 fl. à 5,000 fl. Il n’en est
pas ainsi pour toutes ; mais il est certain, je le répète, que l’industrie
augmente toujours considérablement la valeur des propriétés.
Je connais une propriété louée à raison de 3 fl.
C’était une très mauvaise prairie. Cette propriété a été vendue 6,000 fl. des
Pays-Bas.
Je reviens à ma proposition. Je pense que dans
l’intérêt du commerce, de l’industrie, de l’agriculture, en un mot de toutes
les classes de la société, il conviendrait d’abandonner les droits sur les
routes et les canaux. Je n’entrerai pas pour le moment dans de plus longs
développements.
Je le déclare en terminant, je suis prêt à voter, soit
dix, soit quinze millions, mais il faut que ce soit sans conditions, et surtout
sans affectation de nos routes. Je ne sais pas même si cela est possible, car
nos routes sont affectées à l’emprunt Rothschild, je pense.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sera une nouvelle
hypothèque.
M. Gendebien. -
Mais à quoi bon surcharger nos routes de cette nouvelle hypothèque ? A quoi bon
cette affectation spéciale ? Je crois qu’il y a bien peu d’hommes, je ne dirai
pas seulement dans la chambre, mais dans le pays, qui contestent la nécessité
des communications. Dès lors à quoi bon les détours et pourquoi déguiser la
charge en affectant le produit des routes ? Car s’il n’est pas suffisant, il
faudra le compléter, et si on affecte à une destination spéciale le produit des
barrières, il n’entrera pas dans la caisse de l’Etat ; la réalité des choses
restera toujours la même.
Voilà ce que j’avais à dire dans la discussion
générale.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant pense que j’ai
attaqué le Hainaut ; c’est une erreur ; j’ai défendu les autres provinces
contre les attaques du Hainaut ; pouvions-nous en effet laisser avancer dans cette
enceinte que le Hainaut était victimé par les autres
provinces, qu’il contribuait seul aux améliorations et que jamais il ne
profitait des fonds généraux pour obtenir pour lui-même des améliorations ?
C’est une erreur qu’il importait de rectifier.
J’avoue volontiers que le pays en général a profité
de la canalisation de
M. Gendebien. -
Nous sommes d’accord.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je dis donc que le gouvernement a bien fait
de faire les fonds pour la canalisation de
En ce qui concerne le chemin de fer, l’honorable
préopinant a dit que c’était à titre de justice que l’on devait donner une
communication de cette nature au Hainaut. Plusieurs provinces n’ont pas obtenu
cette justice que le Hainaut a obtenue. De ce nombre sont celles du Luxembourg,
du Limbourg et de Namur.
Aucun chemin de fer n’a été décrété dans ces
provinces aux frais du trésor ; ces provinces auraient eu même le droit de
réclamer une section de chemin de fer. L’on n’a pas été aussi loin ; l’on
demande aujourd’hui un emprunt pour des routes à ouvrir dans ces provinces,
moins favorisées en fait de communications.
Je n’ai pas non plus reproché aux députés du
Hainaut l’insistance avec laquelle ils ont demande un chemin de fer pour leur
province. J’ai seulement voulu dire que le gouvernement n’admettait pas, comme
principe, qu’il dût construire des chemins de fer partout, mais que deux
sections lui avaient été imposées par la loi du 1er mai, celle d’Ostende et
celle du Hainaut. Le seul principe que le gouvernement avait établi, c’est
qu’il devait créer, aux frais du trésor, la grande communication vers
l’Allemagne.
L’honorable membre dit
qu’il faut entretenir les routes existantes. Sur ce point je suis d’accord avec
lui. Les fonds alloués pour cet objet sont suffisants, et si cette année les
routes se sont trouvées en mauvais état, c’est par suite de circonstances
indépendantes des causes ordinaires de dégradation des routes. Une lettre de
l’ingénieur du Hainaut, à même par sa position d’apprécier le véritable état
des choses, me confirme ce fait.
L’honorable préopinant demande aussi, que, pour
développer davantage l’industrie, l’on abolisse le droit des barrières. Certes,
messieurs, s’il était possible de se priver de cette ressource, si l’on n’avait
plus besoin de construire des routes nouvelles, l’on pourrait abolir tout droit
de péage. Mais si l’on abolissait dès aujourd’hui ces droits, quelles en
seraient les conséquences ? Vous tueriez l’esprit d’association : plus une
seule route ne pourrait être construite par voie de concession.
D’autre part, vous désirez qu’on ouvre des
communications nouvelles pour compléter le système des routes existantes. Mais
ne craindriez-vous pas d’être obligés d’attendre un grand nombre d’années, si
les travaux devaient être à la charge du trésor public ? Une telle mesure, je
ne crains pas de le dire, serait impolitique ; si elle était prise en ce
moment, au lieu d’être utile à l’industrie elle ne pourrait que lui nuire.
Il a été établi en principe que le produit des
barrières doit former un fonds spécial pour l’entretien des routes et pour
l’entretien des communications. Ce principe a été franchement consacré par la
loi des barrières. La loi que nous proposons aujourd’hui n’est que
l’application de la législation existante. Le projet est en tout conforme aux
principes suivis dans la matière.
Du moment où il est reconnu que le droit de péage
doit être maintenu dans l’intérêt général, je ne vois pas d’inconvénient à
affecter ce produit conformément au projet en discussion.
M. d'Hoffschmidt.
- Il serait superflu, je pense, d’entrer dans de longs développements sur le
projet qui nous occupe ; nous sommes, paraît-il, généralement d’accord sur
l’utilité de l’emprunt ainsi que sur le point qu’il faut laisser au
gouvernement le soin de distribuer les fonds de cet emprunt ; c’est aussi ce
que je demande, quoique j’aie fait partie de la commission qui a proposé
d’établir un comité pour en faire la répartition. Cependant qu’il me soit
permis, messieurs, d’appeler l’attention du gouvernement sur la situation toute
particulière du Luxembourg, non que je veuille pour cela proposer un chiffre
spécial pour cette province.
M. le ministre de l’intérieur vient de dire qu’il
comptait beaucoup sur l’intervention des provinces et des communes pour créer
des communications nouvelles, et qu’il n’aurait en grande partie que des
subsides à accorder. Je dois prévenir M. le ministre que s’il compte sur ce
concours dans toutes les provinces, il est dans l’erreur, et peut-être
l’emprunt de six millions lui paraîtra-t-il trop faible s’il fait attention que
dans le Luxembourg, où il y a le plus de routes à construire, il sera
impossible d’obtenir des communes qu’elles contribuent à leur construction ;
leurs faibles ressources ne le leur permettent pas : plusieurs communes des
cantons les plus fertiles ont cherché à faire quelques lieues de routes les
plus indispensables en s’imposant des sacrifices, et elles n’y sont pas
parvenues.
C’est ainsi, par exemple, que dans le canton de
Virton, les communes les plus aisées de ce pays ont tenté d’ouvrir, il y a six
ans, une communications vers Arlon au moyen de fonds communaux et de
souscriptions jointes aux subsides du gouvernement et de la province ; mais
elles ont été obligées de l’abandonner, et les travaux sont restés inachevés, leurs
ressources étant épuisées ; et si le gouvernement ne vient pas à leur secours,
il est probable que ce petit bout de route ne sera jamais achevé ; les travaux
exécutés se détériorent tous les jours.
Le défaut de communications se fait si vivement
sentir dans le Luxembourg que le quart, que la moitié même de l’emprunt de six
millions, serait nécessaire à cette province seulement. Il s’y trouve des
étendues de plus de cent lieues carrées de territoire où il n’y a pas le
moindre vestige de communications ; aussi, dans ces parties du pays, des terres
immenses restent incultes, la population y est très faible et la gêne y règne
parmi tous les habitants ; cependant, le sol y est susceptible des plus grandes
améliorations, pour lesquelles il ne manque que des routes ou canaux qui, n’en
doutez pas, vivifieraient bientôt un pays trop longtemps oublié quoiqu’il
renferme beaucoup d’éléments de prospérité. Il s’y trouve, non seulement
d’immenses forêts, mais des mines, des carrières de tous genres ; mais tous ces
éléments doivent être développés.
Le gouvernement déchu était, vers la fin de son
règne, si persuadé que l’ouverture de communications pouvait seule donner au
Luxembourg l’importance dont il est susceptible et qu’il mérite, qu’il avait
arrêté l’exécution, non seulement de plusieurs grandes routes se rattachant
entre elles, mais encore du canal de Meuse et Moselle ; mais depuis la
révolution ces communications sont restées sans exécution.
La grande part que l’on nous accordera, nous
l’espérons dans l’emprunt, ne sera après tout qu’un dédommagement que nous
avons bien le droit de réclamer : nous n’avons, comme dit M. le ministre de
l’intérieur, ni chemins de fer, ni canaux, ni même, pour ainsi dire de routes ;
et cependant l’on a voté ici des sommes de 40 à 50 millions pour ces sortes de
communications, et il est vraiment étonnant que dans un pays riche composé de
neuf provinces seulement, il y en ait une qui soit pour ainsi dire complètement
privée de semblables avantages, ce qui offre un contraste aussi choquant que
frappant. Heureusement l’honorable M. Pirmez, représentant d’une province
sillonnée en tous sens de canaux, de chemins de fer et de routes, est le seul
membre de cette enceinte qui ait combattu le projet destiné à rétablir une
espèce d’équilibre.
M. Pirmez considère les
routes comme étant d’un intérêt purement local, et ajoute que le Hainaut a
construit à ses frais une grande partie de ses routes, d’où il conclut que l’on
doit en agir ainsi dans toutes les parties de
J’ajouterai, messieurs, que l’intérêt général
réclame que l’Etat se charge de ces communications dans le Luxembourg surtout,
car c’est le seul moyen de rendre des centaines de milliers d’hectares de
terres productives, non seulement pour de pauvres habitants, mais encore pour
le trésor public qui gagnera beaucoup à la plus-value de ces terres jusqu’à
présent sans rapport.
Je ferai une autre
observation afin de prouver qu’il est juste, sous d’autres rapports encore,
d’accorder des dédommagements au Luxembourg. Tout le monde sait que le budget
de la guerre est une espèce de lèpre financière pour
M. Gendebien. -
Je demande la permission de répondre un mot à M. le ministre de l'intérieur. Il
paraît persister à croire que la province du Hainaut a obtenu un privilège en
ce qu’elle aura un embranchement au chemin de fer, tandis que d’autres
provinces, entre autres le Luxembourg et le Limbourg, n’en auront pas. M. le
ministre voudra bien se rappeler que cet embranchement ne nous a été accordé
que parce que la chambre a reconnu la justesse de nos réclamations. La chambre
a vu qu’elles étaient fondées sur ce que, diminuant de 75 p. c. les frais de
transport des houilles de Liége, on ne pouvait pas déshériter les bassins houillers
de Mons et de Charleroy des mêmes avantages. Voilà pourquoi on a reconnu la
nécessité et la justice d’accorder un embranchement à la province du Hainaut.
Ce n’est pas un privilège, mais la réparation du tort que la province du
Hainaut aurait éprouvé si les houilles de Liége avaient pu arriver sur le marche d’Anvers avec un avantage de 75 p. c. sur les
frais de transport.
Voilà tout ce que j’avais à dire.
M. Eloy de
Burdinne. - On a argumenté de ce que la province du Luxembourg ne
devait être traversée par aucun chemin de fer. Je suis loin de combattre le
besoin de routes qui manquent à cette province ; mais j’engagerai le
gouvernement à faire une autre attention. C’est la suivante : avoir égard aux
sacrifices que diverses provinces ont faits pour des constructions étrangères à
leur province.
Un honorable membre a dit qu’il était dû au
gouvernement hollandais l’idée d’association pour les constructions de routes.
Cette idée vient du gouvernement de l’empire
français.
Vous pouvez vous rappeler que sous ce gouvernement,
quand on faisait construire des canaux et des routes dans un département, les
autres départements devaient contribuer. C’est ainsi que la province de Liège a
contribué pour la construction du canal de Mons à Condé. Cette même province a
encore contribué pour la somme d’un million à la construction du canal d’Anvers
au Rhin qui n’a pas été achevé. C’est ainsi que la province de Liége a
contribué pour une somme considérable, pour 425 mille florins, ce qui est bien
près d’un million, pour la construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc.
Cette province n’a rien reçu en compensation des dépenses qu’elle faisait pour
les autres provinces.
J’appellerai là-dessus l’attention du gouvernement
; car il est certain que si une province a contribué pour améliorer dans
d’autres localités, aujourd’hui qu’elle a des besoins, elle a des droits à ce
qu’on vienne construire chez elle. Elle a d’autant plus des droits que les
localités rapporteront beaucoup, si on leur donne des communications qui
aboutissent au chemin de fer.
Un honorable membre a dit qu’en construisant des
routes dans une localité, les avantages en étaient exclusivement à cette
localité ; que les propriétés y augmentaient de valeur. Il n’a pas fait
attention que l’Etat profitait de cette augmentation de valeur à raison de 10
p. c. de contribution, et qu’indépendamment de cela l’Etat percevait encore un
péage.
Ensuite, si on construit de nouvelles habitations,
l’impôt personnel est augmenté ; on consomme aussi plus de denrées sujettes à
l’accise. Ainsi le plus grand avantage est pour l’Etat.
Sur le rapport de l’objection qu’on a faite qu’on
devrait laisser à chaque province l’excédant du produit des barrières, comme on
a dit qu’on présenterait un projet de loi, je m’abstiendrai de faire d’autres
observations pour le moment.
M. le président. -
Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, je la déclare
fermée. Nous allons passer à la discussion des articles. (A demain ! à demain !)
- La séance est levée à 4 heures et demie.