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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 11 février 1836

(Moniteur belge n°45, du 14 février 1836)

(Présidence de M. Coppieters.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Des habitants de Sittard, débitants de genièvre indigène, sel, sucre, se plaignent de la mesure prise à leur égard par M. le ministre des finances qui leur refuse des passavants pour sortir de leur ville avec leurs marchandises. »


« Les notables de la commune de Pont-de-Loup demandent que l’on prenne des mesures pour recompléter le conseil communal qui se trouve réduit par suite de la démission d’un assesseur et du changement de résidence d’un autre assesseur. »


« Un grand nombre d’habitants de Luttre (Hainaut) renouvellent leur demande d’être séparés de Pont-à-Celles et de former comme autrefois une commune indépendante. »


« Le sieur Antoine Pareja, marchand colporteur, né à Malaga (Espagne), domicilié à Enghien et habitant la Belgique depuis 1811, demande la naturalisation. »


« Les directions des wateringues du Capitalen-Dam et d’Isabelle adressent des observations sur le projet de canal de Blankenberg à Zelzaete, et demandent qu’en travaillant à son exécution on s’occupe en même temps à améliorer les écoulements dans la Flandre orientale. »


M. le président. - Suivant l’usage suivi par la chambre, s’il n’y a pis d’opposition, la pétition qui a pour objet une demande de naturalisation sera renvoyée à M. le ministre de la justice.

M. Simons. - Parmi les pétitions il en est une des habitants de Sittard ; ils se plaignent des mesures prises récemment par la douane ou par le fisc contrairement à ce qui se pratique depuis treize ou quatorze ans. Il y a quelques jours qu’une pétition vous a été adressée par la régence de la même ville et sur le même objet ; elle e été renvoyée au ministre des finances, afin qu’il avisât aux moyens de concilier lés intérêts commerciaux des habitants de Sittard avec les intérêts du trésor. Je demande que la pétition analysée aujourd’hui soit également renvoyée au ministre des finances.

- Cette proposition est adoptée.


M. Dubois. - Je tiens en main une pétition ayant le même objet. Il paraît que la douane prend une mesure générale sur toute la frontière, Les habitants de Furnes et de Menin font les mêmes plaintes que ceux de Sittard ; je déposerai la pétition que je tiens sur le bureau, et je demanderai qu’elle soit renvoyée au ministre des finances.

M. le président. - Mais il faut auparavant la renvoyer à la commission des pétillons.

M. Dubois. - Je ne m’y oppose pas, si le rapport est promptement fait.


M. Lejeune. - Parmi les pétitions il en est une relative au canal de Zelzaete ; je demanderai qu’elle soit renvoyée à la commission des travaux publics, c’est ce qui a été fait pour d’autres pétitions semblables.

M. Fallon. - On parle de pétitions à adresser à la commission des travaux publics ; je ferai remarquer qu’elle a terminé sa besogne, que son rapport est prêt, et qu’il faudrait en nommer une autre pour lui renvoyer des pétitions.

M. Desmet. - Je demanderai que la pétition concernant le canal de Blankenberg à Zelzaete soit insérée an il ; de cette façon la chambre pourra s’instruire de son but.

- Cette proposition est admise.


M. Verdussen donne lecture d’un message du sénat qui annonce l’adoption du projet de loi relatif au traitement des substituts des procureurs-généraux et à la classification des tribunaux de Verviers et de Hasselt.

- Pris pour notification.

Projet de loi communale

Motion d'ordre

M. Lebeau. - Je demanderai à être inscrit pour prendre part à la discussion des articles.

- En ce moment M. Raikem descend du fauteuil et M. Coppieters y monte.

M. le président. - La discussion générale a été close hier ; nous allons passer à la discussion des articles : mais auparavant il faut prononcer sur les motions d’ordre faites par MM. Nothomb et Dumortier. Je dois annoncer à la chambre que M. Liedts propose l’amendement suivant :

« Dans la motion d’ordre de M. Nothomb comme dans celle de M. Desmet, je propose de substituer aux mots : « le pouvoir exécutif, » ceux-ci :

« L’exécution des résolutions du conseil communal et l’administration journalière des intérêts communaux.»

M. Dumortier, rapporteur. - Comme rapporteur de la section centrale, je crois devoir faire remarquer que la motion d’ordre faite par M. Nothomb, ne se rattache qu’aux articles 2 et 3 du projet de la section centrale, et que l’on peut toujours procéder au vote sur l’article premier.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La question qui domine tout le système, c’est de savoir s’il y aura des échevins et de quelle manière ils seront nommés. Ce qui concerne les échevins doit influer sur ce qui concerne le bourgmestre. Si, comme dans le projet du gouvernement, les échevins étaient bornés aux attributions municipales, le bourgmestre devrait être nommé par le gouvernement et sans limites. C’est la question des échevins qui domine tous les amendements ; je demande que l’on mette en discussion tout ce qui est relatif à ces fonctionnaires.

M. Dumortier, rapporteur. - Je retire ma motion d’ordre pour ne pas faire perdre de temps à l’assemblée.

M. Desmet. - Il y a encore une autre motion que celle de M. Nothomb ; il y a la mienne qui est plus complète. Je demande que l’on décide les questions de principes.

M. A. Rodenbach. - Je pense que la proposition du ministre de l’intérieur tend à abréger nos débats. Quand nous saurons qui nommera les échevins, nous pourrons voter beaucoup plus vite. Tout autre mode de procéder pourrait nous conduire à recommencer deux ou trois discussions générales.

M. Jullien. - Je demande la parole contre la motion d’ordre faite par M. Nothomb ; car il s’agit de savoir si on veut suivre le règlement.

M. Gendebien. - Il me semble qu’il y a une première question à mettre aux voix ; Le Roi interviendra-t-il dans les nominations des échevins ? C’est une question qui a été considérée comme constitutionnelle. Je demande que l’on mette ce principe aux voix.

M. Jullien. - Ce principe est l’article même.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Que l’on décide d’abord quelles seront les attributions des échevins et par qui ils seront nommés, rien n’est plus naturel : la grande difficulté est là. Mais séparer la nomination des fonctions, ce n’est rien décider, Si les échevins sont les agents purement communaux et qu’ils soient nommés par les électeurs, c’est tout simple ; mais si les échevins participent au pouvoir exécutif, leur nomination par les électeurs serait contraire à l’essence de notre gouvernement et à la constitution, Les deux questions des fonctions et de la nomination se lient intimement ; or, quelle est la proposition qui les résume ? c’est celle de l’honorable M. Desmet, parce que dans cette proposition on trouve en même temps ces deux questions ; voici en effet comment elle est conçue : « Les échevins prendront part au pouvoir exécutif, et en cette qualité ils seront nommés par le Roi dans le sein du conseil. » Ainsi les questions à poser sont celles-ci : Les échevins participeront-ils au pouvoir exécutif ? seront-ils nommés par le Roi ?

M. Nothomb. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on mette aux voix d’autres questions que celles que j’ai proposées, ou des principes. Ce qui m’importe, c’est que la chambre ne s’engage pas dans la discussion des articles sans avoir décidé avant tout le double principe qui domine la loi, sans s’être prononcée sur le mode de nomination des échevins et sur la nature de leurs fonctions. Que l’on intervertisse l’ordre des questions, qu’on substitue des propositions directes aux questions de principes, cela est indifférent. Il n’y a rien dans cette marche de contraire au règlement ; nos précédents parlementaires y sont conformes et remontent, sous ce rapport, jusqu’au congrès. Dans plusieurs circonstances le congrès a procédé par un vote de principes. C’est ainsi que dans la question importante et fort compliquée de l’organisation du pouvoir législatif on a décidé avant tout s’il y aurait deux chambres ; ensuite on est entré dans l’organisation de chaque chambre.

L’été dernier, lors de la discussion de la loi concernant les tissus et les fils de coton, vous vous êtes d’abord prononcés sur une question de principe avant d’entrer dans la discussion des articles. Il n’y a donc rien d’inusité dans la marche que je propose.

Je le répète, si à ma proposition, on veut substituer une proposition directe, j’y consens volontiers.

M. Dechamps. - Pour moi, je ne puis consentir à ce que la question soit posée ainsi que le proposent et le ministre de l’intérieur et M. Gendebien, parce que dans le système que j’ai développé je ne vois pas que la constitution nous oblige à donner la nomination des échevins aux électeurs. Je veux bien de l’intervention du Roi dans la nomination des échevins, mais je veux positivement que le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil, mais si je ne sais pas ce que la chambre fera des bourgmestres, je ne puis rien voter pour les échevins.

Je crois qu’il faudrait voter d’abord sur les attributions des échevins ainsi que le propose M. Fallon. On s’occuperait ensuite de leur nomination.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne fais aucune espèce d’opposition à ce que l’on vote sur l’ensemble des propositions de MM. Desmet ou Dechamps ; mais je m’oppose à ce que l’on traite en premier lieu des bourgmestres et que l’on traite secondement des échevins. Si l’on veut voter ensemble sur la question des bourgmestres et des échevins, j’y consens, mais je le répète, on ne peut voter séparément le bourgmestre avant les échevins.

M. Pollénus. - Avant de donner une solution à la question relative à la nomination des échevins il me paraît qu’il y en a une autre à examiner ; c’est de savoir s’il y aura des échevins. (Bruit.)

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est juste !

M. Pollénus. - Cette question est soulevée par l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre ; et si vous voulez bien vous rappeler la discussion qui a eu lieu hier, vous aurez remarqué que l’honorable M. Raikem a soutenu mon amendement plutôt que celui de M. Desmet. Je demande que la chambre mette en délibération ma proposition, c’est-à-dire à savoir s’il aura des échevins. (Adhésion.)

M. Jullien. - Nous nous plaignons que nos débats sont interminables, mais la faute en est à nous ; c’est que les uns veulent être plus savants que la constitution, et les autres plus sages que le règlement.

S’agit-il de questions constitutionnelles ; sans s’occuper de la constitution, les uns, pour les résoudre, nous présentent des considérations historiques : mais que pensent-ils prouver par leurs citations ? Ne sait-on pas que l’histoire est à peu près une fable convenue et que la faire intervenir dans des débats, c’est les rendre interminables ? S’agit-il de l’ordre de nos travaux, on vient faire des motions d’ordre de tous côtés, sans s’embarrasser du règlement ; cependant, le règlement a été fait pour leur donner une marche régulière. Prenez garde, nous allons passer toute notre séance sans savoir à quelle proposition nous donnerons la priorité. Cependant, voyez combien le règlement est simple. Il dit (art. 41) : La discussion des articles s’ouvrira successivement sur chaque article suivant son ordre, et sur les amendements qui s’y rapportent.

Un projet de loi nous est soumis ; la discussion générale est close ; entamez maintenant la discussion successivement sur chaque article, et chaque proposition de principe se trouvera résolue par l’article lui-même.

La question des bourgmestres et des échevins est dans les premiers articles ; ceux qui voudront que le bourgmestre soit nommé exclusivement par le Roi adopteront l’article du gouvernement ; les autres se prononceront pour l’article de la section centrale. S’il en est qui ne veulent pas des échevins cela rentre dans la catégorie des amendements ; or, on met aux voix d’abord les amendements qui s’écartent le plus des articles, de sorte que la délibération a une marche régulière par le règlement, et il est inutile que vous vous occupiez de motions interminables.

Je ne veux pas d’échevins, dit un orateur ; un autre veut que l’on se prononce d’abord sur les attributions des échevins avant de s’occuper de leur nomination ; ce qui est renversé la logique, car il faut d’abord savoir si la place sera créée avant de connaître quelles attributions on leur confèrera.

D’autres orateurs ont d’autres prétentions… Quel gâchis épouvantable va résulter de toutes ces demandes ! Mais suivez le règlement, qui est au moins aussi sage que vous, et vous arriverez à une fin raisonnable ; sans cela il n’y aura que désordre et confusion. (Appuyé ! appuyé !)

M. Dubus. - Je viens appuyer les observations présentées par l’honorable préopinant ; je crois que ces motions d’ordre qui tendent à nous écarter et de nos usages et de notre règlement, n’ont pour but que de faciliter au ministre le moyen de suivre une autre route que celle qu’il avait précédemment suivie, Vous avez été saisis d’abord d’un seul projet de loi d’organisation communale, dont le titre premier était relatif au personnel et dont le titre second était relatif aux attributions.

Vous avez discuté ce projet en vous occupant du titre premier et en établissant l’organisation du personnel des administrations communales sans considérer les attributions. Voilà ce que vous avez fait par un premier vote. Au second vote, vous avez procédé de la même manière, et le gouvernement est même venu vous demander de séparer le titre du personnel du titre des attributions et d’en faire deux lois distinctes. On a objecté que le vote que l’on donnait sur un titre dépendait plus ou moins pour certains députés du vote que l’on donnerait sur un autre titre : le gouvernement n’en a pas moins persévéré à demander que l’on votât sur le premier titre relatif au personnel et que l’on en fît une loi spéciale. Cette demande a été accordée par la chambre.

Lorsque la loi nous est revenue, elle était encore relative uniquement au personnel, et nous nous en sommes occupés de la même manière et dans le même sens. Quelle a été ensuite la proposition du gouvernement, dans la séance du 4 août dernier ? Elle a compris deux lois distinctes ; une loi sur le personnel, une loi sur les attributions. C’est la loi sur le personnel que nous discutons maintenant ; et voilà que le gouvernement vient appuyer la motion de s’occuper des attributions avant de s’occuper des articles de la loi sur le personnel.

Il veut vous proposer une confusion à laquelle je m’oppose de toutes mes forces et qui est contraire à la présentation qu’il a faite de la loi. Je dis donc que le gouvernement est ici contraire à la loi même. Il est manifeste aussi que la marche proposée est contraire à l’ordre que vous vous êtes prescrit antérieurement pendant la discussion de cette loi.

Aux termes du règlement, vous devez examiner la loi article par article, et décider à chaque article les questions qu’il soulève. Par conséquent, vous ne pouvez discuter la question des attributions, puisqu’elle fait partie d’une autre loi que vous n’avez pas encore à voter, sur laquelle même la discussion n’a pas encore été ouverte.

D’ailleurs je crois que dans l’ordre des articles et des idées il y a une question qui est évidemment préalable à toutes les autres : celle du mode de nomination des échevins, parce que cette question implique une question constitutionnelle, parce que à cette question se rattachent en outre les plus hautes considérations que aient été invoquées dans cette enceinte.

On s’est opposé a ce que le gouvernement eût une intervention dans la nomination des échevins, parce que cela blesserait la constitution, en deuxième lieu, parce que cela fausserait le système représentatif, en donnant au gouvernement un moyen assuré de corrompre la représentation nationale à sa source ; en troisième lieu, parce que ce serait dépouiller le peuple de libertés conquises par la révolution ; car le droit de nomination des échevins n’a pas seulement été obtenu par le peuple par la révolution, mais il a en quelque sorte été consacré par deux votes de la chambre. Ces considérations sont d’un ordre tellement élevé qu’il y a nécessité de donner la priorité à cette question ; elle domine toutes les autres ; elle est d’une importance si grande qu’il me semble que tous ceux qui veulent la nomination des échevins par le peuple doivent la vouloir quelles que soient les attributions des échevins, puisqu’ils veulent avant tout que la constitution soit respectée et que sa représentation nationale soit une vérité.

Je dis donc que cette question ne peut pas être votée la seconde, et qu’elle ne peut être postposée à aucune des graves questions soumises à la chambre à l’occasion de l’organisation communale, car elle est la première dans l’ordre des articles ; elle est aussi la première dans l’ordre des idées.

Il est bien vrai qu’il faut examiner d’abord s’il y aura des échevins. Je ne m’étais pas fait cette question, parce que je n’avais pas cru qu’il y eût une véritable opinion pour supprimer les échevins ; je croyais que cette proposition n’avait été jetée dans la discussion que par rallier quelques voix au système de conciliation ; mais si l’on propose sérieusement la suppression des échevins, qu’on mette cette question aux voix, je pense qu’elle sera vite résolue.

J’ai donc l’honneur de proposer à la chambre de soumettre à la discussion et au vote, avant toute autre question, les questions suivantes :

« 1° Le Roi interviendra-t-ii dans la nomination des échevins ?

« 2° Si cette question est résolue négativement, les échevins seront-ils élus directement par l’assemblée des électeurs ?

« 3° (En cas de résolution négative de la deuxième question), les échevins seront-ils nommés par le conseil ? »

M. le président. - La parole est à M. Liedts pour développer sa proposition.

M. Liedts. - Je suis de ceux qui pensent que la question de constitutionnalité doit obtenir la priorité. Si la propriété est accordée à la proposition de M. Desmet, je crois qu’il est inutile que je développe la mienne. J’attendrai donc pour la développer que la chambre se soit prononcée sur la priorité des diverses propositions qui lui sont soumises.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La question la plus essentiellement préalable est celle de savoir si l’on décidera par questions de principes. Une fois que la chambre aura pris une décision sur ce point, il sera facile, je pense, de combattre les propositions des honorables MM. Dubus et Liedts.

En ce qui concerne l’ordre des questions proposées par M. Dubus, il est facile de voir qu’elles n’ont d’autre objet que d’empêcher certains membres de prendre part au vote. Or je crois que la chambre ne doit jamais admettre une proposition qui gêne un ou plusieurs membres dans l’émission de leur vote, lorsqu’il est possible d’éviter cet inconvénient ; car ce que la chambre doit vouloir, c’est que le vote de chacun soit nettement et librement exprimé ; les votes ne doivent jamais être entravés par une motion d’ordre arbitraire.

On dit que d’abord il faudrait s’attacher à la question constitutionnelle, et que pour cela il faut poser la question : « Le Roi interviendra-t-il dans la nomination des échevins ? » Je répondrai d’abord qu’il est inutile de poser cette question de savoir si la constitution s’oppose ou non à ce que le Roi nomme les échevins, participant au pouvoir exécutif ; car déjà cette question a été résolue à plusieurs reprises, puisque la chambre a écarté à une grande majorité l’élection directe qui est le système proposé.

Mais si l’on veut poser nettement la question constitutionnelle, voici comment elle doit être posée :

« La constitution s’oppose-t-elle à ce que le Roi intervienne dans la nomination des échevins, alors même que les échevins participeraient au pouvoir exécutif concurremment avec le bourgmestre ?

Si vous posez la question constitutionnelle de cette manière, alors elle sera franchement et nettement posée. Autrement elle est captieuse et entrave la liberté des votes.

M. Gendebien. - Mais la question est complexe.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Cela n’empêche pas qu’elle ne soit nettement et franchement posée. C’est là, messieurs, la question que, la main sur la conscience, et prononçant comme jury, vous devez résoudre. J’espère que si on veut faire de l’objet de la discussion une question de constitutionnalité, on ne permettra pas qu’elle soit posée autrement.

Mais un honorable membre dit : « Le gouvernement a présenté deux projets de loi, l’un d’organisation, l’autre d’attribution ; ainsi le gouvernement ne peut consentir à ce que l’on mette aux voix si les échevins participeront ou non au pouvoir exécutif. A cet égard veuillez remarquer qu’il ne s’agit pas de voter sur une disposition de la loi, mais sur une question qui domine toute la discussion.

Au surplus j’appelle l’attention des honorables membres qui ont fait des propositions sur ce point qu’il n’est pas absolument nécessaire de voter par questions de principes, et que les propositions de MM. Desmet et Dechamps présentent également les mêmes questions à résoudre. La seule différence c’est que la proposition de M. Dechamps les résout implicitement et celle de M. Desmet les résout explicitement. Il est impossible d’y trouver, à part cela, la moindre différence. Ainsi tout scrupule serait apaisé si l’on mettait aux voix l’amendement de M. Dechamps.

Ensuite je combattrai la motion de M. Liedts. Evidemment elle n’a pas d’autre but que de renverser la motion de M. Nothomb, et de la renverser d’une manière contraire au règlement, car, lorsque plusieurs motions d’ordre sont soumises à la chambre, quelle est celle qui doit être mise la première en délibération ? celle qui s’éloigne le plus du projet. Or ici c’est évidemment la proposition de M. Nothomb qui s’éloigne le plus du projet ; car si vous votez la proposition de M. Liedts, c’est comme si vous votiez en premier lieu la proposition du gouvernement et ensuite les amendements.

J’ai donc l’honneur de proposer à la chambre de résoudre les deux questions suivantes :

« Première question : La chambre votera-t-elle par questions de principes ? »

« Seconde question : La constitution s’oppose-t-elle à ce que le Roi intervienne dans la nomination des échevins dans le sein du conseil, alors même que les échevins participeraient au pouvoir exécutif concurremment avec le bourgmestre ? »

M. Desmet. - Comme M. Dumortier se permet toujours des personnalités, je vous demanderai la permission de lui répondre avec quelques développements, parce que vous verrez que s’il y a quelqu’un qui a changé et qui est en contradiction avec lui-même, c’est bien l’honorable membre.

Quand l’honorable M. Dubus a commencé le discours qu’il a prononcé dans la séance du 8 févier, vous avez dû vous apercevoir combien il était ému ; on aurait dit qu’un grand malheur planait sur notre patrie, qu’elle venait d’être trahie, et qu’elle allait être livrée à son plus cruel ennemi.

Messieurs, je dois le confesser, j’étais aussi ému que lui, je partageais toute son émotion ; elle était sincère dans l’honorable membre dont je reconnais le bon cœur, la bonne foi et l’amour tendre pour notre patrie. Je m’étais imaginé qu’il voyait dans moi le député qui voulait sacrifier les libertés de la patrie, et celles de la commune qui ont été toujours si chères au Belge, et dont il a toujours tiré tant de gloire, de bonheur et de prospérité.

Quoiqu’il n’eût pas articulé mon nom, j’avais raison de supposer qu’il s’agissait de moi, car tout son discours n’a cessé d’être dirigé contre le système municipal dont j’ai osé formuler les bases.

J’espère cependant vous démontrer en peu de mot que l’honorable membre n’a pas eu des motifs fondés pour se trouver si ému à l’aspect de mon projet, et vous prouver qu’il n’affaiblira pas nos libertés municipales, mais qu’il les conservera et les consolidera.

Que ma proposition soit combattue et fortement critiqué, même bafouée, cela ne me fait rien. Je désire au contraire rencontrer une forte opposition, elle ne peut que m’éclairer et me faire revenir de mon erreur si elle est constatée. Mais ce qui me fait beaucoup de peine et ce qui m’a extraordinairement surpris, c’est que hors de la séance mes intentions aient été si méchamment calomniées.

Vous savez, messieurs, comment j’ai été brusquement destitué d’une place que le gouvernement provisoire m’avait confiée, sans l’avoir postulée ; eh bien ! je vous le demande à tous, m’avez-vous jamais entendu murmurer contre cet acte de destitution ? J’avais 25 ans de services publics, je venais de faire quelque chose d’utile au pays contre l’invasion hollandaise au mois d’août, et pour tout remerciement je reçus une destitution !

Eh bien, je vous le demande encore, qui pourra dire que jamais j’en aie adressé la plus petite plainte au ministère, et qui pourra m’accuser que directement ou indirectement, j’aie fait des démarches pour rentrer en place ? Il est dur d’être calomnié quand on a la conscience pure !

L’honorable M. Dubus a insinué dans son discours, du moins à ce qu’il m’a semblé (car si j’ai mal jugé, je me rétracte), que la proposition que j’avais déposée était préparée cabalistiquement et de concert avec le ministre.

Je peux vous donner l’assurance que c’est une opinion que j’ai depuis longtemps nourrie, mais que je n’ai pas fait valoir plus tôt, toujours dans le doute si le système complet d’élection directe et d’homogénéité d’attributions du collège aurait pu passer ; mais voyant ce qui a eu lieu à diverses reprises dans cette chambre et au sénat, je me suis arrêté, à défaut de pouvoir obtenir le tout, à ce qui en rapprochait le plus, et ce qui, d’après moi, était sinon aussi libéral, du moins l’était à peu près autant ; et celui qui m’a le plus engagé à m’y arrêter, ce n’est personne autre que l’honorable M. Dumortier.

Je pense que l’honorable membre sait que le système municipal que je présente est identiquement le même que celui dont nous avons joui en Belgique depuis 1817 jusqu’en 1825, et par lequel il s’est assez clairement énoncé. Voici comment il en parle dans son premier rapport :

« Le règlement de 1817 présentait, d’une part, des garanties d’ordre ; il fut en vigueur pendant le cours de huit années, et jamais le pays ne jouit d’autant de tranquillité… Le roi nommait les bourgmestre et échevins sur une liste triple présentée par le conseil…. Quant au bourgmestre, il était au sein des échevins le primus inter pares ; il n’avait aucune attribution particulière ; c’était le collège de régence qui était chargé de l’administration et de l’exécution de toutes les lois. Aussi ce régime avait-il banni toute espèce de domination despotique ; la Belgique n’eut jamais d’administration plus paternelle ; le gouvernement n’eut jamais plus de force, parce que jamais il ne fut plus populaire, et lorsqu’en 1825 il établir de nouveaux règlements, ceux de 1817 devinrent l’objet de regrets universels, tellement que, jusqu’à la révolution, le pays ne cessa de demander leur rétablissement. »

Voilà ce système que l’honorable M. Dumortier a tant bafoué et sur lequel il a jeté toute sa bile dans son dernier discours, qu’il a traité comme le plus mauvais de tous et destructeur de toutes nos franchises et de nos libertés municipales, auquel il a déclaré préférer cent millions de fois les maires du régime impérial. Cependant, comme vous venez de le voir, il y a un an l’honorable membre le jugeait le plus libéral, le plus paternel, et jamais, disait-il, la Belgique n’avait été plus heureuse et plus tranquille que sous ce régime municipal ; le gouvernement n’eut jamais plus de force, parce que jamais il ne fut plus populaire, et quand Guillaume l’enleva à la nation, il devint l’objet de regrets universels, tellement que, jusqu’à la révolution, le pays ne cessa d’en demander le rétablissement.

Messieurs, vous pourrez à présent juger qui est en contradiction et qui est conséquent avec ses antécédents, qui veut le bonheur de la nation et la conservation de notre ordre actuel de choses, et qui est celui qui veut agir d’après le vœu général et conserver nos franchises municipales.

Pour répondre au discours de l’honorable M. Dubus, je n’aurais qu’à vous donner une seconde lecture des remarques de son honorable ami, et vous ne pourrez méconnaître qu’elles repoussent victorieusement toutes les attaques qu’il a dirigées contre le système municipal que nous avons présenté.

L’honorable membre y trouvera que le système, au lieu d’être mauvais, détestable, liberticide, tyrannique, est, d’après son ami, paternel, populaire, et réellement cher à la nation ; qu’il avait banni de son sein toute espèce de domination despotique, et fut regretté généralement quand elle le perdit.

Il y trouvera aussi l’explication de cet être moral, de ce maire à triple tête, de ce maire en trois volumes, de ce monstre qui va dévorer toutes nos libertés municipales, et qui, comme un choléra, va passer sa faux de glace sur le belge, et le rendre indifférent à sa patrie, à sa commune et à sa famille. Cet être incompréhensible, d’après M. Dubus, c’est, selon l’honorable M. Dumortier, ce collège paternel que la Belgique a tant regretté, où le bourgmestre est au sein des échevins le primus inter pares, et n’a aucune attribution particulière ; c’est ce collège qui est chargé de l’administration et de l’exécution de toutes les lois.

L’honorable M. Dubus peut donc apaiser ses inquiétudes, il peut, je pense, être convaincu que le système que nous voulons faire renaître ne tuera pas le pouvoir municipal et n’enlèvera pas à notre patrie ses plus chères libertés.

Mais toujours la constitution est là, dira-t-on, et vous ne pouvez laisser intervenir le gouvernement dans la nomination des échevins. Jusqu’à présent les deux chambres ne l’ont pas jugé ainsi, et je le répète encore, j’explique la constitution par les attributions qu’auront les bourgmestres et les échevins. Je pense que l’honorable M. Dumortier a pensé comme nous lorsqu’il a fait son premier rapport où il a dit entre autres : « Nous avons donc exigé que le bourgmestre et les échevins ne fussent pas sous l’unique dépendance du pouvoir, mais qu’ils participassent aussi à l’élection populaire. » Il me semble que ces termes sont clairs. Et immédiatement après il fait entendre que le gouvernement peut intervenir dans la nomination des fonctionnaires municipaux, quand ils remplissent un mandat du pouvoir.

C’est ce que nous soutenons, et c’est ce que nous pensons que le congrès a voulu ; je vous le dis donc de plus en plus, que ce sera d’après les attributions que je me prononcerai sur la constitutionnalité de la nomination des échevins. Quand l’honorable député de Bruges soutenait que les expressions de la constitution étaient elles-mêmes claires, qu’il ne fallait avoir des yeux pour voir, cependant l’honorable membre qui voit assez clair avait perdu de vue qu’il y a trois ans il avait vu autrement, même occupé qu’il était dans une commission à faire un projet de loi communale.

Nos honorables adversaires, qui paraissent si scrupuleux sur un point de la constitution qu’ils reconnaissent eux-mêmes douteux, quand on risque de voir enfreindre notre pacte fondamentale dans son esprit comme dans sa lettre, quand on est sur le point de lui enlever l’âme de son existence, ils y consentent ; ils n’ont plus de scrupules.

Oui, messieurs, le collège échevinal, l’administration collective des bourgmestres et échevins entre absolument dans l’essence de notre constitution ; après le chef de l’Etat, elle ne reconnaît plus de pouvoir individuel, elle se met en république. Je n’ai pas besoin de vous le démontrer vous avez lu le volumineux discours de l’honorable M. Doignon, et après, je vous le demande, pouvez-vous encore en douter ?

Mais, écoutez encore à ce sujet l’honorable M. Dumortier, dans son rapport. Voici comment il s’exprime :

« Sous le gouvernement impérial, le maire seul était chargé de l’exécution des lois. Depuis lors et sous le régime actuel, l’exécution des lois est confiée aux bourgmestre et échevins. Le projet du gouvernement demande le rétablissement du régime français à cet égard. Mais outre que ce système n’est nullement en harmonie avec nos mœurs et nos usages, il est absolument contraire à la constitution, puisque la majeure partie des objets d’intérêt communal est réglée par des lois. »

Peut-on s’expliquer plus clairement, et M. Dumortier ne dit-il pas en termes exprès qu’un système contraire au nôtre est absolument contre notre constitution ?

Mais, dit-on, par votre système vous aller donner au gouvernement une influence formidable dans les élections des chambres, vous lui donnez dans chaque commune trois personnes qu’il aura à sa dévotion ; et vous verrez à la chambre tous les commissaires de district du royaume.

Mais, messieurs, on perd de vue que le gouvernement n’a pas de nomination directe ; il est obligé de choisir entre les élus de la commune ; c’est elle qui le force de recevoir ses candidats ; et songez que tous les trois ans ces mêmes fonctionnaires doivent être réélus et seront soumis au contrôle électoral ; si leur conduite n’a pas été selon les vœux de la majorité, l’élimination sera leur sort, on ne peut en donner en Belgique, comme on ne peut mettre en doute que le Belge est très scrupuleux sur sa réputation. Et d’ailleurs vous devez craindre la même chose des élections directes.

Mais quelle est l’influence des commissaires de district, quand ils n’ont point la sympathie des majorités ? Nulle, absolument nulle.

J’en ai fait l’expérience, un commissaire de district a mis tout en œuvre pour me jeter hors de cette enceinte ; le résultat de l’élection lui a donné un démenti assez significatif. Et passez ainsi en revue tous les districts, vous rencontrerez partout la même chose.

Messieurs, je finis, mais avec la conscience bien tranquille que mon système n’est pas défavorable aux libertés communales, qu’il conserve le pouvoir municipal dans sa pureté, si nous pouvons l’établir avec toutes ses conséquences, et qu’il laissera agit avec une entière liberté dans les élections pour conserver l’ordre et la liberté dans le pays.

Et sous ce rapport je ne vois pas de comparaison à faire avec le système que nos honorables adversaires ont déclaré préférer. Car je ne vois que deux systèmes favorables à nos libertés et dans l’esprit de notre constitution : ou celui de l’élection directe en entier avec le collège à attributions homogènes, ou celui que nous présentons avec une entière confiance, certain que l’obtention du premier est impossible.

Et comment pourrais-je avoir quelque doute sur la bonté de mon système, quand j’ai pour l’appuyer l’expérience qu’il a fait pendant neuf ans le bonheur de la Belgique, que jamais elle n’en eut de plus favorable aux libertés municipales, et qu’il faisait tellement ses délices, qu’il y eut un deuil général quand elle perdit ce régime de contentement universel.

Et quand j’ai encore en ma faveur les aveux mêmes de celui de mes honorables collègues qui avec le plus d’ardeur et d’opiniâtreté a combattu ce système, et qui n’a pas trouvé d’arguments assez forts pour le honnir et le bafouer ; de ce membre qui a déclaré, comme je l’ai déjà dit, en termes non équivoques, mais clairs et bien positifs, et non au nom de la section centrale, dont il était l’organe, mais en son propre nom, que c’était le chef-d’œuvre des régimes municipaux ; que ce régime avait assuré la liberté communale, et banni toute espèce de domination despotique ; que la Belgique n’eût jamais d’administration plus paternelle que sous ce régime, etc., etc.

Si j’ai eu un instant de l’inquiétude sur ce système, à cause de la terrible opposition qu’il a dû supporter ; si j’ai craint de m’être trompé, je n’ai plus cette inquiétude, et c’est avec une nouvelle confiance que je le représente, que je l’appuie et que j’espère qu’il recevra votre sanction, certain que je suis qu’il est conforme à nos mœurs et à nos usages, que comme en 1817 il fera le bonheur de notre patrie, y entretiendra la tranquillité et l’union ; que, tout populaire, il procurera au gouvernement autant d’amour que de force, et servira de moyen efficace pour conserver la Belgique de 1830 et donner à l’élément électoral cette influence salutaire qui éloigne l’intrigue et fait triompher le vœu publique.

Messieurs, si je me suis énoncé avec emphase sur l’amendement, veuillez, je vous en prie, ne pas croire que c’est l’orgueil de l’avoir présenté qui m’y a poussé ; car, comme je l’ai déjà déclaré, ce n’est pas moi qui en ai eu la première idée, ce n’est pas mon œuvre, c’est celle de l’honorable M. Dumortier ; c’est à lui que je l’ai emprunté, je l’ai textuellement copié dans son remarquable rapport.

Mais aussi, messieurs, ne veuillez de pas me faire le reproche d’avoir changé de principe et d’avoir trahi mon patriotisme, car le système que je défends doit vous convaincre du contraire, et je défie qu’on vous en offre un plus libéral et un plus populaire.

Si on dit cependant que j’ai changé en ceci que je n’attaque plus si fort le ministère, messieurs, je n’ai jamais fait de l’opposition qu’aux actes, et je dois vous confesser que la marche politique que suit le ministère actuel, je l’approuve ; et j’aime à croire que s’il continue à rester dans cette voie, il aura trouvé le vrai moyen de conserver dans toute sa pureté notre ordre actuel de choses et conduira la cause de septembre à une bonne fin.

M. Dumortier, rapporteur. - Vous avez dû remarquer quelque chose de fort étrange et qui, je l’avoue, me surprendrait, si ce qui part du banc des ministres pouvait encore me surprendre.

Au commencement de cette discussion, à l’ouverture de la séance, j’ai eu l’honneur de proposer que l’on discutât d’abord l’article premier, et que l’on ne posât les questions relatives aux échevins que quand nous viendrons à l’art. 2.

Qu’a répondu M. le ministre de l'intérieur ? (Veuillez recueillir vos souvenirs ; ils sont tout frais ; car il s’agit de la séance d’aujourd’hui.) Il a répondu d’une manière très claire et très précise, qu’il n’y avait qu’une seule manière de procéder, qu’il fallait mettre aux voix la question de savoir si le pouvoir exécutif interviendrait ou non dans la nomination des échevins. Cette question était posée par M. le ministre d’une manière tellement nette que je retirai ma proposition. Voilà ce qu’a dit il y a un quart d’heure M. le ministre de l'intérieur.

Maintenant quelle proposition combat-il ? Précisément celle qu’il a faite ; car la proposition de mon honorable ami n’est que la reproduction textuelle écrite de la proposition verbale de M. le ministre de l'intérieur. Disons-le franchement, la proposition de mon honorable ami doit être admise, parce que dans cette proposition, il n’y a pas de diplomatie ; elle est claire, elle est patente ; chacun pourra émettre sur cette proposition un vote consciencieux, tandis que dans la proposition du ministre il y a beaucoup de diplomatie, et qu’il est impossible d’émettre sur cette proposition un vote consciencieux.

M. le ministre de l'intérieur qui tout à l’heure vous proposait de mettre aux voix la même chose que mon honorable ami, vient actuellement de faire une proposition différente. Que vous propose-t-il ? Il vous propose de résoudre la question suivante :

« La constitution s’oppose-t-elle à ce que le Roi intervienne dans la nomination des échevins, alors même que les échevins participent au pouvoir exécutif, concurremment avec le bourgmestre ? »

Mais je vous prie d’y réfléchir, qu’est-ce qu’une semblable question ? C’est mettre aux voix un des motifs pour lesquels vous émettez un vote, et faire exclure les autres motifs par lesquels on pourrait résoudre la question affirmativement. Je vous le demande, y a-t-il rien de plus captieux, de plus perfide que cette manière de procéder ? Non sans doute. Comment ! Je suppose par exemple que dans cette assemblée l’unanimité, moins les ministres, soit d’avis de laisser au peuple la nomination des échevins, et qu’elle soit partagée, quant aux motifs de son vote : qu’un tiers de la chambre veuille laisser au peuple la nomination des échevins, à cause de la question constitutionnelle ; un autre tiers, parce qu’il ne veut pas donner au pouvoir un moyen de corrompre à sa source la représentation nationale, et qu’un troisième tiers veuille laisser au peuple cette nomination par respect pour la liberté acquise par la révolution et sanctionnée par tant de votes.

Eh bien, s’il en était ainsi, toutes les minorités se combattraient les unes les autres, et l’unanimité de cette chambre ne pourrait pas émettre un vote de majorité. Voilà à quel résultat tend le système du ministre.

Je le demande : est-ce là de la franchise ? Est-ce ainsi qu’on procède dans un gouvernement représentatif ? Jamais, au grand jamais, on n’a mis aux voix les motifs pour lesquels nous émettons un vote de loi.

Mais voulez-vous savoir par quel motif M. le ministre de l'intérieur a fait sa proposition : c’est pour faire écarter le projet de loi présenté par lui. Voilà le véritable motif de sa proposition. Si le ministre ne veut pas de son projet de loi, qu’il déclare formellement qu’il le retire. Il est inutile d’aller présenter un projet de loi et de chercher ainsi à le faire écarter.

On a dit que l’on préférait la proposition de M. Dechamps ou celle de M. Desmet ; ce n’est encore là qu’un jeu de mots pour nous faire perdre du temps. En effet, les propositions de MM. Dechamps et Desmet sont complexes ; elles concernent l’organisation et les attributions ; or qu’arrivera-t-il ? que l’on demandera la division ; on demandera que l’on mette aux voix, d’abord ce qui est relatif à l’organisation et ensuite ce qui est relatif aux attributions et vous ne pourrez vous y refuser, car la division est de droit quand elle est demandée. De manière qu’en définitive le ministre de l’intérieur veut empêcher la chambre d’émettre un vote sur l’art. 2. Je livre ces considérations à vos réflexions.

Il est incontestable que, de quelque manière qu’on s’y prenne, il y aura toujours quelques personnes gênées dans leur vote. Commencez par les attributions : ceux qui pensent que le personnel doit être réglé en premier lieu seront gênés dans leur vote ; commencez par le personnel, il y aura encore quelques personnes gênées dans leur vote. Mais la gêne sera moins grande dans la deuxième hypothèse que dans la première. En toute chose on commence par organiser. Ce n’est que quand on a créé un corps qu’on lui donne des attributions. Qu’auriez-vous dit du congrès s’il avait déterminé les attributions de la législature avant de créer une législature ! c’eût été une véritable absurdité. C’est cependant ce que l’on veut vous faire faire.

M. Desmet dit que les attributions sont sa question. Je n’ai pas à féliciter cet honorable membre de ce qu’il a sur ce point complètement changé d’opinion, car j’en sois vraiment très peiné pour lui. Mais je le félicite de la franchise avec laquelle il s’explique sur une pareille question. Il dit que la question des attributions est la sienne, mais il me permettra de faire remarquer que cette question n’a pas toujours été la sienne ; car il a voté 3 fois les questions d’organisation, avant de voter sur la question des attributions. Nous qui n’avons pas changé d’opinion, qui sommes restes fermes dans nos convictions, je crois que nous devons procéder comme la chambre a procédé précédemment.

J’aurai l’honneur de soumettre à la chambre une dernière réflexion qui me paraît péremptoire. La proposition de mon honorable ami, qui est la reproduction de ce qu’avait proposé M. le ministre de l’intérieur lui-même à l’ouverture de la séance, est absolument et identiquement la même que celle adoptée au premier vote. Y a-t-il un motif pour procéder différemment aujourd’hui ? Assurément non. Ce que vous avez fait précédemment, vous pouvez, vous devez le faire. J’invoque vos précédents. Je ne doute pas que vous ne suiviez maintenant la marche que vous avez suivie au premier vote, dans une position absolument analogue à celle où nous nous trouvons maintenant.

M. Desmet. - Messieurs, comme je viens d’entendre qu’il s’agit d’une pétition de la ville d’Alost, je m’empresse à appuyer la proposition de l’honorable préopinant d’ordonner le dépôt sur le bureau ; mais comme j’ai le droit de soupçonner que mon honorable adversaire à un but dans sa proposition, celui de faire croire à la chambre que la majorité des habitants de la ville d’Alost s’oppose à la proposition que j’avais déposée sur le bureau, je demanderai si la date de la pétition est postérieure au jour que j’ai fait ma proposition. Vous sentez, messieurs, que j’ai un grand intérêt à le connaître, car alors je m’empresserai à en prendre lecture pour m’instruire de ce qu’elle contient.

Si c’est une pétition qui a une date plus ancienne que ma proposition, vous sentez, messieurs, que les habitants signataires de la pétition en question ne pouvaient pas connaître la manière que ma pétition était formulée, et je ne sais pas si la majorité des habitants de la ville d’Alost ne seraient pas de mon avis et préféreraient comme moi conserver le collège échevinal avec homogénéité d’attributions et faire la concession de l’intervention du gouvernement dans la nomination des bourgmestres échevins, pris dans les membres élus du conseil, que d’avoir l’élection directe des échevins, sans collège avec des bourgmestres qui seront de véritables maires de l’empire.

Et à cette occasion, je dois déclarer ici que c’est d’après l’invitation d’un grand nombre de personnes respectables de mon district que j’ai fait ma proposition.

M. Dumortier, rapporteur. - L’honorable M. Desmet a voulu me représenter comme étant en opposition avec moi-même, il a voulu faire voir que je combattais une proposition que j’avais défendue autrefois ; et il a trouvé dans ce reproche la justification de sa conduite. Je dis « ce reproche. » Car je reconnaîtrais que je mériterais les plus amers reproches, si j’étais coupable de la versatilité dont l’honorable membre a cherché à me rendre complice.

J’aurais pu, messieurs, me trouver fort embarrassé de répondre à l’honorable député d’Alost ; mais heureusement il n’en est pas ainsi à cause d’une note insérée, à mon corps défendant, dans le rapport de la section centrale.

Vous savez que les opinions émises dans un rapport ne sont pas essentiellement celles du rapporteur, mais bien de la majorité de la section centrale. Car il est impossible que dans une loi de plus de 150 articles on soit toujours de l’opinion des autres. Dans la loi communale, il y a beaucoup d’articles sur lesquels je n’étais pas de l’opinion de la majorité, et que j’ai néanmoins soutenus. Mais lorsque j’ai cru que les articles adoptés portaient atteinte à la constitution, alors je n’ai plus soutenu la question de constitutionnalité. Ainsi ai-je ou non soutenu la question de constitutionnalité, quant à la nomination des échevins par le peuple ? Vous allez en juger. Vous pouvez voir à cet égard l’article 8, page 45 de mon rapport. La question traitée à cet article était celle de la nomination des échevins par le Roi dans le conseil, comme M. Desmet le veut aujourd’hui ; il s’agissait de savoir si la constitution s’y opposait. Voici la citation exacte de mon rapport :

« Dans la section centrale, on a objecté que la constitution ne permet pas de donner la nomination des échevins au Roi ; que l’exception posée par le congrès ne s’étend qu’aux chefs des administrations communales. Mais qu’est-ce que l’administration communale ? Le conseil ? non sans doute ; il délibère, mais n’administre pas. Ce n’est donc pas le collège qui en réalité est celui qui administre dans la commune. Or, les chefs des collèges sont les bourgmestres ; donc l’exception ne peut s’étendre qu’aux seuls bourgmestres, et on ne peut, sans violer la constitution, accorder au Roi la nomination des échevins. »

Voilà ce que je disais relativement à la minorité de la section centrale. Mais voulez-vous savoir quel a été en cette circonstance le vote du rapporteur ? Vous le voyez par ce que je n’ai jamais fait dans aucun rapport, par l’insertion dans le rapport de la note suivante :

« Le rapporteur étant censé défendre l’avis de la section centrale, croit, dans des questions aussi graves, devoir déclarer que, dans la discussion, il a constamment fait partie de la minorité. »

Ainsi, le préopinant a bien grand tort de vouloir faire retomber sur moi le reproche de versatilité si justement acquis à lui seul. Il est manifeste que je n’ai pas varié dans mon opinion, et si cette opinion était celle que me prête l’honorable M. Desmet, il faudrait reconnaître que j’ai constamment voté contre moi-même.

Quant à l’allusion aux anciens règlements qu’on a voulu tirer des phrases du rapport, je ferai remarquer que d’après les premiers règlements le Roi ne pouvait prendre le bourgmestre que dans le conseil et jamais hors du conseil ; en deuxième lieu, que la nomination avait lieu sur la présentation du conseil, ce dont l’honorable préopinant ne veut pas. Or, la raison de la différence est immense entre le choix illimité du Roi hors du conseil et le choix dans le conseil et sur sa présentation ; c’est la différence du tout au tout.

En outre je ferai remarquer que le gouvernement n’avait le droit de révoquer ni de suspendre les bourgmestres, tandis que l’amendement de M. Desmet n’exclut pas ce droit. Or c’est encore là une immense différence. Les bourgmestres révocables par le gouvernement sont de simples agents du gouvernement, tandis que lorsqu’ils ont été présenté par le peuple, lorsqu’ils ont été nommés dans un cercle restreint par le gouvernement, et que celui-ci n’a le droit ni de les révoquer ni de les suspendre, ils restent bien plus fonctionnaires communaux.

Une autre considération à laquelle je vous prie de faire attention, c’est que le roi Guillaume avait octroyé des libertés au peuple, tandis que vous voulez dépouiller le peuple des libertés qu’il a conquises par le fer, au prix de son sang.

Craignez la comparaison que l’on pourrait établir entre le roi Guillaume et vous. Craignez qu’on ne dise : « Le roi Guillaume avait octroyé des libertés à son peuple, et les représentants du peuple n’ont pas su garder les libertés qu’il avait conquises ! Ils en ont dépouillé leurs mandataires et les ont vendues au gouvernement. »

M. Raikem. - Je demanderai que l’on mettre aux voix la première question posée par M. le ministre de l’intérieur : celle de savoir si l’on procède par question de principe. Après que cette question aura été résolue affirmativement, si tel est le bon plaisir de la chambre, on décidera laquelle des propositions doit avoir la priorité.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Mon honorable collège M. le ministre de l’intérieur a soumis deux propositions à la chambre :

« 1° La chambre votera-t-elle par questions de principes ? »

Jusqu’ici on n’a pas attaqué cette proposition, tout le monde semble être d’accord que c’est le seul moyen d’abréger la discussion ; je crois donc inutile de m’en occuper.

La seconde proposition est conçue en ces termes : « La constitution s’oppose-t-elle à ce que le Roi intervienne dans la nomination des échevins dans le conseil, alors même que les échevins, participeraient au pouvoir exécutif concurremment avec le bourgmestre ? »

Un honorable député s’est vivement élevé contre la position de cette question. Je le conçois parce qu’elle dessine nettement un système complet, parce qu’elle est de nature à rallier tous les députés qui veulent savoir ce qu’ils votent. Cette question est-elle perfide et captieuse ? Non ; elle n’embarrassera personne. Les honorables membres qui croient que, d’après la constitution, le Roi ne peut pas nommer les échevins, voteront contre la proposition ; ceux qui pensent que les échevins ne peuvent être choisis par le Roi même dans le conseil communal voteront contre la proposition. Enfin ceux qui sont d’avis que le Roi, d’après la constitution ne peut nommer des échevins dans le conseil, quand même ils participent au pouvoir exécutif voteront contre la proposition. Mais ceux qui croient que le Roi peut nommer les échevins dans le conseil lorsqu’ils participent au pouvoir exécutif, ceux-là voteront pour la proposition. Je commence par déclarer que je voterai pour. Mais j’ai besoin de donner quelques explications.

Les échevins seront-ils nommés par le Roi, oui ou non ? Je ne veux pas que l’on pose une telle question. Je ne pourrais y répondre. Cette question est captieuse, elle est perfide ; elle m’embarrasserait.

Que les échevins, magistrats purement municipaux, soient choisis directement par les électeurs, je l’admets, car tout ce qui est d’un intérêt purement communal doit être réglé par le peuple. Au contraire, si les échevins concourent avec le bourgmestre à l’exercice du pouvoir exécutif, s’ils sont les agents du gouvernement dans la commune, alors le gouvernement peut et doit même les élire, car il est dans l’esprit de nos institutions et dans le vœu de la constitution que l’exécution des lois et des mesures d’administration générale appartienne partout aux fonctionnaires nommés par le Roi.

En soutenant cette proposition, je suis conséquent avec mes antécédents ; quand la question sera posée, je le démontrerai. J’ai entendu avec assez de patience des attaques personnelles. Le moment est venu de mettre la vérité au grand jour et d’ôter tout prétexte à des insinuations qu’on exploite au détriment de la chose publique.

Il importe que chacun sache bien, en votant, ce qu’il entend par échevin. Demandez à un Français ce que c’est qu’un échevin, il ne saura pas vous répondre.

Un échevin chargé des intérêts exclusivement communaux, et un échevin participant au pouvoir exécutif, est-ce le même fonctionnaire ? Evidemment, non ; ce sont donc les attributions qui détermineront le caractère de ce magistrat.

Il faut que tout le monde admette, reconnaisse que la question posée par M. le ministre de l’intérieur est franche et claire. On dit qu’elle est complexe ; je ne le conteste pas ; on pourra en demander la division ; je ne m’y opposerai pas, parce que quand je verrai mettre aux voix la première partie de la question, je saurai que la deuxième et la troisième vont suivre. Je voterai pour la première, dans la prévision que la deuxième et la troisième seront admises. Mais si l’un des membres de la proposition est rejeté, je voterai contre l’ensemble de la proposition. Ainsi, que la question soit complexe, cela n’arrêtera personne.

Mais, nous dit-on, cette proposition est pour vous un moyen indirect de retirer le projet que vous avez présenté. Non, messieurs, nous n’avons aucun désir, aucun besoin d’user de semblables détours ; nous ne voulons surprendre personne, mais nous ne voulons pas être dupes non plus. Nous avions proposé de constituer comme agent du gouvernement dans la commune le bourgmestre ; ce devait être un magistrat librement nommé par le Roi ; dans ce système les échevins simples magistrats communaux devaient être nommés par le peuple. Avez-vous accepté ce projet ? Non, vous l’avez mutilé de toutes manières. Comment est-il sorti de la section centrale ? en lambeaux. Comment est-il traité ici ? personne ne le prend dans son ensemble.

La pensée réalisée dans le projet du gouvernement n’est que la reproduction de l’opinion que j’avais mise en avant dans cette enceinte comme député. Ce projet est aujourd’hui appelé despotique, comme mon système avait été alors taxé d’illibéral.

Je dirai en deux mots ce que nous voulons ; car il n’y a jamais eu division dans le cabinet ; elle n’a été qu’apparente ; nous avons toujours été d’accord sur le fond ; en effet, que voulons-nous tous ? Que le pouvoir exécutif dans la commune appartienne au Roi si ce pouvoir n’est exercé que par un seul ; que ce seul fonctionnaire, que le bourgmestre soit nommé par le Roi. Mais si ce pouvoir est divisé être 3 fonctionnaires, si au lieu d’un bourgmestre, vous avez un bourgmestre en trois personnes, si l’autorité exécutive est déférée à un collège, il faut que tous les membres de ce collège relèvent du Roi.

Le premier système consacré par le projet du gouvernement est plus logique ; sa séparation de l’intérêt général et de l’intérêt local est mieux tracée, il y a plus de garanties d’une exécution prompte et complète de la loi. Mais on ne peut se dissimuler que ce projet excite des répugnances, qu’il froisse les habitudes. Le système du collège administratif est plus conforme à nos mœurs ; eh bien ! dès que les membres de ce collège sont nommés, nous pouvons adopter ce système qui concilie les intérêts de la commune avec les intérêts de l’Etat, et qui paraît réunir le plus grand nombre de suffrages.

M. Raikem. - Je demanderai que l’on mette d’abord aux voix la première question posée par M. le ministre de l’intérieur : celle de savoir si l’on procédera par questions de principes. Après que cette question aura été résolue affirmativement, si tel est le bon plaisir de la chambre, on décidera laquelle des propositions doit avoir la priorité.

M. Jullien. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Les inconvénients que je vous ai signales au commencement de la séance n’ont pas tardé à se réaliser. Nous voilà dans un conflit de motions d’ordre, où nous ne serions pas tombés si nous avions exécuté le règlement.

Encore une fois, si vous voulez revenir au règlement, après la discussion générale, vous devez passer à la discussion des articles dans l’ordre où ils se succèdent.

Mais l’on vient demander : Pourquoi ne posez-vous pas la question de savoir si l’on examinera les questions de principes ? Mais le principe est dans la loi, dans chaque article que vous discutez. En votant l’article, vous votez sur le principe. Il n’y a pas moyen d’échapper à cette conséquence.

Il y a des propositions que je crois que l’on a assez de raison de traiter, sous un certain rapport, de captieuses. Qu’est-ce que c’est qu’une proposition par laquelle l’on vous demande de décider si le pouvoir exécutif interviendra dans la nomination des échevins, encore même que les échevins participeraient au pouvoir exécutif avec le bourgmestre ?

Il y a dans cette proposition quelque chose de complexe, j’ai le droit d’en demander la division. Si je demande la division, que deviendra votre proposition complexe ?

Ce que je trouve de captieux dans la question, c’est que l’on parle de pouvoir exécutif, comme si c’était le pouvoir exécutif dans l’Etat, tandis que beaucoup de membres entendent ce pouvoir exécutif dans la commune en ce sens qu’il n’est que l’application des lois générales aux habitants de la communauté dans l’intérêt du gouvernement et de la commune. Les échevins ne seraient donc que les exécuteurs de la loi, mais ils ne participeraient pas au pouvoir exécutif. Quand on vous demande si les échevins participeront au pouvoir exécutif, est-ce qu’on s’imagine par hasard que les échevins s’ils participent au pouvoir exécutif, s’assiéront à côté du trône ? Cc n’est pas cela assurément. Le pouvoir c’est le pouvoir exécutif.

Je dis que la question est captieuse et complexe en ce sens que nous ne comprenons pas le pouvoir exécutif comme le gouvernement. Je ne puis me prononcer sur une question de cette nature.

Revenons-en au règlement. Comme le nombre des amendements sera considérable, sans doute vous auriez des questions de priorité à décider. Mais au moins le règlement est là, qui nous servira de guide. Il décide quelle est la proposition à mettre aux voix en premier lieu, C’est celle qui s’écarte le plus de la proposition principale.

Que l’on présente donc des questions, si l’on veut, en forme d’amendements. Mais si vous voulez vous écarter du règlement, il y aura impossibilité de terminer la discussion, Je fais donc un rappel au règlement, je demande que l’on ne vote que sur les articles et sur les amendements conformément au règlement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous avez souvent procédé par question de principe.

Si jamais ce fut le cas d’en agir ainsi, c’est bien en présence des différents systèmes présentés dans cette discussion, c’est bien au milieu de la confusion qu’ils occasionnent qu’il est utile de présenter une question constitutionnelle qui domine toutes les autres et dont la solution peut singulièrement éclairer ces débats.

Procédez donc aujourd’hui comme vous l’avez fait précédemment dans d’autres occasions également solennelles.

L’on nous dit que nous perdons le temps dans cette question de principe. Nous vous répondons : Utilisez le temps que vous aurez employé à cette discussion en prenant une décision affirmative. De cette manière seulement vous n’aurez pas perdu du temps. Si vous rejetez cette marche, vous rentrerez dans le chaos des discussions, et vous aurez perdu en réalité toute la séance d’aujourd’hui à ne rien faire.

Je dis, messieurs, qu’il est essentiel de décider que l’on procédera par question de principes.

Je dis en second lieu que la question qui doit dominer toutes les autres, c’est celle qui résulte de la constitution.

Il faut qu’une bonne fois nous sachions combien de membres dans cette assemblée sont définitivement d’avis que dans aucun cas le gouvernement ne pourra intervenir dans la nomination des échevins. C’est là une question constitutionnelle d’une haute importance qu’il faut résoudre une fois pour toutes, puisque toutes les décisions n’ont servi de rien.

Je demande que chacun réponde dans son âme et conscience si la constitution s’oppose à ce que le gouvernement intervienne dans la nomination des échevins.

Voilà une manière toute rationnelle de procéder. J’espère que la chambre s’y ralliera.

M. le président. - La parole est à M. Raikem.

Plusieurs membres demandent la clôture.

M. Dubus. - Je ferai remarquer au bureau que j’ai demandé la parole avant que M. Jullien eût parlé. Est-ce que les ministres veulent empêcher les députés d’émettre leurs opinions ? Les ministres parlent bien les uns après les autres. Il paraît qu’il y a tactique pour nous empêcher de parler. (La clôture !)

M. Jullien. - je déclare en effet que M. Dubus avait demandé la parole avant moi et que je ne l’ai obtenue que parce que j’avais une motion à faire.

M. le président. - La clôture étant demandée par plus de 10 membres, je vais la mettre aux voix.

M. Fallon et M. Dubus demandent la parole contre la clôture.

M. Dubus. - Je répète qu’il me paraît qu’il y a ici une tactique pour donner aux ministres les moyens de présenter des arguments auxquels on ne puisse répondre. Ces arguments resteront sans réponse parce que l’on clôt la discussion avant que l’on n’ait répliqué.

J’avais demandé la parole pour insister précisément sur l’exécution du règlement pour faire remarquer à la chambre combien la proposition de M. le ministre de l’intérieur, sur laquelle il vient par des raisons qu’il ne veut pas que l’on rencontre, combien cette proposition est contraire au règlement et aux usages de la chambre. Je crois que cette démonstration serait facile.

A la vérité je ne puis la faire en ce moment puisque l’on réclamé la clôture avant de nous avoir entendus. Deux ministres ont parlé l’un après l’autre, et l’on demande la clôture de la discussion sans attendre la réplique.

Remarquez que M. le ministre, si je l’ai bien compris, réclame la priorité pour sa proposition. Il demande si l’on procédera par question de principe. Voilà une proposition indéfinie qui a besoin d’explications.

M. Rogier. - c’est trop fort.

M. Dubus. - Si la chambre me permet de parler, je lui prouverai que ce n’est pas trop fort.

Cette question présentée d’une manière indéfinie à la chambre me paraît captieuse. Si l’on veut procéder par questions de principe, qu’on les discute. Je veux bien des questions qui décident quelque chose. Si la chambre adopte une aussi étrange manière de procéder, cela peut nous mener fort loin. Car l’on peut nous faire voter des questions de principes qui laissent les grandes questions indécises.

Je suis embarrassé de faire comprendre ma pensée parce qu’il faudrait entrer dans des développements que l’on ne veut pas que je donne.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole pour un fait personnel.

A entendre les développements de l’honorable préopinant, il semblerait qu’il y a eu tactique de notre part pour surprendre les décisions de la chambre.

La vérité est que je n’ai parlé à aucun membre de cette assemblée, ni fait parler de l’ordre suivi dans la discussion aujourd’hui. J’avoue que la proposition que je soumets aujourd’hui m’a été suggérée par la proposition approfondie au sujet de laquelle j’ai adressé à son auteur le reproche de tactique.

Cette proposition était faite de manière, comme on l’a fort bien prouvé, à empêcher plusieurs membres de cette assemblée de répondre et à les mettre dans la nécessité de s’abstenir. C’est bien là de la tactique.

Celle que j’ai présentée au contraire est simple. Personne ne sera embarrassé d’émettre son vote. La constitution ôte-t-elle au Roi la possibilité de nommer les échevins ? Qu’on réponde oui ou non. Voilà tout.

M. Fallon. - Depuis que nous siégeons dans cette enceinte, la question que l’on vient d’agiter est peut-être la plus importante que nous ayons à décider. Il s’agit de savoir si l’on portera atteinte à l’indépendance et à la souveraineté du vote de chacun de nous. On ne peut nous forcer à donner les motifs de notre vote. La question que l’on veut poser porte atteinte à la liberté de notre vote. Je ne dois l’explication de mon vote à personne.

L’on n’a pas le droit d’exiger de moi que je dise si dans mon opinion la constitution s’oppose à ce que l’on adopte tel système. La constitution ne permet pas cette manière de procéder.

Je dois être libre et indépendant dans les motifs de mon vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Proposez la question préalable.

M. Fallon. - C’est ce que je ferai si l’on met aux voix votre proposition, parce qu’elle porte atteinte à la liberté et à l’indépendance des votes. (La clôture ! la clôture !)

M. Dubus. - Il faut savoir sur quoi l’on va clore. Est-ce sur la question de savoir si l’on procédera par questions de principes ?

M. le président. - Sans doute.

- La clôture sur la question de savoir si l’on procédera dans la discussion de l’article par questions de principes est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Je mets maintenant aux voix la proposition :

Votera-t-on par questions de principes ?

- Cette proposition est adoptée.

M. Nothomb. - Je prierai M. le président de donner lecture des diverses propositions non imprimées.

M. le président, président donne cette lecture.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je suis parfaitement d’accord avec les honorables MM. Gendebien et Dubus. C’est en partant de leur proposition que j’ai été amené à faire la mienne. Elle doit avoir la priorité, parce qu’elle est un amendement aux propositions qu’ils ont faites.

L’honorable M. Gendebien vous a dit : Il y a une question qui domine la discussion, celle de constitutionnalité. Pour que vous puissiez être à même de la résoudre, je vous propose de décider si le Roi interviendra dans la nomination des échevins. M. Dubus, prenant ensuite la parole, appuie la proposition de M. Gendebien et déclare la faire sienne. Frappé de ce que venaient de dire ces honorables membres, je n’ai pas hésité à admettre leurs principes. Mais la manière dont ils proposaient de poser la question, m’a paru devoir embarrasser plusieurs membres et les mettre dans la nécessité de s’abstenir.

Je me suis dit : La question constitutionnelle doit être résolue de la manière la plus positive ; il faut que sur une question de cette nature chacun puisse émettre librement son opinion, il faut donc qu’elle soit posée dans toute sa latitude. Plusieurs membres ont soutenu que la nomination par le Roi ne serait constitutionnelle qu’autant que les échevins interviendraient dans le pouvoir exécutif, et que dans le cas où les échevins n’interviendraient pas dans le pouvoir exécutif, l’élection directe devait avoir la préférence. C’est pour que chacun puisse voter en pleine liberté que j’ai fait ma proposition. Il est impossible de poser une question plus nette et plus précise que celle-ci : Le Roi pourra-t-il intervenir dans la nomination des échevins, alors que collectivement ils participent au pouvoir exécutif avec le bourgmestre ?

Il est évident que ceux qui croient que dans aucun cas le Roi ne doit intervenir dans la nomination des échevins, ceux qui croient que le Roi ne peut intervenir que dans la nomination du bourgmestre, répondront non ; ceux qui croient que le Roi peut intervenir dans la nomination des échevins, dans un cas déterminé, répondront oui. Vous aurez une fois cette question formellement résolue. Aucun député ne se trouve pour cela ultérieurement engagé dans son vote ; tel membre qui aura répondu : La constitution ne s’oppose pas à l’intervention du Roi dans la nomination des échevins, sera toujours libre de voter contre un article qui accorderait au Roi cette nomination.

Il dira : Je n’ai pas pu déclarer que la constitution s’opposait à l’intervention du Roi dans la nomination des échevins, parce qu’en conscience je ne crois pas qu’elle s’y oppose ; cependant, je refuse au Roi cette intervention, parce que j’ai d’autres motifs pour ne pas la lui donner. Chacun, comme vous voyez, peut voter de la manière la plus libre possible. Je demande donc que la chambre donne la priorité à ma proposition, parce qu’elle doit être considérée comme sous-amendement à la proposition de MM. Gendebien et Dubus.

M. d'Hoffschmidt. - S’il ne s’agissait que d’une question de constitutionnalité dans le vote que nous allons émettre, j’adopterais la proposition du ministre de l’intérieur ; mais d’autres motifs peuvent nous la faire rejeter, et pour ma part, j’en trouve de puissants en dehors de la constitution pour refuser la nomination des échevins au gouvernement. A quel résultat mènera votre proposition ? à moins que vous ne vouliez, par un acheminement, engager beaucoup de membres à voter pour votre proposition. Et, en cela, je trouve qu’elle a en effet quelque chose de captieux, et je m’y oppose. Je préfère la proposition de M. Gendebien, parce que celle-là est claire et nette. Le Roi interviendra-t-il dans la nomination des échevins ? Tous les motifs seront réunis pour adopter ou repousser cette proposition.

Si le règlement me permettait d’émettre maintenant mon opinion sur la nomination des échevins par le Roi, je le ferais de suite.

Plusieurs voix. - On ne discute pas le fond !

M. d'Hoffschmidt. - J’ajourne alors mes observations pour le moment où la discussion sera ouverte sur le fond. La question dont il s’agit est extrêmement importante et je trouve très mauvais que des députés trépignent des pieds, crient aux voix, depuis le commencement de la séance, pour empêcher les orateurs qui ont la parole d’émettre leur opinion.

Je ne sais où ces honorables membres ont pris ces habitudes, mais ce n’est certainement pas dans une assemblée parlementaire. C’est scandaleux ! Faites attention, messieurs, que nous faisons une loi qui est destinée à nous survivre, ainsi qu’au gouvernement actuel ; laissez donc le temps d’examiner les systèmes qu’on propose et de signaler les vices qu’ils peuvent renfermer.

M. Rogier. - C’est la quatrième fois que cette discussion a lieu.

M. d'Hoffschmidt. - Eh bien, si vous en faites autant quand je parlerai, je vous apostropherai comme vous le méritez.

M. Rogier. - Si vous parlez trop longtemps, je trépignerai.

M. d'Hoffschmidt. - Je parlerai aussi longtemps que je le jugerai à propos, vous n’avez pas le droit de m’interrompre. Quand il s’est agi de l’entrée des bestiaux, vous avez parlé d’économie politique aussi longtemps que vous avez voulu, on ne vous a pas interrompu ; et maintenant qu’il s’agit de la liberté du pays, de la base de la liberté, vous voudriez fermer la bouche aux orateurs qui la défendent. Je le répète, vos trépignements de pieds sont scandaleux. (Très bien ! très bien !)

M. le président. - La parole est à M. Dubus.

M. F. de Mérode. - Je demande à faire une observation.

M. Dubus. - En quelle qualité ?

M. F. de Mérode. - Je demande à faire une observation.

M. Dubus. - Je prie M. de Mérode de dire en quelle qualité.

M. F. de Mérode. - En qualité de ministre d’Etat.

M. Dubus. - J’avais la parole avant que vous ne la demandassiez ; vous voudrez bien attendre que j’aie fini.

M. Seron. - C’est juste ; M. Dubus avait la parole.

M. F. de Mérode. - J’ai le droit de prendre la parole. (Non ! non !)

M. Dubus. - M. le président m’a donné la parole. Je ne vous cède pas mon tour de parole, M. de Mérode.

M. F. de Mérode. - Comme ministre d’Etat, j’ai le droit d’être entendu.

Plusieurs orateurs. - Mais non d’interrompre un orateur qui a la parole. (A l’ordre ! à l’ordre !)

M. Dubus. - La parole venait de m’être accordée ; vous n’avez pas le droit de me l’enlever. (Agitation.)

M. le président. - J’avais accordé la parole à M. Dubus aîné.

M. F. de Mérode. - M. le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. - Vous ne l’aurez pas ! vous ne l’aurez pas ! Parlez, M. Dubus ! (Tumulte et agitation.)

M. Dubus. - J’attends que l’ordre soit rétabli ; car l’ordre est troublé.

- Le calme se rétablit peu à peu.

M. le président. - La parole est continuée à M. Dubus.

M. Dubus. - Messieurs, la question pour laquelle le ministre de l’intérieur demande la priorité est de nature, me paraît-il, à faire époque dans les annales parlementaires. C’est du neuf qu’une question semblable ; vous n’en trouverez aucun exemple dans les précédents de la chambre, et je doute que vous en trouviez dans les annales d’aucune assemblée délibérante.

Il semble vraiment que nous n’ayons ni constitution, ni règlement, et que l’ordre de nos délibérations puisse être arbitrairement modifié, façonné suivant le caprice d’un ministre. Il semble qu’il ne soit pas vrai, ainsi que je l’ai déjà dit, que le règlement soit la garantie, le droit de la minorité, et qu’un seul membre invoquant le règlement soit plus fort que tout le reste de l’assemblée qui voudrait le violer. Oui, c’est un principe incontestable qu’un seul membre qui invoque le règlement, est plus fort que le reste de l’assemblée.

Or, que résulte-t-il de la constitution et du règlement ? D’une part, que les lois se discutent article par article, et d’une autre part, que tout député a le droit de demander la division d’un article ou d’un amendement. Voilà les véritables principes du règlement pour l’ordre de la discussion. Ces principes appliquez-les au cas actuel, à la loi que nous discutons, comme vous le feriez à toute autre loi. Un article est mis aux voix, il présente une question complexe ; en votant l’article, vous décideriez en même temps plusieurs points ; eh bien, tout membre a le droit de demander la division.

Un article porte : Le Roi nomme et révoque les bourgmestres.

Un membre vous a dit : Je veux bien accorder au Roi la nomination du bourgmestre, mais non la révocation. Si vous votiez sur cet article, les deux questions seraient résolues. Vous votez alors par division et vous procédez aussi d’une manière conforme au règlement. Mais un député vient dire : Je m’oppose à la disposition proposée pour tels et tels motifs ; un autre viendra demander la division de ces motifs et la mise aux voix, non pas de la proposition, mais de l’un des motifs. Comme je l’ai déjà dit, il n’existe aucun exemple de cette manière de procéder. Où arriveriez-vous avec un pareil système ? On vous l’a déjà fait apercevoir, vous pourriez voir rejeter peut-être, un à un, les motifs : une majorité regrettera le premier, une autre majorité rejettera le second, le troisième et ainsi de suite ; et après qu’il aura été prononcé diversement sur les divers motifs, la proposition combattue peut encore être rejetée.

Que résulte-t-il de là ? que les résolutions antérieures sont complètement inutiles, qu’elles n’ont rien de décidé. En décidant par exemple que la nomination des échevins par le Roi, en supposant qu’ils aient telles et telles attributions, ne serait pas contraire à la constitution, vous n’auriez rien décidé, car ce n’est pas là un article de loi, et ceux qui n’adopteraient pas ce motif de rejet, peuvent se déterminer par un autre. En définitive, ceux qui auraient voté affirmativement la proposition du ministre, viendraient voter négativement la proposition d’attribuer au chef de l’Etat la nomination des échevins. Ce sont les articles que vous devez diviser, mais non les motifs qu’on peut avoir de repousser cet article. Vous ne pouvez pas mettre aux voix un motif qui évidemment ne peut pas entrer dans la loi. On vous a dit avec vérité que ce serait une tyrannie. Vous n’avez pas le droit de demander à un député les motifs pour lesquels il repousse une disposition. S’il lui plaît de conserver le véritable motif in petto, vous n’avez pas le droit de l’interroger, de le faire parler. Vous n’auriez qu’à rechercher les motifs qu’on peut opposer à une disposition et interroger des députés sur chacun d’eux ; vous scruteriez leur conscience ; vous leur feriez subir un véritable interrogatoire sur la raison pour laquelle il ne veut pas d’un article. C’est contraire à la liberté du député, c’est contraire à la liberté parlementaire. Si nous ne trouvions pas dans le règlement ce que c’est qu’un vote par article et par division d’article, il faudrait encore rejeter un pareil mode de procéder. Peut-on se prévaloir de ce que la chambre a déjà procédé par questions de principes ? Sans doute la chambre a déjà procédé par questions de principes, mais alors c’était une conséquence du droit de division d’un article. Chaque fois qu’on a voté sur une question de principe, le vote a eu pour résultat le rejet ou l’adoption d’un article on d’une partie d’article, d’un amendement ou d’une partie d’amendement. Comment a-t-on procédé pour voter sur la nomination des échevins lors de la première discussion ? On a posé les questions de manière que leur solution emportât l’adoption ou le rejet d’un article ou d’une partie d’article, d’un amendement ou d’une partie d’amendement. On s’est conformé au double principe de notre droit constitutionnel et de notre règlement concernant le vote d’article par article, et le droit qu’a chaque député de demander la division d’une proposition complexe.

Le gouvernement demandait que les échevins fussent nommés par le chef de l’Etat, dans le conseil. Un amendement portait que les échevins seraient nommés directement par les électeurs de la commune. Un autre voulait que les échevins fussent nommés par le conseil et dans son sein. Un autre voulait la nomination par le Roi sur présentation des électeurs ; un autre enfin proposait la nomination par le Roi sur présentation du conseil. On a posé alors des questions qui résumassent ces amendements de manière à emporter le rejet de tous ceux qui seraient placés dans le système que la majorité repousserait. On a posé la question suivante : Le Roi interviendra-t-il dans la nomination des échevins ? et en posant cette question, on a dit : Si la question est résolue par la négative, tous les amendements établis sur le principe de l’intervention du chef de l’Etat seront écartés ; si au contraire la question est résolue par l’affirmative, tous les amendements qui ne font pas intervenir le Roi dans la nomination des échevins seront écartés.

Ainsi, ce principe résolu ou pour ou contre les amendements déposés, c’était déjà une résolution que portait la chambre, dans l’application constitutionnelle de ses pouvoirs, en application de la constitution et de son règlement.

Une fois qu’on eut décidé que le Roi n’interviendrait pas, une seconde question se présentait ; sera-ce par le conseil ou par les électeurs que les échevins seront nommés ? C’est alors qu’on aborde une question secondaire. Il est décidé qu’un des deux systèmes, celui qui admet l’intervention du chef de l’Etat est écarté. C’est ainsi qu’on a procédé aussi pour la nomination des bourgmestres.

Dans plusieurs autres circonstances, la chambre a réglé de la même manière l’ordre de ses délibérations. Jamais elle n’a admis qu’on pût poser pour question celle de savoir si l’un des quatre, cinq ou six motifs qu’on a fait valoir pour écarter l’intervention royale était ou non fondé. Nous n’avons pas à décider si tel ou tel motif est fondé ou non ; nous avons chacun, d’après notre conscience et nos motifs, à prononcer sur une disposition qui fasse loi, sur une proposition qui emporte l’adoption ou le rejet d’un article ou d’un amendement.

Je crois que vous ne pouvez pas même ouvrir la discussion sur la proposition que fait le ministre de l’intérieur. Je crois que vous devez écarter toute proposition semblable. Je crois que vous ne pouvez mettre en délibération que des questions de principes dont la solution emporte adoption ou rejet d’un article ou d’une partie d’article, d’un amendement ou d’une partie d’amendement présenté dans la loi qui est maintenant en discussion.

Je signalerai un second vice de la proposition de M. le ministre de l'intérieur. Non seulement il veut ne faire juger qu’un des motifs qu’on oppose à l’intervention du Roi dans la nomination des échevins, mais il lui plaît de présenter une proposition complexe. Tout député a le droit de demander la division. Vous n’avez pas le droit de vous y opposer, tandis que l’opposition d’un seul député suffit pour empêcher qu’on ne mette aux voix une proposition complexe. Le règlement comme je l’ai déjà dit est le droit de la minorité, et cette minorité fût-elle d’un seul membre, si elle réclame l’exécution du règlement doit être plus forte que le reste de l’assemblée.

Je crois en avoir dit assez pour démontrer que la proposition du ministre ne doit pas avoir la priorité, ne peut pas même être discutée et doit être écartée.

M. F. de Mérode. - J’avais demandé tout à l’heure la parole pour un rappel au règlement, mais il m’a été impossible de l’obtenir.

Le deuxième alinéa de l’article 88 de notre acte constitutionnel porte : « Les ministres ont leur entrée dans chacune des chambres et doivent être entendus quand ils le demandent. »

De plus, il y a des places exclusivement réservées aux ministres et aux commissaires du Roi. En effet, je vois sur le banc où je siège, banc des ministres…

- M. Trentesaux, qui est assis près de M. de Mérode, se lève avec précipitation. On rit.

M. F. de Mérode. - Après l’espèce de reproche que M. d’Hoffschmidt avait adresse à quelques députés, je croyais devoir faire une observation et je demandai la parole comme ministre d’Etat. M. Dubus a prétendu qu’on lui avait accordé la parole avant ; je ne sais comment, car je me suis levé aussitôt que M. d’Hoffschmidt eut terminé.

Je ne sais si on n’aime pas de me voir siéger au banc des ministres, et si c’est pour cela qu’on ne veut pas m’accorder la parole, quand je la demande ; si c’est pour cela, qu’on le dise, je suis prêt à me retirer. Mais, tant que je siège sur ce banc, on doit, aux termes du règlement, m’écouter comme tous les autres ministres.

M. Dubus. - M. le président m’avait accordé la parole avant que M. le ministre d’Etat comte Félix de Mérode se fût levé, et eût ouvert la bouche. Comme je n’avais pas bien entendu si c’était à moi que M. le président venait d’accorder la parole, je le lui ai demandé, et il m’a répondu par un signe de tête affirmatif. C’est alors que je me suis levé, et que j’ai trouvé un obstacle, M. le ministre d’état comte Félix de Mérode, qui voulait parler à ma place.

Par l’observation que vient de faire l’honorable ministre d’Etat, je suis étonné qu’il ait tant insisté. J’aurais pense qu’il s’agissait d’une communication qui intéressait le salut de l’Etat, qui valût la peine d’interrompre un député. Mais, c’était tout simplement pour répondre à un honorable préopinant, relativement au désordre qui aurait eu lieu dans l’assemblée.

Je crois véritablement que l’honorable ministre d’Etat, comte Félix de Mérode, aurait fait plus sagement de ne pas tant insister pour m’ôter la parole.

M. F. de Mérode. - Il ne s’agit pas de savoir si j’ai eu tort ou raison de demander la parole, mais si j’avais le droit de la demander. Je déclare que s’il arrive encore qu’on me refuse la parole quand je la demanderai comme ministre d’Etat, je quitterai à l’instant le banc des ministres. J’entends y être traité comme les autres ministres. Ce dont je me plains ici ne se fait qu’à mon égard, et ne s’est jamais fait à l’égard d’aucun de mes collègues.

M. le président. - La parole était accordée à un autre membre quand M. le ministre d’Etat l’a demandée, je ne pouvais pas la lui retirer.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai observer que l’honorable M. de Mérode n’avait pas déclaré que c’était en qualité de ministre d’Etat qu’il demandait la parole. S’il l’avait fait, j’aurais mandé que la parole lui fût accordée. Mais comme il n’avait pas fait cette déclaration, je n’ai pas cru devoir le soutenir dans le débat qui s’est élevé.

J’en reviens à la proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre. L’honorable M. Dubus a dit que cette proposition ne conduirait à rien ; qu’elle était complexe et que chacun pouvait en demander la division.

Je dis que ma proposition conduit à beaucoup, et que, loin d’être complexe, elle est justement la division de la question complexe proposée par MM. Gendebien et Dubus. Oui, la proposition de ces honorables membres est complexe, et voici comment je le prouve.

Je dis donc que ma proposition a un but assez étendu, car elle conduit à écarter l’espèce de question préalable que MM. Dubus et Gendebien ont proposée. Cette question est celle-ci : Est-il constitutionnel que le Roi nomme les échevins ? Et ils ont soutenu qu’elle devait être résolue avant tout et être posée de cette manière : Le Roi interviendra-t-il, oui ou non ? Ils ajoutent que ceux qui voteraient contre l’intervention du Roi seraient censés résoudre la question constitutionnelle dans le sens négatif. Nous disons que la question proposée est complexe, et voici comment nous le prouvons.

Il peut être établi deux espèces d’échevins : les uns ne s’occupent que de questions communales ; les autres s’occupent en outre de questions d’administration générale ; on veut cependant faire décider que le Roi n’interviendra dans aucun cas pour la nomination des échevins. Je demande que l’on décide d’abord si le Roi peut constitutionnellement intervenir dans la nomination des échevins, lorsqu’ils participent au pouvoir exécutif, Si cependant on veut diviser ma proposition, rien ne serait plus facile. On pourrait demander premièrement : Le Roi peut-il intervenir constitutionnellement dans la nomination des échevins qui ne s’occupent que des intérêts communaux ? Secondement : Le Roi peut-il intervenir quand les échevins participent à l’administration générale ?

De cette manière, chaque membre peut voter librement et sans la moindre gêne. Il n’y a pas de complication dans ce que je propose ; il y a complication réelle dans ce que demandent M. Gendebien et M. Dubus. Ma proposition est fondée en raison, elle n’est pas contraire au règlement et elle n’est que la conséquence immédiate de celle des honorables membres.

M. Fallon. - J’ai peu de chose à ajouter à ce qu’a dit M. Dubus, en demandant la question préalable sur la proposition du ministre de l’intérieur. Il est de toute évidence que cette proposition porte atteinte à la liberté des votes. Il semblerait en effet que l’on veuille transformer notre chambre en une académie constitutionnelle : ni la constitution, ni le règlement n’oblige un député à donner les motifs de son vote ; or, de la manière dont le ministre formule sa proposition, il me force à déclarer si la constitution exige ou n’exige pas cette chose. Vous me dites : Mais la demande de nos adversaires tend à savoir si le Roi peut nommer les échevins. Je réponds que ce n’est pas ainsi que la question doit être posée ; vous ne pouvez nous demander que ceci : Le Roi nommera-t-il ou ne nommera-t-il pas les échevins ? Vous n’avez pas d’autre question à me faire.

Formulez votre proposition de cette manière, mais ne m’interrogez pas sur la constitutionnalité de la mesure.

Je n’en dirai pas davantage ; c’est à la chambre à savoir si elle veut conserver la liberté de ses votes.

M. Trentesaux. - Je n’ajouterai rien à ce qu’ont dit MM. Fallon et Dubus sur la proposition faite par le ministre de l’intérieur mais je déclare que je ne répondrai pas si on m’interroge, comme le demande ce ministre, et j’invite ceux qui ont le sentiment de leurs droits, la conscience de leur indépendance, à ne pas répondre non plus.

Puisqu’il est décidé qu’on s’occupera de question de principe, avant de s’occuper des échevins, je crois qu’il est naturel de se demander si le principe consacré par la constitution, le principe de l’élection directe, n’aura pas ici son application.

Et, puisqu’il est décidé qu’on posera des questions de principes, je réclame que cette question soit posée la première : Appliquera-t-on le principe de l’élection directe sans exception, mais avec faculté de dissolution des conseils ?

C’est là mon système, et j’ai bien droit de le proposer. Dans l’ordre des questions, je pense que celle que je propose est la première.

Le ministre et d’autres orateurs ont, selon moi, sauté par-dessus la question capitale ; il faut pourtant bien l’aborder ; devant Dieu comme devant les hommes, je le dis comme je le sens.

M. Dechamps. - Il me paraît que de quelque manière qu’on pose la question, il y aura toujours des membres dans cette assemblée qui ne pourront y répondre. Lorsque M. Dubus avait proposé de demander si le Roi interviendrait dans la nomination des échevins, j’ai fait remarquer que je ne pouvais répondre, parce que, dans mon système, ce qui concerne les échevins dépend de ce qui concerne les bourgmestres.

Le ministre de l’intérieur, pour éviter les obstacles et nous donner la possibilité de voter, a changé la position de la question. Il a voulu probablement que la chambre se décidât sur la question de constitutionnalité ; mais je ferai observer que nous n’en serions pas plus avancés, parce qu’elle ne préjuge rien. En effet, lorsque nous aurons décidé que la constitution ne nous oblige pas à faire intervenir le Roi, encore faudra-t-il savoir si le Roi interviendra dans la nomination des échevins ; car il y a des motifs qui pourront nous déterminer à voter dans un sens ou dans l’autre.

Par cela seul que nous avons décidé qu’on voterait par question de principe, il faudra bien que la question posée soit complexe.

On a parlé de question captieuse. Je pense que personne n’en veut ; mais je regarderai comme une question captieuse celle qui empêcherait un membre de voter ; et comme dans l’hypothèse de M. Dubus il m’est impossible à moi, ainsi qu’à beaucoup de membres qui partagent mon opinion, de voter ; et comme, d’un autre côté, M. Dubus ne peut voter suivant un autre système, je demande que l’on pose une question complexe, c’est-à-dire : Le Roi interviendra-t-il dans la nomination des bourgmestres choisis dans le sein du conseil ?

M. Liedts. - Je ne comprends pas comment il est possible de discuter si longtemps sur la question proposée par le ministre. Depuis qu’il existe des assemblées délibérantes, jamais à mon avis on ne leur en a soumis de plus monstrueuse. Du moment qu’on nous a demandé s’il y a constitutionnalité, je dis que l’on exerce violence sur nos consciences et qu’on n’a pas le droit de nous interroger de la sorte.

Si on permettait d’aller aux voix sur la proposition ministérielle, ce serait poser un antécédent que je ne veux pas consacrer. Que diraient les ministres, si tournant la question, on l’adressait en ces termes : En accordant au Roi le droit de nommer les échevins, ne fausse-t-on pas la constitution ? Ne diraient-ils pas : On n’a pas le droit d’interroger les membres d’une assemblée. Messieurs, la dignité de notre mandat, notre conscience nous défendent de répondre à la question qui nous est adressée.

J’aimerais mieux m’abstenir que d’y répondre, tout en protestant contre la violence exercée sur la liberté de nos votes.

Si les ministres ont intérêt à soulever certaines questions pour nous faire trouver constitutionnel aujourd’hui ce qu’ils ont déclaré inconstitutionnel dans d’autres temps, ce n’est pas une raison pour que nous leur fassions maintenant le sacrifice de notre liberté de conscience. (Adhésion.)

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant trouve à la proposition un autre but. Ce n’est plus une proposition captieuse. Il a été prouvé que chacun pouvait émettre librement son vote, mais il prétend qu’elle a été présentée pour mettre à l’aise les ministres, embarrassés, afin qu’ils ne soient pas obligés de revenir sur leurs premiers votes.

L’honorable membre aurait mieux fait de répondre à mes observations, c’est ce qu’il n’a même pas essayé. J’ai dit que des échevins, magistrats purement communaux, étaient des fonctionnaires d’un tout autre ordre que des échevins participant au pouvoir exécutif ; que ces premiers, dans mon opinion, devaient être élus par le peuple, mais que le gouvernement devait intervenir dans la nomination des seconds. Chaque fois que j’ai défendu la nomination des échevins par le peuple, j’ai supposé que ces échevins ne prenaient aucune part au pouvoir exécutif dans la commune.

Dans mon opinion, le bourgmestre était le seul agent du gouvernement, les échevins étaient étrangers à l’administration générale dans la commune.

Si l’honorable préopinant, au lieu de se permettre des insinuations qui ne sont ni justes ni parlementaires, prétendait que les explications que je donne ne sont pas exactes, je mettrais sous les yeux de l’assemblée les discours que j’ai prononcés, dans cette enceinte, à une autre époque. Alors j’ai dû défendre mon système contre les reproches d’illibéralisme qu’on m’adressait, Quels étaient alors les orateurs qui l’attaquaient ? un honorable membre qui siégeait à côté de moi, d’autres membres qui siégeaient en face de moi.

Les orateurs de la même opinion qui repoussèrent alors mon système comme despotique, veulent aujourd’hui se faire une arme contre moi d’une partie de ce système, et lorsque nous le leur avons offert dans son ensemble, ils l’ont encore rejeté. Combien de contradiction !

Je dis aujourd’hui ce que j’ai toujours dit : Si le bourgmestre est seul investi du pouvoir exécutif dans la commune, et que les échevins restent étrangers à ce pouvoir, le premier de ces magistrats doit être nommé par le Roi et les autres par la commune ; mais si un collège est collectivement chargé de l’exécution des lois générales, le bourgmestre et les échevins doivent tous être choisis par le Roi. En deux mots, le principe de l’élection est subordonné à la nature des attributions. Voilà l’opinion que j’ai toujours professée et que je défends encore.

L’honorable orateur que je combats s’est imaginé qu’il y avait de l’embarras dans notre position ; il aurait bien voulu en profiter ; il voit avec peine aujourd’hui que nous ne donnons pas le piége qu’on nous tendait, que la proposition du ministre de l’intérieur déjoue bien des calculs. Le banc des ministres offre-t-il donc tant d’agrément et de profit pour qu’un homme d’honneur sacrifie ses opinions à cette position ? Si elle tente l’ambition de l’honorable préopinant, qu’il essaie d’y venir.

Quant à nous, messieurs, nous saurons défendre les prérogatives du trône et les libertés du pays d’après la constitution et l’intérêt général, et nous apprécions à leur juste valeur les attaques du préopinant dont on a deviné les intentions.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je vais mettre à l’aise quelques honorables membres qui ne voudraient pas répondre sur la question que j’ai posée, à l’effet de faire décider par la chambre si le Roi pourra intervenir dans la nomination des échevins. C’est parce que je suis convaincu n’y a pas dans cette assemblée dix membres qui répondraient négativement à cette question, telle que je l’avais proposée. C’est par le même motif que je n’insiste pas pour qu’elle soit résolue. Je ne l’avais présentée que dans le but d’écarter la question posée par les honorables MM. Gendebien et Dubus.

Je crois que la chambre ne donnera pas maintenant la priorité à leur proposition. Mais pour mettre chacun à l’aise et faisant droit aux observations de l’honorable député de Seneffe qui ne veut pas que l’on isole le bourgmestre des échevins, voici comment je poserai la nouvelle question que je demande à l’assemblée de vouloir bien résoudre :

« Le bourgmestre et les échevins exerceront-ils collectivement le pouvoir exécutif ?

« Le Roi nommera-t-il le bourgmestre et les échevins dans le conseil ? »

De cette manière la question sera certainement complexe : question d’attributions, question de nomination. L’on voudra m’objecter que la première question semble se présenter plus naturellement au second projet de loi relatif aux attributions. Mais puisqu’il y a deux projets, rien ne vous empêche de prendre une résolution en principe, sauf à l’appliquer quand on en viendra à la loi des attributions communales. Cette question n’est posée que pour que chacun sache bien que si le Roi choisit le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil, il y aura un collège administratif.

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur retire sa première proposition, et y substitue celle dont il vient de donner lecture.

M. Dumortier, rapporteur. - J’aurai l’honneur de vous faire remarquer que l’on veut encore une fois nous entraîner dans une manière de procéder nouvelle et différente de ce qui s’est pratiqué aujourd’hui.

Que discutons-nous actuellement ? La loi d’organisation communale. La loi d’attributions communales n’est pas à l’ordre du jour. Cela est tellement vrai que l’on a dit dans le principe qu’après avoir voté la loi d’organisation communale, l’on voterait les budgets avant que d’en venir à la loi d’attributions communales.

Or, que veut-on aujourd’hui ? Faire accorder la priorité à une disposition de la loi d’attributions que l’on n’a pas discutée et qui n’est pas à l’ordre du jour.

L’on n’a pas examiné cette question, et cela est facile à démontrer. L’honorable M. Nothomb a dès l’origine de la discussion présenté à peu près les mêmes questions que M. le ministre présente aujourd’hui. Mais permettez-moi de vous faire remarquer que de la manière dont on l’a présentée, elle ne définit rien.

D’abord l’on demande : Le bourgmestre et les échevins exerceront-ils collectivement le pouvoir exécutif ? De quel pouvoir exécutif veut-on parler ? Est-ce du pouvoir exécutif relativement aux intérêts communaux ? Est-ce avec ou sans exception ? Est-ce de l’administration journalière qu’il s’agit ?

Vous voyez bien qu’il n’y a rien de défini dans la proposition que l’on vous présente. J’ai eu l’honneur de déclarer dès le début de la discussion que plutôt que d’enlever au peuple la nomination des échevins, je préférais laisser au bourgmestre l’exécution des lois d’intérêt général dans la commune.

Il n’y a pas dans cette enceinte une seule personne qui ait soutenu qu’il fallait ôter aux échevins l’exécution des mesures purement communales.

La proposition de M. le ministre de l’intérieur comprend tout, puisqu’elle comprend également et l’exécution des mesures d’intérêt général et le pouvoir exécutif dans le cercle des attributions les plus communales.

Comment voter sur une semblable proposition ? C’est encore une des propositions qui restent dans le vague et qui ne définissent rien ; et si vous adoptez au contraire la proposition des honorables MM. Dubus et Gendebien, vous serez conséquents avec vous-mêmes, vous voterez comme lors du premier vote. Vous commencerez par décider une question sur laquelle toutes les opinions sont formées.

Au reste, messieurs, il y a deux manières de procéder, et il est absolument indifférent de commencer par l’une ou par l’autre.

Commencez par les attributions, vous modifierez ensuite le pouvoir exécutif conformément aux attributions. Commencez par l’organisation, vous modifierez ensuite les attributions conformément à l’organisation. Mais il est impossible de mettre à la fois aux voix et les attributions et l’organisation. Ce serait une question complexe sur laquelle on demanderait la division, parce qu’il faut accorder la priorité pour l’une ou pour l’autre. Le sens commun indique que nous devons accorder la priorité à l’organisation.

Quant à moi, je le répète, je consens à ce que le bourgmestre soit seul chargé de l’exécution des lois générales pourvu que les échevins soient nommés par le peuple, que la constitution ne soit pas violée, et que la représentation nationale ne puisse être bientôt faussée.

Mais je ne puis donner mon assentiment à la proposition qui vous est faite. Remarquez que j’invoque ici l’opinion de M. le ministre de la justice. Nous devons commencer par mettre aux voix le mode de nomination des échevins, qui, selon l’expression de M. le ministre de l’intérieur, domine toute la discussion actuelle.

Que vous disait M. le ministre de la justice dans la séance du 25 juillet ? Il disait :

« Quoique je ne mette jamais de ténacité à soutenir mes opinions, je dois dire que les raisons que j’ai entendues ne m’ont pas fait changer de système. »

M. le ministre de la justice voulait continuer à donner au peuple l’élection des échevins.

« Et que je ferai tous mes efforts pour le faire prévaloir au deuxième vote. »

M. le ministre de la justice a pris en présence du pays et de la chambre l’engagement de faire prévaloir le système de nomination des échevins par le peuple.

« Je voterai donc provisoirement, ajoute-t-il, pour l’élection directe des échevins. »

Vous pouvez donc voter provisoirement l’élection directe des échevins, sauf à régler ensuite les attributions. C’est ce que disait M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Pas du tout.

M. Dumortier, rapporteur. - Son collègue M. le ministre des finances disait : « Il n’est pas nécessaire de justifier le congrès à cet égard. Les échevins sont les hommes de la commune chargés exclusivement de l’administration des intérêts communaux. » (Ah ! ah !)

Je suis d’accord avec vous quand l’on respecte la constitution. Mais vous voyez bien que nous vous prêtons l’occasion de faire un demi-tour. L’honorable député d’Audenaerde l’a fort bien dit : Parce que deux ministres sont dans un embarras de position, l’on voudrait leur donner la facilité d’émettre un vote qui ne les mît pas en opposition avec eux-mêmes. Quant à nous qui sommes conséquents, nous devons persister dans notre manière de voir et voter comme nous l’avons fait précédemment.

M. d’Huart disait encore :

« Tous mes souvenirs sont encore frais, dit M. le ministre des finances. Le congrès n’a jamais entendu attribuer au pouvoir exécutif que la nomination des bourgmestres. » Si vos souvenirs sont frais, si vous croyez comme alors que les échevins doivent être nommés par le peuple, laissez mettre aux voix la proposition de mon honorable ami sur laquelle toutes les convictions sont formées aujourd’hui. C’est la seule que nous puissions adopter si nous ne voulons pas fausser la représentation nationale et supprimer le pouvoir municipal. Ceux qui ont des scrupules sur le texte de la constitution ou une conviction ferme adopteront cette proposition. C’est la seule qui soit franche et sans arrière-pensée. C’est celle qui a été admise lors de la première discussion. C’est qu’alors il n’y avait pas de ministres embarrassés au banc du pouvoir. Est-ce une raison, messieurs, qui doive nous engager à changer l’ordre de la discussion ? Devons-nous nous mettre dans la nécessité de nous abstenir dans la question posée par M. le ministre de l’intérieur, pour donner à deux ministres l’occasion d’esquiver la nécessité d’être en opposition avec leur premier vote ?

M. Ernst l’a dit lui-même. « Il n’est pas démontré que la constitution accorde au gouvernement le pouvoir de nommer les échevins. En supposant qu’il y ait des doutes, nous devons le résoudre dans le sens de la constitution et ne pas enlever au peuple la nomination des échevins. »

Deux ministres ont dit cela. Que ces ministres conservent leurs convictions ; qu’ils fassent voir que le banc ministériel n’est pas le banc de versatilité, que l’on peut rester homme d’honneur et de sentiment en arrivant au pouvoir. Si un système contraire prévalait, noirs devrions croire que tout homme qui descend au banc des ministres est un homme vendu. (Bruit.)

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Au lieu de se livrer à des attaques injustes au fond et inconvenantes dans la forme, l’honorable préopinant aurait dû prouver ce qu’il avance ; mais cela n’est pas aussi facile que de crier fort. (Hilarité.)

L’honorable membre s’est bien gardé de vous lire les principaux passages des discours que j’ai prononcés en 1834 ; suivant la coutume il a mieux aimé les tronquer.

Je croyais que j’aurais pu vous épargner d’entendre une lecture fastidieuse. Maintenant j’y suis forcé. J’espère que la chambre me permettra de me défendre puisque l’on m’attaque. (Parlez ! parlez !)

Vous verrez, messieurs, qu’il n’y a pas le moindre reproche à m’adresser sur le changement d’opinion que l’on me suppose, et que l’on peut conserver son honneur et ses convictions en s’asseyant sur le banc des ministres.

Je rappellerai en deux mots le système que je professais. Le bourgmestre seul agent du Roi dans la commune est nommé par le gouvernement : les échevins agents de la commune exclusivement sont choisis par les électeurs.

Voici, messieurs, ce que je disais quant au bourgmestre dans la séance du 26 juillet 1834 :

« Après un examen approfondi de la matière, je crois avoir trouve la solution de la difficulté. C’est dans le caractère même du bourgmestre, c’est dans la nature de ses attributions que je l’ai cherchée. Quelle est la position du pays à l’égard de chaque commune ? Quelle est la position du bourgmestre à l’égard du pays et de la commune ? Vous le savez, messieurs, l’administration générale du pays doit exercer son influence sur chaque commune. L’œil et la main de la nation doit s’étendre sur chaque localité. Car c’est dans la commune que la loi se met en rapport avec les personnes et les choses.

« Or, quel est l’agent chargé de l’exécution des lois dans la commune et des mesures d’administration publique ? Quel est celui qui représente l’intérêt général en contact avec l’intérêt local ? Quel est celui qui administre dans la commune ? Quel est celui qui forme le dernier degré de l’échelle administrative ? C’est le bourgmestre. Un fonctionnaire chargé de l’exécution des lois doit être choisi librement par le gouvernement. Ce n’est que ce choix libre qui peut permettre aux ministres de prendre sur eux la responsabilité des actes de leurs agents. Un honorable député de cette assemblée qui a été nommé récemment bourgmestre de sa commune par l’unanimité des électeurs, vous disait hier avec franchise : L’homme du gouvernement doit être librement choisi par lui. Aucune entrave ne peut être apportée à sa nomination. Si vous y apportiez des entraves, vous diminueriez la responsabilité ministérielle.

« Le gouvernement a droit de compter sur le concours et l’appui du bourgmestre, sur son attachement à l’ordre, sur son zèle à remplir ses importantes fonctions : en supposant même que le bourgmestre ne se mette pas directement en opposition avec le gouvernement, l’inertie seule de ce fonctionnaire peut empêcher l’action de l’autorité supérieure et troubler l’ordre public. Comment voulez-vous que dans les cas difficiles où le gouvernement pourra se trouver, il soit obligé d’employer un homme qui n’aura pas sa confiance ? Dans une grande ville, dans la capitale surtout, l’inexécution des lois peut compromettre la paix publique et la sûreté du pays. Nous en avons vu récemment la preuve : quelle sera la position du ministère si aucun des hommes parmi lesquels il est forcé de choisir ne lui donne des garanties suffisantes ?

« Un orateur (M. Doignon) a prétendu que c’est au nom de la commune, et sous la surveillance des autorités supérieures, que le bourgmestre exécute les lois. Cette proposition est évidemment erronée ; c’est au nom de la souveraineté du pays que les lois et les mesures d’administration générale s’exécutent dans toutes les localités ; l’exécution de la loi appliquée à la commune ne devient pas pour cela un intérêt local, sinon tout intérêt serait local, et il n’y aurait plus d’intérêt communal. D’un autre côté, que signifierait la surveillance des autorités supérieures, si le bourgmestre n’était pas l’agent du pouvoir central, s’il n’était pas subordonné à ces autorités, s’il n’agissait qu’au nom de la commune et dans un intérêt communal ?

« Le bourgmestre est aussi l’agent de la commune, on en conclut que la commune doit intervenir dans sa nomination ; je répondrai qu’il agit seul comme agent du gouvernement, tandis qu’en qualité d’agent de la commune il n’agit que de concert avec les échevins. Quand le bourgmestre est pris hors du conseil, il n’a que voix consultative. Les échevins au nombre de deux ou de quatre forment toujours la majorité, et dans mon opinion ils ne seront pas nommés par le Roi.

« Je crois que ce système est de nature à concilier tous les intérêts ; il donne toute satisfaction au gouvernement, et il charge les magistrats de la commune, les véritables agents de la commune, de tout ce qui a trait aux intérêts communaux. »

Voici comment je répondais à quelques objections qu’on me faisait :

« J’arrive à une objection qui a souvent été reproduite dans cette discussion sous diverses formes. On dit que le système que nous défendons est illibéral et impopulaire ; on invoque les principes de liberté posés par le congrès, les promesses de liberté faites au peuple ; quant à moi, cet argument me touche peu. Je n’ai jamais appartenu à aucun parti ; je n’ai jamais flatté le peuple ; je n’ai aucun ménagement à garder ; je n’ai qu’à satisfaire à ma conscience et aux intérêts de mon pays.

« Le congrès a proclamé les principes dans la position où il se trouvait, mais il a laissé à la législature le devoir, la responsabilité d’organiser la nomination des bourgmestres, en conciliant l’utilité du pays avec le bien-être des communes. Nous n’avons pas d’autre règle à suivre.

« Dans les questions de liberté, voici ma profession de foi : Le gouvernement doit observer religieusement les lois. Sans cette garantie, il n’y a pas de liberté, les citoyens n’ont réellement aucun droit sur lequel ils puissent compter. Quand il s’agit d’organiser des institutions dans un gouvernement représentatif où le pays est administré par le pays et dans l’intérêt du pays, la question de savoir ce qui doit être donné à la commune ou à l’Etat n’est plus une question de liberté, mais d’utilité générale. Les théories en politique n’ont de valeur que pour l’avantage qui en revient à la société. »

Mon système quant à la nomination du bourgmestre ne prévalut pas alors. Alors vient la question des échevins. Que disais-je à cette occasion ?

« « Je regrette que ce système qui conciliait tous les intérêts n’ait pas eu l’approbation de la chambre.

« Les intérêts généraux auraient eu un représentant direct dans la commune, les intérêts communaux étaient, conformément à la constitution, confiés à ceux qui tiennent leur mandat des électeurs de la commune ; d’un autre côté on tenait compte du lien qui existe entre l’Etat et la commune en faisant intervenir le bourgmestre dans le collège échevinal.

« Quoique je ne mette jamais de ténacité à soutenir mes opinions, je dois dire que les raisons que j’ai entendues ne m’ont pas fait changer de système et que je ferai tous mes efforts au second vote pour le faire prévaloir. Je voterai donc provisoirement pour l’élection directe des échevins.

Je disais : « Une partie de mon système n’a pas été adoptée, mais l’autre partie n’a pas été jugée irrévocablement. » Je voterai provisoirement pour la nomination des échevins par le peuple jusqu’à ce que la chambre ait décidé définitivement la première question.

Mon vote pour l’élection directe des échevins par le peuple était donc subordonné à une double condition :

1° Que leurs attributions fussent purement communales ;

2° Que le bourgmestre chargé seul du pouvoir exécutif fût librement nommé par le Roi.

J’en appelle à la bonne foi des membres de cette assemblée. Peut-on prétendre encore qu’il y a contradiction dans l’opinion que nous soutenons aujourd’hui, et dans celle que nous soutenions alors ?

- La clôture est demandée.

M. Dubus. - Ce n’est pas tant pour m’opposer à la clôture que pour provoquer une explication de la part de M. le ministre que j’ai demandé la parole. Je demande à M. le ministre de vouloir bien répondre sur le vague que l’on reproche à sa proposition. Je demande qu’il dise ce qu’il entend par exercer collectivement le pouvoir exécutif. Remarquez que la question a été faite d’une manière catégorique par mon honorable ami. L’on a répondu, et cependant, on a laissé cette question sans réponse. Je ne sais pas si M. le ministre peut convenablement s’abstenir de s’expliquer là-dessus, bien des membres désireraient savoir ce que l’on entend ici par le pouvoir exécutif. On veut savoir si les échevins seraient chargés de tout le pouvoir exécutif dans la commune comme le bourgmestre ou si l’on portera des exceptions. On craint que dans ce cas les exceptions n’emportent la règle.

M. Desmet. - J’ai déposé ma motion d’ordre, parce que si j’obtiens mon collège administratif, je ferai la concession de l’intervention du gouvernement.

Quant à la proposition de M. le ministre de l’intérieur, j’accepterai bien la première partie ; mais sur la seconde, je ne sais pas ce que je ferai. Après avoir voté sur les deux parties séparément, on votera sur l’ensemble, il pourra se faire que les deux membres de la proposition soient adoptés et que l’ensemble soit ensuite rejeté. Alors, vous n’aurez rien. (La clôture ! la clôture !)

- M. le président met aux voix la clôture sur la question de priorité, elle est prononcée.

M. Trentesaux. - On pose une question relativement aux échevins et on n’a encore rien décidé pour les bourgmestres. La priorité appartient de droit à ma proposition. Je ne demande que la constitution, je le répéterai à satiété. Je demande si on appliquera le principe de l’élection directe. La constitution a permis une exception, je la réserve pour plus tard. Je vous rappelle que l’exception est facultative, entendez-vous, facultative !

Vous convertissez peut en doit ; vous raisonnez comme si la constitution avait fait une obligation d’établir des exceptions, tandis qu’elle dit que la loi peut établir des exceptions. La raison que vous auriez dû donner pour justifier l’usage que vous voulez faire de la faculté que vous donne la constitution d’établir une exception à la règle, à l’élection directe, c’était qu’on en avait abusé ; vous ne l’avez pas prouvé.

Je demande donc la priorité pour ma proposition. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dumortier, rapporteur. - La proposition de M. Dubus a été déposée la première ; je demande qu’on lui donne la priorité.

Plusieurs membres. - Commençons par la proposition de M. Dubus.

M. le président. - La proposition de MM. Dubus et Gendebien est ainsi conçue :

« Le Roi interviendra-t-il dans la nomination des échevins ? »

- Après une double épreuve, le bureau déclare que la priorité n’est pas accordée à cette proposition.

La chambre décide ensuite qu’elle donne la priorité à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Dumortier, rapporteur. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur ce qu’il entend par pouvoir exécutif ; s’il entend seulement l’exécution des lois d’intérêt général, ou s’il s’agit encore de l’exécution des dispositions qui sont exclusivement d’intérêt communal ; en un mot, s’il entend tout le pouvoir exécutif de la commune.

Je lui demanderai ensuite s’il y aura ou non des exceptions.

Je le prie de s’expliquer sur la portée de sa proposition. Elle est tellement vague qu’elle peut embrasser tout. Dans certains cas, je suis disposé à l’admettre ; mais dans d’autres, je la repousserai de toutes mes forces. Il faut une explication franche et sans détour.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai dit que le pouvoir exécutif comprenait non l’exécution de ce qui est purement d’intérêt communal, mais l’intervention dans l’exécution des lois d’intérêt général, confiée à l’autorité locale. Ce que nous voulons faire, c’est conserver le collège des échevins tel qu’il est usité en Belgique. Cela n’empêche nullement que le bourgmestre puisse requérir la force armée pour maintenir l’ordre, sans devoir auparavant réunir les échevins et en délibérer avec eux. On verra dans la discussion des attributions si on veut ou pas établir des exceptions. Ce que nous voulons, je le répète, c’est de maintenir le système du collège des échevins auquel le pays est habitué depuis 18 ans. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Il vient d’arriver un amendement à la proposition de M. le ministre de l’intérieur.

M. Nothomb. - Cet amendement n’est pas recevable. Il y a clôture.

Un membre. - Il y a eu clôture sur la question de priorité seulement.

Un autre membre. - Il y a clôture sur toute la discussion.

Plusieurs membres. - Lisez l’amendement ! lisez l’amendement !

M. le président. - M. Liedts propose de substituer aux mots : « pouvoir exécutif, » ceux-ci : « participeront-ils à l’exécution des lois générales ? »

M. Liedts. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il se rallie à ma proposition ; elle ne fait qu’expliquer sa pensée suivant les développements qu’il vient de donner à sa proposition. Dans une question aussi grave, il faut de la loyauté jusque dans les moindres expressions.

Avant de développer ma proposition je demande à M. le ministre s’il veut s’y rallier.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour lever tout doute, je fais mienne la rédaction de l’honorable M. Liedts. Ce n’est qu’une différence de mots.

M. Dubus. - M. le ministre a dit en répondant aux explications qui lui ont été demandées, qu’il entendait en effet le pouvoir exécutif en ce sens, qu’il s’agissait de l’exécution des lois d’intérêt général, et il a ajouté de la manière que cela s’est pratique jusqu’ici. Mais, messieurs, je ne sais si vous pouvez vous prononcer sur une disposition dont la portée se trouve en quelque sorte en dehors de ses termes. Je ne peux pas examiner en un instant ce qui s’est pratiqué jusqu’ici à l’égard du collège des échevins, mais ce que je sais, c’est que l’article admis une première fois par la chambre, car la chambre n’a encore voté qu’une fois sur les attributions, cet article-là ne mettait pas le bourgmestre et les échevins sur la même ligne en ce qui concerne l’exécution des lois. Il donnait de grandes prérogatives au bourgmestre sur les échevins, et notamment en ce qui concerne l’exécution des arrêtés et ordonnances d’administration générale : vous savez que c’est le pouvoir exécutif qui fait les ordonnances pour l’exécution des lois ; eh bien, il était écrit en toutes lettres que l’exécution n’appartiendra aux échevins en même temps qu’au bourgmestre qu’autant que l’arrêté ne dirait pas que le bourgmestre serait chargé exclusivement de cette exécution.

M. Nothomb. - Il y clôture.

M. Dubus. - Je dis qu’il n’y a pas clôture.

Si le gouvernement allait introduire dans chacune de ces ordonnances que c’est le bourgmestre seul qui l’exécutera, vous n’auriez rien obtenu avec les échevins ; et selon la manière dont l’article avait été formulé, j’avais déjà produit cette observation dans la discussion générale ; mais on l’a saisie de côté ; mais elle méritait cependant bien d’être examinée.

Quant aux lois, le même article porte qu’il y a exception, quand c’est le bourgmestre qui doit exécuter seul ; or, beaucoup de lois portent cette exception.

Indépendamment de ces observations, il y a beaucoup d’articles qui donnent un droit d’exécution exclusif au bourgmestre.

Je croyais qu’on voulait mettre les échevins et les bourgmestres sur la même ligne, qu’on allait faire un collège de trois bourgmestres ; mais il en sera autrement, puisque le ministre dit qu’on suivra ce qui a déjà été pratiqué jusqu’ici.

Je pense qu’il y a encore beaucoup plus de cas où l’exécution est confiée au bourgmestre seul, dans les campagnes que dans les villes. Eh bien, quelle règle suivra-t-on, celle du règlement pour les campagnes, ou celle du règlement pour les villes ?

Je demanderai des explications sur ce point.

Il faut que l’on se donne la peine de définir le système avant de faire voter la chambre ; on présente cela comme un système de conciliation ; mais il pourrait bien n’aboutir qu’à ne rien donner aux échevins.

J’ai une observation à faire aussi sur la seconde question : Le loi nommera-t-il le bourgmestre et les échevins en les prenant dans le conseil ? Lorsque antérieurement on a voté sur des questions semblables que, par parenthèse, on a divisées et que nous avons encore le droit de diviser, on a toujours précisé ce que l’on voulait dire.

Ainsi l’on a demandé si le Roi nommerait le bourgmestre exclusivement dans le conseil. Pourquoi M. le ministre a-t-il omis cette fois le mot exclusivement ? Aurait-il dessein de proposer ensuite comme au deuxième vote, une exception pour les cas extraordinaires et sur un avis motivé de la députation des états, exception qui, dans mon opinion, ruinerait la règle ? Voici une question bien précise. (Interruption.)

Je crois que les personnes qui m’interrompent doivent désirer autant que moi d’être éclairées. Je comprends que les personnes qui voteraient la nomination du bourgmestre et des échevins, sans aucune garantie, soient assez éclairées. Mais il y en a d’autres qui ne veulent pas renoncer à toute garantie, quelque disposées qu’elles soient à la conciliation. J’attendrai une réponse sur cette question.

Puisque j’ai la parole, je discuterai la deuxième proposition qui est appuyée par ceux qui préconisent le système de conciliation. Même dans ce cas je soutiens qu’il y a lieu de rejeter le système de conciliation et d’en revenir à l’élection directe des échevins par le peuple.

J’insiste, messieurs, sur le triple motif que j’ai indiqué dès le début de cette discussion, mais sur lequel je me suis abstenu de tout développement parce que la discussion n’était pas ouverte sur le fond. Je discute...

M. Lebeau. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Dumortier, rapporteur. - Citez l’article.

M. Lebeau. - Je répondrai à la chambre.

Il semble, d’après les dernières pantes de l’honorable préopinant, qu’il considère comme ouverte une discussion nouvelle sur les différentes propositions déposées sur le bureau, et notamment sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur qu’il s’apprête à combattre.

D’après votre règlement, les orateurs parlent selon leur rang à l’inscription. Or j’en appelle à M. le président, je suis inscrit avant l’honorable M. Dubus pour parler sur les différentes propositions déposées sur le bureau après la clôture de la discussion générale. Si on ne passe pas immédiatement aux voix, je suis prêt à parler ; mais si la chambre reconnaît qu’elle est assez éclairée, si elle reconnaît qu’après huit jours de discussion il est temps d’y mettre un terme, je renoncerai volontiers à mon tour de parole. Mais si la chambre en décide autrement, si au lieu de passer immédiatement aux voix sur des questions claires pour tout le monde elle juge à propos de supporter encore le supplice d’une seconde discussion générale, je réclamerai mon tour de parole. Je n’ai pas l’habitude d’en abuser. Le règlement à la main, je réclamerai mon droit pour en user, non pas aujourd’hui mais demain matin.

Voilà la motion que je fais, déclarant toutefois que j’aime mieux faire le sacrifice de mon discours.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Avant que la chambre donne suite au rappel au règlement, je déclare que je répondrai à l’interpellation de l’honorable M. Dubus.

M. Dubus. - Si j’ai bien compris les paroles de l’honorable préopinant, elles tendent à dire que je ne dois pas maintenant développer mes motifs pour faire rejeter la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Il est inscrit avant moi, et je dois attendre mon tour de parole.

Il dit cependant que si la chambre veut renoncer à la discussion, il s’abstiendra de parler. Il l’engage même à ne pas subir le supplice d’une seconde discussion.

Il est assez difficile de se trouver plus en contradiction avec soi-même que ne l’est l’honorable membre : afin que la chambre ne subisse pas une seconde discussion sur ma proposition, qui n’a pas encore subi l’épreuve des débats, il demande que l’on supprime la discussion.

M. le président admet la discussion, et l’honorable M. Lebeau propose de la supprimer. Que le préopinant invoque son tour de parole pour parler avant moi, soit. Mais qu’il l’invoque pour y renoncer aussitôt et faire supprimer toute discussion, c’est ce à quoi je ne puis consentir

J’ai annoncé dès le début de cette discussion que j’avais un triple motif pour m’opposer au système de conciliation, qui est celui de M. le ministre de l’intérieur. Je n’ai pas développé ce triple motif, parce que la discussion n’était pas ouverte. Je croyais donc avoir le droit de parler. Mais voici qu’un membre, inscrit avant moi, veut s’opposer à ce que je parle, en proposant de supprimer la discussion. Je ne parlerai pas, dit M. Lebeau, mais vous ne parlerez pas non plus. (Hilarité.)

J’espère que la chambre ne prononcera pas la clôture d’une discussion qui n’est pas commencée.

J’invoque en ma faveur le règlement qu’a invoqué M. Lebeau. Le règlement dit qu’après la discussion générale, il est ouvert une discussion sur chaque article. Je vous demande si les questions que l’on a posées ne sont pas de véritables articles. On a donc tort de dire que les questions ont été agitées depuis huit jours dans la discussion générale. Cela n’empêche pas que la discussion générale une fois close, l’on n’en ouvre une particulière sur chaque article. C’est là ce que le règlement prescrit. Encore une fois, le règlement est la loi de la minorité.

Hier même, messieurs, quand on a demandé la clôture, j’ai demandé s’il était bien entendu que ce n’était que la clôture de la discussion générale ; on m’a répondu que oui, et maintenant ce serait, à ce qu’on prétend, la clôture de toutes les discussions spéciales qui aurait été prononcées.

Jusqu’à présent, on ne m’a pas laissé discuter le fond, on m’a toujours arrêté en disant qu’il ne s’agissait que d’une question de priorité.

M. Lebeau. - Messieurs, quoique je ne trouve pas de pensée désobligeante dans les explications de l’honorable préopinant, je puis cependant qualifier de fait personnel le reproche qu’il me fait de vouloir violer ouvertement l’esprit et la lettre du règlement et de vouloir étouffer la discussion non encore ouverte.

Que dit l’honorable préopinant ? Une discussion nouvelle doit être ouverte sur la proposition du ministre de l’intérieur qui est nouvelle. Il est évident que la proposition du ministre de l’intérieur et les autres propositions déposées ne sont pas autre chose que le résumé formulé de la discussion à laquelle on s’est livré pendant huit jours. Je pose en fait que quelque féconde que soit l’imagination de l’honorable préopinant, quelle que soit l’étendue de son talent de discussion, on peut lui faire le défi, dans les observations qu’il veut présenter sur la motion de M. le ministre de l'intérieur, de dire un mot nouveau, de présenter un argument qui n’ait pas été ressassé dans les nombreuses discussions auxquelles nous nous sommes livrés. La discussion ne portera pas sur autre chose que sur quoi elle porte depuis huit jours, sur la nomination des échevins, soit par le gouvernement, soit par les électeurs, soit par le concours des deux pouvoirs. Cela est si vrai, que c’est ainsi que l’ont entendu MM. Nothomb et Desmet, qui ont proposé de faire voter sur des questions de principes immédiatement après la clôture de la discussion générale. C’est toujours ainsi qu’on a procédé : Demander des explications sur la portée de ces questions de principes, c’est exiger qu’on prévoie tous les cas dans lesquels le principe posé pourra trouver son application. C’est là chose impossible.

Ce n’est pas une résolution législative qu’on vote sur une question de principe, c’est un moyen qu’on emploie pour faciliter, simplifier une discussion. Quel que soit le vote sur un principe général, il laisse à la chambre la libre faculté de voter comme elle l’entend sur son application, de l’étendre, de la restreindre à son gré.

On me reproche de faire bon marché de mon droit de participer à la discussion actuelle et de vouloir, à l’aide de ce moyen, étouffer une discussion qu’on appelle de tous ses vœux. Oui, messieurs, en présence de ce qui se passe, en présence de ce qui se dit partout ailleurs que dans cette enceinte, je me sens peu disposé à prolonger par des discours de semblables discussions.

Je le dis avec franchise et sans intention de blesser personne, il n’y a qu’un cri dans le pays sur la manière dont les travaux de la chambre marchent. Cela est véritablement déplorable. Il n’y a qu’un cri sur la manière dont on fait en Belgique du gouvernement représentatif ; on proclame qu’ainsi pratiqué c’est le plus impuissant, le plus improductif et dès lors le plus coûteux des gouvernements. L’esprit perdant ainsi, sous une impression actuelle et puissante, la conviction des immenses bienfaits du gouvernement représentatif, n’en voit que les abus et les déplorables inconvénients.

Voilà pourquoi, messieurs, je renoncerai toujours volontiers à la parole quand il s’agira d’abréger nos discussions ; alors je ferai volontiers abnégation de moi-même. J’invite mes honorables amis à en faire autant, convaincu que par leur silence ils serviront mieux le pays que par des discours oiseux et interminables. (A demain ! à demain !)

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable député de Tournay m’a demandé si j’entendais que les bourgmestres fussent exclusivement choisis dans le sein du conseil : la question était inutile ; du moment que je ne demande pas d’exception, ma proposition n’en comporte pas.

En ce qui concerne les attributions des bourgmestre et échevins, j’ai posé une question de principe, et j’ai en même temps déclaré que dans la loi d’attributions on ferait les exceptions convenables. Le principe étant pose, ce sera à la chambre à en régler l’application.

Pour répondre à l’interpellation du député d’Alost, je dirai que les deux questions que j’ai soumises à la chambre sont collectives et indivisibles ; de telle manière que si la chambre adoptait l’une et rejetait l’autre, je repousserais l’ensemble. Je demandé donc qu’après avoir voté sur chacune d’elles, on vote sur leur ensemble. (La clôture ! la clôture !)

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel. J’ai besoin de dire quelques mots à l’assemblée ; car, comme j’ai pris part à la discussion, je dois m’attribuer une partie des reproches que M. Lebeau vient d’adresser à certains orateurs.

Plusieurs membres. - Il n’y a pas là de fait personnel. ! On n’a désigné personne !

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel, et j’ai droit d’être entendu. M. Lebeau lui-même, en prenant la parole pour un fait personnel, a avoué qu’il n’avait pas été cité, mais qu’il trouvait que quelques-unes des paroles prononcées s’adressaient à lui : je suis dans un cas semblable.

Si M. Lebeau n’a à présenter à l’assemblée que des arguments ressassés, il est de son devoir de renoncer à la parole ; mais hier j’ai demandé si en clôturant on voulait clôturer la discussion sur la proposition de M. Nothomb ; on m’a dit : Non ; alors j’ai retenu la parole sur cette proposition ; ainsi je suis inscrit pour parler sur cet objet.

Quant à ce qu’a dit M. Lebeau, contre les membres de cette assemblée qui défendent les libertés publiques...

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). -On a demandé la clôture.

M. Dumortier, rapporteur. - Je prie M. le ministre des affaires étrangères de ne pas m’interrompre.

Je ne pense pas qu’il soit parlementaire de venir ainsi déverser du blâme sur ses collègues, sur toute une assemblée. Parce que nous émettons un vote consciencieux dans cette enceinte, parce que nous voulons empêcher que le gouvernement n’anéantisse les libertés publiques, l’on vient nous dire que la chambre se déshonore aux yeux du pays...

- Des cris interrompent l’orateur.

Un grand nombre de membres. - L’on n’a pas dit cela.

M. Lebeau, au milieu du bruit. - Je donne à votre assertion le démenti le plus formel.

M. Dumortier, rapporteur. - Cela résulte de vos paroles.

M. Lebeau. - Pour la troisième fois je donne à l’assertion du M. Dumortier le démenti le plus formel.

M. Dumortier, rapporteur, au milieu d’un tumulte difficile à décrire. - Il n’appartient pas à d’anciens ministres ennemis des libertés publiques… qui ont soutenu des projets liberticides, de venir parler de la sorte de la représentation nationale.

- Les cris : la clôture ! la clôture ! couvrent la voix de l’orateur.

M. Dumortier, rapporteur. - Il ne vous appartient pas de déconsidérer le pouvoir législatif du pays.... Je proteste… je proteste.

- Les cris qui partent de tous les côtés étouffent complètement la voix de l’orateur.

La plupart des membres quittent leurs bancs.

D’autres sortent de la salle.

Plusieurs membres, au président. - La clôture a été demandée. Mettez-la aux voix.

D’autres membres. - L’appel nominal !

M. Dubus. - Je demande la parole sur la position de la question.

M. Rogier. - Aux voix ! la clôture !

M. Dubus, au milieu du bruit. - S’agit-il de clore sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur ou sur toutes les questions ?

M. le président. - Sur la proposition de M. le ministre seulement.

- La chambré est consultée par appel nominal sur la question de savoir si la discussion sera close sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur.

La chambre n’est plus en nombre.

Ont voté pour la clôture : MM. Beerenbroeck, Bosquet. Brabant, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, Dequesne, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII et F. Constant Vuylsteke.

Ont voté contre : MM. de Puydt, Dubus (aîné) et Pirmez.

M. Nothomb. - Demain, à l’ouverture de la séance, il s’agira de se prononcer sur la clôture.

- La chambre se sépare au milieu d’une vive agitation.

La séance est levée à 5 heures.