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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 20 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au contrôle douanier dans
le Limbourg (de Renesse)
2)
Projets de loi relatifs aux pensions des professeurs admis à la retraite
3) Projet
de loi relatif aux chemins vicinaux et aux chemins de fer
4) Projet
de loi modifiant certaines limites communales
5) Motion
d’ordre relative à l’absence de dépôt d’un rapport de pétition portant sur les
droits sur les houilles (Watlet)
6) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836.
Discussion des articles. Emploi des troupes aux travaux publics (Devaux, Evain, de
Puydt, Verdussen, Devaux, Dumortier, de Jaegher),
matériel de la cavalerie (Mast de Vries, de Jaegher, Jadot, Evain, Mast de Vries), marché militaire
(lits en fer) (nomination d’une commission ad hoc) (Evain,
Dumortier, Evain, Dumortier, Gendebien,
(+question politique) Verdussen, Gendebien,
Verrue-Lafrancq, Liedts, Verdussen, d’Huart, de Jaegher, Dumortier)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°21, du 21 janvier 1836)
M. Dechamps
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps donne
connaissance des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La régence de Sittard
réclame contre une mesure de M. le directeur des droits d’entrée, de sortie et
accises de la province qui, contrairement à l’art. 167 de la loi générale des
douanes du 26 août 1822, permet seulement d’accorder la délivrance des passavants,
pour le transport du sel, des vins et des boissons distillées circulant dans le
territoire réservé vers l’intérieur, mesure qui anéantit tout le commerce de
cette ville. »
________________
« Le sieur Jacques-Michel Havard,
né à Bayeux (France), demande la naturalisation. »
________________
« « Des habitants de Bruxelles réclament
contre les pétitions tendantes à diviser la garde civique en trois
catégories. »
________________
M. de Renesse.
- Par pétition datée du 12 janvier 1836, la régence de la ville de Sittard réclame contre une décision de M. le directeur des
droits d’entrée, de sortie, cadastre et accises de la province de Limbourg, qui
ordonne de ne plus délivrer dorénavant des passavants pour le transport des
vins, sel et boissons distillées, aux commerçants de Sittard,
quelle que soit la destination desdites marchandises. Par un ordre ultérieur,
la première division a été modifiée en ce sens, qu’on accorde seulement la
délivrance de passavants pour le transport des denrées circulant dans le
territoire réservé vers l’intérieur, la régence de ladite croit cette
disposition diamétralement opposée à l’art. 167 de la loi générale du 26 août
1822, qui permet la délivrance des passavants, sous la représentation des
quittances, d’où il résulte que l’accise en a été payée. Elle assure que si
cette disposition vexante de M. le directeur reste maintenue, elle anéantira
tout le commerce de la ville, compromettra l’existence de beaucoup de pères de
famille et rendra illusoires les dispositions formelles des articles 165, 166,
167, 178, xxx et 188 de la loi précitée.
Comme cette pétition dénonce un acte contraire à
une loi générale encore en vigueur ; que M. le directeur des douanes du
Limbourg paraît aller plus loin dans ses mesures fiscales que l’ont fait les
Hollandais, puisque, sous ce gouvernement, jamais des passavants n’ont été
refusés aux commerçants de la ville de Sittard, qui,
conformément à l’article 178 de la loi des douanes, ont droit d’avoir chez eux du
sel, des vins et des boissons distillées en magasin, je crois, messieurs, qu’il
y a lieu de provoquer un prompt rapport. J’ai donc l’honneur de proposer à la
chambre de vouloir ordonner son renvoi à la commission des pétitions, avec
prière de faire un rapport à la séance de vendredi prochain, jour fixé pour la
discussion des différents rapports de pétitions.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée.
________________
La pétition du sieur Havard
est renvoyée à M. le ministre de la justice ; les autres, à la commission
chargée d’en faire le rapport.
PROJETS DE LOI RELATIF AUX
PENSIONS DES PROFESSEURS ADMIS A
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) dépose les projets de loi suivants :
1° Un projet de loi tendant à régler les pensions
des professeurs admis à la retraite par le gouvernement provisoire ;
2° Un projet de loi tendant à régler les pensions
des professeurs admis à la retraite par le Roi.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
CHEMINS VICINAUX ET AUX CHEMINS FERRES
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) dépose le projet de loi suivant :
3° Un projet de loi relatif aux chemins vicinaux
pavés et ferrés ;
PROJET DE LOI RELATIF A
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) dépose le projet de loi suivant :
4° Un projet de loi relatif à une délimitation de
communes.
- Il est donné acte à M.
le ministre de la présentation de ces projets de loi ; la chambre en ordonne
l’impression et la distribution et les renvoie à l’examen des sections.
MOTION D’ORDRE RELATIF A UN
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. Watlet. -
Messieurs, le 21 juin 1833, le sieur Richard Wolter,
propriétaire et fabricant de chaux à Strassen
(province de Luxembourg, a présenté une pétition tendant à rendre applicable
aux houilles prussiennes la modération de droits établis par le décret du
congrès national du 29 juin 1831 en faveur des houilles françaises. Cette
pétition a été renvoyée le 9 août suivant au ministre des finances et à la
commission d’industrie.
Jusqu’ici cette commission n’a pas fait de rapport.
Depuis peu de jours l’honorable M. de Puydt a présenté la même demande formulée
comme proposition législative, avec cette restriction que la modération de
droits ne s’étendait sur la frontière du Luxembourg que de Remich à Vianden.
Comme ces demandes rencontreront sans doute une forte opposition chez les
propriétaires de bois qui sont très nombreux dans la province, et comme elles
tendent au même but, l’instruction de l’une doit nécessairement servir à
éclaircir la question sur l’autre ; je demande donc que la commission
d’industrie soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition du sieur
Richard Wolter.
Il est d’autant plus nécessaire que ce rapport soit
prompt que la proposition de M. de Puydt, si je ne me trompe, a été examinée
dans les sections et que la section centrale aura prochainement à s’en occuper.
- La proposition de M. Watlet est accueillie ; en
conséquence la commission d’industrie est invitée à présenter prochainement un
rapport sur la pétition du sieur Richard Wolter.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M.
Devaux. - Pour ne pas interrompre la discussion, je ferai, avant
qu’elle soit ouverte, une observation qui se rattache au budget de la guerre.
Je lis dans le rapport de la section centrale :
« Une question a été agitée par grand nombre
de membres des section, c’est celle de l’emploi des troupes aux travaux
publics. Le ministre de la guerre a promis de communiquer à la section centrale
un rapport qui lui a été fait sur les expériences tentées en France. Ce rapport
sera déposé sur le bureau. »
Je me suis informé si ce rapport a été déposé sur
le bureau ; j’ai appris qu’il ne l’a pas été. Je demande donc que M. le
ministre de la guerre exécute sa promesse. Je demande en outre que la chambre
ordonne l’impression du rapport au Moniteur.
Cette question est très importante ; il est à désirer que les éléments nous
soient soumis, pour que nous puissions nous former une opinion sur la matière.
Je pense que tous les membres de la chambre seront bien aises de pouvoir
examiner ce rapport à tête reposée. Il est à désirer qu’il soit livré à la
publicité pour que la discussion, ici ou ailleurs, ait lieu en connaissance de
cause. Je demande donc le dépôt du rapport et son impression au Moniteur.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Lorsque la section centrale chargée
de l’examen du budget de la guerre a fait imprimer son rapport, je n’avais pas
encore pu faire copier le long travail qui m’avait été remis par l’honorable M.
de Puydt. Mais deux ou trois jours après je l’ai transmis à la section centrale
; je crois que l’honorable rapporteur a dû le déposer sur le bureau. Du reste,
je désire qu’il soit imprimé, afin que la chambre puisse prononcer sur une
question dont, avec l’honorable préopinant, je reconnais toute l’importance.
M.
de Puydt. - Le rapport que j’ai eu l’honneur d’adresser à M. le
ministre de la guerre contient des observations générales sur les travaux
exécutés en France. Mais la question de l’application possible de ces travaux à
M. le président. -
S’il n’y a pas d’opposition, le rapport que vient d’indiquer M. de Puydt sera
imprimé au Moniteur.
M. Verdussen. -
Je demande l’impression séparée.
M.
Devaux. - J’avais proposé l’impression au Moniteur, parce qu’elle présente cet avantage qu’elle porte le
rapport en même temps à la connaissance de la chambre et du public.
M. Dumortier. -
L’impression séparée n’exclut pas l’impression au Moniteur, puisque le Moniteur
réimprime tous les rapports.
M. Devaux. - Dès
lors, je ne m’oppose plus à l’impression séparée.
M. de Jaegher.
- Je ferai observer que la question ne doit pas avoir une solution immédiate. Il
suffira donc d’imprimer maintenant le rapport séparément pour la chambre. Le Moniteur pourra le reproduire, quand la
chambre ne sera pas réunie.
M. le président. -
Puisqu’il n’y a pas d’opposition à l’impression séparée, elle est ordonnée.
L’impression au Moniteur pourra avoir
lieu de la manière indiquée par M. de Jaegher.
Discussion des articles
Chapitre II. - Soldes et
masses de l’armée, frais divers des corps
Section III. - Masses des
corps, frais divers, indemnités
Article
4
M. le président. -
La chambre est arrivée à l’art. 4. « Masse d’entretien du harnachement,
traitement et ferrage des chevaux. »
La section centrale propose le chiffre de 345,324
fr. 40 c., auquel M. le ministre de la guerre se
rallie.
- L’art. 4 est adopté avec ce chiffre.
Article
5
« Art. 5. Masse de renouvellement du
harnachement et de la buffleterie : fr. 201.454 60 c. »
M. Mast de Vries.
- Vous avez vu dans le rapport que M. le ministre de la guerre proposait cette
allocation sur le pied de 1 fr. par homme. Or, à 1 fr. par homme, d’après le
nombre d’hommes présents sous les armes, la somme de 171,605 fr. 60 c. est
suffisante. Je propose donc de réduire cet article à ce chiffre.
M. de Jaegher.
- A titre de masse de renouvellement du harnachement et de la buffleterie,
figure dans cet article une somme de 201,454 fr.
En vain ai-je cherché à me faire une idée de l’emploi
de cette somme, et d’un moyen quelconque de contrôle.
J’ai feuilleté les aperçus de comptes que nous a
remis M. le ministre de la guerre, et j’y ai trouvé des sommes globales qui ne
m’ont rien appris ; j’ai visité des magasins de dépôts, et j’y ai trouve des
quantités d’effets hors de service, d’autres sont neufs ; mais m’y éclairer,
impossible.
La section centrale a pu voir des contrats
d’adjudication de fournitures ; elle a pu voir le prix de chaque article, mais
quant au nombre nécessaire, néant ; force est donc à moi de chercher ailleurs
les moyens de m’instruire.
Chaque objet de harnachement et de buffleterie,
fourni à la troupe, doit servir un temps déterminé. Si le soldat le perd avant
que ce temps soit expiré, il doit en bonifier la valeur dans la proportion du
temps de service auquel il était encore destiné ; un contrôle doit donc être
tenu, dans chaque corps, de l’âge de chacun des effets, si je puis me servir de
cette expression. Si donc nous connaissions les quantités en service et en magasin,
par nature d’objets et avec indication de la durée du service déjà expiré de
chacun d’eux, le nombre d’hommes sous les armes nous étant connu, nous saurions
annuellement quel est le chiffre des objets à renouveler.
Depuis la révolution, l’armée a dû être entièrement
à peu près remontée à neuf. Chacun des objets de buffleterie et de harnachement
doit servir un nombre détermine d’années, de 16, 20 et plus d’années ; je ne
comprends donc pas comment ce renouvellement annuel s’élève déjà à des sommes
aussi fortes.
Je prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien
en conséquence me donner quelque explication à cet égard.
Je le prie aussi de me dire si l’on défalque de la
durée obligée du service le temps que passent dans les magasins les effets de
ce genre appartenant aux soldats en permission.
S’il ne me démontre pas qu’il y aurait inconvénient
à le faire, j’émettrai le désir qu’il soit fourni dorénavant à la chambre, avec
le budget annuel, un tableau conçu dans le sens sus-indiqué ; il devrait en
être de même pour tous les effets qui sont fournis au soldat sans lui être
portés en compte.
A l’occasion de
l’allocation pour le harnachement, je me rappelle avoir fait en section
centrale, à M. le ministre, une observation sur la sellerie, spécialement du
corps des cuirassiers, et de lui avoir dit qu’au moment où ce corps revenait du
camp, grand nombre de chevaux portaient des blessures plus ou moins graves que
leur avaient faites leurs selles. J’ai fait remarquer alors au ministre que
s’il en était déjà ainsi après un service pas trop pénible de quelques jours
dans un camp, une entrée éventuelle en campagne serait bientôt suivie
d’événements plus désastreux sous ce rapport.
J’ai depuis lors réexaminé la chose ; les chevaux
étaient pour la plupart guéris dans le repos de garnison : mais qu’on les
visite et il n’échappe à personne qu’ils portent en grand nombre, sur la partie
du coffre que couvre la selle, des taches blanches plus ou moins grandes, et
qui sont évidemment les marques de blessures cicatrisées.
J’ai visité la selle d’un cavalier rentrant, et
j’ai trouvé que le défaut provient du bourrage.
Aux places les plus échauffées, l’humidité agit,
soit sur le crin, soit sur le poil de vache, et forme de petites boules comme
des pois, qui se durcissent à mesure que la course se prolonge. Le frottement
de ces aspérités échauffe la peau du cheval, et en produit d’autres qui, à la
longue, dégénèrent en blessures. L’objet me paraît assez important pour mériter
d’être examiné de près ; je ne cite la chose aucunement à titre de reproche,
mais comme pouvant amener une amélioration.
M. Jadot. - J’ai à
présenter une observation analogue à celles qui viennent d’être faites. Comme
vous le voyez par le libellé de l’article en discussion, les fonds dont il
s’agit ici ne doivent être employés qu’en 8, 16 ou 20 ans ; car les objets
doivent être renouvelés, pour la plupart, tous les 16 ou tous les 20 ans. Ainsi
l’on verse à ce tire dans les caisses des régiments
des fonds qui y sont réellement improductifs. Ne vaudrait-il pas mieux, si le
ministre n’y voit pas d’inconvénient, laisser ces fonds au trésor, sauf à la
chambre à les voter quand ils seraient nécessaires aux besoins des corps ?
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Vous pouvez remarquer que, dans l’article qui nous
occupe, la masse d’un franc par homme est calculée sur 53,354 hommes
d’infanterie. L’observation d’un honorable préopinant est juste : nous n’avons
que 25 à 26,000 hommes d’infanterie sous les armes, et à peu près autant en
congé. Mais je dois déclarer que la durée des effets de buffleterie court du
moment de leur délivrance, que les hommes soient ou non présents. C’est ainsi
que les règlements le prescrivent ; s’il fallait défalquer le temps que les
hommes passent en congé, cela embrouillerait beaucoup la comptabilité.
Vous remarquerez que pour la cavalerie je demande
en tout 124,000 fr. Cette somme est presque en totalité applicable au
harnachement des chevaux ; 112,000 fr. ont cette destination ; il ne reste donc
que 12,000 fr. pour les hommes.
L’observation de l’honorable M. de Jaegher serait
juste si effectivement les corps ont reçu leurs buffleteries, sur des fonds
spéciaux en sus des allocations ordinaires pour l’entretien et le
renouvellement partiel. J’ignore ce qui a eu lieu en 1831. Mais s’il n’en est
pas aussi, les corps auront achetés, en 1831, au moyen des fonds qui leur
avaient été alloués avec cette destination, les objets nécessaires à
l’équipement et au harnachement ; et les versements que les corps font au
trésor, l’auront couvert de cette avance s’ils n’ont pas reçu des fonds d’achat
de première mise en 1831.
L’honorable M. Brabant,
dans la dernière discussion du budget, a dit avoir pris connaissance de la
situation des magasins et que dès lors on pouvait diminuer 100,000 fr. sur
cette allocation ; et je donnai mon assentiment à cette proposition ; mais
plusieurs effets doivent être renouvelés en 1836, et je réclame en conséquence
la totalité de l’allocation que j’ai demandée. Ce sont notamment les
couvertures des chevaux qui ont besoin de renouvellement. L’observation de
l’honorable M. de Jaegher porte principalement sur cet objet. Les couvertures
du régiment dont il a parlé étaient extrêmement mauvaises ; il y a nécessité de
les renouveler, ainsi que ceux des autres régiments de cavalerie.
J’ajoute que 1,100 couvertures au prix de 20 fr.
devront être achetées pour un seul régiment. Il en sera de même pour les autres
régiments ; car les couvertures doivent durer 5 ans, et voici ces 5 ans révolus
depuis la révolution.
D’après l’observation de M. Mast de Vries, je
consens à une réduction de 18,000 fr. sur le chiffre de l’article en
discussion.
M. Mast de Vries.
- D’après le nombre des hommes sous les armes, il y a lieu à une réduction, non
pas de 18,000 fr., mais de 28,949 fr. Je persiste donc dans ma proposition de
réduire le chiffre de l’article à 171,605 fr. 60 c.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - La différence entre les calculs de l’honorable préopinant
et ceux que j’avais faits à la première vue est de 4 à 5 mille fr. Je ne vois
pas d’objection à y faire ; car il est rationnel de mettre le chiffre de
l’article en rapport avec le nombre des hommes présents sous les armes. Seulement
alors je ferai ce changement aux régiments que la durée des effets ne courra
pas pendant que les hommes seront en congé.
- L’art. 5 est adopté avec le chiffre de 171,605
fr. 60 c., proposé par M. Mast de Vries, et auquel M.
le ministre de la guerre se rallie.
Article
6
M. le président. -
La chambre passe à la discussion de l’art. 6. « Masse de
casernement. » La section centrale propose le chiffre 856,562 fr. 56 c., auquel M. le ministre de la guerre se rallie.
- Cet article est mis aux voix par assis et levé.
La plupart des membres ne prennent pas part au vote ; l’épreuve est douteuse ;
elle est renouvelée, et est également douteuse.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Puisqu’un grand nombre de membres s’abstiennent de voter,
je soumettrai à la chambre quelques observations qui permettront à ces
honorables membres de voter en connaissance de cause.
Tout en reconnaissant la puissance des chiffres en
administration militaire et financière, et quoique je m’appuie souvent sur
elle, je dois cependant vous déclarer que cette puissance ne forme pas toujours
seule mon opinion, ne règle pas toutes mes décisions. J’y fais entrer aussi des
considérations morales qui contrebalancent parfois ces résultats mathématiques,
qui ne doivent pas être la règle unique de conduite d’un administrateur :
celui-ci doit faire entrer en ligne de compte la moralité, base plus sûre
encore que la perspective d’une réduction de prix dans l’exécution
consciencieuse d’un service comme celui dont il est question.
Vous me comprendrez, messieurs, sans que j’aie
besoin de donner plus de développements à ma pensée.
Je crois vous avoir convaincus que j’ai constamment
recherché, dans mon administration, à concilier les intérêts de l’Etat avec les
exigences du service important qui m’est confié, et qu’en toute circonstance,
mais surtout dans l’affaire qui nous occupe, je n’ai pas dévié de ce principe.
Pourquoi donc, messieurs, pourriez-vous croire que
j’aie faussé cette ligne de conduite ? que j’aie voulu m’exposer à toutes les
conséquences dont on me menaçait ouvertement, et dont je prévoyais très bien
les effets, si je n’avais eu dans mon for intérieur, dans le fond de ma
conscience, une voix qui ne m’a jamais trompé, qui me disait que, malgré tous
les désagréments que j’allais m’attirer, il valait mieux encore en faire le
sacrifice à la patrie, pour servir les véritables intérêts de l’Etat, et
surtout pour assurer un bon service, dût-il coûter un peu plus, fût-ce même
27,000 fr. par an.
Ce qui vient de se passer n’a que trop bien prouvé,
et la justesse de mes prévisions, et l’étendue du sacrifice que je me suis
imposé, je le répète avec assurance, avec conviction, dans l’intérêt de l’Etat.
Je m’attendais bien aux attaques dont ce traité a
été l’objet, mais j’espérais qu’en vous faisant connaître les motifs qui
m’avaient porté à le conclure, vous reconnaîtriez que je ne m’étais décide à
l’adopter que par des motifs louables, et qu’en fait d’administration, ce qui
peut paraître onéreux au premier abord, ne l’est plus quand on vient à
connaître les raisons de la mesure adoptée et les résultats avantageux qui
peuvent s’en suivre.
Je ne reviendrai plus sur l’exposé des motifs qui
m’ont déterminé à adopter la première base d’adjudication ; je me bornerai
aujourd’hui à répondre aux derniers arguments qui ont été employés par
l’honorable M. Dumortier.
D’abord je vous dirai que je fus tellement étonné
de l’annonce qu’il fit que, dans le tarif des prix moyens pour le remboursement
des effets perdus, arrêté par moi en 1821, pour le marché français, j’avais
fixé a 109 fr le total de ces effets, que comptant sur la véracité de ses
calculs (et je devais y ajouter foi d’après ceux qu’il avait établis en
détail.) Messieurs, je m’empressai de déclarer qu’en ce cas, ç’avait été une grande école de ma part d’avoir arrête un
pareil tarif, si fort au-dessus des prix réels, et que ce qui pouvait me
consoler de cette faute, c’était de l’avoir évitée dans le dernier traité.
Le même orateur annonça aussi, toujours le traité
français à la main, que j’avais tort de faire valoir que, dans le traité belge,
j’avais fait fournir deux couvertures, pesant ensemble
Cette seconde assertion me parut si extraordinaire
(
J’ai donc examiné le marche français, dont j’ai
aussi un exemplaire, et j’ai vu que le poids de l’unique couverture à fournir
était fixé de 3 à
J’ai également vérifié la première assertion sur le
montant du tarif du prix moyen des effets, et j’ai reconnu, avec une véritable
satisfaction, que si ces prix, qui se montaient, non à 109 fr., mais à 99 fr.,
avaient été augmentés au second marché passé le 5 mars, après que j’eus quitté
mes fonctions, le gouvernement ne tarda pas à s’apercevoir que ces prix étaient
exagérés, et rectifia en conséquence l’ancien marché. Substituant un sommier à
la paillasse, il passa un nouveau traité où, malgré la plus-value du sommier et
du couvre-pied, le prix total des effets, d’après le tarif des prix moyens, a
été réduit à 85 fr. 53 c.
Ce nouveau marché a été conclu le 12 mai 1826, et
c’est celui qui est en cours d’exécution jusqu’en 1842.
Les honorables orateurs devaient donc savoir, tout
aussi bien que moi, que le montant total du tarif actuel est de 85 fr. 53 c.,
et non de 109 francs, comme ils l’ont avancé ; mais je trouve, malgré la
plus-value du sommier et l’augmentation du couvre-pied (faisant ensemble 3
francs 10 cent.) que c’est encore beaucoup trop cher, et cela tout à fait au
détriment du soldat, ce que j’ai voulu éviter en Belgique.
Quand j’ai dit que les honorables orateurs devaient
le savoir, je veux dire qu’ils devaient attendre de la bonne foi de celui qui
leur a remis des notes, de ne pas leur laisser ignorer les prix du marché
actuellement en cours d’exécution.
Un dernier reproche qui m’a été fait et qui, je
l’avoue encore, m’a causé quelque étonnement au premier abord, c’est celui qui
est relatif au prix de détail de détail de la couchette en fer, et dont le
montant dépasse de 3 fr. 30 cent, celui de 30 fr. que j’assigne à ces
couchettes.
Je vous ferai observer que ces prix de détail ont
été établis trois mois avant l’adjudication, et qu’alors les modèles que je
faisais établir et essayer, revenaient de 34 à 36 fr.
Je chargeai le maître serrurier que j’employais de
me dresser le devis exact de chaque pièce ; et comme je n’avais point d’autres
données pour vérifier ces calculs, que le prix courant du fer confectionné par
un serrurier, honnête homme d’ailleurs, et comme il fallait aussi que ces prix
fussent préalablement établis au cahier des charges, je ne pus faire autrement
que de les établir, comme ils l’ont été, et d’après les observations mêmes de
l’ouvrier, que les réparations et remplacements de détails coûteraient et
devraient nécessairement coûter, prises séparément, plus que dans une
fabrication en grand, puisqu’il y aurait le prix du montant et du démontage, et
celui de la pose à y ajouter.
Voilà, messieurs, la véritable cause de cette
anomalie ; elle provient de ce qu’au mois de mars je supposais que le prix de
la couchette devait être de 34 à 36 fr.
Et je sais maintenant pourquoi et comment me fut
remise, le jour même de l’adjudication, la soumission de M. L’Hoeste de Liége, qui offrait de fournir les lits à 25-75
pris sur place. Je sais aussi quelle espèce de fer il prétendait employer à
leur confection ; mais il me répugne d’entrer dans le détail des intrigues dont
j’ai été entouré.
J’aborde maintenant la véritable question, et je le
fais avec confiance, parce qu’éclairés comme vous l’êtes sur tous les détails
qui se rapportent à ce marché, vous êtes enfin à même de juger avec
connaissance de cause.
Si j’avais opté pour la seconde base
d’adjudication, j’aurais payé, pour la location, sans y comprendre la couchette
en fer, 17 fr. 97 c. ; mais faisant fournir la
couchette en fer au compte du soumissionnaire, vous ne pouvez pas vous refuser
à reconnaître que l’on doit payer un surcroît de prix.
L’honorable rapporteur de la section centrale, qui
a scruté avec une grande impartialité, et avec la justesse de vue qui lui
appartient, tout ce qui se rapporte à l’exécution du service des lits militaires,
vous a fait connaître qu’il approuvait le parti que j’avais pris, de faire
fournir les couchettes par l’entrepreneur.
Mais en les lui faisant fournir, vous ne
disconviendrez pas, messieurs, qu’il était juste de lui allouer une
augmentation de prix.
Ici, il y avait 600,000 fr. (écus) à débourser par
lui, pour frais de confection, de transport, de montage et démontage, de
vernissage et de peinturage et d’expertise.
Vous conviendrez encore que, pour un capital engagé
pour 20 ans, le taux raisonnable de l’intérêt ne peut être moindre de 6 p. c.
par an ; et je voudrais bien que les autres entrepreneurs bornassent là leurs
prétentions.
Ainsi, 6 p. c. sur 30 fr. font 1 fr. 80 c.
Je calculai ensuite qu’après 20 ans de service, ces
couchettes devant être reprises à dire d’experts, et la valeur intrinsèque du
fer pouvant, comme tout me porte à le croire, subir une grande diminution de
prix, ces couchettes ne pourraient valoir plus de 15 fr. ; répartissant cette
perte en 20 annuités, je portai comme perte réelle le vingtième de ces 15 fr.,
soit 0 fr. 75 c.
Et je trouvai, au total, 2 fr. 55 c., comme prix juste, raisonnable, à accorder en sus du prix
le plus bas demandé sans couchettes.
Ajoutant donc ces 2 fr. 55 c. à ce prix le plus bas
qui était de 17 fr 97 c., j’eus pour résultat 20 fr. 52 c., et la soumission
que j’acceptai ne portait que 20 fr. 50 c., c’est-à-dire 2 centimes de moins :
il y avait donc avantage, même sous ce dernier rapport, abstraction faite de
toute autre considération, d’accepter cette soumission.
Maintenant, messieurs, pour comparer le prix que
j’ai accordé en 1835, avec celui du marché français qui est sans couchette, il
faut nécessairement ôter du premier la partie relative à la couchette qui est,
comme je viens de le prouver, de 2 fr. 55 c. Reste donc 17 fr. 95 c.
M. Destombes demandait
fr. 17 97 (2 centimes de plus).
Ainsi la différence entre 17 fr. 95 et 15 fr. 24
c., n’étant plus que de 2 fr. 71 c., il me reste à prouver qu’elle est bien et
dûment motivée ; c’est ce qui ne m’est que trop facile à établir. Les faits
patents, positifs, les considérations les plus claires, les plus palpables, je
les avais exposés avec clarté, avec conscience, dans mon rapport du 15 de ce
mois ; mais les orateurs qui ont attaqué le marché n’en ont tenu aucune espèce
de compte, n’ont voulu y porter la moindre attention, n’ont pas daigné, je ne
dis pas les combattre, mais y faire la plus légère objection.
Ce n’est pas ainsi, messieurs, que s’établit une
controverse raisonnable et juste : sans donc entrer dans tous les détails du
rapport que je viens de citer, je me bornerai à vous dire que les clauses
onéreuses et pécuniaires que j’ai imposées de plus au dernier marché, sont :
1° Le loyer, aux frais de l’entreprise, de tous les
locaux, magasins, bureaux et logements des employés, qui lui sont fournis
gratis en France, avec luxe même, et entretenus aux frais du gouvernement. J’ai
prouvé que cette dépense devait être, pour les 10 places désignées et pour
celles que j’ai la faculté de désigner, de la somme de 35,000 qui, répartis par
lit, font une somme afférente de 1 fr. 75 c.
2° J’ai imposé le lavage annal des sommiers et le
renouvellement du foin tous les deux ans, tandis que, en France, l’un et
l’autre ne sont exigés que tous les cinq ans : je l’ai fait dans l’intérêt de
l’hygiène du soldat : cela constitue une dépense annate et par lit,de 55 c.
3° J’ai stipulé qu’il y aurait deux couvertures,
tandis qu’il n’y en a qu’une en France, et qu’elles seraient lavées et
foulonnées après 12 mois de service, ce qui constitue une autre dépense de 60
c.
Total, 2 fr. 90 c.
Voilà déjà, en ces trois articles, plus qu’il n’en
faut pour établir la compensation, puisque la différence n’est que de 2 fr. 71
c. Mais ce n’est pas tout, messieurs, et deux autres clauses sont encore plus
onéreuses pour l’entreprise.
La première est que je me suis réservé le droit de
placer les 20,000 lits comme je l’entendrais, pour le bien du service et je
puis les répartir dans nos 27 villes de garnison.
En France, la fixation des places est immuable ; si
le gouvernement veut l’augmenter, s’il veut en créer une nouvelle, il faut
qu’il avance les 2/5 de la dépense payable sur le vu des factures de
l’entreprise.
La seconde clause, messieurs, est la plus
importante de toutes ; c’est l’obligation imposée à l’entrepreneur de notre
service de fournir tous effets neufs et de la meilleure qualité : le choix de
la laine, qui compose le tiers du prix total des effets, lui est imposé en
rejetant celle d’Odessa.
Vous pouvez vous assurer de
la différence énorme des deux espèces mises sous
vos yeux. Mais en France l’entrepreneur a repris le matériel de l’ancien
service : il l’a trouvé sur place et tout rendu : il l’a eu à bas prix, à celui
d’expertise contradictoire : il a eu six ans pour le payer ; il l’a employé pour
les 2/3 de son nouveau service ; il a eu six ans entiers pour monter son
service, et, d’après les notes qui me furent remises à cette époque, je ne
crois pas, je le répète, que les effets de literie qu’il eut à fournir ne
revinssent à plus de 60 fr. par lit à une place : mais, dans la crainte de me
tromper, je porte ce prix au taux du tarif c’est-à-dire à 85 fr.
J’ai prouvé et je maintiens que les effets neufs de
literie ont coûté ici la somme de 103 francs ; différence 18 francs.
Or, messieurs, dans un capital engagé et tout sujet
à des détériorations et à des renouvellements successifs, le moindre taux
annuel que l’on peut y assigner, y compris l’intérêt commercial, est de 6 p. c. ; c’est 4 p.c. de bénéfice. Ce qui porte à 10 p. c. du
capital et fait 1-80 francs par lit, au détriment de notre entrepreneur et à
l’avantage de l’entreprise française.
Vous voyez donc bien que sous ce rapport encore,
comme sous tous les autres, j’ai su calculer les véritables intérêts de l’Etat.
Je tenais vivement, je vous le professe, à vous
prouver que dans cette affaire, comme dans toute autre, j’ai su discerner ce
qu’il était le plus convenable de faire pour assurer un bon service qui,
concilié, autant qu’il a été en moi, avec les intérêts bien entendus de l’Etat,
devait être l’unique objet de mes soins, en établissant ce nouveau mode de
couchage de nos sous-officiers et soldats.
M. Dumortier. -
A entendre les calculs de M. le ministre de la guerre,
M. le ministre ne m’a pas répondu, et il ne saurait
me répondre. Mes calculs sont positifs. J’ai établi que les fournitures faites
en France s’élevaient à la somme de 110 fr., et les fournitures faites en
Belgique à 77 fr. 20 c. Dès lors, si pour ces fournitures on paie en France 15
fr. 24 c. et en Belgique 24 fr., il est évident qu’on
paie en France 14 p. c. et en Belgique 24 p. c.
Remarquez que dans les calculs que j’ai faits, je
n’ai pas tenu compte d’un fond sanglé qui doit coûter 5 fr., et qui doit être
fourni en France par l’entreprise.
Je n’ai pas tenu compte non plus d’un couvre-pied
qui coûte 3 fr. 60 c.
Ici je dois rencontrer l’objection de M. le
ministre de la guerre : il a fait observer que la couverture ne pesait pas 10 kil. Je reconnais qu’elle pèse
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - 3 kil.
M. Dumortier. -
Le cahier des charges porte : « 5 kil. »
« La couverture en laine pesant neuve 4 à
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - C’est pour les lits à deux places.
M. Dumortier. -
Il est question des lits à une place dans le marché que je tiens en main.
Ajoutez à cela un couvre-pied qui doit peser un kilogramme et demi. En réalité
le soldat belge est moins couvert au lit que le soldat français, puisque la
couverture et le couvre-pied de celui-ci pèsent
Du reste ceci n’influe en rien sur le prix de la
valeur moyenne, puisque la valeur moyenne est, d’après le tarif français, de 24
fr., et de 20 francs d’après le tarif belge. L’entreprise française ne touche
que 44 p. c. non compris le couvre-pied et le fond sanglé tandis que
l’entreprise belge touche 24 p. c. du taux moyen.
Maintenant l’on peut faire ressortir les résultats
du mauvais marché conclu par M. le ministre de la guerre en le comparant avec
le marché conclu sous le gouvernement des Pays-Bas, alors que le soldat était
aussi bien couché qu’il le sera maintenant, ou en le comparant avec le marché
passé avec les villes. Sous quelque face qu’on l’envisage, le trésor est grevé
par suite de ce marché.
Pour contester la vérité de ces assertions, M. le
ministre de la guerre a établi des calculs d’où il résulterait que la société
française qui doit exploiter le couchage des soldats, aurait des charges plus
onéreuses que celles qui sont imposées en France à l’entreprise qui exploite le
même service. J’ai mis à charge de la compagnie, dit M. le ministre, les frais
de loyer des locaux. J’ai évalué ces frais à 35,000 fr., ce qui fait 1 fr. 75
cent. par lit. Je répondrai d’abord que si ce calcul
était exact, ce serait 35,000 fr. dont il aurait bien pu ne pas grever le
trésor public. En effet, il n’y a pas, dans les villes de garnison, des
établissements militaires qui ne contiennent un local pour le matériel du
couchage des troupes. Les locaux qui existent aujourd’hui auraient donc pu
suffire à l’entreprise, et nous n’aurions rien eu à donner à l’entreprise de ce
chef. Mais le calcul présenté à cet égard par M. le ministre est encore établi
sur des bases très fausses.
Il faut calculer, dit M. le ministre, que le loyer
des locaux nécessaires à l’entreprise lui revient à 1-75 par lit. Je prends
pour comparaison la ville de Tournay où il y aura 3,000 lits. Il faudra donc
payer 5,250 francs pour le loyer du local destiné à contenir ces lits. Or, je le demande à ceux qui connaissent la ville de Tournay,
est-il possible d’exiger à Tournay 3.000 francs pour le loyer d’un local, si
vaste que vous le supposiez ? A Bruxelles il y aura 4,000 lits. Cela fera
7,000 francs de loyer d’après les calculs de M. le ministre. Cela est
réellement exorbitant. C’est avec de pareils calculs que l’on croit repousser
les justes attaques dont le marché en discussion a été l’objet. Tout cela ne
sert qu’à prouver combien le marché est mauvais puisque l’on est obligé de
recourir à de pareils moyens pour le défendre.
Ce que je viens de dire sur l’exagération d’une
base du tarif, doit faire supposer que les autres bases sont également
exagérées. Tout le monde sait qu’en France et en Belgique les compagnies qui
font des marchés avec le gouvernement sous-traitent avec des entrepreneurs
locaux pour l’entretien des fournitures.
Savez-vous combien ces compagnies donnent pour cet
entretien ; 3 francs par lit, 4 francs tout au plus ; et, dans les localités
les plus importantes, 5 francs. Les frais dont vient de parler M. le ministre
de la guerre feraient déjà la somme que l’on donne aux sous-entrepreneurs. Vous
voyez donc combien les calculs de M. le ministre sont erronés. Cela est
incontestable.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je conteste cela.
M. Dumortier. -
Je crois que notre devoir nous impose l’obligation de ne pas passer légèrement
sur un marché aussi onéreux. J’ai établi par des chiffres que l’on ne pourra
jamais contester qu’en Belgique le gouvernement paiera un tiers de plus par lit
qu’en France, et pourtant tout devrait concourir à rendre le marché moins
onéreux en Belgique qu’en France. Chez nous, nous ne payons pas 20 pour cent
d’entrée pour la toile comme en France. On l’achète sur place. La laine est
également à meilleur marché chez nous. Le prix moyen de la literie complète en
France, comparé au prix moyen en Belgique, offre une grande différence, car il
est de 110 francs dans le premier pays et de 75 chez nous.
Nous avions donc lieu d’espérer que M. le ministre
de la guerre aurait obtenu un couchage aussi bon qu’en France pour le soldat,
pour une dépense moindre d’un quart qu’en France. Bien loin de là, nous
paierons un tiers plus de ce que l’on paie en France. Si vous multipliez par le
nombre de lits, cela fait plus de 100,000 fr. par an indépendamment des
réductions que nous avions le droit d’espérer si M. le ministre de la guerre
avait pris des mesures pareilles à celles qu’il a prises en France. De plus, ce
n’est pas une opération d’une seule année. C’est une opération de 20 ans ; ce
qui forme, pour le trésor public, un préjudice de 2,000,000,
bénéfice qui en résultat, sera plus considérable pour la société, car les
sociétés commerciales calculent non seulement l’intérêt mais l’intérêt composé
de toute opération.
Cette somme de 2,000,000 produira en définitive a l’entreprise un bénéfice
de 4 à 5 millions, qui constituera une véritable perte pour le trésor public.
Quant à moi, je ne puis donner mon assentiment au marché. Je ne veux pas
présenter un amendement tendant à diminuer le chiffre demandé pour le
casernement. Nous avons un devoir à remplir avant tout. C’est de nommer une
commission pour examiner le marché, et vous présenter un rapport sur cet objet
important. C’est dans ce sens qu’une proposition a été déposée sur le bureau.
Elle ne me paraît pouvoir donner lieu à aucune discussion, ni aucune opposition
de la part du ministre lui-même. Si ce marché est aussi avantageux qu’il
l’assure, il doit désirer que l’évidence en soit démontrée à toute l’assemblée.
Le moyen que nous proposons est le seul qui puisse être admis si l’on veut ne
pas porter préjudice au trésor public. Car nous ne pourrions voter le chiffre
demandé au budget, que pour prouver la confiance que nous avons dans M. le
ministre de la guerre.
Il vaut mieux que nous suspendions toute résolution
jusqu’à ce qu’il ait été fait un examen approfondi du marché même ; dans le cas
où il serait reconnu, comme c’est mon opinion, que le marché est onéreux pour
le trésor public, il y aurait lieu pour la commission de présenter des
conclusions à l’effet d’aviser aux moyens de léser le moins possible les
intérêts de l’Etat compromis par le mauvais marché qu’aurait passé M. le
ministre de la guerre.
M. le président. -
Une proposition a été déposée sur le bureau ; elle est ainsi conçue :
« Les soussignés, membres de la chambre des
représentants, proposent à la chambre de nommer au scrutin une commission de 7
membres pour examiner la question des lits militaires et présenter des
conclusions s’il y a lieu.
« Doignon, A. Rodenbach, Raymaeckers, Dubus,
de Longrée, B…, Gendebien, (Erratum
inséré au Moniteur belge n°21, du 21 janvier 1836) Scheyven, Mast de Vries,
Bekaert, Beerenbroeck, Dumortier, Verdussen, Desmaisières, Quirini,
Bernard Dubus, Jadot, Vergauwen.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - J’accepte avec grand plaisir
toute investigation qu’une commission nommée par la chambre pour faire sur le
marché. Je suis convaincu que j’ai agi avec la conscience des véritables
intérêts de l’Etat. Cependant je dois dire que je ne puis laisser sans réponse
les nouvelles observations de l’honorable préopinant. S’appuyant toujours sur
le taux moyen des deux marchés, il a raisonné de la différence qui existe entre
le taux moyen de 77 fr. adopté dans le tarif du marché belge et celui de 110 fr.
qui résulte du marché français. Mais c’est dans ce taux de 110 fr. que consiste
le bénéfice de l’entrepreneur français ; la fixation de ce taux tient à des
intrigues dont il serait trop long de dévoiler les menées.
Moi, pour ma part, j’aurais
voulu pouvoir réduire le taux moyen en Belgique de 77 à 50. Mais en France, un
ministre honnête homme, M. de Clermont-Tonnerre, voyant que la religion de son
prédécesseur avait été trompée et que le taux moyen de la literie complète
aurait pu être fixé à 80 fr., au lieu de 110, voulut diminuer les bénéfices de
l’entreprise en l’obligeant à fournir le sommier et le couvre-pied, ce qui
augmenta la dépense de la compagnie de 2 fr. pour chaque literie. C’est ainsi
qu’il réduisit le taux moyen du marché du 21 mai 1826, au prix que j’ai
indiqué, qui est de 85,35 c., taux encore trop élevé
cependant.
L’honorable M. Dumortier a dit encore : mais
pourquoi paie-t-on plus cher pour chaque lit, d’après le marché actuel, que
l’on ne payait sous le gouvernement précédent ou dans les marchés passes avec
les villes qui recevaient 10 centimes par lit ? Cela se conçoit. Autrefois les
soldats couchaient deux à deux. Maintenant nous les faisons coucher seuls. Il
faut plus de matière pour deux lits à une place que pour un lit à deux places. Ensuite,
d’après nos conditions, les objets fournis doivent être de bien meilleure
qualité que sous le roi Guillaume. De plus, il
y a double blanchissage, lessivage, etc. Je pose un fait qu’en payant 20
fr. 75 c. pour une literie complète sur couchette en fer, nous payons moins que
lorsque l’on payait aux villes 18 50 c. pour chaque lit à coucher deux. Il y
avait dans ce marché plus d’avantage pour les régences qu’il n’y eu a pour
l’entreprise actuelle.
Je bornerai là ma réponse aux observations de
l’honorable M. Dumortier. Mais
je termine en déclarant que j’adhère avec plaisir à la nomination d’une
commission. J’espère pouvoir faire mieux partager ma conviction à cette
commission parce qu’elle examinera et comprendra mes calculs avec plus de
facilité que ne peut le faire une grande assemblée délibérante.
M.
Dumortier. - J’ai peu de chose à ajouter. J’ai omis de présenter une
considération qui me paraît très importante. M. le ministre de la guerre vous a
dit qu’il avait exigé des entrepreneurs qu’ils fournissent des objets
entièrement nouveaux, tandis que dans le marché français on a permis à la
compagnie de reprendre une partie de matériel. Je demanderai cc que l’on entend
faire du matériel existant. Il appartient à l’Etat. Il me semble que l’on
aurait dû faire reprendre, au moyen d’une expertise, par la compagnie
exploitante, tout ce qui aurait été reconnu en état de servir.
M. Gendebien. -
M, le ministre pourra répondre au sein de la commission ; l’important
maintenant est de la nommer.
M.
Verdussen. - Après une discussion aussi longue que celle qui a eu lieu
dans cette enceinte, à l’occasion du marché des lits de fer, j’avais été très
étonné de voir que l’on allait passe aux voix sur le seul article où il fût
permis de présenter des amendements par lesquels on pût retrancher au ministre
quelque chose pour le mauvais marché qu’il avait conclu. Il avait été annoncé que
des amendements seraient proposés. L’honorable M. Gendebien avait même dit
formellement qu’il en présenterait un. J’avais attaqué le marche conclu par M.
le ministre sous le rapport des lits de fer seulement ; d’autres membres ont
traité la question des 20 années de durée, d’autres ont attaqué la fourniture
du couchage, question que je n’ai pas examinée.
Lorsque l’on serait venu au vote, je me trouvais
dans une perplexité extrême. Je voulais connaître la portée de mon vote. Je
voulais savoir si en refusant le crédit demandé, je renverserais le marché ou
si je renversais M. le ministre. Je dis franchement ma pensée ; je voulais
savoir ce que je ferais en votant. Je voulais annuler le marché. Mais je ne
voulais pas renverser le ministre. J’aurais été forcé de ne pas voter et de
m’abstenir parce que je ne savais pas ce que je faisais.
Dans cette altercation je dois donc désirer qu’il
ne soit pas voté sur le chiffre en discussion avant que l’examen de la
commission n’ait eu lieu. En effet, dans l’opinion où je suis que le marché est
mauvais, si mon vote négatif devait annuler le marché, je voterais à l’instant
même dans ce sens. Mais j’hésiterais si mon vote devait compromettre
l’existence au ministère d’un homme aussi capable que M. le ministre de la
guerre. Je pourrais lui accorder le chiffre parce que les considérations
morales qu’il a fait valoir ont pu être plus fortes pour lui que la question
d’argent.
Je propose donc de commencer par nommer la
commission et de ne voter le chiffre en discussion que quand elle aura présenté
son rapport.
M.
Gendebien. - J’avais en effet annoncé que je présenterais un
amendement. Mais l’impossibilité de s’entendre sur le contenu de cette
proposition m’a engagé à me rallier à la nomination d’une commission. J’aurais
voulu combiner les éléments de mon amendement avec ceux de M. Dumortier. Mais
l’honorable membre n’était pas présent à la séance. Je pense comme l’honorable
M. Verdussen que nous ne pouvons adopter le chiffre demandé au budget, pour le
casernement des troupes, avant de connaître les conclusions de la commission
que la chambre paraît être d’accord à nommer.
J’adresse bien sincèrement mes félicitations à M.
le ministre de la guerre sur son adhésion à notre proposition. Tout ministre
doit se soumettre aux vœux de la chambre et ne pas reculer devant ses
investigations.
Si au sujet du malheureux marché de Hambroek, un ministre belge avait montré une aussi louable
condescendance aux désirs exprimés par l’assemblée, ce marché n’aurait pas
acquis une triste célébrité et aurait été flétri à jamais dans l’opinion
publique.
M. Verrue-Lafrancq
demande la parole.
M.
Gendebien. - Je ne m’oppose pas à ce que l’honorable M. Verrue-Lafrancq
parle d’autant plus que, comme partie intéressée dans le marché, il est à même
de nous donner des renseignements qui ne peuvent qu’éclaircir la question. Mais
il me semble que nous pourrions, à moins qu’il n’insiste, suspendre les débats
jusqu’à ce que la commission nous ait présenté ses conclusions.
M.
Verrue-Lafrancq. - Je comptais parler non pas sur les chiffres (j’ai
déjà dit que parce que je suis intéressé dans l’entreprise, je veux m’abstenir
sur la discussion) ; je voulais seulement repousser des insinuations
personnelles qu’on m’a adressées ; mais puisque la
chambre paraît vouloir nommer une commission, je ne m’opposerai nullement à
cette nomination et ajournerai ma réponse, et je serai toujours prêt à donner à
la commission tous les renseignements qu’elle pourra désirer.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de nomination
d’une commission.
M. Liedts. - Si
l’ai bien compris la proposition, elle consiste à faire nommer une commission
au scrutin. Ne vaudrait-il pas mieux, pour éviter une perte de temps
considérable, faire nommer cette commission par les sections ? Vous savez
combien la nomination de 7 membres, à la majorité absolue, peut se prolonger.
M.
Verdussen. - Pour éviter l’inconvénient d’une perte trop grande de
temps, l’on pourrait nommer les membres de la commission à la majorité
relative. (Non ! non !)
Je demande la division de la proposition.
- La chambre décide qu’une commission sera nommée à
l’effet d’examiner le marché des lits de fer.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Puisque la chambre vient de
décider qu’une commission sera nommée pour examiner le marché des lits de fer,
il me semble qu’il conviendrait de faire nommer cette commission par les
sections. Vous savez que, par la voie du scrutin, il faut qu’il y ait majorité
absolue. Le reste de la séance peut être absorbé par cette opération. Je ne
fais cette proposition que pour éviter une perte de temps à la chambre.
M. de Jaegher.
- Je dois faire observer qu’en faisant nommer les membres de la commission par
les sections, on s’expose à avoir des doubles emplois. Il pourra se faire que
le même membre soit nommé par plusieurs sections.
Plusieurs
voix. - Non ! non !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Chaque section devra nommer un membre pris
dans son sein.
M. Dumortier. -
Il ne faut rien changer à la proposition. La raison en est qu’il peut se
trouver qu’une section ne renferme pas de spécialité qu’on puisse nommer membre
de la commission et qu’une autre en en renferme trois ou quatre. Qui sait même
si tous les membres qui se sont occupés de cette question ne se trouvent pas
dans la même section ? Je demande que la commission soit nommée par la
chambre. La question est assez grave pour occuper la chambre une demi-heure.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je persiste dans ma proposition. Je ne crois
pas qu’il faille des spécialités pour composer la commission, mais seulement
des personnes capables de comparer quelques calculs, ce qui est très simple
quand on a les pièces sous les yeux. Ma proposition me paraît utile en ce
qu’elle ménagera un temps précieux. Je demande, en conséquence, qu’elle soit
mise aux voix concurremment avec celle de M. Dumortier.
M. le président. -
La discussion ayant été demandée, je vais d’abord mettre aux voix la nomination
d’une commission de sept membres pour examiner la question des lits militaires
et présenter des conclusions, s’il y a lieu. Je mettrai ensuite aux voix le
mode de nomination.
- La proposition de nommer une commission de sept
membres, pour examiner la question des lits militaires, est adoptée.
La chambre décide ensuite que cette commission sera
nommée par elle, que la nomination sera faite à la majorité absolue, et qu’il y
sera procédé immédiatement.
On procède au scrutin dont voici le résultat :
Nombre des votants, 70.
Majorité absolue, 36.
M. Brabant a obtenu 52 suffrages, M. Fallon
MM. Brabant, Fallon et Verdussen ayant seuls obtenu
la majorité absolue, sont proclamés membres de la commission
Il est procédé à un second tour pour la nomination
des quatre autres membres.
Voici le résultat de ce scrutin :
Nombre des votants, 68.
Majorité absolue 35.
M. Dubus aîné a obtenu 51 suffrages, M. Mast de
Vries
MM. Dubus aîné, Mast de Vries, Desmaisières et
Gendebien, ayant réuni la majorité absolue, sont proclamés membres de la
commission.
En conséquence, la commission se trouve composée de
MM. Brabant, Fallon, Verdussen, Dubus aîné, Mast de Vries, Desmaisières et
Gendebien.
M. le président. -
J’invite MM. les membres de la commission qui vient d’être nommée, de
s’entendre pour se faire convoquer quand ils le jugeront convenable.
- L’assemblée paraît disposée à lever la séance.
La discussion du budget de la guerre est renvoyée à
demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.