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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 septembre 1835

(Moniteur belge n°260 bis, du 16 septembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la séance d’avant-hier dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.

« « Plusieurs négociants détaillants de Namur réclament contre le projet de loi relatif à l’industrie cotonnière. »


« Le sieur Naeye, cultivateur à Ste-Anne-ter-Muyden (Zélande), exploitant une ferme située en Zélande, demande de pouvoir introduire en Belgique, en franchise de droits, les grains récoltés sur des terres situées en Belgique. »


- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Beerenbroeck, proclamé représentant dans une précédente séance, est admis à prêter le serment prescrit par la constitution.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1835

Discussion générale

M. le président. - Il est demandé 40,000 fr. par M. le ministre des affaires étrangères pour la légation en Italie.

La commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi n’accorde que 30,000 fr. M. le ministre se réunit-il à la proposition de la commission ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Non, M. le président.

M. le président. - La discussion générale est ouverte sur la loi.

M. Seron. - Messieurs, en examinant les motifs développés par M. le ministre des affaires étrangères à l’appui du projet de loi sur le traitement d’une légation belge en Italie, il m’est venu des réflexions que je prendrai la liberté de vous soumettre. Elles m’ont paru mériter quelque attention, parce qu’elles ont pour objet une question d’économie et de constitutionnalité.

Depuis quatre ans, dit M. le ministre, vos budgets salarient cette légation ; elle est donc reconnue nécessaire. Mais le traitement porté au budget de 1835 n’excède pas 12,600 francs. Or, cette somme, suffisante ci-devant et pour un simple chargé d’affaires, ne l’est plus aujourd’hui que le saint siège accrédite ici un ministre extraordinaire et plénipotentiaire, et que les convenances, d’accord avec les intérêts et la dignité de la Belgique, nous prescrivait d’envoyer à Rome un agent diplomatique du même rang. D’ailleurs, notre agent aura désormais un secrétaire, il sera chargé de nos intérêts auprès des autres cours de la péninsule italique ; partant, on ne peut lui donner moins de 40 mille francs par année. Telle est la conclusion de M. le ministre.

Pour moi, messieurs, je ne sais si la nécessité de la légation dont il s’agit est rigoureusement démontrée par l’allocation dans quatre budgets successifs, d’une somme destinée à payer sa dépense et son travail ; car les chambres ne sont pas, comme le saint père, infaillibles, et si elles se sont trompées une première fois, l’erreur a pu subsister sans qu’elles l’aperçussent, rien ne s’opérant plus facilement que la continuation et la perpétuité des abus. Peut-être cette légation, à Rome, ville morte, dont nous pouvons tirer beaucoup de dispenses, d’indulgences et de bénédictions, mais peu ou point d’argent, nous est-elle aussi inutile qu’un ambassadeur à Saint-Pétersbourg ou à Constantinople ?

Mais je la suppose indispensable.

Dans ce cas, faut-il augmenter son traitement ? Non, sans doute, puisque ce serait augmenter les charges du peuple et conséquemment nuire à ses intérêts matériels, sans qu’il en recueillît aucun avantage ; car il ne serait pas mieux représenté par un ambassadeur à 40,000 fr. que par un envoyé à 12,600 fr.

Quant à la dignité de la nation, elle a pu, on le conçoit, être profondément blessée par l’adoption des protocoles et par la cession d’une partie de nos frères à leur ennemi et au nôtre ; mais qu’a-t-elle de commun avec les appointements plus ou moins élevés de MM. les agents de la diplomatie qui, jusqu’à présent, ne nous a malheureusement procuré que des humiliations ?

M. le ministre veut faire valoir les convenances ; de ce que le pape accrédite en Belgique un plénipotentiaire, il inféré que c’est un plénipotentiaire que nous devons lui dépêcher.

Il aurait peut-être raison si le représentant de sa sainteté pouvait avoir aux yeux de notre gouvernement un caractère officiel, si, par exemple, il était ici pour conclure un traité de commerce ou un concordat. Mais telle ne peut être sa mission : quel traité de commerce ferions-nous avec Rome ? A l’égard d’un concordat, comment en serait-il question dans un pays où la constitution consacre formellement la liberté des cultes, où elle défend à l’Etat d’intervenir dans la nomination et dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, où elle permet à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes ?

Je vous dirai naïvement ma pensée. Suivant moi, l’ambassadeur romain n’a rien à faire avec le gouvernement ; il vient parmi nous pour s’enquérir de l’état actuel de la religion et de la disposition des esprits relativement aux principes exposés dans les encycliques du saint père ; il vient aviser aux moyens de faire triompher ses idées du treizième siècle, de multiplier les legs pieux, les fondations, les capucins, les nonnes, les moines et les jésuites, de consolider l’université catholique, de propager les bonnes études, de faire en un mot fleurir la religion catholique afin de nous conduire à salut.

Les intentions du légat sont très louables, sans doute ; elles sont conformes aux louables intentions des vénérables chefs du clergé belge avec lesquels il vient s’aboucher et s’entendre. Ainsi, et je parle sérieusement, messieurs, il peut entrer dans les vues de M. l’archevêque de Malines et de MM. les évêques de Bruges, de Gand, de Liége et de Tournay, de décréter, dans l’intérêt de l’église, une ambassade chargée d’aller à Rome, comme naguère ils ont, de leur plein pouvoir, décrété une université catholique. Ils peuvent payer celle-là comme il paient celle-ci au moyen des souscriptions plus ou moins volontaires de leurs ouailles ou de leurs subordonnés, Mais le gouvernement n’a rien à voir dans tout cela ; il oublierait toutes les convenances, il trahirait même ses devoirs, s’il intervenait directement dans une nomination relative aux affaires de la religion, dont la loi fondamentale ne lui permet pas de se mêler.

Dira-t-on qu’il ne s’agit ici, de sa part, que d’une simple réciprocité de politesse à laquelle les prohibitions constitutionnelles ne s’appliquent aucunement ? Mais quand cela serait vrai, avons-nous le droit de disposer, au préjudice du trésor public, sans nécessité, sans avantage pour les intérêts matériels du peuple, objet unique de notre mandat, soit d’une somme de 27,400 fr., si nous admettions la proposition ministérielle, soit d’une somme de 17,400 fr., si nous nous bornions à adopter la proposition de la commission spéciale ? Cette dernière somme me paraît à moi bien considérable encore, quand on n’accorde à 22 professeurs démissionnés et sans pain qu’un secours total de 10,600 fr, et que, faute d’encouragements en faveur des capacités, l’instruction primaire est aujourd’hui abandonnée, du moins dans un grand nombre de communes, aux magisters, aux bedeaux et aux sonneurs de cloche, pour le malheur de la génération qui s’élève, et que les ennemis éternels de la raison, les partisans de tous les abus, veulent laisser dans l’ignorance et l’abrutissement, afin de ramener parmi nous le bon vieux temps des dîmes dont ils rêvent la résurrection.

Il me semble résulter de ce peu de mots que la dignité de la Belgique, ses véritables intérêts et les convenances, sont loin de réclamer l’emploi auprès du saint-siège d’un ministre plénipotentiaire extraordinaire, aux appointements de 30 mille fr. par année. Je voterai donc contre le projet de loi, si l’on ne me prouve que je suis dans l’erreur.

M. Lebeau. - Messieurs, je voterai pour le projet ministériel parce que je pense que le chiffre présenté par la commission spéciale est insuffisant pour rétribuer un envoyé extraordinaire et un secrétaire ; car remarquez que de la somme de 40,000 fr., il faut défalquer de quoi donner en traitement à un secrétaire de légation.

Je crois que la nécessité d’une légation en Italie est reconnue généralement dans cette chambre. Le préopinant n’a pas très bien saisi le caractère de cette légation.

Il a, d’une part, perdu de vue que le souverain pontife n’est pas seulement chef de l’église catholique, mais qu’il est aussi chef d’un Etat politique, Etat où nous avons des relations commerciales actives et importantes. L’honorable préopinant a oublié en outre que le ministre de la Belgique à Rome sera également accrédité près des diverses cours de l’Italie.

On semble ignorer que des relations commerciales existent entre la Belgique et les différents Etats italiens ; nous avons intérêt à ce que ces relations soient conservées, et même augmentées. Je pourrais citer, comme fait qui m’est connu, la coutellerie qui y trouve un débouché considérable, peut-être son principal débouché. Je pourrais citer en outre la librairie belge, librairie dont on a tenu trop peu de compte dans nos précédentes séances, qui consomme les produits de nos belles papeteries, qui emploie un grand nombre de bras, qui active nos fonderies en caractères, et qui exporte des produits tout indigènes car il s’agit ici de réimpressions, dont toute la main-d’œuvre appartient à des Belges. Parlerai-je de nos draps ? Les députés de Verviers vous diront que l’Italie est un immense débouché pour ces tissus.

Mais, de ce que nous avons des relations en Italie, s’ensuit-il que nous n’ayons plus rien à y faire ? Ne faut-il pas les entretenir, chercher à les rendre plus actives ? Tous les Etats de l’Europe, même les Etats protestants, ont des ministres plénipotentiaires à Rome, le nôtre sera accrédité en même temps près des autres cours de l’Italie. C’est ce que propose M. le ministre des affaires étrangères.

Ainsi je pense que l’honorable préopinant a singulièrement rétréci les proportions de cette légation, et méconnu son importance. Rome est parfaitement choisie pour l’établir. Indépendamment des raisons de convenance exposées par M. le ministre des affaires étrangères, la cour de Rome ayant accrédité en Belgique un ministre plénipotentiaire, sa position centrale, la facilité de communiquer de Rome avec les autres cours italiennes, me semblent militer en faveur du choix de cette résidence.

J’appuie la proposition du ministère, et je repousserai la proposition de la commission spéciale qui circonscrirait dans des limites trop étroites le choix de l’agent que nous devons avoir dans cette contrée ; une réduction dans la dépense tendrait à créer un monopole en faveur de la richesse, en empêchant le gouvernement d’appeler les capacités là où il les trouve, pour remplir les fonctions diplomatiques.

M. Seron. - Les observations que l’orateur vient de présenter feraient croire qu’il ne m’a pas compris. Je n’ai pas soutenu qu’il ne fallait pas d’agent diplomatique en Italie ; mais j’ai dit qu’il ne fallait point en envoyer d’extraordinaire. Ainsi, il me paraît que M. Lebeau aurait pu se dispenser de nous présenter des observations qui portent à faux.

M. A. Rodenbach. - Il est impossible d’entretenir un agent en Italie avec 12,000 fr., car cet agent ne doit pas se tenir seulement à Rome, mais parcourir encore la péninsule italique. La ville de Rome par elle-même est déjà fort importante, quoique l’orateur l’ait qualifiée de ville morte.

M. Seron. - C’est une ville morte en la comparant à ce qu’elle fut.

M. A. Rodenbach. - Pouvez-vous envoyer de Rome, à Naples et dans toute l’Italie un envoyé extraordinaire avec 12,000 fr. ? Je crois que le ministre a été économe en ne demandant que le chiffre porté au projet de loi, surtout en considérant que ce chiffre contient le traitement d’un secrétaire.

L’Italie est un pays où nous exportons un grand nombre de nos produits industriels. On y exporte des toiles par exemple. Ceux de nos concitoyens qui ont été en Italie sentent la nécessité de s’occuper de nos relations avec ce pays. M. le comte Ch. Vilain XIIII nous a dit que notre librairie, nos draps, étaient en faveur près des Italiens, mais que la Belgique était si peu connue par eux qu’ils prennent le nom de Biolley pour celui d’une petite ville où se fabriquent les draps qu’ils reçoivent, tandis que ce nom est celui du célèbre industriel dans les manufactures duquel se confectionnent les tissus que les Italiens estiment beaucoup. Je tiens ce fait du même M. le comte Vilain XIIII.

Nous avons des consuls dans quelques villes de l’Italie ; mais ces agents, n’étant pas suffisamment payés, s’occupent de leurs propres affaires et non de celles de l’Etat qui, par eux, sont considérées comme très secondaires. Je voterai pour le chiffre de 30,000 fr.

M. le président. - Le ministre demande 40,000 fr.

M. A. Rodenbach. - Je verrai quant au chiffre, après avoir entendu d’autres explications.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, on vous a déjà fait remarquer qu’une légation en Italie peut être utile à nos intérêts commerciaux. On vous a rappelé les relations de la Belgique avec ce pays relativement à notre coutellerie à notre librairie ; j’ajouterai relativement à notre draperie. Il est indispensable que nous ayons un grand débouché pour la fabrication de nos draps, et l’Italie peut en fournir un. Je ferai en outre observer que nous avons en Italie des établissements d’instruction publique, des collèges qui ont été abandonnés et dont il faut revendiquer la propriété. Un agent spécial serait nécessaire pour ce seul objet, si on n’avait pas d’envoyé extraordinaire.

D’après la constitution nous avons proclamé la liberté des cultes ; et je sais qu’il n’est permis à l’Etat d’intervenir ni dans la nomination, ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque ; mais ce n’est pas dans un sens religieux que nous demandons une légation en Italie. Dès la première année de notre régénération les chambres ont senti la nécessité d’avoir des agents en Italie par des motifs purement politiques. Ces motifs existent aujourd’hui.

C’est se faire une fausse idée de la situation de l’Italie que de croire que sa politique n’a pas d’influence sur les affaires générales de l’Europe. Tous les gouvernements pensent autrement. Ceux qui ne peuvent considérer Rome que comme un Etat indépendant, y ont des agents accrédités ; voici quelques renseignements à cet égard.

L’Autriche entretient à Rome une légation composée d’un ambassadeur, de deux conseillers de légation, de deux commis et de deux attachés.

Le Brésil y a un ministre plénipotentiaire, et deux attachés.

La France a un ambassadeur à Rome, un premier et un deuxième secrétaire, et un attaché.

Lucques y a un ministre plénipotentiaire.

Le royaume de Naples y entretient un ministre plénipotentiaire avec des secrétaires et un attaché.

Les Pays-Bas, c’est-à-dire la Hollande, y a un envoyé extraordinaire et un ministre plénipotentiaire.

Le Portugal y a un ambassadeur avec un secrétaire, et plusieurs attachés.

La Prusse y a un envoyé extraordinaire et un ministre plénipotentiaire, avec un secrétaire de légation.

La Russie y a un envoyé extraordinaire et un ministre plénipotentiaire, deux secrétaires et trois attachés.

La Sardaigne a un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.

L’Espagne aussi a habituellement un ambassadeur à Rome : elle n’y a en ce moment qu’un simple chargé d’affaires, assisté d’un simple officier d’ambassade ; mais ce n’est que provisoire.

Vous voyez, d’après ce relevé, que les principaux Etats de l’Europe attachent de l’importance à envoyer des agents diplomatiques à la cour de Rome. Je crois que les raisons de cette conduite seront senties par tous les membres de cette assemblée.

Je pense qu’il ne peut y avoir de discussion sérieuse que sur la quotité du traitement. Nous avons demandé un traitement de 40,000 fr. ; la commission propose une réduction de 10.000 fr.

Avant de porter à 40,000 fr. le traitement demandé pour la légation tout entière à Rome, nous avons dû nécessairement faire une comparaison avec le traitement des autres agents diplomatiques, accrédités près de la même cour. Cette recherche nous a appris que la Sardaigne, ayant à Rome un ministre plénipotentiaire, accompagné d’un secrétaire, alloue à cette légation 44,000 francs, indépendamment d’un logement. Car il est à remarquer que la plupart des Etats de l’Europe ont à Rome un hôtel où demeurent leurs envoyés, qui ainsi ne sont pas obligés d’en louer un. Cet hôtel appartient à l’Etat qu’ils représentent, et est destiné exclusivement au logement de la légation. Le traitement le moins élevé des ministres plénipotentiaires près la cour de Rome est celui alloué par la Sardaigne ; Il consiste, comme je l’ai dit, en une allocation (pour le ministre et le secrétaire compris) de 44,000 fr., et la jouissance d’un hôtel appartenant à la Sardaigne, ou affecté par la Sardaigne au logement de son ministre plénipotentiaire.

La Belgique n’a pas d’hôtel à Rome, elle n’a pas de logement à offrir à son ministre plénipotentiaire ; les frais de logement devront être imputés sur l’allocation demandée, comme aussi les frais d’un secrétaire et d’un commis au besoin.

D’autres Etats qui ont en Italie des relations moins importantes que la Belgique, allouent à leur ministre plénipotentiaire jusqu’à 65 mille francs par an. Les autres traitements de ministre plénipotentiaire varient généralement de 50 à 70 mille francs. Je ne parle pas des traitements d’ambassadeur qui sont infiniment plus élevés. J’ai dit que le traitement le moins élevé est de 44 mille francs ; les traitements les plus élevés de ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire sont de 70 à 75 mille francs.

Je pense donc que réellement, si on veut avoir à Rome un ministre plénipotentiaire, il est impossible de réduire les frais de légation au-dessous de 40,000 fr. A moins que l’on ne veuille imposer au gouvernement l’obligation de prendre constamment l’agent diplomatique près la cour à Rome, parmi les personnes jouissant d’une fortune considérable, je crois que l’on ne peut abaisser le chiffre proposé.

Par ces considérations, je demande le maintien du chiffre de 40,000 fr. pour toute la légation, y compris le logement du ministre plénipotentiaire, le traitement du secrétaire, du commis ou autres employés qu’on pourra lui attacher par la suite.

M. Milcamps, rapporteur. - La chambre ne perdra pas de vue que le projet de loi présenté par le gouvernement et celui présenté par la commission ont pour objet l’envoi d’une légation en Italie.

L’Italie existe géographiquement ; mais elle n’existe pas politiquement. L’Italie se compose de plusieurs Etats indépendants les uns des autres. Auprès duquel résidera notre envoyé ? Est-ce à Rome ? Pour le moment, il paraît qu’oui, j’en conviens, sans doute parce que le saint-siège a accrédité un ministre dans ce pays. Mais dans mon opinion personnelle, depuis la séparation du pouvoir religieux et du pouvoir civil, et même sous le rapport commercial, ce n’est pas à Rome qu’il convenait d’envoyer un ministre plénipotentiaire.

Ce n’est pas là qu’est l’importance commerciale. Il serait plus rationnel que notre envoyé résidât en Toscane, soit à Florence, soit à Livourne, ce dernier port venant d’être déclaré port franc et pouvant devenir très intéressant pour notre commerce par les débouchés que lui donnent les expéditions maritimes auxquelles il se livre, et le grand écoulement qu’y trouveront, depuis la franchise, les manufactures étrangères. D’ailleurs le point serait plus central, plus à proximité de Gênes qui est un point important du commerce du Piémont où nos draps ont un placement qui augmente chaque jour.

Au reste, si l’envoyé a sa résidence à Rome, rien n’empêchera que le gouvernement n’examine plus tard s’il n’est pas plus utile de lui donner une résidence plus au centre ; cela est dans son droit. De sorte que, dans l’opinion de la commission, nous n’avons pas considéré Rome comme devant être à toujours la résidence de notre ministre plénipotentiaire. Nous avons pensé que, dans le moment actuel, il résiderait à Rome. Mais si les intérêts du pays exigeaient qu’on lui donnât une autre résidence plus favorable à nos intérêts commerciaux, il est évident que le gouvernement pourrait changer la résidence de notre envoyé.

La commission vous a proposé le chiffre de 30,000 francs, parce qu’elle a pensé que dans le moment actuel notre envoyé ne serait pas surchargé d’affaires, et que peut-être un secrétaire ne serait pas nécessaire. Je crois qu’un envoyé ne doit avoir un secrétaire que quand l’importance des affaires l’exige.

Je pense sous ce rapport, et en attendant un plus mûr examen, que 30,000 francs doivent suffire pour les frais de notre légation à Rome. Je persiste donc dans les propositions de la commission.

M. Jadot. - Je ne vais pas rechercher le motif qui a déterminé le saint-siège à se faire représenter en Belgique par un agent du premier ordre, qui, dans le style de la chancellerie romaine s’appelle légat a latere. Ce serait d’ailleurs en vain que je l’essaierais, puisque les instructions du légal n’ont généralement pour objet que les affaires spirituelles qui sont toujours secrètes et dans lesquelles je n’ai pas plus que le gouvernement le droit de m’immiscer.

Quelque élevé que soit le rang qu’occupe M. le légat dans la hiérarchie des envoyés du saint-siège, je ne vois pas ce que sa présence à Bruxelles peut ajouter d’importance aux affaires commerciales que nous avons à traiter en Italie, et qui peuvent être confiées à de simples commis ou chargés d’affaires.

Pour qu’il y eût convenance de notre part à envoyer à Rome un agent diplomatique d’un rang égal à celui de M. le légat, il faudrait qu’ils eussent l’un et l’autre les mêmes attributions : or, je ne crois pas qu’on envoie de quelque puissance que ce soit un envoyé qui ait à Rome aucune juridiction sur les affaires spirituelles de ce pays, tandis que, pour les envoyés du saint-siège auprès des gouvernements étrangers, elles sont en quelque sorte les seules dont ils s’occupent.

Je vous le dis franchement, messieurs, je crois que la place est uniquement dans les convenances d’une personne qui aimerait de visiter l’Italie aux frais de l’Etat. Mais ce n’est pas à de pareils besoins, ni aux fantaisies des enfants gâtés du pouvoir, que nous devons employer les ressources de l’Etat.

Je voterai contre la proposition du gouvernement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - D’abord, je crois devoir relever une erreur échappée à l’honorable préopinant. Les agents de premier ordre en Italie sont les nonces, qu’on appelle aussi légats a latere. Les agents diplomatiques de deuxième ordre, sont les internonces ; ils ont rang de ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire, et, aux termes du règlement du congrès de Vienne, ils ont la préséance sur tous les agents diplomatiques du même rang.

Comme j’ai eu l’honneur de le dire déjà, ce n’est pas dans un intérêt religieux, ni dans un intérêt personnel que l’on propose d’envoyer un agent diplomatique à Rome. La cour de Rome a accrédité prés du gouvernement belge un internonce ayant rang de ministre plénipotentiaire. Les convenances semblent exiger que la Belgique envoie à Rome un agent diplomatique ayant le même rang.

Ce qui prouve que le gouvernement ne se détermine pas à cela par des considérations personnelles, c’est que précédemment il n’avait été porté au budget pour la légation d’Italie que douze mille six cents francs, l’intention du gouvernement, à cette époque, étant de n’accréditer à Rome qu’un simple chargé d’affaire. S’il est obligé de revenir sur cette détermination, c’est parce que la cour de Rome, prenant l’initiative, a accrédité près du Roi des Belges, par un acte de bienveillance toute particulière envers le Roi et la Belgique, un agent diplomatique d’un ordre plus élevé. Nous sommes obligés de demander à la chambre un supplément de traitement pour répondre à l’acte de bienveillance et de courtoisie de la cour de Rome envers nous.

Je dois le répéter, ce serait se faire illusion sur l’influence politique que la cour de Rome exerce en Europe que de ne pas chercher à entretenir des relations avec cette cour. Si la plupart des gouvernements ont à Rome un agent diplomatique, c’est, croyez-moi, qu’ils y trouvent un intérêt politique. L’Angleterre, le Portugal, la France ont des ambassadeurs à Rome ; la Russie, la Hollande, la Prusse et d’autres Etats purement protestants y ont différents agents de deuxième ordre. Je ne sais pas pourquoi la Belgique catholique ne suivrait pas cet exemple.

Je pense qu’il est inutile d’insister davantage sur ce point, et je persiste à croire qu’il ne peut être sérieusement question que de la fixation du traitement. A cet égard, j’ai déjà fait comprendre qu’il était indispensable que l’agent de la Belgique à Rome ne fût pas dans une position trop inférieure à celle des agents du même ordre des autres puissances dans cette capitale.

M. Demonceau. - J’ai demandé la parole pour indiquer un motif qui doit engager la Belgique à accréditer un agent diplomatique en Italie.

Les draps de Verviers sont prohibés en Italie ; dans le royaume de Naples et de Sicile, les droits équivalent à 80 p. c. ; dans les Etats de Piémont et de Sardaigne, ils équivalent à 27 p. c., et à 30 p. c. dans les Etats de Rome. Malgré ces prohibitions et ces droits, les draps de Verviers se vendent en Italie ; c’est même là leur principal débouché. Si notre agent diplomatique pouvait obtenir une amélioration dans le tarif des divers Etats de l’Italie, ce serait d’un grand intérêt pour cette industrie.

Par ce motif, j’appuie l’allocation demandée par le gouvernement.

M. Jadot. - Je sais que c’est parce que le saint père a envoyé en Belgique un agent diplomatique de premier ordre, qu’il est question d’envoyer à Rome un ministre plénipotentiaire. Mais s’il passait par la tête de tous les souverains de l’Italie, soit de Naples, de Toscane, etc., de nous envoyer des agents diplomatiques d’un ordre élevé, nous devrions donc leur envoyer des agents diplomatiques du même ordre ? Je crois donc que les paroles de M. le ministre des affaires étrangères ne réfutent pas ce que j’ai dit.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois pouvoir rassurer à cet égard l’honorable préopinant ; car si les divers Etats de l’Italie envoyaient en Belgique des agents diplomatiques de premier ordre, ils seraient obligés de les rétribuer ; et sans doute ils ne sont pas disposés à s’imposer inutilement une telle dépense.

- Plusieurs membres. - La clôture !

- La clôture de la discussion est prononcée.

Discussion et vote de l'article unique

Le chiffre de 30,000 fr. proposé par la commission pour le traitement de la légation en Italie est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Le chiffre de 40,000 fr. proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix le texte proposé par la commission. Il ne diffère de celui du gouvernement que par la suppression des mots : « en totalité, » après ceux : « au besoin employée. » Il est ainsi conçu :

« Article unique. La somme de 12,600 fr. allouée à l’article 10 du chapitre II du budget du ministère des allures étrangères pour l’année 1835, pourra être, au besoin, employée à acquitter, pour une partie de l’année seulement et sur le pied de 40,000 fr. par an, les traitements d’une légation en Italie, dont le chef aura le rang d’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je consens au retranchement des mots « en totalité ; » ces mots ne me paraissent pas nécessaires.

- L’article unique du projet est mis aux voix et adopté.


La chambre procède au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet ; en voici le résultat :

60 membres répondent à l’appel.

55 répondent oui.

5 répondent non.

En conséquence le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Bosquet, Dequesne, Coghen, Coppieters, Demonceau, de Behr, Andries, Keppenne, W de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, Dubus de Ghysignies, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Vandenbossche, d’Huart, Mast de Vries, Donny, Dubois, Ernst, Heptia, Frison, Kervyn, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Beerenbroeck, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Smits, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Lejeune, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Zoude, de Longrée, Troye.

Ont répondu non : MM. de Foere, Pirmez, Eloy de Burdinne, Seron, Jadot.

Projet de loi assurant l'exécution des conventions conclues avec les concessionnaires du canal de la Sambre

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet proposé par la commission, auquel le gouvernement se rallie.

M. Jadot. - J’ai lu et relu attentivement le rapport de l’honorable M. Fallon sur le projet de loi en discussion, et je n’ai rien pu y trouver pour former mon opinion. Je désirerais que le cahier des charges d’après lequel les travaux ont été exécutés fût imprimé et distribué. Avant cela, il ne me sera pas possible d’émettre un vote. Je demanderai également l’impression des arrêtés royaux des 27 septembre 1828, 10 mars 1830, et du jugement interlocutoire du 13 juillet 1833.

M. Lebeau. - Cette proposition équivaut à une demande d’ajournement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne puis adhérer à la proposition d’ajournement faite par l’honorable préopinant. La transaction sur laquelle il s’agit de statuer a été soigneusement examinée par la première commission que le gouvernement avait nommée et par la commission de la chambre.

Le rapport que j’ai eu l’honneur de faire à la chambre, le rapport fait par l’honorable M. Fallon, contiennent toutes les clauses du cahier des charges qu’il importe à la chambre de connaître pour prononcer sur cette transaction.

M. Legrelle. - Le rapport de l’honorable M. Fallon a été déposé le 31 août. Pourquoi donc, si l’honorable préopinant ne trouvait pas suffisants les documents contenus dans ce rapport n’a-t-il pas fait alors la proposition qu’il fait aujourd’hui ? Cette proposition tendrait maintenant à ajourner la discussion jusqu’à la première réunion de la chambre. C’est par ce motif que je la repousserai.

M. Rogier. - Je pense qu’en effet il eût pu être utile que la chambre prît connaissance du cahier des charges. Mais ce cahier des charges ayant été examiné par deux commissions, je pense avec M. le ministre de l’intérieur que le résultat de leur travail en a fait connaître les clauses les plus importantes.

Je trouve qu’en aucun cas cette omission ne peut nécessiter un ajournement auquel la chambre ne s’attendait pas, et laisser ainsi en souffrance une affaire qui, non seulement pour les intéressés, mais encore pour le pays et le gouvernement, doit avoir un terme. Elle dure depuis longtemps.

Les difficultés relatives à la canalisation de la Sambre sont antérieures à la révolution. C’est un des legs que le gouvernement déchu nous a laissés, et vous avez pu voir que ce legs n’était pas avantageux au pays. Cette affaire est aussi une preuve contre le système des concessions tellement préconisé à une autre époque.

Nous trouvons que des travaux évalués primitivement à 2,100,000 florins ont coûté d’exécution 6 millions de florins, c’est-à-dire que le prix de l’exécution a été presque triplé du prix d’évaluation. Les concessionnaires ont reçu de la banque deux millions de florins. Le syndicat d’amortissement ou le roi Guillaume (car les finances étaient si bien administrées alors qu’on ne sait lequel des deux a fait ce versement) a versé aux concessionnaires deux millions de florins. Ils ont donc reçu 4 millions de florins.

Ainsi il s’agit d’intérêts à payer montant à 470,000 fr. par an. Restera encore deux millions de florins donnés par le roi Guillaume ou le syndicat, dont les intérêts ne sont pas portés, mais qui portent toujours leurs intérêts. Ainsi en tout 600,000 fr. d’intérêt. Mais assurément les péages du canal de la Sambre rapporteront au-delà de cette somme. Ils ont en une année rapporté 267,000 fr. Cette somme sera au moins triplée lorsque la canalisation sera terminée. Vous voyez donc que ces travaux sont d’un très haut intérêt pour le pays.

La Sambre canalisée sur une longueur de 22 lieues, avec un tirant d’eau d’un mètre 60 c., met en rapport avec Paris, Anvers, Bruxelles et Charleroy en se liant à l’Oise. D’un autre côté, Anvers, Bruxelles, Charleroy et Namur sont mis en rapport avec Paris par la Meuse et le canal de l’Haine. Elle met en rapport l’Escaut et La Meuse, et par suite Anvers et Liége : c’est encore là une ligne très importante qui viendra concourir avec le chemin de fer à la prospérité de ces deux places considérables. On ne peut donc contester l’importance de la canalisation de la Sambre. On peut espérer que cette canalisation rapportera annuellement au-delà du montant des intérêts du capital engagé.

D’un autre côté il importe que le gouvernement reste maître de ce canal en raison même de son importance. Le gouvernement pourra alors réduire les péages selon les besoins du commerce ou selon les circonstances, les maintenir sur un bon pied, enfin administrer cette affaire avec économie et utilité.

Me résumant, je pense que la chambre n’a rien de mieux à faire que d’homologuer la transaction proposée par le gouvernement. Cette affaire n’est pas le fait du gouvernement actuel. Toutes les difficultés viennent du gouvernement déchu et doivent lui être attribuées. La question qui nous occupe ne sera pas perdue pour le pays. Elle montrera avec quel ordre les finances étaient administrées, sous le gouvernement hollandais. En second lieu elle montrera tout ce qu’un système de concession mal combiné peut entraîner de difficultés pour le gouvernement et le pays.

M. Jadot. - L’honorable préopinant vient de vous dire que l’affaire dont il s’agit n’est pas le fait du gouvernement actuel ; cela est vrai, mais le défaut d’appel du jugement du 13 juillet 1833 est bien son fait ; or, c’est ce jugement sur lequel les concessionnaires fondent l’exagération des prétentions que l’on vous propose d’admettre. Si un employé d’un rang inférieur, chargé de traiter une affaire de ce genre, y eût apporté l’ineptie qu’on remarque dans la conduite de celle dont il s’agit, il eût été chassé. En vérité, il semble qu’on se soit appliqué à amener le gouvernement dans la nécessité d’accepter les conditions onéreuses qu’on vous propose de lui imposer.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas à défendre les mesures prises par le gouvernement dans l’affaire de la canalisation de la Sambre. Elles me sont tout à fait étrangères. Mais je renie qu’en aucun cas le gouvernement ne pouvait terminer cette affaire autrement qu’il ne l’a fait. Vous voyez que cette opinion est celle de l’honorable rapporteur de la commission de la chambre ; opinion qui paraît avoir été partagée par ses collègues puisque les conclusions de la commission ont été prises à l’unanimité.

Il est vrai que la somme dont le gouvernement est redevable envers les concessionnaires de la Sambre est élevée et que les dépenses ont de beaucoup dépassé les prévisions de l’ancien gouvernement. Mais il est à remarquer que ces travaux promettent un produit très considérable. S’il fallait s’en rapporter à un mémoire publié relativement à la Sambre française, on pourrait évaluer à plus d’un million le produit des péages de la Sambre belge.

La canalisation de la Sambre donnera lieu en outre à l’exécution de grands travaux ; notamment elle donne lieu à deux projets de chemin de fer d’une très grande importance. Depuis la canalisation de la Sambre, il a été crée une foule d’établissements sur ses rives, et le transport des minerais, de charbon et des pierres devient de jour en jour plus actif. De telle manière que cette canalisation présente un avantage immense pour le pays.

Ainsi, quelles qu’aient été les erreurs du gouvernement précédent à cet égard, il n’en est pas moins vrai que la canalisation est d’un grand intérêt, non seulement pour les provinces de Hainaut et de Namur, mais encore pour le pays en général.

M. Lebeau. - Je ne pense pas que jamais il ait été soumis à la chambre une affaire plus longuement et plus consciencieusement examinée que celle sur laquelle elle est appelée à statuer.

La chambre remarquera que dans la somme de 12 millions, prix de la transaction qu’elle est appelée à homologuer, il se trouve une créance de 6 millions, représentant en principal et intérêts les avances faites par le gouvernement aux concessionnaires, créance sur le recouvrement de laquelle (sans entendre jeter la moindre défaveur sur la moralité des concessionnaires) il est permis d’avoir des doutes assez graves, vu les dépenses exagérées et si supérieures au prix d’estimation, dans lesquelles ont été entraînés les concessionnaires, sans amener un bon résultat ; car j’ai souvent ouï dire que la navigation actuelle de la Sambre canalisée est plus mauvaise qu’avant les travaux de canalisation.

Je vous prie de remarquer la position particulière d’une province vivement intéressée à cette canalisation.

Lorsqu’il s’est agi de l’érection des chemins de fer, vous avez entendu plusieurs localités parler très haut contre l’espèce d’iniquité qu’il y avait, selon elles, à établir non seulement à frais communs, mais à leur préjudice, les grandes communications décrétées par la loi du 1er mai 1834. Vous avez fait droit à ces réclamations ; vous avez décidé que par extension au projet primitif, il serait établi une communication en fer entre la France et le centre de la Belgique, par le Hainaut.

Indépendamment de cette concession qui n’était pas dans le projet primitif, vous avez stipulé que du moment que le chemin de fer serait établi, une réduction sur le tarif des péages des voies fluviales et notamment du canal de Charleroy serait procurée par les soins et aux frais de l’Etat.

La province de Namur n’a fait entendre aucune plainte ; elle s’est associée au vœu national pour la construction des chemins de fer. Faut-il la punir de son silence ? Faut-il lui laisser une navigation incomplète, illusoire, lorsque des travaux bien entendus peuvent rendre cette navigation si avantageuse et si productive ?

Ce que vous avez fait pour le Hainaut, il est juste que vous le fissiez pour la province de Namur, qui n’a élevé aucune réclamation. C’est un acte de justice distributive que vous avez à remplir. Sans la transaction, toute modération de péage devient impossible.

Cette question a été, je le répète, longuement et consciencieusement examinée par la commission de la chambre. Cette commission a été unanime pour vous proposer d’approuver la transaction qui fait l’objet de la loi en discussion, transaction qui, en définitive, sera profitable aux intérêts de tous et aux intérêts du trésor public lui-même.

- La proposition de M. Jadot, tendant à l’impression du cahier des charges des arrêtés royaux des 27 septembre 1828, 10 mars 1830 et du jugement interlocutoire du 13 juillet 1833, est mise aux voix. Elle n’est pas adoptée.


M. Andries. - Je voterai les 12,000,000 demandés pour la canalisation de la Sambre. Je sais que cette canalisation va porter le commerce et l’industrie de la vallée de la Sambre à un haut degré de prospérité ; je l’en félicite, car je suis bien éloigné de me laisser conduire par un étroit esprit d’intérêt provincial. Mais vous savez, messieurs, que la frontière de la Flandre hollandaise exige impérieusement la construction d’un canal de siccation.

Il a déjà été plusieurs fois question du canal de Zelzaete dans cette enceinte. Nous ne demandons pas un canal qui doive porter des flots de richesse sur notre frontière, mais nous demandons que vous adoptiez à son tour une mesure qui doit nous délivrer du fléau des inondations qui viennent presque périodiquement enlever le fruit des travaux du cultivateur. Je voterai donc de grand cœur l’allocation demandée pour la Sambre, et j’espère que les membres de cette chambre, lorsqu’il s’agira de l’allocation pour le canal de Zelzaete, agiront avec la même impartialité. (Oui, oui.) Je demanderai M. le ministre de l’intérieur s’il a l’intention de reproduire le projet de loi relatif à ce canal, lors de notre prochaine réunion.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition d’allocation pour le canal de Zelzaete était comprise dans le projet de budget de l’intérieur. La chambre a décidé que cela formerait l’objet d’une loi spéciale. Ainsi, dans mon opinion, la chambre s’est prononcée sur la proposition de crédit pour l’exécution du canal de Zelzaete. Si cependant il y avait doute, je soumettrais à la chambre une proposition nouvelle.

M. Rogier. - J’appuie de tous mes efforts l’exécution du canal de Blankenberghe parce que ces travaux sont dans l’intérêt des Flandres et dans l’intérêt du pays. Je demande que cette matière soit soumise à l’examen d’une commission nouvelle, puisqu’il y a doute sur la question de savoir si l’ancienne commission en est encore saisie. On pourrait nommer cette commission après le vote de la loi dont nous nous occupons.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 à 3

Les trois premiers articles sont mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Les fonds nécessaires pour l’exécution de la transaction avenue entre les concessionnaires de la canalisation de la Sambre et le département de l’intérieur, le 15 avril présente année, seront mis à la disposition de ce département. »


« Art. 2. Il est ouvert au département de l’intérieur au département de l’intérieur un crédit de 1,490,000-00 fr. pour paiement à faire aux concessionnaires de la Sambre, conformément au paragraphe premier de l’article 10 de cette transaction. »


« Art. 3. Il pourra être émis des bons du trésor à concurrence de ladite somme de 1,490,000 fr., s’il n’est fourni d’autres ressources avant l’échéance du terme de paiement fixé dans la transaction. »

Article 4

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 4 ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à aliéner toutes les parcelles de terres, prairies ou autres terrains compris dans la rétrocession du canal, dont la conservation dans les mains du domaine n’est pas nécessaire à son exploitation. »

M. Jadot. - Je demande que cet article soit applicable aux parcelles de même nature dépendant du canal d’Antoing. C’est dans l’intérêt du gouvernement que je fais cette proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a une quantité de parcelles à vendre ailleurs que près du canal d’Antoing. Un projet comprenant toutes ces parcelles doit être présenté à la chambre dans sa prochaine réunion. On aurait pu le présenter plus tôt, car le travail est fait ; mais nous n’avions pas l’espoir que la chambre pût le discuter encore.

Les parcelles dont il est question dans ce projet sont d’une valeur de 4 à 500,000 francs, parce que nous y avons joint de petites propriétés appartenant à l’Etat, qui ne rapportent guère que 25 francs par an et dont l’administration est difficile et même onéreuse pour le trésor.

En définitive, je pense que la proposition de l’honorable M. Jadot trouvera mieux sa place dans le projet général dont je viens de parler. Il est bien entendu cependant que je n’entends pas combattre l’article 4 en discussion ; il est tout spécial à la Sambre et j’en demande le maintien.

M. Jadot. - Je maintiens mon amendement.

M. Coghen - D’après les explications que M. le ministre des finances vient de donner, je crois qu’il est inutile d’insister sur l’amendement de M. Jadot relatif au canal de Pommeroeul.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est à remarquer que lorsque je présenterai le projet de loi en demande d’aliénation générale des parcelles situées le long des canaux, il y sera joint toutes les pièces justificatives, et qu’on pourra voter alors avec connaissance de cause, ce qui ne serait pas possible maintenant à l’égard du canal d’Antoing.

M. Jadot. - Je retire mon amendement.

M. Verdussen. - Je crois que l’article 4 pourrait faire partie de la loi générale promise par M. le ministre des finances, et qu’il y a lieu de le supprimer.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que cet article soit maintenu. Il y a le long de la Sambre beaucoup d’endroits convenables pour l’établissement d’usines. Cette raison suffit pour que l’autorisation d’aliéner les parcelles de terrain soit accordée le plus tôt possible au gouvernement.

M. Verdussen. - Je retire mon observation.

- L’article 4 est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Quelles que soient les stipulations que renferme ladite transaction, ainsi que le contrat signé le 3 août suivant, entre le ministre de l’intérieur et la société générale pour favoriser l’industrie, relativement à la dette des concessionnaires dont le gouvernement belge se charge envers elle, il ne pourra en être inféré aucune induction, reconnaissance ou exception préjudiciables à l’exercice actuel des droits, actions et prétentions du gouvernement envers cette société, de quelque chef que ce soit. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble

La chambre adopte l’ensemble de la loi par appel nominal, à la majorité de 48 voix contre une.

Trois membres se sont abstenus.

M. de Puydt. - L’intérêt personnel que j’ai dans la canalisation de la Sambre ne m’a pas permis de prendre part à la discussion ; c’est par le même motif que je me suis abstenu de voter.

M. Beerenbroeck. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pu prendre connaissance du rapport.

M. de Foere. - Je me suis abstenu parce que la discussion ne m’a pas paru assez complète.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai appris que la section centrale est sur le point de terminer son examen de la loi communale. Je désire que la chambre, avant de se séparer, en ordonne l’impression et la distribution à messieurs les membres.

La discussion de cette loi pourra ainsi être entamée lors de la prochaine réunion des chambres. (Appuyé.)

M. Legrelle. - Vous avez senti, les années précédentes, combien il était important que les budgets nous fussent distribués avant notre réunion ordinaire de novembre. Je désirerais savoir si M. le ministre des finances est en mesure de nous présenter les budgets, et dans ce cas je demande qu’ils nous soient communiqués le plus tôt possible.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les différents départements se sont occupés de la formation de leurs budgets. Ils sont sur le point d’être arrêtés. Dès qu’ils seront terminés, ils seront imprimés et distribués à MM. les membres, si la chambre le désire. (Approbation.)

M. Jadot. - Je demanderai à M. le ministre des finances s’il songe à remplir la promesse qu’il nous avait faite à la fin de 1834, de nous présenter la loi des comptes. Nous sommes sous ce rapport en arrière de plusieurs années. Cependant la loi des comptes devrait toujours précéder celle des budgets, afin que la législature sût les sommes disponibles ou en déficit sur les exercices antérieurs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les comptes définitifs des exercices 1830, 1831 et 1832 sont déposés à la cour des comptes. Ils seront fournis lorsque les difficultés qui se sont élevées au sujet des comptes de 1830 et 1831, époque où il n’y avait pas de budgets réguliers, auront été aplanies.

Si la chambre prolonge ses séances de quelques jours encore, je ne doute pas qu’elle recevra le compte définitif de 1832, et je suis porté à croire qu’il lui sera donné en même temps des explications sur le retard des comptes des deux autres exercices.

- En conséquence des explications qui précèdent, le rapport de la section centrale sur la loi communale, ainsi que les budgets de l’exercice 1836, seront imprimés et distribués à domicile à MM. les membres.


M. Seron. - Je demande que la chambre s’ajourne jusqu’au deuxième mardi de novembre, sauf convocation.

M. Coghen - Il vaut mieux que la chambre s’ajourne jusqu’à convocation ultérieure.

- La chambre décide qu’elle s’ajourne jusqu’à convocation ultérieure.

- La séance est levée à 3 heures.