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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 25 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au tracé du chemin de fer (A. Rodenbach)
2) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836. Discussion
des articles. Traitement supplémentaire accordés aux généraux (+orangisme EW)
(F. de Mérode, Evain, Dubus, de Jaegher, de Muelenaere, Dubus), dépenses
imprévues (Desmaisières, Evain,
Dubus, de Puydt), service de
santé (ambulances) (Evain, Dumortier,
d’Huart, de Puydt, Evain, Dumortier, d’Huart, Eloy de Burdinne, Dubus, d’Huart, Dumortier),
position et avancement des officiers (Evain), logements
militaires (de Nef), position, nombre et avancement des
officiers (Brabant, de Theux, Dubus, de Muelenaere, Dumortier), logements militaires
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°26, du 26 janvier 1836 et Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1836)
(Moniteur
belge n°26, du 26 janvier 1836) M. Verdussen
fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Verdussen
donne connaissance des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Un grand nombre d’habitants du district de
Roulers demandent qu’il soit imposé aux futurs concessionnaires de la route en
fer de Gand vers Lille, par Courtray, la condition d’établir un embranchement
de Roulers à Saint-Bavon, et demandent le rejet de l’amendement introduit par
le sénat dans la loi concernant les péages. »
_______________
« Le sieur Corneille Eggermont,
né en Zélande, ayant servi 14 années en Belgique, demande la
naturalisation. »
_______________
« Le
sieur Gustave De Roy van Wichen, capitaine au premier
ban de la garde civique, réclame une indemnité du chef des dévastations et
pillages, exercés par les Hollandais, en 1831, dans son domicile à Gheel.
_______________
M. A. Rodenbach.
- Il y a une pétition du district de Roulers qui demande un embranchement de
route en fer jusqu’à St-Bavon. Si cette pétition est renvoyée à la commission
des pétitions, cela ne remplira pat son but. Je demande donc que, quand nous
viendrons à la discussion du projet de loi relatif aux concessions de péages,
il soit donné lecture de cette pétition ; car je pense qu’elle s’oppose à
l’adoption de l’amendement. Je demande en outre l’insertion de cette pétition
au Moniteur.
- La proposition de M. A. Rodenbach est adoptée.
_______________
La pétition du sieur Corneille Egermont
est renvoyée M. le ministre de la justice ; celle du sieur Gustave de Roy van Wichen est renvoyée à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion des articles
Chapitre VI. - Traitements
divers
Article
3
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’art. 3 du chap. VI. « Traitements
d’employés temporaires. »
Le gouvernement demande 55,030 fr. 20 c. La section
centrale propose d’allouer 13,050 fr.
M. F. de Mérode.
- Je demande la parole pour présenter quelques observations.
Après toutes retenues faites, un général de brigade
reçoit par an 11,194 fr.
Il touche encore pour frais de bureaux, 600 fr.
Pour solde d’un fourgonnier,
entretien d’un fourgon et ferrage de chevaux de fourgon, 600 fr.
De plus, solde pour un domestique, 270 fr.
Total, 1,470 fr.
Mais comme ces diverses indemnités sont à peine
suffisantes, il est obligé de suppléer ce qui manque au moyen de ses
appointements, de manière que réellement il ne dispose que de 11,000 fr. par
an, somme bien inférieure aux 25,000 fr. qu’un orateur a faussement prétendu
que je demandais pour trois généraux. C’est au moyen de cette modique somme
qu’il doit vivre, être logé sans inconvenance, élever ses enfants comme les
enfants d’un général, tenir sept chevaux, payer leur entretien et équipement,
remplacer ceux qu’il perd (il est tel officier supérieur que je connais qui en
a perdu sept depuis peu de temps), payer le loyer d’écuries supplémentaires,
avoir au moins trois domestiques, être prêt à changer continuellement de
quartier-général (un de nos généraux en a changé 19 fois depuis 1830), enfin
tenir un certain rang, sous peine d’être taxé de ladrerie.
Que l’on juge maintenant de la situation d’un
général de brigade, alors qu’il est obligé de vivre séparé de sa famille,
faire, comme on dit, deux ménages, partager enfin ses appointements en deux, et
cependant toujours vivre comme un général... Après quinze, vingt, trente années
de service, après avoir plusieurs fois passé entre les balles et les boulets,
n’est-ce pas, messieurs, une bien belle fortune que d’être non pas le
dispensateur libre, mais le dispensateur à titre onéreux d’une somme mensuelle
et viagère de 916 fr. ?
En temps de paix, un général de brigade placé à
poste fixe, n’étant obligé qu’à tenir deux chevaux, pour lesquels un domestique
suffit, peut à la rigueur, et en mettant de l’ordre dans ses affaires, arriver
au bout de l’année tant bien que mal ; mais en temps de simple trêve ou de
mobilisation, cela est de toute impossibilité.
On parle toujours de la rapidité de l’avancement
des officiers de l’ancienne armée, mais jamais de l’état de stagnation dans
lequel ils sont restés sous le gouvernement déchu. Qu’on attaque la gradomanie quand des prétentions envieuses ou excitées par
l’orangisme cherchent à éliminer des rangs belges le petit nombre d’officiers
étrangers qui ont été appelés en Belgique par le vœu unanime des chambres et du
gouvernement, à la bonne heure. Mais lorsqu’un militaire est parvenu au grade
de colonel ou de général, il importe peu de savoir si son avancement a été
rapide, mais bien quel est en tout pays le taux des émoluments reconnus
nécessaires à ceux qui occupent ces grades supérieurs. J’en dirai autant des
autres grades moins élevés dont il ne faut pas davantage inquiéter les
titulaires par des rognures, imaginées chaque année. Leur ôter pour 1836 le
modique supplément de 270 francs d’indemnité pour leur domestique, serait
encore une de ces économies décourageantes qu’il m’est impossible de ne pas
flétrir ; toute personne qui a des relations dans l’armée connaît l’effet
détestable de pareils réductions sur le moral des officiers qu’elles frappent
avec un si mince bénéfice pour l’Etat.
Prenez-y garde, messieurs,
après avoir dépensé, je crois, depuis 5 ans 295 millions pour maintenir vos
institutions contre les agressions du dehors, vous finirez par conserver un
développement coûteux de forces apparentes, mais dépourvues d’âme et par
conséquent de force réelle et disponible au moment du danger. Comme il y a très
peu de militaires dans cette chambre, presque personne ne prend leur parti.
Quand il s’agit des tribunaux, au contraire, c’est autre chose, aussi la position
des tribunaux a été améliorée en Belgique ; loin de m’en plaindre je m’en
réjouis. Cependant pour que nos juges continuent à faire exécuter les lois,
pour que vous-mêmes, messieurs, continuiez ici librement vos travaux
législatifs, il faut que vous ayez toujours une force capable, sinon de vous
défendre seule contre les agressions extérieures, du moins de mettre avec
honneur l’épée de
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - La réduction que la section centrale propose consiste en
une somme de 41,980 fr. 20 c. qui est destinée à payer à chaque officier sans
troupes une indemnité de 270 fr. par an, sous l’obligation d’entretenir un
domestique pour soigner ses chevaux. Tous les officiers, depuis le général de
division jusqu’au sous-lieutenant, ont la même indemnité de 270 fr. Cette
indemnité en a remplacé diverses autres qui existaient d’après les règlements
de 1831 et de 1832. J’ai cru préférable pour l’ordre de la comptabilité d’avoir
une base uniforme. Je crois qu’il est juste d’accorder cette indemnité.
En 1833, 1834 et 1835 cette somme a été accordée ;
elle figure dans ces trois budgets à l’article II, « dépenses
imprévues. » J’en ai rendu compte à chacune des sections centrales
chargées de l’examen des budgets de ces trois exercices. A la fin de 1835,
voyant que celle dépense pouvait être considérée comme dépense fixe et
ordinaire jusqu’à la mise de l’armée sur le pied de paix, j’ai cru préférable
de faire figurer séparément cette indemnité que je considère comme très juste
et qui, j’espère, paraîtra telle à la chambre, d’après les explications que je
vais avoir l’honneur de lui donner.
Sur pied de paix, les officiers de cavalerie ont la
faculté de disposer d’un cavalier, pour soigner leurs chevaux, et en cas de
mouvement conduire ceux qui ne sont pas montés. Cette mesure ne pouvant être
maintenue lorsque la troupe est sur le pied de guerre, attendu qu’elle aurait
l’inconvénient de distraire des rangs un grand nombre de combattants, l’article
13 de l’arrêté organique des corps de cavalerie en date du 12 septembre
Cette allocation seule est basée sur l’hypothèse où
les troupes étant sur pied de guerre, elles reçoivent les vivres de campagne et
sont ou campées ou cantonnées, parce que dans l’une ou l’autre de ces
situations, les officiers ne sont pas assujettis à des dépenses pour le
logement de leurs chevaux ; mais du moment où l’on adopte des mesures
particulières pour l’entretien des troupes qui se trouvent sur le pied de
guerre, ainsi que cela a eu lieu dès le mois de décembre 1831, ladite
allocation ne suffit plus alors pour dédommager les officiers des frais
extraordinaires auxquels ils sont astreints par des circonstances qui font
exception aux usages réglementaires.
C’est sur ces considérations qu’est fondé l’arrêté
du 15 décembre 1831, qui a accordé aux officiers une indemnité de 20 cents par
jour et par cheval qu’ils ont sur pied de guerre en excédant du nombre fixé
pour le pied de paix.
De nouvelles dispositions ayant été prises par
arrêté du 8 janvier 1832, relativement aux subsistances de l’armée active, il
fut décidé que les officiers appartenant à cette armée, lorsqu’ils ne reçoivent
pas les vivres de campagne en nature, toucheraient une indemnité représentative
de 20 cents par jour.
Ce même arrêté a modifié celui du 15 décembre 1831,
en ce que l’indemnité de 20 cents y mentionnée cessait d’être perçue lorsque
les officiers jouissaient des vivres de campagne en nature, et il a en outre
comblé une lacune qui existait au sujet des officiers de l’état-major, en
portant pour eux à 40 cents l’indemnité pour les chevaux sur pied de guerre, en
excédant du nombre fixé pour le pied de paix, et ce parce que ces officiers
n’avaient pas le même avantage que ceux de la cavalerie en ce qui concerne la
solde de domestique.
L’arrêté du 22 novembre
Enfin l’arrêté du 19 avril 1835 et celui du 18 octobre
même année, ont supprimé les indemnités de 20 cent. pour
vivres de campagne et pour les chevaux sur pied de guerre en excédant du nombre
fixé pour le pied de paix, et actuellement il ne subsiste plus que l’allocation
de solde pour domestique aux officiers de cavalerie et d’état-major.
Ainsi vous avez voté dans le chapitre
« cavalerie » cette indemnité pour les officiers de cavalerie. Ne
devez-vous pas voter la même indemnité pour les officiers qui y ont le même
droit ; s’ils n’y ont pas plus de droits, car ils sont obligés de loger leurs
chevaux, dépense que les officiers de cavalerie n’ont pas à supporter ; et la
dépense des écuries est considérable. Veuillez considérer qu’en Belgique il
n’est rien alloué aux officiers pour leur logement, tandis qu’en France et dans
d’autres pays cette indemnité de logement est considérable, et plus
considérable pour les officiers qui ont des chevaux à mettre à l’écurie.
D’après ces considérations, je demande que la
chambre maintienne pour l’exercice 1836 l’allocation dont il s’agit, qu’elle a accordée pour les exercices 1833,1834 et 1835.
M. Dubus. - Il
est vraiment difficile de se prononcer sur l’article dont il s’agit ici. Je
vois dans le rapport de la section centrale que : « Le ministre, répondant
aux demandes faites à cet égard par la section centrale, explique, dans la note
ci-jointe, Lit. Q, que cette allocation a pour but de ne pas mettre les
officiers sans troupes dans la nécessité de prendre des hommes de corvée dans
la garnison, pour panser leurs chevaux, ce qui les empêche de faire leur
service militaire.
« Néanmoins la section centrale a rejeté cette
dépense et voté l’article réduit à 13,050 10. »
Mais nous ne voyons pas quels motifs ont déterminé
la section centrale à proposer le rejet de ce crédit. Le rapport est muet sur
ce point. Le rapport dit que le ministre a fait des objections ; mais il ne dit
pas ce qui y a été répondu.
M.
de Jaegher. - Comme membre de la section centrale, je puis donner
quelques mots d’explication à M. Dubus.
Dans les sections le crédit a été envisagé comme une dépense nouvelle, parce
qu’elle figurait aux précédents budgets au chapitre des dépenses imprévues. Les
sections, sans autre motif et préalablement à tout examen, ont refusé le crédit
; la section centrale a agi de même, mais sans aucun motif particulier ; car il
n’y a pas eu de discussion à cet égard.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ainsi les années précédentes
la dépense avait lieu, et les fonds en étaient pris sur le chapitre des
dépenses imprévues. La dépense n’est donc pas nouvelle, et c’est par erreur que
la section centrale en a proposé le rejet ; car il est plus régulier d’en
faire, comme le propose M. le ministre de la guerre, une application spéciale.
M. Dubus. - La
chambre remarquera que les explications que j’ai demandées étaient nécessaires
: car en définitive nous aurions voté à peu près sans savoir sur quoi. Au
reste, si la dépense qui fait l’objet de cet article a été portée les années
précédentes au chapitre des dépenses imprévues, maintenant qu’elle formera un
article spécial, il est juste de réduire de la même somme le chapitre des
dépenses imprévues. J’en ferai la proposition formelle, quand nous serons
arrivés à ce chapitre.
- L’article 3 du chapitre VI est adopté avec le
chiffre de 55,030 fr. 20 centimes.
Article
4
« Art. 4. Pensions de militaires décorés : fr.
33,710 36 cent. »
- Adopté.
Chapitre VII. - Dépenses
imprévues
Article
unique
« Article unique. Dépenses imprévues : fr.
150,633 36 c. »
M. Desmaisières.
- Messieurs, je vois par la note que m’a communiquée l’honorable rapporteur de
la section centrale, par la situation du trésor à la date du 1er novembre
dernier, et enfin par le compte rendu par M. le ministre de la guerre qui
arrête les dépenses imprévues au 1er décembre dernier, que sur l’allocation de 154,640
fr. 75 c. votée l’an dernier au budget de la guerre, il y avait (fonds dépensés
- fonds disponibles) :
Au 1er novembre, 102,111 fr. 80 c. - 52,528 fr. 95
c.
Au 1er décembre, 132,238 fr. 62 c. - 22,402 fr. 15
c.
Au 1er janvier, 140,702 fr. 83 c. - 13,937 fr. 92
c.
Ainsi, vous voyez que, d’après le compte rendu des
154,640 fr. 75 c. votés pour 1835, il est resté disponible 13,937 fr. 92 c.
Ce rapprochement seul suffit pour démontrer que la somme
demandée maintenant est trop considérable. Mais je dois vous faire observer
qu’il n’est nullement nécessaire d’allouer des fonds pour dépenses imprévues
aux corps de troupes ; car, d’après l’art. 154 du règlement de
l’administration, les corps de troupes ont un fonds qui a cette destination.
Voici ce que porte cet art. 154 :
« Il sera créé prés de chaque corps une masse
des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues.
« Les recettes de cette masse se composeront :
« a. D’une retenue de 2 p. c. à faire sur le
montant de tous les effets ou déclarations de fabricants ou maîtres-ouvriers,
excepté ceux attachés aux corps qui auront fait des fournitures ou ouvrages
quelconques pour l’administration d’un corps.
« Les fournisseurs de pain et de fourrages
sont expressément exceptés de cette mesure ; le montant de leur compte leur
sera toujours payé en entier sans la moindre diminution.
« b. Des traitements dus par décompte à des
officiers qui ne sont plus présents, pour autant qu’il ne sera plus possible d’en
effectuer le paiement.
« c. De ce qui est dû sur la masse
d’habillement ou d’entretien à des hommes qui ne sont plus au corps, pour
autant que le paiement n’en pourra ou n’en devra plus être effectué.
« d. Du restant disponible de l’indemnité pour
frais d’administration.
(Ce restant disponible de l’indemnité pour frais
d’administration doit être assez considérable, puisque vous voyez que sur les
fonds accordés l’an dernier (pour frais de bureau et d’administration des
corps), montant à 460.000 fr., il y avait de disponible au 1er décembre une
somme de 109,292 fr. 87 c., somme qui est entrée dans la masse disponible des
corps.)
« e. Du restant
disponible de la masse pour frais de recrutement, pour autant que le
département de la guerre en aura donné l’autorisation.
« g. Des bénéfices qui pourront se faire sur
les prix d’achat des effets.
« h. Du produit des objets vieux ou hors de
service, soit qu’ils aient été vendus publiquement, soit qu’ils aient été
fournis aux intéressés, pour autant que ces objets auront été portés sans
valeur aux comptes des magasins.
« i. Tous les bénéfices imprévus qui pourront
se faire au profit de cette masse, en vertu de ce règlement ou par autorisation
spéciale du département de la guerre. »
Vous voyez donc, messieurs, que, quant aux corps de
troupes il n’est nullement nécessaire de leur allouer des dépenses imprévues.
Maintenant je viens de jeter les yeux sur la note
qui m’a été remise par l’honorable rapporteur, et sur l’emploi en 1835 des
fonds des dépenses imprévues. Je crois qu’il suffira de vous donner lecture de
quelques-uns de ses articles pour vous prouver qu’il y a lieu de réduire
l’allocation demandée.
« Etat général des sommes imputées sur le
chapitre VII (dépenses imprévues) du budget de 1835 au 31 décembre 1835.
« Solde des domestiques des officiers sans
troupes, 41,982 fr. 42 c.
(C’est la dépense portée au budget de 1836, et qui
avait été payée sur cet article depuis 1835.)
« Frais des fourgons mis à la disposition des
généraux, ferrage des chevaux, solde des conducteurs, 14,924 fr. 86 c.
(En exécution de l’arrêté du 20 mars 1832, qui
prescrit aux officiers-généraux d’avoir un fourgon attaché pour être prêts a entrer en campagne.)
« Frais de table et de représentation des
généraux de l’armée pendant le premier trimestre de 1835, 20,407 fr. 80 c.
« Paiement de l’indemnité pour le premier
trimestre de l’année, et jusqu’au 15 avril, jour où la loi du budget l’a
supprimée.)
« Frais de loyer de bâtiments pou magasin de
vivres, 3,809 fr. 52 c.
(D’après les marchés et baux existants.)
« Frais d’entretien des bureaux de la
commission de révision des codes militaires et du comité des fortifications,
968 fr. 07 c.
(Dépenses extraordinaires imprévues au budget.)
« Loyer de la maison occupée par le chef de l’état-major
général, 4,500 fr.
(Cet article est payé depuis 1832, et a été réduit
de 800 fr.)
« Loyer de champs d’exercice, 2,865 fr. 43 c.
(Dépense nécessaire dans plusieurs villes où les
régiments ne peuvent fournir des champs d’exercice.)
« Achat de plusieurs exemplaires du recueil
administratif, 537 fr. 50 c.
(Dépense devenue nécessaire pour les bureaux.)
« Entretien des approvisionnements de siège et
transport d’eau fraîche de Ruppelmonde aux forts
Marie et Philippe-Lacroix, 1,847 fr. 96 c.
(Dépenses obligées.)
« Confection de plans par des vérificateurs de
calculs faits au département de la guerre, 1,111 fr. 32 c.
(En exécution d’anciens traités.)
« Au sieur (je ne nomme pas la personne) pour
demi-solde arriérée, 11,550 fr.
(Je crois devoir aussi ne pas communiquer
l’observation qui se trouve ici.)
« Paiement aux tirailleurs belges rentrés du
Portugal, 1,992 fr. 49 c.
(Valeur des vivres qui leur ont été fournis à leur
débarquement.)
« Frais de procédure, 3,745 fr. 07 c.
(D’après règlement des
avocats et avoués employés par le ministère).
Les autres articles qui avec ceux que je viens de
citer, présentent ensemble un montant total de 140,702 fr. 85 c., sont trop peu importants pour être cités.
Vous voyez donc, par cette
citation, que l’allocation demandée pour dépenses imprévues peut subir une
réduction assez considérable, car, parmi les dépenses que j’ai énoncées, il y
en a qui pourront peut-être se représenter en 1836 et que le ministre a bien
fait de faire ; il y en a d’autres que la chambre peut et doit même refuser
sans risque aucun pour le bien du service.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Tout en publiant l’emploi des fonds des dépenses
imprévues, j’ai également donné de la publicité à l’emploi de ces fonds pour
les exercices précédents, et je n’ai fait, autant que possible sur ces fonds,
que des dépenses ne se rapportant pas à des articles du budget.
Je conviens avec un honorable député de Tournay
qu’il convient de diminuer de cet article la somme de 41,980 fr. 20 c., pour
solde des domestiques des officiers d’état-major qui fait l’objet d’un article
spécial. Je consens donc à la réduction de cette somme.
M.
Dubus. - M. le ministre de la guerre consent à la réduction de 41,980
fr. 20 centimes sur la somme proposée par la section centrale. Mais nous venons
de voir par la note dont l’honorable M. Desmaisières a donné lecture, qu’il
figure aux dépenses imprévues des dépenses ordinaires : soit la dépense d
entretien des fourgons et de ferrage des chevaux. Je désirerais que cet
honorable membre, qui a sous les yeux le tableau de l’emploi des dépenses
imprévues, déterminât la somme qu’il pense devoir être allouée à ce titre.
M. Desmaisières.
- Je proposerai cent mille francs. Je crois que cette somme suffira.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Comme toutes les dépenses à faire à ce titre sont
éventuelles, et comme si l’allocation qui me sera faite n’était pas suffisante,
je pourrais au commencement de la prochaine session demander un crédit
supplémentaire, en faisant connaître l’emploi des fonds qui m’auraient été
accordés. Je déclare me rallier à la proposition de l’honorable préopinant.
M. de Puydt, rapporteur.
Je demande que ce chiffre de 100,000 francs reste ouvert, et qu’on le fixe
définitivement au deuxième vote en y ajoutant la fraction qui sera nécessaire
pour former une somme ronde de milliers de francs. (Adhésion.)
- La chambre adopta le chap. VII, dépenses
imprévues, au chiffre de 100,000 francs, sous la réserve faite par M. de Puydt,
rapporteur.
Chapitre II.
- Soldes et masses de l’armée, frais divers des corps
Section III. - Masses des
corps, frais divers, indemnités
Article 13
M. le président. -
La parole est à M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, dès que j’appris ici, par l’annonce faite par
deux honorables membres de cette chambre, que le service des ambulances et des
vivres allait être supprimé a l’armée hollandaise, je m’empressai de prendre
des informations à cet égard, et je vais avoir l’honneur de vous communiquer
celles que je viens de recevoir. Après un préambule sur ce qui s’est dit à la
chambre sur cette annonce faite par les journaux hollandais, la personne, en
qui j’ai toute confiance pour la véracité des avis qu’elle m’a donnés jusqu’à
ce jour, ajoute sous la date du 23 de ce mois au soir :
« Tout ce que je puis certifier, c’est que des
détachements d’ambulantes, du train des équipages, de boulangers, de bouchers,
etc., se trouvent encore dans les places et villes du Brabant septentrional,
éparpillés par petits détachements ; c’est ainsi que quatre fourgons
d’ambulances stationnent à Tilbourg, que d’autres
sont à Bois-le-Duc, Breda, Grave, Heusden, etc. : un détachement du train des
équipages, composé d’un capitaine et cinquante hommes, était également
stationné à Velthoven (près de Tilbourg) au
commencement de cette semaine ; dans peu de jours je saurai s’il y est encore.
« Les bouchers et boulangers sont utilisés dans les
places fortes : il y en a à Willemstadt,
Berg-op-Zoom, etc.
« Le gouvernement hollandais, dont nous
connaissons tous l’esprit, tendant à conserver tous ses cadres sur un pied tel
qu’il puisse former son armée en campagne au premier ordre qu’il en donnera, ne
désorganisera certes pas ses services administratifs ; les camps qu’il projette
d’ailleurs pour la saison prochaine lui en font une loi.
« Vous savez, au surplus, que l’armée
hollandaise porte toujours le titre de Leger te Velde, que toutes les places du
Brabant subissent l’état de siège et toutes ses conséquences, et que les
environs des forteresses principales, telles que Breda et Bois-le-Duc, sont couverts
d’eau, et que les inondations sont tendues comme si l’ennemi était aux portes.
« Il est très vrai que le Handelsblad du 12 de ce mois
prétendait que la suppression des ambulances et autres corps administratifs
devait avoir lieu ; mais, pour montrer la confiance que l’on doit avoir dans le
dire des journaux hollandais, je rappellerai que ces journaux ont annoncé, avec
une impudence rare, au commencement de 1833, le renvoi immédiat en congé des schuttery mobiles, et que toute
J’ajouterai, messieurs, à ces détails que, d’après
des avis qui me sont parvenus par une autre voie également sûre, le roi de
Hollande a réduit d’un tiers, à partir du 1er janvier, le montant des
indemnités de frais de table et de représentation aux officiers généraux mais
encore leur conserve-t-il les deux tiers de ce qu’ils ont touché depuis le 1er
janvier 1831.
Le même arrêté supprime
l’indemnité de vivres de campagne accordée à tous les officiers de l’armée, et
qui leur a été payée jusqu'à ce jour. Je suis encore informé, d’autre part, que
l’on doit procéder, le 29 de ce mois, à l’adjudication d’une remonte de 800 chevaux
de cavalerie et 400 d’artillerie, pour être livrée avant le 1er mai.
D’après ces avis, et jusqu’à plus ample informé, je
pense, messieurs, qu’il est prudent de conserver notre service d’ambulances,
sauf à y faire, en temps opportun, les réductions que le gouvernement jugera
pouvoir être faites sans inconvénients.
Songez que je suis responsable des moyens de
défense du pays, et ne nous exposons pas, par des réductions intempestives, à
voir se renouveler les scènes désastreuses du mois d’août 1831.
M. Dumortier. -
Messieurs, malgré les documents dont M. le ministre de la guerre vient de
donner lecture, je ne persiste pas moins dans l’amendement que j’ai déposé, ou
du moins dans le maintien de la majeure partie de cette amendement, en ce qui
concerne les chevaux d’ambulance dont la dépense absorbe les 3/4 de
l’allocation totale.
M. le ministre de la guerre vous dit que le
gouvernement hollandais ne désorganisera pas son service dans les circonstances
actuelles. Je ne veux pas non plus que le gouvernement belge désorganise son
service. Autre chose est de désorganiser le service d’ambulance, autre chose
est d’appliquer les chevaux de ce service aux besoins du train et de
l’artillerie qui ont besoin de chevaux et pour qui on demande une acquisition
de 400 chevaux de même nature que pour les ambulances.
Qu’ai-je dit à M. le ministre de la guerre ? J’ai
dit : Attachez les officiers de service de l’ambulance aux cadres de l’armée
qui en manquent. En cas de reprise des hostilités, vous retrouverez toujours
les mêmes officiers pour reformer le service. Je ne pense pas qu’il soit
possible de répondre à cet argument. Il sera toujours possible de réorganiser
en un instant le service des ambulances.
Remarquez que d’après le budget qui vous est
présenté, il y a 45 personnes attachées su service de santé qui font partie des
ambulances. Attachez ces 45 personnes aux régiments. Si les hostilités
recommençaient, vous réorganiseriez immédiat votre service. Remarquez que le
service des ambulances n’a d’utilité que quand il s’agit d’une guerre
d’invasion, et nous ne sommes nullement disposés à entreprendre une guerre de
cette nature contre
Remarquez que la dépense des ambulances n’est pas
modique. Elle s’élève, d’après le chiffre que j’ai présenté, à la somme d’un
demi-million. Si cette dépense complètement inutile était votée de nouveau
cette année, il en résulterait que depuis 1833, dans l’espace de 4 ans vous
auriez voté 2 millions pour un objet de la dernière inutilité.
M. le ministre de la guerre nous dit qu’il est
responsable de la défense du pays. Je suis d’accord avec lui sur ce point.
Aussi, s’il s’agissait d’une mesure qui compromît la défense du pays, ce n’est
pas moi qui la proposerais. Je prendrais le parti de M. le ministre et je
m’opposerais de tous mes moyens à une pareille proposition.
Mais s’agit-il, par mon amendement, de diminuer
notre armée d’un seul soldat, le matériel d’un seul fusil, d’un seul canon ?
Pas le moins du monde. Il s’agit d’employer au service de l’artillerie et du
train les chevaux de trait que M. le ministre de la guerre déclare pouvoir
toujours, en cas d’événement, remplacer facilement et promptement. La défense
du pays n’est donc en aucune manière compromise par la suppression des
ambulances. Du moment que la défense du pays n’est pas compromise, nous devons
nous empresser d’adopter cette réduction. Remarquez, en effet, que nous rayons
d’un seul trait un demi-million du budget de la guerre sans qu’il en résulte
aucune réduction de traitement. M, le ministre peut d’autant mieux consentir à
la suppression que je propose que nous lui avons accordé les allocations qu’ils
nous a demandées pour les dépenses de l’armée, comme si tous les grades étaient
au complet. Quoiqu’il y ait des vacatures, nous n’en tenons aucun compte.
Ainsi, c’est un véritable double emploi que nous pouvons faire cesser. M. le
ministre de la guerre, en appliquant les officiers des ambulances aux cadres de
l’armée, pourra très bien trouver dans son budget de quoi faire face aux
dépenses que ce déplacement nécessitera. Nous pouvons donc accorder la
réduction proposée sans aucune espèce de scrupule.
Quant à ce qu’a dit M. le ministre de la guerre sur
ce que les journaux hollandais seraient mal informés, je n’ai pas raison de
croire qu’il a été induit en erreur. Cependant je rappellerai à la chambre
qu’il y a un an M. le ministre de la guerre nous a entretenus d’une apparence
de reprise d’hostilités provenant de la même source. Vous vous rappelez que les
journaux hollandais se sont beaucoup ris
de nous parce que nous a pris cette correspondance au sérieux. Ce fait me
laisse dans l’esprit un certain doute, non pas sur M. le ministre de la guerre,
dont je reconnais la véracité, mais sur la source des documents qui n’ont pas
été exactement vrais dans une circonstance très grave. Quant moi, je ne vois
aucun motif pour maintenir les ambulances. Considérez que, si vous votez ce
crédit cette année, vous aurez voté, jusqu’à ce jour, deux millions en pure
perte. N’est-ce rien que deux millions quand nos finances présentent
annuellement un déficit, quand nous avons des dettes à combler ? Quel besoin y
a-t-il de conserver 180 chevaux pour les ambulances quand le gouvernement peut
prendre des chevaux en réquisition pour le transport des blessés et des
malades. En cas de reprise des hostilités le gouvernement trouvera des chevaux
de trait quand il le voudra. Les chevaux d’ambulance ne sont pas dressés. Ce
sont des chevaux de trait qui vont à la suite de l’armée et qui servent au
transport des blessés. Si je proposais de réduire le nombre des chevaux de l’artillerie
et de la cavalerie, l’on pourrait dire que je nuis à la défense du pays. Telle
n’est pas mon intention.
Les arguments de M. le ministre ne prouvent rien,
parce qu’il a voulu prouver trop. En prétendant que la suppression du service
des ambulances pourrait compromettre la défense du pays, il nous a montré qu’il
n’avait pas de trop bonnes raisons à donner pour justifier le maintien du
crédit, puisqu’il a été obligé d’invoquer celles-là.
Ainsi que je l’ai dit, j’ai pris des renseignements
positifs. J’ai l’assurance qu’une partie des 160 infirmiers pour lesquels une
somme de 140,000 francs est demandée, demeurent à Bruxelles où ils ne font
rien, et continuent cependant de recevoir un traitement comme s’ils étaient
dans les ambulances. Il y a 140 conducteurs de fourgons. Ce nombre est
évidemment trop fort. Il est inutile que nous conservions un aussi grand
personnel pour ne rien faire.
Quel besoin y a-t-il de maintenir un aussi grand
personnel et un matériel aussi considérable, lorsque nous savons que cela ne
pourra nous servir à rien, lorsque nous savons, et nous avons la conscience
bien tranquille à cet égard, qu’il n’y aura pas de reprise d’hostilités dans le
courant de cette année.
L’économie que j’ai
proposée peut se faire en toute sûreté de conscience. Car je ferai remarquer
qu’une grande partie du crédit est absorbée par les dépenses des chevaux.
Le casernement, les fortes rations de fourrages,
les frais de harnachement, les frais de cantonnement, si je ne me trompe,
forment des dépenses occasionnées par l’entretien des chevaux.
Il est facile d’apporter dans l’article
actuellement en discussion une économie de plus de 300,000 francs.
Je pense donc que cette économie peut être votée
sans peine. Je désirerais vivement que M. le ministre de la guerre y donnât son
adhésion. Car j’ai la ferme conviction que nous ne nuirions pas à la défense du
pays en adoptant l’amendement que je propose.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il semblerait, d’après les développements que
l’honorable M. Dumortier vient de donner à son amendement, qu’il ne s’agit que
de supprimer quelques chevaux nécessaires au service des ambulances ; mais il
n’en est pas ainsi. Il suffit de jeter les yeux sur sa proposition pour se
convaincre que la somme que l’on vous propose de retrancher, c’est celle
destinée au personnel du service des ambulances.
En effet, le premier article comprend pour les
traitements 234,838 fr., sur un crédit total de plus de 484,000 fr.,
c’est-à-dire plus de la moitié de la somme globale. Ainsi, encore une fois, ce
n’est pas la suppression de quelques chevaux que l’on vous propose, mais bien
la désorganisation du service des ambulances. Vous ne pourrez pas, sans exposer
le service de l’armée, supprimer tout d’un coup le service des ambulances.
Si nous avions la guerre demain, il faudrait avoir
un service d’ambulance complètement organisé, hommes et matériel, pour suivre
l’armée et recueillir les blessés. Nous négligerions une des parties les plus
importantes de l’organisation de l’armée, celle qui doit le plus exciter notre
sollicitude. En adoptant l’amendement de l’honorable M. Dumortier, nous
exposerions les blessés, dans l’éventualité de la guerre, à être transportés
sur de mauvaises voitures, pêle-mêle, sans régularité. C’est cette régularité
si précieuse en temps de guerre dans le service des ambulances que l’on veut
détruire par l’amendement proposé. Vous voyez donc, messieurs, que cette
proposition a une portée beaucoup plus grande que l’orateur ne semble l’indiquer.
Elle amènerait la désorganisation complète du personnel des ambulances.
L’honorable M. Dumortier, pour s’opposer à la
demande de M. le ministre de la guerre, conteste la véracité du rapport que
notre honorable collègue a reçu sur l’état du service des ambulances
hollandaises et la situation des fourgons dans les différentes communes de la
frontière, détails dans lesquels ce rapport est entré. L’honorable membre a dit
que ce rapport provenant de la source ordinaire ne méritait pas sa confiance.
L’année dernière, a dit M. Dumortier, c’est par cette même source que les
craintes d’une reprise d’hostilités nous sont venues, et cependant il n’en a
été rien.
Il est incontestable que
les hostilités n’ont pas été reprises. Mais il ne faut pas perdre de vue que
c’est grâce à l’attitude ferme que les chambres et le gouvernement ont prise en
cette circonstance que les Hollandais ont abandonné leur projet d’agression.
Ainsi, que l’on n’induise pas de ce que nous n’avons pas été attaqués que les
Hollandais n’avaient pas de vues hostiles contre nous.
La source où M. le ministre de la guerre a puisé
les renseignements dont il vient de vous donner lecture doit vous inspirer
toute confiance. Les journaux hollandais ont beau assurer que le service des
ambulances est désorganisé. M. le ministre sait de source certaine que ce
service existe. Ce n’est pas en présence d’une pareille certitude que vous
devez admettre un amendement qui détruirait un des services les plus essentiels
dans notre situation militaire vis-à-vis de
M. de Puydt, rapporteur.
- Le but de l’honorable M. Dumortier serait de supprimer 484,289 fr. Je ferai
remarquer que l’honorable membre ne tient aucun compte des réductions opérées
sur ce chapitre par la section centrale auxquelles M. le ministre de la guerre
a déclaré se rallier. Il en résulte que le chiffre de l’amendement de
l’honorable M. Dumortier n’est plus exact.
La suppression de 80 chevaux d’ambulance consentie
par le ministre de la guerre a apporté des modifications dans les quatre
chiffres principaux qui figurent dans l’amendement. Il en est résulté une
diminution de 29,280 journées. Sur les 80 chevaux supprimés, il a été convenu
que 40 entreraient dans la remonte destinée au train de l’artillerie. Ainsi, en
supprimant d’un trait des services essentiels à l’armée, on apporterait une
diminution moins grande que l’honorable membre ne l’a présentée. Si vous
considérez ensuite que le personnel des ambulances doit rentrer, s’il est
supprimé, dans le service ordinaire des hôpitaux, il n’y aura pas de réduction
de ce chef, il n’y aura qu’un changement de destination. Il faudra toujours en
définitive que la dépense soit faite, à moins que l’intention de l’amendement
ne soit de destituer tous les officiers de santé.
M. Dumortier. -
J’ai annoncé le contraire.
M. de Puydt, rapporteur.
- La section centrale, après avoir examiné le chapitre en discussion dans tous
ses détails, a reconnu qu’il n’y avait de réduction à demander que sur les
chevaux. Elle ne les a pas supprimés en totalité. Elle a reconnu qu’il en
fallait conserver 100. Ces chevaux sont employés au service du transport entre
les hôpitaux temporaires et les hôpitaux de l’intérieur. Ces hôpitaux
temporaires sont au nombre de 4 et établis à Hasselt, Beveren, Lierre et
Montaigu.
Il n’est pas exact de dire
que ces transports ne se font que de temps à autre. Ils ont lieu pendant toute
l’année. Si vous ne conservez pas ces chevaux, vous serez obligés de faire
opérer les transports par entreprise et de payer aux entrepreneurs le loyer des
chevaux et celui des voitures, tandis que, dans l’état actuel, le matériel
existe, et on ne doit pourvoir qu’à la nourriture des chevaux. Quant au cadre
des agents, conducteurs, etc., il est nécessaire de le conserver, parce que ces
hommes ont l’habitude de ce service. Ce n’est pas au moment de la reprise des
hostilités que l’on pourrait trouver des hommes capables de faire ce service.
Il sera toujours facile de compléter le nombre des
chevaux, mais non pas celui des agents nécessaires au service.
L’amendement proposé n’a donc pas pour but de
réduire la dépense résultant du maintien des ambulances. Il aurait pour effet
d’amener la destruction complète de ce service.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - En réitérant l’engagement formel que j’ai pris dans une
séance précédente d’apporter dans le service des ambulances toutes les
réductions qu’il sera possible d’y introduire sans le compromettre, je ferai
remarquer que le personnel des ambulances est divisé en quatre catégories.
Il y a 45 officiers de santé, une trentaine
d’agents, économes, etc., des brigadiers et conducteurs de fourgons, enfin des
infirmiers.
Voyons comment ces quatre catégories sont réparties
pour assurer le service,
Pour tirer parti de cette ressource, nous avons
cinq hôpitaux temporaires. D’après l’état que je me suis fait présenter, sur 45
officiers de santé, il y en a 15 employés dans ces hôpitaux. Si ce nombre
paraît considérable au premier abord, c’est que, dans l’évacuation de l’hôpital
temporaires les fourgons sont accompagnés d’officiers de santé, jusqu’aux
hôpitaux où les malades sont mis en subsistance.
Je reviens maintenant à la
deuxième catégorie ; ce sont les agents. Ils ont été réduits. Ils étaient plus
nombreux.
Pour ce qui est des chevaux, je proposais 180
chevaux. J’ai consenti à une réduction de 80. Sur les 484,000 fr. demandés, une
somme de 115,000 francs seulement est appliquée à l’entretien des chevaux. Il
résulte de la diminution proposée une réduction de 55,000 fr. sur ce chiffre.
On me dira peut-être qu’il serait convenable de réduire le nombre des
conducteurs. Comme ce sont des hommes habitués à ce service, je pense qu’il
vaut mieux les conserver. Ils sont au nombre de 140 au plus.
Quant à la dernière catégorie, celle des
infirmiers, une partie de ceux-là sera employée dans les hôpitaux temporaires.
Le surplus n’a pas de service spécial.
Je termine en déclarant qu’il m’est impossible de
consentir à d’autre réduction que celle qu j’ai admise dans les circonstances
politiques où nous pourrons nous trouver.
M. Dumortier. -
Je ne pense pas que l’adoption de mon amendement doive entraîner la désorganisation
du service de l’armée, comme M. le ministre des finances parait vouloir vous le
faite craindre, lorsqu’il dit que nous nous exposerons à devoir faire
transporter nos blessés sur de mauvaises voitures, avant seulement que nous
ayons la perspective d’avoir des blessés.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Selon vous il ne faudrait donc pas d’armée ?
M. Dumortier. -
Il faut conserver notre armée, parce que nous ne pouvons en créer une du jour
au lendemain. Il n’en est pas de même des chevaux d’ambulance ; ou pourrait
s’en procurer tout de suite un millier dans la province que l’honorable M.
d’Huart représente. Quel besoin avons-nous donc de conserver des chevaux
d’ambulance ? Cependant c’est au moyen de grands mots que l’on vient combattre
une proposition très sage et très juste.
M. le rapporteur de la section centrale et M. le
ministre de la guerre ont combattu la proposition que j’ai faite, en disant que
la presque totalité du crédit demandé était destiné au personnel, et qu’ainsi
mon amendement tendait à la suppression de ce personnel. C’est une erreur très
grave. Je ne demande pas la suppression du service des ambulances. Je pense,
comme je l’ai déjà dit, que l’on pourrait attacher les officiers de santé aux
corps de l’armée qui en manquent. Pour justifier le maintien d’un nombre
inutile de conducteurs de fourgons, on a été jusqu’à nous les représenter comme
des spécialités. Il ne manque pas de ces spécialités-la dans le pays. Il me
semble que l’on pourrait, sans
inconvénients, faire des réductions sur cette partie du personnel.
Cependant, ayant égard aux observations faites par
les honorables préopinants, je modifierai ma proposition en ce sens, que je
demande la suppression des chevaux d’ambulance et des conducteurs de fourgons
qui s’y rattachent.
Je ferai remarquer ensuite que la dépense
qu’entraînera la réquisition de voitures ne sera rien en comparaison de celle
que nécessitera la conservation de chevaux et de voitures pendant ces années.
Pour les réquisitions de voitures on paie, je crois, deux francs par cheval et
par journée, et je pense que peu de journées suffiront pour transporter tous
les blessés de la campagne de 1836.
L’honorable rapporteur vous
a dit que la section centrale avait opéré une réduction de 80 chevaux sur le
nombre affecté au service des ambulances. Je demanderai si on a diminué dans la
même proportion le nombre des conducteurs. Si on a diminué de 180 à 100 le
nombre des chevaux des ambulances, il me semble qu’on devrait aussi diminuer le
nombre de ceux qui sont chargés de conduire ces chevaux.
M. le président. -
Comment M. Dumortier modifie-t-il son amendement ?
M. Dumortier. -
Je devrais faire des calculs qui ne sont pas possibles au milieu d’une
discussion.
M. le président. -
Il faudrait indiquer les articles sur lesquels vous voulez faire porter des
réductions.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant a reconnu toute la
force de mes arguments, car il vient de renverser tout son amendement en
renonçant à la plus forte réduction qu’il proposait. Cela est évident.
Lisons son amendement, et voyons s’il n’était pas
non seulement la désorganisation, mais la destruction complète du service des
ambulances.
Je propose, dit-il, la suppression des ambulances
(c’est plus que la désorganisation), qui amènera les réductions suivantes :
Il n’y avait pas erreur dans l’expression suppression,
car la première chose qu’on propose de supprimer, c’est l’allocation pour le
traitement du personnel qui est de 264,838 fr. L’amendement primitif tendait
donc à supprimer tout le service ; mais l’honorable membre a reconnu que cette
suppression complète ne pouvait pas avoir lieu, et il n’a plus demandé que la
suppression de l’allocation pour l’entretien et la nourriture des chevaux,
parce que pour des éventualités fort incertaines de guerre, on n’aurait pas
besoin d’entretenir un certain nombre de chevaux à rien faire, lorsqu’on
pourrait toujours en cas d’hostilité s’en procurer dans le pays par réquisition
ou autrement. Sous ce rapport, je l’avoue, il y aurait quelque chose à dire en
faveur de son amendement ; cependant, je ne pense pas qu’il faille l’admettre,
car on ne pourrait pas se procurer des chevaux pour le service des ambulances,
aussi facilement que le suppose l’honorable membre ; il est bon d’en conserver
une certaine quantité pour assurer au besoin le service des fourgons, qui est
d’une grande importance.
L’honorable auteur de cet
amendement, en parlant des blessés que les fourgons pourraient avoir à relever
pendant la campagne de
Mais si nous conservons une armée sur pied contre
l’éventualité d’une guerre, il ne faut pas, dans les dépenses nécessaires à
l’organisation de cette armée, retrancher une somme qui, comme l’a fait
observer l’honorable M. de Puydt, est très minime et pourrait, en cas
d’hostilité, compromettre l’état d’une partie des défenseurs du pays.
Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de réduire
maintenant l’allocation demandée pour le service des ambulances, qui déjà a été
réduite par la section centrale et qui pourra l’être encore par le ministre de
la guerre, comme il vous l’a dit, mais pour autant qu’il reconnaîtrait la possibilité
de nouvelles réductions.
M. Eloy de
Burdinne. - L’honorable M. Dumortier a dit qu’il engageait beaucoup M.
le ministre de la guerre à se rallier à son amendement. Quant à moi, je pense
différemment et j’engage de tout mon pouvoir M. le ministre de la guerre à
conserver les ambulances et particulièrement leurs chevaux. Vous savez,
messieurs, que ce n’est pas mon habitude de m’opposer aux économies ; en
général je les provoque de tous mes moyens, je les appelle autant que je les
considère comme devant être appliquées dans l’intérêt du pays. Mais sur le
rapport des chevaux des ambulances, en temps de guerre, ils sont de toute
nécessité.
Croyez-vous que vous
trouverez à volonté des chevaux de paysan pour aller sur le champ de bataille
recueillir des blessés, quand vous en aurez besoin ? Trop d’abus ont eu lieu
dans l’emploi des chevaux des paysans, c’est ce qui a été cause de la ruine des
cultivateurs lors du passage des alliés. Que fait-on, quand on manque de chevaux
? On en fait arriver vingt fois autant qu’il en faut, on extorque l’argent du
cultivateur par le haut prix des denrées
qu’on lui fournit, on le ruine. Et souvent le cultivateur appelé à faire avec
ses chevaux un service militaire transige pour quatre fois la valeur de ce
service afin de s’y soustraire.
S’il n’était pas accablé par le prix qu’on exige de
lui dans les villes pour ce qu’on lui fournit, il ne reculerait pas devant ce
service. Mais ce que je trouve ici de plus singulièrement étrange, pour me servir
d’une expression qu’emploie souvent l’honorable membre auquel je réponds, c’est
la préférence qu’il donne aux chevaux des paysans, comme s’il n’y avait pas
d’autres chevaux que les chevaux des paysans.
C’est toujours sur les malheureux paysans qu’on
tombe quand il s’agit de faire faire une corvée.
M. Dubus. - A
entendre les considérations qu’a fait valoir l’honorable préopinant pour
repousser l’amendement proposé, on n’a que le choix ou de conserver les chevaux
d’ambulance en permanence dans notre situation actuelle ou, les hostilités
survenant, de prendre les chevaux des paysans. Il ne voit que cette
alternative, et comme il veut qu’on respecte les chevaux des paysans, il engage
le ministre à ne consentir à aucune réduction.
Mais il résulte des explications données par le
ministre que cette alternative n’existe pas. Le ministre de la guerre a reconnu
que s’il survenait des hostilités, on pourrait se procurer des chevaux pour les
fourgons d’ambulance avec facilité et sans inconvénient. Voici le passage du
rapport de la section centrale où l’on fait mention des explications du
ministre :
« Cependant, après quelques explications
verbales, le ministre a consenti à réduire le nombre des chevaux d’ambulance de
180 à 100, laissant cependant les cadres intacts, pour n’avoir, en cas de
besoin, qu’à compléter avec des chevaux de trait du pays, que l’on pourra
toujours se procurer promptement et facilement. »
Je pense que nous pouvons en croire le ministre de
la guerre, et qu’en conséquence nous n’avons pas à craindre les inconvénients
qui résulteraient de la mise en réquisition des chevaux des paysans.
Mon honorable ami a adressé
une interpellation au rapporteur de la section centrale et au ministre. On ne
lui a pas répondu. La section centrale, a-t-il dit, a proposé de réduire le
nombre des chevaux des ambulances de 184 à 100 et le ministre y a consenti.
Voilà une réduction de 84 chevaux. Il me semble qu’on pourrait pousser cette
réduction plus loin, en réduisant dans la même proportion le nombre des
conducteurs.
A coup sûr, il ne faut pas le même nombre
d’individus pour conduire 100 chevaux que pour en conduire 184. Si la section
centrale a calcule la réduction du nombre des chevaux, sans tenir compte de la
réduction qui devait en résulter dans le nombre de ceux qui sont chargés de les
conduire, il est évident qu’elle n’a pas été assez loin, même dans le système
où elle s’est arrêtée.
Je désirerais que le ministre pût réduire la dépense
au plus bas possible ; mais je demande que la réduction porte sur les
conducteurs aussi bien que sur les chevaux. Il est aussi facile de trouver des
conducteurs de fourgons que des chevaux. En prenant des chevaux, on trouvera
des hommes pour les conduire.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il suffit de jeter les yeux
sur l’article du budget pour s’assurer de la modicité de la dépense en
comparaison de l’importance de ces conducteurs. La somme totale que l’on demande
pour eux n’est que de 37,917 francs, Voila la somme énorme sur laquelle on veut
faire une économie notable, en conséquence de la réduction consentie sur le
nombre des chevaux des ambulances.
Cette réduction porterait sur des hommes que je
regarde comme indispensables. Ne vous y trompez pas, si les hostilités venaient
à recommencer, vous ne pourriez pas remplacer ces conducteurs de fourgons par
des habitants de la campagne pour aller ramasser les blessés sur le champ de
bataille ; les habitants des campagnes se sauveraient plutôt de leurs
habitations, vous ne les trouveriez pas ; d’ailleurs ils ne connaîtraient pas
ce service.
Mais savez-vous ce que sont ces conducteurs de
fourgons ? ce sont des militaires, ce sont des soldats
comme les autres soldats de l’armée ; seulement ils ont un service spécial, et
qui est très important. Je pose en fait que si les hostilités venaient à être
déclarées, et que vous eussiez renvoyé les conducteurs de fourgons, vous auriez
un service complètement désorganisé. Et pourquoi ? pour
faire une économie de 37,900 francs. Voilà, je pense, des réductions fort
dangereuses et fort insignifiantes quand on les compare aux charges générales
du pays.
Plusieurs
voix. - La clôture ! la
clôture !
M. Dumortier. -
Je ne sais pourquoi M. le ministre des finances parle toujours de destruction,
de désorganisation de service ; il faut qu’il ait envie de se servir de grands
mols. J’ai dit, dès le principe ceux que je voulais qu’on fît entrer dans les
autres branches du service où des places sont vacantes ceux dont on
supprimerait les emplois dans le service des ambulances.
Et vous prétendez que j’ai reconnu toute la force
de vos arguments. S’il en était ainsi, j’aurais prouvé que je n’ai pas
d’amour-propre et que quand on me donne de bonnes raisons je m’empresse de m’y
rendre. C’est ce que je conseillerai aux ministres de faire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je vous ai donné de bonnes raisons.
M. Dumortier. -
Il aurait fallu pour cela prouver la nécessité de conserver des conducteurs et
des chevaux de fourgons. Moi je pense qu’il est inutile de payer trois ou
quatre cent mille francs pendant huit ou dix ans, pour eux, quand il sera
facile de les trouver la veille du combat. Fiez-vous un peu au patriotisme du
peuple belge.
Quand vous voudrez attaquer
M. le président. -
Je prie M. Dumortier dé rédiger son amendement dans les termes dans lesquels il
veut le restreindre.
M. Dumortier. -
Il faudrait faire des calculs que je ne puis pas faire instantanément.
M. le président. -
Alors je vais mettre l’amendement aux voix tel que vous l’avez présenté.
M. Dumortier. -
Alors, j’aime mieux le retirer, je le présenterai l’année prochaine.
Dispositions légales
Article
premier
M. le président. -
Nous passons aux articles.
« Article premier. Le budget du département de
la guerre est fixé à... » Le chiffre ne sera déterminé qu’au second vote.
Article
2 et 3 (additionnels
Nous passons aux articles additionnels proposes par
M. Brabant, qui sont ainsi conçus :
« Art. 2. En attentant la loi sur
l’organisation de l’armée, il ne pourra être pourvu aux places d’officiers généraux
et supérieurs, qu’autant qu’elles deviendraient vacantes par avancement,
démission ou décès.
« Nul officier ne pourra être promu à un grade
supérieur à celui de capitaine, s’il n’a servi 4 ans dans le grade
immédiatement inférieur.
« Il ne pourra être dérogé à ces règles qu’en
cas d’hostilités déclarées, et seulement pour les besoins extraordinaires, ou
pour actions d’éclat mises à l’ordre du jour de l’armée. »
« Art. 3. Aucune troupe ne pourra être
cantonnée en-dehors d’une zone de deux myriamètres de la frontière ennemie, à
moins que sa présence ne soit requise par l’autorité civile, pour le maintien
de l’ordre, ou qu’elle ne soit demandée par le conseil communal. »
M. Brabant a développé ces amendements.
La parole est à M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, le devoir qui m’est tracé par la constitution,
ainsi que ma propre responsabilité, m’obligent à repousser l’amendement proposé
par l’honorable M. Brabant, comme article additionnel au budget.
J’espère vous démontrer que cet amendement est
dangereux et contraire au vœu et à l’esprit de la constitution, et qu’il
pourrait entraîner à de graves inconvénients.
Si la constitution, dans son art. 139, place une
loi à faire sur l’organisation de l’armée au nombre de celles qu’elle indique
comme devant être promulguées, elle en fait une spécialité, et non un article
du budget.
Cette loi est certainement l’une des plus
importantes dont on puisse doter le pays, puisqu’elle fixera, d’une manière
stable, les dispositions à donner aux forces défensives de l’Etat.
Et quand la composition de l’armée aura été
déterminée par une loi organique, ainsi que le prescrit la constitution, le
ministre de la guerre n’aura plus qu’à vous demander les fonds, résultant de
l’application des tarifs réglementaires, sans que les allocations de ce genre
puissent donner naissance à aucun débat.
En sorte que le vote du chapitre qui absorbe à lui
seul les 7/8 du montant total du budget, et qui peut souvent amener à s’occuper
ici de considérations personnelles, sujet fort embarrassant à traiter à la
tribune, sera considérablement simplifié et réduit à ce qu’il doit être.
Mais, quel que soit le désir du gouvernement de
voir l’organisation de l’armée arrêtée par une loi, il n’a pu vous soumettre
encore un projet spécial et relatif à cette grave question, qui se lie à notre
situation politique ; et, d’un autre côté, il fallait avant tout en préparer
les bases fondamentales par le mode d’entrée au service, par le mode à suivre
pour l’avancement, et par les récompenses à accorder aux anciens services.
C’est donc par ce motif que le gouvernement vous a d’abord proposé les projets
de loi sur l’école militaire, sur les règles à suivre pour l’avancement dans
l’armée, et sur les retraites militaires.
Le gouvernement a pensé qu’il fallait d’abord que
ces trois bases fussent décidées : il regrette vivement que les travaux de la
chambre ne lui aient pas permis, jusqu’à présent, de s’occuper de ces trois
projets de loi, que je regarde comme indispensables pour asseoir celui de
l’organisation.
D’ailleurs, messieurs, l’organisation de l’armée
est un sujet qui exige des études sérieuses, à une époque surtout où toutes les
institutions militaires se perfectionnent, et qui appelle un examen approfondi,
que vous n’auriez sans doute pu y apporter, dans les circonstances où nous
sommes placés depuis quatre ans.
Mais la gravité de la question, le caractère de
stabilité qui est indispensable aux décisions qu’elle amènera, tout doit faire
sentir les nombreux inconvénients qu’il y aurait à improviser, par simples
amendements au budget, des mesures partielles et très susceptibles de
controverse en pareille matière.
Non seulement la question n’a pas été étudiée comme
elle doit l’être ; mais, l’eût-elle été, que des amendements de cette nature ne
pourraient encore être admis : car ce n’est pas devant la chambre que j’aurai
besoin d’insister pour lui faire reconnaître avec quel soin il faut éviter, en
législation, d’introduire dans une loi annale et purement financière des
prescriptions organiques, d’altérer ainsi le caractère d’une loi, qui n’a
d’autre objet que de régler le montant des crédits à accorder annuellement, et
de ne point conserver à chaque chose la place qui lui est assignée par sa
nature même, et par notre constitution.
Ces considérations générales suffiraient seules
pour déterminer le gouvernement à s’opposer à l’adoption de l’amendement
actuellement en discussion.
Le gouvernement doit d’ailleurs d’autant plus
insister sur ce point que cet amendement ne lui semblerait pas admissible dans
sa rédaction actuelle, fût-il placé en dehors du budget, et qu’il est, où l’on
veut l’insérer, dangereux et réellement contraire à l’esprit et au texte de
divers articles de notre constitution.
Cet amendement a pour but évident de mettre à
l’avancement des restrictions qui existent depuis que le ministère de la guerre
m’est confié, et elles sont puisées dans les dispositions mêmes du projet de
loi qui vous est soumis, et qui me sert de règle depuis 1833.
Il me semble dangereux, parce qu’il tend à limiter
le nombre des officiers généraux et des officiers supérieurs à celui où ils
sont aujourd’hui, et cela, sans que les besoins réels du service aient été
consultés et débattus, et sans tenir compte des événements qui peuvent
survenir.
Avec une armée dont la création ne remonte pas
au-delà de cinq ans, il est évident que tous les besoins du service ne peuvent
être satisfaits d’une manière absolue, et il est dès lors telle circonstance,
facile à prévoir, où il y aurait danger à se trouver dans l’impossibilité d’y
pourvoir, car on ne peut raisonnablement attendre que les hostilités soient
déclarées ou commencées pour se mettre en mesure de les repousser.
Il est dangereux de déclarer aux officiers
supérieurs qu’irrévocablement, quels que soient les services qu’il rendront
dans une période déterminée, ils ne pourront être récompenses.
Il est dangereux également que, par une conséquence
du principe qu’on veut introduire, on soit amené à indiquer dans un budget le
moment où il y aura possibilité de faire des promotions ; c’est rendre plus
actif le mal qu’on prétend détruire ; car l’éveil étant ainsi donné
officiellement aux ambitions, elles mettront bien plus d’ardeur à solliciter,
étant une fois prévenues que l’occasion manquée ne se représentera plus qu’avec
un nouveau budget.
D’après notre constitution,
qui accorde l’initiative des propositions de loi à chacune des trois branches
du pouvoir législatifs, si l’honorable auteur de l’amendement pense que les chambres
ne pourront encore s’occuper pendant cette session de l’examen et de la
discussion du projet de loi sur l’avancement dans l’armée, je pense qu’ils
devraient formuler dans une proposition de loi les articles dont ils croient
l’adoption nécessaire, en attendant la loi spéciale.
C’est alors que nous pourrons entrer dans l’examen
approfondi des dispositions qu’il propose. Mais ce n’est pas, je le répète,
dans un article du budget, qu’elles peuvent et qu’elles doivent être résolues.
Je pense donc, messieurs, qu’avant d’avoir mûrement
examiné les questions qui se rattachent en grand nombre à cet amendement, il
serait dangereux, impolitique même, de les préjuger par un vote, qui pourrait
avoir les plus fâcheuses conséquences.
(Moniteur
belge n°27, du 27 janvier 1836) M. de Nef. - Je ne crois pas que principalement
l’article proposé par l’honorable M. Brabant puisse être adopté sans conférer
une grande partie de l’administration de la
guerre à la chambre.
Si cependant vous étiez disposés
à l’adopter, je ne sais pas pourquoi, dans un moment où il n’y a point de
probabilité de guerre, une certaine partie du pays devrait en être exceptée.
Depuis plus d’un an, des casernes suffisantes pour contenir toute la troupe
jugée nécessaire par le gouvernement dans les circonstances actuelles ont été
établies sur presque toute la frontière, et à cette occasion j’approuve
hautement que très récemment encore le ministre ait fait bâtir des écuries,
tant au fort d’Hoogstraeten qu’à la colonie de Merxplas-Ryckevorsel pour faire
loger toute la cavalerie réputée suffisante pour observer une grande partie des
frontières.
Si l’art. 3 précité était adopté, il pourrait en
résulter que dans la supposition que jusqu’ici les casernes existantes fussent
insuffisantes pour contenir toute la troupe, le ministre serait obligé
d’envoyer aux frontières la totalité des troupes qui ne pourrait être
convenablement casernée.
Je pense, en conséquente, que la chambre devrait se
borner à encourager les mesures déjà prises par M. le ministre de la guerre à
l’effet de caserner la troupe, et au moyen desquelles j’ai l’espoir fondé que
les communes seront incessamment libérées du fardeau pénible des logements
militaires.
M. Brabant. -
Messieurs, l’article 2 que j’ai eu l’honneur de proposer, qui est maintenant en
discussion, est attaqué par le ministre de la guerre de plusieurs chefs.
D’abord, il prétend que cet article n’est pas à sa place dans le budget ; il
prétend ensuite qu’il est dangereux pour le bien du service, et il prétend en
dernier lieu, ce qui à mes yeux sera toujours la meilleure raison quand elle
sera fondée, qu’il est contraire à la lettre et l’esprit de la constitution.
On dit d’abord que cet article n’est pas à sa place
dans le budget ; et pour le démontrer, on dit que le budget doit se borner à
allouer les sommes nécessaires pour les divers services publics. Je ne crois
pas qu’il faille restreindre le budget dans d’aussi étroites limites. Le budget
établit les charges de l’Etat, mais quand il s’agit de modérer ces charges en
empêchant la reproduction d’abus contre lesquels de nombreuses voix se sont
élevées dans cette enceinte, je crois qu’on peut et qu’on doit insérer dans le
budget les dispositions qu’on croit de nature à atteindre ce but,
Quels sont les abus contre lesquels on s’est plus
particulièrement récrié ? C’est contre la profusion des grades supérieurs qu’on
a prodigués sans nécessite ; c’est contre l’avancement rapide accordé à
certains officiers qui jouissent presque exclusivement des faveurs du
gouvernement. Eh bien, c’est pour empêcher ces abus de se renouveler que je
propose de maintenir (et c’est la véritable signification du premier paragraphe
de l’art. 2, le ministre l’a bien saisie), je propose de maintenir le cadre des
généraux et supérieurs tel qu’il se trouve aujourd’hui, mais non pas cependant
de le maintenir irrévocablement, et quels que soient les services rendus, car
ce n’est qu’en attendant la loi sur l’organisation de l’armée ; et d’ailleurs,
le paragraphe 3 porte qu’en cas d’hostilités déclarées, et pour les besoins
extraordinaires du service ou pour actions d’éclat mises à l’ordre du jour de
l’armée, il pourra être dérogé à ces règles.
Messieurs, le danger de la proposition consisterait
à lier les mains au gouvernement, de manière à empêcher son action pour la
défense du pays. Eh bien, je vous le demande, cela résulte-t-il de mon
amendement ? Il faudrait qu’on déclarât que le cadre des officiers généraux et
supérieurs est insuffisant. On n’ose pas encore l’affirmer, mais on dit que
l’expérience a manqué pour constater les besoins rigoureux du service.
L’expérience a manqué, dites-vous ; mais voici cinq
ans que notre armée est organisée et qu’on nous menace à chaque instant de la
guerre ! L’année dernière on nous menaçait encore de guerre, pour avoir un
surcroît d’impôt, et cependant on ne songeait pas à créer des généraux ; on
avait pourtant, sur les besoins du service, toutes les connaissances que l’on a
aujourd’hui.
On prétend que ma proposition est contraire à la
lettre et à l’esprit de la constitution. Recherchez dans la constitution tout
ce qui est relatif à l’armée, vous verrez que partout les dispositions
d’organisation sont laissées au pouvoir législatif. L’article 139, n°10, dit
que l’organisation de l’armée fera l’objet d’une loi. L’article 118 porte :
« Le mode de recrutement de l’armée est déterminé par la loi. »
L’article 66, en parlant de la prérogative royale,
dit bien que le Roi confère les grades dans l’armée ; mais remarquez qu’il ne
s’agit pas de la création, mais de la collation des grades créés par l’autorité
de la loi.
Messieurs, une observation que j’ai déjà eu
l’honneur de vous soumettre l’an passé est ici dominante. Je vais vous la
répéter, elle vous fera sentir de plus en plus combien il est nécessaire que le
pouvoir législatif statue à propos du budget. Je vous disais que le Roi, qui ne
peut accorder aucune pension si ce n’est en vertu de la loi, avait pu créer des
grades sans aucune limite, et que la collation d’un grade, aux termes de
l’article 124 de la constitution, vous liant indéfiniment, au moins pour la
solde de non-activité, pendant la vie de celui à qui un grade a été conféré, la
disposition de la constitution sur les pensions se trouvait éludée.
Le deuxième paragraphe qui porte : « Nul officier
ne pourra être promu à un grade supérieur à celui de capitaine, s’il n’a servi
quatre ans dans le grade immédiatement inférieur, a aussi été l’objet des
reproches du ministre.
En matière semblable, j’avouerai mon ignorance, et
je ne me serais pas permis de proposer une semblable disposition, si je n’avais
eu pour moi une autorité bien grande. Je la trouvai dans une loi française
rédigée sous un monarque qui avait octroyé une charte, qui connaissait toute
l’étendue de sa prérogative et voulait la conserver. Cette loi avait été
rédigée par des plus illustres généraux qui aient tenu le portefeuille de la
guerre en France, par le maréchal Gouvion St-Cyr.
J’ai copié littéralement l’art. 29 de la loi du 12
mars 1818, sur le recrutement de l’armée, qui est ainsi conçu :
« Nul officier ne pourra être promu à un grade
supérieur, s’il n’a servi quatre ans dans le grade immédiatement inférieur.
« Il ne pourra être dérogé à cette disposition
qu’à la guerre et seulement pour les besoins extraordinaires, ou pour actions
d’éclat mise à l’ordre du jour de l’armée. »
Dans quelles circonstances cette loi fût-elle
proposée ? Dans un moment où le gouvernement avait à lutter contre des
prétentions exagérées, contre les prétentions de ceux qui étaient revenus en
France, à la suite des Bourbons. Et cette règle était tellement sage qu’elle
fut maintenue jusqu’en 1832 ; et ce ne fut que parce que des besoins
extraordinaires se firent sentir qu’une nouvelle loi sur l’avancement dans
l’armée fut alors proposée et adoptée, qui réduisit seulement d’un an le temps
nécessaire d’occupation d’un grade inférieur pour monter au grade supérieur.
Messieurs, en proposant mon
amendement, je n’ai nullement eu l’intention de gêner le gouvernement. J’ai
longtemps servi d’appui à M. le ministre de la guerre, dans la discussion de
son budget. Mes opinions à son égard ne sont pas changées ; j’ai toujours la
même affection pour lui, et ma confiance dans sa capacité est grande, mais j’ai
cru devoir remplir ici un devoir rigoureux dans l’intérêt de la nation que l’on
obère par la création de grades sans nécessité.
J’ai satisfait à tous les besoins par la
disposition finale de mon amendement.
« Il ne pourra être dérogé à ces règles qu’en
cas d’hostilités déclarées, et seulement pour les besoins extraordinaires, ou
pour action d’éclat mises à l’ordre du jour de l’armée. »
Remarquez que quand je dis en cas d’hostilités
déclarées, je ne dis pas qu’on entende le canon ; il suffit qu’on ait des
craintes sérieuses de guerre, que la responsabilité du gouvernement soit
compromise, s’il n’adopte pas telle ou telle mesure qu’il croit nécessaire pour
l’organisation d’une armée prête à entrer en campagne. Mais il ne faut pas non
plus qu’on se fasse peur à soi-même pour sortir des règles qui auraient dû être
tracées au commencement de la révolution.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je dois combattre l’article
proposé par l’honorable préopinant. Si vous le lisez attentivement, vous verrez
qu’il étend considérablement les dispositions de l’art. 124 de la constitution
qui garantit aux officiers la conservation de leurs grades.
L’article proposé par l’honorable M. Brabant va
plus loin ; il leur assure à toujours l’activité de service, il impose au chef
de l’Etat l’obligation de les placer bon gré mal gré, quelles que soient les
circonstances, quel que soit son plus ou moins de confiance dans des officiers
une fois nommés, sous peine de voir une place rester vacante. Telle est la
portée de l’amendement proposé.
Je le répète, il suffit de le lire attentivement,
pour s’en convaincre. Voici en quels termes il est conçu :
« En attendant la loi sur l’organisation de
l’armée, il ne pourra être pourvu aux places d’officiers-généraux et supérieurs
qu’autant qu’elles deviendraient vacantes par avancement, démission ou
décès. »
Il est évident que ce premier paragraphe confère
essentiellement l’activité de service à tout officier une fois nommé.
Il est dit que l’on ne pourra nommer que dans le
cas de places vacantes par avancement, démission ou décès. Mais la démission
doit être volontaire ; le gouvernement n’est pas autorisé à démissionner les
officiers, il ne peut que les mettre en non-activité de service quand il y a
des motifs d’utilité générale pour en agir ainsi. Or, du moment que l’on ne
peut pas donner la démission à un officier, il est évident que le gouvernement
se trouve dans l’obligation de maintenir en activité de service tous les
officiers, ou bien, s’il en met quelques-uns en non-activité, il ne peut pas
les remplacer puisqu’il n’y a pas de vacances par décès, par démission ou par
avancement, Ainsi, voilà une première partie de l’article que la chambre
n’adoptera pas.
Je dis ensuite, messieurs, que cet article ne peut
trouver place dans une loi de budget. Que porte la constitution à propos du
budget ? Le budget contient les dépenses de l’Etat. Que porte la constitution à
propos de l’armée ? Qu’il y aura une loi sur le recrutement de l’armée, une loi
spéciale sur l’organisation de l’armée et l’avancement.
D’après ces dispositions, il est clair que la
limite naturelle du budget est le vote des dépenses : alors comment peut-on
vouloir introduire dans le budget des articles organiques de l’armée de la plus
haute importance ? Certainement vous n’entrerez pas dans cette voie ; car si
vous y entriez, il deviendrait inutile de s’occuper de projets de loi puisqu’à
l’occasion des dépenses de l’Etat on viendrait introduire dans le budget toutes
sortes d’articles, les uns sur l’armée, les autres sur l’instruction publique,
et ainsi de suite ; et la loi du budget deviendrait véritablement une loi de
confusion, une loi de désorganisation. Ce n’est pas là ce que la constitution a
entendu.
Mais, objecte-t-on, on ne trouve pas dans le budget
de garantie contre les abus de nominations trop multipliées : sous ce rapport
je soutiens que l’amendement est inutile. De quelles garanties avez-vous besoin
dans le budget ? De celle des chiffres et pas d’autres.
Si le ministre de la guerre
faisait des promotions trop nombreuses, vous n’augmenteriez pas le chiffre des
dépenses de l’exercice précédent, et par ce seul fait l’administration de la
guerre serait ramenée dans les limites où vous voudriez la renfermer.
C’est une loi de défiance que vous porteriez à
l’égard du gouvernement et une loi de défiance à l’égard de vous-mêmes : c’est
comme si vous ne vous sentiez pas le courage de réduire les dépenses excessives
qui vous seraient demandées. Si le ministre de la guerre demandait des dépenses
considérables pour un trop grand nombre d’officiers d’une certaine catégorie,
vous seriez dans le droit de ne pas accorder les augmentations qu’il
réclamerait. Cette raison est tellement fondamentale qu’il est impossible de la
renverser.
On fait remarquer qu’en France il existe des
dispositions semblables à celles que l’on propose : eh bien, que l’on fasse une
loi organique de l’armée comme on a fait en France, et alors une disposition,
non telle qu’elle se trouve proposée, car elle serait inconstitutionnelle en ce
qu’elle maintiendrait en activité de service les officiers contre le gré du
gouvernement, pourrait être placée dans la loi organique ; mais jamais on n’a
imaginé en France de jeter des articles organiques dans la loi de dépenses !
Puisque l’on a proposé l’exemple de
M. Dubus. - Je
ne m’attendais pas à voir attaquer les articles additionnels proposés par mon
honorable ami sous le prétexte d’inconstitutionnalité ; et je ferai remarquer à
cet égard que, de la manière dont on veut entendre les dispositions
constitutionnelles, ce ne serait pas seulement les articles additionnels qui
seraient inconstitutionnels, mais ce serait encore toute loi que nous pourrions
faire ou que le gouvernement pourrait nous présenter. Cette remarque pourra
faire apprécier à sa juste valeur le reproche d’inconstitutionnalité qu’on
adresse à la proposition de mon honorable ami, reproche qui n’a pris naissance
que dans le désir de faire rejeter l’amendement.
Les articles de la constitution relatifs à l’armée
et à son organisation sont, je pense, les articles 66, 68, 118 et 139, n°10.
D’abord l’article 118 porte que le mode de
recrutement de l’armée est déterminé par la loi ; que la loi règle également
l’avancement, les droits et les obligations des militaires : de là il suit que
toute disposition de loi qui porte sur ce point est, d’après la constitution
elle-même, dans le domaine du législateur.
Je ne suis pas touché de l’objection du ministre de
l’intérieur par laquelle il nous assure qu’il faut une loi spéciale pour cela :
il n’est écrit nulle part que ce que le législateur peut faire doit être fait
par autant de lois spéciales : tout ce qui est dans ses prérogatives, il le
peut faite par une ou plusieurs lois ; vous n’avez qu’une chose à examiner,
c’est de voir si ce que l’on propose est dans le domaine de la législature.
Ainsi toute proposition utile qui aurait pour objet
l’avancement et les droits des militaires est dans vos attributions, et vous ne
pouvez encourir le reproche d’inconstitutionnalité en vous en occupant.
L’article 139 dit : Il sera pourvu par des lois
séparées à l’organisation de l’armée, aux droits d’avancement et de retraite,
et au code pénal militaire ; mais il ne résulte pas de là que ce n’est que dans
cette loi que nous pouvons porter les dispositions sur les droits et
l’avancement militaires ; et toutes les fois qu’une circonstance opportune se
présentera pour disposer sur ces objets, nous avons droit d’établir cette
disposition particulière en attendant que l’on fasse une loi générale.
L’organisation de l’armée n’est pas la seule chose
que nous soyons chargés de faire : nous avons aussi déjà porté bien des
dispositions spéciales sur des objets sur lesquels nous devons faire des lois
générales, et cela sans inconstitutionnalité et en restant dans les limites de
nos prérogatives.
Voilà pour les articles 118 et 139 ; j’arrive à
l’article 66. Il porte que le Roi confère les grades dans l’armée : mais cela
n’est pas exclusif des droits du législateur de déterminer la nature de ces
grades, de déclarer qu’il n’y aura que tant de généraux de division, tant de
généraux de brigade ; de déclarer qu’on ne pourra arriver d’un grade à l’autre
qu’au moyen de telle condition : tout au contraire ; les articles 118 et 139 n’auraient
plus de sens si vous deviez entendre l’article 66 de cette manière que le Roi
peut conférer les grades sans se soucier des conditions que vous auriez
insérées dans la loi sur les droits, les obligations et l’avancement des
militaires.
Enfin l’art. 68 porte que le Roi commande les
forces de terre et de mer ; mais vous ne pouvez pas en tirer la conséquence que
les dispositions que l’on présente sont inconstitutionnelles, et que le Roi
peut créer des grades à volonté et nommer à volonté tout officier qu’il
jugerait à propos de comprendre dans une promotion.
Messieurs je disais tout à l’heure que cela ne
pouvait faire de doute ; et cela n’en a pas fait jusqu’ici. On a cité l’exemple
de
Voici comment est conçu l’article de la loi du 10
mars 1818 :
« Nul officier ne peut être promu à un grade
supérieur s’il n’a quatre ans dans l’emploi immédiatement inférieur… »
Nul officier, cela s’applique bien à tous les
grades.
« Il ne pourra être dérogé à cette règle, dit
le même article de la loi française, qu’en cas de guerre, pour des besoins
extraordinaires, ou pour des actions d’éclat mises à l’ordre du jour de
l’armée. » Je vois que mon honorable ami a puisé sa disposition dans la
loi de mars 1818 : il a mis « hostilités déclarées » au lieu du mot
« guerre, » afin de ne laisser aucun doute, le terme de guerre
pouvant avoir une signification un peu vague. Ainsi voilà la loi française de
1818, laquelle est demeurée en vigueur pendant quatorze ans et qui n’a donné
lieu, paraît-il, à aucune difficulté, ni à aucune plainte ; cependant il n’est
venu dans l’esprit de personne qu’elle portât atteinte à la prérogative royale.
Cette loi a été présentée par le gouvernement lui-même.
Mais, messieurs, notre gouvernement nous a présenté
aussi une loi dans le même sens, il n’y a de différences que dans le temps de
la durée des grades ; ce n’est pas quatre ans que l’on propose, ce sont
d’autres termes. Le reproche d’inconstitutionnalité ne reposant pas sur le
terme, mais sur le fond de la disposition, cette différence ne fait rien à la
discussion.
Le minimum de la durée du service est fixé comme
suit dans la loi présentée à la chambre : les sous-lieutenants au bout de deux
ans de service ; les capitaines, lieutenants, et majors au bout de trois ans ;
les lieutenants-colonels après deux ans de grade… Un autre article de
l’ancienne loi réduit à la moitié le temps du service en cas de guerre, et il
est dit à l’article 3 qu’il ne peut être dérogé à cette disposition que pour
action d’éclat, ou lorsqu’il n’est pas possible de pourvoir autrement aux
vacances en présence de l’ennemi ; ainsi, c’est toujours dans le cas de guerre
que l’on pose les exceptions.
Je le demande maintenant, quel reproche pourrait-on
adresser à mon honorable ami qu’on ne puisse adresser également au gouvernement
? Il faut donc retirer la loi, et nous ne sommes pas dans la possibilité d’en
faire une sur l’organisation de l’armée. On veut que l’article 66 de la
constitution ait effacé les articles 118 et 139 de la même constitution ; cela
ne peut être admis.
M. le ministre de l’intérieur a appelé l’attention de
la chambre sur une autre disposition de la constitution, c’est sur l’art. 124,
qui porte que les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs
et pensions, que de la manière déterminée par la loi ; et selon lui, il résulte
de cette disposition que vous ne pouvez pas adopter les articles additionnels
proposés, parce qu’il s’ensuivrait que les grades étant assurés aux militaires
qui en possèdent, le gouvernement ne pourrait plus, en mettant les officiers en
non-activité, les remplacer dans leurs grades, et qu’il serait obligé de
laisser la place vacante.
Ici encore, messieurs, je vous ferai remarquer que
le reproche que l’on adresse à la disposition de mon honorable ami, devrait
être adressé également à la loi que le gouvernement a proposée, et même à toute
loi dans laquelle on mettrait des conditions d’avancement, parce qu’on peut
toujours dire : Vous allez entraver le gouvernement.
Si le gouvernement mettait des officiers en
non-activité pour les remplacer dans leurs grades en faisant des promotions, ce
serait là un abus auquel il faut mettre obstacle. Il ne faut pas laisser au
gouvernement ce moyen de faire des promotions, pas plus que tout autre. Ce sont
les promotions faites sans nécessité qui sont le sujet des réclamations qui
surgissent de toutes parts. Les officiers ne peuvent être privés de leurs
grades ; ils peuvent être mis en non-activité ; le gouvernement peut leur
donner telle mission qu’il juge à propos ; mais il peut faire toutes ces choses
sans avoir besoin de nommer de nouveaux officiers, sans gêner le service, en
considérant le nombre d’officiers qu’il a dans chaque grade à sa disposition.
Je viens de dire qu’il lui est loisible de faire
exécuter telle mission par un officier du grade qu’il lui plaît. Je citerai un
exemple tiré d’une arme spéciale. Cette arme était commandée par un général de
brigade ; maintenant elle est commandée par un général de division :
croyez-vous que le service y gagnera quelque chose ? Eh bien, si, tout à
l’heure, on mettait en non-activité un général de division commandant une arme
spéciale, croyez-vous qu’l y aurait nécessité de faire commander le même corps
par un autre général de division, tandis que, pendant cinq ans, il avait été
commandé par un général de brigade ? Ce raisonnement montre combien est peu
fondé l’argument présenté par le ministre de l’intérieur.
Le même ministre a beaucoup insisté aussi sur la
considération que le budget doit être restreint au vote des dépenses, et que
des dispositions de la nature de celles que l’on discute ne doivent pas y
entrer. Messieurs, sur ce point je pourrais présenter à la chambre l’exemple de
la chambre elle-même, de la législature depuis notre révolution. Si je faisais
des recherches dans les budgets des aunées antérieures, je montrerais, dans
plusieurs, des dispositions ajoutées ainsi précisément pour réprimer des abus.
Je crois que de semblables dispositions ont été insérées dans le budget des
finances de l’année 1832. Je ne l’ai pas sous les yeux ; mais il suffit de
recourir, pour s’en convaincre, au budget de la guerre de 1833. Ainsi il n’est
pas question de faire entrer la chambre dans une voie nouvelle, mais de la
faire persister dans une voie où elle est entrée quand elle a commencé à
exercer sa prérogative.
Messieurs, la loi du budget
est une loi de réparation des griefs ; c’est toujours ainsi qu’elle a été
considérée. Le cri de toute
Il s’agit ici de traitements pour les officiers
supérieurs ; parce que l’on aura fait abus de cet article, parce qu’on aura
fait des promotions qui auront donné lieu à des réclamations, rejetterez-vous
le crédit ? Non, certes, il est beaucoup plus sage, en votant le crédit, de
faire entrer dans le budget des dispositions qui empêcheront le retour de
l’abus ; or, ce sont précisément des dispositions semblables que vous propose
mon honorable ami. Une telle manière de procéder est dans les prérogatives de
la chambre, et elle en a déjà fait usage dans plusieurs budgets.
Je bornerai là, pour le présent, mes observations ;
je me réserve de répondre aux objections qui seront faites.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, ainsi que
l’honorable préopinant, je ne suis pas partisan de promotions faites avec
profusion dans les grades supérieurs ; ces grades ne doivent être conférés
qu’avec sagesse et circonspections ; ils ne doivent être que la récompense de
services plus ou moins éminents rendus au pays. L’avancement, dans quelque
grade que ce soit, ne doit jamais être rapide, à moins qu’il ne soit commandé
par la nécessité ; le mérite et les services doivent le dispenser. Le
gouvernement du Roi ne saurait ignorer que ce n’est pas en donnant des grades
avec profusion qu’on encourage ; c’est en habituant le soldat à les considérer
comme la récompense exclusive du mérite, de la bravoure et d’une conduite
honorable, que vous ferez respecter l’épaulette dans le pays.
Aussi pour ma part j’appelle de tous mes vœux une
loi qui d’après le paragraphe 1 de l’art. 139 de la constitution, règle
l’organisation de l’armée et en même temps les droits d’avancement et de
retraite de tous les officiers. J’appelle aussi de tous mes vœux une loi qui,
conformément à l’art. 124 de la constitution, règle la manière dont un
militaire peut être privé de ses grades, honneurs et pensions. Ces deux lois
sont indispensables, non seulement pour entretenir dans l’armée une utile
émulation, mais aussi pour y établir une bonne et sévère discipline. La
discipline, c’est la vie, c’est l’âme des armées ; sans discipline, mieux
vaudrait ne pas avoir d’armée. Aussi est-il d’un devoir impérieux pour nous
d’aider le gouvernement, par tous les moyens en notre pouvoir, à préserver la
discipline, en toute circonstance, de la moindre atteinte.
Mais je pense avec mon honorable collègue que ce
n’est pas par un simple amendement, glissé furtivement dans le budget de la
guerre, que l’on peut régler un objet aussi important. M. le ministre de
l’intérieur a déjà fait sentir les inconvénients qui pouvaient en résulter.
L’honorable préopinant a parlé probablement sous
l’empire d’un abus qui l’a frappé, mais il est à craindre qu’en voulant régler
cette matière par un article transitoire dans un budget, on ne tombe dans des
abus beaucoup plus grands. En effet, jusqu’à présent je n’ai pas entendu
réfuter les objections de M. le ministre de l’intérieur. Il a fait remarquer
que l’amendement tendait à forcer le chef de l’Etat à accorder sa confiance à
des militaires qui l’auraient perdue, et qui auraient perdu celle du pays ; car
il serait dans l’impossibilité morale de mettre à la retraite ou à la
non-activité des officiers supérieurs, à défaut de pouvoir les remplacer, si le
bien de l’Etat l’exigeait.
On pourrait, a-t-on dit, faire la même objection
contre toutes les lois sur la matière. Mais cette observation n’est nullement
fondée. Je sais que dans une loi il faudra déterminer le mode d’avancement et
adopter quelques dispositions positives relativement aux grades supérieurs.
Mais, dans une telle loi mûrement examinée et discutée, on pourra combiner les
besoins du service bien mieux qu’on ne peut le faire dans le vote d’une
disposition furtivement introduite en quelque sorte dans une loi de budget.
La section centrale qui a été chargée de l’examen
du budget des voies et moyens, a émis le vœu que l’on conservât aux lois de
budget leur véritable caractère, qu’on n’y insérât pas des dispositions
étrangères aux chiffres, des dispositions qui seraient mieux placées dans des
lois spéciales. Ce vœu me paraît très sage. La chambre l’a compris et elle a
écarté du budget des voies et moyens tout ce qui ne s’y rapportait pas
directement, renvoyant à des lois spéciales toutes les autres dispositions,
même celles proposées par le gouvernement. La prudence la plus vulgaire nous
conseille de procéder ainsi ; c’est même une sorte de nécessité ; en effet, si
nous contractons l’habitude de régler dans des lois annales et financières une
foule de matières par amendements, il est à craindre que ce amendements n’aient
pas été suffisamment mûris et que dans le cours de l’année n’ait lieu
l’entraînement du moment.
Tout en désirant qu’il soit
procédé le plus tôt possible à l’examen et à la confection de lois, et sur
l’organisation de l’armée en général, et sur les droits des officiers à
l’avancement et à la retraite, et enfin sur la manière dont ils peuvent perdre
leurs grades, leurs honneurs et pensions, je pense que de telles dispositions
ne peuvent trouver place dans le budget des dépenses de l’Etat, et qu’il faut
les renvoyer à une loi particulière, tout en invitant la chambre à faire en
sorte de s’en occuper dans le plus bref délai possible.
Un grand
nombre de membres. - La clôture !
M. Dumortier. -
Je demande à la chambre la permission de lui soumettre quelques considérations
qui ne sont pas sans importance. La question est de la plus haute importance ;
on ne peut la résoudre aussi précipitamment, je n’aurai que quelques mots à
dire pour appuyer la proposition de l’honorable M. Brabant. La chambre ne peut pas d’ailleurs rejeter cette
proposition, qui n’est que le corollaire de la proposition de l’honorable M.
Desmaisières, laquelle a été adoptée par la chambre.
- La clôture est prononcée.
L’article 2 proposé par M. Brabant est mis aux voix
par appel nominal ; voici le résultat du vote :
59 membres prennent part au vote.
14 votent pour l’adoption.
45 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM. Berger, Pirson,
Brabant, Simons, Dumortier, Dubus aîné, d’Hoffschmidt, Kervyn, Lejeune,
Vandenbossche, de Roo, Desmaisières, Dequesne, Stas de Volder.
Ont voté contre : MM. Desmanet de Biesme, Desmet,
de Sécus, de Nef, de Puydt, de Muelenaere, de Longrée, W. de Mérode, de Meer de
Moorsel, F. de Mérode, Troye, Verrue-Lafrancq, Vanderbelen, L. Vuylsteke,
Watlet, C. Vuylsteke, Vandenhove, Zoude, Verdussen, Ullens, Wallaert, Vanden Wiele, Frison, Fallon, Devaux, Dubois, d’Huart, Frison,
Eloy de Burdinne, de Theux, Duvivier, Raikem, Lebeau, Keppenne, Manilius,
Nothomb, Coghen, Morel-Danheel, Milcamps, Bosquet, Cornet de Grez, Bekaert,
Beerenbroeck, Andries, de Renesse.
Article
3
« Art. 3. Aucune troupe ne pourra être cantonnée
en dehors d’une zone de deux myriamètres de la frontière ennemie, à moins que
sa présence ne soit requise par l’autorité civile, pour le maintien de l’ordre,
ou qu’elle ne soit demandée par le conseil communal. »
- Cet article est mis aux voix ; il n’est pas
adopté.
Article
4 (devenu article 2)
« Art.
2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
MM. les
représentants quittent leurs places.
M. F. de Mérode.
- Comment, l’on ne continue pas ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois bien ! c’est
fini.
- La séance est levée à 4 1/2 heures.