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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 3 décembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au droit de transit sur les
bestiaux
2) Projet
de loi relatif aux droits d’entrée et de transit du bétail hollandais. Taxation
au poids (Beerenbroeck,
Pollénus, d’Huart, Beerenbroeck), mesures de contrôle (visites
domiciliaires, recensement, acquis à caution…) ((+usage de la langue flamande)
(d’Huart, Andries), Vandenbossche, Pirson, de Nef, (+usage de la langue flamande) Pollénus,
Dubus, d’Huart)
3) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’année 1836. Présentation
générale, notamment contribution personnelle (taxe sur les chevaux) et impôt
sur les distilleries, droit d’enregistrement pour caisse d’épargne, situation
de la société générale vis-à-vis du trésor (d’Huart),
mise à l’ordre du jour (Dubus, d’Huart)
4) Projet
de loi relatif aux droits d’entrée et de transit du bétail hollandais. Fait
personnel (Eloy de Burdinne), mesures de contrôle (visites
domiciliaires, recensement, acquis à caution…) (Andries,
d’Huart, de Longrée, Jullien, d’Huart, A. Rodenbach, d’Huart, Jullien, d’Huart, d’Huart, Dubus, Andries,
de Longrée, Pirson, d’Huart, Jullien, d’Huart, Jullien, de
Roo, d’Huart, Dubus, d’Huart, Dubus, d’Huart,
Jullien, Andries, Cornet de Grez, d’Huart, Andries, de Longrée, Pirson, Demonceau, d’Huart, Demonceau, d’Huart, Jullien, Andries, d’Huart, Pollénus, d’Huart, Demonceau)
(Moniteur
belge n°338, du 4 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M. de Renesse
annonce à la chambre qu’il lui est parvenu une pétition par laquelle les
régences des communes de St.-Jean in-Eremo,
Ste-Marguerite et Watervlied demandent que la chambre
alloue le crédit nécessaire pour la construction du canal projeté de Zelzaete
vers la mer du Nord.
- Cette pièce est renvoyée à la commission des
pétitions.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS D’ENTREE ET DE TRANSIT SUR LES BESTIAUX
Discussion des articles
M. le président. -
M. Beerenbroeck a présenté l’amendement suivant qui doit être placé après
l’art. 2.
« Il sera établi, aux frontières de
M. Beerenbroeck
développe les motifs de son amendement dans un discours qui ne nous est pas
parvenu.
M.
Pollénus. - Tout en accueillant les considérations qui ont dirigé
l’honorable M. Beerenbroeck dans la présentation de son amendement, je ne puis
adopter les termes dans lesquels il est conçu. L’établissement de ponts à
bascule est une mesure d’exécution de l’utilité de laquelle le gouvernement est
seul à même de juger. Cette nécessite peut varier de jour en jour, de mois en mois.
Il importe que le gouvernement ait la faculté d’établir autant de ponts à
bascule qu’il le jugera convenable. L’honorable préopinant a senti lui-même que
son amendement était incomplet depuis l’adoption de l’article proposé par la
commission qui étend â la frontière prussienne les mesures douanières demandées
contre
Je rends justice aux intentions qui ont dicté
l’amendement en discussion. L’honorable M. Beerenbroeck a provoqué des
explications de la part de M. le ministre des finances, qui a dit qu’il croyait
qu’il suffirait d’établir quatre ponts à bascule. L’honorable M. Beerenbroeck
lui a répliqué que ce nombre serait insuffisant. Je le pense comme lui. Je ne
sais pas si, quand il a fait cette déclaration, il avait des motifs positifs
pour s’arrêter à ce chiffre. Dans tous les cas, je regarde l’établissement des
ponts à bascule comme un objet dépendant des attributions de l’administration.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense aussi que l’article proposé par
l’honorable M. Beerenbroeck est purement réglementaire et qu’il n’est pas
nécessaire d’insérer une semblable disposition dans la loi. Il pourrait arriver
que nos bureaux ne fussent pas suffisants et qu’il fallût en établir davantage.
Il faut donc laisser à l’administration le soin d’y pourvoir. Quand j’ai parlé
de 5, 6 bureaux, j’ai seulement voulu indiquer que si l’on voulait se borner à
ce nombre, cela ne coûterait qu’une somme que j’ai désignée ; mais je n’ai
jamais entendu que le gouvernement ne pût établir que ce nombre de bureaux
strictement.
Depuis que la chambre a décidé que la perception du
droit sur le bétail se ferait au poids, il m’est parvenu des renseignements sur
la possibilité de constater ce poids sans de grandes dépenses. En Angleterre,
on se sert d’instruments au moyen desquels on mesure les dimensions de
l’animal, et par des formules déterminées dans une instruction à l’usage de
ceux qui emploient ce moyen, l’on arrive à constater le poids de l’animal à
quelques kilogrammes près. Ce moyen est très usité en Angleterre.
Tous les bons cultivateurs
et les éleveurs de bétail sont pourvus de ces espèces de jauges. Ces nouveaux
renseignements me portent à penser que lorsque nous serons arrives à la fin de
la loi, il serait utile d’ajouter une disposition à peu près conçue en ces
termes :
« Le poids du bétail sera constaté au moyen de
bascules ou par tout autre procédé qui sera déterminé par le gouvernement. »
Si le mode que je viens d’indiquer était réellement
praticable, comme il serait beaucoup plus économique pour le trésor, l’on
pourrait se dispenser d’établir des bascules.
Quoi qu’il en soit, je pense que dans aucun cas, il
ne peut être question d’adopter l’amendement de l’honorable M. Beerenbroeck.
M. Beerenbroeck.
- Par suite des explications que vient de donner M. le ministre des finances,
je déclare retirer mon amendement.
Article
3
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’art. 3 ainsi conçu :
« Art. 3. L’administration fera effectuer par ses
préposés, avec l’intervention d’un membre ou d’un délégué de l’autorité
communale, l’inventaire desdits chevaux et bestiaux, comprenant le signalement
particulier et les marques distinctives propres à déterminer l’identité de
chacun d’eux.
« Cet acte sera dressé et signé en triple
expédition dont l’une sera remise à l’intéressé, la seconde au receveur susdit
qui l’inscrira en charge dans un compte courant dont la forme sera déterminée
par l’administration, et la troisième restera entre les mains des employés
chargés de la surveillance du rayon. »
La commission
propose l’amendement suivant auquel M. le ministre des finances s’est rallié.
« L’administration fera effectuer, sans frais,
par ses préposés, etc. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je propose de maintenir le premier paragraphe
de l’article, sauf à retrancher tout ce qui est relatif aux chevaux. C’est un
point déjà convenu. Comme je l’ai déjà dit, je me rallie à l’amendement qui
tend à ajouter le mot « sans frais. »
Je propose en outre d’adopter un amendement ainsi
conçu, qui se conciliera parfaitement, je le pense, avec les différents
amendements proposés :
« L’intéressé est autorisé à faire des
extraits de cet inventaire comme aussi de faire marquer son bétail au fer rouge
dans le mode à déterminer par l’administration.
« Dans ce cas et par exception à l’article 6 ci-après,
ces extraits seront valables pendant le terme de trois mois à partir de leur
délivrance, pour tenir lieu de l’acquit à caution exigé par l’article 6, pourvu
que ces extraits aient été trouvés et vérifiés conformes par le receveur du
bureau auquel ressortit la commune et que le bétail ainsi vérifié ait été
reconnu conforme dans ces extraits d’inventaire. »
J’ai demandé dans cet amendement que la marque du
bétail accompagne toujours l’extrait d’inventaire ; de cette manière l’on ne
pourra échapper à la constatation de l’identité du bétail. Dans l’amendement de
l’honorable M. Andries la marque du bétail est facultative. L’honorable membre
vous a dit que les cultivateurs s’astreindraient sans aucune espèce de
répugnance à l’obligation de laisser marquer leur bétail. Puisque cette
précaution ne sera pas vexatoire, je pense que la chambre ne se refusera pas à
l’admettre, de sorte qu’accompagné d’un extrait d’inventaire, le bétail marqué
pourra non seulement parcourir la commune où il aura été délivré, mais encore
toutes les communes jusqu’à l’intérieur du pays.
Il n’y a de différence entre la proposition de
l’honorable M. Andries et la mienne, qu’en ce que je demande que l’extrait
d’inventaire ne soit valable que pendant trois mois. L’honorable auteur de l’amendement
voulait qu’il fût délivré pour un temps indéfini ; mais l’on conçoit que le
bétail pourrait disparaître au bout d’un certain temps, et qu’ensuite l’extrait
d’inventaire pourrait être passé à un fraudeur, qui s’en servirait pour
introduire du bétail étranger à la place du troupeau qui n’existerait plus.
Du reste, remarquez que la limite donnée à la durée
de l’extrait d’inventaire ne sera nullement gênante ni onéreuse pour le
cultivateur, attendu qu’il suffira de le présenter au bureau du receveur ou du
délégué de l’administration, pour en obtenir la prolongation pour un nouveau
trimestre.
C’est dans le même
amendement que l’honorable M. Andries demande que l’extrait d’inventaire soit
rédigé en langue flamande. Si l’on reconnaît la nécessité de délivrer cet
extrait en langue flamande, il faudra néanmoins qu’il ne cesse pas d’être
délivré en même temps en français, d’abord parce que toutes les écritures de
l’administration se faisant en langue française, il faut qu’il soit conforme à
l’inventaire lui-même, et en second lieu, parce que le bétail inventorié
pouvant servir dans tout le royaume au moyen de cet extrait, il faut que les
employés puissent en tout lieu constater l’identité du bétail et être mis à
même de comprendre par conséquent la pièce soumise à leur vérification. Il
faudrait donc en tout cas qu’en regard de l’extrait en langue flamande se
trouvât la traduction française, si la chambre adoptait cette disposition de
l’amendement de l’honorable M. Andries.
M. le président. -
L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :
« § 3. L’intéressé est autorisé à faire des
extraits de cet inventaire. Ces extraits seront valables, comme l’inventaire
lui-même, pourvu qu’ils soient trouvés et certifiés conformes par le receveur
du bureau auquel ressortit sa commune.
« § 4. La rédaction de ces inventaires se fera
en langue flamande, si l’intéressé l’exige.
« § 5. L’intéressé aura en outre la faculté de
faire marquer son bétail au fer rouge, et jouira, de ce chef, de la faculté
stipulée au 1er alinéa de l’art. 6. Les inventaires feront mention spéciale de
l’apposition de la marque. »
M. Andries. - Je
demanderai à l’honorable ministre des finances si l’opération de la marque se
fera aux frais de l’administration comme l’inventaire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Sans aucun doute.
M. Andries. - Je
ferai quelques observations sur le retranchement que l’on a cru devoir faire de
l’obligation de comprendre les chevaux et poulains dans l’inventaire. M. le
ministre, dans l’exposé des motifs de la loi, a attribué la fraude des bestiaux
à deux causes, à la modicité du droit et aux dispositions exceptionnelles de la
loi générale de 1822. Ces dispositions exceptionnelles, prises en faveur des
cultivateurs, existaient quant aux chevaux et aux poulains. Aujourd’hui la
fraude n’aura pas moins de facilité qu’auparavant.
Actuellement l’on peut introduire des chevaux
étrangers presque sous les yeux de la douane, sans qu’elle puisse rien dire.
D’après la loi de 1822, les chevaux peuvent aller à l’extérieur labourer les
terres qui appartiennent à des cultivateurs belges. Le cultivateur, qui part
avec deux chevaux seulement, revient dans le pays avec un troisième cheval
qu’il a attelé à une demi-lieue de la frontière. La fraude est palpable, mais
il est impossible aux employés de la constater.
On ne peut remédier à cet inconvénient que laisse
la loi générale qu’en comprenant les chevaux et poulains dans l’inventaire. La
loi générale de 1822 présente des mesures de précaution pour constater
l’identité des bestiaux qui vont dans les pâturages étrangers. Ces mesures de
précaution consistent principalement dans la marque. Pour les chevaux et poulains
la loi générale n’exige aucune formalité. La loi générale, à l’art. 4, excepte
les chevaux et poulains de toute formalité ; seulement elle ajoute : « en
prenant les précautions nécessaires pour constater l’identité. »
Je demanderai à M. le ministre des finances s’il ne
pourrait pas s’appuyer de cette réserve pour prendre quelques dispositions
réglementaires qui remédieraient à la fraude. Pour ce qui est des autres
dispositions proposées par M. le ministre, je déclare m’y rallier.
Quant à la partie de mon amendement relative à la
langue flamande, je trouve indispensable de rédiger l’extrait d’inventaire dans
cette langue. C’est un droit constitutionnel dont l’administration n’a pas tenu
compte jusqu’à présent. Dans mon pays, l’on nous exploite, l’on nous somme,
l’on nous cite, l’on nous exécute dans une langue à laquelle nous ne comprenons
rien ; cela est fort pénible.
Les cultivateurs se moquent des procès-verbaux et
des citations, parce qu’ils sont rédigés en français, ou bien il faut qu’ils
aient recours aux agents d’affaires, et vous savez comme ces messieurs ont le
talent de pressurer les pauvres cultivateurs. (On rit.)
Je crois donc que, quand les cultivateurs exigent
la rédaction en langue flamande, on ne peut la leur refuser sans violer un
droit constitutionnel. Ce cas ne se présentera pas souvent. Mais nous devons
réserver dans la loi la faculté d’user d’un droit constitutionnel.
Je maintiens donc le paragraphe 4, ainsi conçu :
« § 4. La rédaction de ces inventaires se fera
en langue flamande, si l’intéressé l’exige. »
Je retire les 3ème
et 5ème que j’avais proposés et qui sont ainsi conçus :
« § 3. L’intéressé est autorisé à faire des
extraits de cet inventaire. Ces extraits seront valables, comme l’inventaire
lui-même, pourvu qu’ils soient trouvés et certifiés conformes par le receveur
du bureau auquel ressortit sa commune. »
« § 5. L’intéressé aura en outre la faculté de
faire marquer son bétail au fer rouge, et jouira, de ce chef, de la faculté
stipulée au 1er alinéa de l’art. 6. Les inventaires feront mention spéciale de
l’apposition de la marque. »
Le but que je m’étais proposé dans ces dispositions
est rempli par la proposition de M. le ministre des finances.
M. Vandenbossche.
- Je retire mon amendement ; il tendait à protéger les intérêts des habitants
des Flandres, auxquels pourvoit l’amendement de M. le ministre des finances.
M. Pirson. -
J’avais proposé un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Indépendamment de l’inventaire, les bêtes à
cornes âgées au moins d’un an seront marquées, aussi sans frais, au fer
chaud ; la marque, au besoin, sera renouvelée sur la demande des préposés
de la douane. »
Je retire cette
proposition. Je me rallie aux propositions de M. Andries et de M. le ministre
des finances, qui, au lieu de rendre la marque obligatoire, la rendent
volontaire de la part du détenteur du bétail. J’adhère à cette disposition,
parce qu’il y a des nourrisseurs sur la frontière qui ont du bétail qui ne sort
pas de l’écurie ; et souvent c’est cette espèce de bétail que
M. de Nef. - Je
trouverais fondées les observations de l’honorable M. Andries sur les chevaux,
si le droit adopté par la chambre était plus élevé ; mais un droit de 15 fr.
n’est pas assurément une prime offerte à la fraude, Ainsi j’appuie l’amendement
de M. le ministre des finances relatif à l’introduction des chevaux.
M.
Pollénus. - Je ferai remarquer à la chambre qu’elle ne peut admettre la
proposition de l’honorable M. Andries tendant à autoriser, pour le cas où
l’intéressé l’exige, la rédaction des inventaires en langue flamande. Ou bien
il faudrait adopter une disposition analogue relative à la rédaction en langue
allemande pour la partie du Luxembourg où on parle allemand ; car la loi
s’applique aussi à cette partie du royaume.
Pour moi, je crois que l’on pourrait laisser à
l’administration le soin de pourvoir à cet objet. Si elle trouvait que l’on eût
un intérêt réel à ce que les inventaires et les extraits d’inventaires fussent
rédigés dans l’idiome usité dans la province ou ils seraient faits, il est
certain qu’elle s’empresserait de déférer à ces intérêts.
Mais la chambre ne peut pas faire pour les
provinces flamandes ce qu’elle ne ferait pas pour la province où on parle
allemand.
M.
Dubus. - Un honorable préopinant (M. de Nef) a paru supposer que M.
Andries a combattu la suppression du mot « chevaux » de l’article qui
nous occupe. Mais non ; M. Andries a considéré la question comme jugée par le
vote émis sur l’art. 2 d’où on a retranché le mot « chevaux. » En effet,
puisqu’on l’a retranché de l’art. 2, il faut aussi le retrancher de l’art. 3.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois avoir compris le but de l’observation
de l’honorable M. Andries. Il a
voulu établir la nécessité d’user du paragraphe de la loi générale qu’il a
citée, c’est-à-dire d’exiger une justification pour les chevaux envoyés en
pâturages ou au travail au-delà de la frontière, de la même manière qu’on
l’exige pour le bétail ; j’ai tenu note de cette observation pour la mettre à
profit, si cela était reconnu nécessaire.
M. le président. -
La section centrale avait proposé au premier paragraphe de l’article 3
l’addition des mots « sans frais » ; le ministre s’y est rallié.
Au § 3 proposé par le ministre des finances, M.
Andries propose un sous-amendement qui est ainsi conçu :
« La rédaction de ces inventaires se fera en
langue flamande si l’intéressé l’exige. »
- Ce sous-amendement est mis aux voix et adopté.
Il formera le paragraphe 4 de l’article.
M. le président met
aux voix le paragraphe 3 proposé par le ministre des finances.
- Il est adopté.
L’article ainsi amendé est également adopté.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’ANNEE 1836
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour une communication du
gouvernement.
(Moniteur
belge n°342, du 8 décembre 1835) Messieurs, en vous présentant le budget
des dépenses de l’exercice qui va s’ouvrir, j’ai eu la satisfaction de vous
annoncer, au nom du gouvernement, que celui des recettes ne comprendrait pas de
nouvelles surtaxes, et qu’il offrirait même quelques améliorations aux lois qui
régissent actuellement les impôts.
La loi que j’ai l’honneur de vous soumettre
aujourd’hui justifie cette double assertion : elle assure l’équilibre des
recettes et des dépenses sans accroissement de charges, et contient des
améliorations utiles sur le droit qui frappe les chevaux d’un usage mixte, sur
les distilleries, et enfin sur le timbre des pièces et actes qui se rapportent
â l’administration des caisses d’épargnes.
Des contestations s’élèvent chaque jour dans
l’application de la loi sur la contribution personnelle, en ce qui concerne les
chevaux destinés à un double usage.
Pour que la taxe modérée de 7 florins fût
applicable, une décision du 20 mai 1825 exigeait que ces chevaux ne servissent
qu’au travail de professions ou métiers dont l’exercice immédiat ne peut
convenablement se faire sans leur emploi ; la même décision portait que les
chevaux de médecins, de chirurgiens, de procureurs, d’agents d’affaires ou de
commis-voyageurs, n’entreraient point dans cette catégorie, attendu que, pour
l’exercice de ces professions, les chevaux ne sont pas indispensables, et le
principe d’après lequel ils sont actuellement soumis à la taxe de 42 fr. 24 c.
(20 florins), a été confirmé par plusieurs arrêts de la cour d’appel. Cependant
beaucoup de contribuables n’ont cessé d’adresser des réclamations et des
plaintes contre ce droit élevé, qu’ils prétendaient illégal.
Sans approfondir cette dernière question, le
gouvernement a pensé qu’il était peu équitable d’imposer à la taxe de 42 fr. 24
c. les chevaux des médecins, chirurgiens, commis voyageurs, etc., en les
assimilant ainsi à ceux qui ne sont tenus que par luxe ou agrément.
Il lui a également paru convenable de ne soumettre
qu’à un droit plus modéré les chevaux employés pour le service de la garde
civique, et servant en même temps à la selle ou à des voitures suspendues ;
mais dans tous ces cas, à l’exception de ce qui concerne les fabricants et les
cultivateurs, il lui a semblé juste de ne faire jouir le même contribuable de
la taxe modérée que pour un seul cheval.
Il importait aussi de remédier à l’abus que font
certains contribuables des dispositions favorables de la loi et afin que son
véritable esprit ne pût être éludé dans l’application, la disposition proposée
exige, pour qu’il y ait lieu à imposer le droit réduit â 15 francs, que les
chevaux soient « principalement » employés à l’exercice de la
profession qui motive la modération de la taxe, et en outre, à l’égard du cultivateur,
que celui-ci trouve dans l’agriculture son principal moyen d’existence.
Enfin, pour aplanir de grandes difficultés, et pour
éviter le retour de nombreux procès, le gouvernement a pensé qu’il convenait de
déférer à la députation permanente la décision de toutes les contestations qui
pourraient s’élever sur la véritable destination des chevaux. Cette députation
sera éclairée par l’avis de la commission, instituée par l’art. 58 de la loi
sur la contribution personnelle, commission dans laquelle sont convenablement
représentés les intérêts du trésor et ceux des contribuables. La décision de la
députation sera ainsi basée sur les meilleurs éléments possibles de justice et
d’équité.
Depuis longtemps, messieurs, une lacune dont on ne
se fait pas faute d’abuser a été signalée dans la loi actuelle des
distilleries. Il s’agit de l’exemption de taxe, dont prétendent jouir les
distillateurs, sur les vaisseaux destinés à la distillation proprement dite,
mais dont la plupart servent néanmoins à la fermentation des matières. Les
facilités, peut-être trop larges, qui ont été accordées par la nouvelle loi des
distilleries, les pertes qu’elle occasionne annuellement au trésor et l’abus
certain qui se fait des vaisseaux exemptés de l’impôt, tout fait un devoir au
gouvernement de remédier sans retard à cet état de choses en frappant du droit
ces divers ustensiles.
L’art. 3 du projet de loi dont j’ai l’honneur de
vous exposer les motifs a d’abord ce but. Il paralysera ainsi un moyen trop
facile de frauder l’impôt. Il contient en outre une disposition qui porte la
quotité de l’accise, en principal, à 30 centimes au lieu de 22. Cette
majoration reconnue facile, surtout si vous rendez passibles du droit les
vaisseaux qui servent aujourd’hui à la fraude, sera accueillie par l’opinion générale,
qui na pas tardé à se prononcer contre le taux trop faible de l’impôt actuel.
Néanmoins la position relativement défavorable des
petites distilleries, position qui est signalée à la sollicitude du
gouvernement par la plupart des gouverneurs de province et par les
fonctionnaires supérieurs de l’administration des finances, se trouverait
empirée encore par ces dispositions nouvelles, si l’on n’y pourvoyait en même
temps. C’est cette considération, messieurs, qui a porté le gouvernement à
proposer de faire jouir les distilleries n’ayant qu’un seul alambic d’une
capacité inférieure à 5 hectolitres, d’une déduction de 10 p. c. sur la quotité
du droit.
L’art. 4 du même projet consacre une exemption que
n’a pu établir la loi du 13 brumaire an VII, à l’égard du timbre et de
l’enregistrement des registres et autres pièces concernant l’administration des
caisses d’épargnes.
Cette disposition libérale n’a pas besoin de
justification. Le but philanthropique des caisses d’épargnes doit être
encouragé par tout gouvernement qui a pour mobile le bien-être général et la
morale publique.
Les évaluations des recettes à opérer en 1836 ont
été généralement établies d’après le chiffre des recettes effectives des deux
derniers mois de 1834, et des dix premiers mois de 1835.
En ce qui concerne les contributions directes, ces
évaluations diffèrent de celles de l’année courante pour la contribution
personnelle dont les rôles comportent une majoration successive, ce qui dénote
aussi un accroissement successif d’aisance et de prospérité ; elles diffèrent
aussi en plus pour les patentes, dont le nombre et le produit se ressentent
favorablement de l’activité et de du commerce.
Les produits de la douane sont restés à peu près
dans les mêmes proportions que celles prévues au dernier budget. Ils sont
présentés pour le même chiffre, mais il y a lieu d’espérer que l’influence de
la nouvelle organisation du personnel réagira favorablement sur les rentrées
par une répression plus efficace de la fraude.
Les accises présentent un chiffre supérieur de plus
de 900 mille francs, à celui de l’an dernier. Dans cet excédant, les vins
étrangers figurent pour 200,000, les bières pour 250,000, les sucres pour
50,000, les genièvres indigènes pour 500,000 tandis que les eaux-de-vie
étrangères sont réduites de 100,000 francs.
Les droits d’enregistrement et de timbre sont
évalués moins haut que précédemment. Cette réduction dans les prévisions est
motivée sur ce que les recettes données par l’enregistrement et le timbrage des
titres nouvels ne s’effectueront plus d’ici à
longtemps, et que les ventes des domaines de la société générale pour favoriser
l’industrie nationale, qui avaient élevé très haut les recettes en 1333 et
1834, ne se sont pas continuées en 1855 et ne doivent plus être comprises d’une
manière notable dans les éléments des évaluations de 1836.
Un article nouveau figure à l’état des recettes
pour une somme de 500,000 francs, c’est la rentrée présumée en numéraire du
prix de vente des domaines aliénés par le syndicat d’amortissement. Bien que la
loi que vous avez portée sur les los-renten ne soit point encore votée par le
sénat, le gouvernement n’a pas hésité à en comprendre les résultats au budget,
parce qu’il a la confiance que cette branche de la législature ne refusera pas
son concours à cette mesure.
Le remboursement des avances faites à la masse des
corps militaires ne figure plus à ce budget que pour 600,000 fr. au lieu de
1,500,000 fr., M. le ministre de la guerre ayant fait connaître que la
situation de la dette des corps et l’absence d’un grand nombre de miliciens,
par congé temporaire, ne permettaient pas d’espérer en 1836 une plus forte
rentrée.
Cette somme est d’ailleurs comprise au chapitre du
trésor public, au lieu de l’être à celui de l’enregistrement, afin les frais de
recouvrement occasionnés par l’intervention inutile, en ce cas, des receveurs
du domaine.
Un article qui mérite toute votre attention, autant
par son importance effective que par les débats qu’il a déjà soulevées et qu’il
paraît devoir susciter encore, n’est porté au tableau général des recettes que
pour mémoire ; c’est celui qui relate les intérêts de l’encaisse de l’ancien
caissier général.
Le ministère précédent, mû par l’intention louable
de faire jouir immédiatement l’état des avantages d’un capital énorme, contesté
et improductif jusqu’alors, a conclu, le 8 novembre 1833, avec la direction de
la société générale pour favoriser l’industrie nationale, une convention qui
vous a été communiquée.
Cette convention, sur laquelle la chambre ne s’est
pas prononcée encore, mais qui, par sa nature, a dû faire l’objet d’un examen
sévère de la commission chargée par elle de procéder à une enquête sur la
situation de la société générale envers le trésor, n’a point été approuvée par
cette commission, qui a conclu, dans le rapport qu’elle vous a fait récemment,
à l’annulation de cet acte.
Sans vouloir s’expliquer ici sur cette grave
question, qui a encore besoin d’être éclairée par la discussion, le
gouvernement a dû prudemment ne pas comprendre parmi les ressources certaines
destinées à faire face au service de l’année un revenu sujet à une contestation
aussi formelle ; mais il a dû néanmoins faire figurer l’article pour mémoire,
afin de donner ouverture aux débats qui doivent amener une solution sur ce
point important.
D’autres points litigieux entre le gouvernement et
la société générale étant déférés au pouvoir judiciaire, je m’abstiendrai d’en
entretenir l’assemblée.
Suivant le désir manifesté dans cette enceinte,
l’état général des recettes est accompagné de divers états de développements
qui pourront en éclairer la discussion.
A l’exception de ce qui concerne les produits de la
douane, qui sont divisés par droits d’entrée, de sortie et de transit, on n’a
pas cru devoir introduire plus de détails dans la loi même.
On sentira facilement qu’en subdivisant l’infini
des prévisions toutes éventuelles, non seulement on susciterait des discussions
interminables et même dangereuses pour le recouvrement des impôts, mais on
finirait par ne donner que des chiffres inexacts.
Dans une autre occasion, messieurs, j’ai eu
l’honneur de vous dire que des projets sur le régime financier du pays étaient
prêts à vous être soumis ; et en effet, une loi répressive de la fraude,
destinée à répondre à l’un des vœux de l’industrie cotonnière, ainsi qu’une loi
sur le sel (dont les occupations multipliées des membres de la commission de
révision des impôts n’ont pas permis d’achever l’examen, bien qu’ils en aient
arrêté les principes et même les dispositions les plus essentielles), vous
seront présentées dès que vos travaux les plus urgents vous laisseront le
moment d’en entreprendre la discussion.
Je terminerai, messieurs, en vous faisant connaître
que le recouvrement des impôts a continué à s’opérer avec une extrême facilité,
et sans occasionner de plaintes, ni contre les administrations chargées de les
percevoir, ni contre les lois elles-mêmes. Cet état de choses indique que le
gouvernement et les chambres agissent sagement en ne procédant à la réforme
financière que par des améliorations successives, et que l’on doit persévérer
dans cette marche, si l’on veut parvenir, sans secousse fâcheuse, à approprier
nos lois aux exigences fondées des contribuables et aux besoins réels du
trésor.
(Moniteur belge n°338, du 4 décembre 1835) - M. le ministre, après
en avoir exposé les motifs, dépose sur le bureau le projet de budget des voies
et moyens.
M. le président. -
La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation du
projet de lui qu’il vient de déposer. Ce projet et les motifs qui
l’accompagnent seront imprimés et distribués.
La chambre entend-elle renvoyer ce projet à une
commission ou aux sections ?
Plusieurs membres. - Aux sections ! aux
sections !
M. Dubus. - Je
désirerais savoir si ce projet pourra être imprimé ce soir et distribué demain
matin. C’est une chose très urgente ; on pourrait convoquer les sections pour
demain et exécuter la résolution prise antérieurement par la chambre de
suspendre les séances publiques pour avancer le travail des sections. Nous
n’avons rien dont il soit plus urgent de nous occuper que le budget, si nous
voulons l’examiner avec quelque maturité.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je reconnais avec l’honorable M. Dubus l’urgence
de l’examen du budget, mais je lui ferai observer que l’impression du budget et
des pièces qui l’accompagnent ne pourra être terminée que demain, et la
distribution ne pourra être faite que demain soir. Il y a parmi les pièces
quelques tableaux, et chacun sait que l’impression de ces tableaux demande un
peu plus de temps que les impressions ordinaires.
On pourrait, au lieu de demain, s’occuper
après-demain du budget des voies et moyens dans les sections.
M. Dubus. - J’avais
proposé de se livrer demain à l’examen du budget dans les sections et de ne pas
avoir de séance publique. D’après ce que vient de dire M. le ministre des
finances, qu’il y aurait difficulté à imprimer le projet et les pièces pour ce
soir, dans ce cas je me rallierai à la proposition de M. le ministre de
consacrer la journée d’après-demain à l’examen du budget. Cependant, s’il y
avait possibilité de hâter l’impression de manière à distribuer le projet
demain matin, je persisterais dans ma proposition.
M. le président. -
Il y a plusieurs tableaux qui ne sont pas encore déposés. Il me paraît
impossible que l’impression de toutes ces pièces soit terminée pour demain
matin.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sont des tableaux de
développements que je n’ai pas encore déposés ; mais on les copie en ce moment,
ils vont être déposés. Ils ne sont toutefois de nature à retarder l’impression,
car le tableau général est joint à la lettre si on voulait en commencer
l’examen sans les autres tableaux qui n’en sont que la subdivision,
l’impression pourrait être terminée ce soir, et la distribution avoir lieu dans
la matinée de demain.
M. Dubus. -
D’après les nouvelles explications données par M. le ministre des finances, et
une distribution suffisante pour commencer l’examen de la loi pouvant avoir
lieu demain matin, je persiste dans ma proposition.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense que l’honorable M. Dubus suppose que
la loi actuelle serait terminée aujourd’hui. Sans cela, nous devrions
interrompre la discussion de cette loi ; ce qui, je crois, n’est pas dans son
intention.
M. Dubus. -
Sans doute.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Dans ce cas, nous pouvons attendre la fin de
la séance pour nous prononcer sur sa proposition. (Oui ! oui !)
PROJET DE LOI RELATIF AUX
DROITS D’ENTREE SUR LE BETAIL
Discussion des articles
M. Eloy de
Burdinne. - Je demande la parole pour un fait personnel. (Réclamations.)
D’après le règlement j’en ai le droit, et je désire
en user.
M. le président. -
La parole est à M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de
Burdinne. - Dans la séance de mercredi, l’honorable. M. Smits vous a
dit que dans ma réfutation, lui adressée il y a trois ou quatre jours, je
n’avais prouvé qu’une chose, c’est que je n’étais pas Turc ; eh bien, je
demanderai à M. Smits, qui tient tant à ce que la décence parlementaire soit
observée, s’il ne s’en est pas écarté dans la séance d’hier.
Je dirai de plus que le reproche qu’il a adressé à
quelques-uns de nos collègues, de l’avoir maltraité en son absence, eh bien, je
le lui renvoie ce reproche ; il a commis la même faute qu’il reproche aux
autres. Je crois avec l’honorable M. Smits qu’il est peu loyal de répondre à un
adversaire au moment où il n’est pas présent, et cela après trois ou quatre
jours d’intervalle.
Au surplus, je sais toujours pardonner les paroles
acerbes qui pourraient m’être adressées par mes adversaires ; et j’attribue la
petite incartade de l’honorable membre, à qui je réponds, à la chaleur d’une
improvisation faite à loisir.
Article
4
M. le président. -
« Art. 4 (du projet). Les possesseurs ou détenteurs préindiqués
sont soumis en tout temps au recensement, à la visite et à la justification de
leurs bestiaux.
« Néanmoins, le recensement dans les étables
ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu ou
de l’un de ses chefs. »
Plusieurs amendements sont proposés.
M. Andries propose d’effacer les mots : « en
tout temps. »
M. de Longrée propose l’amendement
suivant :
« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués, gravement soupçonnés de receler dans leurs
étables des bestiaux non déclarés, seront soumis à la visite des employés de la
douane.
« Néanmoins, ces visites ne pourront s’effectuer
qu’après le lever et avant le coucher du soleil, et en présence d’un membre de
l’administration communale, ou d’un agent public commis par elle à cet effet,
et aux risques des employés qui le feront, qui seront spécialement responsables
des pertes et dommages qu’ils pourraient occasionner, par les visites, aux
habitants. »
M. Andries. - Je
crois que M. le ministre des finances proposera un amendement qui rendra
l’article plus clair ; en conséquence je retire ma proposition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’art.
J’attendrai que M. de Longrée ait développé son
amendement pour faire mes observations.
M. de Longrée.
- D’après l’observation et l’amendement de M. le ministre des finances, je
retire la première partie de ma proposition. Quant à la seconde je la crois
utile en ce que, les employés étant accompagnés d’un membre de l’administration
communale pour faire leurs visites, les contribuables n’auront aucune vexation
à craindre, et que si les employés s’en permettaient, ce membre de l’administration
communale serait là pour les constater.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Si j’ai bien compris M. de Longrée, il ne
maintient pas au 1er paragraphe les mots « gravement soupçonnés. » Il
se borne à exiger que les visites par les employés ne puissent se faire qu’avec
l’intervention de l’administration locale. Si cette proposition était adoptée,
souvent les employés se trouveraient dans l’impossibilité de faire des visites.
On sait que les membres des administrations communales, dans des circonstances
semblables, se mettent volontiers de côté, qu’ils n’aiment pas aider à faire
des procès-verbaux pour constater la fraude chez leurs administrés. Les membres
de l’administration communale, qu’on ira chercher, feront dire qu’ils ne sont
pas chez eux, et la visite deviendra impossible.
Je ferai observer que les employés de
l’administration ne peuvent faire de visite que sous la surveillance de leur
chef. Je sais que ce chef pourra souvent n’être qu’un brigadier et même un employé
de première classe. Mais la visite se faisant en plein jour, elle ne peut
prêter à aucun inconvénient. Ensuite, il ne s’agit pas d’une visite ordinaire
pour rechercher des marchandises, il ne sera jamais question de fouiller les
armoires, de visiter les chambres, les étages, les greniers, mais seulement les
étables.
M.
de Longrée. - M. le ministre vient de dire que si on adoptait mon
amendement, toutes les visites deviendraient impossibles. Je lui répondrai que,
dans toutes les visites que les employés des douanes ont été autorises à faire,
toujours on a exigé qu’ils fussent accompagnés d’un membre de l’administration
locale, afin de prévenir les vexations auxquelles les employés se livrent assez
facilement. Ce serait d’ailleurs pour les détenteurs de bestiaux une garantie
de la véracité des procès-verbaux, et cette garantie on doit la leur donner.
M. Jullien. - Je
prie la chambre de remarquer que ces visites et formalités fiscales ne
s’appliquent pas seulement aux cultivateurs qui élèvent des bestiaux et en font
le commerce, mais qu’elles s’appliquent aussi à tous les habitants qui
demeureront à la campagne et dans le rayon de la douane. Il est presque
impossible de trouver dans les campagnes, même parmi ceux qui mènent la vie de
château, quelqu’un qui n’ait pas une ou deux vaches, quelques bestiaux, ne
fût-ce que pour l’usage de la maison. C’est-à-dire que tout le monde en général
ou tout au moins le tiers de la population du royaume, vu l’étendue des
frontières et la profondeur du rayon, sera soumis à toutes ces recherches que
je crois pouvoir appeler des vexations.
Il faut donc, dans toutes les mesures que vous
croirez devoir adapter, faire en sorte de les rendre les moins dures possible
pour ceux qui ont le malheur d’habiter le rayon prohibé.
Cet article, d’ailleurs, ne me paraît pas clair ;
je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien me donner quelques
explications.
« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués… » « Préindiqués, »
ce mot est drôle. On aurait pu en prendre un autre. (On rit.)
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Si vous voulez nous en donner un autre, nous
le prendrons.
M. Jullien. - Je
vous en donnerai un autre tout à l’heure ; je ne suis pas prêt. (On rit de nouveau.)
« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués sont soumis en tout temps au recensement, à la
visite et à la justification de leurs bestiaux. »
On a déclaré que « en tout temps» cela
signifiait entre le lever et le coucher du soleil, et non pendant le jour et la
nuit.
De sorte qu’on n’a pas à craindre de visites
nocturnes.
Mais quand on se présentera pour demander la
justification (encore un mot singulier), comment cette justification
devra-t-elle être faite ? Dans la séance d’hier, j’ai dit au ministre que la
plupart des cultivateurs n’avaient pas leurs bestiaux chez eux, qu’ils les
avaient dans des pâturages, à une et deux lieues de l’habitation et de la
commune ; comment, je vous le demande, ce cultivateur pourra-t-il faire la
justification de ses bestiaux aux employés ? Il ne pourra justifier que de ce
qui se trouve dans ses étables, dans sa demeure ; sans cela, il devrait
conduira les employés à une ou deux lieues, et quelquefois plus pour faire
cette justification.
Je prie M. le ministre de nous dire ce qu’il entend
par cette justification ; s’il entend seulement la justification de ce qui se
trouvera à la ferme du cultivateur, ou la justification de tous les bestiaux
qu’il possède.
La seconde partie de l’article me paraît aussi
avoir besoin d’une explication, que je prie M le ministre de vouloir bien
donner à la chambre.
Vous venez de voir que les
employés peuvent se présenter en tout temps chez l’habitant du rayon, pour
procéder au recensement, à la visite et à la justification de ses bestiaux ; et
vous voyez ensuite, que néanmoins, c’est-à-dire, par une disposition
restrictive, le recensement ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de
l’employé supérieur du lieu.
Mais si vous pouvez venir à toute heure pour la
visite et la justification, qu’est-ce que vous entendez par ce recensement qui
ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu.
Quelle est la différence que vous faites entre le
recensement et la justification ? Voilà une explication que je prie M. le
ministre de donner et qui doit être claire, parce que, dans les lois fiscales,
la moindre obscurité cause de grands préjudices aux contribuables, donne lieu à
une multitude de procès-verbaux et de procès sans fin qui ruinent ceux qui y
sont exposés.
L’explication du ministre servira au moins à
interpréter cet article, si on ne juge pas à propos d’en changer la rédaction.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il me sera très facile de répondre
à l’honorable M. Jullien. Je le
renverrai à l’art. 7 ; et là il verra ce que c’est que la justification légale
et de quelle manière elle doit s’établir.
« La justification de l’existence légale,
porte l’art. 7, dans le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux
trouvés dans les pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune
où ils sont déclarés, devra se faire (je lis avec les modifications qui
résultent de l’amendement adopté à. l’art. 3) conformément aux dispositions des
art. 3 et 6 ou par exhibition d’acquits de paiement.
« La justification des bestiaux trouvés dans
les écuries ou étables, ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés,
s’établira par la confrontation des indications portées à l’inventaire
ci-dessus mentionné et par l’identité du bétail. »
Vous voyez donc que la
justification légale se fait quand les bestiaux sont dans les pâturages et
quand ils sont dans les étables. Il ne peut y avoir sous ce rapport aucune
espèce de doute. M. Jullien vous a demandé encore la différence qu’il y avait
entre le recensement et la justification.
Le recensement dans les étables, c’est l’opération
qui consiste à comparer le bétail trouvé dans les étables avec celui indiqué
dans l’inventaire. Cela me paraît fort clair.
Du reste, M. le président, dans l’article 4 comme
dans les autres articles où il sera question de chevaux, il est convenu qu’on
supprimera ce qui les concerne, puisque nous les exemptons de la police des
douanes mise en vigueur pour le bétail.
M. A. Rodenbach. - M. le ministre des
finances vient de dire qu’on exemptait les chevaux des formalités établies pour
le bétail, et que par conséquent on supprimerait dans les dispositions
réglementaires tout ce qui concerne les chevaux.
L’amendement de l’honorable député de Malines
fixant à 13 fr. le droit sur les chevaux a été adopté, c’est vrai ; mais il y
avait un autre amendement que j’avais proposé, qui portait ce droit à 25 fr. et
qui n’a été rejeté qu’à une seule voix de majorité. Il serait possible qu’au
second vote cet amendement fût adopté. Alors il faudrait bien rétablir dans la
loi les mesures qu’on supprime par anticipation. Car si on ne prenait pas des
mesures contre la fraude, on ne percevrait rien des 25 fr.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il arriverait alors ce qui arrive dans toutes
les lois où deux systèmes sont en présence. Nous avons adopté pour les chevaux
un droit très bas ; par suite, nous n’avons pas cru devoir prendre des mesures
contre la fraude des chevaux, parce que ce droit n’était pas assez élevé pour
offrir un appât au fraudeur. Si au second vote on élevait le droit assez pour
faire craindre la fraude, alors nécessairement nous devrions modifier les
dispositions relatives à la police de la douane, quant aux chevaux, comme
conséquence nécessaire.
M. Jullien. - Le
ministre des finances a raison de dire qu’en fait
d’interprétation de loi, on peut se référer d’un article à un autre, parce que
les articles d’une loi s’interprètent les uns par les autres. Il me renvoie à
l’article 7 pour m’expliquer ce que l’article
Je vous avoue que je ne comprends pas cet article ;
j’aurais besoin d’explications.
Vous avez vu qu’on doit faire les inventaires avec
un signalement ; par conséquent, un inventaire fait avec tant de scrupule que
l’on y ajoutera le signalement de chaque mouton, sera une opération fort
longue.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - On a déjà répliqué à cela.
M. Jullien. - On a
dit, je crois, que le signalement se fait par les dents !...
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est par le nombre des moutons.
M.
Jullien. - Si l’on ne connaît les moutons qu’aux dents, il faudra des
dentistes de moutons. (Hilarité générale.)
Indépendamment de la longueur de l’opération pour
procéder à la reconnaissance du bétail, il y a encore une chose sur laquelle
j’ai besoin d’éclaircissements.
Je suppose qu’un employé vienne chez un fermier
pour faire la justification des bestiaux ; comment se fera-t-elle ? Est-ce en
présentant un acquit à caution, un acquit de pacage... J’ai dit hier que l’on
pouvait ne pas trouver le bétail, parce qu’il serait dans les herbages pendant
la belle saison, ou chez le distillateur pendant l’hiver ; alors, comment
représenter le bétail inventorié ? De plus, le paysan ne connaît pas tous les
documents qu’on exige. Si vous n’évitez pas les moyens de vexation de la part
du fisc, je plains sincèrement les cultivateurs et les habitants du royaume qui
sont dans le rayon. Je vous conjure de faire attention à la manière dont cet
article sera rédigé, car c’est une mine de procès.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je désirerais que M, Jullien citât les
paragraphes de l’article tels qu’ils sont effectivement ; il a confondu deux
paragraphes l’un avec l’autre. Comment dit M. Jullien, voulez-vous qu’un
propriétaire chez lequel on voudra opérer un recensement soit tenu chaque fois
à présenter des acquits à caution, etc. ?
Ce n’est pas cela qu’on demandera, on se bornera
dans ce cas à la confrontation du bétail qui est indiqué sur l’inventaire avec
celui qui est dans l’étable.
Quant aux animaux que l’on rencontre voyageant,
leur justification se fera soit en présentant l’acquit de paiement du droit
d’importation, soit par les moyens de justification prescrits par les articles 3
et 6, et a l’égard desquels il ne peut y avoir d’équivoque.
Je crois qu’on se fait une fausse idée du service
des employés de la douane si l’on croit qu’ils ne sont occupés qu’à imaginer
des contraventions ; ils ont bien d’autres occupations que celle de tourmenter
les habitants ; l’administration supérieure ne permettrait d’ailleurs pas ces
tracasseries, et elle renverrait des employés qui croiraient rien de mieux à
faire.
Le gouvernement est intéressé à ce que les citoyens
ne soient pas vexés.
Quant aux dentistes de moutons dont on a parlé, il
est facile de voir que l’objection que l’on a fondée là-dessus n’a aucune
réalité ; il suffit de voir qu’il existe tant de moutons dans une étable, on ne
constatera pas autrement l’identité.
- L’amendement mis aux voix n’est pas adopté.
L’article 4, modifie ainsi qu’il suit, est mis aux
voix :
« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués
sont soumis, après le lever du soleil et avant son coucher, au recensement, à
la visite et à la justification de leurs chevaux et bestiaux.
« Néanmoins, le recensement dans les étables
ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu ou
de l’un de ses chefs. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - Voici
l’article 5 :
« Les mêmes possesseurs ou détenteurs sont
tenus de faire, au bureau de l’administration où existe leur compte courant,
déclaration de chaque mutation qui surviendrait dans l’état de leurs bestiaux,
soit par suite de vente, cession, abattage ou transferts, soit à chaque
nouvelle entrée, par acquisitions, accroissement ou autrement, afin qu’il en
soit fait inscription en charge ou en décharge audit compte ; à défaut de cette
déclaration, ils seront punis d’une amende égale au double droit d’entrée par
tête de bétail manquant, dont la déclaration n’aurait pas été faite, et de la
confiscation bu bétail trouvé en plus, conformément à l’article 7 ci-après.
M. le président. -
MM. Andries et de Longrée ont présente des amendements a cet article.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai plusieurs modifications à proposer à cet
article, et je crois qu’elles pourront satisfaire les honorables membres.
Après ces mots : « Les mêmes possesseurs ou
détenteurs sont tenus de faire au bureau de l’administration où existe leur
compte courant, » je propose de mettre ceux-ci : « ou deux délégués que
l’administration pourra établir à cet effet, là où l’intérêt des cultivateurs
l’exigerait. »
Dans la première discussion on a objecté qu’il y
aurait un très grand inconvénient à faire aller le cultivateur à de grandes
distances de l’endroit où il habite ; pour éviter ces inconvénients, je laisse
à l’administration le droit de déléguer une personne qui aura sa confiance, un
magistrat municipal, par exemple, pour recevoir la déclaration.
L’article exige que les possesseurs ou détenteurs
fassent une déclaration dans le cas de mutation, soit par suite de vente,
d’abattage, etc. ; nous proposons de mettre cette disposition : « le cas
de naissance excepté. »
En exceptant les naissances, je fais droit à une
observation présentée par l’honorable M. Jullien qui a dans une autre séance
suppose le cas où un cultivateur, revenant de faire la déclaration de la
naissance d’un veau, rencontrerait un messager qu’on aurait dû lui envoyer pour
lui annoncer que le pauvre veau serait mort (on rit), et qu’il devrait retourner au bureau. C’était là un
inconvénient ; nous l’évitons par l’amendement. Il n’est pas nécessaire de constater
la naissance, soit pour les veaux, soit pour les agneaux, parce qu’en faisant
le recensement ordinaire quelques semaines après ces naissances, on reconnaîtra
bien l’âge du veau ou de l’agneau.
Dans l’article, il y a ensuite : « A défaut de
cette déclaration, ils seront punis d’une amende double du droit
d’entrée. »
Ici nous demandons que l’on
change la pénalité. Dans le projet, l’amende est double du droit proposé par
tête ; mais la perception du droit ayant été changée, et devant se faire au
poids, il faut modifier la désignation de la formalité. Je propose en
conséquence les amendes suivantes :
« 80 fr. par boeuf, vache et taureau ;
« 40 fr. par génisse, bouvillon et taurillon ;
« 10 fr. par veau et mouton. »
M. Dubus. -
Pour faire droit à l’observation de l’honorable M. Demonceau qui me paraît
juste, je propose de substituer à ma première rédaction celle-ci :
« Au moment où les employés l’ont reconnu. »
Je ne dis pas « constaté, » parce que
cela signifierait que le procès-verbal a été dressé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart) déclare se rallier la modification proposée par M. Dubus.
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix et
adopté.
L’article 5 est également mis aux voix et adopté.
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article 6 :
« Le bétail ne pourra circuler dans le
territoire du rayon prémentionné, ni être envoyé en pacage, en pâturage ou aux
marchés dudit rayon, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, non plus que de
l’intérieur dans le rayon, sans être accompagné d’un acquit à caution.
« Il est fait exception â cette disposition
pour les chevaux et les bestiaux que les possesseurs ou détenteurs enverraient
au pâturage ou aux marchés dans l’étendue seulement de la commune à laquelle se
rapporte leur compte courant, sans être tenus à la formalité de
l’acquit-à-caution, pour autant que le signalement desdits chevaux et bestiaux
soit reconnu conforme à celui constaté dans l’inventaire dont le conducteur du
bétail devra être porteur pour l’exhiber à toute réquisition des employés, et
que du reste l’identité desdits chevaux et bestiaux soit dûment reconnue.
« A défaut de reproduction de l’acquit à
caution dûment déchargé dans le délai fixé, celui qui a levé ce document, ou sa
caution, sera tenu au paiement d’une amende égale à la moitié du droit
d’entrée. »
M. Andries. - Je
trouve que les dispositions présentées par M. le ministre des finances sont meilleures
que celles que j’ai proposées.
Je demanderai seulement une explication. Le
cultivateur qui a vendu une pièce de bétail, vient en faire la déclaration au
bureau ; est-ce qu’il devra payer pour cette déclaration ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, la déclaration sera reçue
sans frais.
M. Andries. - Qui
est-ce qui est chargé de noter cette déclaration et d’en faire mention sur
l’inventaire ? Si le cultivateur portait toujours le même inventaire, il serait
en contravention ; il faut que le receveur ou son délégué soit chargé de
constater la mutation sur l’inventaire.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Naturellement.
M. Andries. - Je
retire mon amendement.
M. de Longrée.
- D’après l’explication donnée par M. le ministre des finances, je retire mon
amendement.
M.
Pirson. - J’ai présenté un amendement, et il devient inutile par suite
de la proposition du ministre, à laquelle je me rallie. Toutefois, je lui
demanderai pourquoi il veut étendre une amende aussi considérable, quand une
tête de bétail manque. On ne doit pas présumer la fraude, puisque l’animal peut
circuler ; c’est quand il y a une tête de bétail de plus qu’on peut la
présumer. Mettez quatre-vingts francs d’amende quand il y a une tête de plus ;
mais quand il y en a une de moins, c’est qu’elle est en circulation, et elle a
droit de circuler.
M. d'Hoffschmidt.
- Ou bien c’est qu’elle a été mangée ; car elle a droit aussi d’être mangée. (On rit.)
M. Pirson. -
Distinguez les deux cas et ne punissez que la fraude.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai d’abord à l’honorable
M. Andries que les cultivateurs n’auront à supporter aucuns frais lorsqu’il
faudra faire des changements à leur inventaire : la rédaction de l’article
indique suffisamment que ces changements doivent se faire par les personnes
chargées de tenir les registres et non par les déclarants.
L’honorable M. Pirson ne voudrait pas que l’amende
fût appliquée pour le cas ou une tête de bétail manque, cependant il y a
préconisation de fraude dans cette circonstance. Je suppose qu’un cultivateur,
habitant du rayon, ait vendu une pièce de bétail ; il la livre sans qu’on s’en
aperçoive ; et il parvient ensuite à introduire dans son troupeau, la nuit ou
autrement, un animal semblable, venant de l’étranger ; il a donc fraudé, et il
faut bien éviter cette fraude en comminant une punition.
Il y a lieu de faire observer au surplus que les
pénalités que nous porterons dans la loi ne seront pas absolues ; et
l’administration ayant le droit de faire des transactions, selon la loi
générale, de laquelle nous ne dérogeons pas, usera de ce droit comme elle le
fait déjà aujourd’hui pour tempérer la rigueur des pénalités.
M. Jullien. - La
dispense de déclarer les naissances est une amélioration dans la loi ; le
détenteur de bestiaux aura bien assez de besogne quand il lui faudra déclarer
aux agents de l’administration les ventes qu’il fera. Cette besogne sera telle
qu’elle déterminera plus d’un cultivateur à renoncer au commerce des bestiaux.
Quoi qu’il en soit, j’ai une autre observation à
faire ; il y a une lacune qu’il faut combler. On dit que le cultivateur doit
faire une déclaration ; mais de quelle manière sera-t-elle faite ?
Sera-ce une déclaration verbale ou une déclaration
par écrit ?
En thèse générale, quand on
demande une déclaration au cultivateur, on la lui demande par écrit, parce
qu’alors c’est un titre. Cependant, si vous ne l’assujettissez pas à une
semblable déclaration, et si vous vous contentez d’une déclaration verbale,
qu’arrivera-t-il ? c’est que cette déclaration verbale
sera inscrite par l’employé comme il la comprendra. Je suppose que cette
déclaration donne lieu à contestation entre le déclarant et celui qui aura reçu
la déclaration, et que devant la justice le cultivateur soutienne que la
déclaration n’est pas exacte ; l’inscription fera-t-elle foi ? ou ne fera-t-elle foi que jusqu’à inscription de faux ? Il
faut décider cette question
Si vous exigiez une déclaration écrite, il y aurait
un autre inconvénient, parce que beaucoup de détenteurs ne savent pas écrire.
Je crois que vous devriez demander simplement que la déclaration fût signée ;
alors il n’y aurait plus de contestation.
Si vous reconnaissez des difficultés à ce mode, il
faut déterminer le caractère probant que vous voulez donner au registre des
employés. Sous ce rapport, je vois encore des inconvénients. Je prie donc M. le
ministre des finances de dire s’il n’y aurait pas moyen d’indiquer quelle
déclaration l’administration demande.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Une déclaration verbale me parait être
suffisante et ne devoir donner lieu à aucun inconvénient. Exiger une
déclaration écrite, ce serait exiger une formalité des plus difficiles, et
véritablement vexatoire pour les déclarants. Les inconvénients qu’a indiqués
l’honorable M. Jullien sont évités par l’art. 3, que la chambre a adopté.
Le deuxième paragraphe de cet article est ainsi
conçu :
« Cet acte (l’inventaire) sera dressé et signé
en triple expédition dont l’une sera remise à l’intéressé, la seconde au
receveur susdit, qui l’inscrira en charge dans un compte courant dont la forme
sera déterminée par l’administration, et la troisième restera entre les mains
des employés chargés de la surveillance du rayon. »
Vous voyez donc qu’on ne peut pas fausser la
déclaration, puisqu’elle est consignée dans un registre qui ne doit pas être
altère, et qui ne peut pas l’être ; car elle est dressée en triple expédition,
dont une est remise à l’intéresse et une seconde aux employés de
l’administration. Les inconvénients signalés par M. Jullien ne sont donc pas à
craindre.
Quant à la validité de cet acte, il serait assez
difficile de l’infirmer, puisqu’il peut y avoir triple confrontation.
Si les trois actes sont
semblables, il ne peut pas y avoir d’autant moins lieu à contestation, que
l’intéressé est porteur d’une expédition et qu’il ne manquerait pas de réclamer
si, ce que l’on ne peut croire, l’agent du gouvernement s’était ménagé le
plaisir d’inscrire une fausse déclaration pour prendre en fraude le
particulier.
Il ne faut pas, messieurs, faire de telles
suppositions ; car si elles étaient de nature à se réaliser, l’on aurait beau
insérer des précautions dans la loi, s’il existait des employés assez perfides,
assez dépravés pour employer de tels moyens, quelques précautions que vous
prendriez dans la loi, ils parviendraient toujours à les fausser ou à les
éluder.
M.
Jullien. - M. le ministre des finances invoque l’art. 3 pour justifier
l’art. 5. Il est bien vrai que l’art. 3 prescrit qu’il soit dressé une triple
expédition de cet inventaire, et qu’une expédition de cet inventaire soit
remise au détenteur ou possesseur. Mais les mêmes formalités ne sont pas
prescrites dans l’art 5.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Cela va de soi.
M. Jullien. - Je
ne le pense pas, puisqu’il s’agit de déclaration dans l’art. 3 et dans l’art.
5. Si vous voulez que les formalités prescrites dans l’art. 5 s’appliquent à la
déclaration, il faut le dire. Il faut dire dans l’art. 3 : « Une expédition de
la déclaration sera remise au déclarant par le receveur, » autrement il y
aura beaucoup d’inconvénients.
M.
de Roo. - Je comprends l’application d’une pénalité dans l’art. 5
relativement à l’augmentation du bétail. C’est là une infraction à la loi, une
fraude caractérisée. Mais je ne crois pas que l’on puisse appliquer une peine à
la diminution du bétail, car c’est là une chose licite ; chacun peut vendre,
céder, abattre son bétail. C’est donc une véritable anomalie dans l’art, 5 de
la loi. Je crois qu’il faut supprimer la pénalité relativement à la diminution
du bétail, et la restreindre au cas de l’augmentation du bétail. M. le
ministre, pour appuyer la partie de l’article dont je demande la suppression, a
dit que, sans cette disposition, on pourrait aisément substituer d’autre bétail
à celui inventorié. Mais si l’on peut substituer le bétail, à quoi donc servent
l’inventaire et le signalement ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je répondrai à l’honorable M. de Roo que la
partie de l’article dont il demande la suppression (la pénalité pour le cas où
il y a diminution dans le bétail) est indispensable pour empêcher les
substitutions. En effet, quand doit-on chercher à empêcher ces substitutions ?
Au moment même où elles vont se faire, c’est-à-dire, lorsque le bétail vient
d’être introduit dans l’intérieur du pays, et que celui qu’on se dispose à lui
substituer n’est pas encore arrivé.
L’honorable M. Jullien croit qu’il n’est pas assez
expliqué qu’il sera donné une expédition de la déclaration à celui qui vient la
faire. Mais cela me paraît résulter clairement de la combinaison des articles
et de la rédaction même de l’article en discussion. Dans l’art. 3 il est dit
que l’inventaire « sera dressé et signé en triple expédition, dont l’une
sera remise à l’intéressé, la seconde au receveur qui l’inscrira en charge dans
un compte-courant. »
Dans l’article en discussion, il est prescrit :
« Les mêmes possesseurs ou détenteurs sont tenus de faire, au bureau de
l’administration où existe leur compte-courant, déclaration de chaque mutation
qui surviendrait dans l’état de leurs bestiaux, soit par suite de vente, cession,
abattage ou transfert, soit à chaque nouvelle entrée ou acquisition,
accroissement ou autrement, afin qu’il en soit fait inscription en charge ou en
décharge audit compte. »
Mais évidemment, si l’on introduit une modification
dans ce compte, il faut en modifier l’expédition primitivement donnée, pour que
l’extrait demeure toujours conforme aux écritures du registre.
L’article 3 deviendrait bientôt sans effet si le
propriétaire ne conservait pas toujours un inventaire exact de son bétail.
Je dis donc que les mots :
« qui l’inscrira en charge dans un compte courant, » expliquent assez
que la mention doit être faite sur l’expédition du propriétaire et sur le
compte courant ou registre tenu.
Au reste, ces formalités, ne fussent-elles pas
indiquées dans la loi, ne sauraient manquer d’être remplies dans l’exécution.
L’administration devrait y pourvoir par des règlements.
Et ne croyez pas que les lois, telles que vous les
votez, s’exécutent sans que l’administration soit obligée de donner des
instructions à cette fin ; presque toujours des instructions dirigent les
employés pour l’application des principes posés dans les lois. Quelle est la
base de ces instructions ? Les discussions et les explications qui ont eu lieu
dans les chambres, les motifs donnés à l’appui des dispositions adoptées.
M. Dubus. - Il
me paraît que l’article tel qu’il est rédigé peut être dans beaucoup de cas,
appliqué injustement, et faire poursuivre comme fraude ce qui souvent ne serait
pas fraude, et ne serait même pas tentative de fraude.
Si vous ne déterminez pas un délai dans lequel la
déclaration devra être faite, il arrivera qu’aussitôt une mutation survenue, un
employé pourra dresser procès-verbal, comme s’il y avait fraude ; si un délai
est fixé, l’employé pourra constater une mutation qui n’aura pas été déclarée
dans les délais. Je conviens que le défaut d’observer la prescription de la
déclaration dans le délai fixé peut être considéré comme une tentative de
fraude, tentative que l’on aurait complétée, en faisant entrer en fraude le
bétail que l’on substituerait à celui vendu.
Mais quand la mutation
vient d’avoir lieu, et que la déclaration n’est pas faite, je ne comprends pas
qu’on puisse punir comme s’il y avait fraude.
Il faut accorder un temps moral pour la
déclaration. Si l’on croit qu’un délai d’un jour ou deux soit convenable, qu’on
admette ce délai, mais qu’on l’indique dans la loi, afin que si un employé
arrive un jour où une mutation vient d’être faite, le cultivateur n’en soit pas
victime, et ne soit pas puni alors qu’il n’a eu aucune pensée de fraude.
J’invite M. le ministre des finances à déclarer
s’il voit des inconvénients à fixer un délai dans lequel la déclaration doit
être faite. Si un délai était fixé, je crois que toute critique de l’article
disparaîtrait.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que la fixation d’un
délai serait la ruine de l’article en discussion, parce qu’évidemment chaque
fois que l’employé se présenterait, si, par exemple, le délai était de 24
heures, on lui dirait qu’il y a 23 heures que la mutation a eu lieu ; et
l’administration ne pourrait pas exhiber preuve du contraire, tandis que pour
le propriétaire, si son bétail est mort, ou s’il l’a fait abattre, il peut
aisément justifier de ces faits en cas de contestation.
Si le cultivateur a vendu récemment son bétail, il
lui sera encore facile d’en justifier ; et si dans de telles circonstances, les
employés dressaient des procès-verbaux, il n’y serait pas donné suite, parce
qu’ils s’appliqueraient à des faits dans lesquels l’administration ne pourrait
voir aucune intention de fraude.
Je dis donc qu’un délai indiqué comme le voudrait
M. Dubus ne doit pas être déterminé dans la loi, parce que l’administration ne
pourrait pas prouver le contraire de l’allégation du propriétaire en fraude,
tandis qu’il sera au contraire toujours facile au propriétaire de prouver à
l’administration qu’il n’y a pas de fraude lorsque effectivement elle n’existe
pas.
M. Dubus. - Je
ne sais, quand on fait une loi fiscale, s’il suffit, pour répondre à la
critique, de dire que l’administration fera la part des circonstances, et
qu’elle serait d’une rigidité excessive si elle appliquait la loi dans un cas où
il n’y aurait pas intention de fraude.
Ce que l’administration a fait, elle peut encore le
faire ; or, il est certain que l’on a spéculé sur la disposition de la loi qui
autorise l’administration à transiger ; on a fait des procès-verbaux pour que
le contribuable « rédimât » (suivant l’expression populaire) les
vexations, en transigeant. Ce que l’on a fait, on pourra le faire encore. Je ne
suis pas satisfait, sous ce rapport, de la réponse de M. le ministre des
finances.
J’aurais désiré qu’une
amélioration fût introduite dans l’article, sans ruiner l’article ; car si on
ne peut améliorer l’article sans le ruiner et sans ruiner la loi entière, je
renonce à toute critique.
M. le ministre a fait une autre objection, il a dit
que le cultivateur serait à même de faire la preuve que la mutation a eu lieu
dans tel délai ; que l’employé n’était pas à même de faire cette preuve, et que
si on fixait un délai, le cultivateur dirait toujours que la mutation est
récente.
Mais je voudrais que le cultivateur ne pût pas être
poursuivi, quand il fournira la preuve que cette mutation est récente.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - J’admets cela.
M. Dubus. - Je
crois qu’une telle disposition améliorerait l’article. Mais je prierai M. le
ministre des finances de vouloir bien indiquer le délai qui lui paraît
convenable ; c’est à lui à le fixer puisqu’il est chargé de faire exécuter la
loi.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que le délai de
24 heures qui a été proposé par l’honorable M. Andries est suffisant. Il ne
faut pas porter ce délai trop loin, parce que dans l’intervalle même du délai,
l’on pourrait se livrer à la fraude. Ce délai est d’ailleurs d’autant plus
suffisant que d’après un article déjà adopté, des délégués peuvent être établis
dans les localités trop éloignées du bureau du receveur.
M. Jullien. - J’avais
demandé la parole pour réclamer la fixation d’un délai. Puisque M. le ministre
consent à ce qu’on adopte un délai de 24 heures, je n’ai plus d’observations à
faire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il serait nécessaire d’ajouter que le
propriétaire sera tenu de constater que la mutation a eu lieu depuis moins de
24 heures. Il n’y a rien de plus facile pour le propriétaire que de constater
ce fait dans tous les cas possibles. Il n’est aucun cas où le propriétaire soit
embarrassé d’en administrer la preuve.
M. Andries. - Pour
que cette stipulation ne soit pas vexatoire, il faut nommer un assez grand
nombre de délégués, afin que le cultivateur ne soit pas obligé de parcourir une
trop grande distance pour faire la déclaration.
M. Jullien. - Il
est impossible d’admettre la condition que M. le ministre impose au délai de 24
heures. Il veut que le détenteur prouve qu’il a fait son acquisition dans les
24 heures...
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Permettez-moi de m’expliquer plus clairement,
Je suppose que les employés se présentent chez un propriétaire. Une mutation
s’est opérée dans son bétail. Il dit que cette mutation n’a été faite que
depuis moins de 24 heures. Je suppose que l’employé ne croie pas cela ; il
dresse son procès-verbal. Mais ce procès-verbal est sans objet immédiatement si
ce propriétaire prouve que la mutation a eu lieu depuis moins de 24 heures.
Cette preuve sera très facile à administrer dans tous les cas possibles ; vous
sentez dès lors que les employés ne seront pas tentés de dresser inutilement
des procès-verbaux puisqu’ils sauront que ces pièces seraient condamnées à
tomber devant une preuve facile que donnerait le propriétaire.
M. Jullien. - M.
le ministre des finances parle comme il agirait lui-même. Mais ses employés ne
l’imiteront pas. Ils ont une part dans les amendes. Aussi ils sont intéressés à
trouver les propriétaires en contravention et à dresser des procès-verbaux.
J’attendrai l’amendement de M. Dubus pour soumettre de nouvelles observations à
la chambre s’il y a lieu.
M. le président. -
L’amendement de M. Dubus au dernier paragraphe de cet article est ainsi conçu :
« A défaut de cette déclaration et s’ils ne
prouvent pas qu’il s’est écoulé moins de 24 heures entre la mutation non
déclarée et le moment où ils ont été mis en contravention, ils seront punis,
etc. »
M. Demonceau. -
Il me semble qu’il faudrait dire : « et le moment où ils pourraient être
mis en contravention, etc. »
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Du moment que la mutation n’a
pas été déclarée, les propriétaires pourront être mis en contravention. Les
termes de l’amendement me paraissent devoir être conservés.
L’instant où ils sont mis en contravention,
c’est-à-dire le moment où il y a matière à dresser le procès-verbal.
M. Jullien. - Il
résulte de cette explication qu’il y aura toujours présomption de contravention
toutes les fois que l’on trouvera dans l’étable d’un cultivateur un animal non
compris dans son inventaire. Quand bien même il viendrait de l’acheter au
moment même, il faudra toujours que l’employé dresse un procès-verbal et que le
cultivateur aille devant les tribunaux. (L’honorable
M. Cornet de Grez fait un signe de dénégation). Je vous demande pardon,
monsieur ; expliquez-moi comment cela ne sera pas.
M. Cornet de Grez. - Il suffira que
le cultivateur donne la preuve que la mutation a eu lieu depuis moins de 24
heures pour que le procès-verbal ne soit pas dressé.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - L’honorable M. Jullien ne tient aucun compte d’une
observation que j’ai faite, et dont il devrait, ce me semble, reconnaître la
justesse. Lorsque les employés sauront d’avance que le procès-verbal sera nul,
par cela seul que le propriétaire prouvera que la mutation a eu lieu depuis
moins de 24 heures, ils ne se presseront pas d’en dresser à tort.
L’adoption même de l’amendement de M. Dubus fera un
devoir aux employés de ne pas dresser inutilement des procès-verbaux, qui
pourront être anéantis par la preuve donnée par le propriétaire ; et, comme je
l’ai déjà dit, rien n’est plus facile que d’administrer cette preuve.
M.
le président. - Trois amendements ont été présentés par MM. Andries,
Pirson et de Longrée.
L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :
« Le bétail, marqué au fer rouge et inventorié,
pourra circuler librement et en tout temps sans document.
« Le bétail non marqué, mais inventorié, pourra
circuler en tout temps dans le territoire du rayon prémentionné, être envoyé en
pacage, en pâturage, ou aux marchés dudit rayon, à l’intérieur ou à l’extérieur
du pays, ainsi que de l’intérieur dans le rayon, s’il est accompagné de
l’inventaire ou de l’extrait de l’inventaire dont il est parlé aux articles 3
et 5. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il est devenu nécessaire de modifier l’art. 6,
parce que nous avons modifié l’art. 3 et que nous avons admis un autre moyen de
constatation du bétail.
Je proposerai donc de rédiger l’art. 6 ainsi qu’il
suit :
« A défaut des moyens de justification admis
par l’art. 3, et sauf le cas d’importation légale justifiée par les acquits de
paiement, le bétail ne pourra circuler dans le territoire du rayon prémentionné
ni être envoyé en pacage, en pâturage, ou aux marchés dudit rayon, à
l’intérieur ou à l’extérieur du pays, non plus que dans le rayon, sans être
accompagné d’un acquit à caution.
« Il en fait exception à cette disposition
pour les bestiaux que les possesseurs ou détenteurs enverraient au pâturage, ou
aux marchés dans l’étendue seulement de la commune à laquelle se rapporte leur
compte courant, sans être tenus à la formalité de l’acquit à caution pour
autant que le signalement desdits bestiaux soit reconnu conforme à celui
constaté dans l’inventaire dont le conducteur du bétail devra être porteur pour
l’exhiber à toute réquisition des employés, et que du reste l’identité desdits
bestiaux soit dûment reconnue.
« A défaut de reproduction de l’acquit à
caution dûment déchargé dans le délai fixé, celui qui a levé ce document ou sa
caution sera tenu au paiement d’une amende égale à la moitié de celle fixée par
l’article 5. »
Vous voyez que je propose de changer la pénalité
dans le dernier paragraphe de l’article, et ce parce qu’elle a été modifiée
dans un autre article. Ayant établi la perception du droit au poids, il a fallu
calculer l’amende par tête. Ici elle est la moitié de celle stipulée à
l’article auquel on se réfère.
Je vais indiquer la différence qu’il y a entre ma
proposition et les amendements des honorables MM. Andries et de Longrée.
L’honorable M. Andries voudrait que le bétail pût,
dans la commune même de l’habitation du cultivateur, circuler avec la marque,
sans que le conducteur fût porteur en même temps de l’extrait d’inventaire.
Nous avons déjà admis que le bétail pourra circuler
partout, aussi bien dans les autres communes du rayon que dans la commune de
l’habitation du propriétaire, pourvu que le bétail soit marqué et que le conducteur
soit porteur de l’extrait d’inventaire. Ainsi nous permettons la libre
circulation des bestiaux, moyennant les formalités simultanées de la marque et
de l’extrait d’inventaire.
L’honorable M. Andries voudrait que la marque seule
fût suffisante. Mais il ne vous échappera pas que cette formalité isolée
prêterait à la fraude, attendu que l’empreinte de la marque peut varier suivant
que le fer est plus ou moins chaud, et que par suite, la vérification précise
en est fort difficile ; il est donc prudent et même indispensable de combiner
ensemble les deux moyens de vérification.
M, de Longrée propose de supprimer dans l’article
le mot « pâturages. » Je pense que le maintien de ce mot est
nécessaire. D’abord, il y a une distinction grammaticale entre le pâturage et
le pacage.
On entend par pâturage l’endroit où l’animal trouve
simplement sa nourriture, tandis que le pacage s’entend des lieux où l’on
engraisse les bestiaux, comme les prairies artificielles, etc. Mais la
principale raison qui me faît désirer le maintien de
ces mots simultanément, c’est qu’ils sont consacrés avec intention par la loi
générale des douanes. L’on entend par pacage dans cette loi les pâturages
situés au-delà de la frontière.
Ainsi quand le bétail passe d’un pays dans l’autre pour aller pâturer,
comme cela a lieu fréquemment sur les frontières du nord, la loi générale dit
qu’il est envoyé en pacage, et elle détermine à cette occasion sous le nom
d’acquit de pacage les documents pour la libre circulation. Il serait dangereux
par conséquent de supprimer ici l’une de ces expressions, puisque nous nous en
référons souvent dans la loi actuelle à la loi générale. C’est le cas de dire :
ce qui abonde ne vicie pas. En supposant qu’il y ait réellement redondance,
elle n’est pas si mal sonnante qu’il faille la supprimer.
M. Andries. - Mon
but est à peu près atteint par l’amendement de M. le ministre. La circulation
des bestiaux ne sera plus aussi restreinte qu’elle l’était dans le projet
primitif, il y aura cet avantage que le bétail marqué et accompagné de
l’extrait d’inventaire pourra circuler dans toute l’étendue du rayon.
M.
de Longrée. - M. le ministre des finances a parfaitement expliqué la
différence entre le pacage et le pâturage. Son amendement remplissant le but
que je me proposais, je m’y rallie.
M. Pirson. - Je
retire le mien.
M.
le président. - Il ne reste que l’amendement de M. le ministre.
M. Demonceau. -
Je ne puis laisser voter cet article sans faire une observation. Il paraît que
le gouvernement n’avait pas intention d’appliquer la loi à la frontière de
Verviers ; sans cela on n’aurait pas exigé, pour le pacage, un acquit à
caution.
Nous avons auprès de Verviers un millier de
bonniers entourés de prairies, où le bétail pâture, nuit et jour, pendant tout
l’été. Il est impossible d’exiger pour ce bétail des acquits à caution,
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il faut remarquer qu’il y a quatre moyens de
justifier l’existence légale de bétail. D’abord l’extrait de l’inventaire et
l’apposition de la marque. Par ce moyen, on peut circuler partout.
En second lieu, on peut faire circuler le bétail au
moyen d’un simple extrait de l’inventaire dans la commune même de l’habitation
du propriétaire.
En troisième lieu, avec un
acquit de paiement, c’est le cas de l’introduction légale ; l’acquit de
paiement sert pour traverser le rayon réservé.
Le quatrième moyen, c’est pour celui qui ne veut
pas faire marquer son bétail et qui veut le conduire hors de sa commune au
marché ou ailleurs ; il prend un acquit à caution qu’il fait décharger au
retour dans le délai déterminé.
L’honorable M. Demonceau perdait de vue que l’acquit
à caution n’est pas obligatoire, que c’est un quatrième moyen subsidiaire de la
justification légale du bétail.
M.
Demonceau. - Je ne sais si je comprends bien l’article, mais il me semble
que, pour que le bétail puisse circuler, il faut que celui qui l’accompagne
soit muni d’un extrait de l’inventaire ou d’un acquit à caution.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’article a été amendé.
M.
Demonceau. - Cela ne fait rien, il n’en faut pas moins que celui qui
accompagne le bétail soit muni d’un extrait de l’inventaire. Eh bien, nous
avons des prairies qui s’étendent depuis Vaels
jusqu’à Jalhay, où le bétail pendant tout l’été pâture en pleine liberté sans
que personne y veille. Si personne ne soigne le bétail, il est impossible qu’il
soit accompagné d’un extrait d’inventaire ou acquit à caution. Chaque jour les
employés pourront dresser des procès-verbaux si cet article est adopté.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Ce cas est prévu sur l’observation de M.
Jullien que des propriétaires laissant leur bétail seul dans des pâturages une
partie de l’année, il a été stipulé à l’art. 2 que le propriétaire se bornerait
à indiquer les prairies où ses bestiaux sont en pâture. Quand les employés
soupçonneront de la fraude, ils se transporteront sur les lieux et vérifieront
si les animaux présents sont bien ceux désignés à l’inventaire et s’ils y sont
tous.
M. Jullien. - Ce
que vient de dire M. le ministre répond à la question que je voulais lui
adresser, relativement aux Flandres, qui sont dans le même cas que les environs
de Verviers.
- L’art 6 tel qu’il a été amendé par M. le ministre
des finances, est mis aux voix et adopté.
Article
7
M. le président. -
« Art. 7. Tout cheval et toute pièce de bétail trouvés par les employés
dans les écuries, étables, pâturages, ou dans quelque lieu que ce soit du
territoire compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y
serait pas dûment justifiée, seront saisis et confisqués, sans préjudice des
autres pénalités prononcées par la loi générale contre la fraude dont cette
contravention à la présente loi pourrait être accompagnée.
« La justification de
l’existence légale dans le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux
trouvés dans les pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune
où ils sont déclarés, devra se faire soit au moyen d’acquits de pacage,
d’acquits à caution ou d’acquits de paiement.
« Celle des bestiaux trouvés dans les écuries
et les étables ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés,
s’établira par la confrontation des indications portées à l’inventaire
ci-dessus mentionné et par l’identité du bétail.
« L’administration aura la faculté d’exempter
les chevaux des voitures publiques et autres employés aux transports, des formalités
qui précèdent, moyennant de prescrire les mesures de précaution nécessaires
pour empêcher tous abus. »
M.
le président. - Divers amendements sont proposés par MM. Andries et Pirson.
L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :
« Le premier alinéa doit être le dernier.
« A la place des 2° et 3° alinéas :
« La justification de l’existence légale des
chevaux et bestiaux, dans le rayon des douanes prémentionné, qu’ils soient
inventoriés ou non, devra se faire, soit au moyen d’acquits de pacage,
d’acquits à caution ou d’acquits de paiement, soit par l’existence de la marque
au fer rouge, dont l’apposition est constatée par l’inventaire, soit par la
seule confrontation des indications portées à l’inventaire et la reconnaissance
de l’identité du bétail. Dans ce dernier cas, le conducteur du bétail devra
être porteur de l’inventaire ou de son extrait, pour l’exhiber à toute
réquisition des employés. »
« L’administration aura la faculté… » comme au projet.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Une modification est devenue nécessaire à
l’article. Quant à la transposition proposée par M. Andries, je ne m’y
opposerai pas si la chambre trouve cet ordre préférable à celui du projet.
Voici le léger changement que je crois nécessaire par suite des amendements
adoptés aux articles qui précèdent.
Le premier paragraphe resterait le même.
Au deuxième paragraphe, je
propose de rappeler les dispositions des articles 3 et 6 pour la justification,
et je dirai : « La justification de l’existence légale, etc., devra se
faire conformément aux dispositions des articles 3 et 6 ou par acquits de
paiement. »
Maintenant, pour la dernière partie de l’article
proposé par le gouvernement qui exemptait des formalités les chevaux des
voitures publiques et autres employés aux transports, elle devient inutile,
puisqu’on n’applique pas aux chevaux les mesures répressives de la fraude
adoptées pour le bétail.
M. Andries. - Je
me rallie à l’amendement de M. le ministre des finances.
M. Pirson. - Le
mien est devenu sans objet, je le retire.
M. Demonceau. -
Je vois ici que pour la peine de confiscation on renvoie à la loi générale : je
désirerais que le ministre fît connaître à l’assemblée quelles sont les peines
que la loi générale prononce dans les cas prévus par la loi en discussion.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a bien fallu renvoyer à la
loi générale, puisqu’il pourra être nécessaire, dans plusieurs circonstances,
d’y avoir recours pour l’application des pénalités ; par exemple, il peut y
avoir refus ou empêchement d’exercice de la part des cultivateurs, importation
frauduleuse et flagrante, il peut y avoir des injures, etc. Tout cela est prévu
dans la loi générale par des dispositions assez sévères, j’en conviens, car
elles prononcent l’emprisonnement.
Toutefois, la sévérité de la loi dépend, jusqu’à un
certain point, de la volonté du juge, puisqu’il a la latitude d’un minimum à un
maximum pour des peines. Le juge apprécie donc les faits et les intentions et
prononce en conséquence.
La loi générale subsiste sans graves inconvénients,
puisque personne n’a encore demandé son changement sous le rapport des
pénalités et je ne vois pas de raison pour ne pas appliquer les peines qu’elle
prononce dans les cas analogues à ceux qu’elle prévoit. D’après ces
considérations, je pense que la proposition faite par le gouvernement de se
référer à la loi générale peut être admise très convenablement.
M.
Pollénus. - Je crois avec M. Demonceau qu’il faudrait que la chambre
prît une idée des pénalités insérées dans la loi générale. Il est un cas auquel
l’honorable membre a fait allusion sans doute, et que je vais citer pour faire
comprendre la rigueur de cette loi. Un fait qui n’est puni, la première fois,
que d’une peine correctionnelle, en cas de récidive, est puni du carcan. C’est
contre une importation frauduleuse que s’applique cette disposition révoltante
de la loi hollandaise. Si une telle disposition devait subsister je ne pourrais
donner mon vote à la loi en discussion.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans cette enceinte on s’est
souvent récrié contre les fraudeurs, et on a réclamé contre eux des mesures
vigoureuses ; ce sont les expressions dont on s’est servi plus d’une fois :
puisqu’on reconnaissait que la loi de 1822 devait être encore plus rigoureuse,
dans certaines parties, du moins, nous n’avons pas présumé qu’il pût être
question de l’adoucir ici.
Quoi qu’il en soit, j’avoue que je ne puis rappeler
toutes les dispositions pénales de ladite loi, à l’instant même, à l’honorable
M. Pollénus ; il est plus versé que moi, dans la connaissance des lois pénales,
et je suis disposé à croire exact ce qu’il avance. Une peine afflictive est
sans contredit exorbitante, mais le juge, en vertu d’un arrêté de 1814 ou de
1815 peut, dans beaucoup de cas, n’appliquer qu’une peine moindre que celle qui
est prononcée par la loi générale.
Je pense, toutefois, que nous ne pouvons faire
autre chose que d’admettre, au moins temporairement, les peines prescrites par
la loi de 1822 ; si ces peines devaient être modifiées, cela devrait faire
l’objet d’une proposition ou d’une loi spéciale.
M. Demonceau. -
Je n’ai présenté mon observation que parce que je désirais que le ministre des
finances examinât attentivement les pénalités portées dans la loi de 1822. Je
déteste les fraudeurs ; je suis accoutumé à en voir devant le tribunal que je
préside ; je ne les ménage pas : cependant j’ai gémi plus d’une fois d’être
obligé d’appliquer la loi dans certains cas.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Si la chambre veut le permettre, nous
renverrons la discussion à demain, afin d’examiner les pénalités de la loi de
1822. L’heure est avancée. (A demain ! à
demain !)
M. le président. -
M. Dubus a proposé de se rendre dans les sections demain.
M. Desmanet de
Biesme. - Cela n’est pas possible ! Demain la loi des finances ne sera
pas distribuée.
M. Dubus. - Je
demande que l’on se réunisse dans les sections samedi et qu’il n’y ait pas de
séance publique ce jour-là.
M. Gendebien. -
Tout le monde partira s’il n’y a pas séance samedi ; il faudrait qu’il n’y eût
pas séance publique demain.
M. le président. - On
m’informe que le budget des voies et moyens ne sera pas imprimé pour demain.
- La séance est levée à quatre heures et demie.