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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 4 décembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à l’impôt des
distilleries (Milcamps) au droit sur les chevaux
(contribution personnelle) (Eloy de Burdinne)
2) Projet
de loi relatif aux droits d’entrée et de transit du bétail hollandais. Mesures
de contrôle (sanctions, notamment peine du carcan) (d’Huart,
Pollénus, d’Huart, Demonceau, Pollénus, Jullien, d’Huart, Pollénus, Bosquet), versement du
produit de la saisie aux employés) (Andries, d’Huart, Andries), mesures particulières
dans le rayon stratégique autour de Maestricht (Simons, d’Huart, Pollénus), et autour de
Luxembourg (Pollénus, d’Huart),
prohibition du transit du bétail (d’Huart, Verdussen, Rogier, d’Huart, A. Rodenbach, Rogier, Berger, Smits,
Gendebien, Verdussen, Desmet, Dubus, Rogier,
d’Hoffschmidt), tarification au poids (d’Huart)
3) Projet
de loi relatif au personnel de la cour d’appel de Bruxelles
4) Projet
de loi relatif aux droits d’entrée et de transit du bétail hollandais. Durée de
validité de la loi (Rogier, d’Huart)
5) Fixation
de l’ordre des travaux de la chambre. Projet de loi relatif à la péréquation
cadastrale (Liedts, d’Hoffschmidt,
Liedts, Fallon, Eloy
de Burdinne, Gendebien, Liedts,
Desmaisières, Eloy de Burdinne,
Dumortier, Fallon, de Theux, Jullien, d’Huart, Gendebien, d’Huart, Gendebien, Desmet, de Theux, d’Huart, Desmet, Dumortier, (+loi communale) de Theux,
A. Rodenbach)
(Moniteur
belge n°340, du 6 décembre 1835 et Moniteur belge n°341 du 7 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°340 du 6 décembre 1835) M. Verdussen
fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Verdussen
fait connaître les pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des distillateurs de Genappe et de Bruxelles
adressent des observations contre les modifications à la loi des distilleries, proposées
dans le projet de loi relatif aux voies et moyens pour 1836. »
________________
« Les médecins, notaires, marchands de grains
et cultivateurs d’une partie du contrôle de Waremme (Liége), demandent que les
chevaux à l’usage de leur industrie ou de leur profession ne soient pas
considérés comme chevaux de luxe. »
________________
M. Milcamps. -
Parmi les pétitions dont il vient d’être donné l’analyse, il en est une qui
contient des observations contre le projet de loi du budget des voies et
moyens, en ce qu’il apporterait des modifications à la loi sur les
distilleries. Je demande que la chambre ordonne qu’il soit donné lecture de
cette pétition et qu’elle soit insérée au Moniteur,
vu que demain les sections s’occupent du budget des voies et moyens. Cette
demande est sans préjudice du renvoi de la pétition à la commission des
pétitions, ou à la section centrale du budget des voies et moyens, comme la
chambre le jugera convenable.
M. Eloy de
Burdinne. - Je demande que la pétition qui contient une réclamation au
sujet des chevaux employés par les médecins, les marchands de grains, etc., et
qui a également rapport au budget des voies et moyens, soit inséré au Moniteur et renvoyée à la section
centrale du budget des voies et moyens. J’ai entendu que M. le ministre avait
l’intention de proposer des modifications à la loi ; mais la pétition pourra
donner quelques éclaircissements ; sous ce rapport l’insertion au Moniteur et le renvoi à la section
centrale peuvent être utiles.
- Les propositions de MM. Milcamps et Eloy de
Burdinne sont accueillies ; en conséquence la chambre ordonne qu’il soit donné
lecture de la pétition des distillateurs de Genappe et de Bruxelles, et que
cette pétition et celle de plusieurs habitants d’une partie du contrôle de
Waremme (Liége) soient insérées au Moniteur.
Cette dernière pétition est renvoyée à la section
centrale du budget des voies et moyens ; les autres pétitions sont renvoyées à
la commission des pétitions.
M. Verdussen,
secrétaire, donne lecture de la pétition des distillateurs de Genappe et de
Bruxelles, qui est ainsi conçue : (Le
Moniteur donne ensuite le texte de cette pétition, lequel n’est pas repris dans
la présente version numérisée. Il en est de même de la pétition des habitants
de Waremme relative à la taxe sur les chevaux, également reprise dans le même
Moniteur.)
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS D’ENTREE ET DE TRANSIT SUR LES BESTIAUX
Discussion des articles
Article
7
M. le président. -
La discussion continue sur la nouvelle rédaction de l’article 7 proposée par M.
le ministre des finances ; elle est ainsi conclue :
« Art. 7. Toute pièce de bétail trouvés par
les employés dans les étables, pâturages, ou dans quelque lieu que ce soit du
territoire compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y
serait pas dûment justifiée, seront saisis et confisqués, sans préjudice des
autres pénalités prononcées par la loi générale contre la fraude dont cette
contravention à la présente loi pourrait être accompagnée.
« La justification de l’existence légale dans
le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux trouvés dans les
pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune où ils sont
déclarés, devra se faire conformément aux dispositions des articles 3 et 6, ou
par exhibition d’acquits à caution.
« Celle des bestiaux trouvés dans les étables
ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés, s’établira par la confrontation
des indications portées à l’inventaire ci-dessus mentionné et par l’identité du
bétail. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - La chambre a paru désirer, vers la fin de la séance
d’hier, connaître quelles dispositions pénales sont portées par la loi générale
de 1822. Ces dispositions pénales se trouvent à l’article 205 de la loi. Je
vais avoir l’honneur d’en donner lecture à la chambre :
« Art. 205. Tout capitaine ou second d’un
bâtiment de mer, tout patron ou batelier d’un navire quelconque, comme aussi
tout voiturier, conducteur, porteur ou autre individu qui, à l’entrée ou à la
sortie du royaume, tenterait d’éviter de faire au 1er bureau où cela devrait
avoir lieu la déclaration, ou du chargement ou de la charge dont il serait
conducteur ou porteur, et tenterait ainsi d’importer, d’exporter, ou de faire
passer en transit, frauduleusement, les objets qui composeraient lesdits
chargements ou charge, sera puni d’un emprisonnement d’un mois au moins et d’un
an au plus. »
Voilà maintenant la disposition qui a paru
exorbitante aux honorables membres qui ont exprimé le désir de revoir l’article
dont je parle :
« En cas de récidive, la fraude ou le fait
cité au premier paragraphe de cet article sera considéré comme crime, et le
coupable sera puni de la peine de l’exposition sur l’échafaud avec un
emprisonnement de 1 à 5 ans.
« Et seront, dans l’un et l’autre cas, les
cargaisons, etc. »
Vient ensuite la saisie des objets fraudés.
Vous voyez que, comme l’ont dit d’honorables
membres, les peines comminées par la loi générale sont très fortes, puisque
pour la récidive de l’importation ou de l’exportation en fraude, elles vont
jusqu’à l’exposition sur l’échafaud et un emprisonnement d’un à cinq ans.
Mais, d’après les renseignements que j’ai
recueillis, il n’est pas à la connaissance de l’administration des douanes que
l’on ait appliqué une seule fois la peine comminée pour le cas de la récidive
par l’art. 205 ; ce cas doit être en effet très rare, car il ne suffit pas
qu’il y ait accusation de récidive, il faut qu’il y ait récidive de jugements,
qu’il y ait une première et une seconde condamnation.
Il est d’autres délits : ceux de refus d’exercice
et de révolte contre les employés, qui ne sont pas punis en vertu de la loi
générale, mais en vertu du code pénal. (Dénégations
de la part de quelques membres.)
Puisqu’on pense que ces délits ne sont pas punis
par le code pénal, je vais indiquer les articles de la loi générale qui se
réfèrent au code.
L’art. 323 qui prévoit le
cas d’injure est ainsi conçu :
« Art. 323. Quiconque se permettrait d’attaquer les
employés, de se porter à des violences ou voies de fait envers eux, de leur
résister, de les outrager, ou de les menacer, par paroles ou gestes, lorsqu’ils
sont dans l’exercice de leurs fonctions, ou se permettrait à cause de cet
exercice de porter atteinte ou dommage à leurs propriétés, sera poursuivi et
puni sévèrement conformément aux lois pénales. »
Vous voyez que pour ce délit et tous ceux de
l’espèce la loi de 1822 renvoie aux lois pénales.
Quant aux empêchements d’exercice, c’est l’art. 324
de la loi générale qui prévoit ce cas ; il porte :
« Art. 324. Le refus concernant la visite, la
vérification oit l’exhibition des documents, ainsi que tous autres empêchements
apportés à l’exécution des fonctions que les employés exercent en vertu de la
loi, seront indépendamment des peines prononcées contre les voies de fait et
les injures, punis d’une amende qui ne pourra être moindre de 50 florins ni excéder
300 florins. »
Vous voyez donc que, quant aux peines corporelles,
il n’y a qu’un seul cas où elles sont déterminées dans la loi générale, celui
de la récidive de frauduleuses importations ou exportations.
Ainsi que je l’ai dit hier, le juge a la faculté
dans différents cas d’atténuer la peine et de la réduire en vertu d’un arrêté
qui reçoit fréquemment son application.
Quoi qu’il en soit, je ne sais si c’est l’occasion
d’établir, pour le cas de fraude dont nous occupons, des pénalités différentes
de celles pour les fraudes analogues prévues dans la loi générale.
Cependant, si la chambre reculait devant
l’admission de la peine afflictive comminée pour le cas de la récidive de
fraude, je ne verrais pas d’inconvénient à introduire dans l’article une modification
destinée à satisfaire les membres qui croient trop rigide la disposition de la
loi générale.
Voici comment je rédigerais le premier paragraphe
de l’article :
« Toute pièce de bétail trouvée par les employés
dans les étables, pâturages, ou dans quelque lieu, que ce soit du territoire
compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y serait pas
dûment justifiée, sera saisie et confisquée, sans préjudice des pénalités
autres que les peines afflictives prononcées par la loi générale contre la
fraude, dont cette contravention à la présente loi pourrait être
accompagnée. »
De cette manière la peine
la plus forte comminée par l’article 205 de la loi générale ne serait plus
applicable.
Hier, à la sortie de la séance, j’ai entendu un
honorable représentant émettre un doute sur la possibilité de porter dans la
loi que les animaux saisis seraient confisqués, parce que, disait ce
représentant, l’article 12 de la constitution dispose que la confiscation des
biens est abolie. Je vais au-devant de l’objection qui pourrait être faite sur
ce point dans cette séance, et je dis que la défense de la confiscation des
biens ne peut s’appliquer au cas dont il s’agit. Il y a déjà eu dans d’autres
occasions des explications à cet égard dans la chambre, et l’on est resté
d’accord que la confiscation des biens n’était pas du tout la confiscation
d’objets saisis en fraude ; ici, en effet, ce ne sont pas des biens, ce sont
les instruments, les objets de la fraude ; il en est d’un boeuf saisi à
l’entrée, en fraude, comme de la confiscation de poids et mesures qui ne sont
pas exacts, qui ne sont pas conformes à la loi décimale.
Je pense donc que le mot « confisqué »
doit être maintenu, avec d’autant plus de raison que d’après la loi générale la
confiscation remplace l’amende, c’est-à-dire que l’amende c’est la
confiscation. Si donc on supprimait la confiscation, il faudrait la remplacer
par une amende.
Voilà les observations que j’avais à présenter sur
l’opposition que l’art.
M. Pollénus. -
Lorsque j’ai pris hier la parole pour appuyer l’observation de l’honorable M.
Demonceau, quant à la pénalité prononcée par la loi générale de 1822, en
matière de fraude, je l’ai fait parce qu’il m’a semblé nécessaire de profiter
de toutes les occasions pour s’efforcer de faire disparaître de cette loi les
pénalités trop sévères qu’elle contient.
Ce que vient de dire M. le ministre des finances me
confirme dans l’opinion que j’ai exprimée hier. Il n’existe pas d’exemple,
dit-il, que la disposition de l’art. 205 relative à la
peine du carcan ait été appliquée. C’est précisément parce qu’il n’existe pas
d’exemple que la loi ait été appliquée qu’il est urgent de la modifier. Car si
la loi n’a pas été appliquée, c’est parce que le juge, en présence d’un fait
peu grave, et d’une disposition de loi qui lui prescrit l’application d’une
peine exorbitante, et hors de proportion avec le fait, prononce toujours la
non-culpabilité du prévenu.
C’est donc par un vif désir
de voir réprimer la fraude et non dans l’intérêt des fraudeurs que je demande
que l’on fasse disparaître de la loi de 1822 la disposition que j’ai eu
l’honneur d’indiquer.
Les observations de M. le ministre des finances
viennent à l’appui de cette proposition. Le juge, dit M. le ministre des
finances, a le pouvoir de réduire la peine. Je le crois à cet égard dans
l’erreur. Il est différents cas où des arrêtes et des lois ont autorisé le juge
à modifier l’application de la peine. Mais je ne pense pas que ces arrêtés ou
ces lois aient permis de modifier la peine du carcan.
M. le ministre a pressenti que la chambre n’était
pas disposée à maintenir pour la récidive la pénalité exigée par la loi de
1822. Mais je crois qu’il ne convient pas que la chambre se borne à la simple
modification que propose M. le ministre des finances, parce que cette
modification ne s’applique qu’au cas de la récidive. Je pense qu’il faut que la
loi soit aussi raisonnable que possible. Puisque M. le ministre des finances
reconnaît qu’il y a urgence et nécessité de ne pas appliquer la peine du
carcan, m’emparant des considérations qu’il a présentées, je fais la
proposition suivante :
« L’art. 205 de la loi générale du 26 août
1822, en tant qu’il prononce, la peine du carcan, est abrogé. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Evidemment la proposition de l’honorable M.
Pollénus n’est pas dans la question. Il voudrait modifier une loi dont nous ne
nous occupons pas, revenir sur une législation pénale qui a un ensemble auquel
il serait dangereux de toucher isolément, car cet article 205 est combiné avec
peut-être 200 autres articles. M. Pollénus propose de modifier d’un trait de
plume tout ce qui concerne les pénalités de la loi générale. La chambre ne
pourrait se lancer dans un tel système, sans les plus grands dangers.
Je conçois qu’en se référant à la loi générale pour
un cas spécial, on puisse ne pas appliquer à ce cas la rigueur de la loi
générale. Toutefois, dans mon opinion, cette application n’est pas à redouter,
et sur ce point l’honorable préopinant ne m’a pas compris ; je n’ai parlé, à
cet égard, ni de nécessité, ni d’urgence. Je n’ai pas dit qu’il fût nécessaire
de modifier la loi puisque j’ai déclaré que la récidive n’avait jamais été
prononcée pour le cas d’importation frauduleuse. J’ai dit que si la chambre
avait trop de répugnance à maintenir l’applicabilité de la peine afflictive
comminée par l’art. 205, je ne voyais pas d’inconvénient à nous écarter, pour
le cas spécial dont nous nous occupons, des dispositions rigoureuses de la loi
de 1822.
La chambre voudra donc bien
remarquer qu’il y a une grande différence entre la proposition de M. Pollénus
et la mienne, et je persiste à croire qu’on ne peut sans le plus grand danger
abroger, par une disposition spéciale et improvisée, un article qui se combine
avec les nombreuses dispositions d’une loi telle que la loi générale, qui
comprend plus de 300 articles. Ce serait s’exposer à bouleverser toute
l’économie d’une loi de la plus haute importance.
On dit que cette
disposition de la loi est trop sévère. Soyez assurés néanmoins que cette
disposition comminatoire est utile et qu’elle fait plus d’effet sur les
fraudeurs que la peine de l’emprisonnement de trois mois à un an. Les fraudeurs
ne sont pas toujours corrigés par l’emprisonnement simple, et il arrive souvent
qu’après l’avoir subi, ils se mettent à recommencer leur métier ; tandis que la
menace d’une peine comme celle indiquée dans l’art. 205 les effraie, et ils
reculent devant la possibilité de son application ; cela est si vrai, que l’on
ne se rappelle pas que cette peine ait été infligée depuis que la loi de 1822
est en vigueur, et cependant l’on ne saurait admettre que les juges auraient
toujours reculé devant son application, si le cas de le faire fréquemment se
fût présenté.
M. Demonceau. -
Lorsque j’ai eu l’honneur de soumettre hier à la chambre quelques observations,
c’était plutôt pour saisir une occasion de manifester mon opinion sur la loi générale,
que pour demander l’abrogation d’une de ses dispositions.
Je pense avec M. le ministre des finances qu’il ne
faut pas abroger une de ses dispositions ; mais je pense aussi qu’il ne faut
pas se référer à la loi générale, qu’il faut laisser les choses telles qu’elles
sont sans en faire mention dans la loi, parce que la loi générale faisant
partie du système douanier pourra être appliquée dans les cas que M. le
ministre n’indique pas. Je crois qu’il faut laisser les choses dans le doute ;
on se reportera à la loi générale si on veut.
M.
Pollénus. - Si M. le ministre des finances consent à ne pas faire
mention dans la loi de la loi générale de 1822, je ne demande pas mieux que de
retirer mon amendement.
Mais M. le ministre prétend qu’on ne peut pas
adopter mon amendement, parce qu’il détruit le système de pénalité de la loi de
1822. Il n’en est rien ; car la disposition dont je demande l’abrogation, ruine
toute espèce de système pénal. Comment, un fait qui, d’après la législation de
1822, n’est passible que d’une peine correctionnelle, un simple délit, devient
crime lorsqu’il y a récidive ! Voyez dans le code pénal de 1810 s’il contient
une pareille disposition. Vous n’en trouverez aucune. Ainsi, la supprimer dans
la loi de 1822, ce n’est pas détruire l’économie de cette loi, c’est en
rétablir l’économie.
Toutefois si, comme le demande l’honorable M.
Demonceau, M. le ministre consent à ne pas se référer à la loi générale de
1822, je retire mon amendement, parce que le seul motif qui m’a porté à le
proposer c’est que je ne veux pas donner mon vote approbatif à une disposition
consacrant le maintien de cette loi. M. le ministre peut consentir à cette
suppression, puisque la loi de 1822 subsiste jusqu’à ce que son abrogation soit
prononcée, ou jusqu’à ce qu’il soit adopté des dispositions de loi qui
entraînent son abrogation.
M.
Jullien. - Hier, à la fin de la séance, M. le ministre des finances a
dit qu’il n’y avait aucun inconvénient à se référer à la loi générale de 1822,
qui après tout est tolérable, puisqu’on la souffre.
Pour mon compte, je proteste contre cette assertion
; car déjà il a été question dans cette enceinte de la loi générale de 1822. Il
ne s’est pas passé une discussion générale du budget des finances sans que l’on
ait soutenu que cette loi est une désolation pour le pays, qui sous l’ancien
gouvernement elle a contribué à la ruine d’une multitude de malheureux, traînés
en justice pour des procès-verbaux que la mauvaise foi et la cupidité avaient
seules dictés. Ainsi ce serait un véritable bienfait pour le pays que de
s’occuper de changer cette loi, et de substituer à ses dispositions
essentiellement fiscales une loi raisonnable.
On vient toujours se récrier contre la fraude ; on
appelle la sévérité de la loi et de la législature contre les fraudeurs.
Mais, messieurs,
faites attention que la fraude n’est ni un crime ni un délit. C’est une
contravention. Le fraudeur doit être pris par l’argent, par l’amende. Mais la
fraude, à moins qu’elle ne soit accompagnée de circonstances criminelles, n’a
jamais été considérée autrement que comme une contravention. Je me suis même
laissé dire qu’il y a des casuistes qui pensent que ce n’est pas un péché,
parce que cela se rachetait par l’argent. (Hilarité.)
Je répète ce que l’on m’a dit. (Nouvelle
hilarité.) Ainsi, il est nécessaire de changer les pénalités de la loi de
1822. Mais est-ce à l’occasion de la loi actuelle que vous devez modifier
l’article 205 de cette loi ? Je suis, à cet égard, de l’avis de M. le ministre
des finances que ce n’est pas à l’occasion d’une loi transitoire qu’il faut
déclarer l’abrogation de tel article d’une loi générale. Vous devez désirer
examiner cette loi avant d’y toucher, parce que vous pourriez, faute d’examen,
en attaquer le principe.
Je pense comme l’honorable M. Pollénus que si l’on
s’en réfère dans le projet actuel à la loi générale des fraudeurs, il est utile
d’en excepter la peine du carcan. C’est une modification qui pourrait être
introduite dans la loi. Je ne sais pas si j’ai bien compris M. le ministre des
finances, mais il paraissait disposé à se rallier à cette opinion.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai émis l’opinion qu’il ne fallait pas
s’effrayer des pénalités de la loi générale. Si la chambre craint l’application
de ces peines, je ne verrais pas d’inconvénient à adopter un amendement rédigé
de la manière suivante :
« … Sans préjudice des pénalités autres que
les peines afflictives prononcées par la loi générale contre la fraude. »
M. Pollénus. - Je
déclare me rallier à l’amendement de M. le ministre.
M. Bosquet. - Le
code pénal divise les peines criminelles en peines afflictives et infamantes et
en peines infamantes. Le carcan est compris dans les peines infamantes qui ne
sont pas à la fois afflictives. Si j’ai bien compris la discussion, tout le
monde paraît d’accord sur ce point que la peine du carcan ne doit pas être
appliquée aux fraudeurs dans le cas de récidive ; c’est donc une peine
infamante que l’on l’eut faire disparaître de la loi. Il y aurait donc lieu de
remplacer le mot « afflictives » par celui
d’ « infamantes » dans l’amendement de M. le ministre.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Je ferai d’abord observer que dans cet article il ne
s’agit que de la fraude. Si elle est accompagnée d’un délit, s’il y a eu
rébellion, empêchement d’exercice, etc., les fraudeurs seront punis
conformément au code pénal. Comme je me suis borné à indiquer l’amendement
plutôt que de le proposer, je n’en ai pas approfondi la rédaction. Je
m’aperçois que c’est à tort que j’avais indiqué le mot « afflictif. »
Il n’y a qu’une peine infamante d’après l’art. 205 de la loi citée. Cet article
est ainsi conçu :
« En cas de récidive, la fraude ou le fait
cité dans le 1er paragraphe de cet article sera considéré comme crime, et le
coupable sera puni de la peine de l’exposition sur l’échafaud et d’un
emprisonnement de un an à cinq ans. »
Je pense donc qu’au lieu de dire : « autres
que les peines afflictives, » il
vaut mieux dire « infamantes, » comme l’a proposé l’honorable M. Bosquet.
- L’amendement présenté par
M. le ministre, et ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article 7 est mis aux voix et
adopté.
M. le président. -
M. Andries a présenté le paragraphe additionnel suivant à l’article 7 :
« Dans la quinzaine, après que la saisie aura
été déclarée valable, ou que la transaction aura été conclue, la totalité du
produit de la saisie sera versée entre les mains de celui ou de ceux qui auront
fait la saisie. »
M.
Andries. - Déjà plusieurs fois des réclamations se sont élevées dans
cette enceinte et au sénat sur la distribution régulière du produit des
saisies. Rien de plus juste que ces réclamations. Il est singulier que des
personnes qui n’ont rien fait viennent prendre part aux produits du travail
d’autrui. Jusqu’à présent on n’a proposé pour empêcher la fraude que des moyens
de rigueur, les moyens d’encouragement me paraissent devoir être plus
efficaces,
Le douanier qui veille du matin au soir, qui endure
des fatigues de toute espèce, est très peu récompensé. Il reçoit la part que la
loi lui assigne, après un long espace de temps. Je voudrais qu’il pût toucher
sa quote-part dans le produit de la saisie presque immédiatement après l’avoir
faite. Une faible somme de 5 à 10 fr. fait plus d’effet sur l’employé, s’il la
reçoit dans la quinzaine qui suit la saisie, que s’il en touche le montant
quelques mois après.
Je n’aime pas les innovations brusques et encore
moins les innovations générales. Mais le moyen d’encouragement que je propose
sera si efficace pour la répression de la fraude que je n’ai pas cru devoir
m’arrêter devant la crainte d’innover.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’amendement de M. Andries tend à attribuer
aux employés de la douane la totalité du produit des saisies, et cela dans la
quinzaine qui suivra chaque saisie ou transaction. L’honorable M. Andries, pour
appuyer son amendement, parle de la singulière répartition qui se fait
aujourd’hui des saisies. Je vais donner lecture à la chambre de la disposition
qui répartit le produit des saisies. Elle verra que les employés saisissants
ont, dans ce produit, une part aussi large qu’il a été possible de la leur
faire.
Voici comment se répartit le produit des
saisies :
« 25 pour cent à la caisse de retraite. »
C’est un fonds commun versé par tous les employés
pour améliorer leur position quand ils se retirent du service, ou pour laisser
à leurs veuves ou à leurs orphelins une pension que ceux-ci n’auraient pas eue,
si les employés ne s’étaient imposé des privations pendant leur temps
d’activité de service.
«10 pour cent à un fonds général de réserve destiné
à récompenser les employés qui se sont distingués par leur zèle. »
Il est nécessaire qu’un fonds de réserve soit
affecté à cet usage. Il est des employés très zélés qui, par cela même qu’ils
font scrupuleusement leur devoir, n’opèrent pas de saisies, parce que les
fraudeurs n’osent pas se montrer sur la frontière qu’ils surveillent. Il est
nécessaire de les récompenser de leur zèle afin qu’ils ne se trouvent pas dans
une condition plus défavorable que leurs collègues, à cause de leur vigilance.
« 5 p. c. à l’inspecteur en chef. »
C’est un employé actif du service qui le dirige. Il
est utile d’encourager son zèle, Du reste il ne lui est accordé que 5 p. c.
« 8 p. c. aux contrôleurs. »
Les contrôleurs font le service le plus actif. Ils
sont pour ainsi dire la cheville ouvrière de l’administration des douanes
puisque ce sont eux qui combinent le service de manière que les brigades soient
surveillées l’une par l’autre sans qu’elles s’en doutent.
« 2 p. c. au receveur des fonds de
consignation. »
C’est le prix du travail qu’exige cette
comptabilité.
Enfin « 50 p. c. aux employés saisissants. »
Vous voyez que leur part est suffisante.
Il ne serait pas prudent, à l’occasion d’une loi
spéciale, de stimuler sans raison le zèle des employés. Et ici je ferai
remarquer qu’il y a une certaine contradiction dans les opinions de l’honorable
auteur de l’amendement. D’un côté, il craint les vexations auxquelles les
employés pourraient se livrer envers les cultivateurs ; il craint qu’ils
n’aient un intérêt trop grand à la vérification fréquente des inventaires, et
en même temps il veut stimuler, en quelque sorte, la cupidité des employés.
J’avoue que je ne puis concilier ces deux manières d’envisager les choses.
Je crois qu’il serait
dangereux de modifier, à l’occasion d’une loi spéciale, ce qui existe en vertu
des règlements que le pouvoir exécutif a faits dans l’exercice de ses
attributions. C’est à lui seul à apporter ces changements, s’il le juge
convenable, car il est le mieux à même d’en apprécier la nécessité.
L’honorable membre veut, en même temps, prévenir
les retards qui arrivent dans la distribution du prix des saisies. Il n’y a de
retards, messieurs, que ceux qui sont absolument indispensables. Si les
employés attendent le paiement de leur quote-part dans les saisies, c’est que
le jugement qui doit avant tout déclarer la saisie valable, dépend des
tribunaux et n’est rendu qu’après un certain temps. Quand il y a transaction
entre les employés et la personne sur qui la saisie est opérée, il faut bien un
délai suffisant pour po voir élaborer la transaction. Vous voyez donc que des
retards sont indispensables, et il ne dépend pas de nous de les abréger. Car
ils ne viennent jamais de l’administration, qui s’empresse de faire la
répartition aussitôt que le jugement a été rendu ou que la transaction a été
conclue.
Je pense, pour ces motifs, qu’il n’y a pas lieu
d’adopter l’amendement présenté par l’honorable M. Andries.
M. Andries. - Tout
en repoussant de toutes mes forces les vexations que l’on pourrait exercer
contre les particuliers, je veux en même temps donner au pouvoir tous les
moyens d’empêcher la fraude efficacement. Ce sont deux motifs qui ne se
contredisent pas mutuellement. C’est dans ce but que je voudrais que l’on
encourageât les simples douaniers. Je sais par expérience que les saisies sont
faites avec une grande indifférence. L’employé saisissant sait qu’il ne
touchera le produit de sa prise que longtemps après. Il faut stimuler le zèle
des employés par la perspective de recevoir promptement le produit de sa
saisie.
Le sort des douaniers dans la partie des Flandres
que j’habite mérite la sollicitude du gouvernement. Le climat les expose à des
maladies qui les mettent dans l’impossibilité de continuer leur service de
quelque temps. Ils ont presque tous une famille à nourrir. Il serait humain de
faire toucher promptement la récompense d’une surveillance à laquelle ils
doivent les maladies dont ils sont accablés. Très souvent ce paiement rapproché
leur serait d’un grand secours.
On voit avec peine que des employés supérieurs,
largement rétribués, touchent le prix du travail des employés subalternes. Je
crois donc qu’il y aurait lieu de faire une innovation dans la loi qui nous
occupe. Je suis persuadé que la répression de la fraude n’en serait que plus
complète.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne ferai plus qu’une très
courte observation, mais qui sera très utile pour déterminer le vote ; c’est
qu’avant 1832, les employés saisissants ne touchaient que 25 pour cent sur le
produit des saisies ; depuis le 9 mai 1832, c’est-à-dire sous le gouvernement
belge, leur quote-part a été portée à 50 p. c.
M. le président. -
M. Simons a proposé la disposition suivante :
« Les habitants du rayon stratégique de la
forteresse de Maestricht pourront faire circuler leur bétail dans le territoire
du rayon des douanes mentionné à l’art. 2, et l’envoyer en pacage, en pâturage
ou aux marchés dudit rayon à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ainsi que de
l’intérieur, dans ce dernier rayon, sans paiement de droit ; le tout en se
conformant aux dispositions de la présente loi, ou à toutes autres formalités
que le département des finances jugera nécessaire de prescrire pour en assurer
l’exécution. »
M. Simons. - Pour
faire apprécier par la chambre toute l’importance de la disposition que j’ai
l’honneur de présenter à sa sanction, il importe de faire connaître la localité
à laquelle cette disposition doit s’appliquer, ainsi que quelques faits qui s’y
rattachent.
En dehors du rayon des douanes autour de
Maestricht, c’est-à-dire entre ce rayon et la forteresse, il existe une étendue
de terrain d’une profondeur, à ce que je pense, d’une demi-lieue, qui quant au
système douanier est à proprement parler terrain neutre : c’est le rayon
stratégique. Ce rayon est très peuplé. Sur toute sa surface on rencontre en
tous sens des habitations disséminées ; dans quelques endroits, des
agglomérations de maisons assez importantes, et dans d’autres des hameaux et
fractions de communes.
Et ce qui mérite ici surtout toute votre attention
particulière, c’est que la plupart des habitants de ce rayon stratégique sont
cultivateurs ou fermiers et par suite détenteurs de bétail.
Or, les dispositions que vous venez d’arrêter n’ont
rapport qu’aux propriétaires, détenteurs ou possesseurs de bétail, qui demeurent
et ont leur domicile dans l’étendue du rayon des douanes.
Ni la commission d’industrie, ni le gouvernement,
ne se sont occupés qu’à tracer les règles à suivre en ce qui concerne les
habitants du territoire réservé.
Par conséquent, faute d’introduire dans la loi une
disposition spéciale, qui règle les rapports des habitants du rayon
stratégique, il s’ensuivra nécessairement que ces malheureux habitants devront
être assimilés aux étrangers, et que comme tels il ne leur sera pas permis
d’envoyer leurs bestiaux au marché, ni en pacage, ni en pâturage. En un mot, à
défaut de débouchés pour se défaire de leur bétail, vous les condamneriez à
abandonner leur culture ; vous les réduiriez à la misère, vous en feriez de
véritables parias. Car, veuillez ne pas le perdre de vue, en leur interdisant
toute communication avec le pays, vous leur ôtez toute ressource, et vous les
placez dans un état d’ilotisme complet, entre la forteresse de Maestricht d’une
part et la ligue de la douane belge de l’autre part.
Telle n’est pas, telle ne peut certainement pas
être votre intention.
Je l’ai déjà dit dans une séance précédente et je
me plais à le répéter, les habitants du rayon stratégique paient, sans
distinction aucune, tous les impôts. Leurs fils sont assujettis aux lois de la
milice, et ont constamment concouru au tirage avec les miliciens du district.
Ces habitants sont soumis à la même juridiction judiciaire et administrative,
et ils exercent dans toute leur plénitude les droits civils et politiques que
la constitution garantit à tous, Ils sont donc Belges et habitants du
territoire belge. Car, notez-le bien, notre gouvernement exerce tous les actes
de souveraineté jusqu’aux portes de la ville : la perception du droit de
barrière se fait dans le rayon stratégique au nom du gouvernement ; les
brasseries, distilleries et autres usines y sont exercées et contrôlées par nos
employés des accises, etc., etc., etc.
Dans le principe, l’action de la douane belge
s’étendait jusqu’aux ouvrages extérieurs de défense de la forteresse. Ce n’est
que postérieurement, pour prévenir toute collision entre les douanes belges et
les militaires de la forteresse, qu’il a été convenu, si pas formellement, du
moins tacitement entre les deux gouvernements, que la douane belge n’aurait
aucune action dans le rayon stratégique.
Je n’entrerai pas dans l’examen des considérations
qui ont pu dicter cette convention, parce que ces considérations, quelles
qu’elles puissent être, ne peuvent exercer aucune influence défavorable sur
leur qualité de Belges, qualité qui, certainement, ne peut leur être enlevée
pour de simples motifs de convenance.
Deux points de droit se trouvent donc bien et
dûment établis en ce qui concerne les habitants du rayon stratégique, c’est 1°
qu’ils sont bien réellement Belges, et 2° qu’ils demeurent sur un territoire
qui, quoique envisagé comme neutre, pour ce qui concerne le régime des douanes,
ne forme pas moins incontestablement partie intégrante du royaume de Belgique.
Ceci pesé, je vous le demande, messieurs,
pouvez-vous, constitutionnellement parlant, placer les habitants du rayon
stratégique en quelque sorte hors de la loi ? Non, assurément non. La
constitution proclame tous les Belges égaux devant la loi, elle assure à tous
les mêmes avantages, dans quelque coin de
Tout ce qui est en votre pouvoir c’est d’assujettir
ces habitants, en raison de la position fâcheuse dans laquelle ils se trouvent
bien malgré eux, c’est, dis-je, de les assujettir à un régime de surveillance
tout particulier pour que force reste à la loi, et que la douane puisse, à tout
événement, prendre telles mesures qu’elle jugera nécessaire, pour prévenir
qu’il ne s’introduise par ce rayon aucun bétail en fraude du droit établi sur
l’entrée.
C’est là le double but que je veux atteindre par la
disposition nouvelle que j’ai l’honneur de vous proposer, et qui est de la
teneur suivante :
« Les habitants du
rayon stratégique de la forteresse de Maestricht pourront faire circuler leur
bétail dans le territoire du rayon des douanes mentionné à l’art. 2, et
l’envoyer en pacage, en pâturage ou aux marchés dudit rayon à l’intérieur ou à
l’extérieur du pays, ainsi que de l’intérieur, dans ce dernier rayon, sans
paiement de droit ; le tout en se conformant aux dispositions de la présente
loi, ou à toutes autres formalités que le département des finances jugera
nécessaire de prescrire pour en assurer l’exécution. »
Je me suis servi de la conjonction alternative
« ou à toutes autres formalités qui pourront être exigées pour assurer
l’exécution de la loi », parce que quelques dispositions de cette loi ne
pourront recevoir leur exécution dans le rayon stratégique, attendu que, comme
j’ai eu l’honneur de vous le dire, les employés n’ont officiellement aucun
accès dans ce rayon.
Ils ne pourront donc pas procéder à domicile à la
confection de l’inventaire, ni y faire le recensement du bétail ; il faudra ou
que l’on charge le bourgmestre ou toute autre personne de cette besogne, ou
bien que l’on oblige les propriétaires à conduire à ces fins leur bétail au
bureau du receveur.
Voila les motifs pour lesquels j’ai abandonné au
département des finances de prescrire telle autre formalité qu’il croira devoir
imposer aux habitants du rayon stratégique pour assurer l’exécution de la loi.
Par ce moyen les intérêts particuliers de ces habitants se trouveront
parfaitement conciliés avec ceux de l’industrie agricole en général.
D’après ces considérations je me flatte que
l’article nouveau que j’ai l’honneur de vous proposer, sera accueilli
favorablement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que l’amendement de M.
Simons est complètement inutile ; je vais tâcher de le démontrer.
D’abord, l’honorable M. Simons s’est étendu dans de
longues considérations, pour prouver que les habitants du rayon autour de
Maestricht étaient Belges. Je crois qu’il n’y a, à cet égard, de contestation
de la part de personne.
Dans une précédente séance, j’ai, moi-même, déclaré
que c’était précisément parce que le gouvernement avait toujours considéré
comme Belges les habitants du rayon de Maestricht, que la fraude était si
difficile à réprimer.
Si le gouvernement n’avait pas eu pour les
habitants de ce rayon toute la sollicitude qu’ils méritent, nous les aurions
considérés comme étrangers sous le rapport des douanes et nous aurions exécuté,
à leur égard, les lois douanières comme vis-à-vis des étrangers.
Je le répète, il n’y a donc pas de doute sur la
qualité et les droits des habitants du rayon autour de Maestricht.
Du moment que les habitants
de ce territoire réservé sont considérés comme Belges, il est inutile de le
mettre en doute et de porter dans ce but une disposition spéciale pour ces
habitants. Voici, dans l’exécution de la loi que nous discutons, ce qui
arrivera, soit qu’on adopte ou non la proposition de M. Simons. Les employés se présenteront sans armes chez les
particuliers, car ils ont le droit d’entrer sans armes dans le rayon ; ils
demanderont à faire l’énumération des bestiaux ; si des propriétaires se
refusaient à ce qu’on dressât cet inventaire, car il est possible que
quelques-uns, considérant la position topographique de leur exploitation, se
refusent à l’exercice des employés, dans ce cas on les considérera comme
étrangers ; on ne les empêchera cependant pas encore pour cela de faire paître
leurs troupeaux en deçà, au-delà ou dans le rayon ; ils seraient tenus à faire
ce que font les Hollandais et les Prussiens sur les frontières de
Avec cela, ils feraient paître leurs troupeaux, et au
retour ils se présenteraient au bureau, feraient décharger leur acquit de
pacage et rentreraient tranquillement chez eux. Si tous veulent se soumettre à
la loi que nous faisons, à la formalité de l’inventaire, ce que je crois, ils
feront circuler leurs bestiaux avec autant de liberté que les autres Belges du
territoire réservé des douanes.
Je pense donc que l’amendement de M. Simons est
plutôt dangereux qu’utile, car il laisse dans une apparence de doute que les
habitants du rayon autour de Maestricht soient dans une position
exceptionnelle, ce qui n’est pas aux yeux du gouvernement.
M. Pollénus. - Si
je crois l’amendement de M. Simons inutile, je me garderai bien de l’appuyer.
Je désirerais, pour reconnaître l’inutilité de cet amendement, que M. le
ministre me dît sur quelle loi sont fondés les droits que l’honorable M. Simons
veut faire résulter de la disposition qu’il propose. Si on me prouve qu’il
existe à ce sujet une disposition quelconque, je cesse à l’instant d’appuyer cet
amendement. La loi dont nous nous occupons ne s’applique qu’au rayon douanier
autour de Maestricht, et le rayon douanier ne commence qu’à partir du périmètre
du rayon stratégique. Tout ce qui est dans le rayon stratégique est en-dehors
du rayon douanier et, par conséquent, ne tombe pas sous l’application de la
loi. Si le ministre des finances peut me démontrer que les habitants du rayon
stratégique doivent être en sécurité, je ne demande pas mieux que d’abandonner
l’amendement. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. Simons est mis aux voix. Il
n’est pas adopté.
M. le président. -
Nous passons à l’art. 8.
M. Pollénus. - Je
demande la parole.
En parcourant les diverses dispositions du projet,
j’ai cru découvrir qu’il y avait une lacune, et à moins qu’on ne me démontre
que je suis dans l’erreur, je proposerai une disposition additionnelle pour
combler cette lacune.
Dans une précédente séance, vous avez adopte à
l’art. 2 un amendement qui étend les frontières auxquelles s’applique la loi
jusqu’à Stegen, et comprend ainsi toute la rivière de
la province du Luxembourg. Dans le projet du gouvernement où le rayon douanier
ne s’étendait que jusques et y compris le Limbourg, on avait cru nécessaire d’y
comprendre le rayon autour de Maestricht. C’était très logique. Mais si
maintenant vous étendez la loi à la province du Luxembourg, n’avez-vous pas le
même motif pour comprendre le rayon autour de la ville de Luxembourg ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il n’y a pas de rayon autour de Luxembourg.
M. Pollénus. - Je
ne puis pas me contenter de cette explication. Il me semble que Luxembourg est
dans la même position que Maestricht, et que par conséquent il y a lieu
d’adopter pour la première de ces villes la mesure qu’on a admise pour la
seconde.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - A moins
d’établir autour de Luxembourg un rayon de douane qui, comme chacun sait,
n’existe pas, nous ne pourrions pas adopter la mesure proposée par M Pollénus.
Vous savez que cette forteresse est régie par d’anciennes conventions, je crois
par les conventions de Mayence. Le transit ne se fait que par la garnison, et
je dois dire que de la ville de Luxembourg il ne se fait aucune espèce de
fraude soit par la garnison, soit par les autorités prussiennes et
hollandaises. C’est une justice qu’il faut leur rendre ; il n’y a même jamais
eu la moindre apparence de fraude, et je ne pense pas que les autorités
prussiennes ni même les quelques fonctionnaires hollandais qui s’y trouvent,
voudraient se permettre de faire la fraude, tandis qu’il n’en est pas de même
dans une autre forteresse où la fraude se fait avec la plus grande intensité. (Aux voix ! aux voix !)
Plusieurs
membres. - Mais il n’y a rien à mettre aux voix.
Article
8
(Moniteur
belge n°341, du 7 décembre 1835) M. le président.
- Je donne lecture de l’article 8 :
« Le transit des chevaux et des bestiaux est
prohibé tant à l’entrée qu’à la sortie par les frontières du rayon mentionne à
l’art 2.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il ne faut plus s’occuper du transit des
chevaux. Il est convenu qu’il n’en serait plus question dans les derniers
articles de la loi, le droit étant resté très faible, comme il l’est
actuellement.
Un autre amendement est devenu nécessaire à cet
article, par suite de l’adoption de l’art. 2 proposé par la commission ; en
effet, en maintenant l’article en discussion tel qu’il est, le transit des
bestiaux venant de
Il faudrait donc rédiger l’article de la manière
suivante :
« A l’exception des provinces de Liége et de
Luxembourg, le transit des bestiaux est prohibé tant à l’entrée qu’à la sortie
par les frontières du rayon mentionné à l’art. 2. »
Je ne devrais peut-être pas
examiner maintenant la question du transit en principe. Cependant je vais en
dire deux mots et, à propos de cette question, parler de la loi présentée par
le ministre de l’intérieur concernant le transit, loi à la rédaction de
laquelle j’ai aussi concouru. Si je reviens sur ce sujet, c’est pour rappeler
que nous ne sommes pas du tout en contradiction avec les principes émis dans ce
projet de loi, comme l’a prétendu un honorable membre : et, pour le prouver, il
me suffira de donner lecture d’un seul article. Vous verrez que, dans cette
loi, le bétail est prohibé au transit.
(M. le
ministre des finances donne lecture d’un article du projet de loi dont il
s’agit.)
C’est donc à tort qu’on nous reprochait d’avoir,
par la loi actuelle, détruit plusieurs articles de celle que je viens
d’invoquer, puisque les bestiaux se trouvaient prohibés par cette dernière
qu’on reconnaît être une loi libérale et à la présentation de laquelle nous
nous faisons honneur d’avoir pris part.
M. Verdussen. -
Les amendements présentés à l’article 8 par M. le ministre des finances
diminuent beaucoup ma tâche. En effet, après avoir adopté l’art. 2, il y aurait
eu contradiction manifeste à admettre la rédaction primitive de l’art. 8
proposé par le gouvernement.
Je me permettrai de faire encore quelques
observations contre cet article. Je demanderai au ministre de vouloir bien le
retirer. Il vaudrait mieux, selon moi, renvoyer la question de la prohibition
du transit des bestiaux à la discussion de la loi générale sur le transit, dont
le ministre vient de nous entretenir, et dont le projet a été présenté dans la
séance du 4 août. Quoi qu’en ai dit le ministre, la disposition de cette loi
est encore en contradiction avec ce qui a été introduit dans la loi actuelle.
En effet, dans une disposition du projet de loi sur le transit présenté le 4
août, il est dit en termes généraux que les bestiaux, sans exception, sont prohibés
au transit.
Cependant ici, ce serait une mesure exceptionnelle.
On n’étend plus cette prohibition à toutes les frontières, on veut la limiter
aux frontières de Hollande. Avant d’invoquer un projet de loi, on devrait attendre
que ce projet fût converti en loi.
Nous ne savons pas encore quels sont les
amendements qui y seront introduits ; nous ne savons pas si la législature
adoptera la disposition générale proposée dans ce projet de loi par le
gouvernement. Il serait toujours dangereux de préjuger une question d’une aussi
haute importance dans une loi accidentelle et spéciale, car il y aurait un
préjugé en faveur de la prohibition si vous alliez dès à présent l’appliquer à
un objet spécial.
Si, au sujet de cette disposition particulière,
j’avais à combattre le principe général de la prohibition en fait du transit,
je dirais qu’il faut être extrêmement sobre de prohibition quand il s’agit de
transit. L’exemple des pays qui connaissent le mieux leurs intérêts en fait foi.
Prenons pour exemple
En général la prohibition en fait de transit tourne
au détriment du pays qui l’applique ; car le transit, quand on a pris des
mesures contre l’infiltration, ne fait que du bien au pays qui l’admet. Combien
de journées ne faut-il pas pour conduire des bœufs de Hollande en France ? Au
moins dix jours, et il faut presque autant de conducteurs que de bœufs, car un
troupeau de boeufs ne se mène pas facilement. Pendant ces dix jours ces
conducteurs et leurs troupeaux dépensent de l’argent dans le pays.
D’ailleurs, je vous ferai
remarquer que nous devons des égards aux pays avec lesquels nous sommes en
relations d’amitié, et comme je l’ai déjà dit, qu’indépendamment de la perte du
droit pour le fisc, la prohibition du transit tourne au détriment de la nation
qui vient l’appliquer.
Je vous le demande,
Mais je m’aperçois que je combats ici l’article,
tel qu’il aurait été d’abord rédigé, et que je ne combats pas l’article amendé.
Eh bien, je dirai :
Je pense que dans la position où nous nous
trouvons, il n’y pas de danger de voir infiltrer dans le pays les bœufs de la
Hollande ; on peut prendre pour cela des mesures nécessaires, par exemple les
faire marquer au fer rouge à l’entrée, et vérifier la marque à la sortie.
De cette manière, nous ne détruirions pas un revenu
qui n’est pas à dédaigner, et nous ne nous exposerions pas à faire une chose
désagréable à
M. Rogier. -
Messieurs, dans la discussion générale, j’avais fait remarquer que le projet de
loi du ministre des finances se trouvait en contradiction avec un autre projet
de loi présenté par son collègue le ministre de l’intérieur. Le ministre des
finances revendiqua l’honneur d’avoir associé son nom à ce projet. J’avais
trouvé que les deux projets étaient en contradiction ; j’ai dû trouver par
conséquent que le ministre des finances était en contradiction avec lui-même.
J’ai fait ressortir cette contradiction, et voici ce que je disais à ce sujet :
D’après le projet de loi sur le transit présente le 20 juin, les chevaux et
poulains étaient frappés d’un droit de 4 fr. au transit, tandis que dans le
projet actuel on les prohibe au transit.
Je savais que l’un et l’autre projet prohibaient
les bestiaux. Je faisais ressortir la contradiction pour les chevaux et
poulains. Cette contradiction, on vient de la faire disparaître, mais elle
existait.
Maintenant les chevaux et les poulains pourront
transiter comme par le passé. Restera la prohibition contre le bétail. D’après
le projet de la commission, il faudrait étendre la prohibition aux frontières
d’Allemagne. D’après le projet du ministre, on ne l’appliquerait qu’aux
frontières de
Au reste, une bigarrure de plus ou de moins dans la
loi ne dénaturera pas beaucoup son caractère, car le caractère de cette loi est
d’introduire dans notre régime des douanes des dispositions disparates, des
dispositions plus ou moins sévères tantôt contre une frontière, tantôt contre
deux. Si nous devions réviser tout notre tarif de douanes d’après un tel
système, je ne sais comment on pourrait sortir de toutes ces mesures
partielles.
Je crois, M. le ministre, que si vous cherchez mes
paroles dans le Moniteur elles y sont
bien telles que je les ai rappelées tout à l’heure.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois que je puis bien faire cette
recherche.
M. Rogier. - Oui
certainement ; ce que je vous dis n’a pour but que de vous épargner la peine
d’une recherche fort inutile.
Je reviens à la question.
Je dois faire observer que la prohibition nous fait
sortir du statu quo dans lequel l’honorable M. Dubus voulait qu’on se
retranchât, car la loi de 1822 ne prohibait pas le transit du bétail.
J’ajouterai que si elle adopte la disposition dont
il s’agit, la chambre se mettra en contradiction manifeste avec ses
antécédents, et pour n’en citer qu’un, avec ce qu’elle a fait dans la loi sur
les céréales.
Que voulait-on par la loi des céréales ?
On voulait assurer au marche belge la consommation des céréales belges à
l’exclusion des céréales étrangères ; mais on n’a pas été jusque-là que de
vouloir exclure les céréales étrangères des marchés étrangers. Actuellement
vous voulez assurer le marché intérieur au bétail belge et vous voulez encore
exclure des marchés étrangers le concours du bétail étranger avec le vôtre.
Dans la loi sur les céréales on a été plus libéral ; ou n’a pas voulu prohiber
le transit par notre pays des céréales étrangères ; on a même diminué le droit
du transit pour ne pas détruire entièrement le commerce sur les céréales ;
cependant on l’a beaucoup restreint en Belgique, car les céréales qui venaient
autrefois directement en entrepôt chez nous, vont maintenant s’entreposer en
Hollande, en attendant l’instant favorable pour s’introduire en Belgique. Tel
est le mauvais effet des lois de prohibition. Contrairement à cet antécédent on
veut maintenant interdire le transit au bétail étranger. Si la chambre adopte
cette disposition elle sera en contradiction flagrante avec ses décisions
anciennes.
Je désirerais que les hommes qui en veulent aux
théoriciens se montrassent plus conséquents avec les faits posés par eux-mêmes
: tout le monde consentait à adopter les principes libéraux relativement au
transit des céréales ; et maintenant on veut frapper de prohibition le transit
d’un produit analogue.
C’est la première fois que vous adoptez de tels
principes : je ne pense pas que dans la loi sur les cotons on ait demandé la
prohibition du transit des tissus étrangers. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais demandé la parole pour
répondre à une espèce d’interpellation que M. Rogier m’avait adressée, mais
comme il déclare n’avoir eu d’autre intention que de m’éviter des recherches
inutiles, je ne puis prendre cette interpellation en mauvaise part ; je la
laisserai donc de côté, et puisque j’ai la parole, je répondrai au reproche
d’inconséquence qui nous a été adressé.
Il n’y a, messieurs, aucune contradiction entre nos
antécédents et ce que nous demandons actuellement : il ne s’agit pas de
prohiber le transit d’une manière générale ; il s’agit seulement d’interdire
sur une partie spéciale de nos frontières le transit d’une espèce de
marchandises, il n’y a pas de règle sans exception, et la règle relative au
transit n’est pas plus inflexible que les autres.
L’exception, est selon nous, très bien justifiée
dans l’intérêt général ; et se justifie d’ailleurs d’autant plus facilement
qu’elle est dirigée contre un pays qui est à notre égard dans une position
exceptionnelle.
M.
A. Rodenbach. - La discussion a suffisamment prouvé que les Hollandais
peuvent engraisser leur bétail à soixante ou soixante-dix francs meilleur marché
qu’on ne peut le faire en Belgique : le transit de leur bétail ou le passage de
leur bétail sur notre territoire pour aller en France, leur coûte à peine 10 à
12 francs ; ils ont donc encore 50 francs, au moins, de bénéfice sur nos
agriculteurs ; ainsi, ils peuvent baisser d’autant le prix de leur bétail sur
les marchés étrangers, et nous ne pouvons pas soutenir la concurrence. Toute la
loi est dans l’art. 8 ; si on le supprimait, je voterais le rejet de la loi
entière... (Aux voix ! aux voix !)
J’ai droit de parler ! (Aux voix ! aux
voix !) Vous ne m’interromprez pas ! Je continuerai !
On prétend que les Hollandais pourront faire passer
leur bétail par la Prusse pour entrer en France ; mais ce détour leur
occasionna des frais, ce qui augmentera le prix de leur bétail, et ce sera un
avantage pour le cultivateur belge.
Il est constant que depuis longtemps le nord de
Toute la loi, je le répète, est dans l’article 8.
Il faut admettre cet article ou rejeter la loi. (Aux voix ! aux voix !)
M. Rogier. - Vous
ne pouvez pas confisquer le transit sans discussion aucune ! c’est
un point assez important pour que vous permettiez de le discuter. Vous êtes en
ce moment le seul pays constitutionnel en Europe où l’on fasse des lois de
prohibition ; daignez donc écouter ceux qui voudraient vous rappeler aux vrais
principes commerciaux. (Bruit.)
M. A. Rodenbach.
- On a voulu aussi m’empêcher de parler.
M.
Rogier. - L’honorable M. Rodenbach dit que le bétail hollandais traverse
en grande quantité notre territoire pour se rendre sur les marchés français où
il écarte toute concurrence. Si je m’en rapporte à ce qui a été dit par le
ministre des finances, le chiffre du bétail transitant vers
Une voix. - Et la fraude !
M. Rogier. - Je ne
crois pas que ce transit se fasse en fraude ; le droit de transit n’est pas
assez élevé pour que l’on cherche à se dispenser de le payer. Que le chiffre
peut donc être évalué ici d’une manière exacte. Je regrette de ne pouvoir le
faire connaître, puisque nous manquons de documents à cet égard. C’est un
reproche que, dans cette discussion, nous avons sans cesse l’occasion
d’adresser à l’administration.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas donné le chiffre
dans les tableaux, mais je l’ai cité dans la discussion. Il est au Moniteur ; ce chiffre est de 1,233.
M. Devaux. - Vous
n’avez pas donné le chiffre du transit hollandais ; vous n’avez cité que le
chiffre du transit général.
M. Berger. - Je
considère les amendements proposés par le ministre comme absolument
indifférents. Les dispositions de ces amendements tendent à autoriser le
transit par la frontière prussienne ; mais il a été reconnu par les débats qui
ont eu lieu dans les séances précédentes que
M.
Smits. - Je viens appuyer la proposition faite par M. Verdussen. En matière de transit,
c’est le cas de dire que tout chemin mène à Rome, et les hommes qui ont étudié
les transactions commerciales sont convaincus de cette vérité : nous en avons
eu l’expérience sous le gouvernement hollandais, lequel, ayant mis de légers
droits sur le transit, a fait prendre aux marchandises une autre direction.
En 1823, le roi Guillaume a voulu prendre des
mesures de coercition contre la France ; alors il a frappé d’un droit les
ardoises : il en est résulté que les ardoises se sont rendues à Lille, par un
autre chemin, et sans traverser
Il suffit de jeter les yeux sur la carte, pour voir
que par Clèves, il ira en France sans faire un chemin beaucoup plus long. Je
demande que l’on ajourne la question du transit, jusqu’à la discussion de la
loi générale des douanes.
M. Gendebien. -
Cet ajournement est ce qu’on a de mieux à faire.
M.
Verdussen. - Vous nous avez dit que le projet de loi a pour but
d’exclure de notre marché intérieur la concurrence hollandaise ; mais ce ne
peut être au détriment de notre marché intérieur que le bétail étranger
traverse
Je répète encore que le transit, interdit sur notre
territoire, se fera sur un autre, et que le seul effet qui résultera de
semblables mesures sera de nous faire perdre la perception des droits de
transit.
J’appuie de nouveau la demande de l’ajournement de
cette question jusqu’à la discussion de la loi générale du transit.
M.
Desmet. - Je suis d’accord avec l’honorable M. Smits que tout chemin
conduirait à Rome ; mais quand l’honorable membre, député d’Anvers, voudra
faire le voyage de Rome, je pense qu’il choisira le chemin le plus court, le
plus facile et le moins dispendieux : eh bien, messieurs, voilà ce que font les
bœufs hollandais pour entrer en France. Vous savez, messieurs, que la plus
grande partie de bêtes grasses que les Hollandais font entrer en France, ils
les font entrer par le département du Nord et quand ils ne pourront plus
transiter par
Les honorables préopinants, députés d’Anvers,
auraient pu indiquer aussi la voie par mer, ils auraient pu nous dire que les
Hollandais embarqueraient le bétail pour le débarquer à Dunkerque ou dans un
autre port de France ; mais nous répondrions aussi à ceci que les grands frais
empêcheraient les Hollandais, qui calculent assez bien, de prendre cette voie.
Messieurs, toute la loi que nous discutons et qui
nous occupe depuis dix jours est, je puis le dire, dans la prohibition du
transit. Si vous n’adoptez pas la prohibition du transit, votre loi n’aura
aucun effet et on fera très bien de la retirer, car, messieurs, je ne sais si
vous connaissez tout le tort que le bétail hollandais fait depuis un à deux ans
à notre commerce de bétail avec la France : au lieu que nous fassions
entrer une grande quantité de bêtes grasses en France, comme nous l’avions
toujours fait, les Hollandais le font pour nous nous voyons toutes les semaines
passer dans notre pays de nombreux troupeaux de boeufs gras qui s’introduisent
en France au grand détriment de notre industrie agricole et de nos
distilleries. Je ne pense pas que la chambre belge voudra appuyer une
proposition qui tendrait à servir uniquement notre ennemi d’outre-Moerdyk et qu’elle n’hésitera point à rejeter la
proposition faite par les honorables MM. Verdussen et Smits.
M. Dubus. - La
question que l’on présente comme si vaste et si difficile, me paraît simple et
facile ; et pour qu’elle paraisse ainsi à tout le monde, il ne faut pas la
considérer dans un sens général, mais dans un sens exceptionnel.
Et d’abord, il ne s’agit que du transit des
bestiaux et point du transit des ardoises ; ensuite il n’y a pas d’autre
principe à invoquer que l’intérêt du pays. Or, avons-nous intérêt à empêcher le
transit du bétail hollandais ? évidemment oui ! On
nous dit que la mesure sera inefficace, parce qu’on a fait faire un circuit aux
ardoises, dont le transit avait été interdit, et que, de même, on fera faire un
circuit au bétail hollandais : eh bien ! je dis que si
l’on fait faire un circuit au bétail gras de Hollande, il n’arrivera en France
que du bétail maigre, dont on ne veut pas.
Je crois qu’en empêchant le transit du bétail
hollandais vous prenez une mesure efficace, et que vous vous assurez par là les
marchés de la frontière de France, marchés qui sont alimentés par le bétail
hollandais, contre lequel nous ne pouvons lutter maintenant.
On prétend que la loi n’a
qu’un but, celui de nous assurer le marché intérieur : je soutiens que non, et
que nous devons chercher en même temps à nous assurer la préférence sur les
marchés extérieurs.
En agissant ainsi nous faisons ce que font tous les
peuples.
Les lois de douane ne sont pas généreuses ; elles sont
calculées sur les intérêts des peuples qui les font ; il n’est pas question de
générosité quand l’intérêt est mis en jeu, car l’intérêt n’est jamais généreux.
On nous a dit que les principaux marchés sont dans
le département du Nord ; or, il est clair que le bétail hollandais ne tournera
pas tout autour de
Je voterai donc pour l’article, parce qu’il est
restreint au bétail hollandais ; j’aurais voté contre si l’on avait étendu la mesure
au bétail des autres pays et contre le transit des chevaux.
La question est si simple que je suis étonné
qu’elle ait donné lieu à une aussi longue discussion.
M. Rogier. - Je
suis parfaitement d’accord avec M. Dubus qu’il est de notre intérêt, ou plutôt,
qu’il est de l’intérêt de nos cultivateurs que
Je vous demande ce que deviendrait
Lorsque vous aurez assuré â
votre bétail le marché intérieur et le marché extérieur à l’exclusion des
autres produits, toutes nos industries pourront réclamer la même faveur pour
leurs industries, vous ne pouvez la leur refuser. Alors nous serons réduits à
notre propre consommation, puisque nous serons exposés nécessairement à des
mesures de représailles.
En supposant que les pays voisins aient intérêt à
ne pas nous imiter, ils pourraient suivre notre système, rien que pour nous
forcer à demander grâce. J’ai appliqué à
S’il s’agissait d’une mesure purement
gouvernementale, sur laquelle le ministère pourrait revenir, je concevrais
qu’on y allât plus légèrement. Mais songez que la mesure que vous allez prendre
est une mesure législative, sera convertie en loi et qu’il est toujours pénible
de revenir sur les lois.
Je souhaite que les pays voisins ne forcent pas la
législature belge à revenir sur les mesures qu’elle prend en ce moment. Je
n’aime pas à voir la représentation nationale réduite â la nécessité de défaire
forcément ce qu’elle avait fait un an auparavant. Je le souhaite, mais vous
dire que je l’espère, ce serait peut-être aller trop loin.
M. d'Hoffschmidt.
- Je partagerais entièrement l’opinion de l’honorable préopinant s’il
s’agissait de prohiber le transit à l’égard de tous les pays qui nous
environnent ; ce serait là une mesure que rien ne pourrait justifier et qui
serait de nature à nous ôter les seules relations commerciales que nous ayons à
l’étranger ; mais il n’en est pas ainsi ; il résulte de la modification
présentée par M. le ministre des finances, que la prohibition du transit dont
il s’agit ne s’appliquera qu’à
L’on demande l’ajournement de l’article qui nous
occupe jusqu’à la discussion de la loi générale du transit, demande qui ne me
paraît pas devoir être accueillie si l’on réfléchit que cette loi générale ne
sera sans doute applicable qu’aux pays avec lesquels nous avons des relations
et que puisqu’il s’agit d’une loi spéciale envers la Hollande, c’est ici la
place d’y insérer l’exception quant au transit.
- La proposition d’ajournement de l’article 8
jusqu’a la discussion de la loi sur le transit est mise aux voix et rejetée.
La proposition de M. le ministre des finances est
mise aux voix et adoptée.
Disposition
additionnelle
M. le président. -
M. le ministre des finances présente la disposition additionnelle suivante :
« Le poids du bétail sera constaté au moyen de
ponts à bascule et autres procédés que le gouvernement déterminera. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois cette disposition utile pour éviter
les contestations qui pourraient s’élever sur le mode de constater le poids.
Comme je l’ai annoncé dans une séance précédente, le gouvernement pourrait
trouver bon d’adopter le mode de mesurage suivi en Angleterre. Les intéressés
qui croiraient avoir à se plaindre de l’estimation des employés, pourraient se
plaindre en justice de l’irrégularité du mode de mesurage. C’est ce que j’ai
voulu éviter par cette disposition additionnelle.
- L’article additionnel est mis aux voix et adopté.
Article
9
« Art. 9. Il n’est point dérogé aux
dispositions de la loi générale des douanes du 26 août 1832, n°38, qui ne sont
point contraires à la présente. »
- L’article 9 est mis aux voix et adopté.
La chambre fixe à lundi le second vote de la loi
sur le bétail.
PROJET DE LOI RELATIF AU
PERSONNEL DE
M. de
Renesse, secrétaire, donne lecture de l’envoi fait par M. le ministre
de la justice, du tableau statistique des affaires jugées par la cour d’appel
de Bruxelles, pendant l’année judiciaire 1834-1835.
- La chambre ordonne l’impression de ce tableau.
M. Demonceau. -
La commission chargée d’examiner le projet de loi, relatif à l’augmentation du
personnel de la cour de Bruxelles, a presque terminé son travail. Il serait
utile de lui renvoyer cette communication.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - J’aurais désiré la faire plus tôt. Mais ses documents
dont j’avais besoin ne m’étaient pas encore parvenus. Ils ne sont arrivés
qu’hier. Je me suis empressé d’en donner connaissance à la chambre.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
DROITS D’ENTREE ET DE TRANSIT SUR LE BETAIL
M. Rogier. - Dans
la discussion, j’ai cru entendre M. le ministre des finances dire qu’il n’était
pas éloigné de demander que la loi fût limitée. Je demanderai s’il a renoncé à
cette demande.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai dit dans la discussion que j’étais
tellement convaincu que la loi n’aurait pas les funestes effets que l’on en avait
prédits, que pour mon compte je ne verrais aucune difficulté à ce qu’on en
limitât la durée. Mais jamais je n’ai eu la pensée de me charger de proposer
une disposition dans ce sens, puisque j’ai toujours pensé que la loi serait
utile au pays.
- La chambre ordonne l’impression des amendements
adoptés dans le projet de loi relatif à l’entrée du bétail.
FIXATION DE L’ORDRE DES
TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. Liedts (pour une
motion d’ordre). - Maintenant que la discussion du projet de loi relatif à
l’entrée du bétail est enfin achevée, permettez-moi, messieurs, d’attirer un
seul instant votre attention sur l’indispensable nécessité de fixer, avant le
vote des voies et moyens, la discussion de la loi de péréquation cadastrale.
Je n’étais pas présent à la séance où vous vous
êtes occupés d’une motion semblable à celle que j’ai l’honneur de faire
maintenant comme rapporteur de la loi.
J’ai lu avec attention tout ce qu’on a dit contre
la discussion immédiate de la loi, et je n’ai vu qu’un seul motif allégué pour
reculer cette discussion ; ce motif c’est l’époque avancée de l’année ; or, je
vous prie de remarquer que, de toute façon, vous ne pourrez pas empêcher de
discuter la question de péréquation avant le vote définitif du budget des voies
et moyens.
En effet, si l’on ajourne la discussion de la loi
de péréquation, les voies et moyens vont être mis à l’ordre du jour dans
quelques jours. Nous sommes ici 48 membres des provinces lésées par la
répartition actuelle de l’impôt foncier ; soyez bien certains qu’un de ces membres,
et entre autres moi le premier, je vous présenterai un article additionnel
tendant à introduire la péréquation cadastrale à dater du 1er janvier. Alors il
vous sera impossible d’éviter la discussion ; car les députés des provinces
lésées croiraient manquer au plus saint de leurs devoirs s’ils n’appuyaient pas
une telle disposition.
Qu’arrivera-t-il ? que les
députés des autres provinces diront que nous avons voulu étouffer la
discussion, que nous avons choisi une époque avancée dans l’année, pour
surprendre le vote de la chambre. Il n’en est rien, messieurs, nous agissons
franchement. Nous demandons une discussion claire et approfondie de la grave
question de péréquation. Si l’on croit que nous sommes dans l’erreur, qu’on
nous le prouve, mais, au moins, qu’on ne refuse pas d’examiner la question ;
qu’on ne réponde pas par un déni de justice aux plaintes des Flandres et de la
province d’Anvers !
Je crois donc qu’il
convient de fixer à une époque toute prochaine la discussion de la loi de
péréquation.
J’ai entendu dire à un honorable membre qu’il
fallait avant la discussion de la loi, la renvoyer à l’examen des conseils
provinciaux. Mais, messieurs, c’est là toute la loi ; car ses antagonistes les
plus obstinés se bornent à demander ce renvoi. C’est la seule question que la
loi puisse présenter.
Je me résume. Pour que l’on ne pense pas que nous
avons voulu éviter la discussion, et si vous voulez une discussion approfondie,
je crois qu’il faut la fixer à une époque très rapprochée, et dans tous les
cas, avant le vote du budget des voies et moyens.
Voici la proposition que j’ai l’honneur de déposer
sur le bureau :
« J’ai l’honneur de proposer de fixer à mardi
prochain la discussion du projet de loi relatif à la péréquation
cadastrale. »
J’ai proposé mardi prochain, parce que je pense que
lundi le budget des voies et moyens sera examiné dans les sections et qu’en
raison de cela il n’y aura pas de séance publique.
M. d'Hoffschmidt.
- C’est la première fois que j’entends dans cette enceinte des arguments
pareils à ceux que vient de présenter M.
Liedts. Il vient dire vous serez obligés de discuter, parce que nous
sommes quarante-huit qui le voulons.
M. Liedts. -
Permettez ! je n’ai pas dit cela !
M. d'Hoffschmidt.
- Vous avez dit : nous sommes 48. Il y en aura un de nous qui fera la
proposition de discuter, et nous l’emporterons par le nombre. Si vous ne vous
êtes pas servis de ces termes, vos paroles reviennent à cela.
Singulière manière d’argumenter, vraiment, pour
amener la chambre à discuter la loi de péréquation avant le budget des voies et
moyens !
Si l’honorable M. Liedts avait démontré que la
première de ces lois est plus urgente que la deuxième, que l’équité exige que
nous prononcions sur les réclamations de plusieurs provinces qui se croient
lésées, la proposition aurait pu être accueillie par la chambre, car l’équité
est ce que nous voulons tous.
Mais dire pour toute raison
: « Nous sommes 48 qui voulons la discussion. » Vouloir par le
nombre nous forcer à discuter, c’est rappeler le temps où les Hollandais, par
leur nombre dans les chambres législatives, forçaient les Belges à adopter des
lois désastreuses pour le pays.
Ce ne sont pas là des arguments, c’est l’abus du
nombre et de la force.
Au reste la chambre a déjà fixé son ordre du jour.
Vous avez décidé que la loi des voies et moyens devait être discutée avant le
1er janvier, et ce n’est pas là une discussion que vous terminerez en quelques
jours, si nous en jugeons d’après la manière dont vos discussions traînent en
longueur, et notamment d’après la durée des débats auxquels a donné lieu la loi
que vous venez de terminer.
Vous avez ensuite la loi communale qui est
assurément vivement réclamée, aussi bien que la loi provinciale. Je ne
rappellerai pas tous les travaux urgents dont vous avez à vous occuper. Je me
borne à appeler de tous mes voeux le complément de nos lois d’organisation.
Je n’en dirai pas davantage. Je serais fâché
d’avoir méconnu les intentions de l’honorable M. Liedts. Mais lorsque j’ai vu qu’il voulait nous forcer la main
par le nombre, je n’ai pas cru pouvoir laisser passer ses paroles.
M.
Liedts. - Je demande la parole pour un fait personnel.
C’est lancer contre nous une grave accusation que
prétendre que nous appelons, dans cette occasion, la violence et la force à
notre secours. Pour moi, c’est uniquement par la force des arguments, mais
jamais par la force matérielle que je cherche à faire triompher mon opinion.
Qu’ai-je dit ? Que nous étions 48 membres
appartenant aux provinces lésées, que l’un d’eux et à défaut d’autres moi-même proposerai
dans le budget des voies et moyens une disposition tendant à introduire la
péréquation cadastrale à dater du 1er janvier. Est-ce là forcer la main à la
chambre ? Nous appelons la discussion sur un article basé sur l’équité. Nous
faisons remarquer que vous ne pouvez de toute façon éviter la discussion ; et
pour qu’elle soit plus approfondie aux voix engageons à la fixer à une époque
très rapprochée.
M. Fallon. - Chaque
jour des motions de même nature nous font perdre beaucoup de temps. Après une
longue discussion sur une motion semblable à celle que l’on fait maintenant, la
chambre a décidé qu’elle maintenait son ordre du jour. Aujourd’hui on voudrait
nous faire revenir sur cette décision. Je m’oppose à ce que la motion soit mise
aux voix ; je demande la question préalable.
M. Eloy de Burdinne. - J’aurais quelques
mots à dire sur la proposition de l’honorable M. Liedts. D’abord, je ne recule pas devant la discussion de la
loi de péréquation cadastrale, je ne me prononce pas sur l’injustice dont les
Flandres et la province d’Anvers croient avoir à se plaindre. Je suis le
premier à déclarer que quand on démontrera qu’il y a injustice, je réclamerai
moi-même que justice soit rendue.
Mais je ne crois pas que les opérations cadastrales
soient une matière à trancher lestement et promptement. Vous rencontrerez à cet
égard les mille et une objections.
Vous aurez à vous entendre d’abord sur les points
de droit, ensuite sur les points de fait qu’il vous sera impossible de
vérifier.
Je crois qu’une discussion sur la loi de
péréquation ne serait pas terminée le 1er janvier. (Dénégations). Je suis, messieurs, fondé à le croire d’après le
temps que vous avez consacré à la discussion de la loi sur le bétail. Si donc, il
est reconnu que les Flandres souffrent, je demande que, pour porter remède à un
mal que je déplorerais le premier, on trouve, s’il est possible, un autre moyen
que le vote de la loi de péréquation.
M.
Gendebien. - Je suis obligé de renouveler les observations que j’ai
faites avant-hier sur l’intempestivité de cette
motion d’ordre.
Tous ceux qui ont la moindre idée de l’importance
de la question qui va s’agiter, qui savent les intérêts opposés qui vont se
trouver en présence dans cette discussion, ne doutent pas qu’elle ne dure au
moins 3 semaines.
Mais remarquez qu’il n’y a pas nécessité que la loi
de péréquation soit discutée avant le premier janvier. Car il s’agit de la
contribution foncière ; et vous savez que les rôles ne sont mis en recouvrement
qu’à la fin du premier trimestre, ainsi à partir du premier janvier, vous aurez
encore 3 mois pour discuter la loi.
Je pense donc que ce qui conviendrait le mieux, ce
serait de fixer dès à présent la discussion de la loi de péréquation, pour la
rentrée de la vacance que j’ai appris que la chambre se propose de se donner à
la fin de l’année, de la fixer par exemple au 5 ou 6 janvier. Cette discussion
est assez importante pour engager tous les membres à se rendre à leur poste.
Nous pourrions donc espérer être dans un nombre un peu plus satisfaisant que
celui auquel nous sommes réunis maintenant.
Fixez dès à présent la discussion de la loi sur la
péréquation cadastrale à la première séance de janvier. Supposez qu’elle dure
15 jours. Elle sera toujours votée avant la fin de janvier.
M.
Liedts. - L’honorable M. Gendebien propose la question préalable,
fondée sur ce que la chambre a fixé son ordre du jour. Mais la chambre est
libre de changer l’ordre du jour, quand elle le juge convenable. Cela est si
vrai que, mercredi, après que l’on eût passé à l’ordre du jour sur la
proposition de l’honorable M. Desmet, cinq minutes s’étaient à peine écoulées,
que la chambre donna la priorité à la loi des crédits du ministère de la
justice sur la loi communale. J’en appelle au Moniteur à cet égard. La chambre peut donc encore changer son ordre
du jour.
L’honorable M. Gendebien est dans l’erreur
lorsqu’il croit que la discussion de la loi pourrait durer trois semaines. Si
la loi actuelle a duré aussi longtemps, c’est que l’on a discuté une question
de principe presque à chacun des articles, tandis que dans la loi de la
péréquation cadastrale, la question de principe une fois décidée, la discussion
des articles marchera promptement.
L’honorable M. Gendebien dit que l’on pourrait
satisfaire à toutes les exigences en fixant la discussion de la loi après les
vacances de janvier. Si M. le ministre des finances peut prendre dès
aujourd’hui l’engagement que les recouvrements faits en sus de la nouvelle
assiette de l’impôt seront compris au profit des contribuables surtaxés, je ne
verrai aucun inconvénient à adopter la proposition de l’honorable M. Gendebien.
Mais si je suis bien
informé, la répartition se fait dans les premiers jours de janvier, or c’est
pour toute l’année que cette répartition est faite. Ainsi les Flandres seraient
encore grevées pendant l’année 1836 comme elles l’ont été jusqu’à présent. A
moins qu’on ne vienne encore nous jeter à la tête que les Flandres, ayant
attendu 40 ans, elles pourront bien encore attendre une année, vous ne pouvez
vous empêcher d’examiner les plaintes qu’elles vous adressent de la surtaxe qui
pèse sur elles.
M. Desmaisières.
- M. Gendebien a dit que la loi sur la péréquation cadastrale donnerait lieu à
de longues discussions. La loi sur le bétail, j’en appelle à la plupart des
membres de cette chambre, paraissait ne devoir donner lien à aucune discussion,
et cependant voilà douze jours que nous nous en occupons.
D’un autre côté, je pourrais citer beaucoup de lois
qu’on croyait devoir provoquer de longues discussions et qui ont été votées en
très peu de temps. La loi dont il s’agit en ce moment est une loi réparatrice
d’une très grande et très criante injustice qui pèse sur les Flandres, et rien
n’est plus urgent que de réparer une injustice.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la
parole. (Aux voix ! aux voix !)
Messieurs, je serai très laconique. Je crois que
j’ai trouvé un moyen de satisfaire tout le monde. Vous savez que le projet de
péréquation a été présenté en partie aux états généraux. A cette époque, le
gouvernement avait déclaré que l’emprunt foncier serait perçu pendant le
premier semestre, d’après les rôles de l’année précédente, et que les rôles de
l’année seraient seulement confectionnés au premier juillet en exécution de la
loi de péréquation et comprendraient l’année entière. De cette manière si
quelques localités se trouvaient avoir payé en plus dans le premier semestre,
on leur en tenait compte dans le second.
Vous reconnaîtrez, que depuis le moment où le
projet de loi de péréquation cadastrale vous a été distribué, nous avons été
tellement occupés que je doute que beaucoup aient eu le temps de l’examiner. La
question est extrêmement importante, personne ne le niera. Par ce motif je
demande qu’on ait au moins quelque temps pour méditer le projet et préparer les
arguments qu’on pourra présenter pour ou contre le projet.
M. Dumortier. -
Quoi qu’en ait dit un honorable membre, je ne pense pas que les députés nommés
par les Flandres veuillent faire ici un camp de force. Je les crois trop dignes
d’estime pour leur supposer l’intention de vouloir faire des camps de force
dans le sein de la représentation nationale.
Je pense qu’ici nous ne devons pas perdre de vue
les objets indispensables que nous avons à régler dans le cours de cette année.
Puisqu’on a reproduit une proposition sur laquelle la chambre avait pris une
résolution, vous me permettrez de rappeler quelques-uns des arguments qui
l’avaient déterminée. Je vous dirai donc qu’il est de toute nécessité que nous
votions avant la fin de l’année le budget de la guerre qui donnera lieu à de
très longues discussions, non seulement sur le budget, mais sur d’autres objets
: sur les lits militaires, sur l’établissement d’instruction formée par le
ministre de la guerre à Louvain et sur d’autres choses encore. En second lieu,
vous devez aussi voter de toute nécessité avant la fin de l’année le budget des
voies et moyens.
C’est encore un fait incontestable que ce budget
donnera lieu à de longues discussions, parce qu’il nous ramène à l’examen de la
conduite du ministère ; car avant de voter les impôts, il faut voir si le ministère
mérite qu’on lui donne ce vote. Nous avons encore à voter le contingent de
l’armée, la loi qui autorisera la députation des états à former les budgets
provinciaux. Il y a encore le budget de la justice qui n’est pas moins
indispensable. Vous avez le jury d’examen qu’il faut nommer dans le mois de
décembre ; il faudra consacrer deux ou trois séances à celle nomination.
Vous devrez voter une loi concernant les os et
ensuite vous occuper de la discussion la plus grave s’il est possible, de la
discussion des questions concernant la banque.
Il est indispensable que ces questions soient
résolues avant de formuler la loi des voies et moyens. Il suffit de se rappeler
ce que nous avons à faire dans le cours de ce mois, pour se convaincre qu’il y
a impossibilité d’admettre la proposition du député d’Audenarde.
Qu’on ne dise pas que mon intention soit de
renvoyer aux calendes grecques la péréquation cadastrale ; si je voyais jour à
ce que cette loi et celles que je viens de citer pussent être votées pour la fin
de l’année, je n’hésiterais pas à appuyer la proposition de M. Liedts. Mais il
faudrait méconnaître les précédents de la chambre pour penser que la discussion
d’une loi de cette importance ne durera pas au moins quinze jours. On a fixé à
huit jours le maximum de la discussion de cette loi, je le répète, il faut
méconnaître la manière dont marchent les discussions où il s’agit d’intérêts de
clocher pour prétendre que la question du cadastre, qui est une des plus graves
que nous ayons eu à examiner, puisse être résolue en huit jours.
Demain vous n’aurez pas séance, on examinera le
budget des voies et moyens. La séance de lundi sera consacrée au vote définitif
de la loi sur le bétail. Ensuite je suppose que vous abordiez la loi sur le
cadastre qui vous conduira au moins jusqu’au 15 ; et du 15 au 24, il vous reste
huit jours. Pensez-vous qu’en huit jours vous pourrez examiner le budget de la
guerre, le budget des votes et moyens et les questions concernant la banque ?
Cela est absolument impossible. Donc vous ne pouvez
fixer la discussion de la péréquation cadastrale qu’à l’époque où la chambre
reprendra ses travaux, après les vacances de la nouvelle année.
Quant à moi, j’insiste pour
que les questions concernant la banque soient résolues. Il s’agit là d’une somme
de 20 à 25 millions. Sept ou huit jours de discussion suffiront pour cela. Il
est indispensable que cette discussion soit mise à l’ordre du jour avant le
budget des voies et moyens, puisqu’un des chiffres de ce budget dépendra du
résultat de cette discussion.
Je demande donc
qu’on fixe à lundi le vote définitif de la loi sur le bétail et que cet objet
terminé, on ouvre la discussion sue la proposition de M. Fallon concernant la
banque. Nous arriverons ensuite au budget des voies et moyens.
Je voterai pour la proposition de M. Gendebien de
mettre la péréquation à l’ordre du jour immédiatement après la rentrée. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. -
M. Fallon a proposé la question préalable sur la proposition de M. Liedts.
M. Fallon. -
J’avais proposé la question préalable pour éviter que la chambre perde son
temps à discuter l’ordre du jour qu’elle avait arrêté. Maintenant que cette
discussion a eu lieu, je retire ma motion d’ordre.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je voudrais savoir de quels projets il
s’agit, et si l’on abandonne le projet de discuter la loi communale.
M. Jullien. - A la
dernière séance, je me suis opposé à ce qu’on changeât l’ordre du jour, au
milieu de la discussion sur les bestiaux, parce que la motion me paraissait
intempestive. Maintenant que la discussion sur les bestiaux est terminée et
qu’il appartient â la chambre de fixer l’ordre du jour comme bon lui semblera
et que déjà on a mis un projet en discussion avant la loi communale, je pense
qu’il convient d’examiner les motifs d’urgence développés par M. Liedts pour
donner la priorité à la loi de péréquation cadastrale. Je n’ajouterai rien aux
motifs d’urgence que l’honorable député d’Audenaerde a exposés, mais je ferai
observer que si la discussion de cette loi n’a lieu qu’au mois de janvier, le
bénéfice de la péréquation sera perdu pour les provinces qui souffrent depuis
40 ans l’énorme lésion dont elles sont victimes.
Si le ministre peut nous assurer qu’il y a
possibilité de s’arranger de manière que la péréquation cadastrale reçoive ses
effets cette année, je ne verrai plus de motif pour m’opposer à ce que la
discussion soit différée jusqu’à l’époque fixée par M. Gendebien.
Mais si la chose est impossible, il est impossible
aussi que ceux qui sont lésés ne fassent pas tous leurs efforts pour mettre fin
à cet état de choses.
Je rappellerai au
gouvernement qu’il y a ici pour lui une question d’honneur. Quand de nombreuses
réclamations sont arrivées et de
Je pense que la discussion sur la péréquation
cadastrale ne durera pas plus de 8 jours. Il ne s’agit pas de faire un
« tour de force » comme l’a dit M. Dumortier : nous ne sommes pas
accoutumés à faire des tours de force, pas plus dans les Flandres, qu’ailleurs
: il ne s’agit que d’équité et de justice ; et ces mots-là sont entendus par
toute la chambre.
Que le ministre des finances donne l’assurance
qu’il n’y aura aucun préjudice pour les provinces lésées dans le retard de la
discussion, alors nous consentirons à ce retard ; sans quoi nous appuyons la
demande faite par l’honorable M. Liedts.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M Jullien, en terminant son discours,
a dit que c’est une question d’honneur pour le gouvernement, de faire tous ses
efforts pour que la péréquation cadastrale soit votée, parce qu’il a promis,
dans une autre occasion, de mettre la chambre en position de discuter
immédiatement cette loi après la reprise de ses séances. Messieurs, le
gouvernement ne mérite aucun reproche, il a déposé le projet de loi dont il
s’agit sur le bureau au commencement de votre session, en vous le présentant
comme un acte de justice et en vous en demandant l’adoption.
On a demandé si les
provinces surchargées n’éprouveraient aucun préjudice, si l’on retardait les
délibérations sur la péréquation et si l’on ne pourrait pas reculer
l’achèvement des rôles et en différer la perception. Messieurs, il serait
dangereux de remettre plus loin que le 15 janvier la confection des rôles ; car
il importe que vers le milieu du premier mois de l’année la mise en
recouvrement ait lieu : sans cela, la perception de l’impôt foncier ne se
ferait guère d’une manière sensible qu’à partir du troisième mois de l’année,
et nous nous trouverions exposés à voir les caisses vides en commençant
l’exercice ; car l’impôt foncier est le seul dont la rentrée soit absolument
certaine ; les impôts indirects peuvent aisément manquer pendant un certain
temps pour des causes que l’on ne saurait prévoir. Ne nous dissimulons donc pas
que si la péréquation cadastrale n’est pas votée avant le 15 janvier, son
application devra être remise à une époque plus ou moins reculée.
Je ne dis pas pour cela qu’il faudrait
nécessairement remettre cette application au 1er janvier suivant, parce qu’à
force de travail et avec des frais, on pourrait, avec de nouveaux rôles,
établir la perception d’après la péréquation à partir du second semestre de
l’année dans laquelle nous allons entrer.
Messieurs, je dois actuellement aborder la
proposition faite par M. Dumortier. Il demande que l’on mette à l’ordre du jour
la question relative à la banque ; il voudrait que l’on devançât la discussion
de l’un des articles contenus dans le budget des voies et moyens. Je pense que
vous n’adopterez pas cette motion et que vous laisserez suivre à la discussion
son cours ordinaire, il n’y a aucune nécessité d’intervertir l’ordre de vos
délibérations en ce qui touche la banque... (La clôture ! la clôture !)
M.
Gendebien. - Il m’importe de prendre la parole parce que, si l’on
voulait juger de l’opinion que j’ai émise, d’après les paroles que vient de
proférer l’honorable député des Flandres, on pourrait me taxer d’injustice. Je
désire avant tout la justice ; je n’ai jamais dévié de ce principe ; aussi je
ne mets pas en question si l’on rendra justice, mais je demande comment on la
rendra. Il s’agit en effet de savoir comment on parviendra à établir des
mesures d’après lesquelles l’équilibre sera établi : or, je fais remarquer que
nous aurons au plus quinze séances d’ici à la fin de l’année, et que pendant ce
peu de temps vous ne pourrez pas faire tout ce que vous vous proposez de faire.
Je n’ai pas demandé qu’on repoussât un acte de justice par un ajournement
indéfini, j’ai demandé qu’on rendît cette justice... Comme on vous l’a dit, il
y a moyen de tout concilier. On peut commencer à percevoir selon l’ancien mode…
(Bruit.) Mais si vous voulez parler
plus haut que moi il était inutile de m’accorder la parole ! MM. Pirson et
Desmet, laissez-moi achever, vous pourrez répondre.
Je disais qu’on pourrait renvoyer la discussion de
la péréquation cadastrale au quatre janvier, parce qu’on pourrait percevoir
selon l’ancien mode pendant les six premiers mois de l’année.
En effet, quel que soit le dégrèvement à opérer il
ne sera pas de 50 p. c. sur ce que l’on a payé jusqu’ici. Ainsi personne n’aura
trop payé et tout pourra s’arranger. Avec un peu de bonne volonté la chose peut
se passer régulièrement.
Je n’ai pas d’intérêt à retarder cet acte de
justice. Puisque vous êtes 48 pour parler, même malgré nous, sur la péréquation
cadastrale, pendant la discussion du budget des voies et moyens, vous serez
également 48 pour demander que l’égalité proportionnelle soit établie au second
semestre ; non seulement vous serez 48, mais vous serez 90. Actuellement il y
aurait abus de force si vous vouliez que la loi fût discutée avant le 4
janvier, vous invoquerez en vain la nécessité de réparer une injustice ; ce ne
sera qu’un prétexte pour faire violence, puisque nous nous joignons à vous pour
prendre la décision formelle qu’on s’occupera du projet au commencement de
l’année. Le ministre ne s’y oppose pas ; qu’avez-vous à craindre ? faites ce vous voudrez, mais la persistance serait
déraisonnable.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois faire une observation
sur l’opinion que vient d’émettre M.
Gendebien.
Il présente la perception pendant le premier
semestre comme étant très praticable au moyen des anciens rôles et sans que
pour cela la péréquation générale ne puisse se faire pour l’année entière,
parce qu’on pourrait, dit-il, opérer les dégrèvements et les surtaxes pour
l’année entière pendant le second semestre. Messieurs, il faut considérer ce
qui va avoir lieu d’après la péréquation cadastrale ; la surcharge qui en
résultera pour une moitié des contribuables sera intolérable si on l’applique
pour l’année entière sur six mois seulement, et c’est à ce point qu’il serait
même dangereux de passer brusquement et en une seule fois de la répartition
actuelle de l’impôt à la nouvelle. Aussi, veuillez remarquer que dans le projet
de loi on a tellement compris qu’une transition brusque gênerait les
contribuables surchargés qu’on a proposé de n’opérer le redressement que
successivement et en trois années ; quoique le gouvernement soit persuadé de
l’équité de la mesure et de la nécessité de réparer une injustice qui dure
depuis 40 années. La section centrale elle-même n’a pas cru devoir vous
proposer la péréquation en moins de deux ans afin d’amortir la secousse qui
est, n’en doutez pas, inévitable de toute façon : quelle serait donc cette
secousse si l’on voulait établir tout d’un coup et sur un espace de six mois,
cette péréquation ?
M.
Gendebien. - Dans tout ce que vient de vous faire entendre M. le
ministre des finances, il n’y a rien qui réponde à ce que j’ai dit. D’après ce
que j’ai demandé, il en résulterait seulement que les provinces qui seront
dégrevées ne le seront que quelques mois plus tard, et que les provinces qui
seront augmentées ne le seront que dans quelques mois : cependant qu’elles
paient leurs contributions d’une manière ou d’une autre, au bout de l’année
cela reviendra au même.
Mais, du reste,
d’une manière comme de l’autre, il en sera toujours la même chose. Il n’y a
donc aucun obstacle à ma proposition.
Si vous précipitez la discussion, sans doute ceux
qui se trouveront dégrevés par suite des mesures que vous aurez ordonnées ne se
plaindront pas. Mais ceux dont la cote se trouvera augmentée croiront avoir
d’autant plus le droit de se plaindre que la discussion n’aura pas eu toute la
maturité désirable, et qu’on aura attendu au dernier moment pour la commencer.
Or, c’est ce que les chambres et le gouvernement doivent empêcher ; car on
pourra leur reprocher d’après avoir consacré 15 jours à la discussion d’une loi
d’un aussi faible intérêt que celle relative à l’entrée du bétail, et de
n’avoir reconnu qu’après ces 15 jours écoulés l’urgence de la loi de
péréquation.
Pesez ces réflexions, après cela faites ce que bon
vous semblera.
M. Desmet. - Je
viens amender la proposition de M. Liedts. Au lieu de fixer à mardi la
discussion de la loi de péréquation, je demande qu’on la mette à lundi après le
second vote de la loi sur le bétail et le vote du transfert demandé par le
ministre de la justice.
M. Gendebien. -
Je propose de fixer la discussion de la loi de péréquation à la première séance
de janvier.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Si l’on fixe la discussion à la
première séance de janvier, je demande quand on discutera les budgets des
dépenses. Il est évident que c’est là la discussion la plus urgente, à la
rentrée de la petite vacance que la chambre doit prendre ; car nous ne pouvons
rester sans moyens financiers.
M.
Gendebien. - De toute façon, vous voulez que la discussion de la loi de
péréquation ait lieu auparavant.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - M. le ministre de l’intérieur
fait remarquer que l’on ne peut admettre une proposition aussi absolue que
celle de M. Gendebien, parce qu’il y aura les budgets de dépenses qui sont
encore plus urgents que la loi de péréquation. Je crois donc que la proposition
de M. Gendebien pourrait concilier toutes les opinions, si elle était modifiée
en ce sens que dans la première séance de janvier on fixerait l’époque de la
discussion de la loi de péréquation.
Je répondrai à l’honorable M. Gendebien que M. le
ministre de l’intérieur, en faisant l’observation que les budgets devaient être
mis a l’ordre du jour après le 1er janvier, n’était pas en contradiction avec
les faits, puisque les rapports sur les budgets ne sont pas prêts. Si c’était
possible que la loi de péréquation cadastrale fût votée mercredi, ce n’en
serait que mieux pour de notre temps. La chambre jugera si cela est possible.
M.
Desmet déclare retirer son amendement.
M. Dumortier. -
J’ai demandé la parole pour faire une proposition qui ralliera toutes les
opinions, c’est de fixer la discussion de la loi de péréquation cadastrale
après celle du budget de la guerre et celle du budget des voies et moyens. (Réclamations.) Si nous avons fini le
budget des voies et moyens avant les vacances, alors nous pourrons nous occuper
de la loi de péréquation cadastrale.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a pas seulement à l’ordre du
jour le budget de la guerre et celui des voies et moyens. Il y a la loi
communale. Que l’on mette le maintien de l’ordre du jour aux voix. Ceux qui
veulent la discussion de la péréquation cadastrale n’auront qu’à voter contre.
M. Dumortier. -
Il y a deux budgets dont la discussion est indispensable. Il faut qu’ils soient
votés avant la fin de l’année. C’est celui de la guerre et celui des voies et moyens
; que la chambre s’occupe d’abord de ces budgets, ensuite elle fixera son ordre
du jour.
M. A. Rodenbach.
- Je demande la priorité pour la proposition du député d’Audenaerde.
- Cette question de priorité est mise aux voix et
résolue affirmativement.
La proposition de M. Liedts est ensuite mise aux
voix.
Plusieurs membres demandent l’appel nominal.
On procède à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 68.
Ont répondu oui, 40.
Ont répondu non, 28.
En conséquence, la proposition est adoptée et la
péréquation cadastrale est mise à l’ordre du jour de mardi.
Ont répondu oui : MM. Andries, Bekaert, de Jaegher,
de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Nef, de Roo, Desmaisières, Desmet, de
Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus (Bernard), Ernst,
Hye-Hoys, Jullien, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius Morel-Danheel, Polfvliet,
Quirini, A. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Thienpont, Ullens, Vandenbossche,
Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen, H. Vilain
XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke et Zoude.
Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Berger,
Bosquet, Brabant, de Longrée, Demonceau, Dequesne, de Renesse, Desmanet de
Biesme, d’Hoffschmidt, Dubus aîné, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon,
Gendebien, Heptia, Lardinois, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Pollénus,
Raymaeckers, Scheyven, Trentesaux, Troye, Verdussen et Raikem.
MM. les députés quittent leurs places.
M. Dubus. - Je crois
qu’il faudrait aussi consacrer la journée de lundi prochain à l’examen dans les
sections des budgets, et notamment du budget de la guerre.
M. le président. -
Nous ne sommes plus en nombre pour prendre une décision. Il est entendu que
demain on se rendra dans les sections et qu’il n’y aura pas séance.
- La séance est levée à 5 heures passées.