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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 16 mars 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à une demande d’exonération
de droits d’entrée pour les habitants de la frontière (de
Behr) et mise à l’ordre du jour des rapports de pétitions (Van Hoobrouck)
2)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre (budget des finances, canal de
Zelzaete et emprunt pour routes nouvelles) (d’Huart, d’Hoffschmidt, d’Huart, Gendebien, F. de Mérode, d’Hoffschmidt, Rogier, Dumortier, Gendebien)
3) Projet
de loi portant un transfert de crédit au budget du département de la guerre
4) Projet
de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1836.
Discussion des articles.
a) Haras
(Vandenhove, Desmanet de Biesme,
Desmet, Desmanet de Biesme, Gendebien, d’Hoffschmidt, Desmanet de Biesme, F. de Mérode,
de Theux, Gendebien)
b)
Encouragement aux écrivains, acquisitions d’œuvres d’art et/ou école de gravure
(Dechamps, H. Vilain XIIII, Milcamps, Dumortier, de Theux, Liedts, Gendebien, Kervyn, Dechamps, Rogier, de Theux, Dumortier, Gendebien, Rogier, de Theux)
(Moniteur belge
n°77, du 17 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à une heure.
M. le président
procède au tirage au sort pour le renouvellement des sections.
M. Dechamps donne
lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs propriétaires belges de biens
ruraux, situés sur l’extrême frontière de
_______________
« Des brasseurs et distillateurs de Bruxelles
se plaignent de l’élévation du droit de ville sur leurs produits. »
_______________
« Des
habitants notables de la commune d’Assenede demandent la prompte construction
du canal projeté de Zelzaete. »
_______________
- Conformément aux antécédents de la chambre, cette
dernière pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget
de l’intérieur et celle du rapport de M. de Puydt sur le canal de Zelzaete.
Les autres sont renvoyées à la commission chargée
d’en faire le rapport.
M. de Behr. -
Messieurs, parmi les pétitions dont on vient de vous présenter l’analyse, il en
est une de plusieurs propriétaires belges de biens ruraux, situés dans
- Cette demande est accueillie ; en conséquence la
commission des pétillons sera invitée à faire un prompt rapport sur la requête
dont il s’agit.
M. Van Hoobrouck (pour une motion d’ordre).
- J’avais demandé la parole pour appuyer la proposition de l’honorable M. de
Behr, car je pense comme lui que les pétitionnaires dont il vous a recommandé
la requête sont dans une position vraiment malheureuse, et que nous devons,
autant qu’il dépend de nous, y mettre un terme.
Je profite de cette occasion pour vous rappeler
qu’un grand nombre de pétitions sont arriérées ; je crois qu’il faudrait fixer
un jour pour en entendre le rapport.
Depuis longtemps, il n’a plus été fait de rapport
de pétitions, tandis qu’auparavant l’on nous en soumettait un toutes les
semaines. Je demande que la chambre fixe un jour de cette semaine pour entendre
le rapport de la commission. On pourrait mettre cet objet à l’ordre du jour de
samedi.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que la chambre doit se
prononcer dans ce moment sur la question de priorité pour la discussion de
trois projets de loi qui doivent passer avant tout autre objet : je veux parler
du budget des finances, du projet de loi concernant le canal de Zelzaete et du
projet relatif à un emprunt pour construction de routes. A mon avis, il y a
lieu maintenant de faire droit à la proposition que j’ai soumise hier à la
chambre, c’est-à-dire de décider que la discussion du budget de mon département
suivra immédiatement celle du budget de l’intérieur, et en même temps de fixer
pour vendredi ou samedi prochain une séance du soir qui serait consacrée à
l’examen des deux autres projets. Si toutefois on ne voulait pas d’une séance
du soir, voici un moyen de donner tout apaisement aux députés qui désirent que
la question du canal de Zelzaete et celle de l’emprunt de six millions soient
résolues avant les vacances de Pâques : on pourrait décider que ces deux objets
seront discutés entre les deux votes du budget des finances. De cette manière
on aurait la certitude que ce budget ne serait pas voté définitivement avant
qu’il n’ait été pris une décision sur les rapports de M. de Puydt ; et d’un
autre côté on n’entraverait pas la discussion du budget des finances, dont
l’urgence est, je crois, assez appréciée par la chambre pour qu’il soit inutile
d’insister à cet égard.
M.
d'Hoffschmidt. - Messieurs, je ne viens pas m’opposer à la motion de M.
le ministre des finances, puisqu’il dit que, dans le cas où l’on ne fixerait
point une séance du soir, on pourrait discuter les projets relatifs au canal de
Zelzaete et à l’emprunt pour construction de routes, entre les deux votes du
budget de son département.
Je demande seulement qu’on veuille essayer de
convoquer les membres de la chambre pour une séance du soir, pendant la
discussion du budget des finances : si nous sommes en nombre, nous pourrons
voter au moins un des projets dont il s’agit, et ce sera toujours un grand
avantage ; si nous n’étions pas en nombre, nous pourrions encore nous occuper
de ces projets entre les deux votes du budget ; mais je pense bien que si on
fixe une séance du soir pour un objet aussi important que celui dont il est
question, tous les députés seront à leur poste. Ce serait au grand détriment du
pays que nous nous séparerions avant d’avoir voté sur le rapport de M. de Puydt
: il faut absolument que la chambre s’en occupe avant les vacances de Pâques.
- La proposition de M. Van Hoobrouck, de fixer à
samedi prochain le rapport des pétitions, est mise aux voix ; elle n’est pas
adoptée.
La chambre décide ensuite que la discussion du
budget des finances aura lieu immédiatement après celle du budget de
l’intérieur.
M.
le président. - Il y a encore la proposition relative à la fixation
d’une séance du soir pour la discussion sur le rapport de M. de Puydt ; les
membres qui ont fait cette demande devraient dire pour quel jour ils voudraient
cette séance extraordinaire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Si, comme je le crois, il est possible d’avoir
une séance du soir, je demanderai qu’on la fixe à vendredi, ou même à lundi si
on le préfère. Il me semble qu’il est assez indifférent que ce soit vendredi,
samedi ou lundi qu’il y ait séance du soir ; l’essentiel est qu’on en fixe une.
Si la chambre en décidait autrement, j’insisterais pour que les deux projets
dont il s’agit soient discutés entre les deux votes du budget des finances ;
mais le meilleur moyen d’obtenir tout avant les vacances, serait toujours de
décider dès maintenant qu’il y aura une séance du soir, et je ne verrais pas
d’inconvénient à ce qu’elle soit fixée à vendredi prochain. Je suis persuadé
que chacun de nous se rendrait à son poste, et que nous ne devons avoir aucune
crainte de ne pas nous trouver en nombre suffisant pour délibérer.
M.
Gendebien. - Il me semble, messieurs, que cette proposition ne peut pas
être mise aux voix, puisqu’elle a déjà été repoussée par la chambre ; tout le
monde a reconnu qu’une séance du soir serait impossible.
Je ferai remarquer que si l’on venait à midi
précis, on gagnerait tous les jours deux heures ; les séances qui sont
annoncées pour midi ne commencent qu’à deux heures ; et avant que la chambre
soit en nombre, les membres qui se rendent ici à l’heure indiquée sont déjà
fatigués d’attendre les retardataires. Que chacun de nous prenne l’engagement
d’être à son poste à midi, et nous n’aurons pas besoin de séances du soir.
Quand on a travaillé depuis sept ou huit heures du
matin jusqu’a cinq heures du soir, je crois qu’on peut alors se reposer et pour
ce qui me concerne, il me serait de toute impossibilité d’assister à une séance
du soir, et si la chambre en fixe une, je serai obligé de manquer à mon mandat
dans cette occasion ; si d’autres membres sont en état de travailler continuellement
sans jamais prendre de repos, je les en félicite, j’applaudis leur zèle ; mais
moi, je n’ai pas cette force-là.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, l’examen du projet d’emprunt de six millions
n’est pas de nature à nous fatiguer beaucoup ; cela ne peut pas donner lieu à
une de ces discussions ardues qui exigent une tension d’esprit continuelle ; il
s’agit là d’une question toute d’intérêt matériel qui est facile à résoudre ;
on peut donc fort bien s’en occuper le soir.
Si l’on veut se rendre ici à midi, je ne demande
pas mieux ; mais on aura beau le promettre, les promesses qu’on fera à cet
égard n’auront pas plus d’effet que n’en ont eu de semblables qui ont été
faites plusieurs fois dans cette enceinte.
S’il y a une séance du soir pour un objet aussi
important que celui dont il s’agit, chacun de nous voudra y assister, et nous
déciderons les questions relatives au canal de Zelzaete et à l’emprunt pour
construction de routes sans que le reste de nos travaux subisse le moindre retard.
M.
d'Hoffschmidt. - Il n’y a pas précisément urgence pour fixer une séance
du soir, mais il y a urgence pour décider avant de nous séparer les questions
relatives au canal de Zelzaete et à un emprunt pour construction de routes.
C’est maintenant la vraie saison pour commencer les
travaux, et si nous ne prenons une résolution avant les vacances de Pâques, il
y aura toute une année de perdue. Si l’on veut commencer les séances à midi et
discuter les projets dont il est question entre les deux votes du budget des
finances, je crois qu’alors on peut se passer d’une séance extraordinaire ;
mais voici ce que j’entends par discuter ces projets entre les deux votes du
budget des finances : il doit y avoir d’après le règlement un jour d’intervalle
entre les deux votes d’une loi ; mais si l’examen des projets concernant le
canal de Zelzaete et un emprunt de six millions exigeait trois ou quatre jours,
il faudrait toujours que la chambre prononçât sur ces projets avant d’en venir
au second vote du budget.
Si l’on entend procéder de cette manière, je ne
vois aucune difficulté à ce qu’il n’y ait pas séance du soir, d’autant plus que
le budget des finances n’est pas de nature à nous prendre beaucoup de temps,
puisqu’il consiste presque uniquement en traitements sur lesquels nous avons
déjà délibéré cinq fois, et que nous avons déjà rognés les années précédentes.
M.
Rogier. - Je crois que la chambre est plus à même de pouvoir fixer une
séance du soir qu’elle ne l’a été dans aucune autre circonstance : le travail
des sections est, je pense, peu important en ce moment ; nos séances ne
commencent guère qu’à deux heures, de manière qu’au lieu de travailler depuis
midi jusqu’à 5 heures, comme on a dit à tort que nous le faisons, nous ne
sommes occupés ici que depuis deux heures jusqu’à cinq.
Si nous remettons l’examen des lois d’intérêt
matériel dont il s’agit, et que je regarde comme fort urgentes, après la
discussion du budget des finances, il est fort à craindre qu’elles ne puissent
être votées avant les vacances. On dit que le budget ne demandera que deux
séances, c’est possible ; mais il est possible aussi qu’il soit fait des
propositions qui nous engagent dans de longs débats, et que le moment de nous
séparer arrive sans que nous ayons pu nous occuper des projets relatifs au
canal de Zelzaete et à l’emprunt de six millions.
Je n’ai jamais remarqué que des séances du soir
aient manqué faute de membres présents ; chaque fois qu’il en a été fixé, elles
ont eu lieu ; nous nous sommes toujours trouvés en nombre suffisant pour
délibérer.
Messieurs, si nous voulons que la session laisse
quelques traces cette année, il faut que nous nous occupions quelque peu des
lois d’intérêt matériel ; nous n’avons pas fait beaucoup pour les intérêts
matériels du pays ; cependant, ceux-là aussi ont droit à notre sollicitude.
A cet égard tous les membres de la chambre sont
d’accord. Je crois donc que nous pourrions fixer quelques séances du soir. Ce
n’est pas une règle permanente que nous voulons tous établir ; nous voulons
seulement qu’on obéisse à une nécessité. Ce que nous demandons est motivé
suffisamment par les circonstances.
Je ne crois pas que l’on puisse, sans compromettre
le sort du budget des finances, mettre entre les deux votes de ce budget les
lois dont il s’agit, car ces lois peuvent exiger six ou sept séances pour être
examinées. Le canal de Blankenbergh et un emprunt de
six millions pour les routes ne sont pas des choses d’une minime importance.
J’insiste donc pour que nous fixions des séances du soir, Je demande qu’on les
essaie vendredi.
M.
Dumortier. - S’il est vrai que les projets de loi sur le canal de Blankenbergh et sur l’emprunt de six millions pour les
routes exigent plusieurs séances pour être examinés, on ne doit pas en renvoyer
la délibération à des séances du soir. Si on les examinait en séances du soir,
il en faudrait dix ou douze.
Comment peut-on demander des réunions le soir quand
nous devons nous réunir le matin dans les sections, et à midi en séance
publique jusqu’à cinq heures ? Personne ne pourrait supporter un tel travail.
Je demande que les projets dont il s’agit soient discutés en séances du jour.
Au reste nous ne serions pas en nombre le soir : à peine sommes-nous en nombre
à une heure et demie ; en indiquant des séances du soir, nous en serions pour
notre courte honte, parce que le public apprendrait le lendemain que nous
n’avons rien fait.
Si vous faites une séance du soir, comment
voulez-vous que le Moniteur rende
compte de vos travaux ? Le sénat va s’assembler et vous, vous feriez deux
séances par jour ! Est-il possible que le Moniteur
contienne dans chacun de ses numéros le compte-rendu de trois séances ?
M. Gendebien. - Je
demande que la chambre décide que les réunions auront lien désormais, et à
commencer dès demain, à midi ; que l’appel nominal sera fait à midi et un quart
au plus tard, et que les noms des membres absents seront insérés au Moniteur. Si nous avions procédé de
cette manière depuis quelque temps, nous ne serions pas en retard.
M. le président. -
D’après le règlement, l’appel nominal doit être fait à midi et un quart ; ainsi
ce que demande M. Gendebien, est un rappel au règlement.
M. Gendebien. -
Oui ; mais avec l’insertion des noms des membres absents, au procès-verbal.
M. le président. -
Ainsi on ne mettra pas au Moniteur
les noms des membres présents, mais les noms des membres absents sans congé ? (Oui !)
- La chambre, consultée, décide par assis et levé
que les séances seront indiquées pour midi, qu’à midi et un quart on fera
l’appel nominal, et qu’on insérera au Moniteur
les noms des membres absents sans congé.
M. le président. -
Le projet de loi relatif à l’avancement des officiers a été renvoyé a la
section centrale qui a examiné le budget de la guerre, considérée comme
commission ; mais un membre de cette commission, M. Corbisier, ayant donné sa
démission, il faut le remplacer : de quelle manière le remplacera-t-on ?
Plusieurs
membres. - Que le bureau désigne le remplaçant.
- La chambre décide que le bureau nommera le
remplaçant de M. Corbisier dans la commission.
PROJET DE LOI PORTANT UN
TRANSFERT DE CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. de Puydt
dépose sur le bureau de la chambre un rapport sur un transfert au budget de la
guerre.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1836
Discussion des articles
Chapitre XI. - Industrie, commerce, agriculture
Article 6
M. le président. - Nous
en sommes à l’article 6 du chap. XI, lequel article est relatif aux haras.
M. Vandenhove. - Messieurs, l’année
passée je m’étais imposé silence dans l’espoir que le gouvernement, s’éclairant
de ce qui avait été dit dans cette enceinte et en dehors sur l’espèce de
chevaux amenés d’Angleterre, aurait usé avec plus de discernement de la somme
de 150,000 fr. votée au budget de 1835. Les achats qu’il a faits depuis n’étant
pas plus heureux que les précédents, je crois de mon devoir d’émettre mon
opinion sur la fausse route dans laquelle s’est jeté le gouvernement en
s’attachant à la quantité plutôt qu’à la qualité des étalons.
Ceci est évident pour l’amateur qui s’est donné la
peine d’étudier la construction du cheval destiné à la reproduction, et s’il
était appelé faire un choix qui ne fût influencé par aucune considération
humaine, il est permis de douter qu’il voulût conserver au-delà du tiers de
ceux qui se trouvent au dépôt de Tervueren.
En effet, messieurs, à part les tares susceptibles
de transmission et l’absence des qualités qui constituent un bon père, telles
que du dessous, du garrot, de l’ensemble et de l’élégance dans les formes, etc.
etc., la plus grande partie de ces chevaux pèchent par la taille, il semblerait
qu’on les ait choisis pour créer une race de ponys en
Belgique ; ainsi n’y aurait-il rien d’étonnant qu’à plusieurs de ces
générateurs fût réservé le sort de ceux que l’on a refusés dans la province
d’Anvers l’année passée.
C’est peut-être ce qui pourrait arriver de meilleur
pour engager l’administration supérieure à ouvrir les yeux ; car si elle
tardait à reconnaître son erreur, elle causerait un grand préjudice aux
éleveurs qui par une confiance aveugle dans les mesures prises par elle pour
l’amélioration de nos races chevalines et par la création d’une nouvelle
auraient fait saillir leurs juments par des étalons si peu propres à produire
de bons croisements, et des chevaux de luxe qui n’offriront ni taille ni
résistance.
Ceux qui s’adonneront à l’éducation des derniers,
commettront la même faute que nos anciens éleveurs, et comme eux, après avoir
perdu beaucoup d’argent, ils quitteront la partie.
Depuis que les manèges sont déserts, on ne veut que
des chevaux à deux mains et des carrossiers grands et fortement membrés ; tout
ce qui est en-dehors de ces espèces est d’une défaite difficile : c’est ce dont
nous avons été témoins aux ventes publiques qui ont eu lieu à Bruxelles depuis
quelque temps ; tout ce qui était petit et grêle a été vendu à un prix qui
était loin d’atteindre celui qu’il coûtait à l’éleveur à 4 ans, s’il l’avait
élevé comme en Angleterre, où, dès l’âge de 6 mois, on nourrit les poulains
abondamment avec de l’avoine, pour leur donner de la taille et du fond.
Aussi longtemps que le gouvernement n’est point
intervenu pour améliorer nos espèces chevalines, l’éleveur n’a pu s’en prendre
à personne qu’à lui pour ses mécomptes ; mais du moment qu’il y a intervention,
il pourra lui reprocher de ne point avoir fait un meilleur choix de
générateurs, et de n’avoir point renvoyé les juments pour défaut de taille, de
conformation et de tares : et ces reproches ne seraient pas sans fondement ; il
pouvait croire que le gouvernement était parti du point où sont parvenus nos
voisins après bien des tâtonnements, qui tous les jours encore se modifient
d’après l’expérience ?
Quand les plaintes éclateront, le mal sera déjà
grand ; plusieurs centaines de poulains déposeront des vices du système, du peu
de talent qui a présidé à l’achat des générateurs, et du tort que l’on a eu de
n’être pas plus sévère sur l’admission des routinières que l’on présentait à la
monte.
Le système du gouvernement pèche encore par la
base, en ce qu’il ne s’étend point à des chevaux de trait, et qu’il offrira aux
cultivateurs tout au plus la huitième partie des étalons qui leur sont
nécessaires pour la reproduction, selon les renseignements fournis par la
section centrale, qui disent que le nombre des étalons actuellement au dépôt
est de 48, et que ce nombre devra être successivement augmenté jusqu’à 75 au
moins pour le mettre en rapport avec les besoins du pays. Ces besoins ne
seraient pas remplis quand même on les porterait à 90, et l’on pourra tout au
plus atteindre cette quantité avec 150,000 francs par an, attendu qu’ils
absorberaient 90 mille francs pour nourriture, et frais de palefreniers, etc.,
etc., que les 60 mille francs restants suffiraient à peine pour la remonte du
dépôt.
Avec les documents que j’ai sous la main, il ne
sera pas difficile de prouver qu’en supposant que le dépôt renfermât
quatre-vingt-dix générateurs, ils ne représenteraient que la huitième partie
des besoins du pays.
Nous lisons dans le rapport de la commission
d’agriculture de
Après avoir posé en fait que les cultivateurs se
plaindront de ce que dans l’espèce ils sont lésés dans leurs droits, nous
allons tâcher de démontrer que c’est à tort que le gouvernement ne s’occupe
plus de la reproduction des chevaux de trait, objectant le dégoût des éleveurs
à cause du bas prix, du défaut de vente, et du peu d’utilité qu’auront les
chevaux par suite de l’établissement des routes à ornières en fer.
Deux de ces objections sont déjà sans valeur ;
depuis quelque temps on achète beaucoup de chevaux de trait, et les bons à des
prix assez élevés.
Quant à la troisième objection, c’est un problème
qu’il n’est donné à personne de résoudre, si, par la création des railways, la
consommation des chevaux sera en souffrance ; ce qu’elle perdra dans la
direction de ces routes, elle pourra peut-être le récupérer largement, en
voiturant vers les points qu’elle traversera un plus grand nombre de voyageurs
et de marchandises de l’intérieur du pays.
Il résulte de tout ceci que l’administration
supérieure, loin d’être fondée à délaisser l’amélioration des chevaux de trait,
devrait la reprendre au plus tôt, pour mettre les cultivateurs à même d’élever
de meilleurs chevaux dont ils se déferont toujours facilement et à des prix
avantageux. Un autre motif devrait la porter à ne point négliger cette branche importante
de l’industrie agricole, c’est le perfectionnement des juments poulinières qui
forment le noyau des races. En vain ferait-on intervenir à grands frais des
étalons de la plus grande distinction, si l’on n’avait point à leur donner des
poulinières de taille sans tares et avec de belles formes. L’Arabe est
tellement convaincu de l’influence de la cavale sur ses reproductions, qu’il ne
veut vendre sa jument à aucun prix.
Nos voisins ont compris toute l’importance du
principe des Arabes ; dans plusieurs départements on a nommé des inspecteurs
d’arrondissement, dont les fonctions sont gratuites ; les petites dépenses de
voyage et les frais qui en sont inséparables sont remboursés par la
satisfaction d’être utile à son pays. C’est ainsi que s’exprime l’un des
inspecteurs d’arrondissement des étalons du département des Ardennes, qui a
signé plusieurs articles dans le Journal
des haras, articles attestant des connaissances hippiques de cet amateur
zélé ; il ajoute que la mission de ces inspecteurs est de se rendre accompagnés
d’un vétérinaire, de village en village, de porte en porte, pour désigner aux
éleveurs les juments qui conviennent à tel ou tel étalon ; en même temps une
carte de saillie, contenant le signalement de la poulinière, est délivrée au
propriétaire ; celle-ci ne peut obtenir de saut que sur la remise qu’il en fait
au détenteur de l’étalon.
Ces étalons anglo-normands, de demi-sang, d’une
origine bien constatée, ont été accueillis froidement par les éleveurs ; mais
quand ils en ont reconnu les qualités, ils les ont recherchés au point qu’ils
sont venus ajouter six, sept et huit cents francs au prix du département ;
c’est avec ce supplément que l’on a ramené depuis deux ans des pères de 2,000 à
2,400 fr., et quand on sait bien acheter, comme l’ont fait MM. les commissaires
pris dans le sein du conseil général, on peut déjà dans ce pays avoir du bon
pour ce prix. Cette année il ne doit arriver que dix étalons plus distingués
encore que les précédents, et des sommes doivent être successivement votées
pour de pareilles acquisitions.
Les résultats obtenus jusqu’ici ont dépassé nos
espérances ; je viens de voir des poulains de deux ans, qui, s’ils ne se
démentent pas, vaudront bien de mille à onze cents francs à quatre ans.
Vous voudrez bien observer, messieurs, que ces
entiers sont donnés aux cultivateurs à certaines conditions pour le terme de
six ans ; qu’alors ils en sont propriétaires, si on ne les remplaçait pas par
un autre.
Ces détails prouvent qu’en France, indépendamment
de la sollicitude du gouvernement pour la régénération des races chevalines,
les départements ont cru devoir intervenir, les 1,200 à 1,300 générateurs qui
peuplent les haras et dépôts, faisant à peine le huitième de ceux
indispensables pour le service des juments.
Dans des notes que j’ai eu l’honneur de remettre au
Roi, en novembre 1834, j’établissais la possibilité de parvenir au même but que
nos voisins avec la seule action du pouvoir dans l’achat et la distribution des
étalons, réservant le sacrifice à faire par les provinces pour donner un plus
grand développement à la chose en ouvrant des courses au trot dans tous les
chefs-lieux de canton pour les chevaux de trait seulement. Les vainqueurs de
ces luttes se rendraient aux courses des chefs-lieux d’arrondissement qui
enverraient les plus célèbres de ces coursiers sur l’hippodrome de
Mont-Plaisir.
Parmi les divers moyens de pourvoir les
cultivateurs de meilleurs élément de la reproduction que ceux qu’ils possèdent
aujourd’hui, il en est deux auxquels j’accordais la préférence : l’on est
d’acheter dans le pays de beaux poulains de trait de deux ans, dont on
prendrait livraison en avril et mai, pour mettre en pâture pendant la bonne
saison, et les offrir en vente publique au retour des herbages, avec un terme
de crédit de six mois, en faisant une remise à l’acquéreur de la moitié du prix
de vente comme prime d’encouragement, à la condition de garder l’étalon pendant
trois ou quatre ans, et de faire saillir au moins vingt juments par année ou
quatre-vingts au plus : ainsi cesserait la sortie de nos meilleurs entiers à
l’âge de deux ans, ainsi on parviendrait à remédier en partie à l’abus de faire
saillir les jeunes étalons avant trois ou quatre ans.
Ce mode a été indiqué par M. Lyon, ancien directeur
de l’école d’équitation de Bruxelles, dans des notes assez curieuses qu’il a
présentées à Sa Majesté ; il prétend que l’on trouverait facilement trente
étalons de deux ans, dont la dépense pour achat et nourriture dans les
pâturages de
Le second moyen consisterait à faire acheter dans
En usant simultanément de ces deux procédés et
faisant venir annuellement d’Angleterre deux ou trois chevaux de pur sang avec
une somme de 150,000 francs,en 10 ou 15 ans, le pays se trouverait doté de 6 à
700 étalons dont une quarantaine de pur sang. Là ne se borneraient pas les
heureux effets de ce système, il s’étendrait sur les productions que ne
dédaignerait ni le luxe ni la cavalerie.
Disons maintenant comment on pourrait faire valoir
ces 150,000 francs avec des chances de succès.
Supposons d’abord que l’on conserve quinze étalons
de ceux qui sont au dépôt de Tervueren ; il en
coûtera, pour leur nourriture, palefreniers, etc., fr. 15,000
On achètera 30 chevaux indigènes, de 2 ans, qui, d’après
ce qui est dit plus haut, coûteront fr. 24,000
Vingt chevaux anglo-normands, à 3,000 l’un, fr.
60,000
Trois chevaux anglais de pur sang, fr. 48,000
Nourriture de ceux-ci, fr. 3,000.
Total, fr. 150,000.
La seconde année et les
suivantes, la somme de 150,000 fr. étant enflée de 42,000 fr. au moins, moitié
du prix de vente des chevaux indigènes et anglo-normands, on pourrait acheter
un plus grand nombre de générateurs, et sauf événements extraordinaires, 10 à
12 opérations de l’espèce suffiraient pour donner aux éleveurs la quantité
d’entiers nécessaires à leurs besoins.
Dans le système suivi par
le gouvernement, et ne lui accordant que 150,000 fr. par exercice, il faudra
encore 2 ans avant qu’il ait 90 étalons dans son dépôt, qui loin de pouvoir
s’accroître, devra subir une diminution, à moins qu’il ne veuille le peupler de
chevaux anglo-normands et du pays, ce que je ne pourrais admettre dans aucun
cas, mais auxquels il faudra toujours finir par recourir pour la masse des
éleveurs, car jamais on ne parviendra à leur faire goûter, pas plus qu’en
France, des étalons sans taille ni membres ; le Journal des haras nous en fournit une nouvelle preuve pour ce
dernier pays, dans son cahier du mois de février dernier ; voici ce qu’il dit :
M. Henry d’Ottot, propriétaire de gros étalons, a la
vogue, et bien qu’il fasse payer 30 et 40 francs, il attire les juments des
propriétaires au détriment des étalons royaux.
Ottot est à une
demi-lieue de Beuvron, où je crois qu’il a un haras ou dépôt.
En terminant, je prierai M. le ministre de vouloir
revoir l’affaire des haras, qui est beaucoup plus importante que l’on ne pense.
Il y va du succès de l’amélioration de nos races de chevaux, qui déjà est
compromis par les éléments de reproduction que recèle le dépôt, et par l’abandon
des saillies à la sagacité et à la probité des palefreniers. On peut
l’envisager comme nul si l’on n’opère point de grandes modifications, et si
cette année la somme destinée à acheter des étalons n’est point dépensée avec
plus d’intelligence ; car je suis convaincu que le défaut d’entente est la
seule cause de l’état actuel des choses, que je désirerais voir cesser au plus
tôt pour ne point me trouver dans la triste nécessité de devoir refuser les
allocations pour les haras que l’on demandera à la chambre après celle de 1836.
M. Desmanet de Biesme. - Vous aurez
remarqué que le mémoire dont l’honorable M. Vandenhove vient de donner lecture
contient certainement des vues extrêmement utiles ; mais il voudrait qu’à l’exemple
de ce qui se fait en France, la province contribuât pour une certaine partie de
la dépense ; car il a cité le département des Ardennes, qui est dans ce cas. Je
crois que ce serait assez à désirer, parce que, comme il en a très bien fait
l’observation, les haras portés à 90 chevaux ne représentent que le huitième
des chevaux sur lesquels il faudrait opérer dans
Je suis d’accord avec l’honorable préopinant sur ce
point, que l’on ne doit pas faire venir de mauvais chevaux, mais seulement des
chevaux de premier choix, Vous savez que dans le commencement il n’y avait que
six chevaux ; on a voulu tout de suite en donner à toutes les provinces ; il y
en a eu dont le choix était satisfaisant, mais je crois aussi qu’il y en avait
qu’il aurait mieux valu ne pas prendre.
En définitive, je crois que les observations de
l’honorable préopinant doivent être prises en considération par le
gouvernement.
M. Vandenhove. - Je n’ai pas demandé
l’intervention de la province ; car j’ai dit que dans le rapport que j’ai eu
l’honneur de présenter à S. M. en 1834, j’ai proposé d’améliorer les races
chevalines, au moyen de la seule action du pouvoir.
M. Desmet. -
Messieurs, si j’ai bien compris le discours de l’honorable M. Vandenhove il m’a
semblé qu’il a demandé le retour des anciens règlements pour la saisie des
chevaux, et sur ce point je l’appuie de tout mon pouvoir ; l’exécution de ces
règlements a toujours été un des meilleurs moyens qu’on ait employés chez nous
pour l’amélioration de nos races de chevaux ; nous avons dans nos provinces de
Flandre d’excellents règlements sur cet objet ; et je crois que si notre
constitution ne s’oppose pas à cette police, le gouvernement les consulterait
très utilement.
Messieurs, comme nous sommes sur la matière de
l’amélioration de nos races de chevaux qui est de la plus grande importance pour
la prospérité de notre agriculture, je me permettrai d’entrer dans quelques
détails sur le dépôt d’étalons de chevaux d’étrangers qui existait en la ville
d’Alost dans l’année 1770.
Le peu de temps que le
dépôt a existé, il a produit d’excellents élèves, et même aujourd’hui la
descendance de ces élèves se distingue encore.
Ce dépôt était principalement composé de chevaux
anglais, napolitains, turcs, esclavons mecklembourgeois, et on a remarqué que
c’était surtout le cheval napolitain qui, croisé avec des juments du pays, a
produit les meilleurs chevaux de carrosse. Mais je dois observer que les
directeurs du dépôt d’étalons d’Alost mettaient tout leur soin à faire acheter
les meilleurs individus, et pour ces achats on n’épargnait aucune somme.
Un autre moyen que le collège administratif du pays
d’Alost a encore employé avec beaucoup de succès pour améliorer la race des
chevaux, fut la distribution de prix à ceux des éleveurs qui avaient conduit au
concours les plus beaux élèves, et aussi à ceux qui avaient pour élèves les
plus belles juments ; mais ces prix ne consistaient pas dans des médailles
dorées sur argent et de la valeur de quelques francs ; c’étaient des prix de 5
à 600 fr. chacun, car il faut en donner qui puissent plus ou moins compenser
les frais que les éleveurs ont dû faire pour obtenir un bon élève. Si
l’empereur Joseph II n’avait pas brusquement et sans aucune bonne raison fait
supprimer le dépôt d’étalons d’Alost, je suis certain que déjà
M. Desmanet de Biesme. - Je partage
aussi l’opinion de l’honorable préopinant, qu’il serait à désirer que les
anciens règlements fussent remis en vigueur ; mais je ne pense pas que la
constitution le permette.
Autrefois, l’administration pouvait empêcher les
étalons qui n’avaient pas les qualités désirables de faire les saillies, et
pouvait même les faire châtrer. Actuellement cela n’est pas possible, alors que
tout est livré à la concurrence, à celui qui fait le mieux.
Il est donc impossible de remettre en vigueur les
anciens règlements du temps du gouvernement hollandais ; on l’a essayé dans la
province de Namur ; même alors il y eut une grande opposition de la part des
états provinciaux, et jamais l’on n’a pu parvenir à ce but.
M.
Gendebien. - Si je n’entre pas dans la discussion, c’est pour éviter de
faire perdre du temps à la chambre. Je persiste dans l’opinion que j’ai émise
l’année dernière sur le chapitre des haras, et je m’y réfère. On m’avait promis
de prendre en considération les observations que j’avais présentées, on n’en a
rien fait. Je ne parlerai pas, car on me promettrait encore, et l’on ne ferait
rien. Je ne veux pas renouveler ce sujet de plainte. Au reste, je persiste à
croire que l’amélioration des races est impossible, aussi longtemps qu’on
restera dans le cercle vicieux où l’on est maintenant.
Je ne comprends pas ce système d’acheter
exclusivement de prétendus chevaux de pur sang, qui sont le plus souvent de
fort vilains animaux. (On rit.) Il
faut commencer par avoir de bonnes juments pour améliorer les races du pays. Il
s’agit bien vraiment de perpétuer les nobles races de chevaux de pur sang ! Un
beau et bon cheval est pour moi un cheval sans défauts. Peu m’importe si, par
son extrait baptistaire, il est établi qu’il descend en ligne directe d’un
cheval fameux il y a 40 ou 50 ans. Pour les chevaux comme pour les hommes, je
ne tiens pas du tout à la généalogie ; je ne tiens qu’au mérite personnel. (Rires d’adhésion.)
Je vois que l’on continue à faire venir, à grands
frais, des chevaux de l’étranger. Mais ce n’est pas cela qu’il convient de
faire. Il faut, je le répète, commencer par améliorer les matrices, par
améliorer les juments indigènes, en les croisant avec des étalons moins nobles,
mais mieux assortis à leur espèce. Si vous n’employez pas ce moyen, vous ne
ferez que reculer l’époque des sacrifices ; ce sera vainement que vous ferez
des sacrifices, parce que vous découragerez les éleveurs et que vous
perpétuerez le préjugé qu’on ne peut rien faire par l’intervention du
gouvernement pour l’amélioration des races chevalines.
Cependant si le gouvernement usait avec
discernement des fonds qui lui sont accordés, il pourrait obtenir cette
amélioration.
Je n’en dirai pas davantage, parce que je ne veux pas
abuser des moments de la chambre. Je demande qu’on prenne mes observations de
l’année dernière en considération.
M. d'Hoffschmidt.
- L’article en discussion mérite toute l’attention de la chambre. Il est
certain que
Mais à cet égard je ne partage pas tout à fait l’opinion
de l’honorable M. Vandenhove. J’aurais voulu qu’au lieu d’une administration
très coûteuse qui absorbe une grande partie des sommes allouées chaque année,
des subsides fussent accordés aux provinces, qui de leur côté consacreraient à
leur budget une allocation pour le même objet. L’administration provinciale
s’entendrait avec la commission d’agriculture, qui achèterait la race de
chevaux étrangers qu’elle reconnaîtrait nécessaire pour l’amélioration des
chevaux de la province.
De cette manière, vous auriez dans une province 15,
20 à 40 étalons, au lieu que par le moyen actuellement employé, vous n’avez
dans chacune d’elles que deux stations de deux étalons, ce qui est
insignifiant.
Ce moyen est trop long, trop dispendieux. Les
sommes que nous allouons chaque année pourraient être employées d’une manière
plus utile pour l’amélioration de la race chevaline, si nous en distribuions
une partie aux provinces.
La députation des états de la province du
Luxembourg a adressé l’année dernière une demande à M. le ministre de
l’intérieur pour que sur les sommes allouées au budget il lui fût accordé un
subside de 10 à 20,000 fr. La province offrait d’en donner autant.
L’on aurait, avec ces sommes réunies, acheté des
chevaux qui auraient été distribués dans chaque canton et qui auraient été mis
à la charge des particuliers, A charge par eux de faire saillir un certain
nombre de juments. Le gouvernement a refusé cette somme parce qu’il veut
appliquer l’allocation tout entière à l’organisation du haras. Si une pareille
somme avait été accordée annuellement sur l’allocation aux provinces, vous
aurez vu l’amélioration de la race chevaline aller plus vite que maintenant.
Les frais d’administration du haras absorbent une
plus grande somme.
Il y a des personnes qui ont fait l’observation
qu’il faut de l’harmonie dans un système ; mais ce n’est pas à propos de
l’amélioration de la race chevaline que l’harmonie est désirable. Il y a dans
chacune de nos provinces une race particulière de chevaux appropriée au sol, de
sorte que les étalons qui conviennent dans une province ne conviennent pas dans
l’autre.
Si l’on n’achetait que des
chevaux de pur sang, l’on satisferait les fashionables, mais les agriculteurs
n’en veulent pas. Dans ma province où l’on a l’expérience d’un haras, l’on a
déclaré à la commission d’agriculture que l’on ne voulait pas de chevaux de pur
sang, que l’on désirait des chevaux fortement constitués pour obtenir des
chevaux de carrosse, de cavalerie et de labourage. Les chevaux fins ne peuvent
convenir que pour le Brabant, pour les environs de Bruxelles où l’on vend
beaucoup de chevaux de luxe.
Je dois cependant dire que, parmi les achats que
fait le gouvernement pour le haras, se trouvent des chevaux de trait bien
choisis. J’approuve, sous ce rapport, les achats qui ont été faits.
Je me résume en manifestant, le désir que, sur la
somme de 150 mille francs, il soit accordé des subsides aux provinces qui en
demanderaient, à la condition de ne pas profiter des bienfaits du haras.
Ce serait le moyen de contenter toutes les
provinces. Il y en a peut-être qui préfèrent les stations établies par le
gouvernement. Quant au Luxembourg, il serait préférable qu’il lui fût accordé
une part de l’allocation au moyen de laquelle il pût acheter un nombre
d’étalons assez considérable, afin que tous les districts de cette province
fort étendue pussent en profiter, ce qui ne pourra pas avoir lieu au moyen du
haras.
M. Desmanet de
Biesme. - Messieurs, lorsqu’il a été question de l’établissement des
haras, il y a eu une grande diversité d’opinions dans la chambre. Beaucoup de
membres pensaient qu’il ne fallait pas de haras, qu’il fallait laisser cela à
l’industrie particulière. Cependant l’établissement d’un haras a été résolu. M.
le ministre de l’intérieur n’a pas dissimulé qu’un subside assez considérable
serait demandé pendant plusieurs années, parce qu’il était impossible de se
procurer tout le matériel dans le cours d’une seule année.
Si l’on ne voulait pas de haras, il fallait décider
cette question la première année. Mais maintenant il ne faut pas que toutes les
dépenses que l’on a faites pour cet établissement l’aient été en pure perte.
Je ne puis être d’accord avec l’honorable M.
Gendebien pour l’amélioration de la race des chevaux. L’honorable membre dit :
Commencez par avoir de bonnes juments. Mais ce n’est pas extrêmement facile. Il
y a déjà en Belgique d’excellents chevaux de trait. Ils n’attendent que de bons
croisements pour obtenir de grands produits.
Je dois le dire, le gouvernement s’est constamment
rendu aux propositions de la commission ; s’il y a du blâme, nous sommes prêts
à en assumer la responsabilité. Je le ferai bien franchement, en faisant
connaître les motifs qui ont dirigé la commission. Nous n’avons pas cru que
On a reconnu que le cheval pur-sang, qui est
l’animal dont les qualités primitives n’ont pas dégénérées, était celui qui
convenait le mieux pour les croisements. Ce n’est pas seulement à cause de la
beauté des formes, c’est que l’on a reconnu que ces chevaux ont plus de vigueur
que les autres ; ce n’est pas que l’on veuille n’élever en Belgique que des
chevaux de courses. Mais pourquoi ont-ils des qualités particulières pour la
course ? C’est à leur vigueur qu’ils les doivent.
Vous savez quels ont été les heureux effets de ce
système de croisements eu Angleterre. La bonne race que l’on y a dressée
n’existait pas, c’est par les croisements avec les chevaux arabes qu’on les a
obtenus.
L’honorable M. d’Hoffschmidt a dit que le haras de Walferdange n’avait pas produit de bons résultats. Cela
tient-il à ce que l’on n’avait que des chevaux pur sang ? Non, sans doute,
c’est qu’il se trouve parmi les étalons des chevaux russes, et un fait que je
n’expliquerai pas, mais qui est positif, c’est que les chevaux du Nord
transportés plus au Midi, y dégénèrent. On a obtenu dans le Luxembourg, de bons
résultats pour les chevaux pur sang.
Du reste, ce n’est pas en deux ans ou trois ans
qu’on peut s’apercevoir des bons effets d’un croisement. Le premier croisement
n’améliore qu’imperceptiblement la race. Ce n’est que par des croisements successifs
que cette amélioration devient sensible.
Quant aux chevaux de trait, nous avons vu en
Belgique que l’espèce était bonne. Tout tend à diminuer le commerce de chevaux
de trait que nous faisons encore avec l’étranger. On le conçoit. L’extension
des nouveaux moyens de transport en est la cause. Nous avons donc dû porter
notre attention sur l’avantage qu’il y aurait pour notre pays, s’il pouvait
fournir de bons chevaux à la cavalerie.
Nous voulons que d’ici à quelques années, les
Ardennes puissent fournir les chevaux nécessaires au moins pour un régiment de
cavalerie légère. Cette espèce de chevaux nous manque absolument. Quant aux
chevaux d’artillerie, nous en trouverons toujours.
Quant aux chevaux de gros trait, il suffit de
conserver l’espèce que nous avons dans le pays.
Nous avons cru devoir
donner la préférence pour l’amélioration des races aux chevaux de pur sang.
Vous savez qu’en fait de chevaux les opinions varient à l’infini. Les rapports
qui nous sont venus des différentes provinces présentaient chacun un plan
différent. Nous avons pensé qu’il fallait faire ce que l’on fait dans les
autres pays.
Nous avons à la vérité acheté des chevaux
demi-sang. Mais ça a été pour éviter la dépense, tout en regrettant de ne
pouvoir n’avoir que des chevaux pur sang.
Du resté, si nous nous trompons, je dois déclarer
que nous partageons cette erreur commune à tous les gouvernements en Europe.
Quant à la demande d’une allocation pour la
province de Luxembourg, en particulier, faite par l’honorable M. d’Hoffschmidt,
je dois rappeler que ce mode de distribution des fonds proposé dans le temps,
n’a pas été adopté. Il n’est pas probable qu’il le soit maintenant.
Je ne vois pas l’usage que l’on pourrait faire de
tous les chevaux que l’on achèterait dans chaque province. L’on a peut-être
déjà acheté trop pour le haras du gouvernement. Dans un transport considérable
de chevaux on peut se tromper. Ainsi, toute l’attention du gouvernement doit se
porter sur l’acquisition de chevaux de pur sang et de demi-sang de première
qualité, qu’il faut qu’il se procure en Angleterre exclusivement.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, on parle toujours de chevaux de cavalerie,
et il est impossible qu’on élève des chevaux de cavalerie en Belgique.
Il est une autre espèce de chevaux dont on pourrait
favoriser l’éducation dans ce pays, je veux parler des chevaux de voiture.
Il en existe en Belgique et particulièrement à
Bruxelles. Ces chevaux sont bons pour le labour, et plus favorables aux
cultivateurs que les chevaux de selle.
Si l’on parvenait à engager les cultivateurs à
élever cette espèce de chevaux, il me semble que ce serait pour eux une
ressource ; et d’un autre côté il ne sortirait pas du pays des sommes assez
considérables pour l’achat des chevaux destinées au labourage.
On pourrait offrir aux cultivateurs quelques
facilités à cet égard, en diminuant un peu le droit sur les chevaux de voiture
qui seraient élevés dans le pays.
Aujourd’hui ce droit est de 120 fr. pour la paire
de chevaux, ou pourrait le réduire à 80 fr. On devrait augmenter en même temps
le droit sur les chevaux étrangers, et le porter à 160 fr.
Il y a déjà à Bruxelles trois ou quatre paires de
chevaux de l’espèce qui servent aux voitures, et ces chevaux, je le répète,
sont plus propres au travail que les chevaux de selle.
Les facilités qui seraient accordées à cet égard
n’entraîneraient aucun inconvénient pour le trésor public, et procureraient de
grands avantages pour nos cultivateurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, l’on sait qu’il y a peu de matières sur lesquelles il y ait plus
de divergence d’opinion que celle de l’amélioration des haras.
Aussi, quand il a été décidé que des fonds seraient
alloués pour l’établissement d’un haras, le gouvernement s’est-il empressé de
recueillir dans les divers pays les renseignements les plus circonstanciés sur
les différents procédés suivis pour l’amélioration des chevaux, et sur les
résultats qu’on avait obtenus.
Tous ces documents ont été communiqués à la
commission des haras ; et cette commission a discuté les bases qui lui
paraissaient devoir être suivies, pour obtenir de bons résultats en Belgique.
Elle a fait des propositions au gouvernement sur
les qualités qu’elle croyait qu’on devait principalement chercher dans les
étalons.
Messieurs, le gouvernement a accueilli ces
propositions avec plaisir, parce qu’elles lui ont paru être conformes à ce que
la pratique dans d’autres pays avait reconnu être le plus avantageux.
Ensuite, nous avons eu à choisir des amateurs qui
eussent assez de connaissances en matière de chevaux, pour faire de bons choix
; et sous ce rapport, je crois que les choix du gouvernement ne peuvent pas
être critiqués.
Comme l’a dit l’honorable M. Desmanet de Biesme,
quelque connaissance qu’on ait en cette matière, quelque zèle qu’on y apporte,
il arrive que l’on soit trompé dans ses choix.
Il s’agissait ensuite, messieurs, de prendre les mesures
les plus propres à tenir les chevaux en bon état et à les répartir
convenablement entre les provinces. C’est après avoir pris à cet égard tous les
renseignements désirables que le gouvernement a adopté les mesures qu’on a
exécutées jusqu’ici.
Je crois qu’il était impossible de faire autre
chose que ce qui s’est fait.
M. Gendebien. -
Je ne demande pas qu’on change le système actuellement adopté. Je conçois la
nécessité de continuer pendant quelque temps le mode suivi aujourd’hui,
c’est-à-dire, le système des haras permanents. Mais je prétends qu’on pourrait
changer le régime de ces haras.
Si l’on se bornait à acheter trois étalons de pur
sang, de la plus belle espèce, de première race, ces étalons pourraient
procurer 240 saillies ; et l’on satisferait par là au désir qu’on a d’avoir des
chevaux élégants.
Si maintenant vous appliquiez les 150,000 fr. à
acheter cent ou cent vingt étalons, dont les qualités se rapprochent plus de
nos chevaux indigènes, vous auriez en 2 ans ou moins 200 étalons ; ce qui
procurerait 22 à 24 étalons par province, et améliorerait progressivement la
race actuelle.
Vous avez des chevaux de pure race ; le premier
produit de ces chevaux est tout à fait désordonné. Les uns ont le devant fort
et le derrière faible ; d’autres réciproquement ont le devant faible et le
derrière fort.
Vous avez ainsi une espèce bâtarde, une véritable
anomalie, tandis que si vous achetiez de très bons étalons, d’une race
meilleure dans l’espèce, vous obtiendriez des progrès successifs. Au lieu
d’être découragés, par un premier essai infructueux, les éleveurs n’hésiteront
pas à en faire un second.
En général, les éleveurs sont des hommes peu
éclairés qui jugent d’après un premier essai, et qui se découragent lorsqu’ils
ne réussissent pas ; et vous faites précisément ce qu’il faut pour les
décourager.
Si vous preniez les chevaux plus forts, plus
élégants dans l’espèce, il y aurait progrès, et au bout de dix ans vous auriez
des chevaux susceptibles, par le croisement, de produire une race de la plus
grande perfection.
Il faut commencer par faire disparaître le préjugé
qui existe aujourd’hui. Ce préjugé ne date pas d’hier, mais il existe depuis 40
ans, depuis les essais malencontreux faits sous l’empire ; et les différents
essais, tentés sous le roi Guillaume, n’ont fait que confirmer les premiers.
Faites d’abord de bonnes matrices, et si vous
agissez autrement, vous tournez dans un cercle vicieux.
On a dit qu’il n’était pas facile de créer de
belles juments ; ce qui me tranquillise, c’est que le même orateur a déclaré
qu’il y en avait déjà beaucoup et de très belles dans le pays !
La difficulté de réussir peut donc être surmontée
dans mon système, tandis que dans le système adopté, la chose me paraît sinon
impossible, au moins beaucoup plus difficile.
Je ne prétends pas traiter ici de la science
chevaline, mais je ne vois pas des chevaux de pure race dans ceux que l’on
désigne sous la dénomination de pur sang. L’on dit que le cheval de pur sang
est celui qui n’est pas dégénéré. Je ne suis pas de cet avis, et je crois qu’on
serait bien embarrassé de me montrer un cheval type.
Dans mon opinion un cheval de pur sang est celui
qui provient du croisement successif ; par exemple, un cheval arabe avec un
cheval du Nord, et de ce premier produit avec les plus beaux sujets d’autres
espèces, ce croissement, fait avec discernement, a eu pour conséquence de
fortifier et d’améliorer l’espèce. C’est en donnant les plus grands soins aux
élèves et particulièrement en leur donnant de bonnes nourritures, en les
nourrissant au grain dès l’âge de 5 ou 6 mois ; voilà comment on parvient à en
améliorer la race et à faire des chevaux qu’on appelle de pur sang.
Il ne suffit donc pas seulement d’amener dans le
pays des chevaux de pur sang ; il faut encore instruire les éleveurs des moyens
propres à perfectionner l’éducation, en changeant le système hygiénique des
chevaux.
Je dirai, en me résumant, que je consens volontiers
à ce que le gouvernement continue le système des haras permanents ; mais je
désirerais qu’il arrêtât tout court le système d’acquisition des chevaux de pur
sang ; je ne sais pas s’il y en a trois qui méritent cette qualification au
haras actuel, mais je me contenterais provisoirement de ce qu’il y a ; c’est
autant qu’il en faut pour contenter les amateurs qui ne visent pas aux profils.
Je conseillerais au gouvernement d’acheter 110 ou
120 étalons de belle forme ; par exemple, des étalons normands ou
anglo-normands, comme le désire M. Vandenhove ; l’année suivante, il en
achèterait un même nombre ; et dans cinq ans on serait étonné de l’amélioration
qu’on aurait obtenue. Tout le monde voudra suivre l’exemple du gouvernement ;
on prendra alors confiance, tandis qu’il y a défiance maintenant, ce qui est
tout naturel, d’après les résultats obtenus depuis 40 ans.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix le chiffre de 150 mille francs demandé pour les haras.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
Chapitre XII. - Lettres, sciences et arts ; fonds provenant des brevets de santé
Article 6
« Art. 1er. Lettres, sciences et arts. »
Littera A
M. Dechamps. - Je
demande qu’on procède à la discussion de cet article par littera ; j’aurais à
présenter des observations et des amendements sur plusieurs littera.
M. le président. -
La division étant de droit, la discussion est ouverte sur le littera A :
encouragements, souscriptions, achats. Le gouvernement propose 105 mille francs
et la section centrale alloue 95,000 francs.
M. Dechamps. -
Messieurs, le rapport de la section centrale nous apprend que la commission
directrice de l’exposition des objets d’art avait jugé nécessaire d’allouer une
somme de 70,000 francs pour être exclusivement consacrée aux acquisitions à
faire par le gouvernement lors de l’exposition de 1836 et pour servir
d’encouragement aux artistes.
Cette somme paraîtra à peine suffisante, si l’on
réfléchit que le gouvernement ne doit pas user de lésinerie dans ces sortes
d’acquisitions, à moins qu’on ne veuille que ces encouragements deviennent non
seulement inefficaces, mais tout à fait dérisoires.
Il ne faut pas que le gouvernement ne puisse
conférer que de mesquines aumônes, il faut que les encouragements qu’il donne
soient véritablement dignes et efficaces ; sans cela, au lieu d’encourager, on
découragerait les beaux-arts, et pour résultat final on dépopulariserait
l’influence du gouvernement.
Le ministre de l’intérieur, pour ne pas augmenter
les charges que les divers budgets font peser sut la nation, a réduit le
chiffre de cette allocation à son véritable minimum. Il n’avait demandé qu’une
majoration de 25,000 fr.
J’ai vu à regret que la section centrale n’avait
pas cru devoir allouer la somme demandée et avait proposé une nouvelle
réduction. J’ai cherché vainement les motifs qui avaient pu la porter à prendre
cette détermination. Depuis la révolution, les circonstances politiques au
milieu desquelles nous avons vécu ont empêché la législature et le gouvernement
de faire tout ce qu’on aurait pu désirer en faveur des beaux-arts et de la
littérature nationale. J’apprécie les motifs qui peuvent servir d’excuse à
l’espèce de patrimoine qu’on a mise tous les ans au chapitre actuellement en
discussion.
Je conçois que l’état de guerre que nous subissons
encore, ayant nécessité d’énormes dépenses, on a été obligé d’opérer ailleurs
des économies et là où il faudrait n’en apporter jamais. Je conçois aussi
qu’après la crise politique de 1830 on ait eu autre chose à faire que de
s’occuper de beaux-arts et de littérature.
Avant de songer à ces moyens d’embellir notre
existence politique, il fallait créer cette existence, il fallait consolider
notre indépendance nationale.
Aujourd’hui que notre existence comme nation est
affermie, que le pays commence à jouir des lois d’organisation intérieure ;
aujourd’hui qu’un mouvement littéraire, à peine aperçu les premières années de
notre révolution, se manifeste à tous les yeux, il est temps de porter notre
attention de ce côté et de fournir au gouvernement les moyens d’aider ce
mouvement littéraire à se produire.
Je sais qu’il existe un préjuge enraciné qui
malheureusement est partagé par des Belges mêmes.
Ce préjugé consiste à croire que
Cette fausse idée, qui est une suite de notre long
vasselage politique, est démentie par l’aptitude que
Toute cette prospérité et cette gloire tombèrent
quand Philippe II fit passer
Vous voyez que chaque fois que
Aujourd’hui que la révolution a fait de
Je suis convaincu que notre nationalité politique
ne deviendra forte et vivante que lorsque nous aurons une nationalité
intellectuelle, une littérature à nous. Vous savez que ce qui nationalise le
plus après les croyances, c’est la littérature qui est le véritable reflet des
mœurs et de la civilisation du pays.
Je n’entends pas, par la protection à accorder par
le gouvernement, une espèce de direction générale des travaux de l’intelligence
; je sais que le gouvernement n’est pas très compétent en matière de doctrines.
Je ne veux pas en faire ici un pédagogue ni un chef d’école littéraire.
Je veux que cette protection soit positive, je veux
que le gouvernement puisse débarrasser la littérature des obstacles qui souvent
en ferment l’entrée. En Belgique, parmi ces obstacles il en est de particuliers
à notre position et qui de notre part nécessitent une protection spéciale. Il
en est un principal qui est celui que j’ai signalé tout à l’heure ; c’est le
préjugé qui fait accueillir les ouvrages de littérature étrangère avec plus de
faveur que les ouvrages nationaux. Vous savez que le plus mince pamphlet que
Paris nous envoie avec ses modes est accueilli avec plus de faveur que les
ouvrages les plus remarquables des auteurs belges.
Ainsi, au lieu d’encourager, d’applaudir aux essais
tentes depuis quelques années, la presse le plus souvent déchire ces talents
qui veulent naître, et cela au nom des partis. Pour vous citer un seul fait qui
vous prouvera combien ce préjugé est enraciné parmi nous, je vous dirai que
Ce fait est très déplorable. Il oppose un obstacle
extrêmement grave au développement de notre littérature. Quand un auteur se
présente à un éditeur un manuscrit à la main, c’est à peine si l’éditeur
consent à y jeter les yeux. Cela se conçoit, car il est plus facile aux
éditeurs d’imprimer des ouvrages en vogue à Paris qui leur promettent beaucoup
de lecteurs et de bénéfices que de publier l’ouvrage d’un auteur belge peu on
point connu.
La propriété littéraire est tout à fait nulle en
Belgique ; et, pour remédier à cet inconvénient, je m’étais proposé de
présenter un projet de loi, mais le manque de renseignements que j’attendais
m’a empêché, jusqu’à présent, de le faire. En attendant, je crois que le
gouvernement doit avoir les moyens de lever cet obstacle au développement de
notre littérature. Il doit pouvoir aider les littérateurs à se produire, en se
chargeant des frais d’impression d’un ouvrage quand il le croirait digne de
cette faveur. Le gouvernement devrait aussi s’enquérir des ouvrages
remarquables qui paraissent dans le pays, et avoir les moyens d’en doter les
bibliothèques du pays.
Jusqu’à présent la somme de 80 mille francs a été
presque exclusivement dépensée en faveur des beaux-arts. Je n’en veux pas faire
un reproche au gouvernement, car je trouve que cette somme de 80 mille fr.
n’est pas même suffisante pour protéger efficacement les beaux-arts. Il
faudrait que le gouvernement fût mis à même de commander des tableaux
d’histoire à nos peintres célèbres.
Si on ne laisse aux peintres
que la perspective des acquisitions individuelles, ils ne pourront pas
s’occuper de semblables tableaux, parce qu’ils n’auront aucune garantie d’en
trouver le placement quand ils seront terminés. Il faut que le gouvernement
remplace les anciennes associations, qu’il fasse des commandes, des
acquisitions des chefs-d’œuvre qui paraissent aux expositions publiques.
Ce sont là des richesses nationales. Le
gouvernement devrait pouvoir empêcher qu’on les aliène, qu’on en dépouille nos
musées, pour en enrichie les musées des pays voisins.
M. de Mérode, dans la dernière discussion de ce
chapitre, a jeté une idée heureuse sur laquelle je rappellerai l’attention de
la chambre. Ce serait d’accorder aux villes des subsides pour élever des
monuments aux grands hommes auxquels elles ont donné naissance. Non seulement
cette idée est très favorable aux arts, mais elle est éminemment nationale.
Si j’approuve l’emploi qu’on a fait des fonds
alloués au litt. A, en les appliquant aux beaux-arts, je ne veux pas qu’on
oublie la littérature. Comme je trouve la somme insuffisante déjà pour les
beaux-arts, je crois que nous ne devons pas hésiter à accorder l’augmentation
déjà bien minime que demande le gouvernement, qui est de porter l’allocation de
80 mille fr accordée l’année dernière à 105 mille fr.
Je pense, messieurs, que la chambre partagera le
regret que je manifeste ici, de ne pouvoir porter cette allocation à une
chiffre beaucoup plus élevé, parce que je suis persuadé que le chiffre porté au
budget sera loin de suffire à tous les besoins qui se présenteront.
M. H. Vilain XIIII.
- Messieurs, je ne puis assez m’étonner de la chétive économie de 10,000 francs
proposée par la section centrale au chapitre des encouragements à donner aux
beaux-arts et aux sciences. Quoi ! au milieu des progrès toujours croissants de
notre jeune école de peinture et de musique, alors que l’amour du vrai et du
beau lui a fait produire des œuvres consciencieuses et remarquables, alors que
cette impulsion vivifiante a passé des artistes aux particuliers et des
particuliers au gouvernement, la commission de la chambre croit devoir ébrécher
de quelques mille francs l’allocation déjà si minime du ministère. Il est
nécessaire, dit-elle, de diminuer le plus possible les charges extraordinaires
qui accablent
Enfin, on n’a pas trouvé que la nécessité des temps
s’opposât à la forte allocation de 150,000 fr. pour l’éducation des bons
chevaux en Belgique, et l’on refuse 105,000 fr. pour l’éducation des artistes,
pour l’achat de leurs ouvrages, pour l’impression de leurs livres et de leurs
découvertes ; pour nos artistes, messieurs, qui plus que nos guerriers, qui plus
que nos orateurs et nos hommes d’Etat, ont fait le lustre du pays, et à travers
trois années de révolutions, de guerres générales et de misères intestines, ont
à eux seuls transmis la glorieuse succession du nom flamand. J’attribue à la
rapidité du travail de la section centrale le peu d’attention qu’elle a porté à
ce chapitre si intéressant au pays. J’attribue aussi la parcimonie de ses
encouragements à l’intérêt, pour ainsi dire tout matériel, qu’on semble porter
à cette partie de l’éducation publique, et c’est pour rectifier à ce sujet
quelques idées, que je prends la parole.
La vraie science du législateur est d’apprécier les
mœurs et les besoins du peuple qu’il régit, et de fonder ses lois sur ces mœurs
et ces besoins. Cette intuition est surtout nécessaire à l’égard des besoins
moraux. Ainsi, dans la distribution de ses dépenses, dans la restriction de nos
économies, il ne faut point, quoique gouvernement constitutionnel, suivre
l’exemple des gouvernements constitutionnels d’Angleterre et des Etats-Unis,
imiter leur mesquinerie toute puritaine pour tout ce qui a rapport aux
institutions libérales, eux qui ne s’occupent que des intérêts matériels ;
abandonner les beaux-arts, vu que les beaux-arts n’ont rien de directement
commercial ; n’estimer enfin la civilisation que par la progression des
richesses, et non par tout ce qui en fait le lustre et le charme. Appliquer ce
régime étranger au pays qui nous a choisis, ce serait méconnaître son naturel
et ses nécessités intellectuelles. Ce serait vouloir surbaisser l’esprit
artistique des Belges au niveau uniforme et décoloré des Etats-Unis, ce serait
leur ravir ce qui a fait leur joie et leur splendeur à toutes les époques. Le
peuple, à ce prix, refuserait les économies ; on serait même très peu populaire
à les lui proposer, Et pour s’en convaincre, ne suffit-il pas de voir avec
quelle ardeur il se porte à nos concours de musique, à nos expositions
publiques, avec quel empressement il quitte alors et ses jeux plus vulgaires et
ses rudes travaux.
Ainsi, ne nous bornant point comme ailleurs à
l’amélioration toute matérielle des masses, procurons-lui des jouissances plus
nobles et cherchons ces jouissances dans ses goûts naturels, dans la culture
des arts libéraux. Je vous rappellerai aussi comme M. Dechamps, que déjà à deux
grandes époques les arts ont civilisé
Aujourd’hui, à une troisième phase qui paraît
derechef devoir produire l’école flamande avec éclat, irions-nous négliger et
répudier ce beau titre de gloire et d’unité ? Nous venons aussi de traverser
des temps pénibles et désastreux ; la première révolution française,
l’oppression hollandaise ; et la culture des arts se prépare plus que tout
autre à réparer ces plaies. Ce ne seront ni nos sèches discussions de tribunes,
ni nos faits d’armes restreints par les traités, ni notre littérature comprimée
par l’usage des deux langues, niais bien les arts industriels et libéraux qui
feront cette gloire, d’autant plus que déjà tous les esprits s’y portent comme
par instinct, comme par habitude native, et que depuis cinq années nos jeunes
artistes ont relevé bien haut le nom belge dans toutes les capitales de
l’Europe.
Que si plus scrupuleux, on veut soumettre à une
froide analyse les rapports matériels des arts pour un pays, il sera facile de
prouver que ceux-ci encore rendent plus que tout autre article de fabrication.
La presse s’en est occupée, elle a fait voir à ces rudes économistes qu’aucun
prestige qu’aucun sentiment idéal n’ont ému, elle leur a fait voir qu’avec
quelques couleurs, des pinceaux et une toile grossière, la peinture a enfanté
plus de richesses que toutes nos autres industries. Elle a prouvé que Rubens a
peint près de 5,000 tableaux, vendus aussitôt dans toute l’Europe, valant en
retour de 5,000 à 10,000 fr, chacun et portant ainsi à des millions la valeur
créatrice d’un seul homme. On pourrait facilement supputer toute la somme de
richesses que nos chefs-d’œuvre ont fait éclore, richesses qui ont finalement
profité au pays, mais je crois, messieurs, que nos convictions pour se former
n’ont pas besoin de ces considérations toutes matérielles ; vous êtes Belges
aussi, et c’est vers un plus noble but que tendront vos encouragements.
Le gouvernement porte ces encouragements à une
somme de 105,000 fr., et dans cette somme il dispose de 50,000 fr. pour l’achat
des tableaux à la prochaine exposition. Cependant la commission directrice
avait sollicité un subside de 70,000 fr., ce qui aurait porté la somme totale à
accorder pour achat de tableaux, pour l’encouragement, secours, bourses à
accorder aux artistes, souscriptions d’ouvrages de littérature nationale, à un
subside de 125,000 fr. Je viens par amendement proposer cette somme, mais, si
comme je l’espère, la chambre consent à cette allocation, je désire que la
distribution en soit faite par le ministre avec discernement, avec goût. Qu’il
se garde d’abord d’accorder tous ces petits subsides de cent ou de deux cents
francs à une foule de jeunes artistes qui sont loin d’avoir fait leurs preuves
et qui gaspillent ainsi sans résultat les ressources du trésor. Mieux vaut
allouer deux et trois pensions de 1,200 fr. à 2,000 fr. à des lauréats, afin de
leur faciliter des voyages de perfectionnement aux académies d’Italie et de
France.
Il lui importe en second lieu de régulariser son
système d’encouragement pour l’achat des tableaux modernes. Là aussi il doit
réserver ses ressources aux grandes choses, et faire ce qu’il n’est pas donné
aux fortunes particulières d’accomplir. Ainsi qu’il s’abstienne autant que
possible de l’acquisition des petits ouvrages, des paysages, afin de consacrer
ses subsides à relever le grand genre historique. Jadis, c’étaient les
corporations, les abbayes, les métiers possédant de grandes ressources qui
faisaient ces commandes ; de nos jours les fortunes se divisant à l’infini,
c’est le gouvernement, ce sont les provinces et les villes à qui cette tâche
incombe, et c’est par eux que le genre historique et la statuaire sauront
reconquérir leur prééminence. Finalement il devient plus qu’urgent que
C’est maintenant à
l’étranger qu’ils sont presque obligés d’étudier l’ancienne école flamande. Une
autre nécessité de ce genre, c’est l’ouverture d’une école de gravure et
l’achat d’une collection complète de gravures anciennes. Quoi ! dans la contrée qui lui a pour ainsi dire donné naissance,
dans ces villes d’Anvers, de Gand, de Bruxelles, où au 15ème siècle la gravure
sur cuivre et sur bois a fleuri avec tant d’éclat, aucune collection publique
de ce genre n’existe pour le souvenir et la progression de cette branche utile
d’industrie et de science. En cela, chose fort singulière, les Belges,
créateurs de cette invention, si bons dessinateurs de nos jours, sont
tributaires de l’étranger : même, on vous l’a déjà dit dans cette enceinte,
pour les objets les plus usuels, pour embellir les ouvrages de nos éditeurs,
pour buriner les dessins d’étoffes de nos manufacturiers, c’est au dehors qu’il
faut chercher des graveurs. L’initiative de cette création appartient au
ministre de l’intérieur, et maintenant que les plus graves questions politiques
sont écartées, que
C’est afin d’accomplir une partie de cette tâche
que je propose une allocation de 125.000 fr.
Déjà, messieurs, un collègue que je regrette de ne
plus entendre ici, et dont j’ai toujours secondé les efforts, M. H. de
Brouckere, avait essayé, il y a deux ans, d’élargir la base de vos
encouragements. Nous avons échoué ; j’espère qu’aujourd’hui, moins chargés
d’impôts, moins préoccupés de guerre et d’invasion fortuite, la chambre et le
ministère accueilleront ma demande, et des voix amies viendront la soutenir.
M.
Milcamps, rapporteur. - Le budget, chap. XII, article premier, lit. A,
porte pour encouragements, souscriptions,… la somme de 80,000 fr. Sur cette
somme le ministre de l’intérieur destinait 25,000 fr. aux achats à faire à
l’exposition de 1836 et aux encouragements à donner aux artistes.
Et indépendamment de cela il demandait une
majoration de 25,000 pour le même objet. La section centrale, messieurs, n’a
pas cru devoir adopter une majoration semblable ; mais elle a adopté une
majoration de 15,000 fr., de manière que, suivant elle, une somme de 30,000 fr.
serait destinée à l’objet dont il s’agit.
L’honorable M. Dechamps qui a reproduit, par un
amendement, la majoration de 25,000 fr. demandée par le ministre, a cherché
vainement, a-t-il dit, les motifs de la réduction faite par la section
centrale, et l’orateur qui a parlé après lui ne conçoit pas la parcimonie de la
section centrale. Messieurs, il m’importe de la justifier, et de faire voir
qu’elle ne pouvait croire se montrer ennemie des arts et des sciences en
proposant une réduction.
D’après les pièces qui lui avaient été fournies, il
en résultait qu’en 1832 il n’avait été alloué pour l’exposition de peinture,
c’est-à-dire, pour l’achat de tableaux, que 14,100 fr. ; et que 1,700 fr.
étaient seulement destinés aux encouragements. De manière que la section
centrale, en portant cette somme totale d’environ 16,000 jusqu’à 40,000 fr., a
pensé faire quelque chose dans l’intérêt des arts. Elle a regretté de ne
pouvoir faire davantage ; mais elle a considéré que le pays était encore dans
un état de guerre ; que la législature était en présence de majorations
considérables, nécessaires à divers services ; et voila les motifs pour
lesquels elle a fait la réduction qu’on lui reproche, réduction qu’elle a votée
avec regret, je le répète. Pour prouver que la section centrale n’a voté qu’à
regret cette réduction, et pour mettre la chambre à même d’apprécier la nature
de cette dépense, je pourrais lui donner lecture du rapport qui a été fait par
la commission directrice de l’exposition ; elle verrait dans ce rapport si elle
doit adopter l’amendement de M. Dechamps ou celui de l’honorable M. Vilain
XIIII.
M. Dumortier. -
Ce n’est pas lorsque l’on ne cesse de voter des augmentations de tous les genres
dans les budgets, lorsque a écarté le système d’économies que nous demandions,
que nous repousserons les encouragements à donner aux sciences et aux arts, et
surtout lorsque les premiers moments de la crise révolutionnaire sont passés.
Je déclare que je voterai pour le crédit demandé
par le ministre, et je voterai d’après cette considération qu’il doit y avoir
prochainement en Belgique une exposition d’objets d’art ; car il faut mettre le
gouvernement à même de faire des acquisitions.
Dans la répartition du crédit qui nous est
maintenant demandé, je dois faire une première remarque ; c’est que depuis
quelques années la très grande majorité du crédit alloué par la législature a
été consacrée uniquement aux beaux-arts.
J’approuve beaucoup les encouragements donnés aux
beaux-arts, mais je ne voudrais pas que ce fût à l’exclusion des sciences et
des lettres. J’ai eu beaucoup de peine à obtenir des subsides pour des
publications utiles au pays.
Un artiste qui produit un ouvrage, quand il n’est
même que passable, est sûr d’en trouver le placement ; mais un littérateur ne
peut jamais trouver le placement de son travail : si donc vous voulez avoir des
publications scientifiques et littéraires, il faut que le gouvernement les
encourage.
M. Dechamps vous a indiqué plusieurs des motifs
pour lesquels nos productions littéraires ne sont pas recherchées ; le motif
principal, messieurs, c’est la trop grande facilité des réimpressions des
livres étrangers ; cette facilité est un grand malheur pour nous ; c’est un
malheur réel ; un libraire, en Belgique, trouvant à réimprimer les ouvrages
étrangers, ne prendra jamais la peine de publier l’ouvrage d’un Belge, quelque
bon qu’il soit.
Je le répète donc, j’approuve de très bon cœur les
encouragements donnés aux arts ; mais je ne voudrais pas que le gouvernement
perdît de vue les encouragements à donner aux lettres et aux sciences.
On a parlé d’acquisition de tableaux à faire à
l’exposition prochaine de peinture : ici je me permettrai de faire une
recommandation au gouvernement : c’est qu’il veuille bien être sévère, très
sévère sur les acquisitions, et qu’il ne veuille bien acquérir que les
chefs-d’œuvre de l’exposition, afin que nous puissions présenter à l’étranger
sans honte un musée de peinture et de sculpture.
Si le gouvernement laisse acheter les meilleurs
tableaux par des particuliers, et qu’il n’achète que des ouvrages médiocres,
vous n’aurez qu’un ramas de médiocrités dans votre musée, et il sera votre
honte au lieu d’être votre gloire. Les élèves, n’ayant pas les beaux modèles
sous les yeux, ne connaîtront pas le but de l’art, et s’égareront dans de
fausses routes. Un bon système à suivre, ce serait de commander aux artistes
des tableaux ou des statues, parce que l’artiste, sachant que son œuvre doit
figurer dans un musée, voudra se surpasser pour soutenir la comparaison avec
les œuvres des meilleurs maîtres.
Si avant l’exposition le gouvernement disait aux
artistes : Je vous commande un tableau pour l’exposition, et il restera au
musée ; certainement ils voudraient soutenir le parallèle avec les anciens
tableaux.
J’appellerai maintenant votre attention sur un
établissement dont a parlé M. Vilain XIIII.
C’est un fait bien pénible pour
Cette création n’est pas sans importance sous le
rapport de l’industrie. On réimprime beaucoup de livres en Belgique ; aucune de
ces réimpressions ne peut être mise en vente sans vignettes ; eh bien, on est
obligé de les faire faire à l’étranger.
Pour les manufactures, l’absence des graveurs se
fait sentir d’une manière encore plus pénible. Pour l’impression des étoffes,
des tissus, nous devons avoir recours à l’étranger pour les planches, et cela
nous porte le plus grand préjudice. Cependant nos artistes produisent des dessins
charmants ; mais on ne peut s’en servir faute de graveurs.
Ce serait un véritable
bienfait que la création d’une semblable école ; pour moi, je la désire
vivement, attendu qu’il en résulterait de grands avantages.
Vous avez pu voir par les publications qui se font
dans le pays, notamment par les publication de l’académie des sciences, dans
quel degré d’infériorité est la gravure. Il est fâcheux qu’une publication qui
honore le pays et parcourt l’Europe, représente aussi mal l’état des arts dans
Nous n’avons plus de graveurs ; je me trompe, un
Belge possède une grande habileté dans l’art du graveur : eh bien, il a dû
aller à l’étranger pour faire imprimer ses œuvres, parce qu’il n’y a pas en
Belgique de presse pour imprimer en taille-douce.
Assurément une école de gravure produirait de
grands avantages pour les publications de tout genre, et surtout pour les
publications relatives aux beaux-arts.
Je me borne à ce peu de mots.
Je dis que le gouvernement doit être sobre
d’acquisitions dans les expositions d’objets d’art ; il ne doit acquérir que
des chefs-d’œuvre et donner des primes d’encouragement aux artistes qui, sans
faire des chefs- d’œuvre, ont fait de bons ouvrages et ne les ont pas vendus.
Les encouragements aux jeunes artistes ne doivent
être donnés qu’à ceux qui ont de grandes dispositions ; jamais à ceux qui,
n’ayant pas de dispositions, feraient mieux de ne pas sortir de leur état, pour
augmenter le nombre des mauvais artistes. (Approbation).
Les journaux de France, arrivés hier, font l’éloge d’un jeune artiste belge,
qui a exposé dans la capitale de France un tableau objet de l’admiration de
tous les connaisseurs. Ce jeune homme n’aurait pu jamais sortir de sa ville
natale s’il n’avait pas reçu du gouvernement un subside de 600 fr. Voilà a quoi
mènent les subsides accordés avec discernement. Je voterai pour l’allocation
proposée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne puis qu’applaudir aux sentiments
généreux qui se manifestent dans cette enceinte au sujet des arts et des
lettres. En effet, il est utile de faciliter leur développement qui se
manifeste déjà heureusement en Belgique.
En ce qui concerne les arts, nous avons vu des
villes rivaliser de zèle avec le gouvernement pour les protéger ; ainsi la
ville de Gand a pris l’initiative pour réorganiser son académie sur des bases
plus larges, le gouvernement s’est empressé de concourir à cet utile projet ;
nous avons provoqué l’érection d’une académie dans la ville de Liége qui en avait
été privée jusqu’ici, la régence a répondu à notre appel ; nous avons engagé la
ville de Bruxelles à réorganiser son académie avec plus d’extension, la régence
nous a répondu de la manière la plus généreuse ; il paraît que la dépense
qu’elle aura à faire de ce chef ne s’élèvera pas à moins de 30,000 fr.
Ainsi nous avons généralement rencontré un concours
zélé pour favoriser le développement des beaux-arts.
En ce qui concerne les établissements de musique,
vous connaissez les heureux résultats des conservatoires de Bruxelles et de
Liége. Indépendamment de ces grands établissements, il y a une infinité
d’établissements de seconde classe, qui tendent en général aux progrès des
arts.
Nous avons également régularisé les expositions des
beaux-arts : c’est ainsi que d’année en année les artistes trouveront à exposer
le produit de leur talent. Il ne reste plus qu’à faciliter le placement des
productions des meilleurs artistes ; sous ce rapport il faut convenir que c’est
plutôt à la richesse publique qu’aux faibles subsides du budget qu’il
appartient d’encourager les arts.
Il est permis d’espérer que cette richesse qui se
développe tous les jours davantage, y contribuera puissamment. Un honorable
préopinant désire que la somme destinée à des acquisitions de tableaux ne soit
consacrée qu’à acquérir les meilleurs ouvrages de l’exposition qui aura lieu
cette année dans la capitale ; mais cela ne fait pas le moindre doute, la somme
alloué à ce titre ne peut être employée qu’à acquérir des objets d’un véritable
mérite.
A l’égard des 30,000 fr. alloués pour l’exposition
de 1833, je dois dire que la moitié de cette somme a été absorbée par les frais
; il n’est reste que 14.000 fr. pour distribution de médailles, achat de
tableaux et récompenses. Nous espérons que cette année nous pourrons consacrer
à l’acquisition de tableaux une somme de 35 à 40,000 fr. ; mais notre opinion
est arrêtée ; ce sont les meilleurs ouvrages dont il faut faire l’acquisition.
A propos de l’encouragement des arts, un honorable
membre nous a engagé à concentrer les subsides sur quelques individus. Nous
croyons qu’il a été satisfait au désir de l’honorable préopinant ; chaque fois
qu’un jeune homme ayant fait de grands progrès dans les arts ou les sciences, a
désiré se perfectionner à l’étranger, à Paris, en Italie, à Vienne ou à Berlin,
il a obtenu du gouvernement des subsides pour compléter ses études.
Mais lorsqu’il s’agit d’études à faire dans le
pays, il est évident que des subsides même faibles peuvent suffire ; voici ce
qui se passe à cet égard : lorsqu’un jeune homme montrant de grandes
dispositions mais dépourvu de fortune, s’adresse au gouvernement pour obtenir
les moyens de faire ses études, le gouvernement prend des renseignements près
des autorités communale et provinciale ; si les autorités appuient la demande,
et que d’autre part le gouvernement, qui s’en assure auprès des chefs
d’institutions, sache que ce jeune homme donne de grandes espérances, alors un
subside est accordé concurremment avec la province et la commune.
Je crois qu’il est préférable d’admettre le plus de
jeunes gens possible aux encouragements littéraires et artistiques, que d’en
repousser un grand nombre et de concentrer sans nécessité la faveur sur
quelques sujets.
En ce qui concerne les sciences et les lettres,
vous savez qu’il y aurait un grand moyens d’encouragement possible ; il
consisterait dans la réorganisation de l’académie royale de Bruxelles, sur des
bases plus larges et dans l’allocation de subsides suffisants pour faire
publier des ouvrages scientifiques et littéraires, qui seraient jugés dignes de
l’impression par ce corps savant. J’ai à cette occasion oublié de dire que le
projet de loi institue aussi une classe des beaux-arts auprès de l’académie, ce
qui sera un nouveau moyen d’encouragement pour les artistes.
Je reviens à ce qui concerne les sciences et les
lettres ; je dois répéter qu’un moyen efficace d’encouragement serait la
réorganisation de l’académie et l’allocation de subsides suffisants pour
l’impression des ouvrages qu’elle en aurait jugés dignes.
Indépendamment de ce secours, il ne faut pas perdre
de vue que l’existence de nos établissements universitaires est un puissant
d’encouragement pour les lettres et les sciences ; les acquisitions faites pour
les diverses bibliothèques du pays concourent encore puissamment au même but.
Je n’ai pas eu l’occasion d’accorder de subsides
importants pour des publications scientifiques et littéraires ; cependant
quelques subsides ont été accordés à ce titre. Un honorable préopinant s’est
plaint de ce que la somme de 75,000 fr. aurait été exclusivement appliquée aux
arts ; cet honorable membre est tombé dans l’erreur ; dans le subside de 75,000
fr. il y a eu une somme de 18 à 20,000 fr. employée à protéger les sciences et
les lettres et entre autres une somme pour la commission d’histoire, une somme
notable également pour l’acquisition de manuscrits, de documents intéressants
pour nos archives, toutes dépenses faites dans l’intérêt des lettres.
Un obstacle capital au développement de la
littérature en Belgique, c’est le peu d’étendue du royaume, la diversité de
langues, et il faut le dire, la difficulté de faire goûter nos ouvrages à
l’étranger. Mais quant à ce dernier point nous pouvons espérer que notre
nationalité se consolidant de plus en plus par le temps, notre littérature se
développera davantage que quand nous étions réunis à d’autres pays, et que nos
grands écrivains, si nous sommes assez heureux pour en avoir, verront leurs
productions se répandre à l’étranger.
Un honorable préopinant a pensé que la facilité de
la réimpression des ouvrages étrangers dans le pays pouvait être un obstacle au
développement de la littérature nationale ; je ne partage pas cette opinion, je
crois que cette facilité est un grand avantage pour l’extension et la
prospérité de notre imprimerie et qu’il doit en résulter pour nos auteurs la
possibilité de faire imprimer leurs œuvres à plus bas prix. Je trouve donc
qu’il y aurait plutôt là un moyen d’encouragement pour notre littérature qu’un
obstacle a son développement.
Mais, l’on vous a proposé
une allocation nouvelle de 20,000 fr. L’on a eu en vue la création d’une école
de gravure. Quant à moi, j’accueillerai volontiers cette majoration, et je
pense qu’une partie considérable de cette allocation pourra être consacrée au
développement de l’art de la gravure.
Il y a déjà une classe de gravure à l’académie
d’Anvers. Il en aura bientôt une à l’académie de Bruxelles et à celle de Liége.
Mais je crois que les leçons que l’on donne dans ces établissements ne peuvent
suffire. Si l’on veut développer l’art de la gravure en Belgique, il faut que
l’on s’entende avec un homme distingué qui puisse se charger des frais de
l’établissement nouveau moyennant un subside, et qui tirant de cet
établissement un avantage, dans l’intérêt de son industrie particulière, aurait
besoin d’une somme moindre que celle qui serait nécessaire si le gouvernement
prenait l’établissement à son compte.
D’après les renseignements qui m’avaient été donnés
à cet égard, une somme de 130,000 fr. était jugée nécessaire pendant l’espace
de dix années. Mais j’ai tout lieu de croire que cette évaluation est exagérée,
et qu’elle pourrait être réduite de moitié.
Je sais qu’un honorable membre se propose de
demander une majoration pour l’académie royale de Bruxelles. Si la majoration
de 20,000 francs était allouée par la chambre, on pourrait trouver sur cette
somme de quoi remplir le désir de l’honorable membre.
J’attendrai la suite de la discussion pour voir
s’il est nécessaire de donner de plus amples détails.
M. Liedts. - Après
tous les orateurs qui ont pris la parole dans cette discussion, il me reste peu
de chose à ajouter.
Il est vrai, comme l’a dit M. le ministre, que ce
sont surtout les fortunes particulières qui encouragent le développement des beaux-arts.
Mais ce n’est pas un motif pour que le gouvernement reste insensible à leurs
progrès et refuse tout encouragement pécuniaire.
L’on a applaudi, avant la révolution, à la mesure
prise par le roi Guillaume, qui affectait une somme de 20,000 fr. à l’achat de
bons tableaux nationaux.
M. le ministre semble décidé à sortir de l’ornière
dans laquelle le département de l’intérieur est entré depuis trois ans,
c’est-à-dire à ne plus acheter les productions des élèves.
L’achat des compositions des artistes qui ne font
qu’entrer dans la carrière a ce double inconvénient : d’abord on encourage une
foule de médiocrités sans avenir ; en second l’Etat fait l’acquisition de
mauvais tableaux qui ne pourront figurer dans les musées. Si on les exposait
dans nos musées, quelle idées les étrangers auraient-ils de l’art en Belgique ?
Les artistes eux-mêmes, s’ils parvenaient à se
placer au premier rang, rougiraient de la publicité donnée aux essais de leur
jeunesse.
Si quelque talent précoce annonce des dispositions
remarquables, que le gouvernement lui accorde un encouragement pécuniaire.
J’applaudirai à sa sollicitude.
Mais que cet encouragement n’ait pas l’air d’une
aumône. Que le gouvernement ne se borne pas à donner une misérable somme de 100
à 200 francs. Que le subside accordé au jeune artiste lui permette de continuer
ses études.
Je ne parlerai pas de la littérature en Belgique.
Tout ce qu’il y a à dire sur ce sujet a été dit par l’honorable M. Dechamps. La littérature renaît en
Belgique. Je n’en veux pas d’autre preuve que les productions qui apparaissent
depuis quelques années et qui toutes ont un caractère national.
Il serait déplorable de voir ces germes périr
d’inanition. Je désire que la littérature nationale soit l’objet de la vive
sollicitude du gouvernement.
Si j’accorde le subside demandé par M. le ministre
de l’intérieur ainsi que la majoration proposée par M. Vilain XIIII, c’est dans
l’espoir que l’allocation destinée aux beaux-arts n’aura pas été la pâture de
quelques journaux, qu’elle n’aura pas servi à prendre des abonnements à des
journaux tels que le Franc-Juge. S’il
faut en croire les journaux, une somme aurait été prélevée sur le fonds des
beaux-arts à l’effet de subsidier ce pamphlet connu à peine dans cette
enceinte, que l’on nomme Franc-Juge.
La commission nommée pour
l’achat des tableaux a été composée jusqu’à présent d’amateurs de beaux-arts et
de quelques artistes. Je désirerais qu’on y adjoignît 2 ou 3 membres de cette
assemblée. De cette manière les artistes auraient la garantie que leurs tableaux
seront bien appréciés, et la chambre saurait que les sommes qu’elle alloue pour
l’encouragement des beaux-arts auraient obtenu leur destination.
Messieurs, si je suis généreux envers les
beaux-arts, c’est que je crois que l’intérêt du pays l’exige. La véritable
économie ne consiste pas à dépenser peu, mais utilement. Nous avons fait et
nous devions faire de grands sacrifices pour relever le commerce et
l’industrie. Mais là n’est pas toute la vie d’une nation ; il lui faut aussi de
la gloire. Que serait, en effet, une nationalité qui ne démontrerait dans le
cœur de tous les Belges qu’une froide indifférence ?
Si vous voulez que la nationalité que nous avons
fondée prenne racine chez nous, faites que le nom Belge, à l’intérieur et à
l’étranger, ne se prononce qu’avec admiration et respect.
La grandeur d’une nation ne dépend pas de l’étendue
de son territoire ni du nombre de ses habitants. Elle tient à ses institutions,
elle tient à la prospérité de son industrie et de son commerce, elle tient
aussi au règne des beaux-arts et de la littérature. C’est ainsi que la
république d’Athènes occupe dans les annales du monde et dans nos souvenirs
plus de place que les vastes empires de l’Asie.
Encouragez la littérature, les beaux-arts, et vous
inspirerez à tous les Belges ce sentiment de l’honneur national qui doit être
la sauvegarde de notre nationalité.
M.
Gendebien. - Personne ne combat la proposition de M. Vilain XIIII. Je
vois avec plaisir que cette fois l’on pas plaidé inutilement la cause des
beaux-arts. Il ne me reste donc que fort peu de chose à dire.
L’on a répété dans cette occasion tout ce que j’ai
dit l’année dernière. J’ai dit que c’était plutôt décourager les artistes que
d’acheter de mauvaises compositions, et que d’un autre côté la vue de tableaux
médiocres donnerait aux étrangers une opinion très médiocre du mérite de nos
artistes. M. le ministre de l’intérieur paraît l’avoir senti. Car il vient de
dire que l’on n’achèterait plus que des tableaux dont le mérite serait reconnu.
J’ai demandé l’année dernière que l’on encourageât
seulement les artistes qui ont de l’avenir et que l’on ne décourageât pas ceux
qui n’ont pas le talent de solliciter. J’espère que dorénavant les talents
naissants seront seuls encouragés et que les médiocrités seront laissées de
côté. Je désire aussi que le jugement que l’on portera sur les artistes ne soit
pas le résultat des intrigues d’une coterie, mais qu’il soit fait par concours
et avec contrôle.
Telles sont les idées que j’ai exprimées et développées
l’année dernière, je m’en réfère à ce que j’ai dit à cette époque.
L’on a parlé de la nécessité d’encourager la
gravure. Il existe actuellement à Bruxelles une collection aussi complète que
possible de gravures, dont quelques-unes remontent au 14ème siècle. Il serait à
désirer que le gouvernement en fît l’acquisition. Car, au dire des artistes qui
l’ont vue, on ne pourrait pas en compléter une pareille en 50 ans.
Je voterai pour le chiffre le plus élevé, n’ayant
qu’un regret, de ne pouvoir voter davantage.
M.
Kervyn. - Je regrette que la section centrale ait cru devoir réduire la
majoration demandée par le gouvernement au litt. A. de l’art. premier actuellement en discussion, et je suis sûr qu’en
examinant la destination du crédit demandé, vous partagerez ma manière de voir
à cet égard. En effet, de quoi s’agit-il, messieurs ? De majorer de 25,000 fr.
la somme disponible pour achat de tableaux, et pour encouragements à donner aux
artistes lors de l’exposition de 1836. Or, dans l’état actuel des choses, je
crois cette majoration nécessaire, si nous ne voulons pas laisser dépérir en
Belgique, l’une de nos gloires nationales, la peinture d’histoire.
Il n’existe plus d’abbayes riches et puissantes, de
corporations largement dotées, de fortunes colossales, qui autrefois pouvaient
acheter les grandes productions de l’art dès qu’elles sortaient des mains de
l’artiste. Par l’effet inévitable de la division des richesses et du
morcellement des fortunes, il n’y a que les ouvrages d’un moindre prix qui
aujourd’hui trouvent facilement des acheteurs, Il est donc de notre devoir,
messieurs, de mettre le gouvernement à même d’encourager la grande peinture, en
lui accordant une place dans notre musée national.
Nous pouvons espérer que ces encouragements
deviendront moins nécessaires dans la suite, lorsque nos fabriques d’églises,
mieux avisées, retrancheront quelque chose aux badigeonneurs et aux doreurs,
pour commander de temps à autre un bon tableau à de véritables artistes ;
lorsque nos magistrats communaux, au lieu de consacrer nos fêtes nationales par
des illuminations stériles et des mâts de cocagnes surannés, feront inaugurer
quelque grande production de l’art destinée à retracer aux yeux de la postérité
les événements de la patrie ; lorsqu’enfin nos corps provinciaux orneront le
lieu de leurs délibérations de semblables productions.
Mais, pour obtenir ces résultats, messieurs, il
faut que le gouvernement puisse donner l’exemple : il faut que nous concourions
par le vote du crédit demandé à encourager la grande peinture en Belgique.
Je voterai contre la réduction proposée par la
section centrale.
M. Dechamps. -
J’avais l’intention de demander une allocation spéciale pour la formation d’une
école de gravure mais comme l’honorable M. Vilain XIIII m’a devancé, je ne puis
qu’approuver l’allocation qu’il a proposée.
Messieurs, je ne répéterai pas tout ce que MM.
Vilain XIIII et Dumortier ont dit en faveur de cette école de gravure. Vous
devez maintenant en sentir toute l’importance, non seulement sous le point de
vue de l’art, mais sous le rapport industriel.
Vous vous rappelez, messieurs, que lors de la
discussion de la loi sur l’industrie cotonnière, les défenseurs de cette loi
nous ont donné comme un argument invincible, le manque de graveurs sur bois
pour les impressions d’indiennes.
Je crois que la création d’une école de gravure
remédierait à ces inconvénients ; elle donnerait naissance aussi à quelques
industries accessoires qui n’existent pas maintenant, et fournirait à nos
artistes le moyen de se placer convenablement.
Je veux ajouter une seule observation à celles qui
vous ont été présentées par M.
Dumortier.
Vous savez, messieurs, qu’il s’agit depuis
longtemps dans le pays de créer un musée belge, c’est-à-dire, une publication
destinée à reproduire les tableaux des grands maîtres de l’école flamande.
Vous savez qu’il existe un
musée à Londres, à Paris, à Vienne et dans toutes les autres capitales de
l’Europe ; et il est vraiment doléant que
En 1819, le roi Guillaume avait songé à encourager
cette sorte de publication. M. Odevaere en avait été
chargé ; mais à cause du manque de graveurs, il a été forcé de faire imprimer
ses livraisons à Paris, et vous concevez qu’en présence de pareils obstacles il
lui a été impossible de continuer l’entreprise.
Aujourd’hui, il s’agit encore une fois de faire un
essai, pour publier un semblable musée. Mais ceux qui s’en sont occupés m’ont
affirmé que cette publication était impossible, sans une école de gravure,
montée sur une grande échelle.
II sera très facile, et M. le ministre de
l’intérieur l’a dit, de s’entendre avec le chef de cet établissement, pour
rattacher cette création du musée belge à l’école de gravure.
Si l’on parvient, comme je l’espère, à mettre ce
projet à exécution, les tableaux des maîtres de l’école flamande pourront se
faire connaître dans toute l’Europe.
Je pense aussi que l’école de gravure pourrait se
charger de reproduire les tableaux les plus remarquables de nos peintres
vivants ; ce serait un moyen de faire connaître les artistes à l’étranger et de
procurer l’écoulement à leurs produits.
Ainsi, j’appuie de toutes mes forces le chiffre
proposé par l’honorable M. Vilain XIIII, et spécialement la majoration demandée
pour la fondation d’une école de gravure.
M. Rogier. -
Messieurs, la proposition qui vous a été faite par M. le ministre de l’intérieur
a cet avantage que pas une voix dans cette enceinte ne s’est élevée pour la
combattre ; c’est un signe certain des changements qui se sont introduits, il
faut bien en convenir, dans cette chambre, relativement aux dispositions
montrées d’abord à l’égard des beaux-arts en Belgique.
Aujourd’hui but le monde est d’accord sur ce point,
qu’il faut accorder aux beaux-arts, en Belgique, des encouragements
considérables, en rapport avec les progrès qu’ils ont faits et avec l’éclat
qu’ils répandent sur le pays.
Je ne m’étendrai donc pas sur la nécessité de
rétribuer convenablement les beaux-arts ; mon opinion, à cet égard, est, je
pense, suffisamment connue.
J’ai demandé seulement la parole pour répondre à
quelques assertions émises dans cette enceinte, et qui peuvent plutôt concerner
mon administration que celle de mon successeur.
L’on est revenu sur la manière dont les
acquisitions ont été faites lors de l’exposition de 1833.
L’on s’est plaint de ce que le gouvernement a
acheté des médiocrités et non des tableaux de grands maîtres ; mais on n’a
perdu de vue qu’une seule chose, c’est que le gouvernement n’avait à dépenser
qu’une somme de 14,000 fr.
Or, en supposant qu’il y eût eu de bons tableaux à
acheter (ce qui n’était pas), combien en aurions-nous pu acheter avec les
14,000 fr. ? Aurions-nous pu en acheter un seul ? au
moins très difficilement.
Si nous voulons payer convenablement un
chef-d’œuvre de nos grands maîtres, les 14,000 fr. seront bien souvent une
somme insuffisante.
Je pense aussi, messieurs, qu’il faut encourager
les publications historiques. Nous avions autrefois des corporations civiles et
religieuses qui s’occupaient de cet objet ; et dans l’absence de ces
corporations, le gouvernement doit faire ce qu’elles faisaient.
Je ne pourrai donc qu’applaudir à toutes les
augmentations de crédit qui auront pour but de mettre le gouvernement en état
d’encourager les publications historiques.
Mais remarquez que pour pousser le gouvernement
dans cette voie, il lui faut accorder aussi des subsides plus considérables que
20 à 30,000 fr.
Encore une fois, lorsqu’un artiste a dépensé deux
ou trois années de sa vie à faire un tableau, ce n’est pas avec une somme de
12,000 fr. qu’on le rétribuera convenablement.
Les artistes trouvent dans l’exécution de petits
tableaux des fortunes à faire ; c’est ce que plusieurs font aujourd’hui, et
c’est encore un hommage à rendre au pays, ils sont accablés de commandes de
tableaux de moyenne dimension qui leur rapportent de mille à six mille francs ;
et quand ils en ont exécuté 10 ou 12 par an, je dis qu’ils ont facilement
dépassé tout ce que le gouvernement pourrait leur donner pour un tableau
historique. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement se borne à acheter des
tableaux historiques ; il peut se présenter des expositions où ces tableaux
manquent. Ce mode a été mis en usage par le gouvernement. Qu’est-il arrivé pour
certains artistes ? c’est qu’ils ont refusé
l’encouragement pécuniaire, qui était une espèce de mauvaise note pour leurs
tableaux.
Je crois, messieurs, qu’on pourrait donner une
satisfaction à cet amour-propre d’artistes, que je comprends, quant à moi, en
achetant leurs tableaux, mais on ne devrait pas les exposer dans un musée
national.
Ces tableaux pourraient
être répandus avec fruit dans nos petites villes et dans nos campagnes. Je suis
pour la centralisation des beaux-arts ; mais il faut les répandre dans toutes
les localités de
Il y a encore un léger inconvénient à ces
acquisitions de tableaux historiques destinés au musée national, c’est que dans
l’état actuel des choses, il y a des obstacles matériels à la création d’un
musée.
Je l’ai déjà dit, nous n’avons pas de local à cet
effet. Les tableaux achetés jusqu’ici, où sont-ils placés maintenant ? dans un coin du musée de Bruxelles. Si un étranger demandait
où est le musée national, je ne sais où il le trouverait.
Ce manque de local ne se fait pas sentir seulement
pour tableaux, mais encore pour toutes les institutions qu’on réclame
aujourd’hui.
Si l’on veut une collection de sculptures, de
médailles, où la placera-t-on ? Les gravures, où les mettra-t-on ?
La nation belge s’est constituée ; mais,
permettez-moi une expression familière, elle n’a pas monté son ménage. Nous
n’avons aucune espèce de local ni pour les collections, ni pour les réunions
nationales.
Je ne puis donc qu’insister, quant à moi, pour
qu’on fournisse au gouvernement les moyens de se procurer un emplacement
quelconque, pour y mettre les objets que je viens d’indiquer. J’appuierai aussi
la création d’une école de gravure ; je ferai observer toutefois qu’il existe
une semblable institution à Anvers. Rien n’est préjugé sans doute, a l’égard de
la localité dans laquelle on établira la nouvelle institution. Ce sera au
gouvernement à décider ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois, messieurs, que nous n’avons pas besoin de sortir de l’ornière,
parce que nous ne nous y trouvons pas.
Le peu de fonds dont nous avons pu disposer l’année
dernière a été appliqué, sur l’avis de l’académie de Gand, à l’acquisition de
quelques tableaux qui ont été exposés la même année dans cette ville.
Je ne pense pas que ces acquisitions puissent être
critiquées.
Je ne répondrai pas à une assertion très légèrement
avancée, que l’abonnement d’un petit journal serait payé sur les fonds des
lettres, et je suis étonné que l’honorable député d’Audenaerde se soit si
facilement laisse induire en erreur ; il n’y a pas un seul journal dont un
abonnement soit payé sur ces fonds, si ce n’est le Messager des arts et des sciences.
L’honorable préopinant regrette l’absence d’un
local pour le musée de l’Etat ; je voudrais aussi qu’il en existât un ;
cependant ce n’est pas la dépense la plus urgente en ce moment, parce que nous
ne possédons pas assez de tableaux pour garnir les salles du musée, si nous en
avions un.
En vérité, je crois que tôt ou tard il faudra
allouer des fonds pour l’acquisition d’un bâtiment dans lequel nous puissions
disposer tous les objets d’art. (La
clôture ! la clôture !)
M. Dumortier. -
Puisqu’on demande la clôture, je ne parlerai pas ; je vais seulement faire une
observation sur ce qu’a dit un honorable membre, que j’avais répété son
discours. Je n’ai rappelé que ce que j’ai dit il y a deux mois. Ainsi, si
quelqu’un a été plagiaire, ce n’est pas moi.
M. Gendebien. -
Je demande la parole pour un fait personnel. M. Dumortier, ayant fait un
reproche de plagiat en indiquant de la main le côté où je siège, je puis croire
que c’est à moi qu’il l’adressait. Je crois devoir donner un mot d’explication.
En parlant de ce que j’ai dit il y a un an, je n’ai
pas eu la prétention ridicule d’accuser quelqu’un de plagiat. Je n’attache pas
à mes paroles assez d’importance pour croire qu’elles puissent être retenues et
faire l’objet d’un plagiat. J’ai voulu seulement motiver mon abstention dans la
discussion sur ce que j’avais développé mon opinion il y a un an et sur ce que
les honorables membres qui avaient pris part à la discussion d’aujourd’hui,
n’avaient fait que répéter ce qui avait été dit alors.
Je dois aussi un mot de réponse à un autre
honorable membre qui a dit qu’il n’y avait pas un tableau de grand maître à la
dernière exposition. Il y en avait cependant, il y avait celui de Verboeckoven et ce tableau seul suffirait pour immortaliser
un homme, n’eût-il fait que celui-là.
M. Rogier. - Ce
n’est pas un tableau d’histoire.
M.
Gendebien. - Personne n’a dit que par tableaux de grands maîtres il
n’entendait que des tableaux d’histoire. Et pour ma part, en disant que le
gouvernement devait acheter des tableaux de grands maîtres, je n’ai pas voulu
désigner le genre.
Je sais que M. Rogier était très restreint. Mais je
répète que je suis comme l’année dernière d’avis qu’on a mal employé les fonds.
Car je ne veux pas qu’on achète de mauvais tableaux pour les provinces plutôt
que pour la capitale.
L’honorable M. Rogier vous a dit que les peintres
refusaient des encouragements en argent ; quant à cela, je regrette que leur
amour-propre les ait empêchés de les recevoir.
M.
Rogier. - J’ai dit qu’il n’y avait que très peu de tableaux de grands
maîtres et non qu’il n’y en avait pas du tout ; et j’ai fait observer que la
somme de 14,000 fr. n’aurait pas suffi pour en acheter.
J’avais entendu parler de tableaux d’histoire. Et
quant au tableau de Verboeckoven, il avait été
acheté, je crois, avant d’entrer au musée. (Non
! non !)
Ce tableau a été l’objet de mon admiration, et
je crois que l’artiste a reçu la
récompense qu’il méritait pour ce tableau que le gouvernement n’a pas pu
acquérir.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. -
M. Vilain XIIII, à qui M. Dechamps s’est rallié, propose le chiffre de 125
mille francs. M. le ministre propose 105 mille francs et la section centrale 95
mille.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois avoir suffisamment déclaré
dans la discussion que la somme de 125 mille francs était nécessaire si on
voulait donner un encouragement spécial à la gravure, et par conséquent que je
me ralliais à cette proposition.
- Le chiffre de 125 mille francs pour le littera A
est mis voix et adopté.
- La séance est levée à 5 heures.