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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 15 mars 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à la construction d’une
route par l’Etat (Berger)
2) Projet
de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec le Brésil
3) Projet
de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1836.
Discussion des articles.
a)
Travaux publics (A : organisation des ministères et nécessité de scinder
le département de l’intérieur ; B : abus dans l’adjudication des
marchés publics ; C : construction et administration du chemin de
fer ; D : ingénieurs du corps des ponts et chaussées) (A, B (Jullien, de Theux, Jullien), C, D (Devaux), A, B, C,
expropriation forcée (Gendebien), A, B (de Muelenaere), B, D, C (de Theux),
C (A. Rodenbach), A, B, C (Gendebien),
A, C (de Theux), B (Desmet, Jullien)
b)
Politique commerciale du gouvernement (A : Encouragement à l’industrie (et
notamment à l’innovation technologique) ; B : transit) (A (Manilius, Smits), A, B (Rogier), B (Desmaisières), A (de Theux, Manilius, Coghen, Manilius), primes pour la
construction de navires, pêche nationale (Smits, Legrelle, de
Theux), écoles vétérinaires de Bruxelles et/ou de Liége (de
Behr, Desmanet de Biesme, de
Theux, Bosquet, Pollénus, Coghen, Bosquet)
4)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Budget du département des
finances pour 1836 (d’Huart, Dumortier)
(Moniteur
belge n°76, du 16 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à une heure.
M. Dechamps donne
lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants du canton de Mersch demandent
la prompte exécution de la route vicinale de première classe d’Arlon à Saeulbroeck et Mersch. »
________________
« Le sieur Fontenelle (Augustin), ne à
Solre-le-Château (France), habitant
________________
« Le
sieur St-Aubin (J. de), né à Berlaimont (France), habitant
________________
M. Berger. -
Messieurs, parmi les pétitions dont on vient de vous faire l’analyse, il en est
une signée par un grand nombre d’habitants du canton de Mersch (province de
Luxembourg) qui demandent un subside pour la construction d’une route ; je prie
la chambre de renvoyer cette requête à M. le ministre de l’intérieur : il
s’agit d’un objet urgent, et il est à prévoir que si la pétition était renvoyée
à la commission des pétitions, il ne pourrait plus y être fait droit cette
année.
C’est maintenant le moment de commencer les
travaux, et la commission ne fera probablement plus de rapport avant le mois de
juin ou de juillet, de manière que si la requête devait être soumise à son examen,
les pétitionnaires ne devraient point s’attendre à obtenir le but qu’ils se
sont proposé.
- La proposition de M. Berger est adoptée ; en
conséquence la pétition est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
_______________
Les autres pétitions, qui ont pour objet des
demandes en naturalisation, sont renvoyées à M. le ministre de la justice,
conformément aux antécédents de la chambre.
_______________
M. le baron de Reiffenberg
fait hommage à la chambre du premier volume de la collection des monuments inédits
de l’histoire de
- Dépôt à la bibliothèque.
PROJET DE LOI APPROUVANT LE
TRAITE DE COMMERCE ET DE NAVIGATION CONCLU AVEC LE BRESIL
M. Pollénus, rapporteur
de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi ayant
pour objet de faire ressortir ses effets au traité conclu avec le Brésil,
dépose son rapport sur ce projet.
- La chambre en ordonne l’impression et la
distribution, et fixe la discussion du projet après le premier vote du budget de
l’intérieur.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1836
Discussion des articles
Chapitre IX. - Travaux
publics
Article 8
M. le président. - La
discussion continue sur l’article 7 (Personnel des travaux publics) du chapitre
IX, qui, par suite de l’introduction d’un article nouveau, est destiné à former
l’art. 8.
M. Jullien. -
Messieurs, grâce à la fatigue de la chambre, la discussion du budget qui nous
occupe a marché, jusqu’à présent, assez vite pour qu’on puisse se permettre un
temps d’arrêt sur le chapitre IX relatif aux travaux publics, et qui est
peut-être le plus important de tout le budget du département de l’intérieur.
Je crois aussi qu’il est temps d’introduire dans
une branche si importante de l’administration publique quelques améliorations,
de réformer quelques abus qui, à mon avis, sont patents. Je commence par
déclarer que j. partage entièrement l’avis d’un honorable préopinant sur
l’accaparement des attributions du ministère de l’intérieur.
Lorsqu’on fait, en effet, le relevé de tous les
travaux dont cette administration est chargée, on peut aisément se convaincre
qu’il est impossible au ministre, quelle que soit la capacité, le zèle, la
bonne volonté que je me plais à lui reconnaître, de tout examiner par lui-même
; quelque grand Atlas qu’il soit, on ne peut voir sans peine qu’il est
au-dessus de ses forces de supporter le fardeau de toute l’administration de
l’intérieur.
D’abord les réclamations qui aboutissaient
anciennement au conseil d’Etat, lequel n’existe plus, aboutissent maintenant au
département de l’intérieur, où elles vont s’ensevelir dans les cartons de tel
ou tel chef de division chargé d’en prendre connaissance ; et des affaires
simples, qui demanderaient un ou deux jours de travail, restent deux ou trois
ans dans les bureaux sans en sortir. Je pourrais citer des exemples à l’appui
de ce que j’avance ; mais je crois pouvoir m’en dispenser et me borner à vous
dire que les choses se passent ainsi.
L’honorable préopinant, qui s’est plaint également
des retards qu’éprouvent beaucoup d’affaires, par suite de l’accaparement
d’attributions que je signale, a probablement parlé aussi d’après des faits qui
fussent à sa connaissance. C’est là, messieurs, un des plus grands
inconvénients de cette centralisation si préconisée dans cette chambre, Je veux
bien aussi de la centralisation, mais je voudrais qu’elle fût réglée de manière
que la vie administrative pût arriver du centre aux extrémités ; mais avec la
centralisation, telle qu’elle est, il n’y a plus vie maintenant dans
l’administration ; il y a mort dans les affaires.
Qu’on ne s’y trompe pas, lorsque, dans les
provinces, on doit attendre, pendant deux ou trois ans, une réparation urgente,
par exemple, il est certain que cela fait la plus mauvaise impression, de
quelques grandes affaires qu’on puisse s’occuper dans les bureaux du ministère,
parce que les populations ne s’inquiètent guère des occupations de
l’administration ; elles ne s’occupent que de leurs besoins. Les administrés
demandent de la célérité et de l’exactitude dans l’expédition de leurs
affaires.
Il me semble aussi qu’il y a au département de
l’intérieur une sorte de pêle-mêle, une espèce de confusion qui nuit
nécessairement à la bonne administration. Par exemple, c’est un seul employé
qui doit diriger les bureaux des cultes et des beaux-arts ; je suis bien
persuadé que les cultes n’y perdent rien ; mais je dois avouer que dans mon
opinion, les beaux-arts n’y gagnent pas, et il me semble que ce sont deux
choses qui devraient plutôt être divisées que réunies dans l’intérêt même de
l’administration.
Je demanderai encore pourquoi un seul ministre est
chargé pour ainsi dire de toute la besogne du royaume, tandis que d’autres
n’ont presque rien à faire. Il y a, par exemple, un membre du cabinet dont le
département se compose de deux petites sinécures, la marine et les affaires
étrangères. Ne serait-il pas beaucoup plus convenable, lorsque la diplomatie et
la marine sont dans un calme si partait, calme dans lequel elles resteront
encore longtemps sans doute, de donner quelque aliment à l’activité de
l’honorable ministre de ce département et de ses subordonnés ? Ne pourrait-on
pas réaliser l’idée de l’honorable préopinant auquel j’ai fait allusion, en
détachant quelques attributions du ministère de l’intérieur pour les donner à
celui des affaires étrangères et de la marine, pour que le chef de ce
département puisse du moins occuper ses commis et mettre leurs talents à
contribution ? Il y a injustice à ce que tout le travail soit d’un côté et que
de l’autre il n’y ait rien à faire.
Il y a messieurs, une autre observation dont j’ai
également pris note, car mes idées, sur le sujet qui nous occupe, se sont tout
à fait rencontrées avec celles de l’orateur dont j’ai déjà parlé plusieurs
fois. Je ne sais pas pourquoi l’on ne rend pas au ministre de la justice
l’administration de la sûreté publique. Il est bien vrai que quand cet
honorable ministre est entré en fonctions, il avait des raisons personnelles
pour se débarrasser de cette partie des attributions de son département ; mais
depuis que la loi sur les étrangers a été portée, ces raisons n’existent plus.
Je ne vois donc pas de motifs pour ne pas faire rentrer
la police dans les attributions du ministère de la justice, où elle serait
beaucoup plus convenablement placée que dans celle du département de
l’intérieur, lequel, encore une fois, est déjà trop chargé.
Je livre ces réflexions à la sagesse du gouvernement,
persuadé que si nous ne devons pas faire de l’administration dans cette
enceinte, du moins les conseils qui viennent de la chambre sont de nature à
faire impression sur le ministère.
Je signalerai maintenant un abus qui se commet dans
l’adjudication des travaux publics, et qui est désastreux pour le trésor ainsi
que pour la bonne exécution des travaux eux-mêmes. Il y a deux ans, j’ai
soulevé la question dont je vais vous entretenir en présence de M. Teichman, qui était alors notre collègue. Il a été démontré
en cette occasion qu’il était urgent de faire cesser l’abus en question. Je
veux parler de l’obligation imposée par le cahier des charges aux
adjudicataires de produire un certificat de capacité ; ainsi, chaque fois
qu’une adjudication a lieu, il faut, pour être reçu, que l’adjudicataire soit
muni d’un certificat constatant qu’il possède les connaissances nécessaires
pour exécuter les travaux qu’il veut entreprendre : s’agit-il, par exemple, de
paver une route, de construire un pont ; eh bien, celui qui veut devenir
adjudicataire doit commencer par prouver qu’il est capable de faire ces
ouvrages. Il me semble que ce système est directement opposé au principe de
l’adjudication publique ; car, quel est le but que l’on veut atteindre par ce
mode d’adjudication, si ce n’est d’établir la concurrence, afin d’obtenir au
plus bas prix possible l’exécution des travaux adjugés ? Or, pour atteindre ce
but, il faut faire un appel, non seulement à l’industrie, mats aussi aux
capitaux, puisque ce n’est qu’au moyen des capitaux qu’on peut exécuter des
travaux de quelque importance. Ce n’est, en effet, que quand les capitaux se
remuent qu’on voit faire de ces grandes entreprises qui font la gloire et la
prospérité des Etats. La disposition des cahiers des charges, dont il s’agit
éloigne donc la concurrence ; car du moment qu’on ne peut plus être
adjudicataire de travaux publics qu’au moyen d’un certificat de capacité, peu
d’hommes pourront le devenir ; il n’est pas si facile de rencontrer des
entrepreneurs qui possèdent à la fois et une grande fortune et les
connaissances exigées par les cahiers des charges.
Un homme peut fort bien avoir quatre ou cinq cent
mille francs et ne pas être bien versé dans la science des constructions ; mais
il ne sera pas embarrassé de trouver des gens très capables de diriger les
ouvrages qu’il aura entrepris. C’est donc une véritable absurdité d’exiger un
certificat de capacité d’un homme qui veut se rendre adjudicataire de travaux
publics. Et lorsqu’il s’agit d’ouvrages considérables, de constructions de
différentes espèces, d’un ensemble de travaux dont les plans aient été conçus
par le génie, faut-il alors que l’exécution ne puisse en être confiée qu’à un
ingénieur ?
Si c’est un pont qu’il y a à faire, il ne faut
qu’un maçon ou un forgeron ; il ne faut qu’un paveur s’il s’agit d’une chaussée
à construire.
Vous voyez donc, sous tous ces rapports, que c’est
contre le but des adjudications publiques et contre les intérêts du trésor que
l’on vient créer des adjudicataires privilégiés.
Qu’arrive-t-il de là ? Il arrive par le fait de
cette étrange condition que dans telle ou telle province le métier
d’entrepreneur est comme un monopole. Il n’est possible qu’à MM. tels et tels
d’être entrepreneurs. Tous les autres sont impitoyablement écartés, parce
qu’ils n’ont pas le bonheur d’obtenir un certificat de capacité. Il en résulte
aussi quelquefois des suppositions injurieuses pour les agents de l’autorité.
C’est ce qu’il faut éviter ; car il ne faut pas que l’on puisse soupçonner un
corps aussi respectable que celui des ponts et chaussées de collusion avec les
entrepreneurs.
Le fait est que tous ceux qui sont écartés au moyen
de certificats de capacité pensent (surtout lorsque les faits viennent à
l’appui de cette opinion) qu’ils sont victimes de l’intrigue, et que l’intrigue
leur a enlevé une entreprise dans laquelle ils auraient fourni à meilleur
compte ce que demande le gouvernement.
Je ne me rappelle pas très bien ce que répondit
l’honorable M. Teichman aux observations qui ont été
faites de ce chef, et qui sont en substance celles que j’ai eu l’honneur de
présenter.
Mais il me semble qu’il est convenu qu’il aurait
mieux valu et qu’il vaudrait mieux pour le système des adjudications publiques
faire disparaître tout à fait cette condition.
Je viens maintenant aussi à une observation qui a
déjà été faite et qui concerne le chemin de ter.
D’abord je demanderai pourquoi ce chemin qui va de
Bruxelles à Anvers et qui devait être fait en 6 mois, pourquoi, dis-je, il
n’est pas encore terminé ? On l’a promis depuis quelque temps pour le 1er avril
; je ne sais si ce n’est pas une mauvaise plaisanterie (On rit.) Mais le fait est que l’on craint de ne pas voir terminée
pour cette époque cette communication vivement désirée pour les voyageurs et
pour le commerce. Je désire que ces craintes ne soient pas fondées. Je me borne
à les exprimer à la chambre.
Lorsqu’il s’est agi de chemins de fer (la chambre
s’en souviendra, et surtout les députés des Flandres), nous avons voulu, sur
ces bancs, les chemins de fer, mais non pas le monopole du gouvernement ; nous
avons voulu que les chemins de fer fussent livrés à la concurrence. A cette
époque on nous a promis que la construction du chemin de fer d’Ostende à
Bruxelles commencerait, sinon instantanément, et, moins à une époque très
rapprochée, et que la construction d’un chemin de fer dans les Flandres, aurait
lieu en même temps que la construction du chemin de fer de Bruxelles à Anvers.
Eh bien, il paraît que rien ne se fait dans les provinces des Flandres ; ou si
l’on a fait quelque chose, on s’est borné à de simples démonstrations. Mais
jusqu’à présent on ne peut avoir la confiance que sérieusement le gouvernement
veuille que le chemin s’exécute aussi bien sur cette ligne que sur les autres.
Vous voyez comme se justifient toutes nos
prévisions sur le monopole. Si les chemins de fer avaient été abandonnés à la
concession, je suis convaincu qu’il se serait toujours présenté des capitaux à
faire valoir. On aurait exécuté ainsi les promesses que le gouvernement avait
faites et qu’il n’a pas tenues. Au lieu de cela, nous avons eu un monopole
toujours paresseux, parce que tout ce qui est privilégié fait ce qu’il veut et
est par suite nécessairement paresseux ; heureux encore quand il n’est pas
insolent. Voila ce qu’est ordinairement le monopole.
Un abus, signalé par l’honorable député de Namur,
et sur lequel je reviens aussi, parce que la chambre ne peut y donner trop son
attention, c’est que, dans ce moment, non content d’avoir le monopole pour le
gouvernement, on veut l’avoir pour le ministre lui-même. Voilà ce que c’est que
le monopole : quand on y prend goût, il va bientôt plus loin qu’il ne doit
aller. On avait demandé le monopole pour le gouvernement ; il y a monopole pour
le ministre de l’intérieur.
C’est lui qui nomme tous les agents et receveurs du
chemin de fer, qui en dirige la comptabilité. Mais c’est là du désordre. Si
vous voulez des receveurs des revenus publics, prenez-en au département des
finances ; vous avez à ce département plus d’employés qu’on ne peut en occuper,
vous avez une multitude d’employés, comme ceux qui appartiennent au cadastre,
qui n’ont pas trouvé à se caser au département des finances. Le ministre des
finances a un personnel disponible tel qu’il a été obligé de prendre un
forestier pour en faire un receveur de l’enregistrement. (On rit.) Je ne veux pas en faire un reproche à l’honorable ministre
des finances. C’est une nécessité de position. Mais le fait est que vous avez
pu le voir comme moi dans le Moniteur.
Nous avons vu le ministre de l’intérieur, pour
conserver le monopole, nommer à toute espèce d’emplois, nommer des directeurs,
des surveillants, des receveurs. Savez-vous ce qui résultera de là, lorsqu’on
sera obligé de laisser les chemins de fer aux concessionnaires (car je ne pense
pas que le gouvernement veuille retenir continuellement le monopole) ? Vous
aurez une multitude d’employés encore une fois sans place. Ils viendront vous
demander des indemnités ou des places dans l’administration des finances. Si
vous leur donnez des places, ceux qui sont depuis 20 ans dans l’administration,
verront leur carrière fermée par ces nouveaux venus dont l’emploi a été créé
par le ministre de l’intérieur, à l’occasion du chemin de fer. Cela ressemble
beaucoup à du désordre.
Je voudrais que l’honorable ministre de l’intérieur
nous éclairât un peu sur les conséquences qu’il prévoit de ce système ; car,
quant à moi, je n’y vois rien de bon.
Je termine là ces
observations générales.
Il en sera de ces observations comme de celles que
nous faisons chaque année. Voici du moins quant à moi 4 ou 3 ans que cela
m’arrive ; nous faisons des observations, pour améliorer la marche de
l’administration ; tous les ans on nous fait des promesses, et c’est toujours
en vain que ces promesses nous sont faites. (On rit.)
Je ne sais pas s’il en sera ainsi de ces
observations. Je désire qu’il en soit autrement.
Quant à l’abus que j’ai signalé relativement aux
certificats de capacité, je provoquerai une explication précise de la part de
M. le ministre de l’intérieur, ou bien la question sera soumise à la chambre,
parce que j’en ferai l’objet d’une proposition formelle.
Si M. le ministre veut bien déclarer qu’il renonce
à l’insertion de cette condition dans les cahiers des charges et conditions des
travaux publics, je m’abstiendrai de faire une proposition, parce que je m’en
rapporte à la promesse qu’il ferait à la chambre. Mais s’il ne fait pas cette
déclaration, je ferai une proposition transitoire qui obligera (si elle est
adoptée par la chambre) pour les travaux pour lesquels le budget dont nous nous
occupons fera les fonds.
C’est une explication que j’attends de M. le
ministre de l’intérieur.
J’ai dit.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne répéterai pas ce que j’ai dit sur
les attributions du ministère de l’intérieur, sur lesquelles l’honorable
préopinant vient d’émettre de nouvelles considérations. Je dirai seulement que
si, d’une part, il y a avantage à soulager cette branche de l’administration,
d’autre part il peut n’être pas sans inconvénients d’en détacher des parties
qui s’allieraient moins bien à d’autres ministères.
Sous ce rapport, il pourrait en résulter une
complication et des entraves pour la marche de l’administration.
Mais ce qui absorbe le plus de temps, c’est, comme
l’a fait remarquer un honorable préopinant, la multitude des projets de loi qui
ont été présentés et dont nous avons eu à soutenir la discussion. Il est à
espérer que, lorsque l’organisation sera plus avancée, au moins cette tâche
deviendra moins pénible.
L’honorable préopinant a parlé de la lenteur qui se
ferait remarquer dans un certain nombre de décisions émanant du ministère de
l’intérieur. Je ne dirai pas que jamais il n’y a de lenteur. Car, dans quelque
administration que ce soit, administration publique ou privée, de temps en
temps il arrive des circonstances qui font retarder la décision d’une affaire.
Pour peu que l’on ait vécu, c’est là une vérité incontestable pour tout le
monde, et qui se manifeste dans quelque administration, publique ou privée, que
ce soit.
Sous ce rapport, je me garderai bien de soutenir
que jamais il n’y a de lenteurs à reprocher au ministère de l’intérieur. Mais
je dirai que ces cas sont infiniment rares.
Dans un entretien que j’ai eu hier avec l’honorable
préopinant, il me citait une affaire qu’il disait être en retard depuis 2 ou 3
ans. Vérification faite, il s’est trouvé que cette affaire (une contestation
entre la régence de Bruges et la députation des états) avait été soumise au
ministère seulement au mois de juin dernier, que le dernier avis avait été reçu
au mois de septembre, et qu’enfin cette affaire, assez compliquée a été décidée
an mois de janvier dernier. Voici cependant une affaire que le préopinant
signalait comme singulièrement arriérée. Je conviens que cette affaire aurait
pu être décidée plus tôt, comme régulièrement les affaires le sont. Mais on ne
trouvera pas qu’un retard de deux ou trois mois soit considérable quand il
s’agit d’une affaire compliquée et déjà ancienne dans l’administration.
A cette occasion, je me rappelle avoir eu à
prononcer sur plusieurs affaires, dont l’instruction avait été commencée sous
le gouvernement précédent, affaires dont le conseil d’Etat était saisi depuis
plus de sept ans, et qui se sont trouvées sans solution à l’époque de la
révolution.
Ainsi, lorsque l’on voit un retard aussi
considérable sous le gouvernement qui avait une organisation administrative
extrêmement complète, puisqu’il y avait un conseil d’Etat, huit administrateurs
au ministère de l’intérieur et un grand nombre d’employés de tout grade ; en
établissant une comparaison entre la marche actuelle de l’administration et
celle de l’administration sous le gouvernement précédent, l’on est loin d’être
fondé à adresser au département de l’intérieur les reproches qu’on lui fait.
Le même orateur a parle d’un pêle-mêle, d’une
confusion étrange à l’occasion de la réunion de l’administration des cultes et
des beaux-arts.
Ces deux branches d’administration ont cependant
une liaison très intime entre elles. C’est ainsi que cela a été apprécié dans
d’autres pays. En Prusse, les cultes, les beaux-arts et l’instruction publique
sont sous une même administration. Nous avons beaucoup d’exemples de cette
réunion. Je le crois, moi, plus utile que nuisible.
L’honorable préopinant se plaint de l’insertion
d’une clause dans le cahier des charges qui réserve au ministre de l’intérieur
le refus de confirmer les résultats de l’adjudication s’il trouve que
l’adjudication ne présente pas toutes les garanties de capacité désirables.
L’honorable membre pensait avoir convaincu l’inspecteur-général des ponts et
chaussées dans une discussion qui a eu lieu dans cette enceinte. Il a été
cependant loin de convaincre l’administration des ponts et chaussées à cet
égard. Car constamment les membres de cette administration insistent sur le
maintien de cette clause.
Elle est réellement essentielle. En effet, ce n’est
pas seulement le bas prix de l’adjudication, mais le soin de son exécution
qu’il faut considérer.
Il arrive que certains travaux par leur spécialité
exigent des connaissances particulières que ne réunit pas l’adjudicataire qui
s’est présenté. Il n’y aurait aucun avantage à accepter l’adjudication la plus
basse. On ne ferait que nuire aux travaux ainsi exécutés.
Je dirai d’abord que l’on n’abuse pas de cette
faculté ; je ne me suis pas encore trouvé dans la nécessité de refuser un seul
adjudicataire.
Sous ce rapport, je ne refuserai jamais qu’avec une
extrême circonspection mon approbation à une adjudication. Je serai toujours
porté à prendre en considération l’enchère la moins élevée.
L’honorable membre a parlé de grandes et subites
fortunes que l’on remarquait dans l’administration des ponts et chaussées.
Plusieurs
membres. - M. Jullien n’a parlé que des entrepreneurs.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Sans cela, j’aurai été obligé de
déclarer que ces grandes et subites fortunes m’étaient inconnues ; que
quelquefois l’on croyait voir une fortune là où il n’y avait qu’une médiocre
aisance, fruits de longs et pénibles travaux.
L’honorable membre a également porté ses
investigations sur le chemin de fer. En ce qui concerne la section de Malines à
Anvers, on espérait un moindre délai. Il a été impossible d’obtenir
l’achèvement des travaux jusqu’à présent. D’après les derniers renseignements
qui me sont parvenus, j’ai tout lieu de croire que le mois d’avril ne se
passera pas avant que cette section ne soit livrée à la circulation publique.
La section de
Mais, messieurs, le gouvernement est loin
d’abandonner cette dernière partie du chemin de fer. La section de Malines à
Termonde est très avancée ; celle de Termonde à Gand va être commencée.
Les plans de la section de Gand à Ostende sont
achevés. Les ingénieurs s’occupent du rapport qu’ils ont à me présenter sur
l’exécution de cette partie du chemin.
A cette occasion je dirai qu’il en est de même des
plans de la section de Liége à la frontière de l’Allemagne qui sont également
achevés. Sous peu de jours le rapport pour l’exécution de cette dernière
section me sera également communiqué.
Toutes les études préliminaires seront achevées.
Alors les travaux recevront une impulsion plus active.
M. A. Rodenbach.
- C’est nécessaire.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’on a établi une comparaison entre les
travaux exécutés par l’intérêt privé et ceux exécutés aux frais de l’Etat. Il
est beaucoup de travaux exécutés par l’intérêt privé qui sont très loin d’être
poussés avec l’activité que l’honorable membre croit qu’ils reçoivent toujours.
Je pourrais citer le chemin du haut et du bas
Flénu, dont l’exécution a nécessité plusieurs années, et qui était cependant de
peu d’importance si on le compare à celui décrété par la loi du 1er mai.
Le monopole du gouvernement, dit l’honorable
préopinant, s’étend de jour en jour davantage. Le gouvernement y prend goût
tout particulier. C’est encore une erreur de fait. Quand il s’est agi de la loi
des péages, nous avons assez montré que nous ne sommes pas partisans exclusifs
des travaux exécutés à la charge de l’Etat, en demandant pour le gouvernement
la faculté illimitée d’accorder des concessions.
En ce qui concerne les nominations d’employés pour
la surveillance et exploitation du chemin de fer, nous sommes loin de
considérer ces nominations comme un avantage pour l’administration. On sait à
combien de sollicitations et de démarches donnent lieu les emplois publics.
C’est la partie de l’administration la plus pénible et la plus désagréable.
L’on ne nous verra jamais portés à porter le système de nominations à l’excès.
L’honorable préopinant a encore
pensé que l’on a nommé un grand nombre d’employés ; il a dit que l’on aurait dû
s’entendre avec le département des finances. C’est également une erreur de
fait. Il n’y a encore pour l’exploitation du chemin de fer qu’un contrôleur et
trois receveurs ; ce sont des emplois très peu rétribués.
Du reste, quand l’exploitation du chemin de fer
recevra plus d’extension, s’il est des employés anciens à placer, ils auront
toujours la préférence sur d’autres qui n’auraient pas de titres.
L’honorable préopinant pense que les employés
actuels des chemins de fer seront un jour mis subitement sur le pavé. C’est
encore là une erreur. Si même le gouvernement concédait l’exploitation des
parties achevées du chemin de fer, ce qui, dans mon opinion, est loin d’être décidé,
les concessionnaires conserveraient les employés qu’ils trouveraient,
puisqu’ils auraient une expérience acquise.
C’est ainsi que nous en avons agi lorsque nous
avons fait l’acquisition des travaux de
Tout ce qu’on a dit sur le grand nombre d’employés
est donc dénué de fondement. C’est l’expérience qui doit nous guider, quant à
la cession définitive d’une partie de l’exploitation. Nous n’avons aucun
exemple à prendre chez les Etats voisins. L’exploitation du chemin de fer n’est
séparée, dans aucun pays, de la confection même des travaux.
Du reste, si l’expérience démontrait que
l’exploitation peut être entièrement séparée et livrée à la concurrence, nous
serions charmés de ce résultat, nous serions les premiers à provoquer la mise
en concession.
M. Jullien. - Je
ne reviendrai pas sur les retards que j’ai signalés dans l’expédition des
affaires au département de l’intérieur ; il est à ma connaissance des faits que
j’aurais pu citer, quelques circonstances que j’aurais pu produire. Mais je
vous avoue que ce terrain ne me convient nullement. Ces faits, j’aime mieux les
communiquer à M. le ministre de l’intérieur lui-même que d’en faire l’objet d’un
débat public, parce que je ne pourrais les dépouiller de ce qu’ils ont de
personnel.
Je soutiens toujours que dans la division des
travaux publics il n’y a pas assez d’employés pour les affaires dont cette
division est chargée, du moins si je conçois ce travail comme il se présente,
d’après toutes les difficultés que doivent éprouver les personnes qui
s’occupent de travaux publics.
Si j’insiste, messieurs, c’est particulièrement sur
les certificats de capacité. Vous venez d’entendre M. le ministre de l’intérieur
dire que l’on ne pouvait se désister de cette clause qui exige de la part de
l’entrepreneur des qualités personnelles pour répondre de la bonne exécution
des travaux. Ces qualités personnelles, c’est tout uniment un certificat de
capacité. Car je ne comprends pas les qualités personnelles en fait de travaux
publics, si ce n’est la capacité d’exécuter ces travaux.
C’est un principe faux, contraire au principe de la
concurrence. Les qualités personnelles dans un entrepreneur, ce doit être son
argent, sa solvabilité.
Quand vous avez la faculté
d’exiger des cautions solvables, que vous faites un appel aux capitaux,
admettez tous les capitalistes. Peu importe que l’entrepreneur sache ou non
faire exécuter les travaux. Son cautionnement, sa solvabilité répond de
l’exécution de l’entreprise. Le capitaliste, pour faire valoir ses fonds, ne
manquera pas de charger des hommes capables d’exécuter les travaux. C’est ainsi
qu’on agit en Angleterre et partout. Là il paraîtrait absurde d’exiger de
pareilles conditions de la part d’un entrepreneur, surtout dans une grande
entreprise. S’il s’agissait d’un misérable pont dans une commune rurale,
peut-être pourrait-on exiger que l’entrepreneur prouvât sa capacité. Et encore
ce serait contraire au principe.
Mais vouloir que, dans une grande entreprise,
l’adjudicataire fournisse un certificat de capacité, c’est un abus criant qui
conduit, comme je le disais, au monopole.
Je n’ai pas dit que des fortunes rapides aient été
faites par des ingénieurs ou des employés du gouvernement, mais j’ai dit que si
l’on cherchait le secret de la fortune rapide de certains entrepreneurs, elle
pourrait donner lieu à des suppositions injurieuses pour les agents du trésor
public. Voilà comme j’ai expliqué ma pensée.
Ainsi, puisque le ministre de l’intérieur déclare
ne pas pouvoir se désister de cette condition, je vais en faire l’objet d’une
disposition formelle.
M. Devaux. -
Messieurs, comme je ne veux pas prolonger la discussion, je me bornerai à
quelques observations sur la partie du budget qui nous occupe en ce moment, le
traitement des ingénieurs.
Mais d’abord je dois un mot de réponse à ce qu’a
dit M. Jullien sur le chemin de fer.
Je crois, messieurs, qu’il y a eu peut-être quelque
lenteur dans les travaux ; mais je pense que la rapidité du travail l’emporte
encore beaucoup sur celle des travaux concédés ; et à cet égard l’exemple cité
par M. le ministre de l'intérieur me paraît des plus concluants.
Le chemin du haut et bas Flénu qui vient d’être
inauguré a été concédé, je pense, il y a 2 ou 3 ans ; or, ce chemin n’a pas ou
n’a guère que la même étendue que celui de Bruxelles à Malines qui a été
exécuté en un an.
Remarquez qu’en même temps qu’on exécute le chemin
de Bruxelles à Malines, il faut préparer les autres sections, de sorte que le
travail est bien plus compliqué.
Cet exemple prouve, si je ne me trompe, que la
concession n’offre pas un grand avantage, mais, au contraire, un désavantage
pour la rapidité de l’exécution des travaux.
On a parlé de la section de Gand à Ostende ; quant
à moi, je n’ai pas d’inquiétude sur cette section. Je crois qu’à mesure que
nous avancerons dans les travaux du chemin de fer, on sera d’autant plus
convaincu de l’excellence du mode suivi pour l’exécution des travaux et de
celui que l’on suit pour l’exploitation.
Quand les travaux du chemin de fer seront
entièrement achevés, on regrettera plutôt d’y avoir donné trop peu d’étendue
que d’avoir trop fait.
Toutefois, je dois dire que j’ai vu avec peine que,
dans une pièce insérée au Moniteur
l’année dernière, la section de Gand à Ostende n’était mentionnée nulle part
comme rentrant dans les attributions de l’un ou de l’autre des deux ingénieurs.
Ceci, je pense, n’est qu’un oubli ; il eût été
convenable cependant de ne pas oublier que cette section fait partie de la loi.
S’il arrivait que les deux ingénieurs fussent trop
surchargés, rien ne serait plus simple que de confier l’exécution des travaux
de cette partie de la route au génie de la province.
Les travaux dans notre province sont extrêmement
simples ; le terrain est uni, et, aujourd’hui qu’on a des exemples sous les
yeux, rien ne serait plus facile que de faire exécuter les travaux sous la
conduite du génie des Flandres, si, je le répète, les
ingénieurs-administrateurs étaient aujourd’hui trop surchargés pour en prendre
l’exécution à eux.
Je ne redoute pas le grand nombre d’employés nommes
pour l’exploitation du chemin de fer ; ainsi que l’a dit M. le ministre de
l’intérieur, ce nombre n’est que de trois ou quatre ; et je crois même que ce
sont des employés délégués par le département de l’intérieur, où ils
remplissaient des fonctions dans telle ou telle division.
Dans tous les cas, la question est de savoir si
cette exploitation rapporte.
Personne ne doute qu’elle ne soit profitable, plus
profitable au public que si elle avait été abandonnée à des particuliers.
S’il fallait un exemple, je citerai le chemin de
fer qu’on construit en ce moment entre Paris et St-Germain, qui a la même
étendue que la section de Bruxelles à Malines, et où le public paiera trois
fois plus qu’il ne paie actuellement sur la section de Bruxelles à Malines. Je
remarque en passant que les concessionnaires ont demandé quatre ans pour
l’exécution du chemin de St-Germain.
Je le répète, la question se réduit pour l’Etat à
savoir si le chemin de fer rapporte.
Pour se prononcer définitivement, il faut attendre
l’expérience ; pour moi, les probabilités me paraissent très fortes, que les
chemins de fer rapporteront beaucoup.
Qu’il y ait peu ou beaucoup d’employés, la question
est assez indifférente.
Si les recettes sont favorables, quelle que soit la
dépense, personne ne s’en effraiera. Les compagnies particulières ont un grand
nombre d’employés ; elles les paient beaucoup mieux que l’Etat ; quand ces
sociétés réalisent de grands bénéfices, elles ne se plaignent pas de la
dépense.
Je ne pense pas, messieurs, que le gouvernement
doive renoncer au monopole des chemins de fer ; le monopole du gouvernement
surveillé et contrôlé par les chambres, exercé dans l’intérêt public, présente
bien plus davantage que le monopole des particuliers, libre de toute
surveillance et ne profitant qu’aux propriétaires du monopole.
J’en viens maintenant à l’observation que je
voulais faire sur le personnel attaché à l’administration des travaux publics.
Je crois que le gouvernement devrait s’attacher à
prévenir un abus qui peut avoir des conséquences assez fâcheuses. Le
gouvernement devrait empêcher, selon moi, que les employés de cette partie de
l’administration ne puissent pas exercer les mêmes fonctions au profit de
particuliers.
Je n’entends pas parler ici de ce qui s’est fait
pour la route de Lille à Gand ; le cas ici est différent, car le gouvernement
avait accordé une autorisation à cet effet.
Je voudrais en général qu’un ingénieur de l’Etat ne
pût être l’ingénieur des particuliers, ni intéressé dans des entreprises
particulières.
Lorsque le département de la justice nomme un
procureur du Roi, le chef de ce département ne souffrirait certainement pas
qu’il continuât à être avocat.
Un gouverneur de province
ne peut être intéressé dans aucune entreprise qui intéresse sa province ; un
bourgmestre ne peut non plus prendre part à une entreprise qui intéresse sa
ville, et cela sans des peines graves.
Les mêmes motifs d’incompatibilité existent pour
les ingénieurs et quelque impartialité, quelque moralité que vous leur
supposiez, dans quelle fausse position ne se trouvent pas ces fonctionnaires,
lorsqu’ils sont intéressés dans une entreprise particulière, sur laquelle ils
sont appelés quelquefois à donner leur avis, comme fonctionnaires de l’Etat.
Si ces fonctionnaires portent une partie de leur
temps, je dirai même une partie de leurs idées, au service de particuliers, ce
ne peut être qu’au détriment de l’Etat.
Je crois donc qu’il faudrait empêcher ces abus qui
pourraient donner lieu aux conséquences les plus fâcheuses. Il ne peut y avoir
qu’une opinion à ce sujet. Et s’il y avait une lacune à cet égard dans les
règlements, on devrait la remplir par une mesure administrative.
M. le président. -
M. Jullien a déposé sur le bureau un amendement ainsi conçu :
« Dans toutes les adjudications publiques pour
lesquelles il est accordé des fonds au présent budget, on ne pourra imposer à
l’adjudicataire la condition de produire un certificat de capacité. »
- L’amendement de M. Jullien est appuyé.
M. Gendebien. -
Mon intention n’est pas de continuer la discussion déjà très longue et au moins
très inutile qui a lieu en ce moment relativement aux avantages qui peuvent
résulter de la concession des travaux. Je pense qu’il faut laisser, quant à
présent, cette question de côté, puisque c’est en vertu d’une décision de la
chambre que les travaux s’exécutent maintenant par le gouvernement.
S’il en était autrement, j’aurais à répondre à
quelques-uns des honorables préopinants.
Je me bornerai à renouveler la demande que j’ai
faite chaque année ; j’ai demandé qu’on ôtât au département de certaines
attributions pour les donner au ministère des affaires étrangères.
Je ferai remarquer que le département des affaires
étrangères n’a que peu à faire ; le chef de ce ministère n’en disconviendra pas
; il doit se trouver heureux que la diplomatie reste inactive en ce moment, et
Il y a au ministère des affaires étrangères des
hommes capables, aussi capables que les fonctionnaires de l’intérieur, de
diriger, par exemple, les affaires relatives au commerce et à l’intérieur.
Il me semble qu’en particulier le commerce devrait
former une des attributions du département des affaires étrangères, parce que,
par sa position, ce département est en relation avec tous les points du
continent.
Le commerce est plus en rapport avec l’extérieur
qu’avec l’intérieur, et doit, par conséquent, ressortir plutôt au ministère des
affaires étrangères qu’à celui de l’intérieur.
Je voudrais donc, messieurs, qu’on diminuât les attributions
de ce dernier ministère ; il lui en restera toujours assez pour occuper tous
ses instants, quand ce ne serait que pour faire les nominations de bourgmestre
que la loi a accordées au gouvernement.
Je reviendrai encore sur ce que j’ai dit chaque
année, et plus particulièrement il y a deux ans ; je veux parler de l’abus
contre lequel vient de s’élever l’honorable M. Jullien et relatif à l’exigence
des certificats de capacité.
Quand M. Teichmann faisait partie de la chambre, il
a été obligé de convenir que cette formalité présentait plus d’inconvénients
que d’avantages ; que ce n’était que dans quelques cas que la chose pouvait
être utile : et il a fini par déclarer que le gouvernement aviserait aux moyens
de faire disparaître l’abus que nous signalions.
M. le ministre de l’intérieur a dit que l’exigence
des certificats était indispensable ; il faut, a-t-il dit, une certitude de
capacité ; l’honorable M. Jullien a soutenu le contraire, et je ne sache pas
que M. le ministre ait répondu à ses arguments.
M. le ministre pense ensuite que cette formalité
n’est pas onéreuse car, ajoute-t-il, « je n’ai jamais été dans le cas de
refuser des certificats de capacité. »
Ainsi le ministre doit voir que sa réponse ne
répond à rien. Dès que dans le cahier des charges il insérait une clause
stipulant que, pour être adjudicataire, il fallait produire un certificat de
capacité, il ne doit pas être étonné de n’avoir jamais été dans le cas
d’annuler des adjudications pour défaut de capacité de la part de
l’adjudicataire, parce que chacun était prévenu d’avance qu’il était inutile de
se présenter si on n’était pourvu de certificat de capacité. Toutes les
observations de M. Jullien restent donc debout.
Je pense toujours que l’utilité de ces certificats
de capacité est à démontrer ; et, quant aux inconvénients, il ne faut pas se
dissimuler qu’il en existe. Je suis plus à portée de les connaître que le
ministre. Car quand on se présente chez le ministre c’est pour solliciter, et
le solliciteur est plus disposé à louer qu’à critiquer. Dans ma position, au
contraire, je reçois des plaintes et des critiques plutôt que toute autre
chose. Je pourrais signaler de nombreux abus. Je ne le ferai pas, chacun peut
les comprendre sans que j’aie besoin de les montrer du doigt.
Le ministre vient de reconnaître, par un signe
affirmatif, que le personnel de son département est insuffisant. Je crois
pouvoir dire, sans jeter de blâme sur qui que ce soit, qu’il manque un homme
essentiel au ministère de l’intérieur ; il faudrait à la tête de l’administration
des travaux publics deux hommes dont l’un serait chargé de la correspondance de
l’administration et l’autre aurait à examiner tout ce qui est objet d’art, et
serait en rapport direct avec le ministre. De cette manière, on pourrait
pourvoir à tout. Vous auriez un homme spécial pour tout ce qui est
d’administration, et un homme, également spécial, qui ne serait pas détourné de
l’examen des questions délicates d’art, par des détails d’administration.
Moyennant cette division du travail, tout pourrait marcher avec plus de
rapidité.
Je n’entends, je le répète, faire ici aucune
critique contre les personnes qui composent l’administration des travaux
publics, mais je dis qu’aussi longtemps qu’il n’y aura qu’un seul homme à la
tête de ce service, il ne pourra jamais, quel que soit son zèle, se mettre au
niveau de ses devoirs.
Je prie le ministre de prendre note de mes
observations. Si je me trompe, il n’y donnera pas de suite ; mais si je ne me
trompe pas, je serai bien aise d’avoir contribué à améliorer le service des
travaux publics.
Quant à l’exécution des chemins de fer votés par la
chambre, je conviens que relativement au petit nombre d’ingénieurs chargés du
travail, on y a mis toute l’activité qu’on pouvait exiger de deux hommes. Mais
je crois que si, au lieu de deux hommes affectés spécialement à ces
constructions, on en avait mis quatre ou six, les travaux auraient pu marcher
beaucoup plus vite. Il est impossible que MM. Simons et Deridder
surveillent l’exécution de la route d’Anvers à Malines et préparent en même
temps les travaux de la route de Verviers à Ostende. Il est impossible qu’ils
s’occupent des alignements des travaux et de toutes les opérations
préliminaires de la route d’Ostende à Verviers, et qu’ils dirigent en même
temps avec toute l’activité possible les travaux de la route. Pourquoi ne pas
attacher à ce service d’autres ingénieurs qui seraient chargés des travaux
préparatoires ? Bien que je ne considère pas les constructions de chemins de
fer comme une spécialité telle que deux hommes seulement en Belgique pussent en
diriger l’exécution, je consentirais à ce que MM. Simons et Deridder
fussent chargés de cette besogne ; mais je voudrais que pour le surplus, pour
les travaux préparatoires, ils n’eussent qu’une simple inspection et fussent
déchargés de tout le matériel des opérations.
Si depuis deux ans que nous avons voté la loi
concernant les chemins de fer, on avait employé six ingénieurs au lieu de deux,
on aurait fait trois fois plus de besogne qu’on en a fait.
On a parlé du chemin de fer du Flénu et on a dit
qu’on avait mis bien plus de temps pour le faire que pour celui de Malines. Je
dirai d’abord que les divers embranchements sont plus longs que la section de
Malines à Bruxelles, et ensuite qu’on a rencontré plus de difficultés. Une
observation décisive, c’est qu’il n’y avait pas de loi d’expropriation pour
cause d’utilité publique quand on a commencé le chemin du Flénu, ou du moins
celle qui existait était tellement insuffisante que la chambre a dû en voter
une autre.
D’après l’ancienne loi on pouvait traîner un procès
d’expropriation pendant deux et trois ans, tandis qu’avec la loi nouvelle, une
fois les noms et prénoms des propriétaires parcellaires établis, en 73 ou 74
jours on peut mener une expropriation à fin. A l’époque où cette loi a été
votée, M. Fallon et moi, sans nous entendre, nous avons calculé le nombre de
jours que pourrait durer une action en expropriation qui présenterait tous les
cas possibles ; l’un a trouvé 73 jours, et l’autre 74.
Ce rapprochement a démontré que c’était bien là le
terme véritable. On m’a dit qu’il y avait plus de difficultés pour les
expropriations de la route d’Anvers que pour celles du chemin de Flénu. Mais
pourquoi a-t-on trouvé ces difficultés ? Parce qu’on a mis beaucoup de
négligence dans les plans parcellaires, parce qu’on a mis sous le nom de Jérôme
ce qui appartenait à Pierre ou à Paul. On a été obligé de recommencer des
opérations qui avaient été mal faites. Mais ce sont là des choses que le
législateur ne pouvait pas prévoir.
Quand on fait une loi, on
ne peut pas prévoir les bévues que feront ceux qui doivent l’exécuter. Mais une
fois le propriétaire bien reconnu, avec la loi nouvelle, en 75 ou 74 jours vous
pouvez mener une expropriation à fin, tandis que, pour le chemin du Flénu, il y
a des expropriations qu’on a été obligé d’abandonner après dix-huit mois de
procès, pour les recommencer conformément à la loi nouvelle : voilà des causes
de retard dont il faut tenir compte. Je ne parle pas de ceci pour critiquer ce
qui s’est fait. Je l’ai déjà dit, je pense qu’avec le nombre d’ingénieurs
affecté aux travaux, il était difficile de les conduire avec plus de rapidité.
Je dis : je pense ; car, comme ce n’est pas ma
partie, je ne veux pas porter de jugement. Mais je me plains de ce qu’on dit qu’il
n’y a en Belgique que deux hommes capables de faire des chemins de fer. C’est
faire injure au corps du génie belge qui est justement considéré en Europe, et
dont les sommités, si pas tous les membres, sont sorties de l’école
polytechnique.
Si le ministre voulait employer à la construction
des chemins de fer d’autres ingénieurs que ceux qui y sont affectés, il
pourrait faire marcher la besogne au moins trois fois plus vite.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Muelenaere). - Pour répondre aux observations faites par
l’honorable membre qui le premier a porté la parole dans la séance de ce jour,
je serais obligé d’entrer dans des détails qui ne présenteraient dans cette
circonstance aucun intérêt. Ces observations me prouvent que les attributions
d’un département des affaires étrangères sont généralement peu connues du
public. Quoi qu’il en soit, vous vous rappellerez qu’en 1832, j’ai remis à la
chambre un mémoire où ces attributions étaient détaillées.
Je connais l’organisation des ministères des
affaires étrangères, non seulement dans les grands Etats de l’Europe, mais dans
les pays dont la population et l’importance politique sont beaucoup inférieures
à celles de
Il ne faut pas que l’on pense que le ministère des
affaires étrangères reste entièrement étranger au commerce et à l’industrie. Ce
département n’a jamais refusé son intervention, son concours quand il pouvait
être utile. Tous les renseignements et les documents parvenus au ministère de
l’intérieur, dont quelques-uns ont été rendus publics par la voie de la presse,
dont d’autres ont été communiqués aux chambres de commerce et dont l’utilité
n’a été contestée par personne, avaient été recueillis par nos agents à
l’extérieur et communiqués par mon département à celui de l’intérieur.
Je pense néanmoins qu’il ne suffirait pas de
joindre au département des affaires étrangères un lambeau quelconque des
attributions de l’intérieur, mais qu’il faudrait, pour le mettre à même de
remplir la tâche qu’on lui imposerait, lui déférer toutes les branches qui se
rattachent au commerce et à l’industrie.
Je dois faire observer que c’est là une affaire de
gouvernement en dehors de l’action immédiate des chambres. Elle n’a pas été
perdue de vue, car elle a été l’objet de plusieurs conférences que j’ai eues
avec le ministre de l’intérieur.
En ce qui concerne les
certificats de capacité, dont a parlé un honorable préopinant, je crois qu’il
importe de faire une distinction. Dans certains cas, il n’est peut-être pas
nécessaire de les exiger ; mais dans d’autres cas, quand il s’agit de travaux
spéciaux, je crois qu’il est indispensable d’en imposer la production.
Pour des travaux maritimes, par exemple, il est
absolument nécessaire que les adjudicataires produisent des certificats de
capacité, qu’ils administrent la preuve qu’ils sont capables d’exécuter par
eux-mêmes ou par ceux qu’ils emploient sous leurs ordres, les travaux dont ils
vont être chargés.
La solvabilité de l’entrepreneur ne suffit pas dans
ce cas, il faut encore la certitude que les travaux seront exécutés, et qu’ils
seront exécutés dans un délai fixé ; car, le délai écoulé, il n’est plus temps
de les faire, et il en peut résulter de grandes pertes pour le pays.
En règle générale, je crois qu’il est bon d’exiger
des certificats de capacité ; néanmoins je reconnais que ceux qui ne sont tenus
qu’à présider certaines entreprises peuvent être dispensés d’en présenter.
C’est pour les travaux maritimes qu’on ne peut admettre tout le monde ; la
solvabilité de l’individu qui demande l’entreprise ne suffit pas ici : il faut
rigoureusement s’enquérir s’il est capable du travail ; il faut avoir la
certitude qu’outre les moyens pécuniaires, il peut par lui-même ou par les
hommes qu’il a sous ses ordres faire exécuter les travaux convenablement et en
temps utile.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - En ce qui concerne les certificats de capacité,
je ferai très peu d’observations à l’appui de celles que j’ai déjà présentées.
L’honorable député de Mons pense que beaucoup
d’entrepreneurs ne se présentent pas à raison de ces certificats de capacité
que l’on exige d’eux : je pense que ces certificats ne sont un obstacle pour
personne ; car il n’est pas déterminé de quelle manière ils doivent être
produits : le ministre est juge de la capacité de celui qui se présente pour
exécuter un travail ; on ne repousse pas les entrepreneurs dont la capacité est
reconnue, est notoire.
Dans tous les cas le gouvernement doit se réserver
les adjudications ; ce n’est pas seulement la capacité qu’il faut considérer,
c’est encore la moralité qu’il faut rechercher ; il est tel individu très
capable avec lequel il serait imprudent de traiter, parce que ses antécédents
prouvent que l’on éprouverait des difficultés dans le cours de l’exécution des
travaux. Sous ce rapport vous voyez combien il importe que le gouvernement se
réserve le choix des entrepreneurs.
La proposition faite par M. Jullien ne peut être
admise ; quand même elle serait fondée en elle-même, elle ne pourrait être
introduite dans le budget ; elle ne pourrait trouver sa place que dans une loi
réglant les conditions des cahiers des charges.
Mais cette proposition doit être repoussée parce
qu’elle nuirait en plus d’une circonstance à la bonne exécution des travaux.
Messieurs, les moyens de rendre plus facile la
besogne dans la division des travaux publics et des mines ont fait plus d’une
fois l’objet de mes réflexions. Dès l’année dernière j’ai été sur le point
d’attacher un employé spécial à cette division pour la rédaction des rapports.
Cette rédaction est une partie qui exige d’une part des connaissances toutes
spéciales, et qui d’une autre part prend trop de temps pour que les employés
ordinaires ne soient pas dans le cas de négliger l’une ou l’autre affaire quand
ils ont des rapports très considérables à préparer.
Je suis parvenu à combler momentanément la lacune
qui existait : j’ai attaché au ministère de l’intérieur un ingénieur est en
service général ; ce n’est que depuis quelques jours que je l’y ai attaché afin
de faire les rapports sur les affaires particulières que je lui soumettrai. Il
résultera de là un soulagement notable pour le chef de la division. Il est des
rapports qui demandent beaucoup de temps. Le rapport sur
Je toucherai brièvement aux nouvelles observations
qui ont été faites sur le chemin de fer.
D’abord il serait inexact de conclure que
l’intention du gouvernement n’est pas d’activer les travaux de la section de
Gand à Ostende, parce que l’année dernière il n’a pas cru devoir diviser cette
section entre les ingénieurs ; les travaux de Gand à Ostende dépendant de ceux
de Malines à Gand, c’était d’abord de ceux-ci qu’il fallait s’occuper. Quoi
qu’il en soit, les plans de toutes les sections sont achevés.
J’ai également réfléchi aux moyens de donner plus
d’impulsion aux travaux déjà actifs du chemin de fer ; je me réserve de prendre
une décision, s’il y a possibilité, pour faciliter l’exécution des travaux de
Gand à Ostende.
Mais il ne faut pas perdre de vue que dans
l’exécution de ces chemins il faut un grand ensemble. Il ne faut pas perdre de
vue qu’à l’époque où la loi du 1er mai fut portée, aucun travail de détail
n’était fait ; il a donc fallu lever des plans ; il a fallu surtout faire les
plans pour les abords des villes, qui soulèvent généralement les questions les plus
graves ; il a fallu aussi faire les plans pour la construction des bâtiments
d’exploitation.
Tous ces travaux ont demandé un temps considérable.
Les abords d’une ville, par exemple, ont exigé
plusieurs études particulières ; tels sont les abords de la ville de Liège,
parce que différentes combinaisons se présentaient : chacune a dû être étudiée
à fond sous le rapport de la dépense et des avantages qu’elle présentait.
Tous ces travaux importants sont achevés. Je pense
donc que sous peu on pourra activer beaucoup l’exécution des chemins de fer.
L’honorable préopinant a parlé des inconvénients
qu’il y avait à ce que des ingénieurs de l’Etat fussent chargés de la direction
d’entreprises particulières. Je ferai d’abord remarquer sur ce sujet que
l’intervention des ingénieurs peut avoir lieu de deux manières : en se mettant
au service d’une société particulière ; alors ils cessent de toucher les
traitements donnés par l’Etat. C’est ainsi qu’un ingénieur a été chargé, avec
l’autorisation de mon prédécesseur, des travaux du chemin du Flénu ; c’est
ainsi que moi-même j’ai détaché un ingénieur du corps des ponts et chaussées
pour l’exécution d’une concession.
L’intervention des
ingénieurs peut également avoir lieu en faisant des plans pour des
concessionnaires sans l’autorisation de l’administration supérieure. Il y a un
avantage quand ces sortes d’interventions ont lien avec l’autorisation de
l’administration supérieure ; c’est que l’on peut faire marcher simultanément
le système des concessions avec celui des travaux exécutés par l’Etat.
Le système des concessions serait paralysé en
Belgique si les ingénieurs de l’Etat ne pouvaient donner leur concours aux
entrepreneurs : nous n’avons pas d’ingénieurs libres, ou le nombre en est
insuffisant : si les ingénieurs libres étaient suffisants, aucun ingénieur de
l’Etat n’obtiendrait la permission de travailler pour des particuliers.
En ce qui est des intérêts que les ingénieurs de
l’Etat pourraient avoir dans l’exécution de tel ou tel travail, je déclare que
si cela existe, c’est à mon insu et sans mon autorisation.
Je connais bien un ingénieur qui ayant été détaché
du corps s’est chargé pour une compagnie de l’exécution du chemin du Flénu et
qui était intéressé dans cette entreprise ; mais cet ingénieur, ni son frère
l’inspecteur divisionnaire n’ont pris aucune part aux délibérations qui ont eu
lieu dans le corps des ponts et chaussées relativement à ce chemin.
Je pense pouvoir borner ici mes observations.
M.
A. Rodenbach. - J’ai très peu de chose à dire. Le ministre de
l’intérieur a répondu à plusieurs honorables préopinants. Il a promis que l’on
activerait les travaux ; il a même promis que, relativement à la section entre
Gand et Ostende, il prendrait une décision particulière. Je la demande fortement,
et je la demande d’autant plus que l’exécution de chemins de fer de Gand à
Lille est retardée par suite de la décision du sénat. Ce retard de deux ou
trois ans est considérable pour une ville commerçante.
De Gand à Ostende le mouvement commercial est
considérable, et l’on y attend avec impatience l’exécution du chemin de fer.
Relativement aux certificats de capacité, je
demanderai que cette question soit renvoyée à la section centrale, afin qu’elle
examine ce qu’il y a à faire. Je dirai comme le député de Bruges, que ce sont
presque toujours les mêmes individus qui obtiennent l’entreprise des travaux.
Ce sont eux, ce sont toujours les mêmes qui
trouvent moyen de faire fortune. Il n’y a pas de personnalité là-dedans.
L’on peut supposer, quand on voit les mêmes
entrepreneurs s’enrichir, qu’il y a monopole, que ces certificats de capacité y
contribuent. Je désirerais que l’on prouvât la nécessité de ces certificats.
Car jusqu’à présent cette preuve ne m’a pas été donnée.
C’est pourquoi je demande le renvoi de la
proposition de M. Jullien à la section centrale. Il faut qu’il y ait un
obstacle à ce que d’autres entrepreneurs ne puissent se mettre sur les j rangs.
Le rapport de la section centrale nous éclairera à ce sujet.
M. Gendebien. -
M. le ministre des affaires étrangères m’a fort mal compris lorsqu’ils pensé
que je voulais qu’il se chargeât de la division du commerce et de l’industrie
sans augmentation de personnel. J’ai bien entendu que ce surcroît
d’attributions ne lui serait imposé qu’avec le personnel de la division qu’on
détacherait du département de l’intérieur.
C’est un soulagement que je voulais donner au chef
du département de l’intérieur. J’ai voulu mieux répartir la besogne entre deux ministres.
J’ai pensé qu’un ministère qui n’a que deux divisions, pourrait comprendre deux
divisions du ministère de l’intérieur, qui en a six.
Telle a été mon unique pensée. Je n’ai entendu
acenser personne de paresse. J’ai cru que le ministre de l’intérieur pourrait
céder quelques-unes des attributions de son département, surchargé qu’il est de
travail.
M. le ministre de l’intérieur a répondu à M.
Jullien, sur ce que nous avons dit, cet honorable membre et moi, au sujet de
l’inutilité des certificats de capacité, qu’on ne les exigeait pas toujours.
Voilà déjà de l’arbitraire, Il dépend donc toujours (de qui ? je l’ignore)
d’exiger ou de ne pas exiger un certificat de capacité. Qu’est-ce qui a ce
droit ? Est-ce le ministre ? Est-ce le dernier commis de la division ? Je n’en
sais rien.
Qu’on veuille nous dire dans quelle circonstance on
exige ces certificats de capacité.
Quelles sont les règles que l’on suit pour déclarer
qu’un homme a les qualités requises pour être déclaré adjudicataire d’une
entreprise ? Cette appréciation serait-elle livrée au bon plaisir de je ne sais
qui ?
Je désirerais que M. le ministre qui trouve que
cette clause est essentielle dans le cahier des charges, nous dît dans quel cas
il la trouve essentielle.
On vous a dit, messieurs, que pour les travaux
maritimes les certificats de capacité étaient indispensables, parce qu’il
fallait des hommes connaissant tellement la nature des travaux, qu’ils fussent
bien pénétrés qu’après un certain délai les travaux étaient impossibles à
exécuter, que le cahier des charges indique le terme dans lequel les travaux
doivent être faits. C’est aux risques et périls de l’entrepreneur si les
travaux ne sont pas achevés.
Je vous demande ensuite quelle sécurité plus grande
vous trouvez dans un homme qui a un certificat de capacité que dans un
capitaliste qui n’en a pas. Je vous demande si un homme qui a de grands
capitaux n’aura pas intérêt à employer des spécialités. S’il entreprend, c’est
pour faire valoir son argent. Dans son propre intérêt il choisira des hommes
capables. Vous avez une garantie que l’entreprise sera dirigée par des hommes
de capacité, car l’intérêt particulier sera en jeu, et vous n’ignorez pas que
c’est la meilleure garantie.
Ah ! s’il n’y avait jamais
que de pauvres diables n’ayant à produire que leur capacité, je ne m’élèverais
pas contre ce monopole de la capacité en faveur de ceux qui n’ont rien ; mais
il n’en est pas ainsi.
Il y a tel entrepreneur muni d’un certificat de
capacité beaucoup moins capable que telle autre personne également munie d’un
certificat de capacité.
Savez-vous ce que c’est que des certificats de
capacité ? c’est une attestation délivrée par un
employé de l’administration, de laquelle il résulte que l’adjudicataire a déjà
fait des entreprises. C’est une espèce de franc maçonnerie. Une fois que vous
avez travaillé, vous êtes considère comme capable. Voilà tout le motif.
Il y a des entrepreneurs, qui ont de semblables
certificats, qui ne s’occupent pas le moins du monde de l’exécution des travaux
et qui sont certains d’avoir, au bout de l’opération 20, 30 à 40 p. c. de
bénéfice. Ils laissent le soin de l’exécution des travaux à de simples ouvriers
qui seraient tout aussi bien employés par d’autres capitalistes.
Sous le rapport de la
solvabilité indiquée par M. le ministre de l’intérieur lui-même, il n’y a pas
plus de sécurité dans son système que dans le nôtre. Il y a même plus de
sécurité dans le nôtre.
J’ai un mot à répondre à M. le ministre. Il a dit
qu’il avait songé déjà aux difficultés que présentent les questions de travaux
publics, qu’il s’était pourvu d’un employé chargé spécialement de la rédaction
des rapports. Je ne trouve pas mauvais que M. le ministre ait un homme capable
de rédiger les rapports. Mais ce n’est pas sous ce point de vue que j’ai
présenté mes considérations. Je désirerais une capacité spéciale pour l’examen
de tous les travaux tenant à la science. Il est impossible que M. le ministre
fasse lui-même cet examen. D’abord un ministre n’est pas universel. Puis,
fût-il universel, il n’aurait pas le temps d’examiner en détail chaque objet de
l’administration. Je voudrais qu’un ingénieur en chef, l’homme le plus capable,
fût à la tête de la direction de l’intérieur.
Quant à ce qui a été dit au sujet de l’activité du
chemin de fer, je ne critique pas ce qui a été fait ; je suis disposé à croire
; je suis persuadé que l’on a mis toute l’activité possible. Mais si l’on avait
mis 6 ingénieurs au lien de 2 à la tête, il y aurait plus de besogne faite. M.
le ministre dit à cela : Il faut de l’ensemble dans les travaux ; il faut que
les rails aboutissent les uns aux autres ; il faut que les pentes ne soient pas
plus fortes que celles reconnues possibles. Mais je le demande, si plusieurs
ingénieurs qui s’occuperaient en même temps sur toute la ligne des travaux préliminaires
d’art, en quoi cela nuirait-il à l’ensemble nécessaire pour la correction des
travaux ? Une fois ces travaux préliminaires exécutés, une commission
d’ingénieurs pourrait les coordonner et conserver ainsi cet ensemble tant
désiré par M. le ministre.
Je le répète, mes observations ne sont pas
critiques. Il est certain que chaque section rapporterait davantage si toute la
ligne était exécutée en même temps.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - En ce qui regarde la division des
travaux publics au fond, nous sommes d’accord avec l’honorable préopinant. Je
pense qu’il n’a pas assisté à la discussion de la séance d’hier. C’est ce qui a
occasionne son erreur. En ce qui concerne les questions d’art, elles sont
examinées spécialement par l’autorité provinciale quand il s’agit de travaux à
exécuter par le gouvernement, ou bien par l’inspecteur-général et par une
commission qu’il préside, de quelque source que les projets émanent.
En ce qui concerne les chemins de fer, les projets
sont examinés par les deux ingénieurs chargés de l’exécution de la loi du 1er
mai. Il m’est arrivé cependant de soumettre leurs propositions à l’opinion de
l’inspecteur-général, même pour les concessions particulières ou à l’avis d’une
commission d’ingénieurs.
Sous ce rapport, j’apprécie les besoins du service.
J’ai eu en vue dans la séparation de la direction du chemin de fer d’éviter les
complications qui ne manquent pas de se rencontrer quand la filière est trop
grande.
L’honorable préopinant
aurait également désiré qu’un plus grand nombre d’ingénieurs fussent attachés
au chemin de fer. J’aurais également désiré en attacher un plus grand nombre.
Le personnel du corps des ponts et chaussées est en ce moment intérieur aux
besoins, si vous considérez l’exécution des entreprises projetées par le
gouvernement et les sociétés particulières, ainsi que la conservation des
travaux immenses qui existent déjà. Cette insuffisance du personnel des ponts
et chaussées est l’effet du moment. Peu à peu les lacunes se combleront, et
alors les travaux auront toute l’activité que l’on peut désirer.
Quant à la question que m’a
faite l’honorable M. Gendebien au sujet des certificats de capacité, c’est le
ministre qui décide d’après le rapport des ingénieurs, s’il y a lieu d’accepter
l’adjudicataire. Si un entrepreneur a exécuté d’autres travaux et qu’il ne soit
pas connu du gouvernement, il est tout simple qu’on lui demande de prouver que
l’on a été satisfait des travaux qu’il a précédemment exécutés. S’il y a lieu,
l’on prend d’office des informations à cet égard.
Si l’entrepreneur n’a jamais exécuté de travaux ou
s’il n’en exécuté qu’en sous-ordre, l’on examine si cet homme présente des
garanties suffisantes ; il est impossible d’établir une règle fixe, absolue ;
c’est une question de fait qui doit être appréciée par l’administration.
Tout ce que l’on peut exiger de sa part, c’est
qu’elle agisse dans un esprit de justice, de libre concurrence, de manière
qu’il n’existe de privilège pour personne. C’est ainsi que l’administration
agit. Quiconque veut se présenter sera admis, s’il est à même d’exécuter les
travaux.
M. Desmet. - M.
Rodenbach a demandé le renvoi de la proposition de M. Jullien à la section
centrale. Je crois qu’il serait plus convenable de la renvoyer à la commission
des travaux publics.
M. Jullien. - La
question des certificats de capacité est épuisée. Tout le monde comprend que ce
n’est qu’une absurdité que cette prétention de l’administration des ponts et
chaussées. L’on vous dit que l’on admet indistinctement les adjudicataires qui
ont un certificat de capacité. Mais dés que vous écartez ceux qui n’en ont pas,
vous établissez un véritable privilège.
Que résulte-t-il de l’exécution de cette clause ?
C’est que l’administration n’a pas de capitalistes pour adjudicataires, mais
bien d’anciens ouvriers qui, quoique s’étant enrichis dans les travaux de ce
genre, n’ont pas la fortune nécessaire pour répondre vis-à-vis du gouvernement
de l’exécution des travaux. Ce qui fait que le gouvernement est obligé de se
contenter de cautions dont la solvabilité est douteuse.
On a opposé à ma proposition une espèce de fin de
non-recevoir. On m’a dit qu’on ne pourrait l’insérer dans le budget ; je ne
vois pas pourquoi.
Le budget accorde des fonds pour des travaux
déterminés. C’est en vertu de la loi du budget que vous pourrez exécuter ces
travaux. Je vous demande si en même temps que vous votez les fonds nécessaires
pour l’exécution des travaux, vous ne pouvez pas imposer des conditions à cette
exécution. Je ne vois donc rien qui s’oppose à ce que l’on mette mon amendement
aux voix
Je ne
m’opposerais pas au renvoi de ma proposition à une section centrale ou une
commission, si je ne craignais que l’abus ne continuât en 1836, faute d’une
disposition formelle insérée dans le budget.
M. A. Rodenbach.
- Je déclare retirer ma proposition.
- L’amendement de M. Jullien est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
Chapitre X. - Service des mines
Article unique
« Article unique. Service des mines : fr.
59,410. »
Chapitre XI. - Industrie, commerce, agriculture
Article premier
M. le président. -
M. Manilius présente l’amendement suivant :
« Je propose le libellé suivant à l’art. 1er
du chap. XI.
« Encouragements à l’industrie et au commerce
: fr. 220,000.
« Ces fonds ne peuvent être affectés à aucun
établissement industriel ; néanmoins des subsides pourront être accordés pour
des inventions, perfectionnements ou introductions de mécaniques ou procédés
nouveaux et utiles. »
M.
Manilius. - En réplique à mes développements donnés dans la discussion générale,
l’honorable M. Smits a dit que ces fonds n’avaient jamais d’autre destination.
Voici, messieurs, un arrêté contraire.
Sur la proposition de M. le ministre de
l’intérieur, Sa Majesté prit, le 20 avril 1834, un arrêté par lequel la somme
de fr. 71,598-13, imputable sur le chapitre X, art. 1er. L. A. du budget de son
département, exercice 1834, fut mise à la disposition du ministre des finances,
pour servir au complément des septième et huitième termes de versements d’un
contrat d’association avec MM. Cockerill, Vates, le
roi Guillaume et le gouvernement pour fabrication des tissus de coton.
Indépendamment de cela on a fait un autre transfert de fr. 680,84-40 des fonds
rentrés de l’ancien million pour l’encouragement de l’industrie. C’est M.
Duvivier qui a arrangé cela entre M. Cockerill et les domaines.
Mais, dit M. Smits, c’est pour remplir des
obligations contractuelles, et il m’a confié après que ce n’est même qu’a titre
d’emprunt. Eh bien, je persiste à dire que les fonds pour l’encouragement de l’industrie
ne sont pas destinés à ces sortes d’obligations ni à des emprunts. Si tant est
que des conventions doivent être remplies, que l’on demande des fonds à cette
fin, mais que l’on ne donne une destination contraire aux fonds pour
l’encouragement. D’ailleurs, messieurs, je pense que j’en ai assez dit dans la
discussion générale pour vous convaincre de la nécessité de mieux spécifier la
destination de ces fonds ; car on importune les ministres pour obtenir de ces
fonds, et surtout ceux qui ont des remboursements à faire de l’ancien fonds de
l’industrie ; ils prétextent que des nouveaux fonds les mettraient à même de
rembourser le tout. Il faut que nous prévenions une pareille chose, ce serait
perpétuer un mal dont tout le pays souffre, surtout l’industrie nationale :
vaut mieux au besoin sacrifier l’ancienne créance que d’alimenter les abus dont
tout le pays se plaint. J’espère, messieurs, que vous sentirez toute
l’importance de mon amendement et que vous l’adopterez.
M. Smits. - J’ai eu
l’honneur de dire que je partageais entièrement les principes développés par
l’honorable préopinant, mais quand il avance que j’avais dit que la somme de
40,000 fr. avait été donnée à titre d’emprunt, il est tombé dans une grave
erreur.
Il existe un ancien contrat entre le roi Guillaume
et la compagnie Vates. D’après ce contrat il a été
convenu d’avancer annuellement sur le trésor public une somme de 70 à 80,000
fr. à l’établissement d’Andennes.
Lorsqu’il a été question d’exécuter ce contrat qui
liait le gouvernement, le département des finances n’avait pas les fonds
nécessaires. Il a dû avoir recours au département de l’intérieur.
Dans toutes les autres occasions le gouvernement ne
s’est jamais écarté des principes développés par l’honorable membre. Avant de
me prononcer sur l’amendement de M. Manilius, je désirerais savoir ce qu’il
entend par établissements industriels. Veut-il parler des établissements formés
ou à former ? Je désirerais qu’il s’expliquât à cet égard.
Il y aurait toujours de l’inconvénient à adopter sa
proposition. Ainsi, le gouvernement a cru utile d’engager un mécanicien
étranger à se fixer dans le pays. Il lui avance des fonds pour établir à
Bruxelles ce beau système de dragage par lequel le creusement du canal a été
opéré en aussi peu de temps.
Autrefois
Dans une autre circonstance, le gouvernement a cru
devoir s’écarter du principe en engageant un industriel à faire l’essai d’un
nouveau système de filature adopté en Angleterre.
Vous savez tous, messieurs,
qu’il y a quelques années, on a découvert dans
Les choses ne se passent pas maintenant comme sous
le gouvernement précédent qui accordait des millions pour des industries
établies. Il s’agit ici d’industries nouvellement introduites, et les subsides
accordés par le gouvernement sont des avances remboursables qui ne produisent,
il est vrai, aucun intérêt, mais dont le recouvrement au moins est certain.
Je crois donc, messieurs, que puisque le
gouvernement ne s’est jamais départi que dans des cas très rares, des principes
développés par l’honorable préopinant, il faut laisser subsister l’état actuel
des choses.
Il faut aussi ne pas ôter toute liberté d’action à
l’administration publique ; car, en agir autrement, ce serait reporter le
pouvoir exécutif dans la chambre législative.
Il suffit, messieurs, pour la chambre, que des abus
n’aient pas été signalés, pour que le système suivi jusqu’à ce jour continue à
recevoir la sanction de la législature.
Je pense en conséquence, messieurs, qu’il n’y a pas
lieu d’accueillir l’amendement de M.
Manilius.
M. Rogier. -
L’amendement de M. Manilius me paraît manquer d’abord d’une certaine clarté ;
en effet, le second paragraphe semble contredire le premier.
D’après le premier, il est interdit d’affecter des
fonds à aucun établissement industriel, et, d’après le second des subsides
peuvent être alloués pour des inventions, perfectionnements ou introductions de
mécaniques, ou procédés nouveaux.
Ces derniers objets me paraissent être de la même
catégorie que celui qui est frappé d’exclusion par l’amendement.
Je ne vois donc pas comment on pourrait d’un côté
refuser des fonds à des établissements industriels, et d’un autre côté allouer
des subsides pour un objet analogue.
Il faudrait en conséquence qu’on précisât d’abord
ce que l’on veut dire.
En second lieu, il serait nécessaire de motiver un
pareil amendement sur des abus qui auraient été signalés dans la manière dont
les fonds destinés au commerce et à l’industrie sont dépensés aujourd’hui.
Or, a-t-on signalé des abus ? On a cité une somme
de 72,000 fr. qui a été dépensée ; mais on a répondu que cette dépense a eu
lieu en exécution d’un engagement contracté par gouvernement.
On n’a, messieurs, signalé aucun abus. M. Smits
vient de vous faire connaître comment les fonds affectés à l’industrie ont été
répartis, et je ne pense pas que les plus exigeants puissent trouver que le
gouvernement a agi, soit avec légèreté, soit avec partialité, soit enfin avec
prodigalité dans la distribution de ces fonds.
Quant à nous, c’est avec satisfaction cependant que
nous voyons des membres de cette chambre se montrer plus ou moins disposés à ne
pas exiger du gouvernement une certaine protection que, pour nous, nous ne
voudrions pas lui voir exercer outre mesure.
Ce que nous voulons surtout de la part du
gouvernement, c’est moins une protection directe, une protection pécuniaire que
beaucoup de facilité et beaucoup de liberté. Nous pensons que le meilleur moyen
de protéger l’industrie est de suivre un régime libéral ; et à ce sujet nous ne
pouvons que rappeler que la chambre n’a pas été saisie jusqu’ici de la
discussion du projet de loi présenté, il y a un an, sur le transit.
Ce projet n’a pas encore obtenu les honneurs d’un
rapport de la part de la section centrale ; et je demanderai à l’honorable
membre qui est chargé de ce travail si le rapport n’est pas encore prêt.
M. Desmaisières.
- Je demande la parole.
M. Rogier. - Ce
projet, messieurs, est extrêmement important pour l’avenir de notre commerce ;
il se lie intimement aux intérêts de notre industrie, tant agricole que
manufacturière.
Je ne crois pas qu’il puisse donner lieu à de
grands débats, surtout si la section centrale s’est attachée à en faire
disparaître certains vices qui y ont été signalés.
Je saisis cette occasion pour demander à M. le
ministre de l’intérieur s’il espère que bientôt il sera mis un terme aux
difficultés qui existent entre
Ces difficultés ont déjà été signalées par la
presse ; je veux parler des droits différentiels dont notre pavillon est frappé
aux Etats-Unis et en Angleterre.
Je crois que la perception
de ces droits doit être attribuée à l’absence de traités de commerce avec ces
deux puissances, et je pense qu’on ne peut trop insister auprès gouvernement
pour la prompte conclusion de ces traités.
Nos relations actuelles avec
Il est très probable que le changement de ministère
en France n’amènera pas un changement de dispositions, quant aux rapports
commerciaux. Nous avons vu avec plaisir que le ministre actuel du commerce et des
travaux publics est tout aussi disposé que son prédécesseur à faciliter les
relations de
Quant à nous, messieurs, ce serait avec joie que
nous accueillerions la présentation d’un projet de loi qui aurait pour but de
sanctionner un traité de commerce avec
Nous ne devons pas, pour cela, perdre de vue les
autres nations et notamment les Etats-Unis et l’Angleterre avec lesquels il
sera facile de faire disparaître les difficultés dont j’ai parlé.
Je crois pouvoir borner là mon observation.
M.
Desmaisières. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour répondre à
l’interpellation que l’honorable préopinant vient d’adresser au rapporteur de
la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur le transit.
La section centrale, messieurs, a terminé son
examen préparatoire du projet. Toutefois, avant de prendre une détermination
définitive, elle a désiré avoir une conférence avec le ministre de l’intérieur
et avec celui des finances. Cette conférence n’a pu encore avoir lieu, et par
conséquent il n’a pas été possible d’arrêter le rapport.
Une autre cause du retard, c’est que plusieurs
membres de cette section centrale, et particulièrement son rapporteur, ont été
chargés également par la chambre d’autres occupations nombreuses.
J’espère cependant que la section centrale pourra
se réunir de nouveau sous peu de jours, et que dans peu de temps le rapport
pourra être fait.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - M. Manilius a présenté un amendement
qui me paraît inutile, peut-être même dangereux.
Il est inutile, parce que l’administration est déjà
fixée sur ce principe, qu’il ne faut pas accorder des secours individuels,
comme moyens de protection pour le commerce et l’industrie.
Depuis la révolution, il n’a pas été accordé une
seule faveur de cette nature.
Quant à nous
personnellement, nous avons déjà exprimé l’opinion dont il s’agit, comme
rapporteur d’une commission nommée dans le sein du congrès. C’est donc depuis
l’existence du congrès que l’on suit ce principe dans cette branche
d’administration. Aussi les industriels sont-ils actuellement si convaincus de
l’inutilité de leurs demandes, qu’ils ont entièrement renoncé à faire de
nouvelles démarches.
Je dis, messieurs, que cet amendement est inutile
par les faits que je viens d’exposer ; je dis même qu’il serait en quelque
sorte dangereux, parce que le deuxième paragraphe pourrait donner l’éveil aux
industriels ; c’est presque une provocation aux sollicitations de subsides sur
le fonds de l’industrie. Je crois donc que par ces diverses considérations, la
chambre doit le repousser.
Quant au droit différentiel que paient les produits
belges, le gouvernement s’en est occupé. Il a adressé de vives réclamations aux
Etats-Unis d’Amérique et à l’Angleterre. Indépendamment de cela, nous examinons
s’il ne conviendrait pas de présenter un projet de loi nouveau dans les
principes duquel on pourrait trouver moyen de favoriser notre navigation en
accordant des facilités réciproques aux antres nations. Quant à nous, le
principe de la liberté est toujours celui auquel nous donnerons la préférence.
Quant au transit, nous attendrons les
communications de la commission, et nous nous empresserons de répondre à celles
qu’elle nous fera.
Quelques honorables membres m’interpellent pour me
demander si nous n’avons pas eu de rapport avec cette commission. Je répondrai
que jusqu’à présent nous n’en avons eu aucun.
M.
Manilius. - L’honorable M. Smits a répondu que les fonds remis par le
ministre des finances étaient une avance et non un emprunt, et qu’ils devaient
rentrer. Je dis, moi, que ces fonds ne doivent fournir ni emprunt ni avance.
D’un autre côté, on dit que c’est un contrat dont le trésor doit remplir les
conventions. Alors qu’on emploie les fonds du trésor, qu’on vote pour cela un
crédit spécial, mais qu’on ne prenne pas, pont remplir les conventions de ce
contrat, sur les fonds destinés à encourager l’industrie.
M. Smits a dit qu’il voudrait connaître les
établissements industriels que j’ai en vue ; ce sont tous les établissements
d’industrie. Je fais exception pour les procédés nouveaux, pour les mécaniques
nouvelles qu’on introduirait. Cela se trouve indique dans mon amendement.
M. Rogier dit qu’il n’y a pas eu d’abus, moi j’en
trouve un très grand dans l’emploi des fonds rentrés de l’ancien établissement
de M. Cockerill.
Ces fonds devaient faire retour au trésor, et c’est
M. Rogier lui-même qui en a disposé, qui en a autorisé le transfert à l’établissement
d’Andennes. C’est là, je le répète, un grave abus ;
les fonds provenant des avances faites antérieurement à l’industrie doivent
faire retour au trésor ; ils ne peuvent pas servir à remplir des engagements
contractés ; sans cela, le ministre des finances ne viendrait pas demander pour
cela 66 mille fr., il se servirait des fonds qui rentrent de l’ancien million
Merlin.
M.
Coghen - La preuve que le gouvernement ne veut pas employer à
l’exécution de conventions le fonds destiné à l’encouragement du commerce et de
l’industrie, c’est qu’il demande un crédit spécial pour cet objet. Par
conséquent les craintes de M. Manilius doivent cesser.
Je trouve que l’amendement qu’il propose serait
dangereux en ce qu’il pourrait lier le gouvernement.
Quant à l’emploi qu’on a fait jusqu’à présent des
fonds demandés pour encourager le commerce et l’industrie, je pense qu’il ne
peut être l’objet d’aucune critique. Je pense qu’on peut continuer à s’en
rapporter à la sagesse du gouvernement pour encourager le commerce et
l’industrie belge qui déjà commencent à prendre un rang distingué en Europe.
M. Manilius. -
J’ai oublié une observation en réponse au ministre de l’intérieur. J’ai la
preuve que ces fonds ont été employés différemment que dans le but qu’il a
indiqué. Je demanderai qu’il nous donne le détail de l’emploi des fonds votés
depuis plusieurs années. Après cela, alors même qu’il serait constaté que les
fonds ont été employés comme le dit M. le ministre de l’intérieur, je ferais
observer que M de Theux ne sera pas éternellement ministre, et que son
successeur pourrait donner aux fonds votés une destination contraire au vœu de
la chambre par suite du vague que présente l’expression : encouragement à
l’industrie et au commerce. Et le résultat pourrait être de décourager au lieu
d’encourager. Par ce motif, je persiste dans mon amendement.
- L’article premier « encouragement à
l’industrie et au commerce : fr. 220,000, » est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Manilius est rejeté.
« Art. 2. Secours maritimes : fr.
40,000. »
M. Smits. - Ce n’est
pas pour m’opposer à l’allocation que je demande la parole. Je désirerais savoir
si les projets de loi présentés par le gouvernement pour encourager la pêche
maritime et accorder des primes pour constructions de navires ont été examinés
par les commissions et si on nous en fera bientôt le rapport. On me dit que le
rapport de la loi relative aux primes à accorder pour constructions de navires
est prêt, mais que celui de la loi relative à la pêche ne l’est pas. Je
désirerais que ces rapports fussent faits le plus tôt possible, afin qu’après
la discussion des budgets et de quelques autres lois importantes que la chambre
a à voter, elle puisse s’occuper des intérêts matériels.
Voilà des projets pour lesquels le gouvernement a
pris l’initiative et qui restent ensevelis dans les cartons de la chambre. Je
demande qu’ils en sortent, afin de favoriser le mouvement commercial qui tend à
prendre de plus en plus d’extension en Belgique.
M.
Hye-Hoys. - Je suis membre de la commission chargée d’examiner ces
projets. Elle ne s’est réunie qu’une fois pour nommer son président qui est
tombe malade. Depuis nous n’avons pas été convoqués.
M. Legrelle. - Je demanderai
ce que fait la commission. La maladie plus ou moins prolongée d’un membre d’une
commission ne doit pas en empêcher la réunion.
Plusieurs membres. - Mais vous en faite partie.
M. Legrelle. - Ce qui prouve
que la commission n’a rien fait, c’est que je ne savais pas même que j’en fusse
membre. Je n’ai pas été convoqué une seule fois.
Cela n’empêchera pas que je demande le remplacement
du membre malade afin que la commission puisse s’occuper de l’objet important
soumis à son examen.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Le port d’Ostende est très intéressé
dans la loi dont il s’agit ; je demande qu’on ne remplace pas M. Donny. Sa santé pourra peut-être
lui permettre de revenir avant que la commission n’ait termine son travail.
M. le président. -
On pourra nommer un vice-président.
M. Gendebien. -
On pourra nommer un membre de plus.
- L’article 2 est mis aux voix et adopté.
Article 3
« Art. 3. Pêche nationale : fr. 40,000. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4. Agriculture : fr. 363,500. »
M. de Behr. -
Messieurs, une école vétérinaire a été fondée à Liége par des hommes d’un
mérite distingué ; elle était réclamée comme un bienfait pour les campagnes, où
l’on rencontre encore partout des empiriques, an lieu d’hommes capables de diriger
l’éducation et le traitement des chevaux et bestiaux. L’utilité de
l’institution dont il s’agit a été appréciée par la commission provinciale
d’agriculture ; de son côté la ville en a aussi reconnu l’utilité et s’est
empressée de fournir tous les bâtiments nécessaires à l’enseignement. Les cours
sont donnés dans les deux langues usitées en Belgique, et les études ne
laissent rien à désirer ; elles sont suivies par la majeure partie des élèves
en médecine de l’université qui siège dans la même ville. Il existe, il est
vrai, dans la capitale, un établissement du même genre ; mais, quel que soit le
développement auquel il puisse atteindre, il ne pourra jamais répondre aux
besoins de l’armée et des localités de toutes les provinces. Chacun sait que
les jeunes gens qui se destinent à l’exercice de cet art appartiennent en
général à des familles peu aisées, qui sont hors d’état d’entretenir leurs
enfants ailleurs que dans les lieux qu’elles habitent.
Sous le gouvernement précédent, il y avait aussi
une école vétérinaire établie sur une très grande échelle ; on disait alors
comme à présent qu’elle suffisait à tous lés besoins ; et cependant grand
nombre de nos communes rurales sont restées jusqu’à ce jour privées des
ressources de la médecine appliquée aux animaux domestiques. Ainsi deux écoles
au moins sont nécessaires pour former des artistes indispensables à la
prospérité de l’agriculture, et certes ce n’est pas trop, à côté de quatre
universités où l’on enseigne la médecine de l’homme. L’établissement dont j’ai
l’honneur d’entretenir l’assemblée est dans une position des plus favorables ;
il a son siège dans une province tout agricole et présente toutes les garanties
désirables de durée et de succès ; aussi ne vient-il vous demander, messieurs,
aucune espèce de protection ni de secours ; seulement il se plaint avec raison
dé toutes les faveurs accordées à celui de Bruxelles. Les subsides
considérables que ce dernier reçoit chaque année, et les prédilections dont il
est l’objet de la part du gouvernement, seront nécessairement une cause de
ruine pour l’école vétérinaire de Liége, qui ne pourra soutenir la concurrence.
Or, une telle préférence me semble aussi injuste en soi qu’elle est contraire à
la liberté d’enseignement. Si l’école de Bruxelles est un établissement
particulier ou communal, on peut dire qu’elle exerce de fait un monopôle
réprouvé par les principes libéraux que consacre la constitution. Mais si on
veut la considérer comme un établissement public dirigé par le gouvernement et
dont le trésor supporte la dépense, déguisée sous le titre de subside, dans ce
cas l’inconstitutionnalité me paraît encore plus flagrante.
En effet, l’article 17 du
pacte fondamental veut impérieusement que l’instruction donnée aux frais de
l’Etat soit réglée par une loi. Cette mesure a été exigée comme une garantie
salutaire ; sans elle, les abus viendraient bientôt détruire la liberté de
l’instruction, et pour n’en citer qu’un exemple, je le puiserai dans la
formation du jury appelé à conférer les grades aux jeunes gens qui se destinent
à la médecine vétérinaire. Ce jury est exclusivement composé des professeurs de
l’école de Bruxelles. Or, comment veut-on que des élèves appartenant à des
établissements rivaux puissent être examinés avec impartialité par un pareil
jury ? Quelle justice ont-ils à attendre de ceux qui sont intéressés à les
juger défavorablement. Avant donc de faire aucune proposition, je demanderai à
monsieur le ministre de l’intérieur des explications sur les observations que
je viens d’émettre ; je lui demanderai aussi s’il est vrai que les élèves de
l’école de Bruxelles obtiennent des exemptions du service militaire.
M. Desmanet de
Biesme. - Autant nous devons chercher à répandre l’instruction primaire
dans toutes les localités, autant nous devons chercher à concentrer certains
grands établissements qui ne peuvent s’organiser en tous lieux. Telle est la
position de l’école vétérinaire de Bruxelles.
Peu de temps après la révolution, quelques hommes
animés de l’amour du bien public, et avant que rien ne fût consolidé, conçurent
l’idée de créer, à leurs frais, une école vétérinaire à Bruxelles. Ils
dépensèrent 50,000 fr. à cette œuvre. Leur école fut parfaitement composée,
parfaitement montée. Au nombre de ses professeurs elle comptait des artistes
vétérinaires distingués, des médecins recommandables de Bruxelles qui n’avaient
pas craint d’abandonner une partie de leur clientèle pour se rendre utiles.
Mais les ressources des particuliers ont des
bornes. Après avoir dépensé 50,000 fr ils se sont adressés au gouvernement et à
la législature pour obtenir des secours ; on leur en a donné.
Cette école est improprement appelée école
vétérinaire ; on pourrait l’appeler beaucoup mieux : Ecole vétérinaire et
d’agriculture, car on y donne des leçons
sur toutes les fabriques dont les produits agricoles font la matière première.
On peut considérer cette nombreuse école comme un
établissement du gouvernement, puisqu’on a indemnisé les professeurs avec les subsides
accordés. Elle est dans un état complet de prospérité.
Si chaque ville, comme Liége, venait à demander
qu’on établît une école vétérinaire chez elle, vous auriez des écoles partout,
mais vous n’en auriez de bonne nulle part. Il faut que des établissements
semblables soient montés sur une grande échelle.
Je ne vois pas que les députés de Liège soient
fondés dans leurs demandes. Elle a une université créée aux frais de l’Etat ;
cette ville peut-elle se plaindre que l’on donne quelques secours à l’école
vétérinaire de Bruxelles, quand elle est si largement dotée en fait
d’instruction publique ?
On dit que l’école
vétérinaire de Bruxelles est une école communale ; moi je crois que c’est une
école du gouvernement On a besoin de construire de grands bâtiments pour la
transférer, parce que le local où elle se trouve est trop resserré, et parce
qu’on a fait des objections sur la salubrité de son voisinage ; on a engagé la
ville de Bruxelles à faire ces bâtiments ; la ville a consenti, mais comme elle
ne peut tout faire, elle a demandé un secours. Voilà, je crois, comme les
choses se sont passées. Au reste, le ministre de l’intérieur donnera des
renseignements à cet égard.
On a parlé de l’inconstitutionnalité de
l’allocation ; il est possible qu’elle existe, mais il est facile de dissiper
les scrupules sur ce point, car je ne vois pas de difficulté à tout régler par
une loi.
Le député de Liége a dit que les élèves de l’école
vétérinaire de Bruxelles ne pourraient suffire aux besoins de l’armée et du
pays ; j’ai peur au contraire que l’on ne soit bientôt embarrassé pour placer
tous les élèves qu’elle fournira.
Cet établissement fera faire un grand pas à la
science agricole, que l’on s’envisage être parvenue à son apogée en Belgique,
et pour laquelle cependant il y beaucoup à apprendre encore.
Je voterai l’allocation demandée par le
gouvernement.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je donnerai quelques explications sur l’origine
et les progrès de l’école vétérinaire de Bruxelles.
Il existait, avant la révolution, une école
vétérinaire en Hollande (à Utrecht) ; lors de la séparation de
Cette idée fut comme de quelques-uns des
professeurs actuels de l’école vétérinaire : alors ils voulurent entreprendre
d’organiser, eux-mêmes et à leurs frais, une semblable école, pourvu toutefois
qu’on leur accordât un subside convenable.
La demande du subside fut faite et accordée, et ils
créèrent l’école.
Au mois de mars de l’exercice précédent, on voulut
donner une organisation plus fixe, une organisation définitive à
l’établissement ; en conséquence, les fondateurs de l’école proposèrent
d’abandonner les prétentions qu’ils pouvaient avoir sur le matériel, sur les
constructions, etc., et de se soumettre en tout point à la direction de
l’administration supérieure. Ces offres, nous les acceptâmes avec plaisir ;
nous saisîmes cette occasion pour donner plus de stabilité à l’entreprise et
pour débarrasser les professeurs des soins qu’il faut donner aux détails d’un
établissement.
L’école vétérinaire n’a pas
été formée a priori ; c’est une création spontanée ; et nous sommes disposés à
en régler la destinée par un projet de loi. C’est à la législature, en effet, à
en assurer à jamais le succès et la durée. Jusqu’à présent l’école peut marcher
sans loi ; Il n’y a pas péril en la demeure. La loi s’occupera de la manière
dont les examens des élèves seront faits. Actuellement aucun des élèves n’est
en état de les subir ; et la législature aura prononcé avant que les élèves
soient prêts à se présenter devant les examinateurs.
Il a été accordé trois congés du service militaire
à des élèves qui avaient fait preuve de talents remarquables. Il y a bien un
arrêtée hollandais qui dispense les élèves de l’école vétérinaire du service de
la milice ; nous n’avons pas prétendu l’appliquer ; mais nous avons sollicité
trois congés du ministre de la guerre pour des jeunes gens qui annoncent devoir
être très utiles à leur pays dais la carrière qu’ils veulent parcourir.
M. Desmanet de Biesme a très bien fait observer
qu’en divisant les subsides on ferait tomber l’école ; pour éviter cet
inconvénient il faudrait doubler la dépense ou accorder des subsides égaux à
l’école de Liège ; mais la charge serait trop considérable pour le trésor.
Il faut donc tout laisser à l’école de Bruxelles,
parce qu’en partageant on aurait de mauvais établissements au lieu d’un bon.
M.
Bosquet. - On a fait remarquer que sous le gouvernement précédent le
besoin des artistes vétérinaires se faisait sentir en
Belgique, quoiqu’une école vétérinaire existât alors ; mais on a oublié de
faire remarquer en même temps que l’école était en Hollande, à Utrecht.
Si j’élève ici la voix en faveur de
l’établissement, je n’entends pas réclamer un avantage en faveur de la ville de
Bruxelles car si elle conserve cet établissement, c’est à des conditions très
onéreuses, elle les a souscrites, et quand elles seront remplies tout
l’avantage retournera au gouvernement ; car il ne lui en coûtera plus rien pour
posséder un excellent établissement.
En effet, du moment où les bâtiments seront
achevés, le gouvernement pourra payer les professeurs avec la subvention tirée
des élèves.
M. Pollénus. - La
section centrale propose de continuer pour l’exercice 1836 le subside qui
précédemment avait été voté pour l’école vétérinaire de Bruxelles ; mais elle
rejette la demande de la majoration de 15,000 fr. faite par le ministre.
D’après les explications provoquées par M. de Behr,
je n’ai pas compris que le ministre ait justifié cette majoration ; je crois au
surplus qu’il serait assez difficile de la motiver, quand on convient que tout
ce qui est relatif à cette école devrait être réglé par une loi.
La majoration n’est pas destinée à maintenir
l’école dans l’état où elle se trouve, mais à couvrir une partie des frais de
construction de nouveaux bâtiments pour l’y installer, ce qui suppose un
établissement permanent.
Si donc le ministre admet qu’il faut une loi pour
créer l’établissement d’une manière légale, il faut attendre que cette loi
existe ; car on préjugerait cette loi si on accordait des subsides qui
supposent un établissement permanent,
Je ne suis pas en état de discuter cette matière
aussi bien que d’honorables préopinants ; cependant si je fais attention à ce
qu’a dit un honorable collègue, il me semble qu’il a détruit ce que l’on a dit
pour établir la nécessité d’un établissement central.
L’honorable M. Desmanet de
Biesme dit qu’il faut un établissement central. Mais l’honorable M. Bosquet a
rappelé que du temps du gouvernement précédent un établissement central à
Utrecht ne comptait que six élèves belges. Mais si cette proposition est vraie,
il faudrait donc plusieurs établissements, d’autant, plus que, comme l’a fait
remarquer l’honorable M. de Behr, les jeunes gens qui suivent cette carrière
n’étant pas très fortunés, il faut leur faciliter les moyens d’instruction.
Celte idée de créer plusieurs établissements n’est
pas neuve ; elle se trouve dans un décret impérial du 15 janvier 1813. Par ce
décret il était créé quatre établissements de ce genre, de deuxième classe, et
un établissement dit central, qui n’était pas central, mais simplement monté
sur une plus grande échelle.
Lorsque je vois que ces établissements de deuxième classe
n’avaient que quatre professeurs aux appointements de 4,000 fr., et
l’établissement principal que sept professeurs aux appointements de 4,000 fr.,
je ne puis m’expliquer comment l’école vétérinaire de Bruxelles, subsidiée par
une société particulière et par les magistrats de la ville de Bruxelles, a
encore besoin que nous lui votions annuellement un subside de 45,000 fr.
On me dit que c’est pour constructions. Mais je ne
le pense pas, car ce n’est que de cette année qu’il s’agit de constructions.
Je ne puis d’ailleurs trop le répéter, la chambre
ne peut sans inconvénients venir, par le vote d’une majoration, préjuger la loi
qui doit donner à l’école vétérinaire une existence légale.
M.
Coghen - J’ai peu de mots à ajouter à ce qu’a dit M. le ministre de
l’intérieur.
L’établissement de l’école vétérinaire est d’une
utilité incontestable dans un pays tel que
La ville de Bruxelles a très bien compris l’utilité
générale de cet établissement ; aussi elle lui a accordé un subside de 20,000
francs, et s’est offerte à faire un emprunt pour la construction d’un édifice
pour cette école, dans le double but d’embellir la capitale et de créer un
centre d’instruction si nécessaire à notre pays si essentiellement agricole.
M. Bosquet. -
L’honorable M. Pollénus a dit que sous le gouvernement précédent il y avait un
établissement central, et que cependant il ne comptait que très peu d’élèves
belges. A cela la réponse est très facile. C’est que cette école était en
Hollande. Il y avait aussi des écoles militaires à Bréda
et à Delft, et vous savez combien peu de Belges les fréquentaient.
Je puis répondre par un fait, c’est que l’école
vétérinaire actuelle compte 150 élèves ; ce qui prouve combien l’utilité d’un
pareil établissement, alors qu’il est situé dans le pays, est généralement
appréciée.
- La chambre passe au vote des divers numéros du
litt. A.
« Encouragements à l’agriculture : fr.
241,390. »
Ce littera est subdivisé comme suit :
« 1° Ecole vétérinaire : fr. 60,000. »
- Adopté.
« 2° Commission d’examen pour l’admission a
l’exercice de la médecine : fr. 1,500. »
- Adopté.
« 3° Pépinières et distribution de mûriers :
fr. 10,000. »
- Adopté.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE
M. le président. -
La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, c’est pour faire une motion d’ordre
que j’ai demandé la parole.
Il est probable que la discussion du budget de
l’intérieur sera terminée demain ; peut-être le sera-t-elle vers le milieu de
la séance ; je demanderai donc à la chambre qu’elle veuille mettre le budget
des finances à l’ordre du jour immédiatement après.
Je crois, messieurs, qu’il est inutile d’appuyer
sur l’extrême urgence de discuter ce budget.
Je sais que plusieurs
honorables membres qui ont insisté pour que la demande du crédit relatif au
canal de Zelzaete et à l’emprunt pour construction de nouvelles routes soit
mise à l’ordre du jour ; je sais dis-je, qu’ils vont insister de nouveau pour
que cet objet soit discuté après le budget de l’intérieur.
Je crois, messieurs, qu’il a moyen de concilier
toutes les opinions ; ce serait de fixer pour vendredi une séance du soir dans
laquelle on s’occuperait des deux projets dont je viens de parler.
De cette manière le budget des finances et ces deux
autres objets importants marcheraient de front ; el vous auriez la certitude
d’être en nombre suffisant, jusqu’au moment de vous séparer pour les vacances
de Pâques.
Je crois donc que ma motion peut concilier toutes
les opinions.
M. Dumortier. -
L’objet dont il s’agit est assez importait pour que nous consacrions une séance
du jour ; j’ai un grand nombre d’observations à présenter, et je demande que la
chambre discute les deux projets dans une séance du jour.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). -Si nous prenons tous l’engagement de nous
rendre à la séance du soir, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas
discuter ces objets aussi bien dans une séance du soir que dans une séance du
jour.
Je sais que la question de l’emprunt est très
importante ; mais je ne pense pas qu’elle le soit assez, pour qu’on ne puisse
la résoudre que dans une séance du jour.
Je le répète, il n’y a aucun inconvénient à mettre
le budget des finances immédiatement à l’ordre du jour, et à fixer une séance
du soir pour vendredi ; de cette manière, vous aurez la certitude que l’on
s’occupera des deux objets.
De
toutes parts. - Oui ! oui ! Très bien
! très bien !
M. Legrelle. - Je dois
rappeler à la chambre qu’elle a décidé qu’on s’occuperait du traité avec le
Brésil après le premier vote du budget de l’intérieur.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. de Muelenaere). - L’ordre du jour, tel qu’il est proposé, n’exclut
pas sans doute la discussion du traité avec le Brésil après le premier vote du
budget de l’intérieur. (Non ! Non !)
- La chambre n’étant plus en nombre, il n’est pas
pris de décision.
La séance est levée à 5 heures.