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Note
d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mardi 1er mars 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport sur des pétitions relatives au paiement par l’Etat du traitement des
vicaires (en place des communes) et à l’instruction moyenne
3) Projet
de loi portant organisation des communes.
a) Motion
d’ordre relative à la suite de la discussion de la loi d’organisation communale
(Gendebien, de Theux, Fallon, d’Huart, Dumortier, Ernst, de Theux, Gendebien, d’Huart, Dubus, Gendebien,
Ernst, Dumortier, Dubus)
b)
Personnel communal. Garde champêtre (Dumortier, Lebeau, Van Hoobrouck, Lejeune, Dubus, de
Theux, Dubus, Dumortier, Gendebien, Desmet, Dumortier, Legrelle,
A. Rodenbach, de Theux, Gendebien, de Jaegher, Lejeune), garde (et administration) des bois communaux (y
compris ceux des établissements de bienfaisance communaux) (d’Hoffschmidt, d’Huart, Andries, d’Huart, Andries, d’Huart, Dubus,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Desmanet de Biesme, F. de Mérode,
d’Huart, Fallon)
(Moniteur
belge n°62, du 2 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à une heure. Il lit ensuite le procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Schaetzen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants de la commune de Curange (Limbourg) demandent que la chambre s’occupe de la
loi relative aux indemnités. »
_______________
« Des commerçants de Tournay demandent que la
chambre adopte une mesure qui interdise les ventes à l’encan des certaines
marchandises neuves, par petits lots. »
_______________
« Le sieur Lagors, batelier à Anvers, réclame le paiement d’une somme
de 200 florins qu’il prétend lui revenir du chef du renflouement de deux
chaloupes canonnières hollandaises. »
_______________
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des
pétitions.
RAPPORT SUR DES PETITIONS
M. Eloy de
Burdinne. - Messieurs, vous avez demandé à la commission des pétitions
des rapports d’urgence sur plusieurs pièces adressées à la chambre ; organe de
cette commission, je viens remplir ce devoir.
« Par pétition en date du 26 janvier 1835, les
sieurs Legrand et Brida, vicaires de Stavelot, demandent que la chambre décide
à qui incombe le paiement des traitements des vicaires. »
La commission propose le dépôt sut le bureau
pendant la discussion de la loi communale, et le renvoi à M. le ministre des
finances.
« Par pétition en date du 11 décembre 1835, la
régence de la ville de Verviers demande que les traitements des cinq vicaires
de cette ville soient acquittés par l’Etat. »
Même conclusion que pour la pétition de Stavelot.
« Par pétition du 11 février 1836, les
conseils de fabrique des églises de Capryk et d’Oost-Eecloo adressent la même
demande. »
Même conclusion que ci-dessus.
« Par pétition en date du 24 février 1836,
plusieurs curés et vicaires de Namur demandent que leurs traitements soient à
charge de l’Etat. »
Même conclusion que ci-dessus.
« Par pétition datée du 11 décembre 1835, la
régence de la ville de Verviers demande qu’il soit alloué au budget un subside
pour l’école industrielle et commerciale de cette ville. »
La section centrale ayant terminé ses travaux,
votre commission conclut à ce que cette pétition soit déposée sur le bureau
pendant la discussion du budget et au renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
« Par pétition en date du 11 février 1836,
deux vicaires de Stavelot demandent que la chambre statue dans le plus bref
délai possible si leurs traitements seront payés par la commune ou par le
gouvernement. »
Ils font observer que la commune se refuse à payer,
que la fabrique est dans l’impossibilité de subvenir à ces traitements et que
les vicaires se trouvent dans une triste position.
« La régence de Verviers demande que les
traitements des vicaires de cette ville, montant à deux mille francs, soient
acquittés pas l’Etat aux termes de l’art. 117 de la constitution. »
La régence observe qu’elle s’est adressée
antérieurement à M. le ministre de l’intérieur pour que l’Etat solde ces
traitements. M. le ministre a répondu qu’il appartenait à la législature de
décider cette question.
« Les conseils de fabrique des communes d’Oost-Eecloo et de Capryk (Flandre orientale) demandent que les traitements
des vicaires soient à charge de l’Etat. »
Les pétitionnaires font observer que jusqu’à 1828
la commune a payé les traitements des vicaires, que depuis 1828 la fabrique a
été chargée de solder ces traitements, mais que les fabriques ne peuvent
continuer cette charge, leurs revenus n’étant pas suffisants même pour
entretenir leurs églises. On demande en outre un secours à l’Etat pour la
restauration de la tour de l’église de Capryk.
« Plusieurs curés et vicaires de la ville de
Namur font observer que la régence a supprimé l’allocation destinée à
l’indemnité de logement, et le traitement des vicaires, par ce motif que cette
charge incombe au gouvernement. »
En 1834, le gouvernement a comblé cette lacune pour
1834.
Mais, en 1835 le gouvernement s’est refusé à faire
payer et le traitement des vicaires et les indemnités de logement, motivant ce
refus sur la crainte que si le gouvernement continuait à faire payer ce
traitement aux vicaires de Namur, cela ne donnât une tentation à une multitude
de régences de suivre l’exemple de la régence de Namur.
Les pétitionnaires demandent que la législature
fasse cesser cet état de chose.
« La régence de Verviers demande qu’il soit
alloué au budget de 1836 un subside de 1,500 fr. destiné à payer le professeur
d’une classe élémentaire à établir à l’école industrielle et commerciale de
ladite ville. »
La régence fait observer qu’elle a adressé à M. le
ministre de l’intérieur une demande de même somme le 16 janvier 1835 et
rappelée le 30 avril, même année.
M. le président. -
Les conclusions de la commission tendent à ce que les mémoires concernant le
traitement des vicaires soient déposés sur le bureau pendant la discussion de
la loi communale.
- Ces conclusions mises aux voix sont adoptées.
M. le président. -
Quant à la pétition de Verviers relative à une école d’industrie, la commission
propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur.
- Cette proposition est également adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION DES COMMUNES
M.
Gendebien. - Messieurs, il est probable que nous aurons fini la
discussion sur la loi communale après-demain vendredi ; je désirerais en
conséquence que l’on fixât un jour pour commencer la discussion du second vote
auquel cette loi sera soumise, de manière que personne ne puisse se plaindre de
surprise. Vous pourriez, je crois, fixer ce jour à lundi prochain.
En effet, si après-demain jeudi vous avez terminé
le premier vote, il vous faudra du temps pour imprimer les amendements ; nous
avons en outre le projet de loi concernant la fraude des céréales à examiner
entre les deux votes ; nous pourrions même nous occuper des pétitions, car il y
en a au moins 150 en retard ; aussi je ne vois nulle difficulté et nulle perte
de temps à remettre le second vote à lundi.
Messieurs, il est désirable que le plus grand
nombre de représentants soient réunis pour le vote d’une loi aussi importante
que celle qui organise la commune ; il faut donc que tous les députés puissent
savoir quand aura lieu le second vote ; personne alors ne pourra se plaindre de
surprise.
Je ne crois pas que ma proposition puisse rencontrer
la moindre objection raisonnable.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, je ne crois pas que sous prétexte de l’absence des membres de
cette assemblée il soit nécessaire de remettre le second vote de la loi
communale à lundi ; chaque député est suffisamment averti par la marche de la
discussion que le second vote est prochain. Il serait inutile de le retarder
plus loin que vendredi ; les amendements concernant le personnel ou le premier
projet de loi sont imprimés, et il est probable que la loi relative aux
attributions sera terminée demain ou après-demain au plus tard ; car il n’y a
plus d’amendements à discuter. Ainsi il ne peut y avoir empêchement pour fixer
le second vote à vendredi.
M. Fallon. - M. le
ministre de l’intérieur nous dit qu’il est probable que nous aurons terminé la
loi communale demain ou après-demain ; et si nous avons terminé jeudi, on ne
pourrait commencer le second vote vendredi ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Vous me pardonnerez ; il y a deux lois.
M. Fallon. - Je
crois qu’il vaudrait mieux fixer le second vote à samedi.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que le but de la
demande de l’honorable M. Gendebien est que les membres puissent revenir pour
le moment du second vote ; or, si l’on décide aujourd’hui que vendredi l’on
commencera le second vote, quelque éloignés que nos collègues puissent être de
Bruxelles, ils sauront demain dans la journée, ou jeudi matin au plus tard, que
l’on procède au second vote vendredi.
Ils savent d’ailleurs déjà tous maintenant que
c’est la loi communale qui est en discussion, personne ne l’ignore en Belgique
; et chaque membre a sans doute soin de se tenir au courant des progrès que
fait chaque discussion. Quoiqu’il en soit, s’il fallait absolument que tous nos
collègues apprissent spécialement que c’est vendredi que commencera le second
vote, il n’y aurait pas d’inconvénient que le bureau leur écrivit pour les
inviter à revenir.
En commençant le second vote vendredi, nous
gagnerons deux jours sur la proposition de l’honorable M. Gendebien, et il ne
faut pas dédaigner cette économie de temps alors que l’urgence nous presse de
toutes parts.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je pense que nous ne gagnerons rien à indiquer
un jour trop rapproché ; l’important est que nous soyons présents. Il nous
reste encore 30 articles à discuter, dont quelques-uns renferment des questions
très délicates. La question relative aux dépenses communales est de ce nombre,
et nous a pris beaucoup de temps dans les discussions précédentes. Il n’y a
rien de certain relativement au jour où nous aurons terminé le premier vote.
Ce serait une chose extraordinaire que de vouloir
commencer le second vote vendredi prochain ; la plupart des membres qui sont
dans leurs familles y resteront jusqu’au dimanche. (Bruit.) Il est incontestable que c’est la vérité, et qu’ils ne
reviendront que lundi. En général, les membres de la chambre qui sont chez eux
désirent achever la semaine dans leurs foyers. C’est là un fait incontestable.
Je ne veux pas examiner s’ils ont tort ou raison. Quant à moi, voilà deux mois
que je suis ici et que je n’ai pas retourné dans ma famille ; mais il est hors
de doute que beaucoup de membres qui sont au milieu de la leur y demeureront le
dimanche. Quoi qu’il en soit, il faut indiquer un jour où nous puissions être
tous réunis ; évitons, en indiquant un jour plus rapproché, que le gouvernement
ne donne des ordres aux personnes auxquelles il a droit d’en donner ; nous,
nous ne sommes pas dans la même position.
Le ministre des finances prétend qu’en indiquant
vendredi, ce sera deux jours de gagnés ; mais la chambre a mis à l’ordre du
jour, entre les deux votes, la loi sur la fraude des céréales ; et hier, le
ministre de la justice a signalé deux petits projets de loi comme étant fort
urgents : il n’est pas douteux que, dans l’intervalle des deux votes, nous
aurons de quoi occuper nos séances.
Vous avez de plus les
pétitions qui sont en retard depuis un temps immémorial. ; cependant
le règlement prescrit de faire un rapport sur les pétitions toutes les semaines
; si vous ne vous occupez pas des pétitions, vous allez rendre ce droit
illusoire. J’appuie la proposition de M.
Gendebien. Remarquez que le sénat n’est pas assemblé ; s’il était
assemblé, je concevrais la précipitation que l’on paraît vouloir mettre dans la
délibération. L’essentiel maintenant est que la chambre ne reste pas deux jours
sans rien faire ; or, elle a des lois, en très grand nombre à élaborer. Ne
fût-ce que par déférence pour nos collègues qui sont absents, je demanderais
que l’on adoptât la proposition de M.
Gendebien.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant vient de
me citer dans ce débat incident, mais son assertion n’est pas exacte ; je
n’ai pas demandé que les projets de loi dont j’ai parlé hier fussent mis
sur-le-champ en discussion ; j’ai demandé qu’ils fussent soumis aux sections si
elles pouvaient s’en occuper à bref délai. Ces projets ont sans doute leur
importance, mais ce qu’il y a de plus important, c’est la loi communale si
impatiemment attendue, et ensuite les budgets de l’intérieur et des finances
qu’il faut voter pour ne pas entraver la marche de l’administration.
Indépendamment de cette erreur, je dois relever une
imputation que s’est permise l’honorable préopinant. Il a prétendu que le
gouvernement donnait des ordres aux députés qui sont en même temps
fonctionnaires de l’Etat. Messieurs, le gouvernement comprend trop bien la
dignité des membres de cette honorable assemblée pour agir aussi lestement à
leur égard.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, après la loi communale, la
chambre doit voter les budgets du département de l’intérieur et du département
des finances ; rien n’est plus urgent que ces deux budgets, A Pâques, les
députés prendront un congé, et si ces budgets n’étaient pas votés à cette
époque, vous voyez combien loin ils seraient renvoyés ; la marche de
l’administration ne peut souffrir des délais aussi longs.
Quand j’ai demandé que le second vote ait lieu
vendredi, j’ai même fait une concession ; car rien n’empêcherait de commencer
demain le second vote, si le premier était terminé aujourd’hui.
Quoique j’aie proposé vendredi, si la loi n’était
pas terminée, on ne commencerait que samedi. Je crois que vendredi est un terme
assez éloigné et qui offre des garanties suffisantes. (La clôture ! la clôture !)
M.
Gendebien. - Je demande la parole coutre la clôture.
Messieurs, en décidant que vous discuterez la loi
communale, pour la seconde fois, vendredi, vous allez contrevenir à une
décision que vous avez prise antérieurement. Vous avez réglé que, entre les
deux votes, vous vous occuperez de la loi concernant les céréales, qui a été
considérée comme urgente, Cette loi, remarquez-le bien, peut prendre plusieurs
séances : on nous assure bien que sa discussion durera peu ; mais on nous
disait la même chose relativement à la loi sur le bétail qui nous a occupés 15
jours. La loi concernant les céréales, fondée sur les mêmes principes, pourra
ramener les mêmes débats.
Il n’est pas exact de dire que les députés sauront
demain ce qui s’est passé aujourd’hui dans cette enceinte ; c’est tout au plus
s’ils le sauront après-demain. J’ai voulu, par ma motion, éviter les reproches
de précipitation. Au reste, puisqu’on y paraît décidé, que l’on précipite la
délibération de manière à empêcher la présence d’un grand nombre de nos
collègues ; ce sera un grief de plus contre la loi communale.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est vrai que la chambre a
décidé qu’elle s’occuperait de la loi relative à la fraude des céréales entre
les deux votes de la loi communale ; mais on pourra satisfaire à cette
détermination en discutant la loi des céréales dans les séances du soir. (Bruit.)
On parle de surprise ; mais comment pourrait-il y
avoir surprise en remettant le second vote à vendredi, alors que tout le monde
aura le temps d’être averti de la décision que vous aurez prise.
On parle en outre de déférences, d’égards envers
ceux qui sont absents ; mais ceux qui sont absents devraient être présents ; si
nous devons des égards, des déférences, c’est au pays qui attend la loi
communale et qui l’attend avec impatience.
Messieurs, il n’y aura aucune espèce de surprise
possible en commençant le second vote vendredi, et nous ne pouvons mieux faire
que de ne pas le différer au-delà de ce jour.
M. Dubus. - Ce n’est pas par égard pour les
absents que nous devons prendre une mesure par laquelle tous les députés
puissent participer au vote ; c’est par égard pour la nation, c’est par égard
pour le peuple ; c’est pour que le peuple soit représenté dans un vote si
important.
Il ne se méprendra pas non plus sur le désir de
ceux qui veulent que l’on commence vendredi, car c’est le désir de ceux qui
veulent que le peuple soit représenté le moins possible. (Bruit.)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. Gendebien. -
Je demande la parole sur la position de question.
Il est bien entendu que, quelque résolution que la
chambre prenne, elle ne reviendra pas sur sa décision antérieure, à savoir que
la loi relative aux céréales sera discutée entre les deux votes. Je demande que
l’on s’explique à cet égard.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Il ne faut pas que l’on se méprenne sur la portée de la
décision que nous allons prendre. Notre intention est que s’il y a possibilité
de commencer le second vote sur la loi communale vendredi prochain, on s’en
occupe, toute autre affaire cessante.
Messieurs, on a fait un appel au peuple : mais le
peuple comprend parfaitement que ceux qui veillent véritablement à ses intérêts
sont ceux qui veulent la loi communale, qui veulent toutes les lois organiques
dont le pays a le plus grand besoin.
M.
Gendebien. - Puisque le ministre invoque le témoignage du peuple, je
lui dirai que le peuple ne se trompera pas. En effet, il connaît ceux qui
s’occupent de ses intérêts, et il verra bien qu’il n’y a aucun motif d’urgence
à commencer le second vote vendredi puisque le sénat n’est pas réuni ; il ne se
réunira peut-être pas dans 15 jours, et en commençant lundi nous ne
surprendrons personne et nous ne perdrons pas de temps.
On me dit que je me plains à tort d’une surprise.
Ce n’est pas moi qui me plaindrai de surprise ; je suis toujours à mon poste ;
ce sont ceux qui sont absents qui pourraient se plaindre d’avoir été surpris ;
si je veux éviter des accusations de surprise, autant dans l’intérêt du pouvoir
lui-même que de la chose publique ; car le peuple pourra croire aussi que l’on
veut enlever d’assaut la nomination des bourgmestre et
échevins.
M. le président. -
Tous les députés doivent être à poste et ne peuvent être absents sans congé.
M. Gendebien. -
Mais en fait, il n’en est pas ainsi ; il manque environ 45 membres.
M. Dumortier, rapporteur.
- Je demande aussi la parole sur la position de la question.
Je ferai la motion formelle que, dans le cas où la
chambre déciderait que c’est vendredi que l’on procédera au second vote de la
loi communale, il est bien entendu que cette décision sera subordonnée à la
résolution précédemment prise par la chambre, de discuter la loi sur les
céréales entre les deux votes.
Je répéterai ce que j’ai déjà dit ; le sénat n’est
pas assemblé, rien ne nous presse.
M. le président. -
Il ne s’agit pas de cela ; vous n’avez la parole que sur la position de la
question.
M. Dumortier, rapporteur.
- J’appuie ma motion, et je dis que le sénat n’étant pas assemblé, il n’y s pas
de raison pour précipiter la délibération.
Cinquante membres nous manquent…
M. le président. -
Nous pouvons commencer immédiatement le second vote sur la première partie de
la loi communale ; les amendements en ont été imprimés et distribués.
M.
Dumortier, rapporteur. - Mais c’est une question de savoir si l’on fera
une loi ou deux lois de l’organisation communale : on décidera cette question
après le vote sur la loi concernant les attributions.
M. le président. -
Il ne s’agit maintenant que de la position de la question.
M. Dumortier, rapporteur.
- Ce serait une véritable iniquité que de forcer à voter la loi avant que nous
soyons tous réunis. (Bruit.)
M. le président. -
Je vais mettre aux voix les propositions qui ont été faites.
M. Dubus. - Je
demande la priorité pour la question relative à la loi sur les céréales.
- La chambre consultée décide que la loi relative à
la fraude des céréales ne sera pas discutée entre les deux votes de la loi
communale.
La chambre vote ensuite par appel nominal sur la
question de savoir si le second vote commencera vendredi.
61 membres sont présents.
36 votent pour le second vote à vendredi.
25 votent contre cette fixation.
En conséquence, la chambre décide que le second
vote de la loi sur l’organisation communale commencera vendredi, s’il est
possible.
Ont voté pour que le second vote ait lieu vendredi
: MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Bosquet, Cols, Coppieters, Cornet de
Grez, de Behr, de Jaegher, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de
Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Theux, d’Huart, Dubois, Bernard
Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Lebeau, Legrelle, Lejeune,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Raikem, Schaetzen, Scheyven, Simons, Ullens,
Vandenhove, Vanderbelen et Verdussen.
Ont voté contre : MM. Berger, Desmaisières, Desmet,
de Terbecq, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Fallon, Frison,
Gendebien, Jadot, Kervyn, Manilius, Raymaeckers, A. Rodenbach, Stas de Volder,
Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vergauwen, Van Hoobrouck, Louis Vuylsteke,
Wallaert et Zoude.
Discussion des articles
Titre II. - Des
attributions communales (projet de loi relatif aux attributions des
administrations communales)
Chapitre V. - De quelques
agents de l’autorité communale
M. le président. -
Nous en sommes à l’art. 56 ainsi conçu :
« Les gardes champêtres sont nommés par le
gouverneur sur une liste double de candidats présentés par le conseil.
« Le gouverneur les révoqué ou les suspend de
leurs fonctions, s’il y a lieu.
« Le conseil communal peut également les
révoquer et suspendre. »
Deux amendements sont présentés : l’un par M.
Legrelle est ainsi conçu :
« Le conseil communal peut les suspendre pour
un terme n’excédera pas un mois ; il peut aussi les révoquer sous l’approbation
de la députation du conseil provincial. »
Le second par M. de Jaegher est le suivant :
« Le conseil communal peut également les
suspendre ; en référé, dans la huitaine à la députation permanente du conseil
provincial, qui maintient la suspension, et prononce même la révocation s’il y
a lieu. »
M. Dumortier, rapporteur.
- Je dois soutenir le projet du gouvernement adopté par la section centrale.
Les rôles sont changés dans cette discussion. Car vous avez vu souvent nos
bancs se lever pour défendre le projet du gouvernement, et le banc des
ministres se lever contre ce projet.
D’après l’amendement de M. de Jaegher, le conseil
communal pourrait suspendre pendant huit jours le garde champêtre puisqu’il
doit en référer dans ce délai à la députation permanente ; ainsi l’honorable
membre, non content de supprimer dans le projet du gouvernement le droit de
révocation accordé au conseil communal,
ne laisse à ce conseil que le droit de suspension provisoire pendant huit jours
de sorte que l’action des communes sur les gardes champêtres se trouve annulée,
et les gardes champêtres deviendraient de vrais agents des commissaires de
district.
Messieurs, est-ce bien dans l’intérêt public que
l’on nous fait de pareilles propositions ? Je conçois que certaines personnes
puissent vouloir que la révocation des gardes champêtres soit prononcée par le
conseil provincial, mais alors ces personnes doivent vouloir en outre que le
conseil communal soit investi d’un droit de suspension, et que le gouvernement
n’ait pas le droit de révocation sans l’intervention du conseil communal.
Il ne faut pas qu’on s’y trompe, les révocations
des gardes champêtres auront toujours lieu sur la proposition des commissaires
de district ; de façon qu’un garde champêtre à charge et odieux à une commune
ne pourra être renvoyé par elle s’il est agréable à M. le commissaire de
district. Telle est la portée de l’amendement de M. de Jaegher.
L’amendement de M. Legrelle est beaucoup plus
rationnel ; il accorde aux conseils communaux le droit de suspension, et il
leur accorde le droit de révocation sous l’approbation de la députation
permanente. Cet amendement est beaucoup plus sage que le précédent ; cependant,
je préfère l’article du gouvernement. Il paraît inconcevable que la commune
n’ait pas le droit de révoquer un garde champêtre ; tout particulier, comme je
le disais hier, a le droit de nommer et de révoquer un garde champêtre ; nous
ne voulons pas aller si loin pour la commune ; cependant, il faut qu’elle
puisse révoquer un garde champêtre.
Si un garde champêtre manque à ses devoirs dans
l’ordre des attributions gouvernementales, le gouvernement doit avoir le droit
de le révoquer ; si le garde champêtre manque à ses devoirs dans l’ordre des
attributions communales, la commune doit pouvoir le révoquer.
On a dit qu’il fallait que le garde champêtre pût
sévir contre un membre de l’administration communale ; mais si un garde
champêtre était favorable à un membre du conseil communal, par cela seul il
devrait être suspendu de ses fonctions par les autres membres de ce conseil
communal.
Vous voyez que le système
que le gouvernement avait proposé, et que la section centrale a adopté, est
très rationnel. Je vous ferai remarquer que dans le système de M. de Jaegher il
n’y a aucune distinction entre les villes et les petites communes. Aujourd’hui
les villes nomment les gardes champêtres, et les régences les révoquent sans
l’intervention du gouverneur. Nous marchons à reculons ; non contentes de la
centralisation qui existait sous le roi Guillaume, certaines personnes
voudraient établir une centralisation plus préjudiciable encore.
On veut soumettre au gouvernement la nomination et
la révocation de tous les gardes-champêtres, même des plus grandes villes. Mais
cela est ridicule ! Comment ! des villes telles que
Bruxelles, Gand, Anvers, Tournay ne sauront pas quel est l’homme qui peut
convenir pour garde champêtre !
Si vous n’accordez le droit de suspension que pour
une huitaine, la suspension n’aura pas lieu ; la police rurale sera abandonnée
; les gardes-champêtres seront négligents, parce que le conseil communal n’aura
plus aucune action sur eux. Vous détruirez ainsi toute espèce de police rurale
; car s’il faut s’adresser au gouverneur pour obtenir la suspension d’un
garde-champêtre pour 8 jours, il n’y aura plus de suspension de gardes
champêtres. Ils deviendront des agents inamovibles, lorsqu’ils seront agréables
aux commissaires de district.
Je maintiens donc la proposition du gouvernement.
Si elle est écartée, je voterai pour l’amendement de M. Legrelle. Mais je voudrais que cet honorable membre ne
l’étendît pas qu’aux communes qui sont sous la juridiction des commissaires
d’arrondissement.
Je demande le maintien de ce qui existe sans avoir
présenté, depuis 20 années, aucun inconvénient.
M. Lebeau. - S’il
ne s’agissait que de faire une exception pour les villes, pour les communes
d’une population nombreuse que la loi soustrait à la juridiction des
commissaires de district, j‘avoue que quant à moi je n’y verrais pas grande
difficulté. Car si j’ai pris la parole sur l’article, si j’ai cherché à en
faire retrancher le troisième paragraphe, j’ai surtout été préoccupé de son
application aux communes rurales, et particulièrement aux petites communes ;
ainsi, pour mon compte on me trouvera d’une facile composition, en ce qui
concerne les autres communes.
Le gouvernement a proposé et la section centrale a
admis (je prie la chambre de remarquer ceci) les deux premiers paragraphes de
l’art. 56, ainsi conçu :
« Paragraphe 1er. Les gardes champêtres sont
nommés par le gouverneur, sur une liste double de candidats présentés par le
conseil. »
Voici donc les gardes champêtres nommés par un
agent du gouvernement, du consentement de la section centrale.
Le gouvernement ajoute la disposition suivante, et
la section centrale y adhère :
« Paragraphe 2. Le gouverneur les révoque ou
les suspend de leurs fonctions s’il y a lieu. »
Le système actuel de l’honorable M. Dumortier,
système qu’il a exposé tout à l’heure, est directement contraire à l’art. 66,
qui place les gardes champêtres sous le coup d’une
révocation immédiate de la part du gouvernement, Cependant la section centrale
a concédé ce point, et je ne crois pas qu’elle pût ne pas le concéder.
Remarquez que quand il s’agit de simples agents de
la commune, du secrétaire, du receveur, la loi n’accorde jamais à l’autorité
municipale le droit de suspension ou de révocation, sans faire dépendre les
effets de ce droit de l’approbation de la députation provinciale ; car le
secrétaire et le receveur sont de simples agents de la commune. Quand au
contraire il s’agit de suspendre ou de révoquer les commissaires de police, qui
ont un double caractère, qui sont à la fois agent de la commune et du
gouvernement en leur qualité d’officiers de police judiciaire, non seulement
alors vous n’avez pas voulu qu’ils pussent être révoqués ou suspendus par
l’autorité communale, mais vous n’avez pas voulu qu’ils puissent l’être
provisoirement ni sous condition.
Vous avez exigé que la révocation vînt du
gouvernement même. Eh bien, il y les mêmes raisons pour admettre ces
dispositions à l’égard des gardes champêtres qui ne sont pas autre chose que
les commissaires de police des communes rurales. Comme les commissaires de
police, ils sont revêtus d’un double caractère ; ils sont les agents de la
commune, et sont officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur du
Roi. Ce ne sont donc pas de simples agents de la commune, comme le sont le
secrétaire et le receveur, dont vous n’avez pas voulu cependant abandonner le
droit de révocation pure et simple au conseil communal. Il y aurait donc
contradiction avec les dispositions précédentes de la loi à abandonner le droit
de révocation pure et simple des gardes champêtres au conseil communal.
Je suis surtout préoccupé
de la position des gardes champêtres dans les communes rurales, et je dis que
si vous abandonnez le droit de les révoquer et de les suspendre aux
administrations des petites communes, ils ne pourront en général verbaliser
contre les membres des administrations locales, qui commettraient des délits ou
des contraventions. Ainsi en présence d’emprises sur les chemins vicinaux, en
présence de l’abus du droit de parcours par le bourgmestre ou par tout autre
membre de l’administration communale, le garde champêtre sera obligé de se
croiser les bras pour ne pas s exposer a être privé de son pain, a être révoqué
sans aucun contrôle ; et s’il est dans cette position précaire, ce seront les
habitants les plus pauvres de la commune qui en souffriront. A leur égard il
sera inexorable, tandis qu’en présence des délits commis par des membres du
conseil communal (et il y en a), il sera impassible, frappé qu’il sera
d’épouvante à l’idée qu’un simple procès-verbal contre une contravention, le
placerait sous le coup d’une révocation, et d’une révocation en dernier ressort.
Je crois que tout ce que nous pouvons faire, c’est
d’adopter l’amendement de M. de Jaegher ; si vous adoptez celui de M. Legrelle
tel qu’il est, vous abandonnez, sans le dire en termes propres, le droit de
révocation au conseil communal. On commencera par suspendre pendant un mois ;
15 jours après ce terme, on renouvellera la même suspension d’un mois. Vous
aurez ainsi une révocation déguisée qui aura absolument les mêmes effets qu’une
révocation pure et simple, que, d’après les principes consacrés dans la loi
communale, vous ne pouvez, ce me semble, admettre.
Je dis donc que nous devons adopter l’amendement de
M. de Jaegher ; car si vous adoptez celui de M. Legrelle, le mot de révocation
ne sera pas dans la loi, mais la chose y sera formellement introduite.
M. Van Hoobrouck. - Je ne saurais donner
mon approbation à l’amendement de l’honorable M. de Jaegher. Je crois que l’auteur de cet amendement s’est trop
exclusivement occupé de la position des gardes champêtres sans tenir aucun
compte de la position des administrations communales qui seraient sans moyens
directs d’action à l’égard de leurs agents subalternes.
En examinant la question sous le point de vue de
l’honorable député d’Audenaerde, il est hors de doute que si vous laissez la
nomination pure et simple des gardes champêtres au conseil communal, cette
disposition peut prêter à des inconvénients. Mais je crois qu’on s’est trop
généralement exagéré ces inconvénients. Quel serait en effet le conseil
communal composé d’hommes assez extraordinaires et assez mal organisés pour
présenter à la nomination du gouverneur des candidats qui sous tous les
rapports réuniraient les capacités requises, dans le but de les destituer et de
les révoquer immédiatement ! Si vous avez une telle crainte, comme confiez-vous
au conseil communal des intérêts bien plus grands, et l’administration de
toutes les affaires de la commune ?
L’honorable membre qui siège près de moi a supposé
des cas où les gardes champêtres devraient verbaliser contre les membres de
l’administration communale ; il a cité de empiétements sur le droit de parcours
Mais remarquez que le garde champêtre n’agissant ordinairement que sous
l’impulsion du bourgmestre, la responsabilité tombera presque toujours sur ce
fonctionnaire.
Si un membre du conseil communal se trouve lésé par
une mesure juste et légale, croyez-vous que tous les membres du conseil
épouseront sa querelle et se constitueront les agents d’une vengeance
individuelle ? Je suis assuré qu’il en sera tout autrement ; car ces
fonctionnaires ont une responsabilité morale vis-à-vis de leurs commettants. Je
crois donc que cette responsabilité fait que les gardes champêtres trouveront toutes garanties dans les membres de
l’administration communale. En tout cas, quand la circonstance extraordinaire,
prévue par la sagacité de l’honorable député, deviendrait
jamais une réalité, ce n’est pas par un cas hypothétique et éventuel que vous
devez vous déterminer à retrancher de votre loi une disposition, la seule qui
puisse rendre le service des gardes champêtres utile à la commune.
Si vous ôtez cette crainte, si vous brisez cet
aiguillon entre les mains du conseil communal, les gardes champêtres se
considéreront comme affranchis de toute surveillance de la part du conseil
communal ; comme cela arrive souvent, ils se voueront à quelque industrie, à
quelqu’occupation particulière, et dès lors ils apporteront la plus grande
négligence dans leurs fonctions. Comment pourriez-vous attendre d’eux du zèle,
alors qu’ils n’auront pas pour témoins les hommes qui seront leurs juges, qui
tiennent leur avenir entre leurs mains ?
On vous a dit que les administrations communales
auraient le droit de suspendre les gardes champêtres et pourraient provoquer
leur révocation.
Ce droit est illusoire, sauf pour des fautes
sensibles ou des cas prévus par les lois et les règlements. Jamais l’on ne
révoquera pour défaut de zèle. Car il est impossible d’apprécier une qualité
tout à fait négative.
Il faut surtout dans une loi organique chercher à
exciter le zèle des agent de la police rurale, en les
dirigeant par les mobiles de toutes les actions humaines, l’espoir de la
récompense et la crainte du châtiment.
Il faut, pour que cette
crainte soit efficace, qu’elle soit placée au pouvoir des hommes témoins
continuels des actions du fonctionnaire. Il n’y a que le conseil communal qui
soit dans cette position.
Je repousse l’amendement de l’honorable député
d’Audenaerde. S’il m’est démontré que l’amendement de M. Lejeune puisse donner
une garantie, je m’y rallierai.
M.
le président. - M. Lejeune présente l’amendement suivant :
(Erratum
inséré au Moniteur belge n°64, du 4 mars 1836 :) « Dans les communes
placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, les gardes
champêtres sont nommés et révoqués par le gouverneur, sur l’avis conforme de la
députation provinciale du conseil provincial.
« La nomination a lieu sur une liste double de
candidats présentés par le conseil communal.
« Le gouverneur peut suspendre les gardes
champêtres pour le terme d’un mois.
« Le conseil communal peut également les
suspendre, sauf à en référer, dans la huitaine, au gouverneur, qui, sur l’avis
conforme de la députation permanente du conseil provincial, prononce
définitivement. »
M. Lejeune. - Je
ne reviendrai pas sur la révocation pure et simple du garde champêtre par le
conseil communal. Je crois que mon amendement fait droit aux objections les
plus fortes qui ont été faites contre les autres amendements.
Je dois seulement une réponse à l’honorable M.
Dumortier, qui croit que : « sauf à en référer dans la huitaine, »
signifie que le conseil ne pourra suspendre le garde champêtre que pour huit
jours.
Cela veut dire seulement que le conseil devra en
informer dans la huitaine l’autorité provinciale, et que la suspension
continuera jusqu’à ce que celle-ci ait prononcé.
M. Dubus. -
Messieurs, aux termes de la loi de 1791, sur la police rurale, les gardes
champêtres étaient nommés par les conseils généraux des communes. Ils étaient
révoqués dans la même forme dans laquelle ils avaient été nommés.
Remarquez que, d’après la loi de 91, les gardes
champêtres avaient les mêmes attributions qu’aujourd’hui. L’on n’a pas changé
depuis lors le caractère de ces agents. Mais l’on a reconnu que des agents
communaux nommés par les communes pour la conservation des propriétés des
habitants et le service de la poste rurale devaient être révoqués par le
conseil qui avait seul un intérêt puissant à avoir un bon agent.
Cet état de choses n’a subi sous le gouvernement
consulaire qu’une modification qui ne changeait pas cependant le caractère des
gardes champêtres, mais qui portait sur la nomination de ceux dont le
traitement était supérieur à 180 francs.
Selon un arrête du consul daté de l’an IX les
gardes champêtres dont le traitement était supérieur à 180 francs devaient être
dans une liste d’anciens militaires et de vétérans. Mais c’était toujours le
conseil général qui faisait la proposition, et sur cette proposition le conseil
était obligé de délivrer un brevet à l’individu désigné.
On me dit que dans le projet de loi française sur
les attributions municipales il est question de donner au conseil la nomination
et la révocation du garde champêtre. On suivrait ainsi les principes de la loi
de 91.
C’est le roi Guillaume qui a dénaturé en Belgique
le caractère de ces agents, et qui en a fait des agents du gouvernement
d’agents communaux qu’ils étaient. Ce n’est pas sur des errements du roi
Guillaume que nous devons nous traîner.
Les gardes champêtres sont des agents de la
commune.
Ils devraient être nommés par la commune et
révocables par elle. Mais l’on a trouvé de l’inconvénient à ce que la commune
eût sans limite le droit de révocation. L’on a imaginé un mode de nomination
par le gouverneur et le conseil communal, de telle sorte que le gouverneur ne
puisse nommer que l’homme agréable à la commune. Si vous voulez mettre la
révocation en harmonie avec le mode adopté pour la nomination, il faut que le
conseil puisse avoir, comme le gouverneur, le droit de révoquer.
L’on donne au gouverneur un droit arbitraire de
révocation, et l’on veut enlever au conseil toute participation à la révocation
de son agent. C’est une véritable inconséquence.
Je suis étonné que l’on insiste autant qu’on l’a
fait sur les inconvénients du droit de révocation.
J’en suis à comprendre la réalité de ces
inconvénients prétendus. Je demanderai toujours si le principal intérêt de la
commune n’est pas que les gardes champêtres fassent bien leurs devoirs, s’ils
ne sont pas les hommes de la commune ?
C’est pour cela que l’on exige, pour la nomination,
la procuration par le conseil d’une liste double de candidats.
Pourquoi ne pas donner, par les mêmes motifs, au
conseil le droit de révocation ? pourquoi
craignez-vous que le conseil n’aille révoquer à plaisir un homme qui fera bien
son devoir ? Il n’aura garde de le révoquer. Loin de là, il le conservera.
Mais, dit-on, le garde champêtre pourra, dans
l’exercice de ses fonctions, blesser un individu qui aura de l’influence dans
le conseil. Il faut éviter que cet individu puisse provoquer la destitution
d’un agent qui n’aurait que rempli son devoir. Mais pour atteindre à ce but, il
faut que cet individu fasse partager son ressentiment par le conseil.
La crainte que l’on manifeste est donc exagérée
puisqu’elle suppose la réunion de conditions qui ne se présenteront presque
jamais.
Mais lorsqu’il s’agit de donner au gouverneur ou
plutôt au commissaire de district le droit de révoquer et de faire de ce droit
un usage arbitraire, lorsque la menace de révocation devient une menace de tous
les instants, qui n’est subordonnée à aucune condition, l’on n’y voir aucune
espèce d’inconvénient.
Les gardes champêtres exercent leurs fonctions sous
les yeux de qui ? Ce n’est ni sous les yeux du gouverneur ni sous les yeux du
commissaire de district. C’est sous les yeux de l’administration municipale.
C’est précisément cette administration que l’on veut rendre étrangère à la
révocation.
On a parlé d’emprises qui pourraient être faites
par un personnage influent dans la commune, de délits contre le droit de
parcours que pourrait se permettre un pareil individu, et que le garde
champêtre tolérerait parce qu’il craindrait sa révocation.
Mais l’on n’a pas fait attention que ce n’est pas
le conseil seul qui aurait droit de révocation. On l’accorderait également au
gouverneur. Ce sont ces deux points qui s’harmonisent entre eux et qui
détruisent mutuellement les mauvais effets de chacun s’il était isolé.
N’oubliez pas que si un habitant influent dans la
commune commet un délit de parcours, il fait tort aux autres habitants de la
commune, et soyez certains que s’il y avait négligence de la part du garde
champêtre, il ne manquerait pas de gens qui le dénonceraient au gouverneur.
Tel est le bon effet du
double droit de révocation.
On a parlé dans la séance d’hier des délits de
chasse. Mais ces délits sont pour la plupart au préjudice de particuliers.
Lorsqu’ils ne sont pas au préjudice de particuliers, ils peuvent faire tort
sinon au droit, du moins aux prétentions d’autres particuliers.
Le garde champêtre ne pourrait être négligent en
pareille matière qu’il ne fût immédiatement dénoncé au gouverneur.
Si vous n’accordez le droit de révocation qu’au
gouverneur, il pourra arriver qu’un garde champêtre reste imposé à une commune
malgré elle, quand bien même elle aura perdu sa confiance. Il sera maintenu
parce qu’il sera un instrument aveugle pour des services pour lesquels il ne
devrait pas servir d’instrument.
Ce système présenterait d’autant plus d’inconvénients
que les fonctions de garde champêtre ne sont pas temporaires.
Je crois que vous ne pouvez admettre l’amendement
de l’honorable M. de Jaegher. Je
conviens que l’amendement présenté par l’honorable M. Legrelle offre moins
d’inconvénients. Cependant il est contraire à l’article en discussion. Vous ne
pouvez accorder un droit arbitraire de révocation au gouverneur sans accorder
par contre un pareil droit au collège.
Il y aurait une inconséquence flagrante à en agir
autrement.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne comprends pas pour quel motif on
propose de changer le mode de nomination qui est présenté à la chambre par le
gouvernement et par la section centrale.
On ne donne aucune espèce de motifs.
Je crois qu’en ce qui concerne le mode de
nomination, il n’est pas question d’amender le projet.
Les observations n’ont porté que sur le dernier
paragraphe de l’article 56 :
« Le conseil communal peut également révoquer
et suspendre les gardes champêtres. »
Il y a lieu de faire droit aux observations qui ont
été faites sur ce paragraphes pour les villes. Aussi
je proposerai la rédaction suivante :
« Dans les communes qui ne sont pas placées
sous les attributions du commissaire d’arrondissement, le conseil communal peut
également les révoquer et les suspendre. »
Le reste de l’article serait comme l’a proposé M.
de Jaegher :
« Dans les autres communes, le conseil
communal peut également les suspendre ; il en réfère, dans la huitaine, à la
députation permanente du conseil provincial, qui maintient la suspension, et
prononce même la révocation, s’il y a lieu. »
L’on a prétendu que l’on voulait ôter aux communes
rurales une prérogative dont elles jouissent de ce moment. C’est une erreur.
Au contraire, la disposition,
telle qu’elle est amendée, donne beaucoup plus de latitude aux conseils
communaux qu’ils n’en ont maintenant : d’abord une part assurée dans la
nomination, en second lieu la faculté de prononcer une peine grave.
Il ne faut pas se le dissimuler. La peine de la
suspension sera une peine très sensible au garde champêtre. Indépendamment de
l’effet du châtiment en lui-même, elle le privera de son traitement pendant
assez longtemps ; car cette peine sera en réalité de près d’un mois.
Le conseil en référera à la députation provinciale
; celle-ci prendra des informations et recherchera les causes de la suspension,
ce qui occasionnera un délai de 15 jours à un mois avant que la suspension soit
levée. Par là les conseils obtiendront sur les gardes champêtres toute
l’autorité dont ils ont besoin.
Pas un seul garde champêtre n’osera s’aviser de
déplaire au conseil communal, quand celui-ci sera investi de la faculté
proposée par M. de Jaegher.
- La clôture est demandée.
(Moniteur belge n°63, du 3 mars 1836) M.
Dubus. - Il me semble, messieurs, qu’il n’est pas convenable de clore
lorsque M. le ministre de l’intérieur vient de présenter un nouvel amendement.
L’on ne peut en refuser la discussion.
Cet amendement peut être la combinaison d’autres
amendements ; mais l’on sait que les amendements ne sont que des combinaisons
différentes d’une même proposition.
Je demande donc que la clôture ne soit pas
prononcée.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je n’ai entendu personne demander la clôture.
M. le président. -
Le bureau n’aurait pas mis la clôture en discussion, si elle n’avait été
demandée par dix membres.
M. Dumortier, rapporteur.
- Puisqu’il en est ainsi, je dois m’opposer à la clôture. Je désire être
entendu sur l’amendement de M. le ministre. Il est impossible de le mettre aux
voix avant que la discussion n’ait été ouverte.
M. le président. - La
parole est à M. Gendebien sur la clôture.
M. Gendebien. -
Je n’ai pas la moindre intention de prolonger la discussion. Mais il me semble
que ceux qui veulent économiser le temps de la chambre auraient dû s’en tenir à
l’art. 56. Cet article est une espèce de transaction à laquelle a abouti une
discussion très longue qui eu lieu au premier vole sur la nomination et la
révocation des gardes champêtres.
M.
le président. - C’est le fond que vous discutez.
M. Gendebien. -
Permettez-moi de développer les motifs pour lesquels je m’oppose à la clôture.
M. le président. - Je
ne puis permettre à M. Gendebien la question du fond. La parole lui est
continuée sur la clôture.
M.
Gendebien. - J’étais dans la question. Maintenant il ne me convient
plus de parler.
M. Desmet. - Si
vous ôtez tout pouvoir aux conseils communaux sur les gardes-champêtres, les
autorités communales n’en pourront rien faire. Cependant les conseils communaux
seront toujours meilleurs juges de l’opportunité de la révocation ou de la
suspension des gardes champêtres, car ils sont à même d’apprécier leur conduite
de tous les jours. Aussi je préfère l’ancien projet du ministre de l’intérieur,
je le trouve plus dans l’intérêt des communes.
Je ferai observer que ce sont surtout les communes
rurales qui sont intéressées à ce que les gardes champêtres ne soient pas
indépendants des conseils communaux, parce que ce n’est que dans ces communes
que leurs fonctions ont de l’importance. Dans les villes, ils n’ont rien à
faire.
La chambre fera donc bien de maintenir l’article
qu’elle a adopté lors de la première discussion.
M. Dumortier. -
Il est impossible d’admettre les amendements proposés à l’article 56. L’an
dernier, des observations ont été présentées à la chambre par diverses régences
sur cette question. Voici ce que disait la régence de Mons :
Il peut paraître singulier que tout propriétaire
ait le droit d’avoir un garde champêtre pour ses propriétés, avec l’agrément du
Roi et que l’autorité communale, qui est chargée de la police rurale, n’ait pas
sous ses ordres l’agent qui doit veiller à l’exécution de ses règlements.
Vous avez donné à la commune le droit de nommer son
secrétaire et son receveur ; et vous iriez écarter son intervention en ce qui
concerne la révocation des gardes champêtres ! Cela serait une véritable
anomalie. L’an dernier, cette disposition a été adoptée après un long examen.
Je désirerais que le gouvernement ne revînt pas à chaque instant sur les
dispositions quelque peu libérales qu’il a présentées dans son projet. Il
devrait agir avec plus de franchise et nous proposer un projet dépouillé de
toute espèce de liberté, nous verrions alors ce que nous devrions faire, et ne
pas venir nous présenter des dispositions libérales avec l’arrière-pensée de
les faire échouer, comme il a fait pour la nomination des échevins et comme il
fait maintenant pour ce qui concerne les gardes-champêtres. Car c’est là un
véritable leurre. Je regrette de devoir le redire, mais c’est la vérité.
Dans les communes rurales, les fonctions de garde
champêtre consistent dans la surveillance des propriétés des habitants. Il n’en
est pas des gardes champêtres comme des gardes des bois, qui sont chargés de la
conservation des propriétés communales. Quelle meilleure garantie pourrez-vous
avoir que les gardes champêtres remplissent leurs devoirs, que de les mettre
dans la dépendance de ceux dont ils doivent surveiller les propriétés ? Les
conseillers municipaux verront mieux que personne si le garde champêtre veille
à la conservation des propriétés de tous les habitants. Je ne vois aucun motif
pour refuser au conseil communal le droit de révoquer ces agents, puisqu’il est
particulièrement intéressé à voir si le garde champêtre veille ou non à la
conservation de la propriété de chacun.
L’argument dont on
se prévaut pour refuser au conseil le droit de révoquer les gardes champêtres
tourne précisément contre ceux qui s’en occupent. C’est précisément dans les
communes rurales qu’il est nécessaire que les conseils communaux aient la haute
main sur les gardes champêtres. Car que font les gardes champêtres dans ces
communes ? Ils surveillent les récoltes. Or, c’est une véritable absurdité que
la commune ne puisse pas révoquer celui qui est chargé de surveiller ses
récoltes. La proposition de M. de Jaegher a pour but d’empêcher la commune de
révoquer un garde champêtre, quand il sera l’homme dévoué du commissaire de
district. Alors la commune qui aura le malheur d’avoir un mauvais garde
champêtre sera obligée de le conserver. Je m’empare
ici de vos propres arguments : vous avez cité un secrétaire communal qui était
odieux à toute la population de la commune, qui faisait trembler le conseil, et
qu’on n’a pas pu faire révoquer quoique le gouvernement en eût le droit ; il a
pesé vingt ans sur la commune, parce qu’il était dévoué au gouvernement. Eh
bien, avec le système que vous proposez, vous arriverez au même résultat avec
les gardes champêtres. Laissez à la commune le droit de révoquer son garde
champêtre, quand elle le trouve convenable, nous consentons à ce que le
gouvernement de son côté ait le même droit, pour le cas ou l’action de la
commune serait insuffisante. Les amendements présentés compromettraient la
police communale. La conservation des propriétés serait sans garantie.
Le garde champêtre n’est pas un agent du
gouvernement, mais de l’administration communale. Il faut que l’administration
communale puisse le révoquer quand il ne remplit pas ses fonctions.
M.
Legrelle. - Je propose de modifier mon amendement de la manière suivante.
Je maintiendrai l’article du projet et j’ajouterai la disposition suivante :
« Dans les communes qui sont placées dans les
attributions des commissaires d’arrondissement, le conseil peut les suspendre
pour un terme qui n’excèdera pas un mois ; il peut aussi les révoquer sous
l’approbation de la députation du conseil provincial. »
M.
A. Rodenbach. - Je ne sais pas pourquoi on attache une
si grande importance à cette centralisation des gardes champêtres. La
première fois que nous nous sommes occupés de la loi communale, nous avons
discuté longtemps la question dont il s’agit, et ce n’est que par concession
que la chambre a voté l’article dont nous demandons aujourd’hui le maintien.
Vous savez, messieurs, que les gardes champêtres,
leur nom l’indique assez, n’ont été institués que pour surveiller les récoltes,
pour empêcher qu’on ne commette des dégâts. Le garde champêtre est donc l’homme
de la commune plutôt que celui du commissaire de district et du gouverneur qui
n’ont rien à faire avec lui ; dès lors, c’est à la commune qu’il appartient de
juger si cet agent remplit ou non ses fonctions.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je dirai comme l’honorable préopinant,
mais dans un sens inverse, que je ne comprends pas l’importance qu’on attache à
la révocation des gardes champêtres et à la prétendue influence que ces agents
exerceraient. Personne n’imaginera qu’un agent d’un rang aussi infime que le
garde champêtre puisse exercer de l’influence sur les notables de la commune.
Il s’agit tout simplement de placer ces agents dans la position de mieux
remplir leurs devoirs. Quant à la question d’influence, elle est tout à fait
étrangère à l’objet que nous discutons. La commune aura une influence très
réelle, puisqu’elle pourra prononcer une suspension qui pourra se prolonger de
trois semaines à un mois.
M.
Gendebien. - Il semble en vérité qu’on ne veut pas comprendre la
chambre. L’honorable M. A. Rodenbach vous a dit la vérité : c’est par
concession, vous a-t-il dit, que la chambre a adopte l’article dont nous
demandons le maintien, et il ne comprend pas l’importance que le gouvernement
attachait à avoir les gardes-champêtres dans sa seule dépendance. M. le
ministre lui a répondu qu’il pouvait retourner la proposition et dire à son
tour qu’il ne comprenait pas l’importance qu’on mettait à ne pas donner au
gouvernement ce qu’il demandait. Eh bien, voici cette importance.
On ne veut pas déconsidérer le conseil communal aux
yeux des habitants, en le mettant en parallèle avec l’agent du gouvernement du
rang le plus infime, lequel pourra avoir raison et l’emporter sur la
représentation communale, contre les élus de la commune. On ne veut pas que la
représentation communale reçoive un soufflet du commissaire de district par la
main du garde champêtre ; on veut éviter au conseil la position fâcheuse de
voir rétablir par le gouvernement ou plutôt par un commissaire de district un
garde champêtre qu’il aurait suspendu. Nous voulons éviter un pareil conflit.
Voila qui est sensible. On veut déconsidérer aux
yeux des habitants des communes le produit de l’élection et faire prévaloir
l’agent le plus infime du pouvoir exécutif.
Comme je le disais tout à l’heure, l’année dernière
on a contesté au gouvernement toute intervention quelconque dans la nomination
et la révocation des gardes champêtres, et c’est par transaction qu’on est
arrivé à l’article 56. J’étais du nombre de ceux qui croyaient qu’on devait
avoir assez de confiance dans les administrations communales pour leur laisser
le libre choix de leurs gardes champêtres.
Je n’ai pas voulu reproduire cette question pour ne
pas faire perdre du temps à la chambre, et voilà que de malencontreux
amendements qu’on discute depuis trois heures sont présentés par le
gouvernement qui ne se contente pas de la concession qu’on lui a faite l’année
dernière à sa demande. Si je voulais revenir sur les discussions antérieures,
il n’y aurait pas d’article qui ne m’en fournit le moyen. Je m’en suis abstenu
par respect pour les décisions de la chambre. Mais il s’agit ici d’ôter un
reste de puissance à l’administration communale, il n’est pas étonnant que le
gouvernement se donne tant de peine pour y parvenir.
Songeons, messieurs, que l’art. 56 est une
concession que nous avons faite, allons aux voix et maintenons par esprit de
modération.
M. de Jaegher.
- Messieurs, je me suis abstenu jusqu’à présent de prendre part à la discussion,
quoique j’aie été attaqué plusieurs fois d’une manière peu obligeante par M
Dumortier. Si j’ai présenté ma proposition, c’est parce que, dans ma position
hors de cette chambre, j’ai été à même d’en reconnaître l’utilité. Ce n’est
nullement dans un intérêt personnel comme commissaire de district que j’ai fait
cette proposition, car toutes mes relations avec les gardes champêtres se
bornent à leur remettre des paquets pour les autorités communales.
Il n’appartient pas à M. Dumortier de venir tirer
de ma proposition des inductions contre les commissaires de district.
Dans cette discussion, on argumente toujours comme
s’il s’agissait d’une suspension à confirmer ou infirmer par le gouverneur,
tandis que ce sera la députation du conseil provincial, qui est aussi une
émanation de l’élection, qui prononcera. Pourquoi supposer que la députation du
conseil provincial sera plutôt opposée au conseil communal qu’au commissaire de
district ? Pour moi, comme commissaire de district, je m’en rapporte à la sagesse
de la députation ; le conseil communal peut avoir en elle la même confiance.
On dit qu’il s’agit de retirer à la commune un
reste de liberté.
Un
membre. - Sans doute ; maintenant il n’y a rien !
M.
de Jaegher. - S’il n’y a rien et que le service se fait sans
inconvénients, pourquoi supposer qu’il y en aura davantage quand la commune
aura plus de latitude pour déplacer son garde champêtre.
Je n’ai pas insisté pour étendre mon amendement
au-delà des communes placées dans les attributions des commissaires
d’arrondissement, mais je connais la difficulté qu’on a à trouver de bons
gardes champêtres, et je sais par expérience que les membres des
administrations communales sont trop souvent intéressés à faire taire des témoins
et à soustraire des délits à la justice ; je veux que l’autorité supérieure
trouve dans le garde champêtre un agent quelque peu indépendant de l’autorité
immédiate.
M. le président. -
A quel amendement vent-on donner la priorité.
M. de Jaegher.
- Je me rallie à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Lejeune. - Je
n’ai proposé mon amendement que pour le cas où celui de M. le ministre de
l’intérieur ne serait pas adopté.
M. le président. -
Je vais alors mettre aux voix l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Il
est ainsi conçu :
Après les deux premiers paragraphes de l’article,
il ajoute :
« Dans les communes qui ne sont pas placées
dans les attributions des commissaires d’arrondissement, le conseil communal
peut également les révoquer et les suspendre.
« Dans les autres communes le conseil communal
peut également les suspendre ; il en réfère dans la huitaine à la députation permanente
du conseil provincial, qui maintient la suspension et prononce même la
révocation, s’il y a lieu. »
- Cet amendement est mis aux voix.
Après deux épreuves douteuses on procède à l’appel
nominal.
Nombre de votants, 66.
Oui, 28.
Non, 38.
En conséquence l’amendement n’est pas adopté. La
chambre donne ensuite la priorité à l’amendement de M. Legrelle.
L’amendement de M. Legrelle est mais aux voix et
adopté.
L’art. 56 est adopté dans son ensemble avec
l’amendement de M. Legrelle.
« Art. 57. La députation provinciale nomme les
gardes des bois communaux, sur une liste double de candidats présentés par le
conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque
ou les suspend de leurs fonctions.
« Le conseil communal peut également les
révoquer ou les suspendre. »
M. d’Hoffschmidt. - Tous les inconvénients
que l’on a signalés pour la révocation des gardes champêtres par les conseils communaux,
s’appliquent à plus forte raison aux gardes des bois communaux. Je ne vous
répéterai pas tous ces inconvénients ; ils vous sont présentés ; car ils
viennent d’être développés très longuement.
J’ajouterai seulement quelques considérations
relatives aux bois communaux. Il y a une grande différence entre les bois
communaux et les autres propriétés. Les bois communaux sont des propriétés
indivises qui ne se transmettent pas de père en fils ; les habitants de la
commune n’ont pas le même intérêt à les conserver qu’à conserver les propriétés
particulières.
Vous savez que dans beaucoup de localités, les bois
sont la principale ressource des communes qui en jouissent. Si vous laissez la
révocation des gardes des bois communaux au conseil, vous verrez, dans beaucoup
de communes, des dévastations qui détruiront une ressource importante pour
elles et même pour le pays.
Si vous laissez la révocation des gardes au
conseil, il s’ensuivra que ces gardes se croiront dans la dépendance de chacun
des membres du conseil et de leurs parents, et il en résultera des dévastations
irréparables. Je crois donc qu’il est très dangereux de donner au conseil
communal le droit de révoquer les gardes des bois communaux.
Vous remarquerez à cet article que ce n’est pas le
gouverneur qui nomme, comme cela est pour les gardes champêtres. Ici c’est la
députation qui nomme et qui révoque.
Quant aux gardes champêtres, on a fait des
objections contre le droit de nomination par le gouverneur, et elles pouvaient se
concevoir jusqu’à un certain point, quoique je les considère comme de vraies
théories ; mais ce qui se fait suffit pour démontrer à ceux qui habitent la
campagne que le droit du conseil communal de révoquer les gardes champêtres et
les gardes des bois communaux pourrait entraîner à de graves inconvénients ; au
reste, pour les bois communaux le gouverneur ne peut, d’après l’article en
discussion, intervenir ni dans la nomination ni dans la révocation des gardes
des bois communaux ; c’est à la députation, corps indépendant, qu’il réserve ce
droit, ce qui est bien différent.
On prétendra peut-être
encore que ce sont des agents simplement communaux, que c’est à la commune à
les révoquer. Mais je répondrai à cela que les bois communaux n’ont pas
exclusivement un intérêt communal.
Les bois communaux ont un intérêt qui se rattache
au bien-être général. Je vais en donner un exemple frappant :
Dans bien des communes, les habitants ont un droit
d’usage dans les forêts de l’Etat. Il consiste en ce que les particuliers ont
droit à un certain nombre de cordes de bois, de bois de charronnage, de bois de
bâtisse, lorsque les bois communaux n’en fournissent pas suffisamment.
Or, si vous laissez dévaster les bois communaux,
les communes auront le droit de demander dans les bois de l’Etat le nombre de
cordes qui leur manquent.
De sorte qu’ici ce n’est pas un intérêt
exclusivement communal ; vous pouvez donc faire une exception à ce que vous
venez de voter pour les gardes champêtres, quant aux gardes des bois communaux,
sans sortir du principe que vous avez admis.
Si vous abandonniez la révocation des gardes des
bois communaux au conseil, il en résulterait une source d’abus. L’on s’en
repentirait plus tard, quand nos belles forêts, qui ont été conservées par une
administration extrêmement soigneuse, seraient dévastées et que des ressources
aussi essentielles pour les communes et pour l’Etat seraient assez anéanties.
J’attendrai les objections que l’on fera à ma
proposition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans une séance précédente
vous avez décide par l’article 9 que la question des bois communaux resterait
pour le moment indivise, intacte, et que l’on se réservait d’y revenir par une
disposition spéciale sur la matière.
Par une conséquence nécessaire il faut supprimer
l’article en discussion, parce que si d’une part l’on a laissé la question
organique pour les bois communaux en suspens, il faut laisser également en
suspens l’une des conséquences du principe, comme le principe lui-même.
Je pense donc qu’il y a lieu de supprimer l’article
57, comme conséquence du vote émis par la chambre à l’article 9. Du reste on
peut s’en rapporter à ce qui se passe maintenant en cette matière. Il ne
s’élève plus de plaintes aujourd’hui sur la législation en vigueur. Si les
conseils communaux ne révoquent pas les gardes forestiers, ils ont cependant le
droit de présentation et ce sont les candidats de la commune qui sont seuls
admis par l’administration forestière.
Il n’y a donc aucun motif pour ne pas adopter
l’ajournement de la question que je demande par la suppression de l’article 57.
M.
Andries présente un amendement. - Messieurs, dit-il, il y a des gardes
qui sont nommés par l’administration forestière pour veiller à la conservation
des bois appartenant à 3 à 4 établissements publics. Il est difficile que ces
établissements puissent faire une présentation. Comment voulez-vous qu’ils
tombent d’accord sur le même individu ?
Je désire donc que l’on affranchisse ces
établissements des conditions de la nomination des gardes des bois communaux.
C’est le seul moyen d’assurer le bien du service : Alors on ne sera pas forcé,
comme on l’est dans certaines localités, de placez un garde pour surveiller les
gardes du gouvernement.
Dans les deux Flandres il y a 30 à 40 gardes
forestiers qui n’ont qu’un supérieur. C’est le sous-inspecteur qui réside à
Ypres. Comment voulez-vous que ce fonctionnaire surveille la conduite de
subordonnés qui habitent à 20 lieues de sa résidence ?
L’amendement que je présente ne peut offrir aucune
crainte sur le sort des propriétés des établissements publics. Les
administrations placées à leur tête ont le plus grand intérêt à ce que ces
institutions de bienfaisance prospèrent. Elles se chargeront donc de faire surveiller
leurs bois mieux que ne pourrait le faire une administration supérieure avec
laquelle ils n’ont qu’un contact forcé.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il semblerait à entendre
l’honorable M. Andries que les administrations de bienfaisance seraient
obligées de faire surveiller les gardes du gouvernement par des gardes nommés à
cet effet.
Si un semblable état de choses existait, les gardes
négligents seraient révoqués à l’instant même. Le fait cité par l’honorable M.
Andries ne peut exister, parce que les établissements dont il a parlé ne
souffriraient pas un état de choses semblable ; ils se plaindraient, et leurs
plaintes seraient écoutées.
Si l’on reconnaît qu’il est prudent de laisser les
choses intactes en ce qui concerne les bois communaux, il faut en agir de même
à l’égard des bois des établissements de bienfaisance.
L’honorable M. Andries a reconnu lui-même que dans
bien des circonstances l’on ne pouvait laisser sans contrôle la gestion des
administrateurs des établissements publics ; il ne doit pas avoir oublié ce
qu’il a dit au sujet d’un amendement présenté par l’honorable M. Dubus : il
craignait qu’il n’y eût du gaspillage, des collusions contre les intérêts de
ces établissements en faveur des administrateurs, en l’absence de tout contrôle
; or, ces collusions sont bien plus à craindre quand il s’agit d’administrer
les bois communaux, et cette administration serait sans contrôle du moment que
les gardes forestiers seraient sous la dépendance de ces établissements.
L’abus dont l’honorable M. Andries a parlé, j’aime
à le croire, est imaginaire. Je le prie de me citer le fait, j’y mettrai bon
ordre. Mais je crois qu’il ne pourrait me citer un seul fait de ce genre. Les
établissements qui seraient dans la nécessité de faire surveiller les gardes du
gouvernement auraient adressé depuis longtemps leur réclamation à l’autorité
supérieure, et les abus auraient été aussitôt réprimés.
Je persiste à demander la suppression de l’art. 57.
M.
Andries. - Les abus que j’ai signalés ont existé ; mais je crois qu’ils
n’existent plus depuis quelque temps.
Pour montrer la nécessité de réformer la
législation existante sur les forêts, je ne citerai qu’un fait.
Lorsqu’en vertu d’un arrêté du mois de mai 1819,
Le même arrêté laissait aux établissements publics
le soin d’administrer leurs bois ayant moins de
Ceci vous démontre la nécessité de réviser la
législation forestière.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Effectivement, comme l’a dit
l’honorable M. Andries, c’est un arrêté de 1819 qui a amélioré l’administration
des bois des communes et des établissements de bienfaisance : Les boqueteaux,
c’est-à-dire, les bois de moins de
S’il n’en était pas ainsi, les administrations
communales et les bureaux de bienfaisance auraient des gardes spéciaux auxquels
ils donneront quelques francs de traitement ; or, quelle surveillance
voulez-vous que l’on ait avec de semblables salaires ?
Rien mieux que l’exemple qui vient d’être cité par
M. Andries ne prouve l’utilité de maintenir l’état de choses actuellement
existant ; par les gardes de l’administration forestière, les administrations
de bienfaisance obtiennent moyennent une rétribution très économique, une
surveillance efficace.
Quoi qu’il en soit, s’il est encore des
administrations de bienfaisance qui veuillent administrer par elles-mêmes leurs
boqueteaux isolés, de moins de 5 bonniers, elles n’ont qu’à le réclamer ; on ne
peut le leur refuser, parce que tels sont les règlements.
M. Dubus. - Je
prierai la chambre de remarquer que l’article en discussion est un article
présenté par le gouvernement non pas une fois, mais deux fois ; car cet
article, au moins le deuxième paragraphe dont le ministre demande le
retranchement, se trouve dans le premier projet. Le gouvernement a pris
l’initiative de proposer un autre mode de nomination des gardes des bois
communaux que celui actuellement existant ; car voici quel était l’article :
« La députation permanente du conseil
provincial nomme les gardes des bois communaux sur une liste de candidats
présentée par le conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque
commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions. »
Ainsi, c’est le gouvernement qui, dès
Cette disposition de la section centrale a été
adoptée par la chambre. Le gouvernement l’a reproduite dans son deuxième
projet, telle qu’elle avait été adoptée au premier vote ; toutes les sections
et la section centrale en ont proposé le maintien. C’est après qu’il a subi
toutes ces épreuves que le gouvernement a présent en demande la suppression.
Voici une chose réellement rare dans les annales
des différentes législatures, mais qui n’est pas rare dans les annales de la
nôtre. C’est le gouvernement lui-même qui vient attaquer son propre projet, ou
appuyer une attaque dirigée contre son propre projet par un membre isolé de la
chambre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est la conséquence d’un vote.
M. Dubus. - On
dit : « C’est la conséquence d’un vote. » C’est ce que vous allez apprécier. Cet
article avait reçu l’approbation de tous. Mais plusieurs membres de l’assemblée
trouvent qu’il ne va pas assez loin ; et en effet, dans l’état actuel, je ne
dirai pas de la législation, mais des règlements imposés au pays, les communes
sont privées à la fois de toute participation à l’administration, à la garde et
à la surveillance de leurs propriétés boisées. Cependant, il est évident,
d’après la constitution, qu’elles ne doivent pas y demeurer étrangères. Et
réellement, je ne sais à quoi sert la constitution, sinon à de continuelles
violations par des votes législatifs.
D’honorables membres ne trouvent pas que ce soit
assez de donner à la commune une participation dans la surveillance de ses bois
; ils trouvent qu’elle devrait concourir à la nomination des gardes des bois
communaux, et qu’elle devrait y concourir d’une autre manière.
D’honorables députés des provinces de Namur el du
Luxembourg, dans lesquelles il y a beaucoup de bois, invoquant la constitution,
ont demandé un article qui attribuât au conseil communal le droit de délibérer
sur l’administration des biens communaux. Par suite le gouvernement a proposé,
la section centrale a admis et la chambre a adopté l’article qui a été de
nouveau reproduit par le gouvernement et la section centrale, et qui nous
occupe maintenant.
M. le ministre des finances demande maintenant que
l’on retranche cette disposition comme inutile ; il dit : L’on y reviendra
quand on fera une loi. Mais l’on ne fait pas une loi pour dire : « On fera
une loi. » On sait qu’on a toujours le droit de faire une loi. C’est comme
si dans une loi, qui aurait pour but d’organiser le principe constitutionnel,
on disait : « Il sera fait une loi pour organiser le principe constitutionnel.
» Voici à quoi reviendrait l’adoption de la proposition du ministre des
finances.
Maintenant le ministre veut prétendre que le
retranchement du dernier paragraphe de la proposition primitive du gouvernement
est la conséquence d’un autre vote de la chambre ; de telle sorte que les
communes, non seulement seraient étrangères à l’administration de leurs bois,
mais même seraient exclues de toute surveillance sur la conservation de leurs
bois. C’est là ce que le gouvernement demande, opposé en cela à ce que deux fois
il a proposé. Il faudrait au moins, ce me semble, que les ministres eussent
quelque apparence avec eux-mêmes.
On a dit : Mais les bois communaux sont la
principale ressource des communes qui en jouissent dans beaucoup de localités.
J’en conclus que vous n’en trouverez pas de plus intéressés à la conservation
des bois communaux que l’administration communale.
Mais, dit-on, les gardes
des bois communaux doivent être indépendants de l’administration communale
parce que ce sera souvent des membres de cette administration qui seront les
délinquants. Mais, messieurs, a une époque où il y avait des bois assez
considérables dans l’arrondissement de Tournay, régis par l’administration
forestière, j’ai vu poursuivre devant le tribunal de Tournay un très grand nombre
de délits forestiers ; mais ces délits étaient commis par des prolétaires, par
des hommes qui n’avaient rien à eux.
Et l’on viendrait supposer que les membres du
conseil communal se concerteraient pour voler les bois de la commune et
destitueraient les gardes qui verbaliseraient contre ces vols. Car voilà ce
qu’il faut supposer. En effet il y a 7 membres du conseil communal ; j’admets
que parmi eux il y ait un voleur de bois ; il ne faut pas en conclure que la
majorité du conseil s’empresserait de révoquer le garde qui aurait poursuivi ce
voleur.
D’ailleurs la députation provinciale a également le
droit de révocation ; et si le conseil communal laissait piller les bois de la
commune, sans doute quelque habitant déférerait cette négligence à la
députation provinciale, à moins que vous ne supposiez que tous les habitants de
la commune sont des voleurs. (On rit.)
Si vous supposez cela, je n’ai plus rien à dire.
Il me reste à parler de l’amendement de M. Andries. Quant à celui-là, je ne
conçois pas ce qu’on pourrait y répondre. Car sans doute on ne prétendra pas
que les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance
pilleront les bois des pauvres.
J’adopterai donc l’amendement de M. Andries.
M. d'Hoffschmidt.
- L’honorable préopinant vient de s’appuyer principalement sur ce que le
gouvernement a déjà présenté par deux fois la disposition qui nous occupe. Mais
ce n’est pas là un motif d’adoption pour nous ; il s’agit de savoir si la
disposition est bonne ou si elle ne l’est pas. Le gouvernement l’a présentée,
ce n’est pas une raison pour ne pas la combattre. Je suis étonné que le
préopinant prétende que parce que le gouvernement a présenté une disposition
elle doit être maintenue, lui qui combat souvent les propositions du
gouvernement… et il a souvent raison.
Il s’est appuyé encore sur la constitution ; il a
dit que les bois communaux qui sont la propriété de la commune devaient être
administrés par la commune. Sans doute si la constitution l’ordonnait ainsi,
nous n’aurions pas à examiner si cela est bon on mauvais : nous devrions nous y
conformer ; car il ne dépend pas de nous de la violer.
Mais voici l’art. 31 sur lequel sans doute se fonde
l’honorable préopinant :
« Art. 31. Les intérêts exclusivement
communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux,
d’après les principes établis par la constitution. »
Nous avons donc à examiner si les bois communaux
ont un intérêt exclusivement communal.
J’ai déjà cité un fait qui prouve que ces intérêts
ne sont pas exclusivement communaux ; car, comme je le disais, il y a un grand
nombre de communes, ayant des bois, qui ont droit d’usage sur les forêts
domaniales et qui si on laisse détruire leurs bois, ont, aux termes de l’ordonnance
de 1757, le droit de réclamer des domaines de l’Etat les bois qui leur
manquent. Voici déjà un argument qui répond à l’article 31 de la constitution.
J’entends l’honorable député dire qu’il s’est appuyé
sur le deuxième paragraphe de l’art. 108 de la constitution ; voici ce
paragraphe :
« Les lois provinciale et communale doivent
consacrer les principes suivants :
« 2° L’attribution aux conseils provinciaux et
communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans préjudice
de l’approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que la loi
détermine. »
Or, messieurs, dans bien des cas, vous avez
déterminé que l’administration provinciale interviendrait. A l’article 2, sont
énumérés une multitude de cas dans lesquels l’administration provinciale
intervient. Je ne vois pas que l’article que je viens de citer soit absolu. Il
est évident qu’il n’y a pas d’inconstitutionnalité à ce que l’administration
provinciale intervienne en ce qui concerne les bois communaux.
L’honorable député de Tournay a dit : Si vous
admettez que le conseil communal ne peut pas administrer les propriétés
boisées, vous n’admettrez pas qu’il puisse administrer les autres propriétés.
Je ferai observer qu’il y a une énorme différence entre les bois communaux et
les autres propriétés de la commune, telles que les prairies et les champs.
Une terre est à louer, le conseil peut la louer
sans inconvénient ; il n’y a pas possibilité qu’elle soit détériorée
complètement, tandis que pour les bois toute la valeur est dans la superficie ;
si on détruit cette superficie, la propriété est perdue, et j’ajouterai même
que le conseil, avec la meilleure volonté, ne peut pas bien administrer ces
sortes de propriétés, parce qu’il faut pour cela des connaissances spéciales.
L’honorable député de Tournay vous a dit que tous
ceux qui étaient traduits devant le tribunal de police correctionnelle de la
ville qu’il habite étaient des prolétaires. Il avait dit avant que les forêts
de certains établissements n’avaient jamais été si mal administrées que par
l’administration forestière. Je dirai que cela était vrai quand nous étions
régis par les lois françaises, parce qu’alors la législation forestière était
mauvaise, les agents étaient mal choisis ; mais, depuis, les arrêtés de 1815 et
de 1819 sont venus modifier cette législation ; les vices d’administration ont
disparu, et si les bois des environs de Tournay avaient continué à être sous la
direction de l’administration forestière, les abus dont il a parle ne se
seraient plus reproduits.
A moins de supposer, a dit le même préopinant, que
tous les habitants sont des voleurs de bois, on signalera le garde qui fait mal
son devoir. Le mot voleur me paraît assez mal appliqué. Ce sont les habitants
mêmes qui ont des droits qui commettent les délits. Cela est facile à
concevoir, des bois étant indivis et destinés à le rester toujours peut-être.
La génération actuelle veut en profiter, se
souciant peu de laisser de beaux bois communaux aux générations futures.
Faites-y attention, messieurs, ici je puis invoquer mon expérience, car
j’appartiens à la province où il y a le plus de bois communaux. Si vous
admettez les principes du député de Tournay, vous ferez la chose du monde la
plus préjudiciable à beaucoup de communes. Je vous citerai un exemple : dans la
province de Luxembourg il y a un village qui ne se composait que de douze
maisons il y a soixante-dix ans ; depuis cette époque un grand nombre de
particuliers sont venus l’habiter, et ce village compte 125 maisons. Toute la
ressource de ces habitants consiste dans les bois communaux, qui sont beaux
parce qu’ils ont été bien conservés par l’administration forestière. Eh bien,
ces seules ressources eussent été bientôt anéanties si cette administration n’y
avait pas placé un garde de plus, ayant reconnu que les habitants étaient des
délinquants incorrigibles.
Si vous laissez aux conseils communaux la
révocation des gardes forestiers, ces gardes devront ménager, pour se
maintenir, non seulement les membres du conseil, mais encore tous leurs parents
; car si le garde verbalisait contre eux, on le révoquerait. Si vous étiez
témoins des demandes de coupes forcées, de défrichement, d’essartage que font
constamment les administrations communales, vous jugeriez combien elles sont
peu soucieuses en général de la conservation de leurs bois communaux.
L’honorable M. Andries a cité des établissements de
bienfaisance, mais je vous ferai observer qu’il faut faire une grande
distinction entre les bois des communes et ceux de ces établissements. Une
administration de bienfaisance peut être considérée comme un propriétaire. Les
membres qui dirigent ces établissements ne sont pas portés à détruire les bois.
Ainsi ses observations peuvent être justes en ce qui concerne les établissements
de bienfaisance, mais non en ce qui concerne les communes.
Le ministre des finances
réclame la suppression de l’article comme conséquence d’un vote précédemment
émis. En effet, vous avez dit à l’article 9 : « Jusqu’à ce qu’il y soit
autrement pourvu, les décrets, ordonnances et règlements, continueront à être
exécutés. »
Je ne suis pas d’accord sur ce point avec le
ministre, je pense que nous ne serons pas inconséquents en admettant la
première disposition de l’article en discussion qui est ainsi conçue :
« La députation provinciale nomme les gardes
des bois communaux, sur une liste double de candidats présentés par le conseil
communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque ou les
suspend de leurs fonctions. »
Je ne vois pas qu’en adoptant cette disposition,
nous contreviendrions aux décrets, règlements forestiers, etc. ; la nomination
et la révocation par la députation provinciale n’entraverait nullement la
marche de l’administration. Toute la différence qu’il y aurait serait que ce ne
serait plus l’administration forestière, mais la députation provinciale qui
nommerait. On laisserait en vigueur les décrets et règlements, jusqu’à ce qu’il
y soit autrement pourvu.
Je disais tout à l’heure qu’il fallait faire une
distinction entre les gardes champêtres et les gardes des bois communaux. Je
ferai encore observer, afin que l’on y fasse bien attention, que ce n’est pas
le gouverneur qui nomme et révoque, mais la députation. Ce corps, qui est le
produit de l’élection, offre toutes les garanties à ceux qui veulent la liberté
des communes. La députation, par son organe, est autant intéressée à conserver
la liberté des communes qu’à conserver les bois communaux. Je pense qu’en lui
donnant le droit de nomination et de révocation des gardes forestiers, l’on ne
froisserait aucun principe et l’on éviterait les plus graves inconvénients.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne rentrerai pas dans le
fond de la discussion. Je pense qu’aucun de nous n’est disposé à abandonner aux
communes la nomination et la révocation des gardes forestiers ; toutefois,
comme l’a dit l’honorable M. d’Hoffschmidt, si on reconnaît qu’il est utile de
modifier ou de supprimer un article que l’on aurait soi-même présenté, il n’y a
aucun motif raisonnable de ne pas le faire, car notre mission n’a d’autre but
que de donner la préférence aux mesures qui paraissent être les meilleures.
J’ai pris la parole pour démontrer les
inconvénients graves qu’il y aurait à adopter la première partie de l’article.
Voici quels sont ces inconvénients : Un garde forestier peut être en même temps
garde d’un bois d’un établissement de bienfaisance et d’un bois appartenant au
domaine, de telle sorte que si vous abandonner isolément à ces trois
administrations la nomination de leurs gardes forestiers, vous tombez dans
l’inconvénient de dépenser plus et d’avoir des gardes moins bons ; et en effet,
si l’administration provinciale veut nommer un autre garde que celui du
gouvernement, si les hospices veulent aussi nommer un garde spécial, vous avez
trois gardes au lieu d’un, et nécessairement trois mauvais gardes. Celui des
hospices ne pourra avoir qu’un petit traitement, celui de la commune de même,
et, en définitive, le garde du gouvernement, dont le triage sera restreint,
subira aussi une réduction de traitement. Vous aurez donc trois individus pour
une surveillance qui serait incontestablement mieux exercée si un seul en était
chargé, parce qu’il trouverait une existence dans les trois traitements, qui,
réunis, pourraient respectivement être moins élevés que s’ils étaient séparés.
Mais si vous supprimez l’article, me dit-on, vous
allez enlever aux communes toute participation à l’administration de leurs
bois.
Eh ! Non, messieurs, nous laissons aux communes ce
qu’elles ont aujourd’hui ; nous leur laissons une participation bien large
puisque les gardes sont nommés sur leur proposition par le pouvoir central, ce
qui est préférable, parce que le même garde sera choisi ainsi pour veiller en
même temps aux bois des communes, à ceux des hospices et à ceux du gouvernement
; et ce garde, ayant un traitement suffisant pour exister, exercera une
surveillance plus active qu’une personne moins rétribuée.
M. Desmanet de
Biesme. - Comme c’est sur ma proposition qu’a été adopté l’article, je
demande à faire quelques observations.
En vertu de l’article 31 de la constitution,
j’avais propose de rendre aux communes l’administration des bois qui leur
appartiennent. Je dois dire en passant que je ne suis pas touché des
observations faites par l’honorable préopinant, que l’autorité supérieure
devait avoir la surveillance de ces bois parce que cela rentrait dans l’intérêt
général. Si on admettait cette considération pour les bois communaux, il n’y aurait
pas de raison qu’on ne voulût pas l’appliquer aussi aux bois particuliers
Ma proposition, l’année dernière n’a pas été
accueillie ; elle a été singulièrement modifiée par la section centrale. Je
voulais que les communes eussent l’administration de leurs bois, mais sous la
haute surveillance de l’administration provinciale. C’est la pensée que j’avais
alors, c’est celle que j’ai encore actuellement. J’avais pensé qu’il fallait
laisser tout dans l’état provisoire ; que les conseils provinciaux se réuniraient
bientôt et feraient des règlements. La section centrale n’a pas voulu admettre
ma proposition : elle a pensé qu’il fallait avant consulter les conseils
provinciaux. Il me semblait qu’il nous appartenait de régler les attributions
des conseils provinciaux, et que nous n’avions pas à nous enquérir si les
attributions que nous leur donnions leur convenaient ou non.
Je dois maintenant me conformer au vote de la
majorité et adopter le premier paragraphe de l’art. 57. Mais quant au second,
je partage l’opinion de l’honorable M d’Hoffschmidt ; j’en demande la
suppression. En cela je ne suis pas inconséquent, parce que je n’ai jamais
voulu rendre aux communes l’administration de leurs bois sans une grande
surveillance, que je regarde comme étant de la plus grande nécessité.
L’honorable M. Dubus vous a dit que personne
n’était plus intéressé que le conseil communal lui-même à la conservation des
bois ; cela est vrai en principe ; cependant ce principe n’est pas sans
exception.
Une coupe de bois revient
tous les 15 ans ; c’est un revenu que la commune consacre à ses plus grandes
améliorations, mais qui ne fait pas partie du bien-être particulier des
individus ; et l’on est plus préoccupé des besoins du moment que du soin de se
faire un avenir financier plus satisfaisant.
Quand une coupe est faite, les bestiaux du village
peuvent être envoyés en pâturage dans le bois ; mais par l’envoi en pâturage
dans des temps inopportuns on peut perdre une coupe de bois. Or, il est souvent
très difficile à un conseil communal d’empêcher les habitants d’envoyer leurs
bestiaux au bois.
Dans les petites communes, le bourgmestre et les
membres du conseil sont souvent de petits particuliers qui eux-mêmes ne sont
pas fâchés que leur bétail, avec celui des autres, aille au bois.
Quoi qu’il en soit de toutes ces considérations, je
demanderai la division de l’article, et je voterai d’une manière conforme à mes
principes.
M. F. de Mérode.
- On a déjà répondu à ce que vient de dire l’honorable membre, que
l’administration forestière était bien plus capable de régir les forêts que les
administrations provinciale ou communale. Ceci a même été décidé par un des
derniers votes de la chambre ; car on a posé en principe...
M. Gendebien. -
Provisoirement !
M.
F. de Mérode. - Or, qu’est-ce que serait une administration forestière
qui serait en opposition avec une administration provinciale ? Un tel état
de choses ne se comprend pas.
On a soutenu que les intérêts exclusivement
communaux devaient être réglés par les conseils communaux : mais ce que l’on a
dit pour soutenir ce principe vrai, démontre que les bois ne sont pas purement
d’intérêt communal, et que le pays est encore intéressé à leur conservation.
Je suis propriétaire de bois, et je regrette que
l’administration forestière n’ait plus d’action sur ces bois. C’est le
gouvernement hollandais qui a détruit cette action, et cela se conçoit quand on
considère le sol de
Tel sol en Belgique sera voué à la stérilité parce
qu’on aura défriché les bois : mais en Hollande il n’y a pas véritablement de
forêts : ils a quelques aulnes et quelques saules que l’on coupe tous les 30
ans, et qui ne demandent aucun soin pour leur conservation.
De manière que le gouvernement hollandais qui
agissait toujours pour
L’honorable M. Seron a dit que dans certaines
communes il y avait plusieurs centaines d’hectares tout à fait stériles ; au
lieu de produire du bois, de donner des moyens d’existence, ce n’est plus qu’un
schiste improductif, Cet état de choses est très fâcheux pour ces communes. Je
ne crois pas qu’on accuse M. Seron de vouloir donner trop de pouvoir au
gouvernement ; ce n’est pas là sa manie. Eh bien, lui-même a défendu
l’administration forestière.
Ce qui existe est évidemment contraire aux intérêts
de la commune.
Je demande que l’on retranche l’article.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsque j’ai dit tantôt que la
commune avait une participation dans l’administration de ses bois par la
présentation de candidats, j’ai remarqué que cette proposition offrait du doute
dans l’esprit de mes honorables contradicteurs. Pour lever toute espèce de
défiance à cet égard, je proposerai la rédaction suivante :
« Jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu,
le ministre des finances continuera à nommer les gardes des bois communaux, sur
une liste double de candidats, présentée par le conseil communal, et sur l’avis
de la députation provinciale. »
Je pense qu’ainsi il y aura toutes les garanties
que l’on peut raisonnablement désirer ; il restera encore possible à
l’administration supérieure de charger à la fois le même garde forestier de
surveiller des bois de communes et de l’Etat, lorsque ces bois seront à
proximité l’un de l’autre et la commune conservera en même temps une part
d’action suffisamment large dans l’administration de ses propriétés boisées.
M. Fallon. -
L’amendement de M. le ministre des finances ayant pour but de rallier les
opinions, il me semble qu’il vaut mieux le faire imprimer et voter dans la
séance de demain.
Aussi bien nous ne sommes plus en nombre pour
délibérer. (Appuyé.)
- La séance est levée à 5 heures.