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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 15 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à une union douanière avec
le Zollverein (David), ouvrage consacré à l’ophtalmie militaire
2) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836.
Discussion générale. Comptabilité militaire, comptes spéciaux (masse
d’habillement), marché militaire (lit en fer), organisation du génie (de Puydt), marché militaire (lit en fer) (Gendebien, Evain), comptes
spéciaux (masse d’habillement), rations de fourrage (Jadot,
Evain) ; marché militaire (lits en fer) (Gendebien, de Puydt, (+abus dans
les dépenses militaires) Dumortier), équilibre des
budgets (F. de Mérode), évolution des dépenses
militaires (de Puydt), équilibre des budgets, dette
publique, évolution des dépenses militaires, marché militaire (lits en fer) (d’Huart), marché militaire (lits en fer), comptabilité
militaire (vente de biens militaires) (Mast de Vries, Evain), rations pour fourrage, équilibre des budgets, dette publique,
abus dans l’armée (Dumortier, d’Huart,
Dumortier), comptes spéciaux, position des officiers,
cantonnements (masse d’habillement) (Brabant)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°16, du 16 janvier 1836)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente
; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les membres de la commission de l’école
vétérinaire de Liége demandent que la chambre adopte une loi sur la médecine
vétérinaire qui consacrerait l’institution d’un jury d’examen. »
« Plusieurs négociants de Liége demandent l’adoption
de la loi sur les poids et mesures, et demandent l’addition d’une division
multipliée par quart, 8ème, 16ème, 32ème, etc., du kil. »
_________________
« Les tanneurs de Stavelot et de Clervaux
(grand-duché) demandent l’association de
_________________
M. David. - Parmi
les pétitions dont vous venez d’entendre l’analyse, il en est deux que j’ai été
chargé de déposer à votre bureau, celles de Stavelot et de Clervaux.
Ces deux pétitions, signées, la première par tout
ce qu’il y a de négociants à Stavelot, et la deuxième par les notabilités de
Clervaux, ont un même but, c’est celui d’appeler l’attention du gouvernement
sur la nécessité urgente qu’il y a de traiter avec
Je ne me dissimule pas les obstacles qua vont
surgir lorsqu’on abordera l’immense question de la réunion, mais je remplis un
devoir en exprimant ici les vœux de deux populations qui depuis longtemps ont
compris leurs véritables intérêts. Lorsque toutes les industries de
Je finis en demandant que vous vouliez bien
ordonner, comme pour les pétitions de Liége et de Verviers, l’impression des
pétitions de Stavelot et de Clervaux au Moniteur
et leur renvoi à la commission des pétitions.
- La proposition de M.
David est adoptée ; en conséquence, la chambre ordonne l’insertion au Moniteur de la pétition des tanneurs de Stavelot
et de Clervaux, et son renvoi à la commission des pétitions avec invitation
d’en faire un prompt rapport ; les autres pétitions sont également renvoyées à
la commission des pétitions.
_________________
M. le ministre de la guerre
(M. Evain) transmet cent exemplaires d’un ouvrage du docteur allemand Burkard, sur la nature de l’ophtalmie qui a régné dans
l’armée, ouvrage qu’il a fait traduire en français et distribuer à tous les
médecins militaires. La distribution de cet ouvrage aux membres est ordonnée.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion générale
M. de Puydt, rapporteur.
- J’avais bien raison de dire hier que les explications fondées sur des
chiffres ont besoin d’être examinées dans le silence du cabinet, et qu’il est
difficile d’en apprécier le mérite à une première lecture entendue au milieu
des discussions d’une assemblée.
Depuis deux jours, plusieurs questions importantes
de comptabilité militaire sont débattues devant nous, et j’ai cru de bonne foi
jusqu’à ce matin que ces questions étaient neuves et nécessitaient de nouveaux
éclaircissements, des développements qui ne nous auraient pas encore été
donnés. Je me suis trompé.
Dans ce qui a été dit hier, rien ne nous est ou ne
devrait nous être étranger, car chaque année nous nous sommes occupés des mêmes
matières.
Le mode de comptabilité militaire a été dans cette
chambre l’objet de tant d’observations depuis trois ans, qu’il reste peu à dire
pour ceux qui n’ont pas encore parlé, et qu’il devrait rester peu à apprendre
pour ceux qui ne connaissaient pas cette comptabilité.
Je m’étonne donc de voir reproduire à chaque budget
nouveau précisément les mêmes observations sur l’application détaillée des
dépenses des corps ; sur la solde et l’entretien des hommes, sur les
fournitures, les masses, les remboursements des avances.
Dans la discussion des premiers budgets de la
guerre, les honorables rapporteurs qui m’ont précédé, et d’autres membres de
cette assemblée, ont donné des éclaircissements sur les avances pour masses
d’habillement par exemple, et sur le mode de recouvrement de ces avances. Le
système suivi à cet égard et qui est fondé sur des règlements en vigueur pour
nous, depuis vingt ans et plus, est extrêmement simple, et rien n’y a été
innové. D’où vient cependant que depuis 1833 les mêmes questions ont été
faites, les mêmes explications données et toujours en vain ; car, chaque année,
la démonstration est à recommencer. D’où cela vient, messieurs ? de ce qu’on n’étudie pas les règlements ; de ce que la
matière étant plus ou moins étrangère à ceux qui s’en occupent, les
explications glissent et ne pénètrent pas ; de ce que nous avons une jeune
armée, dont les chefs de corps sont des hommes nouveaux comme chefs de corps ;
de ce que les chefs d’administration sont à leur début dans l’apprentissage de
détails plus ou moins compliques, d’obligations plus du moins importantes.
Cela vient surtout de ce qu’une foule d’esprits
inquiets, mus par des sentiments d’envie plutôt que
par l’instinct du bien, excités par l’effet d’espérances déçues, d’ambitions
trompées, s’agitent autour des hommes chargés d’une responsabilité quelconque pour
scruter leurs moindres actions, et vont frapper à toutes les portes pour
dénoncer des abus que le plus souvent on ne peut préciser, et dont rarement on
administre la preuve.
Cela vient enfin de ce que quelquefois aussi des
abus réels résultant du désordre inséparable de l’origine de notre existence
politique, se sont introduits dans l’administration publique, moins par erreur
de principes que par erreur d’application.
Je ne veux pas ici, messieurs, me constituer le
défenseur des fausses mesures qu’on aurait parfois prises : je suis convaincu
qu’il y a eu beaucoup de fautes commises ; je dirai plus, je serais très étonné
qu’il en fût autrement eu égard aux circonstances.
Mais je crois devoir vous engager à vous mettre en
garde contre cette tendance malheureusement trop naturelle à désespérer de
notre administration militaire, parce que des faits particuliers auraient
signalé l’hésitation des premiers pas de nos hommes d’Etat. Je vous prie de
croire surtout que l’administration militaire n’a rien que de très simple, et
qu’avec un peu d’esprit d’ordre on peut en comprendre tout le mécanisme :
partout et à chaque pas vous pouvez en saisir la marche.
Hier, on a parlé du décompte des hommes : ces
décomptes sont incomplets ou mal tenus, dit-on. Eh bien, je ne voudrais pas sur
un pareil fait demander des explications à un ministre, mais j’arrêterais un
soldat dans la rue et le lui demanderais son livret ; j’en prendrais note, et
j’irais vérifier le compte au dépôt du corps. Dans mille autres circonstances,
j’agirais d’une manière analogue, et je voudrais par ma propre expérience,
après avoir étudié les règlements, en contrôlez pour ainsi dire l’application.
Messieurs, prévenons le mal par la critique des
dispositions législatives et réglementaires qui, régissent l’administration
plutôt que par la discussion des détails d’exécution ; et assurons-nous que ces
mêmes dispositions peuvent réellement produire le bien. Enfin ce bien lui-même,
s’il existe, reconnaissons-le par meure d’encouragement.
Pour ne pas sortir de l’exemple que j’ai déjà
choisi, examinons en quoi sont compromis ou garantis les intérêts d’un soldat
sous le rapport de son entretien, car on à critiqué cette partie de
l’administration.
Les effets d’habillement du soldat belge n’ont pas
comme ceux du soldat français une durée fixée après laquelle on les renouvelle.
C’est le soldat qui les paie au moyen d’une retenue
sur sa solde. Il en résulte qu’un homme soigneux est toujours au courant,
tandis que celui dont le compte est arriéré, l’est par sa faute. L’intérêt
particulier se trouve donc ici intimement lié à des idées d’ordre et de bonne
conduite ; cet intérêt tend évidemment au bien-être moral du soldat. D’un autre
côté, comme les congés s’accordent de préférence à des hommes dont la masse est
libérée, il s’ensuit que cette bonne conduite trouve par là une récompense de
plus.
Les retenues pour liquider les masses ne dépassent
le taux ordinaire que quand l’homme doit plus que la valeur des effets qu’il
possède.
Il est juste alors que l’on cherche à obtenir une
garantie ; et, dans ce cas, il est fait sur ce qu’on appelle le denier de
poche, c’est-à-dire la partie libre de la solde, un prélèvement dont le maximum
est de la moitié et le minimum d’un tiers selon la gravité des
circonstance.
On voit donc que si d’un côté il y a intérêt pour
le soldat d’être soigneux dans la conservation de ses effets, de l’autre il y a
garantie pour l’Etat que les moyens de remboursement augmentent à mesure de
l’augmentation des avances.
L’armée belge ayant été spontanément créée, et sans
qu’il existât aucun matériel antérieur à sa formation, les avances à faire pour
établir les approvisionnements ont dû être considérables dès les premières
années, et l’inexpérience des chefs des corps à pu contribuer à accroître la
dette de ces corps envers l’Etat. Jamais, néanmoins, ces avances n’ont été
compromises. Il y a seulement à faire ici la part des circonstances quant à
l’accumulation des dettes.
Mais la question de ces remboursements se présente
sous un autre aspect de forme seulement.
On a demandé plusieurs fois ce que les rentrées
étaient devenues et pourquoi elles n’avaient pas figuré aux divers budgets de
recettes : moi-même j’ai précédemment provoqué des explications sur cet objet,
mais il y a longtemps que j’ai considère la question comme vidée.
Ces rentrées ont formé des réserves dans les
caisses des corps, lesquelles, mises par ordre du ministre à la disposition de
ces corps pour être employées à la solde, sont venues ensuite par un revirement
s’accumuler en réserves totales avec les fonds du budget de chaque année. La
chambre a autorisé ensuite le ministre par différents transferts à appliquer
ces fonds à des dépenses nouvelles.
Je n’ai plus vu, après ces explications, dans cette
mesure, qu’une irrégularité d’écritures rectifiée par la législature,
irrégularité qui ne peut plus se reproduire, parce que les mêmes circonstances
ne se représenteront pas.
Mais, messieurs, pour avoir tout apaisement sur
cette question, j’ai été plus loin, je me suis livré à un plus long travail ;
j’ai examiné le compte rendu par le ministre de la guerre du montant des
crédits alloués depuis plusieurs années el de la situation des masses
d’habillement et d’entretien, et c’est après avoir eu la patience de contrôler
les calculs, en vérifiant les données d’après les budgets, en suivant les
allocations dans leurs applications respectives, et en admettant comme réels
les approvisionnements existants ; c’est, dis-je, après cette investigation que
je me suis convaincu de l’état satisfaisant de cette partie de l’administration.
Je considérerai donc comme très hasardées toutes observations qui ne
reposeraient pas sur un pareil examen. Car ces observations il était permis de
les faire sous forme dubitative avant la production des comptes. Aujourd’hui,
il n’est plus permis que de venir argumenter des comptes eux-mêmes.
Une autre question assez importante, c’est celle du
marché des lits militaires. Je ne puis me défendre de faire ici une remarque
critique, c’est que l’on envisage moins la mesure dont il s’agit sous son point
de vue d’utilité, que sous celui d’un mince intérêt de détail.
Il y a longtemps que nous devons être tous
convaincus de l’urgente nécessité de pourvoir au couchage du soldat. J’ai été,
sinon le premier, au moins des premiers à signaler ici les abus de cette partie
du service ; il y a deux ans et plus, je vous ai fait part des plaintes sans
nombre qui retentissaient de tous côtés sur le mauvais état du couchage dans
plusieurs de nos places ; je vous ai peint les soldats, n’ayant, pour toutes
literies que des paillasses trop étroites, des couvertures et des draps plus
étroit encore ; je vous ai lu des passages de divers rapports de quinzaine de
chefs de corps ; dans ces rapports on attribuait une partie des maladies
auxquelles les troupes sont exposées à l’état du casernement.
J’ai désigné des régences qui malgré leur incurie,
leur indifférence pour le bien-être des hommes, prélevaient néanmoins la
totalité de la retenue de 4 cent. par homme, tandis
qu’elles ne livraient à la troupe que des demi-fournitures en mauvais état.
Une commission dont j’ai été le rapporteur a
exprimé le vœu que le gouvernement prît des mesures pour l’établissement d’un
service de lits militaires.
Eh bien, aujourd’hui ce vœu s’est accompli, et a peine a-t-on pourvu par une mesure salutaire à faire
cesser un désordre si blâmable que de prime abord on attaque cette mesure pour
demander la résiliation du marché.
Quant à moi, la première pensée qui m’est venue a
été de me réjouir de ce que nos soldats allaient enfin sortir de l’état de
misère ou ils étaient plongés.
La première chose qui m’a frappé c’est le bien qui
sera opéré.
Les inconvénients possibles du marché ! je n’y ai songé qu’après.
Mais ces inconvénients, en quoi consistent-ils ? De
longs débats ont été ouverts devant le public, des calculs échangés, appuyés,
contredits, et appuyés de nouveau. Et quand on considère la fin vers laquelle
tendent ces débats, on ne les comprend plus.
Le ministre a passé un marché dans une forme plutôt
que dans une autre. Mais ces deux formes différentes, il les avait proposées
lui-même, il en avait calculé les résultats. Toutes deux présentent des
avantages et des inconvénients ; il a choisi celle où la balance lui a paru en
faveur des avantages. Il a usé de son droit, il l’a fait sous sa responsabilité.
A entendre tout ce que l’on oppose à ce marché, il
semblerait que la différence de résultats doit être énorme, et que l’intérêt
public est gravement compromis. Eh bien, loin de cela ; les calculs que l’on
fait offrent si peu de certitude, que la différence accusatrice ne repose plus
que sur une hypothèse.
Un honorable orateur a dit : Ce qui fait l’objet de
la contestation, c’est la différence entre un intérêt de 22,000 fr. qu’aurait
payé le gouvernement pour être propriétaire de lits, et une rente de 57,000 fr.
qu’il paie à l’entrepreneur actuel.
Moi aussi je dis que c’est là le point auquel tout
cela se réduit ; mais comme le calcul repose ici d’une part sur l’assertion que
l’intérêt de l’achat ne serait que 22,000 fr., ce qui est contestable, et que
d’autre part on omet les frais annuels, les pertes, les renouvellements, les
frais d’administration et de surveillance, et le bénéfice de l’entrepreneur, il
est donc bien permis de croire que, par les frais divers, la différence est
nivelée. Il n’y a donc rien de positif, rien d’assurer, rien de clairement
démontré dans les assertions contraires au marché ; et pour que nous,
représentants, prenions la tâche d’entrer dans des détails d’administration. Il
faut que nous ayons devant les yeux des faits et des calculs incontestables.
Messieurs, le gouvernement n’a déjà que trop
d’attributions qui ne lui conviennent pas ; à quoi bon vouloir qu’il devienne
propriétaire de lits militaires ! n’est-ce pas assez
de l’avoir fait entrepreneur de travaux publics, commissionnaire de roulage et
directeur de diligences ? Vous verrez plus tard si vous n’aurez pas à vous
repentir de l’avoir aidé à entrer dans cette carrière qui ne lui convient en aucun manière, et vous vous applaudirez alors de ne l’avoir
pas poussé plus avant dans des détails auxquels il ne convient pas qu’il se
livre.
Si le ministre, en choisissant un mode plutôt qu’un
autre s’est trompé, il l’a fait de bonne foi. Il vous a exposé, dès le premier
jour, tous ses motifs ; il vous a démontré ses résultats par des calculs où il
n’a rien celé ; à ne voir la question que dans ces chiffres, elle ne me
présente pas de doutes, et je crois, sous le rapport du mode, l’opération
justifiée.
Mais si la question est ailleurs, si au fond de
tout cela il y a des torts qu’on ne dit pas, alors qu’on s’explique, car nous
ne devons pas nous arrêter à des insinuations, il nous faut des faits positifs
et clairement établis.
Je veux aussi des économies, messieurs, mais je
m’attache moins à des économies de détail, qu’à des suppressions de dépenses,
parce que les économies de détail ne sont pas de notre ressort. Ce n’est pas à
nous qu’il appartient de dire que pour tel objet il faut payer une somme plutôt
qu’une autre, puisque nous ne sommes responsables ni du choix de l’objet ni de
sa qualité ; mais il nous appartient de dire : Telle dépense est inutile ou
superflue, et nous ne voulons pas qu’on la fasse. C’est d’après ce principe que
j’ai, en différentes circonstances, proposé des réductions dans plusieurs
natures de dépenses.
J’ai tourné et retourné le budget en cent manières.
L’année dernière, j’en ai changé en partie la forme, je l’ai pour ainsi dire
pétri de mes mains ; j’en ai contrôlé tous les détails, j’ai scruté les
situations de quinzaine des corps, j’ai calculé toutes les journées de
présence, j’ai compté les officiers un à un ; eh bien, je déclare qu’à moins de
mutations extraordinaires pour le courant de l’exercice, je n’y trouve aucune
autre réduction à faire que celles proposées par la section centrale.
Quant aux améliorations à introduire dans
l’organisation, j’ai émis quelquefois l’opinion que des lois devraient fixer
les cadres et la formation des corps ; je partage encore cette opinion
aujourd’hui, mais je reconnais la nécessite de l’ajourner,
Je dirai plus, je me garderai bien de pousser
jamais la chambre à accumuler sans nécessité absolue plus de besogne qu’elle
n’en a maintenant. La législature n’aurait pu d’ailleurs s’occuper de ces
points nombreux avec la maturité convenable, et si la formation successive des
corps présente des défauts, si l’expérience démontre, comme cela est assez
probable, la nécessité d’y apporter des modifications, si en définitive des
lois deviennent indispensables pour consacrer les principes d’organisation de
chaque arme, ces lois devront se rattacher à une souche unique, à une loi
constituante qui n’existe pas encore sur l’organisation générale de l’armée.
Dans cette position, et convaincu comme je le suis que nous ne pourrions faire
en ce moment que de mauvaises lois sur ces matières, il est infiniment
préférable de s’en rapporter au gouvernement pour des institutions que
l’expérience nous permettra plus tard de modifier, si tant est que cela soit
jugé utile.
Souvent on repousse les règlements quand on les
invoque ici à l’appui des mesures que l’on prend. On dit que le gouvernement,
qui les fait, peut les défaire A cet égard, il y a beaucoup à dire. En
Belgique, comme en France, la presque totalité de la législation militaire
repose sur des règlements. C’est sur des règlements que se fonde la discipline,
l’âme d’une armée. C’est par des règlements que sont fixées les attributions
des corps et la division du travail dans les différentes parties du service.
C’est par des règlements que sont établis les principes si clairs, si bien
coordonnés, dont se compose l’instruction sur les manoeuvres,
considérée jusqu’ici comme un chef-d’oeuvre. Des
règlements prescrivent tous les détails de la comptabilité, et les moindres
spécialités des divers services en temps de paix comme en temps de guerre.
C’est par eux que l’on donne un esprit unique à des milliers d’hommes, qu’on
les dirige vers le but et qu’on les mène au combat. Rien n’est légal, si l’on
veut, dans l’organisation militaire, mais tout est nécessaire.
Le budget de la guerre absorbe moitié des ressources
du pays. C’est vrai, mais une telle charge vaut bien la peine qu’on examine
avec quelque soin le mécanisme du service militaire avant d’en contrôler les
dépenses.
C’est une étude spéciale à faire, mais je crois que
cette étude est un devoir au moins pour ceux qui critiquent ou qui veulent
s’ériger en réformateurs, et je malheureusement que c’est l’ignorance des
détails du service qui nous entraîne ici dans ces longueurs interminables de
discussion presque toujours sans objet.
Avant de terminer ces observations, je me trouve
tout naturellement ramené au débat qui s’est élevé hier entre un honorable
membre de l’assemblée et moi. Je ne veux pas étendre davantage ce débat sous le
rapport de la question de principes.
J’ai dit à cet égard tout ce qu’il était permis de
dire devant une assemblée délibérante. Le reste ne devrait être agité que dans
des comités d’hommes spéciaux, parce que, pour discuter des principes, il faut
les connaître.
Mais il est un fait que je dois relever parce qu’il
sert à appuyer une opinion que l’on voudrait propager,
On dit que le système de guerre est changé
aujourd’hui, et que ces changements rendent inutile le corps dont on voudrait
la suppression. Je demanderai si c’est depuis la paix de 1815 que le système de
guerre est changé, Il faut le croire, puisque jusque-là ce corps a eu son
utilité bien démontrée. Mais, si les principes de l’art de la guerre sont
changés depuis la paix, s’il est vrai que quelques jeunes écrivains aient tout
réformé du fond de leur cabinet, il est au moins prudent, avant d’adopter leurs
utopies, d’attendre que l’expérience d’une guerre nouvelle ait consacré ces
principes nouveaux.
Quant moi, je préfère chercher l’appui de mes
opinions dans les faits nombreux de nos dernières guerres et dans les
enseignements de l’histoire moderne.
Les guerres de la révolution française ont commencé
en 1792 par plus de 20 sièges de places importantes, soit qu’elles aient été
défendues, soit qu’elles aient été attaquées par les armées françaises. Je
citerai entre autres, Mayence, pris et repris,Toulon, Bastia, Valenciennes, Ypres, Landrecie, Bois-le-Duc, Maestricht, Venloo, Nimègue dans
les premières années.
Quand Bonaparte conduisit les armées françaises de
la république en Italie, le point objectif des opérations pendant une grande
partie des campagnes de l’an V et l’an VI fut le siège de Mantoue, celui de Peischeira et de quelques autres places.
A l’époque de la campagne de Marengo, une partie
des combinaisons du premier consul reposaient sur la défense de Gènes par
Masséna, et cette défense sera longtemps encore un des plus beaux faits d’armes
des temps modernes.
En Allemagne, de 1805 à 1814, chaque guerre a été
signalée par des sièges nombreux et importants. Les places de Magdebourg,
Dantzig, Glogau, Tongan, Breslau et toutes les places
de
En 1813, les travaux importants élevés par le génie
à Dresde et Pyrna, pour détendre les abords de la
place et favoriser le passage de l’Elbe par les ponts établis sur ces deux
points, ont permis à l’empereur de faire des marches rapides et réitérées à
l’aide desquelles il repoussait tantôt vers les montagnes de
Pendant toute la durée de la guerre d’Espagne, les
armées ont été constamment occupées à des siéges : on
a pris Figulères, Gironne, Pampelune, St-Sébastien,
Saragosse, Tortose, Lerida,
Taragone, Rodrigo, Badajos,
Burgos et tant d’autres villes et forts qu’il importait à nos armées d’occuper
pour assurer les communications et appuyer les manoeuvres
des divers corps. Plusieurs de ces villes ont été assiégées deux fois ;
d’autres, comme Rodigo, l’ont été trois, tant par les
Français que par les Anglais ; partout le génie a eu de nombreux et fatigants
travaux à faire et à diriger. Au siège de Saragosse, je ne me rappelle pas le
nombre de ceux qui s’y trouvèrent, mais 27 officiers du génie furent mis hors
de combat, dont onze périrent de leurs blessures,.
Et c’est en présence de tels faits, et quand les
opérations de ces dernières guerres ont compté dans leurs combinaisons des
sièges multipliés et rendus célèbres par l’opiniâtreté de la défense autant que
par la persistance de l’attaque, qu’on viendra contester l’utilité d’un corps
spécialement chargé de ces travaux ! C’est à la suite de pareils faits qu’on
viendra vous dire que les principes de la guerre sont changés et que les
travaux du génie n’y trouvent plus leur place !
Mais, depuis 1815,
La campagne de 1823, sous le duc d’Angoulême, ne
compte dans ses opérations que des sièges. Otez l’attaque et la prise de
Saint-Sébastien, de Pampelune, de Gironne et de Cadiz, il ne reste rien, et
plusieurs de ces sièges ont exigé 50 jours de tranchée.
L’expédition d’Alger n’est qu’un siège dont les
travaux commencèrent, pour ainsi dire, au débarquement et se poussèrent à
travers pays jusqu’à l’investissement de la place, car le génie fut obligé de
faire une route de plusieurs lieues en présence de l’ennemi pour opérer le
transport du matériel.
L’expédition d’Ancône n’a pour objet qu’une place à
défendre.
Celle d’Anvers n’a consisté que dans les travaux
d’une place à prendre.
Ainsi donc, depuis la paix de 1815, la guerre n’a
eu pour objet, que des sièges.
Si l’on jette les yeux autour de soi, que doit-on
penser de l’avenir ? car pour les réformateurs c’est
là que réside la question,
A Varsovie, l’empereur Nicolas vient d’essayer la
solution d’une conquête qu’il prétend maintenir au moyen d’une place forte
nouvellement créée.
Enfin, à Paris, ne se propose-t-on pas d’établir
des lignes défensives qui embrasseront l’ensemble du périmètre de cette immense
capitale ? Comment prévoir d’après cela que le génie doive rester oisif et
puisse être supprimé ! Si son utilité a été grande dans les guerres passées,
elle le sera bien davantage encore dans les guerres à venir.
M. Gendebien. -
Une explication est indispensable pour donner définitivement des bases à la
discussion. L’honorable rapporteur vient de poser une base. C’est sur le
chiffre de cette base que je demanderai une explication, parce qu’en partant de
la base qu’il a posée, j’en tire une conclusion tout autre que celle présentée
par le gouvernement et le rapporteur.
M. le rapporteur dit que si le gouvernement avait
fourni les couchettes, il aurait dû payer 22 mille fr. pour le capital
représentant les prix des couchettes ; tandis qu’aujourd’hui il y a 57 mille
fr. à payer. C’est la différence entre ces deux chiffres qui est la base de la
discussion. Le rapporteur a ajouté qu’il croyait que nous devions féliciter M.
le ministre de la guerre du marché qu’il a fait, parce qu’indépendamment des 22
mille francs à payer le gouvernement aurait eu à supporter des dépenses
d’entretien et autres dépenses imprévues, qui se seraient élevées au-delà du
chiffre de 57 mille francs.
Si cela était vrai, je crois qu’il y aurait lieu de
féliciter M. le ministre de la guerre. Mais le cahier des charges détruit
complètement ce qui forme la base de l’argumentation de M. le rapporteur. Je
lis à l’art. 4 (c’est sur ce point que je demande une explication à M. le
rapporteur et à M. le ministre de la guerre :)
« Art. 4. Dans le cas où le ministre n’opterait pas
pour la seconde base, les couchettes fournies par l’Etat resteront sa
propriété. L’entrepreneur devra néanmoins les entretenir et les remettre en bon
état à la fin de son service : les frais de réparation et d’entretien seront à
sa charge. »
Ainsi vous le voyez, toute la dépense est à la
charge de l’entrepreneur, soit que le gouvernement fournisse ou ne fournisse
pas les couchettes.
Lorsque le rapporteur dit qu’indépendamment des 22
mille francs d’intérêt, il y aurait eu d’autres dépenses à la charge de
l’entrepreneur, de quelles dépenses veut-il parler ? Je demande à cet égard,
une explication ; car, je dois le déclarer, pour moi toute la question est là.
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble difficile de donner à cet égard
une explication satisfaisante.
Si l’on avait adopté la seconde base, on aurait eu
22,000 fr. à payer annuellement ; on aurait eu les lits non seulement à 25 fr.
75, mais même à 24 fr. 45, y compris les frais de transport. Car je tiens une
lettre d’un honorable industriel de Liége qui le dit positivement, et je dirai
en passant que le ministre a eu tort de dire que les frais de transport
n’étaient pas compris dans les 24 fr. 75 c. par lit. En supposant ce chiffre de
24 fr. 75, remarquez qu’il y aurait encore une diminution de 5 p. c. sur le
prix des lits de fer. Selon l’honorable rapporteur, il y aura à supporter par
le gouvernement des frais de réparations et d’entretien ; mais le cahier des
charges dit tout le contraire. Quels sont donc ces frais ?
Je demande à cet égard une explication. Je demande
aussi qu’on me dise pourquoi le gouvernement paie aux entrepreneurs 57,000
francs par an, pour les lits de fer, tandis que s’il les avait achetés
lui-même, il n’aurait eu à payer que 22,000 fr. Quels frais la différence de
35,000 fr. est-elle destinée à couvrir ? Car c’est là qu’est la question, la
question réduire à sa plus simple expression.
Qu’on ne suppose pas que
j’admette la nécessité où a cru être le ministre de se justifier de
l’accusation d’avoir reçu des pots de vin ; je n’entends nullement m’associer
aux clabauderies, aux accusations, aux insinuations dont il a été l’objet. Pour
moi je le déclare hautement, je ne soupçonne aucunement sa probité, sous aucun
rapport. Il est impossible en effet qu’un homme commence à la fin de sa
carrière à dévier des principes qui l’ont guidé dans toute son administration
antérieur. Je dis qu’un homme qui s’est trouvé dans la passé où il a été en
1813, ayant à disposer de 93 millions pour remonter l’artillerie française à la
suite de la campagne de Moscou, et qui n’a pas alors volé 2 ou 3 millions, ne
songera pas à voler quelques centimes sur des couchettes et literies. (Rires d’approbation. Bien.)
De deux choses l’une : ou le général Evain aurait
volé au gouvernement français plusieurs millions en 1813, et cela lui eût été
chose facile à cette époque de presse, et quand tout se faisait par urgence, ou
il a volé alors 3 ou 4 millions, et alors il ne se serait pas expatrié à son
âge en Belgique, pour se livrer à 15 heures par jour de travail assidu ; ou, se
trouvant en position de voler des millions, il est resté pur, et dès lors
personne ne peut supposer qu’il déshonore la fin de sa carrière en stipulant
quelques misérables pots de vin.
Ainsi, dans l’adjudication des lits de fer, je ne
vois pas d’improbité ; mais dans mon opinion, et jusqu’à ce que j’aie reçu une
explication, je trouve qu’il y a erreur grave.
Je n’en dirai pas davantage puisque personne ne
présente de conclusions ; je me réserve d’appuyer celles qui seraient
présentées, tendant à annuler l’adjudication. Mais, avant tout, j’attends des
explications qui règleront mon vote.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Ce que dit l’honorable préopinant, je l’ai déjà répété
trois fois : Oui, toute la question est
là, Le gouvernement aura à payer 2 fr. 53 cent. par
fourniture, en faisant fournir les couchettes par l’entrepreneur ; mais s’il
avait fait acheter les couchettes, et si l’entrepreneur ne les eût pas
fournies, le gouvernement aurait payé 2 fr. 53 c. de moins par lit, soit 57
mille fr. de moins à payer. Mais je m’étais réservé la faculté de choisir entre
l’une ou l’autre base de l’adjudication, et je crois avoir suffisamment fait
connaître les motifs qui m’ont déterminé à donner la préférence à celle que
j’ai choisie. Si l’entrepreneur n’eût pas fourni les couchettes en fer, il
m’eût fallu demander un crédit extraordinaire de 600,000 fr. pour cette
acquisition.
Quoi qu’on en ait dit, je soutiens qu’un seul
soumissionnaire s’est présenté à la première adjudication, et ce n’était pas
pour le compte d’une ville dont j’attendais des propositions. Il n’est pas vrai
que j’aie reçu pour la fourniture de couches des soumissions dont le prix fût
plus bas que celui de 25 fr. 75 c., mais prises sur place et non pas rendues
dans les villes de livraison. Il y avait donc à supporter par le gouvernement
les frais de transport, de montage et de démontage, et de la peinture de ces
couchettes en fer.
Relativement à la supputation des intérêts de la
somme à dépenser de prime abord par le gouvernement, il me semble qu’à
l’intérêt de 5 p. c. la somme de 600,000 francs donne un intérêt non pas de 22,
mais bien de 30,000 fr.
En définitive la différence ne serait donc que de
27 mille francs, et c’est sur elle que doit porter tout ce qu’on impute
d’onéreux un marché ; mais malgré cette différence de 27 mille fr., il avait
pour le gouvernement avantage réel, et que je crois avoir pleinement justifié,
à admettre pour l’adjudication la base que j’ai préférée, d’après la faculté,
je le répète, que je m’étais réservée au cahier des charges.
Puisqu’il faut encore rentrer dans la discussion de
cette affaire, où l’on me reproche ou un déni de justice envers M. Destombes, ou un acte répréhensible d’administration, je
crois devoir ajouter quelques nouvelles explications, qui feront voir enfin
cette affaire sous le véritable point de vue où elle doit être examinée et
jugée.
Il est vrai qu’après le prononcé de l’adjudication,
trois des compagnies rivales me déclarèrent qu’elles s’étaient réunies pour
faire ce service, et qu’en conséquence elles réuniraient leurs moyens pour
l’exécuter. C’est d’après cette déclaration qu’un membre de chacune des deux compagnies
qui n’avaient pas eu l’entreprise, servit de caution au soumissionnaire qui
l’avait obtenue.
Plût à Dieu, messieurs, que la quatrième compagnie,
ou plutôt M. Destombes, se fût aussi réunie à ces
trois compagnies ! nous n’aurions pas le triste spectacle
de tous ces débats, soulevés par l’intérêt personnel, et qui me sont, je vous
l’avoue, bien sensibles, surtout quant je réfléchis que, pour avoir voulu
rendre un service éminent à notre armée, je n’en recueille qu’une véritable
accusation, ou d’avoir laissé surprendre ma bonne foi, ou d’avoir été assez
inapte en administration, pour avoir sacrifié les intérêts de l’Etat.
Je regrette donc sincèrement que M. Destombes n’ait pu aussi s’entendre avec les trois autres
compagnies, pour mettre leurs intérêts en commun et assurer un bon service.
Si j’en crois une déclaration qui m’a été faite, et
dont l’auteur s’engage à me fournir la preuve. M. Destombes
fit des tentatives d’arrangement avec les compagnies ; mais les conditions
qu’il voulait leur imposer, assuré, disait-il, qu’il avait le pouvoir de faire
accepter par moi l’adjudication sur la base qui lui conviendrait, ces
conditions ne furent pas acceptées par les trois compagnies.
Il demandait :
1° Qu’on lui remît 100 actions de 5,000 l’une, dont
25 actions gratis, qu’il réduisit ensuite à 20, c’est-à-dire à 100,000 fr.
2° Le 1/25 du prix total du loyer annuel,
c’est-à-dire 17,500, pendant 20 ans, en lui conférant les fonctions de
directeur de l’entreprise.
Ainsi M. Destombes
voulait s’assurer, par ces conditions, un premier bénéfice clair et net de
450,000 fr.
Je conçois qu’il regrette que les trois compagnies
n’aient pas consenti à accepter ses conditions, mais je conçois très bien aussi
que ces compagnies les aient refusées.
Après vous avoir fait connaître, messieurs, que
j’ai préféré 2,53 fr. de plus, en obligeant l’entrepreneur à fournir les
couchettes en fer, il me reste à vous prouver qu’en allouant en Belgique 20 fr.
50 pour le loyer annuel d’un lit militaire avec couchette en fer, je n’ai pas
accordé un prix supérieur à celui qui a été stipulé en France en 1822 pour des
fournitures de lit sans couchette en fer.
Je suis plus à même que personne d’établir cette
comparaison, puisque c’est moi qui ai préparé en 1821 le nouveau mode de
couchage des troupes et le nouveau traité qui en est résulté.
Les trois compagnies qui géraient ce service en
France depuis 1798 (car il y avait aussi trois compagnies réunies sous la
raison Desmazures), m’opposèrent de graves
difficultés, et entre autres celle de la valeur de leur matériel, qu’elles
estimaient à 13,000,000 fr. et dont une partie allait
être perdue pour elles.
Je vainquis toutes leurs résistances, et je parvins
à les faire encourir à l’adjudication du nouveau traité : ce ne fut cependant
qu’en faisant quelques concessions sur les premières bases que j’avais
arrêtées.
Ayant fait l’estimation de tous les bâtiments et
terrains qui avaient été mis dans toutes les places de France à la disposition de
l’entreprise pour l’exploitation de son service, je vis qu’il se montait à une
somme énorme, et j’eus le projet de remettre tous ces immeubles aux domaines,
pour être vendus au compte de l’Etat, en obligeant la nouvelle entreprise à se
procurer à ses frais les locaux nécessaires à son service.
Mais les intéressés dans l’affaire, et notamment le
sieur Delfosse, qui avait en majeure partie l’entreprise des départements du
nord de
Je consentis donc à laisser à la nouvelle
entreprise tous ces locaux, dont l’entretien, je le dis en passant, est au
compte de l’Etat, et s’élève à une assez forte somme.
Mais je diminuais par là le prix annuel de
location, et la transition de l’un à l’autre mode de couchage m’en prescrivait
la loi, sans qu’il ne parût pas trop onéreux.
J’obtins ainsi de la compagnie Desmazures
que, si elle n’obtenait pas la continuation de l’entreprise, elle céderait son
matériel à la nouvelle compagnie, à dire d’experts, et payable en six ans.
Je stipulai enfin que le nouvel entrepreneur, quel
qu’il fût, serait autorisé à employer dans son nouveau service tous les effets
de l’ancien, qui seraient reconnus susceptibles de l’être.
Enfin, messieurs, je pris au compte du gouvernement
la fourniture des couchettes en fer ; c’est une des conditions auxquelles je
fus obligé de souscrire. J’ai su quels embarras cette fournitures a causés en
France, toutes les discussions que leur fabrication a entraînées, tous les
nouveaux essais qu’il a fallu tenter, en enfin la renonciation aux couchettes,
auxquelles on a substitué deux tréteaux en fer et trois planches, ainsi que
vous pouvez le voir dans le local où j’ai exposé le lit français et le lit
belge.
J’avais d’abord commandé 40,000 lits en fer, au
prix de 40 fr., autant que je me le rappelle, et je crois que ce sont les seuls
qui ont été fournis, à cause des difficultés ou du haut prix, et l’on y a
substitué les tréteaux.
Mais, éclairé par tous les essais faits en France,
j’ai fait fabriquer un nouveau modèle de couchette en fer, dans l’espoir qu’on
parviendrait à les bien confectionner en Belgique, et les préférant sous tous
les rapports aux simples tréteaux.
Cela posé, la fourniture et l’entretien du lit en
France a été adjugé à la somme de 15 fr. 24.
En déduisant de notre prix de 20 fr. 50 c. le
montant de la valeur de la fourniture et de l’entretien de la couchette en fer,
que je vous ai démontré ne pouvoir être estimés à moins de 2 fr. 50 c., il reste 18 fr. comme terme de comparaison avec 15 fr.
24 c. différence 2 fr. 76 c.
Il faut que je prouve que ces 2 fr. 76 c. sont
compensés par les charges que j’ai imposées à l’entreprise qui exploite ce
service.
Je ferai d’abord observer que tout le service ayant
été fourni à neuf en Belgique, tandis que l’entreprise en France a pu employer
les deux tiers de l’ancien mobilier, la fourniture neuve est revenue, non
compris la couchette, à environ 103 fr., tandis qu’en France le terme moyen a
été au plus de 60 fr., différence 43 fr. dont l’intérêt annuel, à 6 p. c., est
de 2 fr. 58 c.
J’ai expressément stipulé que l’entreprise se
fournirait, à ses frais, de tous les locaux nécessaires à son service. Cette
charge ne peut être moindre de 1-75 par lit.
J’ai également stipulé le lessivage annuel des
toiles de sommiers, et le renouvellement du foin tous les deux ans, tandis
qu’il n’est exigé en France que tous les cinq ans ; c’est une dépense de 0-55
J’ai stipulé qu’il y aurait deux bonnes couvertures
par lit, tandis qu’il n’y en a qu’une en France et qu’elles seraient lavées et
foulonnés après douze mois de service, ce qui constitue une dépense de 0-60
Total, 5 fr. 48 c.
Ainsi, messieurs, il y a une différence réelle de 5
fr. 48 c. entre les deux services ; ce qui établit à notre avantage aussi 2 fr.
72 c. par lit et par an.
Je ne vous parle, messieurs, que de ces quatre
articles qui dépassent du double la différence entre les deux prix : mais il
est encore d’autres choses onéreuses que j’ai imposées à l’entreprise.
Cependant, dans la crainte de devenir trop long
dans mes explications, je ne vous entretiendrai que d’une seule, et celle-ci
est capitale.
En France, la fixation du
nombre de lits par place est immuable pour les 20 ans de la durée de
l’entreprise, et si le gouvernement veut établir un nouveau service, il faut
qu’il avance les deux tiers du prix d’achat d’après les factures présentées.
J’ai stipulé ici la faculté de verser les
fournitures de literies d’une place dans une autre, sans me tenir à la fixation
des places qui n’est ici établie que comme points désignés pour la livraison
des effets. (Art. 13 du traité.)
Par ce moyen, j’obvie à l’inconvénient de
non-occupation des literies, puisque je peux en disposer comme je l’entends, ce
qui n’a pas lieu en France, et y laisse dans beaucoup de places des lits
inoccupés.
Ainsi, messieurs, loin que le marché que j’ai passé
soit défavorable en le comparant avec celui de la France, je maintiens et je
prouve qu’il présente dans ses clauses et dans ses résultats un avantage réel
et important.
M. Jadot. - Je
devrai nécessairement refléter ce que j’ai déjà dit parce que, malgré ce qu’on
m’a répondu, ce que j’ai dit subsiste encore. Je vais restreindre la question
dans ses plus étroites limites et la réduire à sa plus simple expression.
Lorsque M. le ministre de la guerre nous a présenté
un compte, il s’agissait de vérifier un fait que l’on pouvait séparer du
budget, il s’agissait de savoir s’il avait restitué au trésor l’avance qu’il en
avait reçue. Il s’agissait de 12 millions avancés au ministre de la guerre,
comme lui-même le reconnaissait.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je n’ai jamais reconnu cela. Ces fonds avaient été
avancés non pas à moi, mais aux corps.
M. Jadot. - Aux corps,
soit. Il est bien clair que je n’irai pas interpeller les règlements.
J’interpelle le ministre de la guerre qui et ici pour représenter l’armée.
M. le ministre de la guerre avait reçu une avance
de 12 millions ; il y ne s’agit ni d’habillements, ni de toutes les
buffleteries du monde, mais de cette somme qu’il devait restituer au trésor.
Au lieu de s’attacher à éclaircir ce fait, il nous
a donné un compte général des dépenses de son ministère depuis la révolution ;
il y a fait figurer tout ce qu’il a reçu, même ce qu’il devait restituer, et
conclut de ce qu’il a tout dépensé, qu’il est libéré de sa dette envers le
trésor ; mais cela prouve ce que j’ai avancé, qu’il a dépensé, outre les
crédits alloués au budget, la somme qu’il avait restituée au budget.
M. le ministre de la guerre nous apporte un compte
au risque de se trouver en contradiction avec lui-même au sujet de ce qu’il a
dit sur les décomptes des soldats. Voici ce qui disait dans son rapport du 11
décembre 1834 :
« Aussi, une partie des fonds restés
disponibles sur les exercices 1832, 1833 et 1834, provient-elle de ce que les
corps n’ont pas touché la totalité des allocations de cette masse et n’ont pris
au trésor que les fonds nécessaires au paiement de leurs achats et des frais de
confections des effets distribués aux soldats ou déposés dans les magasins.
« N’ayant pas encore de décomptes à faire aux
hommes sur cette masse, ils n’ont pas été dans l’obligation, de demander des
fonds pour payer des décomptes auxquels il n’était ouvert aucun droit. »
Aussi, suivant M. le ministre de la guerre, les
crédits alloués aux soldats sont restés au trésor, et cependant, d’après le
compte général qu’il a présenté, ce décompte leur a été fait. Accordez cela
comme vous pourrez.
L’honorable rapporteur a dit que l’on avait cité
des abus sans les préciser. Il me semble que j’en ai signalé plusieurs en les
précisant. J’ai parlé des fourrages. M’a-t-on répondu sur ce point ?
On autorise les officiers à
donner leur parole d’honneur qu’ils ont le nombre de chevaux pour lesquels ils
reçoivent des fourrages, au lieu de les obliger à fournir une feuille qui
constate ce fait. Il est certain que l’on délivre des fourrages à des officiers
qui n’ont pas de chevaux. J’ai cité un officier qui avait été disgracié, parce
qu’il avait exigé qu’un officier sous ses ordres lui montrât le cheval pour
lequel il recevait les rations de fourrage. Celui-ci prétendait qu’il était au
vert, et cela en plein coeur d’hiver.
L’honorable rapporteur nous dit d’arrêter le
premier soldat dans la rue et de le questionner. Cela n’est pas nécessaire.
Beaucoup m’ont dit que l’on avait surchargé leur livret. On nous dit,
messieurs, de consulter les archives du ministère de la guerre. Mais est-ce que
depuis 4 ans l’on ne nous fait pas passer sous les yeux des choses fausses dans
l’opinion de tout le monde et dont il est impossible d’administrer la preuve
matérielle ? A quoi nous servirait de consulter les archives du département de
la guerre ? elles ne nous prouveraient rien.
Je ne m’étendrai pas davantage. Car j’ai promis
d’être bref.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - En présentant sous une autre forme les comptes sur
lesquels l’honorable préopinant demande des explications, j’espère avoir
l’avantage de me faire mieux comprendre par lui.
J’arrive au ministère de la guerre au mois de mars
1832. Je vois que le congrès et les chambres ont accordé 86 millions de fonds
sur des crédits que mes prédécesseurs avaient demandés en en faisant connaître
probablement les motifs. Il n’y avait ni allocation fixe ni budget sur ces 86
millions ; les corps en avaient touché les 6/7, soit 65 millions. Je demande
alors s’il y avait des feuilles de revue qui constatassent le droit de chaque
corps, à toucher sa part dans cette somme. L’on me dit que l’on n’avait pu
encore organiser ce service. Je suis en conséquence obligé d’augmenter le
nombre des intendants, et c’est dans le courant de 1832 que j’établis ces
revues. Je découvre que les corps avaient reçu 11 millions de plus qu’ils
n’avaient le droit de toucher, et qu’ils avaient employé cette somme à l’achat
de 70,000 habillements complets. C’est ce qui fait que dans les exercices 1833,
34 et 35 les corps ont puisé au trésor moins qu’ils n’y avaient droit d’après
les allocations portées au budget. Ils se sont ainsi acquittés en grande partie
de ce qu’ils devaient à l’Etat. De sorte qu’au 1er janvier 1835, sur les 11
millions, ils sont restés redevables de 5 millions seulement. La chose est
tellement claire qu’il me semble impossible de la présenter d’une manière plus
facile à comprendre.
Il est vrai que j’ai dit
qu’en 1834 il n’y avait pas eu de décomptes. J’avoue mon erreur. Mais, du
reste, ils étaient peu considérables. Ils ne montaient, pour tous les corps,
qu’à une somme de 1,450,000 fr. Mon erreur provient de
ce qu’on m’avait dit que l’on ne faisait pas de décompte aux corps. Mais ce qui
m’en a donné la preuve, ce sont les résultats généraux des comptes que j’ai
fait dresser.
Quant aux fourrages, c’est toujours un point sur
lequel on revient à chaque discussion de budget. Il est possible qu’il existe
encore quelques abus. Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai prescrit
positivement l’exécution des règlements. J’y ai ajouté que les officiers, en
signant leurs feuilles, déclarassent sur l’honneur qu’ils étaient possesseurs
des chevaux pour lesquels ils recevaient des fourrages. J’ai exigé que dans
tous les corps les inspecteurs-généraux se fissent présenter tous les chevaux
existants, qu’ils en fissent, de concert avec les officiers, la comparaison
avec le contrôle signalétique, et qu’assistés d’experts, ils donnassent
l’estimation de la valeur de chaque cheval. Ce travail a été fait. Il existe en
double au département de la guerre. J’ai le signalement de tous les chevaux
appartenant aux officiers, avec le prix d’achat de chaque cheval. J’ai pris
toutes les précautions nécessaires pour empêcher les abus. Si je n’ai pas
réussi complètement, j’ai mis obstacle à ce qu’ils se renouvellent à l’avenir.
M. Gendebien. -
Messieurs, il m’a paru ainsi qu’à M. le rapporteur que toute la question était
entre la différence du chiffre de 22 mille francs que l’Etat paierait pour
l’intérêt des lits acquis par tut en toute propriété, et celui de 57,000 francs
qu’il paie maintenant pour leur location. A la vérité M. le rapporteur a dit
que le chiffre de 22.000 fr. pourra être contesté, mais M. le ministre de la
guerre le porte à 30,000. Je ne veux pas élever de discussion sur ce point.
Ainsi j’adopte pour mon raisonnement le chiffre de M. le ministre de la guerre,
tout exagéré qu’il est. Je suppose que l’intérêt du prix d’achat des lits de
fer monte à 30,000 francs. Si, dans la base rejetée, vous payez 30,000 francs
et que dans l’autre vous en payez 57,000, il restera toujours une différence de
27 mille francs au préjudice du trésor. Je vous demande quel est le prix de
cette somme de 27,000 francs que vous payez en plus d’après la base adoptée ?
Veuillez remarquer que, d’après la base adoptée par le gouvernement, il ne
reste rien à l’Etat après l’expiration du bail, tandis que s’il avait fait
lui-même l’acquisition des lits et s’il avait payé 30 mille francs par an au
lieu de 57 mille, il lui serait resté de bons lits après la fin de l’entreprise
; car, aux termes de l’article 4 du cahier des charges, les entrepreneurs
étaient tenus de remettre au gouvernement les lits en bon état.
Vous voyez que non seulement il n’y a pas de motif
pour payer 27 mille francs de plus, mais que le gouvernement a fait une autre
perte en adoptant la deuxième base de l’adjudication, puisqu’il lui reste zéro
à la fin de l’entreprise.
Je déclare ne pas être
satisfait des explications de M. le ministre de la guerre. Il a essayé de
prouver que le prix de l’adjudication était plus avantageux au trésor en
Belgique qu’en France. Je ne veux pas entrer dans cette discussion. D’ailleurs
il était nécessaire qu’il y eût une différence à l’avantage de
Il faut donc, toutes
conditions égales, qu’il y ait un tiers de différence à l’avantage de
Je néglige tous les autres détails susceptibles de
discussion. Je demande que l’on éclaire ma conscience. Je ne puis admettre le
crédit demandé pour ce couchage ; si l’on ne me donne pas des explications
catégoriques, je conserverai mes scrupules nés des paroles mêmes de M. le
rapporteur ; et je crois pouvoir dire que M. le ministre ne m’a pas réfuté et
qu’il n’a pas même abordé la question que je lui ai soumise.
M. de Puydt, rapporteur.
- Je n’ai pas établi de calculs. J’ai seulement déterminé les limites dans
lesquelles est restreinte la question. J’ai dû prendre pour bases les sommes
payées annuellement par le gouvernement. J’ai adopté le chiffre indiqué par son
honorable membre de cette assemblée, tout en ayant soin de dire que je croyais
le chiffre de 22,000 fr, contestable. J’ai dit que la différence entre cette
somme, quelle qu’elle fût, et la somme annuelle payée par le gouvernement,
serait nivelée par le taux de l’intérêt annuel de l’acquisition des lits en fer
et par d’autres intérêts dont on ne tient aucune espèce de compte.
Quand vous faites faire une entreprise par un
individu, vous devez consentir à lui accorder un bénéfice. Le bénéfice se
trouve compris dans cette différence ; l’entrepreneur doit courir le risque de
détérioration des objets qui ne sont plus en sa possession et dont il ne peut
plus surveiller l’entretien. Le gouvernement doit tenir compte de l’intérêt du
capital, et de plus de la diminution de ce capital, parce qu’à l’expiration du
bail, l’entrepreneur n’a plus à sa disposition que de mauvais lits. Ce sont ces
faux frais qui nivellent la différence que j’ai constatée. En indiquant le chiffre de 22,000 francs, je savais d’avance
qu’il offrait matière à contestation.
M. Dumortier. -
Si je me lève dans cette discussion, ne pensez pas que mon intention soit de
prendre la défense d’un entrepreneur. Comme on a eu l’air de dire que cette
discussion n’était surgie que par le fait d’un entrepreneur évincé, je dois
déclarer que je n’ai rien de commun ni directement ni indirectement avec qui
que ce soit intéressé dans l’adjudication. Le seul mobile de mes paroles, c’est
l’intérêt du trésor public que j’ai toujours défendu en toute circonstance, que
je défendrai aujourd’hui. Peu m’importe que les attaques contre un marché
onéreux au pays viennent d’un entrepreneur évincé ; si les raisons qu’il donne
sont bonnes, je les accueille favorablement. Or, les raisons données par l’entrepreneur
dont il s’agit me paraissent tellement catégoriques qu’elles ont fondé ma
conviction.
Avant d’entrer en matière, je ferai remarquer que
l’honorable rapporteur de la section centrale qui, les années précédentes,
signalait des abus dans le département de la guerre, qui naguère encore allait
jusqu’à dire qu’il y avait de la prodigalité, dans les dépenses de ce
ministère, vient aujourd’hui taxer de légèreté les plaintes élevées contre
cette prodigalité. Il suffit de rapprocher les paroles que cet honorable membre
a prononcées dans la séance du 29 juillet 1834, de celles qu’il vient de
prononcer, pour juger à qui peut s’adresser à bon droit le reproche
d’inconséquence. J’aborde la question des lits militaires.
Sous le gouvernement français, le couchage des
troupes était réglé par un traité passe avec une compagnie. Après la séparation
de
Ainsi, le couchage de chaque militaire coûtait à
l’Etat une somme de 16 fr. 89 c Aujourd’hui nous paierons par homme 20 fr. 50 c., c’est-à-dire un quart de plus qu’alors. Je pensais que
l’on aurait dû au moins s’en tenir au système économique adopté jusqu’à ce
jour. C’est tout le contraire.
L’article de l’arrêté que je cite accordait aux
villes le quart de l’indemnité pour non-occupation des lits jusqu’à concurrence
du contingent fixé pour chaque garnison. Ce contingent avait été déterminé sur
le pied de guerre. Mais cette disposition n’a jamais été exécutée. Aucune ville
n’a reçu un seul centime pour fait de non-occupation des lits militaires.
Comparez ce fait que je signale avec l’article du traité passé récemment par le
département de la guerre, en vertu duquel le ministre a alloué à la société
française (je dis ce nom avec intention) une somme de 20 fr. 50 c. par lit,
occupé ou non occupé.
Les choses restèrent ainsi jusqu’en 1824.
Le gouvernement des Pays-Bas sentit alors la nécessité
de faire des économies parce que l’on avait d’autres dépenses à combler. L’on
voulait que les soldats fussent couchés seuls. La morale publique, la santé des
troupes l’exigeait. Le gouvernement prit alors le couchage de l’armée à son
compte. L’on fournit aux soldats des hamacs au lieu de lits, comme cela a lieu
dans la marine.
A la suite de la révolution le couchage s’est
trouvé être dans un état très fâcheux.
Dans plusieurs villes il y avait eu des pillages
dans les casernes. Il était nécessaire de remédier au mauvais état des lits
militaires. Dans cette chambre l’on avait demandé que la sollicitude du
gouvernement se portât sur cet objet. Mais fallait-il prendre des mesures
onéreuses pour le trésor public ? Car vous serez d’accord avec moi que le
remède employé par M. le ministre de la guerre est pire que le mal.
Par circulaire en date du 2 juin
Après avoir appelé l’attention des régences sur le
déplorable état du couchage des troupes et déclaré que le couchage devra
désormais être individuel, M. le ministre ajoute :
(Ici
l’honorable orateur donne lecture d’un passage de la circulaire qu’il a citée.)
Il importe de remarquer que plusieurs villes
avaient voulu conserver les lits à coucher deux, que le gouvernement
n’accordait que deux centimes et demi lorsque les soldats couchaient à deux
dans un lit, et que pour engager les régences à se procurer des lits pour un
seul homme, il allouait indistinctement cinq centimes par lit. Mais le
gouvernement se refusait à toute indemnité pour non-occupation des lits. Je
signale ce fait qui est très important.
Beaucoup de villes souscrivirent à ces conditions,
entre autres celles de Gand, Ath, Ypres, Bruges, etc. Il est à remarquer
pourtant que d’autres régences n’ont pas cru pouvoir accéder aux propositions
de M. le ministre par lesquelles elles se trouvaient lésées dans leur intérêts.
Un gouvernement sage et jaloux de défendre les
intérêts du trésor public aurait dû prendre des mesures pour assurer un bon
couchage aux militaires et amener en même temps les villes à accéder à ce
traité en annonçant aux villes récalcitrantes qu’il leur retirerait leur
garnison, comme il en avait le droit, et qu’il les transporterait dans des
villes dont les régences seraient plus accommodantes. Les propositions du
ministre étaient bien raisonnables, puisqu’elles étaient plus élevées que la
base adoptée en France.
Le gouvernement agit tout autrement. Le 1er juin
dernier, il ouvrit une adjudication. Des traités avaient été proposés pour
chaque ville de garnison. On ne devait payer que 1/4 pour non-occupation des
lits. Aujourd’hui, M. le ministre accorde la somme entière. M. le ministre a
déclaré dans la séance d’hier qu’aucune société ne s’était présentée pour
entreprendre partiellement dans les localités. Ce fait est de la plus grande
inexactitude. Je le déclare positivement, car je connais dans la ville que
j’habite des personnes qui se sont présentées comme adjudicataires pour la
ville de Tournay.
Il y en a eu également qui sont venues pour la
ville de Charleroy. Plusieurs soumissions auraient été faites si M. le ministre
n’avait arrêté l’adjudication au moment où elle devait avoir lieu.
Je me borne donc à faire remarquer qu’il est
inexact de dire qu’aucune soumission séparée n’a été faite pour les différentes
villes de garnison. Je ferai également remarquer que dans le courant de juin on
ne devait accorder qu’un quart de l’indemnité pour non-occupation des lits.
Une deuxième adjudication fut passée. C’est celle
qui nous occupe en ce moment.
Cette adjudication présenta un résultat tout à fait
différent. Les adjudicataires devaient recevoir la somme entière, que les lits
fussent occupés ou non. Le Moniteur
du 4 juillet dernier fit connaître les résultats de ce marché. M. le ministre
de la guerre, après avoir eu connaissance des diverses propositions, adjugea le
couchage des troupes à la compagnie française au taux de 20 fr. 50 par lit et
par année.
il importe de
comparer le traité passé en France par M. le général Evain.
En vertu de ce traité, le gouvernement fournit la
couchette en fer et donne annuellement à l’entrepreneur une somme de 15 fr. 24
centimes par couchage de chaque soldat. Remarquez la différence immense qu’il y
a entre les deux traités.
Ainsi, le couchage soldat en France coûte 15 fr. 24
c. par an, et nous allons payer 20 fr. 50, c’est-à-dire un tiers plus qu’on ne
paie en France. Le ministre est coupable d’avoir mis le trésor dans une
position aussi préjudiciable quand il avait devant lui l’expérience du passé.
Mais, dit-on, le gouvernement devait faire la
dépense des couchettes en fer. Je ferai observer que cette dépense n’était pas
excessive. Voyons comment les choses se sont passées. Au lieu de prendre des
couchettes comme celles qu’on a adoptées en France, on a pris un modèle plus
élégant, mais aussi plus cher. Les couchettes en France ont coûté 20 fr. avec
le fond en planches, et même moins. Il est incontestable que les couchettes en
fer, qui ont coûté 20 fr. en France, auraient coûté en Belgique au plus 15 fr.
Le ministre a déclaré que le modèle qu’il a adopté coûtait 30 fr. Si donc on
avait adopté le modèle français, ou aurait couché les soldats avec une dépense
moindre de moitié. Je vous demande si une aussi grande différence ne méritait
pas d’être prise en considération.
Au moyen d’une avance de 300,000 francs pour les
20,000 lits, l’Etat eût fait par an une économie de plus de 100,000 francs. Je
blâme fortement le ministre d’avoir voulu, aux dépens du trésor, améliorer le
couchage des soldats, plus qu’il ne l’est en France, alors qu’il est reconnu
que, dans ce pays, il n’est l’objet d’aucune plainte. En France, on a concilié
les intérêts du trésor avec les besoins du soldat ; mais l’intérêt du trésor
devait être aussi cher à l’administration belge qu’à l’administration
française. C’est une chose qui mérite de fixer notre attention, car en définitive
c’est toujours le contribuable qui doit finir par payer les préjudices portés
au trésor.
J’ai dit que l’entreprise du couchage des soldats,
en France, avait été faite à raison de 15 fr. 24 c., et qu’au moyen d’une
dépense de 300,000 fr., une fois faite, nous aurions pu coucher nos soldats à
aussi bon marché qu’en France, Je dis plus ; nous aurions pu le faire à
meilleur marché, car les matières premières, pour la confection du couchage,
les toiles, les laines sont moins chers en Belgique qu’en France, de manière
que, non seulement nous eussions dû espérer d’avoir le couchage de nos soldats
au taux de 5 fr. 24 c., mais peut-être à raison de 14 fr. par an.
Admettons qu’on n’eût voulu l’entreprendre qu’au
taux de 15 fr 24 c., il est manifeste que
Si vous multipliez cette somme par le chiffre de 20
années que doit durer le traité, vous avez un total de 2 millions 144 mille
francs, dont se trouve grevé le trésor, pour toute la durée de l’entreprise.
Vous avez dû remarquer que l’entreprise F. Legrand
et compagnie n’embrasse qu’une partie de notre armée, elle n’est chargée que du
couchage de 20,700 hommes. Lors de la première adjudication, on avait dit que
l’entreprise devait comprendre 45 mille lits. Si on payait les 45 mille lits
sur la même base, ce serait une somme de 5 millions dont le trésor serait
grevé. Et cela est possible, car les villes qui se sont chargées du couchage de
leur garnison à un prix inférieur à celui accordé à la compagnie Legrand,
feront une comparaison entre leur position et celle de cette compagnie, et
elles ne manqueront pas d’adresser au ministre des réclamations auxquelles il
faudra faire droit en augmentant la somme qui leur est allouée.
Le ministre, pour justifier la mesure qu’il a
prise, a prétendu que l’Etat avait un grand intérêt à ce que la couchette en
fer fût fournie par l’entrepreneur. Je vous prie de faire attention à ceci, la
question est très importante.
En France, où l’on a examiné les choses un peu plus
mûrement qu’en Belgique, on a compris que l’Etat devait faire la dépense de la
chose non susceptible de détérioration et laisser fournir par l’adjudicataire
ce qui était susceptible de se détériorer. Pourquoi cela ? Parce qu’un lit bien
construit peut durer deux ou trois cents ans ; si un lit casse, on le fait
payer au soldat. Il faut, dit-on, calculer dans la fourniture un quantième pour
la détérioration ; mais pas du tout, puisqu’on fait payer à celui qui
détériore. J’ajouterai que les lits fournis sont tellement faibles, que dès les
premiers jours qu’on en a fourni, un grand nombre se sont écroulés sous les
pieds des soldats ; la commission en a refusé cinq ou six cents ; et il est
reconnu que les lits français sont tellement solides qu’ils ne peuvent pas se
détériorer.
Voulez-vous, messieurs, connaître le résultat des
calculs qu’a faits M. le ministre de la guerre ? Il est très curieux. La
compagnie Legrand reçoit 20 fr. 50 c. par lit. La compagnie Destombes
voulait entreprendre le couchage à raison de 17 fr. 97 c. sans fournir la
couchette en fer. La différence est de 2 fr. 53 c. C’est ce qu’on donne pour la
fourniture des couchettes. Ainsi, en supposant à 25 fr. le prix des couchettes,
c’est 10 p. c. que vous donnez par an l’entrepreneur pour livrer une chose non
susceptible de détérioration. Il est impossible de répondre à cet argument ;
car, dès qu’on a préféré la soumission de la compagnie française à celle de la
compagnie Destombes, à cause de la fourniture du lit,
il faut évaluer le quatrième de la différence qui représente cette fourniture.
Or, cette différence est 10 p. c. de l’objet fourni, puisque vous évaluez la
couchette en fer à 25 fr.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - C’est 30 fr.
M. Dumortier. -
Soit 30 fr., alors c’est 8 p. c. par an que vous payez pour la fourniture d’un mobilier
qui ne se détériore pas.
M. le ministre de la guerre vous a dit qu’il n’y
avait pas eu connivence dans l’affaire dont il s’agit. Il sera manifeste
cependant, pour tous ceux qui voudront lire une pièce signée de la main du
ministre, que la connivence existait.
Comment les choses se sont-elles passées ? Personne
de nous n’ignore que les grands bailleurs de fonds de la société adjudicataire
sont des Français, je les connais. Je pourrais citer tel grand banquier de
Lille, le directeur de la monnaie, le fils d’un préfet de France que je ne
nomme pas.
Voilà comment nous sommes régis en Belgique ; c’est
une compagnie française qui vient nous exploiter. Malheureusement, un Belge lui
a prêté l’appui de son nom. En France pareille chose n’aurait pas lieu, les
électeurs ne le souffriraient pas.
Je pose ma question ; Y a-t-il eu connivence ? Pour
moi, cela résulte de la manière la plus formelle du procès-verbal tenu par le
ministre.
Je lis ce procès-verbal dans le Moniteur du 4 juillet, et j’y trouve
que, conformément a la disposition de l’art. 5 du cahier des charges, le
ministre a commencé par reconnaître la solvabilité des quatre soumissionnaires.
Je trouve ensuite le modèle de la soumission dont il n’était permis à personne
de s’écarter. Il se termine par ces mots : « Et pour ce qui est de
l’exécution du présent engagement, je présente pour caution MM…, à ce
consentant et qui signent avec moi en cette qualité. » Aux termes du
cahier des charges, les personnes qui se déclaraient caution du soumissionnaire
ont dû signer le modèle de soumission ; et quand le ministre fit le
dépouillement des soumissions, il dut voir s’il y avait ou non connivence.
Il nous a dit qu’il y avait quatre
soumissionnaires, MM. Destombes, Félix Legrand et
compagnie, Begasse et compagnie et Vanhoorebeke-Bruno.
Voila donc les quatre soumissionnaires ; voyons
s’il y avait connivence. Le ministre le dit dans le procès-verbal même, et le
contrat avec l’adjudicataire porte :
« Nous soussignés Félix Legrand et compagnie,
négociants, domiciliés à Bruxelles et y demeurant rue des Comédiens, n°22,
acceptons l’entreprise dont l’adjudication a été prononcée à notre profit
suivant le procès-verbal dont copie ci-dessus, et nous nous engageons, en
conséquence, envers M. le ministre de la guerre, à fournir à loyer et à
entretenir les lits militaires aux clauses et conditions suivantes, et sous la
garantie de MM. Joseph et Charles Begasse,
fabricants, domiciliés à Liège, et F. Verrue- Lafrancq, fabricant, domicilié à
Ypres. »
Ce sont les personnes mêmes qui avaient
soumissionné ! Après cela, direz-vous qu’il n’y avait pas connivence, alors que
dans le procès-verbal vous trouvez les soumissionnaires cautions les uns des
autres !
Votre devoir, M. le ministre, était de tout
déchirer et de déclarer qu’il n’y avait pas d’adjudication ; vous auriez sauvé
le trésor public du malheur que cette connivence fait peser sur lui. Vous ne
l’avez pas fait ; cependant la connivence était patente, et je suis étonné que
deux personnes dans cette chambre se soient levées pour soutenir que la
connivence n’existait pas.
Après cela, qu’on vienne dire que ce débat est
soulevé par le regret d’un entrepreneur débouté, cela m’importe peu. Pour moi
j’ai pris la parole parce que j’ai vu le trésor grevé par la mesure prise, et
je déclare que je ne donnerai pas mon assentiment à un traité qui est aussi
onéreux pour l’Etat.
Quel a été le résultat de cette connivence ? C’est
qu’aussitôt après que le contrat a été passé, les actions de la société
adjudicataire se sont élevées à une prime de 30 p. c. Je connais des personnes
qui ont acheté des actions à 130 p.c., malgré la triple chance de résiliation
que courait le contrat, la discussion dans cette chambre, et au sénat, et le
procès intenté devant les tribunaux. Malgré cela les actions se sont élevées à
130 p. c. avant qu’aucune fourniture ait été faite, et
si ces trois difficultés étaient résolues, elles s’élèveraient à 150 ou 160.
II y a plus, les agents de cette société dans les
différentes villes où les fournitures doivent être faites, ont été forcés de
donner un cautionnement, cautionnement qu’on leur a fait fournir en actions
qu’on leur a cédées comme agents de la société au taux de 125 p. c.
Cela prouve de la manière la plus manifeste que le
trésor est grevé.
Maintenant, j’examinerai le traité passé entre le
ministre de la guerre et certaines communes, et je comparerai ce traité avec
celui passé entre le ministre et la compagnie française.
J’appelle, messieurs, votre attention sur le traité
passé avec certaines communes par le ministre de la guerre. Je lui poserai
ensuite un dilemme. Le ministre a traité avec les villes de Gand, Bruges, Ath,
Tournay, Lierre, etc., pour le couchage de leur garnison, au taux de 18 fr.,
tandis qu’il a traité au taux de 20 fr. 50 c., c’est-à-dire à 2-50 de plus, avec
la société française.
Ensuite il ne donne rien aux villes en cas de
non-occupation de leurs lits, tandis que la compagnie française recevra 20 fr.
50 par lit pour les 20,700 lits occupés ou non. Il est incontestable que les
villes qui se sont chargées du couchage de leur garnison doivent avoir un
nombre de lits supérieur d’un tiers au chiffre ordinaire de cette garnison.
C’est ainsi que Tournay dont la garnison est de 2
mille hommes a trois mille lits. Or, les villes, en
recevant 18 francs par lit occupé et ayant ordinairement un tiers de leurs lits
non-occupés, sont, relativement à la société française dont tous les lits sont
toujours payés, comme si elle ne recevait que 12 fr. par lit. Leur position
vis-à-vis de la société française est donc comme 12 est à 20,50.
Je lui pose maintenant ce dilemme : De deux choses
l’une : ou vous avez été injuste vis-à-vis des villes avec lesquelles vous avez
traité pour le couchage de leur garnison, ou vous leur avez accordé un prix
suffisant. Si vous avez été injuste vis-à-vis d’elles, vous devez solliciter du
pouvoir législatif un vote qui vous mette à même de faire
droit aux réclamations qu’elles ne manqueront pas de vous adresser. Si
au contraire vous leur avez accordé un prix suffisant, vous avez gravement
compromis le trésor public, par le marché que vous avez passé avec une
compagnie française ; c’est un marché ruineux pour l’Etat.
A l’observation que j’ai faite qu’on n’établissait
aucune distinction entre les lits occupés ou non-occupés, on me répondra sans
doute : Nous n’avons que 20 mille lits dans ce cas, et nous aurons toujours
bien 20 mille hommes sous les armes. Ceci me conduit à une question plus grave,
à une question de constitutionnalité ; et je demande, le ministre avait-il le
droit de passer un traité pour 20 ans ? Evidemment non, le ministre n’avait pas
ce droit, car nous, chambre des représentants, nous ne l’avons pas ; le sénat
et le pouvoir exécutif ne l’ont point non plus ; les trois pouvoirs réunis
mêmes ne l’ont pas.
La constitution veut que le contingent de l’armée
soit fixé chaque année par le pouvoir législatif ; et si une loi était votée
qui fixât ce contingent pour plusieurs années, elle ne lierait aucun citoyen.
Comment le ministre peut-il dès lors faire une adjudication dans l’éventualité
que nous aurons toujours une armée de 46 mille hommes sous les armes ? Car il
ne faut pas perdre de vue qu’a côté des 20 mille lits
de l’entreprise française se trouvent les entreprises particulières des villes
; et, l’entreprise française suppose toujours une armée permanente au moins de
20,700 hommes, car on stipule l’occupation des 20,700 lits de la compagnie
française.
Comme je viens de le dire, le contingent de l’armée
doit être voté chaque année, et le ministre n’avait pas le droit de prendre une
mesure qui préjugeât que pendant 20 ans le contingent serait au moins de 20
mille hommes, pas plus que de 40 mille.
Quelle doit être la
conséquence de cette mesure ?
Je suppose qu’à une époque plus ou moins longue,
dans 2, 3, 4 ans, nous fassions la paix avec
Mais, dira-t-il, je n’ai passé contrat qu’avez une
société particulière, et
Il faut aussi considérer l’intérêt des communes qui
ont traité avec le gouvernement pour le couchage de leur garnison. Elles ont traité
à raison de 18 fr. par homme, et elles ne reçoivent rien quand leurs lits ne
sont pas occupés. Que fera le gouvernement en supposant une réduction de
l’armée au chiffre de 20 mille hommes ? Pour ne pas payer des lits non occupés,
il enverra partout des lits de la compagnie française, il ruinera les villes
qui, à son instigation, auront fait de grands frais pour fournir le couchage de
leur garnison, et cela parce qu’il lui aura plu d’enrichir une société
française. Voila quel sera le résultat de l’entreprise.
Je crois en avoir dit assez pour prouver combien le marche est onéreux à l’Etat, et pour prouver qu’il viole
la constitution, puisque j’ai démontré que le ministre s’était cru en droit de
faire ce que ni la chambre des représentants, ni le sénat, ni le pouvoir
exécutif, ni ces trois premières réunis ne peuvent faire. Rappelez-vous,
messieurs, ce qui s’est passé lors du marché Hambourg. Le ministre de la guerre
fut attaqué pour avoir conclu ce marché. On l’attaquait sur deux chefs : le
taux de l’entreprise et la durée. Sur le taux de l’entreprise, il lui fut
facile de répondre.
Dans la position difficile où se trouvait
L’attaque portait donc sur la durée de 18 mois,
donnée à l’entreprise. Ici, messieurs, ce n’est pas de 18 mois qu’il s’agit,
mais de 20 ans. Qui vous dit que d’ici là nous ne serons pas forcés de déposer
les armes ou à peu près ? Si le traité qui déclare notre neutralité venait à
être admis par
Je ne dis pas que cela arrivera. Si le gouvernement
a le courage de sortir de ce traité qui, selon moi, ne nous lie pas, nous
pourrons conserver une belle et bonne armée. Je raisonne dans l’hypothèse de
l’exécution de ce traité, qui est considéré par plusieurs personnes comme la
planche de salut de la Belgique, mais que pour mon compte je repousse, car je
ne veux pas de la reconnaissance de la Hollande. Examinant les conséquences du
marché dans toutes les hypothèses, j’ai dû admettre aussi celle de la
réalisation d’une opinion que je ne partage pas.
En résumé, messieurs, il est incontestable que sous
quelque rapport qu’on envisage le marché, il est onéreux pour le trésor public.
Il me resterait à dire quelques mots sur d’autres
parties de l’administration de la guerre, sur ce que dans son rapport précédent
l’honorable M. de Puydt a appelé les prodigalités du budget de la guerre. Ces
prodigalités, je les trouve effrayantes.
Pour moi, dans la discussion du budget, mon but
principal est de tenir les dépenses au niveau des recettes.
Eh bien, comment avons-nous marché depuis plusieurs
années ? Nous n’avons marché que de déficits en déficits. Ainsi en 1833 nous
avons voté un budget des dépenses montant à 94 millions, et nos recettes n’ont
été que de 86 millions. En 1834 nous avons voté des dépenses montant à 88
millions, et nos recettes n’ont été que de 84 millions ; en 1835, les dépenses
ont été de 89 millions, et les recettes n’ont été que de 85 millions. A la
vérité, pendant ce dernier exercice on a voté 10 centimes additionnels, mais
pour une dépense spéciale qui n’a pas eu lieu. Depuis la révolution, nous avons
commis la faute énorme de créer à chaque exercice des déficits, et de là
résulte un déficit total actuel de 50 millions, à quoi vous devez ajouter une
émission de bons du trésor de 31 millions. Il est incontestable que nous ne
pouvons pas rester dans un tel état : pour en sortir, que faut-il faire ?
Il faut faire des économies ou augmenter les impôts
; et quoique je n’aime pas l’augmentation des impôts, je préférerais cette
mesure à ruiner l’Etat. Mais tâchez de faire des économies ; car si vous
marchez chaque année de déficit en déficit, il est inévitable que vous
arriverez à une situation effrayante. L’avenir se présente sous un aspect
sinistre. On pourra bien encore, par quelques moyens financiers, replâtrer
cette situation, mais le premier événement détruirait le replâtrage.
Nous avons maintenant 31 millions de bons du trésor
en circulation ; il faut aviser aux moyens d’éteindre cette dette. Pour cela
vous avez deux expédients : le premier, c’est de diminuer les dépenses ; le
deuxième, c’est de faire un emprunt, au lieu de continuer à émettre des bons.
Je ne suis cependant pas partisan des emprunts ; mais j’aimerais mieux recourir
à une mesure semblable que de ruiner le trésor public.
L’émission des bons du trésor est un emprunt après
tout ; et je crois qu’il serait plus sage de consolider cette dette que de la
laisser flottante. Le moment peut être favorable pour la consolider. Si nous
attendons des temps de calamité pour faire un emprunt, si nous attendons une
conflagration européenne pour consolider la dette flottante, alors tous les
porteurs de bons du trésor voudront être payés en même temps, ce qui serait
impossible. Il ne faut pas attendre le jour où les créanciers de l’Etat n’ont
de plus de confiance pour emprunter.
Je le répète, ce qu’il y aurait de plus sage à
faire, c’est d’opérer des réductions dans les dépenses, c’est de couper les
abus dans le vif, c’est de couper tout le mauvais bois dans l’arbre du budget.
Pourquoi M. le ministre de la guerre a-t-il
augmenté les dépenses ?...
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je les ai diminuées successivement de plus de moitié.
M. Dumortier. -
Vous avez diminué le nombre des hommes et doublé les états-majors !
J’ouvre le budget de 1832, époque à laquelle nous
avions 110 mille hommes sous les drapeaux ; eh bien ! alors
nous avions en tout en activité sept généraux de brigade ; aujourd’hui, nous en
avons davantage ; je n’en sais pas le chiffre…
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Aujourd’hui il n’y en a que sept encore !
M. Dumortier. -
En 1832, nous avions 16 généraux de brigade ; nous en avons maintenant 19. Le
nombre des colonels est augmenté considérablement… Quel besoin avait-on de
créer des régiments de réserve, comme on l’a fait ? Ces régiments présentent au
complet les majors, les capitaines… et pas un seul homme. Les cadres de ces
régiments touchent les traitements en entier : les officiers supérieurs
touchent les fourrages : ne sont-ce pas des prodigalités ?
Dans l’arme du génie, quel besoin avions-nous
qu’elle fût commandée par un général de division, quand le service se faisait
très bien lorsqu’elle était commandée par un général de brigade ?
Quel est le résultat de cette nomination ? C’est
qu’il faudra créer deux généraux de brigade pour mettre sous le général de
division du génie. Ce n’est pas de tout : à côté du génie l’artillerie qui veut
aussi être commandée par un général de division. Cette arme a raison ; elle ne
peut être inférieure au génie. Après avoir obtenu un général de division, il
lui faudra aussi deux généraux de brigade. Sa demande sera appuyée par tous les
officiers ; car tout le monde espère de l’avancement, tout le monde espère
faire un pas en poussant les officiers qui sont à la tête.
Voilà des dilapidations que je signale à la tribune
publique ; dilapidations que je flétris comme un des abus les plus ruineux pour
le trésor. Nous devons prendre des mesures pour empêcher de tels abus et pour
empêcher tous ceux qui fourmillent dans l’administration de la guerre ; car de
quelque côté que je me retourne, je ne vois qu’abus dans ce ministère.
Comme vous l’a très bien dit le député
d’Audenaerde, toutes les fois qu’un entrepreneur est condamné par les chefs
militaires des provinces, il réclame au ministère et il est sûr d’y avoir
droit.
Par exemple, pour les lits militaires, un
entrepreneur voulut les établir sur des tréteaux ; l’administration de la ville
s’y opposa ; l’entrepreneur est venu à Bruxelles, et il a obtenu le couchage
comme il le voulait.
On a signalé beaucoup d’abus, la liste n’en est pas
épuisée.
Il est des officiers qui touchent des rations de
fourrages pour chevaux qu’ils n’ont pas : en France il n’est pas un officier
qui se permette de réclamer ainsi des fourrages. Il y a des personnalités
comminées dans les règlements relativement à cet objet, et cependant d’un côté
on les braye, et de l’autre on les oublie.
Le fait cité pas l’honorable député d’Audenaerde,
concernant les inspections par les généraux de brigade, est un fait qui crie
hautement. N’avait-on pas assez des inspections par les généraux de division
sans faire inspecter encore par les généraux de brigade ? Cette seconde
inspection n’est que pour avoir le prétexte d’obtenir des suppléments de
traitements. Il est des hommes qui sont insatiables des deniers publics.
Je sais fort bien que ceux qui ont le courage d’élever
la voix contre les abus sont montrés au doigt dans l’armée. Au ministère, quand
les officiers réclament, on leur répond :Nous ne
pouvons rien ; les chambres sont là. On veut séparer les chambres de l’armée,
mais qu’importe, nous n’en signalerons pas moins les abus qui ruinent le
trésor.
Pour mettre un terme à tant de prodigalités, je
demande que l’on ne vote que 32 millions de francs pour le ministère de la
guerre, et qu’il soit nommé une commission chargée de nous démontrer sur quelle
partie du budget de ce ministère doivent porter ces réductions.
Il faut que le pays sache si nous voulons mettre
les dépenses au niveau des recettes. Cette année, j’ai été étonné d’entendre M.
le rapporteur qui, les années précédentes attaquait les abus, nous proposer un
chiffre plus élevé que le chiffre demande par le gouvernement. Il demande en
effet 50,000 fr. de plus ; et je lui en fais mon bien sincère compliment, si
c’est ainsi qu’il entend les intérêts du pays.
M. de Puydt, rapporteur.
- Vous n’avez pas lu le rapport !
M.
Dumortier. - J’ai lu les chiffres, ce qui vaut mieux que le rapport !
Les années précédentes vous demandiez des
diminutions...
M. de Puydt, rapporteur.
- Nous les avons obtenues !
M. Dumortier. -
Eh bien, si vous en avez eu les années précédentes, il faut en avoir encore
cette année. Sachons ce que le pays exige de nous. Plutôt que d’agrandir
l’abîme effrayant du déficit, faisons ce que proposait M. de Mérode,
rétablissons les droits d’abattage et de mouture.
M. F. de Mérode.
- Je demande la parole.
M. Dumortier. -
J’ai rempli mon devoir pénible ; mais l’intérêt public est mon guide et partout
où des abus se présenteront je les signalerai.
M.
F. de Mérode. - Je demande la parole pour un fait personnel.
L’orateur vient de m’accuser de vouloir rétablir
l’abattage et la mouture ; je n’ai rien proposé de semblable à la chambre. Tout
le monde se souvient de ce que j’ai dit ; mais sans s’inquiéter de la vérité,
l’orateur travestit mes paroles et mes intentions afin de se poser comme
défenseur des intérêts publics. Ce rôle est beau, mais pour le remplir, il ne
suffit pas de proposer, à tort et à travers, de rogner sur des dépenses qui ne
sont faites que dans l’intérêt de l’indépendance nationale
Messieurs, vous savez tous que je n’ai pas proposé
le rétablissement de droits qu’on avait rendus odieux…
De toutes parts. - Non ! non !
M. de Puydt, rapporteur.
- Je demande la parole pour un fait personnel.
L’honorable M. Dumortier vous a dit qu’il était
étonné de voir que la section centrale votait plus que ne demande le gouvernement.
S’il avait lu le rapport, il n’aurait rien dit de semblable. Il aurait vu qu’un
article, au budget du gouvernement, était resté en blanc ; que la section
centrale a voulu remplir cette somme. C’est l’article relatif aux
cantonnements. Le chiffre de cet article est de 300,000 fr. C’est par suite de
la détermination de ce chiffre que le budget paraît augmenté de 50,000 fr.
L’honorable M. Dumortier vous a dit aussi que les
années précédentes, je demandais des réductions. Cela est vrai ; mails comme on
les a obtenues, ou ne peut plus les demander cette année. D’année en année,
nous sommes parvenus à réduire les dépenses au strict nécessaire ; mais s’il
fallait à chaque exercice faire de nouvelles réductions, on finirait par rendre
le budget de la guerre égal à zéro. Il est un terme au-delà duquel il n’y a
plus de réductions possibles, et ce terme, relativement à certains services de
la guerre, nous l’avons atteint. Du moins, la section centrale en a jugé ainsi.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs je ne puis laisser sans réponse ce
qu’a dit l’honorable M. Dumortier relativement à la situation financière de
Il m’appartient, messieurs, par ma position, et il
est de mon devoir, de relever d’aussi grandes erreurs, et de donner à la
chambre et au pays des explications qui convaincront tout le monde qu’il n’en
est pas ainsi que l’orateur l’a dit pour la seconde fois.
En novembre dernier, la chambre a reçu du
gouvernement la situation du trésor et chacun de vous a pu se convaincre que
cette situation était loin d’être aussi mauvaise qu’on le prétend. En effet,
notre trésor n’était alors comme aujourd’hui à découvert que de 7 à 8 millions.
Toutes nos dépenses payées régulièrement depuis
1830 étant mises en regard avec les recettes votées, recettes auxquelles il
faut ajouter les bons du trésor, il en résulte qu’aujourd’hui nous n’avons pas
pris 20 millions sur ces mêmes bons du trésor.
Je dirai d’abord que le gouvernement ne peut pas
disposer de 31,000,000 de bons du trésor, comme l’a
avancé l’orateur ; il ne peut disposer que pour 26,490,000 francs de ces
valeurs ; à savoir 15,000,000 pour le service de l’Etat ; 10,000,000 pour les
chemins de fer ; un million quatre cent mille francs pour le rachat de la
Sambre canalisée.
Certes, vous ne considérerez pas comme dette de
l’Etat les 10 millions pour le chemin de fer, puisqu’ils sont consacrés à
l’acquisition d’une propriété très productive. Cette propriété n’est pas
fictive, elle représente quelque chose ; elle procure dans ce moment un intérêt
qui va de 8 à 10 p. c.
Ces 10 millions au surplus ne sont pas encore
entièrement dépensés, et ils ne le seront que pour créer une propriété : ainsi
qu’on ne parle pas de dette quand il s’agit des bons du trésor dont la création
est affectée à la construction des chemins de fer.
Quant à
Reste maintenant 15 millions de bons du trésor pour
les services généraux de l’Etat.
Et d’abord rappelez-vous, messieurs, que c’est en
1833 que vous les avez votés pour combler le découvert qui existait alors. Ce
découvert provenait des armements extraordinaires que l’on avait été obligé de
faire pour la défense du pays.
Lisez la situation actuelle du trésor et vous y
verrez que nous avons un excédant disponible de 7 millions à peu près sur les
bons du trésor. Or, défalquez ces 7 millions des 15 millions, il reste 8
millions pour lesquels seulement nous sommes à découvert.
Voilà quelle est notre véritable situation
financière.
Que l’on ne vous effraie donc pas sur l’avenir ;
ces 8 millions se combleront comme les 7 autres millions se sont déjà comblés
depuis 1833 par les recettes ordinaires. Toutefois, si nous trouvions quelques
nouvelles bases d’impôt qui ne gênassent pas les contribuables, nous vous
proposerions de les admettre et nous arriverions ainsi en quelques années à un
état financier très prospère.
Alors, messieurs, nous ferions plus de dépenses que
nous n’en faisons maintenant, et cela pour enrichir le pays, car nous consacrerions
alors de fortes sommes pour augmenter nos communications te pour d’autres
travaux semblables.
L’honorable M. Dumortier préoccupé de la situation
chimérique et effrayante du trésor qu’il s’est créée, vous disait : Je ne
connais que trois moyens de faire cesser cet état de choses ; c’est de diminuer
les dépenses, d’augmenter les recettes en rétablissant des emprunts proscrits,
et c’est de faire un emprunt pour consolider la dette flottante des bons du
trésor, laquelle n’est qu’une dette flottante, dont on peut exiger à chaque
instant le remboursement.
Relativement aux économies, je ne crois pas qu’on
puisse penser à en mettre davantage qu’il n’y en a dans la dépense ; en effet,
quand chacun de vous a dans les sections scruté à fond toutes les dépenses, la
section centrale arrive à proposer la diminution de quelques centaines de
francs ; dans quelques temps même on ne pourra plus faire de réductions,
puisqu’ayant diminué d’année en année les budgets, on est à peu près parvenu,
comme l’a fait observer tout à l’heure M. le rapporteur de la section centrale,
au dernier terme de toutes les réductions possibles.
Quant à ne donner que 32 millions pour le budget de
la guerre, ou à réduire l’armée d’un
tiers, je vous le demande, messieurs, cette économie est-elle
raisonnablement praticable ? Pourriez-vous exposer l’indépendance nationale par
de telles réductions, et la prudence ne commanderait-elle pas de maintenir
notre armée, quand même il nous faudrait augmenter les centimes additionnels de
nos contributions ?
Nos forces militaires ne doivent pas être
inférieures à celles de l’ennemi ; notre armée doit être égale en nombre et
supérieure, s’il se peut, par l’organisation. Gardons-nous d’y toucher ;
gardons-nous surtout de décourager nos officiers en les attaquant à l’occasion
de légers et prétendus abus qui n’existent probablement pas ; de prétendus abus
que des orateurs signalent peut-être d’après de faux renseignements qui leur
ont été donnés. Loin de décourager l’armée, disons-lui que son avenir est assuré, que, quels que soient les événements, chaque
officier conservera sa position et ses droits.
M. A. Rodenbach.
- Il ne faut pas les laisser exploiter par les entrepreneurs.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - On a répondu à ce point isolé et je m’occupe de l’armée
d’une manière plus générale.
Messieurs, je dis qu’avec le patriotisme qui nous
dirige tous, nous ne devons pas affaiblir notre armée, et que nous devons nous
tenir toujours prêts à repousser victorieusement les agressions de notre
ennemi.
Je reviens à la question financière : je viens de
vous faire voir qu’il n’y avait pas d’urgence à faire un emprunt, le déficit
n’étant pas tel qu’on nous le présentait.
J’ajouterai maintenant que les bons du trésor ne
sont pas non plus remboursables, comme on vous l’a dit, à la demande du porteur
; ils ont des échéances fixes, et ces échéances sont échelonnées dans le cours
d’une année.
Donc, pendant 6 mois de crise, on n’aurait que la
moitié des bons du trésor à rembourser. La position n’est donc pas aussi
effrayante que veut bien le dire l’honorable M. Dumortier. Je conviens que si, à la moindre panique dans les
fonds publics, on pouvait demander le remboursement de tous les bons du trésor,
la position pourrait devenir gênante, mais il n’en est pas ainsi ; on ne peut
demander le remboursement des bons du trésor qu’à leur échéance ; or ces bons
sont tous, à quelques-uns près, à un an de date. Le gouvernement aurait donc le
temps de se créer d’autres ressources, s’il était nécessaire ;
Sans entrer dans l’examen du grand nombre de questions
soulevées à propos du budget de la guerre, je dirai cependant un mot sur
l’inconstitutionnalité qu’a cru découvrir l’honorable M. Dumortier dans les
clauses d’un contrat passé par mon honorable collège le ministre de la guerre.
L’honorable M. Dumortier, en ajoutant au nombre de
lits militaires, pour lequel le ministre de la guerre a fait un marché, ceux
fournis par les villes, a trouvé (et cela est exact) que 37 mille lits sont à
la disposition de l’armée. Il a dit : « Ces 37 mille lits doivent représenter
une armée de 37 mille hommes, et comme le contingent de l’année doit être voté
chaque année, vous ne pouvez lier la législature et l’obliger à voter chaque
année un contingent qui soit au moins de 37 mille hommes. » Mais, de ce
que 37 mille lits sont à la disposition de l’armée, s’ensuit-il que l’armée ne
puisse jamais être réduite au-dessous de ce chiffre. Une semblable objection ne
peut sérieusement se soutenir. Si dans un an ou deux la sûreté de l’Etat
permettait de réduire l’armée à un minimum de 25 mille hommes, par exemple,
dans ce cas les 20 mille lits à la disposition du ministre de la guerre
seraient répartis dans les différentes garnisons, et le gouvernement n’aurait
plus à payer que pour le couchage de 5 mille hommes l’indemnité qu’il paie à ce
titre aux régences des villes.
Dans cette hypothèse, j’en
conviens, 12,000 lits appartenant aux régences des villes ne seraient plus
employés ; ce serait le seul inconvénient, si toutefois, c’en est un ; car les
régences n’auraient plus à supporter les frais considérables qu’elles doivent
faire pour l’entretien de ce matériel, qui leur est évidemment onéreux comme
n’étant pas compensé par les 18 fr. par an et par homme, que le département de
la guerre leur alloue, puisqu’en général ces régences n’ont pas voulu
contracter avec M. le ministre de la guerre à raison de cette indemnité
annuelle.
Encore un point qu’a touché l’honorable M.
Dumortier, c’est celui de la neutralité de la Belgique ; il a dit que si le
traité du 15 novembre était exécuté, la Belgique n’aurait plus d’armée, ou tout
au moins elle n’en pourrait plus avoir que pour assurer sa tranquillité
intérieure. Jamais ceux qui ont détendu le traité du 15 novembre n’ont pensé
que
Alors que notre neutralité serait établie selon le
traité du 15 novembre, si nous voyions
M. Mast de Vries.
- De peur d’être induit en erreur, je n’irai pas chercher bien loin des
renseignements. Je ne parlerai que de ce qui s’est passé sous mes yeux.
En mars
Puisque nous en sommes sur les lits de fer, il est
une autre observation que je suis forcé de faire ; elle a déjà été présentée en
partie par l’honorable M. Dumortier.
Il est impossible que jamais les 20,700 lits achetés par le gouvernement soient
occupés simultanément. Il y en aura tout au plus 15,000 occupés à la fois. Or,
les entrepreneurs sont payés pour l’entretien de 20,700 lits ; au lieu donc des
20 fr. 50 par lit qu’ils recevront annuellement à ce titre, ils recevront 25
francs par lit réellement occupé. Ceci leur procure un bénéfice de cent mille
fr. si mes calculs sont exacts. Il ne me semble pas que ce soit un objet à
dédaigner.
On a parlé, entre autres un honorable député
d’Audenaerde, de quelques faits particuliers. Il en est un qui est à ma
connaissance personnelle, et auquel je pense que vous voudrez bien ajouter foi.
Vers la fin de 1834, on a
décidé que le cap de Bouwel, qui avait été occupé
pendant deux années, ne le serait plus, et que le matériel de ce camp serait
vendu. Cette vente devait avoir lieu à un jour assez mal choisi, le 25
décembre, le jour de Noël. Il y eut une adjudication ; diverses offres furent
faites ; on offrit jusqu’à 2 mille et quelques cents fr. Au nombre des clauses
du cahier des charges, s’en trouvait une qui obligeait l’adjudicataire à
transporter à un camp voisin, probablement celui de Scheeldt,
les baraques des généraux, et celles de l’hôpital. Je ne sais pourquoi
l’adjudication n’eût pas lieu. Il en est résulté que le camp de Bouwet a dû être conservé jusqu’en juillet 1835. Il a fallu
pour le conserver jusqu’à cette époque y tenir deux compagnies de troupes,
auxquelles il a fallu allouer des vivres de campagnes. Ces vivres ont coûté
quelques milliers de francs. Il a fallu aussi payer quelques milliers de francs
pour la location du terrain sur lequel le camp était établi. Eh bien, au mois
de juillet, le camp a été adjugé ; on avait ôté du cahier des charges la clause
qui obligeait l’adjudication à transporter au camp voisin la tente des généraux
et les baraques de l’hôpital. Avec cela l’opération était tellement bonne,
qu’elle a produit à l’Etat : combien ? la solde de
1,200 fr.
Qnest.il alors arrivé ? Il a fallu transporter au
camp de Beverloo la tente des généraux et les baraques
de l’hôpital. Alors est arrivé dans ce but une flottille dans notre ville. Mais
il lui est arrivé un petit accident ; c’est qu’elle n’a plus trouvé d’eau dans
la rivière (on rit). Les pontonniers
chargés d’aller chercher ces objets ont réuni l’eau d’un point sur un autre, du
mieux qu’ils ont pu pour assurer la navigation de la flottille. Mais il leur a
fallu du temps ; assurément ce n’est pas sans des frais assez considérables que
ces pontonniers se sont ainsi déplaces pendant 8 jours.
Je bornerai là les observations que je voulais
faire dans la discussion générale, j’attendrai la discussion des articles pour
en présenter d’autres.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Il est vrai qu’à la fin de
l’année 1834, je donnai des ordres pour détruire le camp de Bauwel et vendre
les matériaux à l’exception de la tente du général et de l’ambulance. Par un
hasard singulier, l’intendant fixa la vente au 25 décembre, jour de Noël. Le
gouverneur de la province fit des observations et la vente fut remise au
printemps. Dans l’intervalle, il fallut choisir l’emplacement du nouveau camp.
Le chef d’état-major me fit observer que si on formait le camp du côté de Scheld, il serait possible de tirer parti des matériaux du
camp de Bauwel.
Quand, au mois de juin je me fus fixé sur
l’emplacement du camp, j’envoyai une flottille de pontonniers chercher les
matériaux du camp de Bauwel, ce qu’elle fit en très peu de temps ; en sept
jours et au moyen de travaux extraordinaires, cette flottille revint avec les
débris du camp. Les pontonniers et les officiers qui les dirigeaient se sont
très bien conduits dans cette opération.
L’honorable préopinant se trompe quand il dit que
sur vingt mille lits, quinze mille au plus seront toujours employés. La presque
totalité sera toujours employée, puisque j’ai la faculté de faire transporter
les lits par la société dans les lieux où on en aura besoin. L’honorable membre
prétend que s’il y a un quart des lits qui se trouve inoccupé, cela portera à 2
fr. le prix des lits occupés.
Il se trompe encore, car le prix payé à
l’entrepreneur représente l’intérêt du capital déboursé, les frais de magasins
d’administration, de bureau, ensuite la dépense d’entretien du lit, le
blanchissage des draps, le foulonnage des couvertures, le battage des matelas.
Dans les prix sur les 20 fr. les frais d’entretien ne sont que de 6 à 7 fr. ;
ainsi, en supposant un quart des lits non employés, cela ne ferait pas pour
l’entrepreneur un bénéfice de 150 mille francs comme il l’a pensé.
M. Dumortier. -
Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, je crois devoir protester contre les
inductions que M. le ministre des finances a tirées de mes paroles. Mon
intention n’est nullement de jeter le découragement dans l’armée, comme l’a dit
M. le ministre.
Mais en discutant un marché aussi onéreux que celui
dont il s’agit, j’ai dû considérer toutes les hypothèses même celle où
l’exécution du traité du 15 novembre nous forcerait à ne conserver de troupes
que ce qui serait nécessaire pour notre sécurité personnelle.
Quant à mon opinion sur ce traité, elle est connue,
je n’en veux pas, je l’ai déjà dit tout à l’heure ; et si le ministre veut, je
déclarerai avec lui que ce traité ne nous lie pas. Que le gouvernement se
montre énergique,qu’il
repousse ce traité, nous l’appuierons, et nous prouverons par là que nous
voulons conserver notre armée avec gloire et honneur et que nous comptons sur
son dévouement pour le jour où il faudra qu’elle verse son sang pour la patrie.
Que le gouvernement le veuille et c’en sera bientôt fait du traité du 15
novembre, nous soustrairons le trésor public à de lourdes charges et notre
nationalité à cette honteuse neutralité que nous imposait le traité du 15
novembre.
Quant au déficit, le ministre
prétend qu’il n’en existe pas. Le ministre ne veut pas considérer comme dette
les dix millions de bons du trésor mis pour la construction du chemin de fer,
les 1,400 mille francs dépensés pour l’acquisition du canal de Charleroy ; cela
n’est pas une dette selon lui, parce que c’est le pris d’une acquisition ; je
dis, moi, que quand on ne paie pas le prix d’une acquisition, quand on le doit,
on est en dette. Alors même que vous auriez une propriété qui vous couvre, vous
n’avez pas moins une dette. Ce n’est pas un déficit, c’est une dette.
En parlant du déficit, j’ai eu soin de faire cette
distinction qu’a développée ensuite le ministre des finances.
Il n’en est pas moins vrai que nous avons 25 ou 30
millions de bons du trésor en circulation et que si des bruits de guerre
venaient à se répandre, si les affaires venaient à se brouiller, nous serions
dans une position très fâcheuse, parce que les porteurs des bons du trésor
voudraient en demander le paiement, et que nous ne pourrions emprunter qu’à un
taux très avantageux.
M. le ministre veut employer un moyen très simple ;
présentez, dit-il, une nouvelle base de l’impôt et nous balancerons les
recettes et les dépenses.
Mais je ne veux pas, pour balancer les recettes et
les dépenses, de nouvelles bases d’impôt, je ne veux pas d’augmentation
d’impôt, mais des réductions de dépenses, des économies ; j’appuierai donc les
réductions qu’on proposera et qui auront pour but de supprimer les officiers
qui n’ont pas de soldats, les généraux sans troupes ; je combattrai les
avancements ridicules qui ne sont basés sur rien, et je blâmerai hautement les
ministres qui, par imprévoyance, compromettront les intérêts du trésor.
J’ai dû dire ce peu de mots pour protester contre
les intentions qu’on m’avait prêtées.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dumortier n’a sans doute pas
cru que je lui avais supposé l’intention de décourager l’armée ; je connais
trop ses bonnes intentions, j’ai trop de foi dans son patriotisme pour lui
attribuer une pareille pensée ; mais j’ai dit que tel pouvait être le résultat
des paroles prononcées par l’honorable membre et par quelques autres orateurs
qui ont pris part à cette discussion. Il a dit, en parlant d’officiers qui
touchaient des rations de fourrage pour des chevaux qu’ils n’avaient réellement
pas, qu’en France l’honneur empêcherait les officiers de réclamer de telles
rémunérations auxquelles ils n’auraient pas droit.
Il résulterait de ces paroles que chez nous il est
admis en principe, entre les officiers, qu’ils peuvent se permettre de
percevoir des rations pour des chevaux qu’ils n’auraient pas en réalité.
Si quelques officiers, un
ou deux, ce dont je doute très fort, ont pu se rendre coupables d’une pareille
turpitude, je suis convaincu que l’immense majorité, la presque totalité même
des officiers ne voudraient pas s’avilir au point d’affirmer qu’ils ont plus de
chevaux qu’ils n’en possèdent, pour avoir des rations.
J’ai dû m’élever contre ces paroles, surtout à
cause de l’effet qu’elles auraient pu avoir à l’étranger, où n’aurait pas
manqué de dire : Voyez, en Belgique, les représentants eux-mêmes viennent
déclarer que les officiers de l’armée sont sans honneur, qu’ils affirment
faussement qu’ils ont tel nombre de chevaux pour toucher les indemnités. Voilà
ce qui aurait pu résulter des paroles de M. Dumortier. Je suis persuadé qu’il n’a pas eu l’intention de
leur donner cette portée ; mais j’ai cru devoir prévenir le mauvais effet
qu’elles auraient pu produire contre son gré.
Quant à notre situation financière, je crois avoir
dit que loin d’être dans la nécessité de recourir à un emprunt ou de grever les
contribuables de nouvelles charges, nous pouvions envisager sans inquiétude le
petit découvert représenté par la dette flottante, parce que nous avions
l’espoir de pouvoir le combler par l’amélioration successive de nos recettes.
En effet, si nous jetons un coup d’œil sur nos
recettes depuis 1830, nous voyons qu’elles se sont successivement améliorées,
et nul doute que la prospérité du pays qui s’accroît de jour en jour, produira
aussi un accroissement du revenu qui permettra de combler la dette flottante
sans qu’il soit indispensable de décréter de nouvelles impositions.
J’ai dit que si on adoptait de nouvelles bases
d’imposition, on arriverait plus vite à ce résultat ; mais je ferai observer
que, par l’adoption de nouveaux impôts, je ne voudrais nullement obérer le
pays, mais bien l’enrichir, en employant les augmentations de revenu public à
l’établissement de nouvelles communications, à des travaux et à des
institutions utiles. Ce ne serait donc pas pour subvenir à la dette flottante,
qui n’a rien d’urgent ni d’inquiétant, que j’aurais eu vue de nouvelles
ressources pour le trésor.
M.
Dumortier. - M. le ministre des finances a généralisé une accusation
que je ne portais que contre quelque individus.
Comme lui je suis convaincu de l’honneur et de la
délicatesse de la majorité des officiers de l’armée, et je suis convaincu
qu’ils sont incapables de réclamer des rations auxquels ils n’ont pas droit.
Mais j’ai dit que quelques-uns n’avaient pas honte
de recevoir des rations pour des chevaux qu’ils n’avaient pas, et ceux-là j’ai
dit qu’ils manquaient à l’honneur.
Ce fait est à la connaissance de beaucoup d’entre
nous, et il a été signalé à chaque discussion de budget. J’ai cru devoir
prendre une troisième fois la parole pour repousser des suppositions
offensantes pour les officiers de notre armée qui n’étaient ni dans ma pensée
ni dans mes paroles.
M. Brabant. - Les
questions qui se présentent dans la discussion du budget de la guerre sont : 1°
celle de savoir si le nombre des troupes pour lequel on nous demande des
subsides n’est pas exagéré.
En second lieu ; si sur l’effectif présenté par le
ministre, on a appliqué convenablement les allocations déterminées par le
règlement que vous avez déjà sanctionné par quatre votes successifs ; en second
lieu, c’est de savoir s’il existe des abus dans l’armée et quels sont les
moyens de les faire disparaître.
Le budget soumis à vos discussions est calculé sur
un effectif moyen de 45,000 hommes. Je ne pense pas que dans l’incertitude où
nous devons être encore sur les dispositions de
L’examen du budget par la section centrale, dont
j’adopte les réductions, m’a convaincu que les prestations déterminées par les règlements
avaient été justement appliquées. Je ne crois pas non plus que ces prestations
soient exagérées. Quelques-unes sont fixes,
d’autres sont variables et dépendantes des circonstances. De ce nombre
sont, par exemple, la masse de pain, la masse d’habillement et d’entretien des
troupes. Elles ont été réduites successivement chaque année en raison des
conditions plus favorables qu’a obtenues l’administration de la guerre dans ses
adjudications. De ce chef donc je trouve encore le budget bien établi.
Il n’y a qu’une partie du budget relative au
matériel sur laquelle il m’est impossible de m’expliquer. Sous cette
dénomination, je comprends l’entretien des forteresses, les constructions
nouvelles, l’augmentation du matériel de l’artillerie et la pharmacie centrale.
Pour ce qui est du matériel du génie et de
l’artillerie, je ne sais pas quels sont les besoins du pays. A cet égard, M. le
ministre de la guerre, en qui j’ai confiance, est mieux à même de le savoir que
moi, et j’adopte sa proposition comme bonne. Quant à la pharmacie centrale, ii
s’est élevé plusieurs réclamations ; je ne sais pas jusqu’à quel point elles
sont fondées. Il paraît que les dépenses des hôpitaux seraient susceptibles de
réductions. Du reste, vous savez qu’en fait de pharmacie les comptes sont
toujours un peu exagérés. La chose est devenue proverbiale. (Hilarité générale.)
Je vous ai parlé des masses. Quant aux masses
d’habillement et d’entretien des troupes, un honorable membre a prétendu que M.
le ministre de la guerre n’avait pas fait son devoir. Sur ce point je crois que
ce membre s’est trompé dans l’interprétation qu’il a donnée aux dispositions du
règlement.
L’armée, dés sa formation, a dû être habillée. Une
avance considérable de fonds a dû être faite par la nation pour cet objet. Dans
notre système d’administration, les dépenses d’habillement des troupes se
répartissent par journées. C’est un abonnement. Si on trouvait un entrepreneur
qui à la formation de l’armée voulût, aux conditions stipulées par le règlement
et au moyen du paiement journalier des sommes affectées à cet objet, se charger
de l’habillement de toutes les troupes, l’on aurait payer
chaque jour ou chaque mois une somme déterminée.
Le gouvernement s’est substitué à la place de
l’entrepreneur. Il a habillé tous ses hommes. Mais il a fait en un jour ce
qu’il aurait fait en 3 ans. Il a donné en une seule fois au soldat ce que, dans
la supposition de l’exécution du règlement, il aurait donné pendant la durée du
service. Comment cette avance doit-elle rentrer dans les caisses de l’Etat ?
C’est au moyen de retenues exercées chaque année sur les sommes qui
résulteraient de l’application du tarif au nombre des journées et à l’effectif
des soldats ayant droit à l’habillement ; après cette avance du gouvernement,
la masse n’a plus dû fournir que les sommes nécessaires pour le renouvellement
et l’entretien et celles que pourraient exiger les décomptes à effectuer
individuellement avec chaque homme.
C’est ce que vous avez fait en 1832 en réduisant la
somme demandée de 1/5 ; également en 1833, en réduisant la somme demandée de
6/10. On a dit que ces retenues enlevaient aux soldats une partie de leur
solde. Il n’en est rien.
Les 18 centimes calculés pour la masse
d’habillement du soldat d’infanterie servent à payer chaque jour l’avance qui
lui a été faite. Ce nombre total de 18 centimes doit-il être dépensé chaque
année ? Non certainement, puisque nous l’aurions dépensée si nous allouions
tout ce crédit. Mais nous ne l’allouons pas pour ne pas compliquer inutilement
la comptabilité. Les sommes ainsi votées passeraient d’une caisse pour rentrer
dans une autre. C’est ce qu’il faut éviter. Car l’argent est comme la poix. il en reste toujours aux mains de celui qui le touche. (Hilarité.)
Une retenue n’est opérée sur la solde du soldat que
lorsque son habillement n’offre plus à l’Etat un gage suffisant pour la dette
contractée vis-à-vis de lui. Une partie de cette dette a dû rentrer dans les
caisses du trésor. Je ne suis pas assez au courant de l’état des corps pour
savoir jusqu’à quel point cela est vrai. Mais si un soldat devait 2 ou 3 fois
la valeur de sa masse, il était juste que l’on lui fît par une retenue sur sa
solde rembourser les dépenses résultant de sa négligence.
J’ai dit qu’une des parties de notre devoir dans la
discussion du budget de la guerre était d’examiner les abus qui seraient
parvenus à notre connaissance et de chercher les moyens d’y porter remède. Ce
remède, où le trouverons-nous ? Je ne
crois pas que c’est dans des discours stériles. La législature doit remédier
aux maux du pays par des lois sévères, par des lois qu’elle fasse exécuter
sévèrement.
Il y a deux abus à signaler. C’est un avancement
trop rapide dans certains grades, et en second lieu, ce sont les cantonnements.
J’aurai l’honneur de proposer deux dispositions à
introduire dans la loi du budget de la guerre. La première qui défendra au
gouvernement d’accorder de l’avancement à tout officier au-dessus du grade de
capitaine, à moins qu’il n’occupe son grade depuis 3 ou 4 ans (je ne suis pas
bien déterminé sur le chiffre) ; la seconde, qui a pour but de prévenir l’abus
des cantonnement, interdira au gouvernement d’établir des cantonnements au-delà
d’une zone de 5 lieues de la frontière, à moins qu’il n’y ait demande spéciale
d’un conseil communal ou cantonal.
- La séance est levée à 4 heures et demie.