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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 9 septembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à l’industrie cotonnière
(Lardinois, de Brouckere)
2) Vérification
des pouvoirs d’un membre de la chambre nouvellement élu (de
Puydt)
3)
Propositions de loi visant à augmenter le personnel de plusieurs tribunaux de
première instance (Ernst, Gendebien,
Dumortier)
4)
Proposition de loi relative à l’industrie cotonnière. Politique commerciale du
gouvernement (Rogier, de Muelenaere,
Kervyn, Verdussen, Hye-Hoys, Dechamps, de Roo, Rogier, Lebeau,
Coghen, Rogier, Coghen,
(+mesures de contrôle douanier, notamment estampille et visites domiciliaires,
encouragement de la marine marchande) Dumortier, Desmet, Gendebien, Eloy de Burdinne, Zoude, Dumortier, F. de Mérode, Desmet)
(Moniteur belge n°257, du 10 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en
est adoptée.
M. de Renesse lit l’analyse des pièces
envoyées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La régence d’Echternach
demande la construction d’une route de Stavelot par Diekirch et Echternach à
Trèves. »
_______________
« Le sieur D.-G. Towne-Altimore, officier pensionné
de l’ancien royaume des Pays-Bas, demande la naturalisation. »
_______________
« Un grand nombre d’habitants de Wavre
demandent que cette ville devienne le siège du chef-lieu du troisième
arrondissement de la province de Brabant. »
_______________
« La dame veuve J.-M. Lamquet
demande à jouir de la pension comme veuve d’employé. »
« Plusieurs négociants et boutiquiers de
Liége réclament contre le projet de la section centrale sur l’industrie
cotonnière. »
_______________
« Les fabricants de draps de Hodimont (lez-Verviers) adressent des observations contre
le projet de loi relatif à l’industrie cotonnière. »
_______________
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission chargée d’en faire le rapport, à l’exception des deux dernières
qui sont relatives à la loi en discussion et qui resteront déposées sur le
bureau, conformément aux précédents de la chambre.
M.
Lardinois. - Je demanderai l’impression au Moniteur des pétitions concernant l’industrie cotonnière. Il faut
imprimer les mémoires pour et contre la question qui nous occupe.
M.
de Brouckere. - Une autre pétition m’a été remise ce matin contre le
projet de loi ; je n’ai pas eu le temps de la déposer sur le bureau ; elle est
des frères Dumonceau, filateurs de lin à la mécanique
; je demanderai qu’elle soit imprimée demain dans le Moniteur.
M. le
président. - Les pétitions concernant l’industrie cotonnière seront
imprimées au Moniteur.
Voici ces pétitions :
(Note du webmaster : le texte de ces pétitions est repris à la suite
dans le Moniteur. Il n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
_______________
M. Vergauwen écrit
à la chambre pour demander un congé. Cet honorable membre vient de perdre sa
mère âgée de 76 ans.
VERIFICATION
DES POUVOIRS D’UN MEMBRE DE
M.
Liedts, au nom de la commission nommée pour examiner les élections de
Mons et de Soignies, est appelé à la tribune.
A Mons, dit M. le rapporteur,
les électeurs se sont partages en quatre bureaux, ils étaient au nombre de 528
; la majorité absolue était par conséquent de 265. D’après le relevé des
suffrages données, M. Rémi de Puydt en a obtenu 330, c’est-à-dire beaucoup plus
que la majorité ; et M. Duval de Beaulieu n’en a obtenu que 194.
La commission a examiné
attentivement si toutes les formalités voulues par la loi avaient été
observées, et elle s’est convaincue que le procès-verbal et toutes les
opérations relatives aux élections ne laissent rien à désirer : en conséquence
elle vous propose, à l’unanimité, l’admission comme membre de la chambre de M.
Remi de Puydt.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées sans opposition.
PROPOSITIONS
DE LOI VISANT A AUGMENTER LE PERSONNEL DE PLUSIEURS TRIBUNAUX DE PREMIERE
INSTANCE
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Des pièces relatives à
l’augmentation du personnel et du traitement des magistrats de plusieurs
tribunaux m’ont été renvoyées. Je viens déposer sur le bureau de la chambre un
rapport sur ces documents. Je ne vous en donnerai pas lecture, je dirai
seulement que les conclusions tendent à l’augmentation du traitement des juges
de Hasselt et de Verviers. Je demanderai à la chambre de renvoyer la discussion
de ce rapport après le premier vote de la loi en délibération. Il faut que mon
travail soit communiqué à la section centrale qui est saisie de toutes les
questions semblables relatives aux tribunaux ; elle pourra promptement donner
son avis.
M.
Gendebien. - Je ne veux pas m’opposer aux conclusions prises par le
ministre ; j’approuve ce qu’il propose mais j’ai une observation à faire. Je
trouve très bien que la magistrature soit rémunérée selon son travail ;
toutefois, il est un autre point plus urgent, c’est d’assurer aux justiciables
une prompte justice, et je regrette qu’avec le projet d’augmenter le traitement
de quelques magistrats, on ne nous présente pas un projet sur la nécessité
d’augmenter le personnel du tribunal de Charleroy ; et je demanderai pourquoi
le ministre n’a pas fait de rapport sur ce sujet ?
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - La chambre connaît tous les
documents relatifs à l’augmentation demandée du tribunal de Charleroy ; elles
ont été renvoyées à la section centrale ; et cependant la section centrale a
proposé de renvoyer ces documents au ministère de la justice, afin d’obtenir
des renseignements généraux sur l’administration de la justice dans
J’ai déjà exposé à la chambre
que pour décider en connaissance de cause s’il fallait établir une nouvelle
chambre au tribunal de Dinant, au tribunal de Charleroy, et comme on devait
résoudre d’autres questions non moins importantes, il était nécessaire d’avoir
une statistique exacte des besoins des localités et des moyens de les
satisfaire. J’ai donc demandé des renseignements de toutes parts, et il n’a pas
dépendu de moi de vous présenter un travail complet sur cet objet. Je presse la
rentrée des documents ; je hâte la classification des matériaux, et je
présenterai un rapport le plus promptement possible pour satisfaire aux
demandes de la section centrale.
M.
Gendebien. - Je remercie le ministre sur les renseignements qu’il
donne. Je demanderai cependant qu’il n’attende pas la rentrée de tous les
renseignements avant de présenter un rapport sur le tribunal de Charleroy. A
quoi bon attendre, quand on a toutes les pièces pour prononcer sur la
réclamation d’une localité ? Vous avez toutes celles qui concernent la localité
de Charleroy ; vous pouvez vous former une conviction ; faites un rapport
spécial.
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Les renseignements que je recherche n’ont pas uniquement pour objet de
statuer sur les réclamations du tribunal de Charleroy ; d’après les demandes de
la section centrale chargée de l’examen des questions relatives aux tribunaux,
il faut des renseignements généraux ; elle ne veut pas prendre de conclusions
sans cela. Elle veut connaître tous les faits concernant l’administration de la
justice dans le royaume.
M.
Gendebien. - Eh bien, j’invite M. le ministre de la justice à répondre
le plus promptement possible aux demandes de la section centrale.
M. le
président. - S’il n’y a pas d’opposition, le rapport déposé par M. le
ministre de la justice sera renvoyé à la section centrale.
M.
Dumortier. - Je demanderai que ce rapport soit imprimé séparément
commue document. Nous devons avoir la collection complète des documents
présentés à la chambre.
- La chambre ordonne
l’impression séparée du rapport.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A L’INDUSTRIE COTONNIERE
Discussion générale
M. Rogier. - Je demande la parole.
M. le
président. - Je ne puis vous l’accorder ; je dois suivre la liste des
orateurs inscrits ; vous avez parlé hier.
M.
Rogier. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre.
Messieurs, le Moniteur a publié deux notes, une française,
une suisse, relatives à l’objet en discussion. Il paraît qu’une note
diplomatique d’une autre puissance voisine est également parvenue au ministre
des affaires étrangères pour faire des représentations sur le système que l’on
voudrait introduire dans nos lois de douanes.
Je n’ai pas la certitude de ce
fait ; je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères des
éclaircissements sur ce point, et s’il ne trouverait aucun inconvénient à
déposer la note sur le bureau, dans le cas où elle existerait.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Comme je l’ai
annoncé dans une séance précédente, on devait s’attendre à recevoir des notes
diplomatiques sur l’objet qui nous occupe. J’ai reçu, en effet, une note de la
part d’une puissance voisine, autre que
Il
m’a répondu que sa note n’était pas destinée à être rendue publique, mais qu’il
ne s’opposait pas à ce que j’en fisse connaître la substance et le but à la
chambre. C’est ce qui m’a empêché de la déposer sur le bureau. Je ne l’avais
pas quand j’ai déposé les deux autres notes ; je ne l’ai reçue que depuis.
Si d’honorables membres de
cette chambre désirent connaître le contenu de la note, rien ne s’oppose à ce
que j’en fasse le résumé et que je vous le communique. (Adhésion.)
M.
Kervyn. - Messieurs, la question qui nous est soumise est
singulièrement simplifiée depuis 4 ans. D’un côté on n’entendait que plaintes
amères, que paroles menaçantes, que souhaits sans cesse renouvelés de voir
renaître en Belgique un gouvernement que la nation venait d’y détruire. D’un
autre côté, les hommes attachés à la révolution traitaient de chimère les
prévisions de malheurs et de ruine qui se réalisent aujourd’hui ; on allait
même jusqu’à imputer à l’égoïsme et à des affections antinationales toutes les
démarches que faisait l’industrie cotonnière dans l’intérêt de sa conservation
; on niait jusque dans cette enceinte l’état de gêne et de marasme dans lequel
elle se trouve et auquel vous êtes appelés à porter remède.
Maintenant, messieurs, que
cette question est dépouillée de l’aigreur que lui donnaient les événements
politiques, notre tâche est devenue beaucoup plus facile ; la vérité sera mieux
appréciée, et la discussion rejetant toutes récriminations portera uniquement
sur la question de tarif et de douanes.
Messieurs, je ne vous ferai
pas l’exposé des diverses mesures que prit le gouvernement hollandais à l’égard
de l’industrie cotonnière. Vous savez qu’il la laissa végéter pendant quelques années
sans lui accorder une protection suffisante, et qu’enfin elle se releva et prit
un essor immense lorsque le débouché des Indes lui fut assuré.
Vous savez encore que ce débouché
ne fut avantageux qu’à la fabrication des tissus communs, et que l’insuffisance
des droits sur les tissus étrangers en Belgique fut cause que cette partie si
importante de l’industrie cotonnière demeura abandonnée.
Voilà ce qu’était l’industrie
cotonnière sous le gouvernement hollandais. Quelle est la situation actuelle,
messieurs ? Nous nous trouvons presque sans débouchés au-dehors ; notre propre
marché nous est enlevé par la concurrence étrangère, et entre-temps plusieurs
établissements chôment ; les autres ont ralenti leurs travaux ; des capitaux
immenses demeurent improductifs, et ce qui est surtout déplorable, nous avons
100 mille ouvriers dont l’existence est déjà si précaire aujourd’hui, et qui
bientôt peut-être n’auront d’autres ressources que l’émigration ou la charité
publique. Messieurs, voilà le tableau véritable de notre situation. J’ai été
moi-même dans le cas de devoir faire une statistique des tisserands de coton
dans les campagnes, et j’y ai trouvé les chefs de famille qui gagnaient
autrefois 1 fr. 50 c. par jour, réduits à nourrir leurs familles et leurs
enfants d’un misérable salaire de 90 centimes. Aussi la moindre maladie, la
plus petite contrariété, les force de recourir au
bureau de bienfaisance de leur paroisse, et si vous n’y portez remède, bientôt
nous aurons la taxe des pauvres.
Vous n’hésiterez donc pas,
messieurs, à sacrifier les exigences étrangères au bien-être de notre classe
ouvrière, en adoptant le projet de loi qui vous est soumis.
Mais, dira-t-on, est-ce là le
seul moyen efficace de relever l’industrie cotonnière ? Ne pourrait-on pas
trouver de nouveaux débouchés pour l’écoulement de nos produits et remplacer
ainsi ceux que nous avons perdus ? D’abord, messieurs, vous savez que les
débouchés ne s’improvisent pas, et que ce n’est qu’après des essais longtemps
répétés et souvent ruineux qu’on parvient à les établir. Or, je vous le
demande, est-ce dans l’état actuel de leur industrie que les fabricants peuvent
faire ces essais ? Evidemment non ; les capitaux se sont retirés d’eux parce
que leur situation est mal assurée ; ils ne reçoivent même plus directement la
matière première dont ils ont besoin pour leur fabrication ; et comment
pourraient-ils tenter des expéditions lointaines en concurrence avec les autres
nations, lorsqu’ils ne peuvent lutter sans désavantage contre ces nations sur
leur propre marché ? Il me paraît donc évident que ce moyen est nul pour
l’industrie cotonnière et que les fabricants livrés à eux-mêmes sont, pour le
moment, hors d’état de l’entreprendre.
Je ne m’attacherai pas à
prouver que ce n’est pas par défaut de lumières et de connaissances, comme on
l’insinue de toutes parts, que les industriels belges sont forcés de fabriquer
à des prix plus élevés que leurs rivaux. Les documents que nous avons sous les
yeux, et les recherches qu’on a faites, démontrent clairement que cet état de
choses doit être attribués en grande partie aux circonstances mêmes dans
lesquelles l’industrie se trouve. Cela établi, passons à l’examen du principe
de la loi.
D’abord nous rencontrons une
objection qui au premier coup d’œil paraît extrêmement grave, une objection qui
est la base de beaucoup de systèmes et qui a donné naissance à des discussions
interminables. Cette objection la voici : Est-il juste, est-il utile que la généralité
des consommateurs paient cher à des nationaux ce qu’ils pourraient se procurer
à bas prix en l’achetant de l’étranger ? La question posée de cette manière est
facile à résoudre ; tout le monde doit répondre non ! mais
il est des considérations qui, à mon avis, sont assez fortes pour changer notre
décision. En effet, messieurs, la généralité des consommateurs se compose de
deux classes : la première comprend les riches pour qui une augmentation dans
les prix sera à peine sensible ; la seconde comprend cette multitude d’artisans
et d’ouvriers pour lesquels le moindre accroissement de dépenses est toujours
onéreux.
Mais, messieurs, vous savez
que les diverses industries ne sont pas ennemies les unes des autres ; qu’au
contraire elles se prêtent mutuellement la main et que si une industrie
importante prospère, elle donne du travail et de l’activité à un grand nombre
d’autres industries. Or, je suis persuadé que tels seront les effets de la loi
qui vous est soumise. La classe la moins fortunée des consommateurs retirera
d’une main ce qu’elle aura prêtée de l’autre, et nous aurons le bonheur de
rendre productifs des capitaux considérables, et du pain à une multitude
d’ouvriers. Quant à la première classe de consommateurs dont j’ai parlé, je
crois qu’ils préféreront supporter quelques légers droits plutôt que de voir
leurs concitoyens dans le besoin, et que de leur jeter le pain de l’aumône.
On objecte encore que le
système proposé rendra notre fabrication stationnaire. Messieurs, ce qui est
arrivé dans d’autres pays peut nous rassurer à cet égard. D’ailleurs la
rivalité des fabriques nationales entre elles sera un véhicule assez puissant
pour les pousser dans la voie des progrès.
Examinons à présent les effets
probables de la loi qui nous est proposée.
Nous pouvons être assurés,
messieurs, que le premier bienfait de la loi sera de rendre l’activité à un
grand nombre d’établissements et du travail à une armée de bras improductifs ;
la confiance renaîtra aussitôt, et par conséquent il n’y aura plus disette de capitaux,
et les fabricants les obtiendront à un taux plus favorable. En outre, étant
assurés du marché intérieur, ils s’adonneront à la fabrication de nouvelles
espèces de tissus, qui jusqu’à ce jour nous étaient livrés presque entièrement
par les fabriques étrangères. La fabrication augmentera, et ce n’est qu’alors
qu’il y aura des bénéfices. Car, remarquez-le bien, messieurs, les bâtiments,
les mécaniques, et tout le matériel nécessaire à l’exercice d’une industrie
quelconque sont des véritables capitaux ; si une industrie ne travaille pas, ce
sont des capitaux morts ; si elle travaille peu, ils ne rendent pas un intérêt
suffisant ; si, au contraire, elle travaille avec activité, ils rendent et
au-delà l’intérêt que l’industriel en avait attendu.
En outre il est reconnu qu’en fabricant 30,000 pièces de calicot les
bénéfices sont beaucoup plus grands, proportion gardée, que lorsqu’on n’en
fabrique que 10,000. Donc l’activité imprimée à notre industrie cotonnière aura
pour premier résultat d’augmenter les profits des fabricants ; ils se
trouveront par là même en état de produire à meilleur marché qu’ils ne le font
aujourd’hui, et par conséquent de lutter plus facilement avec leurs rivaux sur
les marches du globe qui leur sont encore ouverts. Les intérêts des consommateurs
seront peu on point froissés ; et l’on peut être assure que toutes les autres
industries participeront à la prospérité de l’industrie cotonnière.
Voilà quelques considérations
générales que j’ai l’honneur de vous soumettre, messieurs ; elles me semblent
assez puissantes pour me déterminer à adopter le principe de la loi, mais je ne
voterai la prohibition et l’estampille que s’il m’est démontré par la
discussion que ce sont des mesures indispensables pour assurer à l’industrie
cotonnière la consommation de
M. Verdussen. - Inscrit pour parler
contre le projet de loi, mon intention n’était cependant pas de traiter la
question de prohibition, ni la question relative à des droits modérés ; je
voulais plutôt combattre le projet de loi en en examinant les articles. Je
voulais prouver : 1° que l’art. 1er est inefficace, parce que les hauts droits
et la prohibition seront toujours sans résultat dans un pays où la fraude n’est
pas réprimée.
2° Que les articles 2 et 3
sont odieux et inexécutables et donneraient d’ailleurs ouverture aux plus
criantes injustices.
3° Que l’art. 4 contient le
germe de destruction de tout le système de la loi projetée, et que son
insertion dans une loi de douanes quelconque présente des dangers tels, qu’elle
doit être envisagée comme inadmissible.
Mais hier j’ai entendu et M.
le ministre de l'intérieur et l’honorable M. Rogier développer les observations
que je me proposais de présenter. Je retomberais donc dans des redites qui vous
feraient perdre un temps précieux si je persistais à exposer les motifs de mon
opinion. Quant à ce que ces orateurs ont pu omettre, je serais à même de le
compléter lors de la discussion des articles. Je renonce actuellement à la
parole.
M. Hye-Hoys. -
Messieurs, personne ne méconnaît que le droit d’entrée sur les tissus de coton
étrangers ne protège que les qualités communes ; et que ce droit se réduit
tellement pour les qualités d’un poids léger, qu’il devient tout à fait
illusoire, et laisse ainsi, sous ce dernier rapport, notre industrie cotonnière
sans aucune protection efficace contre la concurrence de l’industrie étrangère.
Le marché de Batavia absorbant
précédemment ces qualités communes, les seules qu’il demandait, ce sont
naturellement celles-ci que nos fabricants s’attachaient à produire, et qu’ils
pouvaient d’ailleurs seules produire avec avantage, à défaut de protection
suffisante pour les qualités supérieures.
Aujourd’hui que ce marché leur
est fermé, il est de tout nécessité pour l’industrie cotonnière de se borner à
la production de ces premières qualités, et de s’adonner compensativement
à la production des secondes.
Mais c’est à quoi elle ne peut
parvenir qu’à l’aide d’une protection qui soit assez efficace pour lui
permettre de lutter, dans tous les degrés de finesse et de valeur, avec les
productions similaires de ses rivaux étrangers.
Messieurs, il est un axiome
d’économie politique qui n’est pas contesté. C’est que le travail est la source
des richesses, la garantie de l’ordre et du bien-être du peuple. Toute
industrie qui procure du travail à un grand nombre d’individus, et l’industrie
cotonnière le procure à des milliers de bras, est importante à conserver, dût-il
en coûter pour la masse un léger sacrifice, dont elle est toujours amplement
dédommagée par ceux qu’il faudrait faire si malheureusement une pareille
industrie périssait.
L’axiome contraire, celui
qu’il faut, dans l’intérêt des consommateurs, acheter au meilleur marché
possible est destructif de tout travail industriel, car telle industrie qui n’a
besoin que d’une protection temporaire pour s’acclimater dans un pays, y
prospérer et souvent surpasser ses rivales, n’y pourrait jamais s’établir, et
la nation qui l’aurait conquise en serait indéfiniment en possession au
préjudice de celles qui, sous le leurre de ce décevant axiome, resteraient ses
bénévoles tributaires.
Il faut en convenir,
messieurs, admettre sur nos marchés les tissus fins de coton de France et de
Prusse, à un droit d’entrée qui peut descendre au-dessous de 7, 5 et 3 p. c.
pour certaines qualités, est une véritable duperie ; c’est leur en livrer
l’exploitation sans obstacle ; c’est se montrer indifférent à leur égoïsme
commercial ; c’est leur ouvrir nos portes lorsqu’ils nous ferment les leurs
sans se montrer sensible à leur peu de réciprocité, sans rien faire pour les en
détourner.
Ces nations auraient-elles à
se plaindre si nous usions de représailles ? Non sans doute, car tout acte
hostile en appelle, en commerce comme en guerre. Vainement dit-on que la
réciprocité commerciale entre deux pays est renfermée dans l’ensemble des
rapports qui peuvent s’établir entre eux, et non dans la similitude des droits
sur tels et tels articles. Cette proposition est sophistique à l’égard d’un
même genre d’industrie dont les deux pays sont respectivement en possession,
étant évident que l’un de ces pays ne peut recevoir les produits similaires de
l’autre lorsque, celui-ci repousse les siens, sans détruire, sous le rapport
industriel, la balance des avantages commerciaux, sans favoriser l’industrie
concurrente au préjudice de la sienne, puisque ses moyens d’écoulement seront
restreints, et que ceux qu’il trouvait sur le marché intérieur seront diminués
de la somme de tous les placements qu’y
fera l’industrie étrangère, toutes les fois que l’industrie nationale n’y sera
pas suffisamment protégée.
Quant à l’Angleterre qui admet
nos tissus de coton, au droit d’entrée de 10 p. c., c’est là de sa part une
générosité commerciale toute gratuite, qu’elle s’est bien gardée de montrer
aussi longtemps que ses fabriques ont eu besoin de la protection qu’elle leur
accordait, et qui leur a fait acquérir la suprématie européenne à laquelle
elles se sont élevées. Il n’y a pas de ce côté plus de débouchés pour nos
produits que s’ils y étaient prohibés. Nous sommes donc ici de fait envers
l’Angleterre dans la même position qu’envers
Que résulte-t-il, messieurs,
de la protection que notre tarif accorde aux toiles de coton communes seulement
? C’est que les conséquences de cette protection pèsent uniquement sur la
classe populaire, et que les classes aisées de la société, la richesse et le
luxe, n’y contribuent en rien.
Oui, il est rationnel, il est juste que cette protection ne coûte pas
plus au pauvre qu’au riche, et qu’un tarif équitablement gradué les y fasse
contribuer tous deux dans la même proportion.
Ce langage, messieurs, ne saurait,
dans ma bouche, vous paraître suspect de vues intéressées. Je ne suis pas
fabricant : j’appartiens au commerce ; mais je suis convaincu que le tarif
existant est vicieux dans ses bases, comme je viens de le démontrer, et que par
conséquent les plaintes de l’industrie cotonnière sont réellement fondées.
Le soulagement que je voudrais
voir apporter à son malaise, devient, dans l’intérêt de mes compatriotes
souffrants, le premier de mes vœux.
M.
Dechamps. - Chacun envisage la question importante qui nous est soumise
du point de vue général ou théorique où il s’est placé. Les uns parlent de
réciprocité, les autres de prohibition, les autres d’un système de prohibition
modérée ; mais tous encadrent nécessairement les faits dans une synthèse, dans
un système qui leur paraît mieux en rendre raison. Voici le principe qui me
sert à moi de fil conducteur dans ce labyrinthe.
A l’ombre des douanes et du
système prohibitif qui a dominé et domine encore l’Europe, il s’est élevé des
industries fictives à côté des industries nationales. J’entends par industrie
nationale celle qui s’alimente par les produits du sol, ou, bien qui, en
puisant la matière première à l’étranger, se trouve dans une position aussi
avantageuse à l’égard de son prix de revient que l’industrie étrangère. Pour
m’expliquer plus clairement encore, j’appelle industrie fictive celle qui ne
pourra survivre à l’abaissement ou à l’abolition des douanes en Europe, lorsque
ce jour se sera levé, et dans cette catégorie se trouveront inévitablement les
industries dont la matière première, la main-d’œuvre, les moteurs et les
transports, en un mot, tout ce qui concourt à former le prix de revient, seront
plus élevés que ceux des fabriques étrangères.
Pour les industries
nationales, une protection modérée ne peut être qu’utile au pays, quand cette
protection est nécessitée par des circonstances passagères qui les placent dans
une condition inférieure à celle de leurs rivales ; mais protéger des
industries factices, c’est préparer des matières pour des orages et des
commotions violentes, qui éclateront le jour qui, de l’aveu de tous, doit
arriver une fois ; le jour où l’équilibre commercial du monde sera rétabli par
l’abolition des douanes entre les peuples.
Je ne vous citerai qu’un exemple
:
Et cependant, messieurs, elle
s’étend tous les jours à l’ombre du système français, de manière que l’époque
plus ou moins prochaine de sa ruine sera témoin d’un déchirement d’autant plus
épouvantable que ses racines seront enfoncées plus avant dans le sol.
Les gouvernements qui, par une
fausse entente de l’intérêt national, protègent ces industries factices,
préparent aux pays qu’ils gouvernent des crises périodiques commerciales et des
embarras sans nombre.
Quand donc il s’agit de
protéger une industrie, il faut bien se rendre compte si elle est factice ou
nationale.
En examinant la question
cotonnière sous cet aspect, il me paraît que tous les documents qui nous on été
fournis, prouvent que cette industrie est véritablement nationale.
En effet, par rapport à la
matière première, à la main-d’œuvre, au combustible, aux moteurs et aux moyens
de transport, l’industrie cotonnière belge est dans une position plus favorable
que celle de France, et aussi favorable que celle d’Angleterre.
Il en résulte donc qu’en lui
accordant la protection que nécessitent, si le fait est constant, des
circonstances particulières, telles que les frais généraux, plus considérables
ici que chez nos voisins, le trop plein que vous versent les fabriques
étrangères, le manque momentané des capitaux, il en résulte que cette industrie
peut vivre d’une vie réelle et intense, de manière à se trouver sur la ligne
d’une concurrence égale avec les fabriques étrangères à l’époque où l’Europe
pourra réaliser la liberté de commerce sur une échelle plus ou moins vaste.
Nous pouvons donc protéger l’industrie cotonnière sans craindre de poser une
cause de ruine et le malaise pour l’avenir ; et sur ce point, il me semble que
nous sommes tous d’accord.
Personne jusqu’ici, que je
sache, n’a prétendu exempter de tout droit les cotons étrangers, et cette
erreur a cependant préoccupé certains orateurs (M. Vilain XIIII). Personne n’a
prétendu cela, et ceux qui veulent conserver l’état de choses actuel veulent
protéger réellement l’industrie cotonnière puisque, selon le rapport de la
commission, des droits de 10, de 25, de 40 p.c. frappent les produits étrangers
d’après la tarification en vigueur.
Nous ne sommes d’opinion
divergente que sur le taux nécessaire de cette protection, et sur le mode le
plus efficace de l’établir.
Vous voyez, messieurs, que
nous ne sommes pas divisés en deux camps aussi tranchés qu’on a voulu le
prétendre ; c’est tout simplement une question de faits qui est débattue dans
cette enceinte. L’industrie cotonnière a-t-elle besoin d’une protection autre
que celle établie par la législation actuelle ? Si cette nécessité existe,
faut-il élever les droits sur certains fabricats, ou faut-il même aller jusqu’à
la prohibition ?
D’abord, tout le monde est
d’accord sur les vices nombreux de la tarification en vigueur, et
principalement sur le mode de perception au poids qui élève le droit à un taux
inutile sur les calicots et les tissus communs, et l’abaisse trop sur les
percales, mousselines, et en général sur les tissus fins. Il est donc
nécessaire de le modifier, mais de quelle manière et sur quelle échelle ? Là
gît toute la controverse. Ce qui m’a frappé a la première lecture du projet de
loi proposé, c’est l’espèce de désaccord qui existe entre le système qui y est
adopté et celui qui semblait devoir sortir des documents et des faits signalés
antérieurement dans les interrogatoires vis-à-vis de la commission d’enquête et
dans les mémoires présentés par les fabricants eux-mêmes. S’il est un point sur
lequel tout le monde paraissait d’accord, c’est celui-ci : que la fabrique
belge ne doit craindre aucune concurrence pour les tissus communs, mais que
pour la soutenir à l’égard des tissus fins, une protection assez forte doit lui
être accordée. Voici comment s’exprime M. Schumacker
:
« Je crois que le droit
actuel suffit pour les articles communs, mais qu’il y a manque de protection
pour la fabrique du fin. »
« Je trouve, dit M. Cassiers,
qu’il faudrait diminuer le droit sur les tissus communs et l’augmenter sur les
tissus fins. » MM. Basse, Van Hoegaerden et
presque tous les fabricants partagent la même opinion sur ce fait.
MM. les fabricants de Gand
l’ont toujours posé à la base de la thèse qu’ils défendent. Voici comment la
députation s’exprimait vis-à-vis la commission d’enquête : « L’industrie belge
a acquis une supériorité incontestable dans les articles où elle a joui d’une
protection efficace. Sous le régime du tarif actuel, nous n’avons pu
perfectionner que la fabrication des étoffes communes ; si donc on nous
accordait une même protection pour les étoffes fines, il n’est pas à douter que
nous n’acquérions bientôt la même supériorité. Dans leur mémoire en réponse à
celui des négociants de Bruxelles, ils s’expriment de la même manière. Le
débouché de Java, disaient-ils, ouvert à nos tissus de classe ordinaire, nous a
mis à même d’arriver au point de ne plus avoir à redouter dans cette partie
l’effet de la concurrence étrangère. »
Comment se fait-il, après que
la question a toujours été envisagée sous ce point de vue, que le projet de loi
l’abandonne tout à coup pour proposer la prohibition sur ces mêmes tissus
communs ? S’il est vrai, comme l’affirment les fabricants de Gand, que pour les
tissus de classe ordinaire ils n’ont plus à redouter l’effet de la concurrence
étrangère, je ne puis comprendre à quoi servira la prohibition ; par le fait
seul de cette supériorité avouée, le marché intérieur leur est garanti, et la
prohibition effective existe. S’il est vrai, comme ils l’avancent, que
l’industrie cotonnière jouit d’une protection efficace pour ces tissus,
pourquoi vouloir s’y soustraire aujourd’hui, pourquoi vouloir quelque chose
au-delà de l’efficace, et réclamer une mesure parfaitement inutile pour eux, et
dont le principe est si dangereux pour nos relations commerciales à l’extérieur
?
Il y a là, messieurs, une
contradiction manifeste. Je connais fort bien la raison qui a occasionné ce
revirement de système ; pour s’assurer des capitaux nécessaires au changement
et au progrès à opérer dans la fabrication, nous devons, disent les fabricants,
posséder le marché intérieur pour les fabricats de grande consommation et par
conséquent de classe ordinaire ; les bénéfices que nous ferons sur cette espèce
de tissus formeront un capital qui nous aidera à perfectionner les tissus que
nous ne fabriquons pas encore.
Vous vous apercevez,
messieurs, que ce raisonnement tourne dans un cercle vicieux : il s’agit
d’assurer aux fabricants le marché intérieur pour les articles de grande
consommation et par là des capitaux de réserve ; eh bien, ce marché leur est
assuré, ces capitaux leur sont assurés, et ce sont eux qui nous l’apprennent en
nous disant qu’ils sont parvenus à proscrire la concurrence étrangère pour les
tissus de cette espèce.
Je sais, messieurs, qu’on
revient un peu sur ces premières assertions, et qu’on objecte les soldes de
magasins que nous versent à vils prix les pays circonvoisins, On pourrait
croire l’importance de ce fait exagérée si l’on réfléchit que là, comme chez
nous, il y a une concurrence intérieure qui ne permet pas de vendre à des prix
assez élevés pour pouvoir nous jeter leurs soldes pour rien, et que d’ailleurs
il paraît peu probable que l’on choisisse
Nous avons été accablés de
marchandises anglaises pendant les premières années qui ont suivi 1814, mais
c’était parce que l’industrie était fortement arriérée, que les droits d’entrée
étaient très faibles, et que le blocus continental avait encombré les magasins
en Angleterre. Depuis rien de semblable n’a eu lieu, et les circonstances
analogues n’existant plus, il est difficile de croire que des résultats semblables
puissent revivre. Cependant, malgré ces raisons qui me font penser que
l’objection s’est placée sur des échasses pour grandir, je suis loin de la
regarder comme fausse, et les affirmations que plusieurs fabricants
respectables m’ont faites à cet égard, me portent à admettre ce fait, sans
toutefois lui attribuer une importance exagérée. Mais en résulte-t-il,
messieurs, que l’on doive sauter d’un seul bond de la diminution de droits que
M. Cassiers et d’autres conseillaient sur ces tissus jusqu’à la prohibition
avec son cortège et ses dangers ? je ne le pense pas, messieurs, et ce qui me
persuade que les auteurs du projet se sont laissés aller à des craintes
chimériques, c’est que les fabricants eux-mêmes dans leur interrogatoire
affirment qu’ils ont joui pour ces tissus d’une protection efficace ; or, rien
n’a pu changer cette position, et le trop plein des magasins étrangers pouvait
tout aussi bien se déverser sur
Pour ne pas être
inconséquents, les industriels des Flandres doivent se borner sur ces objets à
réclamer une protection qui ne soit pas illusoire.
Je touche ici, messieurs, à la
grande difficulté de la question : pour protéger efficacement, établirez-vous
des droits modérés qui ne dépassent pas la prime du fraudeur ? Ce serait le
système le plus logique ; mais dans la position exceptionnelle et anormale où
se trouve l’industrie cotonnière, je ne pense pas que ce taux soit assez
protecteur, Etablirez-vous des droits élevés ? Mais sans l’estampille et la
recherche à l’intérieur trouverez-vous un moyen d’empêcher la fraude ? Reste
donc la prohibition et les mesures odieuses qu’elle traîne après elle. Je ne me
dissimule pas, messieurs, combien cette question est ardue et compliquée.
Si j’étais persuadé que des
droits protecteurs s’appuyant sur un système plus fort de douane, ne pourraient
pas assurer à nos fabricants la grande portion de notre marché intérieur et les
moyens d’étendre leurs exportations, je me résignerais, messieurs, j’adopterais
le projet de loi ; mais ce serait, je vous l’avoue en baissant la tête, dans la
persuasion où je serais que nous n’aurions fait que reculer la mort de notre industrie
nationale.
On vous l’a dit, messieurs, on
sait très bien comment le système prohibitif s’intronise, mais on ignore
comment il abdique ; c’est que toutes les industries se tiennent et deviennent solidaires
l’une de l’autre. Le système répulsif une fois admis au profit d’une industrie,
vous serez obligés de l’admettre pour une autre ; on invoquera les antécédents
de la chambre, et la justice qui doit présider à toutes vos décisions vous
forcera d’étendre ce privilège à l’industrie nationale tout entière.
Messieurs, plusieurs orateurs
ont voulu nous démontrer les avantages de ce système, en nous montrant les pays
les plus avancés en industrie, et l’Angleterre en particulier, s’y abriter
pendant de longues périodes d’années, et développer sous sa protection leurs
moyens de production.
Messieurs, ces faits sont loin
d’être incontestables, et d’ailleurs la position particulière de l’Angleterre,
et les immenses débouchés qu’elle avait, rendent la comparaison impossible.
Mais ces exemples fussent-ils
à l’abri de l’objection que je viens de faire, je vous avoue qu’ils n’en
feraient pas plus d’impression sur moi, parce que dans cette matière le passé
ne peut nullement rendre compte du présent.
Je conçois fort bien que dans
un temps et dans un pays où l’industrie est encore en enfance, le marché
intérieur puisse suffire ; je conçois même que la prohibition soit le régime
actuel de cet état de choses qui a précédé l’époque rapprochée de nous où la
production a pris un développement prodigieux par l’introduction des machines
dans la fabrication ; mais depuis ce grand changement qui s’est opéré, le
régime prohibitif doit se transformer, comme l’a si bien prouvé M. Koechlin, et
faire place graduellement au système d’échange et de liberté, qui seul pourra
rétablir l’équilibre rompu entre les industries de tous les pays,
Messieurs, il faut bien se
rendre compte de la situation actuelle de l’industrie ; il est nécessaire pour
celui qui veut faire des lois de douanes de bien apprécier la transformation
qui tend à s’opérer. Pour tous ceux qui ont médité sur cette matière, il
demeure évident qu’une révolution industrielle, aussi vaste et aussi profonde
que la révolution politique, tend à changer ce qui existe à cet égard. Cette
révolution, c’est le passage du régime prohibitif à celui de la liberté du
commerce. Si cette transformation ne commence pas bientôt à se faire, si les
puissances ne comprennent pas l’importance de jeter au plus tôt les bases de
traites de commerce entre leurs différents peuples, une catastrophe
épouvantable ne pourra manquer d’avoir lieu, et plus tôt peut-être qu’on ne le
pense communément. Sous les remparts de la prohibition chaque peuple a étendu
depuis quelques années sa production sur une échelle telle que le marché
intérieur ne peut plus suffire à aucun d’eux, et malheureusement, messieurs,
une multitude d’industries factices ont planté dans le sol leurs troncs sans
racines.
L’Angleterre, vous le savez, a
mesuré sa production, sur la consommation du monde entier, et cependant voilà
que chaque nation entre maintenant en concurrence avec elle sur presque tous
les marchés qu’elle avait cru monopoliser. Chaque fabrique qui s’élève dans un
pays voisin cause la ruine inévitable d’une fabrique anglaise, et il en
résulte, si le système commercial ne change pas bientôt, qu’avec sa production
colossale elle n’aura plus que des débouchés restreints. Le jour où les
colonies anglaises s’émanciperont, et ce jour arrivera une fois, je ne sais
vraiment ce que deviendra la mère patrie, et l’imagination s’effraie du
bouleversement qu’il est impossible de ne pas prévoir. Cette situation de
l’Angleterre peut servir de type à celle de presque tous les pays industriels
de l’Europe, et, je le répète, messieurs, si les gouvernements ont la vue assez
courte pour ne pas apercevoir cette crise qui compliquera singulièrement la
révolution politique à laquelle elle est entièrement liée, si les gouvernements
n’ont pas assez de courage pour sacrifiez quelques industries factices par des
échanges graduellement élargis, je croirai qu’un vertige inexplicable les
aveugle et que le monde est destiné à subir cette commotion d’autant plus
terrible qu’elle aura deux causes combinées, le malaise industriel et le
malaise social. Je vous demande pardon, messieurs, de cette digression, si
toutefois c’est est une, mais j’ai voulu vous asseoir au milieu de l’Europe
commerciale telle qu’elle est, afin que la résolution que nous allons prendre
n’aille pas envenimer cette plaie, n’aille pas contrarier le mouvement
régénérateur qui s’opère.
Messieurs, puisque le monde
industriel tend vers un régime libéral, vers un système d’échange, ne
commençons pas à nous enfoncer dans le système rétrograde ; n’allons pas
fournir du bois pour l’incendie qui aura lieu si nous ne changeons pas de voie
; protégeons les industries nationales, mais de manière à ne pas forcer la
production outre mesure ; il faut habituer les fabricants, a dit M. Koechlin, à
ne pas s’éloigner trop de la concurrence étrangère, et le jour de la levée de
la prohibition entre les peuples, ceux qui auront été assez sages pour se
diriger avec prudence vers ce but, n’éprouveront aucun de ces déchirements que
les nations prohibitionnistes ne peuvent manquer de ressentir.
Je sais, messieurs, qu’on va
me répondre que ce n’est pas du système prohibitif qu’il s’agit, mais de celui
de réciprocité qui tend au contraire vers le but que j’indique. Messieurs,
c’est là une illusion ; et jusqu’à présent j’ai toujours vu des représailles
provoquer des représailles, mais je ne connais pas de prohibition qui ait amené
un échange et favorise la marche de l’industrie vers la liberté modérée.
D’ailleurs, malgré les efforts
que M. Desmaisières a faits pour me l’expliquer, je n’ai pas encore bien
compris le sens que l’on voulait donner, par rapport à la question cotonnière,
à ce système de réciprocité ; car, en dernière analyse, il faudrait introduire
une mesure exceptionnelle pour
On objecte l’art. 4 de la loi,
qui laisse au gouvernement la faculté de traiter avec
Je repousserai donc la
prohibition que je crois inutile sur les articles communes,
et que les auteurs du projet n’ont pas cru nécessaire pour protéger les
articles fins.
Mais je voterai pour un droit
protecteur réel et efficace. J’espère que M. le ministre des finances nous
indiquera le moyen d’empêcher la fraude par des améliorations à apporter à
notre système de douanes, et qu’il rendra ainsi inutiles les moyens indiqués,
l’estampille et la recherche à l’intérieur. M. le ministre de l’intérieur vous
a signalé hier les nombreux inconvénients de cette mesure, et il serait
infiniment regrettable que nous dussions adopter un système vexatoire qui
nuirait à la longue à la popularité du gouvernement. Mais je le déclare, s’il
m’était démontré que des droits assez élevés sont nécessaires et que la fraude
ne pourrait être empêchée que par ce moyen, il faudrait bien adopter cette
législation qui, du reste, est en vigueur chez les peuples qui nous avoisinent.
Cependant, je le répète, ce n’est qu’en désespoir de trouver un autre expédient
que j’adopterais cette mesure, et sous la condition que les droits iraient en
décroissant jusqu’au taux moyen qui suffira dans quelques années pour protéger
notre industrie.
Ce système que je voudrais
voir accueilli, a beaucoup d’analogie avec celui présenté par M. Koechlin, et
cette autorité m’a enhardi à vous soumettre un système de juste milieu.
D’abord, je changerais le mode
de perception et je suivrais le conseil donné à cet égard par MM. Schumacker et Cassiers, de porter le droit non sur le
poids, mais sur la valeur. De cette manière, nous éviterions la complication de
la tarification proposée, et nous atteindrions le but que nous nous proposons
de rétablir, la proportion entre les droits sur les tissus fins et ceux sur les
tissus communs
On objecte que si nous ne
combinons pas la valeur avec le poids, nous ne pouvons compter sur une bonne
perception, parce que les douaniers ne connaissent qu’imparfaitement cette
valeur. Pour obvier à cet inconvénient, on pourrait à chaque bureau d’entrée
attacher de deux à quatre employés pris dans le commerce de coton, et on les
trouverait facilement en les payant bien.
Ce serait le système le plus
simple, et vous vous souvenez dans la discussion de la loi sur les toiles,
combien la chambre a eu lieu de se repentir de n’avoir pas préféré ce mode à
celui qu’on a choisi. On pourrait porter les droits sur tous les tissus écrus à
25 p. c., et à 30 p. c. sur les tissus teints, etc.,
moyennant de diminuer ce taux, en partant de la seconde année, de 2 p. c. par
an, jusqu’à ce qu’il fût descendu à 10 p.c. sur les écrus, et à 15 p. c. sur
les tissus teints. Le droit pour les fils de coton pourrait être porté à 16 p.
c. en suivant une décroissance parallèle de 2 p. c. jusqu’au taux de 6 p. c.
De cette manière, nous aurons
posé en principe la liberté commerciale ; nous ne marcherons pas à reculons vers
l’abîme qui se trouvé derrière nous et que plusieurs s’obstinent à ne pas voir.
D’un autre côté, nous aurons protégé l’industrie cotonnière, et cette
protection n’aura pas l’inconvénient de les rendre stationnaires, puisque la
décroissance des droits tiendra leur activité continuellement en haleine en
leur montrant la concurrence qui s’approche graduellement vers eux.
Messieurs,
si nous suivons un système de juste milieu, nous courrons risque, en nous
plaçant entre le oui et le non, ou bien de nuire considérablement à une
industrie intéressante qui souffre, en rejetant la loi, ou bien d’adopter un
système que je crois mauvais en l’adoptant sans modifications.
M. le
président. - La parole est à M.
Dumortier.
Plusieurs membres. -
Il faut entendre alternativement des orateurs pour et contre.
M. de Roo. - Je n’ai rien à dire à l’honorable
orateur qui m’a précédé, ce ne sont pas là des phrases qui font impression ;
mais je dois vous dire, messieurs, que j’ai été tout à fait ému en entendant
hier le dernier orateur qui a pris la parole, non pas du ton pathétique avec
lequel il a débité son discours ; mais d’entendre un ancien ministre de
l’intérieur professer des principes tout à fait subversifs de toute industrie
en Belgique, et nous dire qu’il veut protéger toutes les industries, tandis
qu’il finit par rejeter la première protection qu’on lui demande ; un avocat
payé pour plaider la cause de l’industrie étrangère ne l’aurait pas mieux fait
; mais heureusement pour les industries belges, il n’est plus ministre, il est
député d’Anvers.
M.
Rogier. - Je ne peux pas permettre à l’orateur de continuer sur ce
ton-là !
M.
Lardinois. - Il faut le rappeler au règlement !
M. de
Roo. - Il a toutefois bien fait de dire, en commençant son discours,
que ce n’était que des doctrines d’écrivain politiques qu’il mettait en avant ;
il aurait mieux fait de dire que c’étaient des reproches qu’il faisait à
l’industrie. Malgré donc ces reproches, malgré le discours sur la loi de son
collègue, que tout le monde a pu apprécier à sa juste valeur, et qui n’était
qu’un tissu de diatribes contre la loi, contre l’industrie belge, et cela par
un chef de commerce belge (pauvre industrie belge, où êtes-vous livrée !)
malgré leur statistique (on rit) qui
n’est basée sur aucune pièce admissible et probante, et victorieusement réfutée
par la statistique de l’honorable rapporteur de la loi, et les calculs de M.
Desmaisières puisés à de meilleures sources que dans la gazette d’Anvers ;
malgré les hérésies en commerce de l’honorable M Pirmez (on rit encore) qui rêve toujours la liberté de commerce, système
désirable, mais qui mène à une ruine complète lorsqu’elle n’est pas réciproque,
c’est ce que nous prouve malheureusement la pratique dont nous ressentons les
fâcheuses conséquences ; malgré le système de liberté égoïste de l’honorable M.
Lardinois qui désirerait la prohibition pour tous les tissus étrangers, mais qui
en définitive ne la veut que pour les draps et la refuse aux cotons ; malgré
les explications du ministre de l’intérieur qui ne paraît avoir en vue qu’une
demi-mesure, je suis obligé de maintenir la loi telle que je l’ai signée.
Trêve donc à ces values théories,
à ces reproches mal placés, à ces injustes statistiques qui injurient les
faits. Est-ce avec une feuille hérissée de chiffres que vous pouvez dénier
l’évidence ? Direz-vous à l’ouvrier qui n’a pas de travail : Mais vous devez en
avoir, ma statistique prouve que tant de coton est entré ? Direz-vous à
l’industriel qui a dû cesser son industrie : Pourquoi cesser ? nos chiffres prouvent que tant de coton est entré dans ce
pays ? Direz-vous à l’industriel qui fait travailler et entretenir ses machines
qu’il a montées à grands frais et qui ne fait pas plus travailler qu’il ne doit
pour les entretenir, qui au lieu de 300 à 400 ouvriers n’en emploie que 150 à
200 : Mais pourquoi ne travaillez-vous pas ? tant de
balles de coton sont entrées. Ils répondront : Mais non, ne pouvons ni ne
voulons travailler, parce que l’ouvrier n’a pas de quoi vivre, parce que nous
sommes obligés de travailler à perte, parce que les débouchés de nos fabricats
à l’intérieur ne sont pas protégés et que ceux à l’extérieur nous sont ôtés, et
parce que ces balles de coton ne sont pas des débouchés. Mais procurez-nous un
débouché quelconque vous, chef de commerce en Belgique, qui semblez dire que
nous ne sommes pas en souffrance, que les débouches ne nous manquent pas. Mais
où sont-ils donc, pourquoi n’avez-vous pas réussi à nous en procurer en France,
où vous avez été envoyé à cet effet ?
Mais les Français ne se
connaissent pas en fait de commerce, dit M. Smits ; ils sont arriérés, leur
industrie s’anéantit. Pourquoi donc la nôtre s’y expatrie-t-elle ? La seule
ville de Roubaix compte les deux tiers de Belges. Plût à Dieu que nous
connussions aussi bien nos intérêts ! nos industries
cotonnières ne seraient pas si languissantes. Ils ne s’y connaissent pas, parce
qu’ils ne veulent pas adopté votre système ; mais ne soyez pas si bénévole à
persister dans un système d’attente qui conduit à la mort de nos industries, et
la simple raison ne dit-elle qu’en ce cas il faut user de représailles ?
Tentez de mieux faire, voilà
toute leur réponse ; mais vous ne nous mettez pas dans le pouvoir de tenter.
Comment voulez-vous que nous tentions ! Si nous avions à lutter contre une
industrie intérieure, nous tenterions ; mais nous avons à lutter contre une
industrie étrangère que vous protégez par vos minimes droits au lieu de nous
donner le temps et le moyen de tenter ; vous nous écrasez.
Je ne suivrai pas les orateurs
qui ont parlé contre la loi dans les faux calculs qu’ils ont faits et qui ont déjà
été suffisamment réfutés. Mais je dirai que les expéditions de 1834 qui
figurent sur vos tableaux sont presque toutes pour Batavia, et sont l’effet des
avances que le gouvernement a faites à la société cotonnière ; c’était là un
palliatif partiel, il est vrai, mais ce n’est pas ce qu’il faut, c’est un
remède durable et général, c’est une loi protectrice avec laquelle nous
puissions lutter avec l’étranger. Vous avez beau dire que la loi est mauvaise,
mais vous ne la voulez ni bonne ni mauvaise ;
si vous voulez l’anéantissement de l’industrie cotonnière, si elle vous
porte ombrage, il vaudrait mieux le dire franchement. Mais en 1835 aurons-nous
encore le même découché ? Non, nous n’expédierons plus rien. L’augmentation des
droits de 50 p. c. nous a ôté toute concurrence. Les feuilles de statistiques
se réduiront ainsi à zéro pour l’année courante.
Mais un argument bien fort
qu’on avance pour prouver l’aisance des ouvriers de Gand, c’est la statistique
du mont-de-piété de cette ville. En 1829, temps de l’opulence, il y avait la
moitié plus de gages au mont-de-piété qu’en 1834 ; or, moins de gène et plus
d’opulence.
Mais qu’aurez-vous de 1835 à
1840 si cela continue ? vos feuilles de statistiques
seront toutes réduites à zéro, vous n’aurez plus d’objets au mont-de-piété de
la part des ouvriers, parce qu’ils n’en auront plus, et les fabriques suivront
le même sort : au lieu donc d’opulence c’est un signe évident de détresse. Mais
n’a-t-on pas vu vendre des objets de 10,000 francs de valeur au mont-de-piété ;
je l’ai connu, c’était un collier en brillants : ce n’est certainement pas ce
que portaient les ouvriers, et cela ne prouve-t-il pas qu’un seul individu peut
mettre pour 60,000 fr. au mont-de-piété, et que 2,000 ouvriers ensemble n’en
mettent pas pour 25 mille ? Toutes vos statistiques et vos chiffres ne prouvent
donc rien du tout. Mais, dit M. Rogier, vous-même avez invoqué cet argument :
oui, et alors il était basé non sur la hauteur du chiffre, mais sur le nombre
des effets y mis par les ouvriers. Ainsi ni les statistiques de M Smits ni les
reproches de M. Rogier et les avis de M. Lardinois, ni les théories de M.
Pirmez, ne peuvent nous tirer d’embarras.
Je
ne suis point industriel ; mais je vois les faits tels qu’ils sont ; je suis
convaincu avec toutes les sections que l’industrie cotonnière est en souffrance
par le défaut de débouchés au-dehors, par le peu de protection au-dedans. C’est
un fait palpable, et il convient, il est du devoir de la représentation
nationale de porter remède à une industrie nationale qui souffre, quelle
qu’elle soit ; mais il ne suffit pas de le dire, il faut le faire et commencer
par la loi actuelle. Alors vous serez conséquents.
Un grand argument s’élève ici,
de nouveau : que ferez-vous avec
M.
Lebeau. - Il est Belge comme vous ; et au moins aussi bon Belge que
vous !
M. de Roo. - Le premier, à ce qu’il parait, a
envoyé quelques ouvrages de Mme de Staël en Suisse, édition de M. Lebeau. (On rit.) Les autres, quelques volumes analogues. Depuis nous avons
reçu une requête de Verviers : en bien, messieurs, ces requêtes seront prises
en considération, et s’il est prouvé que nous faisons des envois en Suisse qui
valent la peine d’un traité de commerce, nous espérons que notre ministre des
affaires étrangères s’entendra avec le gouvernement suisse pour faire un traité
de réciprocité, dans lequel toutes les industries prendront une égale part. Ce
à quoi on a pourvu par l’art. 4 du projet de loi. Et voilà pour
Quant à la pétition des
détaillants de Bruxelles, il paraît, messieurs, et il est certain, que l’on a
mis tous les préposés de la police de Bruxelles en mouvement pour faire le
relevé des boutiques de toutes les ruelles de Bruxelles, où on a trouve à peine
un coupon de coton, et dont on a demandé la signature.
M.
Coghen - Je demande la parole.
M. de
Roo. - Je vous demande si ce sont là des moyens admissibles pour tâcher
d’écarter une loi salutaire à l’industrie belge. On devrait avoir honte
d’employer de pareils moyens.
Mais quel changement
s’opérera-t-il chez les boutiquiers de Bruxelles ? Ils vendront des objets
belges au lieu de vendre des objets étrangers ; et si elles veulent continuer à
les vendre, elles les vendront à un prix qui protégera la fabrication indigène.
Quant aux dames, elles
porteront des robes belges au lieu de robes étrangères. Et s’ils en veulent
absolument, elles les paieront plus cher, et il y aura plus de distinction à
les porter. Et c’est à quoi elles tiennent, mais elles seront Belges avant
tout, et nos industriels auront soin de rivaliser avec les étrangers. C’est
leur intérêt, et cela ne manque jamais.
On craint les vexations des
recherches. Ce sont là encore des chimères, qui peuvent effrayer ceux qui ne
connaissent pas l’exécution de ces visites, et les formalités à remplir ; mais
ces visiteurs existent dans toutes les boutiques et chez tous les marchands.
Elles existent même chez tout le monde qui est suspect. D’ailleurs, c’est au
gouvernement chargé de l’exécution de la loi à avoir soin que des vexations n’arrivent
pas, et raisonner de ce qui peut arriver à ce qui arrivera n’est jamais fondé.
Mais je me trompe, le ministre
paraît hésiter sut ce moyen : qu’il se rassure, je crois qu’on n’exécutera pas
assez la loi. Interrogez les habitants des frontières, et ils désirent ces
formalités pour empêcher la fraude qui devient scandaleuse sur certain point,
et dont ils sont indignés.
La douane est coûteuse, dit M
Rogier, elle coûte 4,000,000. Oui, elle est coûteuse
et encore elle est mauvaise, et vous n’aurez jamais une bonne douane, si vous
ne la rendez pas ambulante, aussi bien les chefs que les subalternes, afin
qu’ils se contrôlent mutuellement et empêchent la corruption. Mais elle sera
plus coûteuse et inutile même si vous n’employez pas le moyen pour réprimer la
fraude.
Quant à l’estampille, elle ne
doit et ne peut vous effrayer. Elle n’effraie que les fraudeurs ; elle existe
en France, en Angleterre et en Prusse. Votre nationalité vous en fait un
devoir, elle est nécessaire pour l’efficacité de la loi ; si vous voulez
protéger l’industrie, il faut rendre la loi efficace : qui veut la fin doit
vouloir les moyens.
Quant à la prohibition elle
n’existe que pour un article dans toute la loi, un article qui mérite une
protection particulière, qui peut subir encore des modifications, et l’on s’en
empare pour recréer la loi entière ; c’est là encore une peur chimérique ; ce
n’est pas nous qui devons avoir peur, ce sont les étrangers ; or ceux-là
possèdent un moyen très simple de s’en débarrasser, c’est d’entrer avec nous dans
un système réciproque de douanes et de faire des concessions mutuelles ;
l’article 4 de la loi y a pourvu.
On a cité souvent dans les
discussions
Quant aux représailles ne les
craignons pas, elles existent déjà à l’étranger ; tout y est prohibé, excepté ce
dont ils ne se peuvent passer ; et ce ne sera pas le rejet de la loi qui les en
empêchera lorsque leur intérêt le commande.
Je parlerai franchement,
messieurs, cette question qui est toute simple et toute nationale, a fait
surgir des questions qu’on se forge pour soutenir le système égoïste et
contraire ; que dis-je, elles sont plutôt des fantômes qu’on a créés pour
effrayer, que des arguments pour combattre le projet de loi en discussion.
Mais
vous avez fait une loi sur le lin, sur les céréales, dit l’honorable M. Rogier
en nous reprochant ; où en êtes-vous avec cette loi ? A-t-elle fait effet ? Le
temps nous l’apprendra, mais une chose qui est certaine, c’est que vous avez
dénaturé la loi sur le lin par vos amendements, et la loi actuelle subira le même
sort si vous en ôtez les moyens de la rendre efficace. N’interrogez donc point
des lois vicieuses par votre propre faute pour en tirer un argument ; c’est une
loi qui contient un principe infaillible si vous l’exécutez telle qu’elle est
conçue. Il en est de même de la loi sur les céréales. Il faut une loi forte, et
alors elle produit effet.
En somme, messieurs, les
industries cotonnières, passementeries, rubanneries, etc.,,
sont dans une crise complète par la défectuosité de nos lois actuelles ; ils
s’adressent à la chambre pour les en relever. Je crois qu’il est de notre
devoir de le faire, si nous voulons exécuter notre mandat, en combinant par un
tarif sage et fort les moyens d’efficacité avec la justice et la réciprocité.
J’ai dit.
M. Rogier. - Je demande la parole pour un fait
personnel. En entendant les premiers mots du discours de l’orateur j’ai cru
qu’il parlait sérieusement et je prenais aussi ses paroles au sérieux ; mils je
me suis bientôt aperçu que son discours était composé de bouffonneries plus ou
moins grossières, et j’ai pris le parti d’en rire avec toute l’assemblée. Il
m’a trouvé trop pathétique dans le développement de mon opinion ; je le trouve
trop bouffon dans le développement de la sienne. Chacun sa manière et son but.
M. de Roo. - Vous pouvez prendre mon
discours pour bouffon ; j’ai pris le vôtre comme je l’ai conçu et tel qu’il
est.
M.
Coghen - J’ai demandé la parole pour rectifier un fait que je considère
comme m’étant personnel. M. de Roo a annoncé que la pétition que j’ai déposée
sur le bureau de la chambre, avait été colportée dans les ruelles de Bruxelles
par les agents de la basse police pour y recueillir des signatures. M. de Roo
ne connaît pas la ville de Bruxelles : s’il la connaissait, il eût parlé
autrement. Au bas de la pétition des marchands de la capitale se trouvent les
noms les plus respectables, les plus honorables dans le commerce, et les
insultes gratuites dont ils seraient l’objet ne pourraient que retomber sur
ceux qui les leur adresseraient.
M.
Dumortier. - En me levant pour prendre la parole dans la grave question
qui nous occupe, j’éprouve la nécessité de dire quelques mots sur ma manière de
voir relativement aux besoins de l’industrie en général ; car il m’a paru que
les intentions de la plupart des orateurs que nous avons entendus contre le
projet ont été mal comprises, ou méconnues ou même calomniées.
Dans l’opinion que je
professe,
Mais si je déclare que
Je voudrais une loi qui
accordât à nos filateurs de coton, à nos fabricants de tissus de cette matière,
une protection sage par des droits convenables ; mais je m’opposerai de tous
mes moyens à la proposition qui a été déposée sur le bureau de la chambre et
qui est une prohibition absolue, qui de plus a l’inconvénient d’imposer à
Incontestablement nous devons
accorder des avantages à notre industrie, car elle assure du travail à une
grande partie de la population du pays : ces avantages doivent-ils aller
jusqu’à la prohibition ? Je ne le pense pas. Tout système de protection qui va
au-delà de ce qui est nécessaire à l’industrie qu’on veut protéger est un grand
malheur pour une nation : un pareil système nuit à la nation tout entière en ce
qu’il empêche le développement des capitaux et la perfection de l’industrie. Il
faut accorder à nos manufactures ce qui leur est nécessaire, mais rien que ce
qui leur est nécessaire.
Je reconnais que le tarif
actuel des douanes est suffisant. Il a été fait pour d’autres circonstances que
celles où nous sommes. Il s’agissait de créer la fabrication du calicot, étoffe
commune, pesante ; le poids suffisait pour déterminer le tarif ; maintenant nos
manufactures sont arrivées à une fabrication plus parfaite, et il leur faut une
protection pour les tissus fins ; et pour parvenir à ce but, un changement dans
les tarifs est indispensable. Ainsi, il faut transformer le droit sur le poids
en un droit sur la valeur, en un droit qui frapperait d’une manière égale les
tissus fins et les tissus grossiers. J’avais l’intention de proposer de porter
à l’avenir le droit sur les tissus à 25 p. c., et sur
les tissus colorés à 30 p. c. Toutefois, je désirerais que l’on pût introduire
dan le projet quelques restrictions en faveur des tissus suisses.
Il ne faut pas se tromper sur
les faits, les mousselines ne peuvent se fabriquer chez nous ; ces tissus ne
peuvent se faire à la vapeur ; ils doivent être faits à la main. Dans les pays
de montagnes la journée de l’ouvrier est peu de chose et on peut y fabriquer
des mousselines ; je désirerais donc que les droits fusent modérés sur ces
étoffes.
Quant aux percales et aux
jaconas nous pouvons les fabriquer et il suffit qu’on accorde un droit
protecteur. Les industriels doivent comprendre qu’il est nécessaire qu’ils
agissent pour rivaliser avec les nations voisines.
Voilà le système que
j’adopterais.
Il me reste à combattre la
proposition de la section centrale, Pendant toute cette discussion j’ai entendu
prononcer de grands mots, j’ai entendu parler de malaise général, de
prohibitions, de réciprocité et d’autres choses semblables dont probablement
beaucoup de membres ne connaissent la portée… (On rit.) Il me sera facile de le prouver ! (On rit encore.)
Par exemple, on a parlé de
réciprocité. On voudrait établir ce système. La commission a elle-même dit
qu’il est des cas où la réciprocité doit être admise. Pour moi, j’ai étudié les
matières commerciales, et pour cause, et je ne reconnais pas la possibilité de
la réciprocité commerciale. La théorie de la réciprocité est une absurdité
commerciale. Que serait ce système comme on l’entend ? Ce serait l’adoption
pure et simple de tous les tarifs des nations avec lesquelles nous sommes en
rapport.
Ainsi
Le système des prohibitions
n’est pas moins absurde.
Que diriez-vous d’une nation
qui aurait besoin dans plusieurs de ses localités des produits étrangers, et
qui refuserait de les recevoir sous le prétexte qu’on en produit de semblables
dans quelques-unes des manufactures du pays ?
Ainsi, le pays produit du bois
propre à la bâtisse, il faudrait se passer du bois de l’étranger et le
prohiber.
M. de
Roo. - Ce n’est pas la même chose !
M.
Dumortier. - Je conçois que vous trouviez que ce n’est pas la même
chose, parce que le bois ne vient pas dans les Flandres, mais il vient dans le
Luxembourg et je suis persuadé que les habitants du Luxembourg trouveraient que
c’est la même chose.
Je demande à MM. les députés
des Flandres s’ils voudraient se passer du bois de l’étranger. Lorsqu’un pays
produit une denrée, d’après eux, il doit prohiber la même denrée de provenance
étrangère. En supposant que
Mol, messieurs, j’entends la
réciprocité d’une toute autre manière. Sans doute, il faut de la réciprocité
entre les nations ; si elle n’existait pas, la nation pour laquelle elle
n’existerait pas en serait la première victime. Mais cette réciprocité
doit-elle se fonder sur chacun des articles d’un tarif de douane ? Non
certainement, elle doit reposer sur l’ensemble du tarif. Voilà la réciprocité
que vous devez rechercher, et je ne crains pas de déclarer non seulement
qu’elle existe entre
Aujourd’hui l’avantage est
bien plus considérable. Voilà où est la réciprocité, c’est dans la balance du
commerce, c’est dans le résultat des faits généraux et non pas sur tel ou tel
article en particulier, S’il en était ainsi, il n’y aurait pas de si petit
industriel, de marchand d’allumettes qui ne put venir vous demander une loi de
réciprocité et de prohibition.
Lorsque la grande balance
commerciale, comme cela résulte de l’exemple que je viens de citer, est en
faveur d’une nation, on peut en conclure, sans craindre de se tromper, que
cette nation fait de bonnes affaires et que la réciprocité est en sa faveur.
On parle aussi de traités de
commerce, on dit : il faudra faire des traités de commerce avec les étrangers.
Mais encore une fois les honorables membres qui parlent ainsi savent-ils ce que
c’est qu’un traité de commerce ? Je ne le pense pas ; car on ne fait plus de
traités de commerce à l’époque actuelle. Cependant la section centrale vous a
fait un rapport dans lequel elle vous dit qu’elle fonde de grandes espérances
sur les traités de commerce que le gouvernement pourra faire avec les
puissances étrangères. Je le répète, messieurs, à l’époque actuelle on ne fait
plus de traités de commerce ; chaque pays fait un tarif dans son intérêt. Il
n’y a plus eu de traité de commerce, depuis celui qui fut conclu entre
l’Angleterre et
Vous voyez que tous ces grands
mots, ces grands arguments, réciprocité, traités de commerce, se réduisent à
bien peu de chose quand on les examine au fond.
J’en dirai autant de la crise
commerciale. Ici, je dois distinguer, si l’on entend parler d’une crise
commerciale momentanée qui existerait dans le moment actuel, ou aurait existé à
une autre époque ; je suis le premier à reconnaître que de semblables crises
peuvent avoir lieu ou avoir eu lieu, car il s’en manifeste dans tous les pays ;
je dirai même plus, je dirai qu’elles sont inévitables ; mais si on présente la
crise commerciale comme l’état permanent de notre industrie, je dirai que cette
assertion est repoussée de la manière la plus péremptoire par les faits qui
vous ont été exposés par un honorable orateur, et qui doivent encore être
présents à votre mémoire.
La quantité de coton brut,
nous a-t-il dit, importée de 1826 à 1829 n’était que de 13 millions, tandis que
celte importée de 1832 à 1834 est de 15 millions.
Il vous a établi que le nombre
des machines à vapeur, appliquées à la fabrication des tissus de coton était de
67 ; aujourd’hui, il y en a 81. Il a été établi aussi que les ateliers de
charité avaient occupé à Gand en 1829, 543 ouvriers, maintenant il n’y en a que
493. Les dépôts au mont-de-piété ont diminué de moitié. Et on vient parler de
la crise du commerce de Gand, en présence de pareils faits. Les faits sont manifestement
contraires aux allégations.
Il est un autre fait que
peut-être la plupart d’entre nous ignorent, c’est que dans la ville de Gand,
les ouvriers des manufactures de tissus de coton travaillent chaque jour
jusqu’à neuf heures du soir. J’avais demandé à un fabricant pourquoi on ne
faisait pas travailler les ouvriers plus tard, il me répondit, parce qu’on ne
peut pas les tenir plus longtemps ; quand ils ont travaillé jusqu’à neuf
heures, ils ont gagné assez pour vivre, ils retournent chez eux.
Encore une fois, s’il ne
s’agit que d’un moment de stagnation, de ces fluctuations que tout commerce
éprouve, nous pouvons admettre que les manufactures de tissus de coton
éprouvent une crise, mais si on prétend qu’elles soient dans un état de crise
permanent, il est incontestable que cela n’est pas exact. La fabrication des
calicots a perdu, il est vrai, le débouché de Java, mais depuis la révolution,
cette industrie a gagné dans le pays plus qu’elle n’avait perdu à l’extérieur.
Il a été démontré devant moi à la commission, que toutes les fois que les
fabricants belges ont bien voulu lutter contre les étrangers pour la
fabrication d’un article quelque peu protégé, l’avantage est toujours resté à
l’industrie indigène.
Messieurs, l’état de malaise
dont on parle et qui sert de base au projet qui vous est soumis, n’existe pas.
J’irai même plus loin, je dirai que cet état de malaise existât-il, vous seriez
impuissants pour y porter remède et le projet qui vous est présenté est le plus
mauvais moyen auquel on puisse recourir. Ma proposition paraîtra peut-être
paradoxale, mais en examinant les faits de près, on verra qu’elle est
incontestable. C’est une vérité reconnue que plus un droit est élevé, plus il
offre d’appât à la fraude.
Si nous avions, comme
On a dit que l’estampille
existait en France. Le fait est vrai en partie et faux en partie. L’estampille
existe en France pour les tulles, mais il est inexact de dire qu’elle existe
pour toutes les étoffes tissées de coton. Mais cette mesure est complètement
illusoire. Savez-vous combien on donne en France pour faire apposer l’estampille
sur les marchandises fraudées ! Je vous prie de bien faire attention à ceci :
On peut faire apposer, sur toutes les marchandises fraudées, l’estampille par
le fabricant qui l’a entre les mains, moyennant un 1/2 p. c. Ainsi, toutes ces
mesures rigoureuses qu’on propose aboutiront à favoriser notre industrie d’un
1/2 p. c. Ces faits, je peux vous les garantir comme authentiques.
Eh bien, faut-il pour donner
une protection d’un demi p. c. faire détester le gouvernement sorti de la révolution,
et le faire détester pour favoriser des personnes qui à une certaine époque
vous ont présenté des pétitions dans un intérêt autre que celui de l’industrie.
On sait que cette fameuse pétition couverte de 10 mille signatures, qui fut
déposée sur le bureau de la chambre, n’était qu’une manœuvre contre la
révolution et que la question qui lui avait donne lieu était moins industrielle
que politique. En présence de pareils faits, faut-il pour accorder une
protection d’un demi pour cent à ces mêmes personnes, faire détester le
gouvernement actuel ?
Rappelez-vous les faits,
messieurs, le gouvernement de l’empire, malgré toute la gloire dont il était
entouré, est tombé moins par la force des baïonnettes étrangères que par suite
de l’animadversion qui lui avaient attirée et la conscription et les droits
réunis. Ce sont ces droits réunis qu’on veut rétablir. Qui a fait tomber
Guillaume ? Ce sont les vexations fiscales auxquelles il a dû recourir pour
exécuter des lois onéreuses au pays. Les mêmes causes doivent amener les mêmes
effets. Ce qu’ont produit les vexations fiscales sous Napoléon et sous
Guillaume, si vous les rétablissez, elles produiront le même résultat sous le
Roi Léopold.
Y a-t-il rien de plus
vexatoire que de violer le domicile du citoyen, de remuer tout dans sa maison,
jusqu’au matelas de son lit, pour voir s’il ne s’y trouve pas de marchandises
prohibées. Dans un pays comme le nôtre, où on attache tant de prix à la liberté
intérieure de la famille, où chaque citoyen a son domicile particulier, une
maison (ce n’est pas comme en France où une famille n’occupe qu’un étage dans
une maison) vous introduirez des hommes qui iront fouiller du grenier à la
cave, les endroits les plus secrets du domicile.
Alors que la constitution
déclare positivement qu’aucune visite domiciliaire ne pourra avoir lieu que sur
mandat du juge, un simple douanier, sur une dénonciation fallacieuse suggérée
quelquefois par l’envie, pourra pénétrer dans le domicile d’un citoyen et
retourner tout ce qui se trouve dans la maison ! Voilà, messieurs, ce que je ne
puis pas comprendre. Un pareil système est tout à fait contraire aux principes
de la révolution, et je ne pense pas que les hommes de la révolution puissent
jamais donner leur assentiment.
A mon avis, il est un autre
système qui serait plus favorable à l’industrie et que je désirerais voir
adopter. Je veux parler d’une bonne loi sur la navigation, d’une loi semblable
à celles qui ont amené la prospérité des nations maritimes. J’ai entendu dans
une séance précédente divers orateurs partisans du système prohibitif, nous
préconiser ce système, et nous dire que c’était au système prohibitif que
l’Angleterre avait dû sa prospérité. C’est là une grave erreur.
L’Angleterre a dû sa
prospérité à son système d’exportation et de navigation. Encore une fois, ce
qui fait la prospérité d’une nation, c’est qu’elle exporte plus de marchandises
qu’elle n’en reçoit ; lorsque la balance commerciale est en sa faveur, il y a
avantage. La prohibition a tellement peu été le moyen par lequel l’Angleterre
s’est enrichie, que nous voyons à des époques différentes d’autres nations
acquérir le même degré de prospérité que l’Angleterre, sans cependant s’être
jamais servi de ce moyen. Si la prohibition eût été un moyen de prospérité, ces
nations ne l’auraient pas négligé.
Ouvrez les pages de notre
histoire sous la maison de Bourgogne, sous les comtes de Flandre,
M.
Desmet. - Oui elle en avait.
M.
Dumortier. - C’est une erreur ; elle n’en avait pas.
Plus tard,
Portez vos regards sur une
époque plus rapprochée de nous, voyez ce qui s’est passé après la révolution des
États-Unis.
Les Etats-Unis d’Amérique
étaient une nation peu fortunée eu égard à la mère patrie. Elle n’avait ni
marine ni commerce : elle ne pouvait exporter ses produits que dans la seule
Angleterre. La révolution se fait. Les Etats se réunissent et portent un acte
qui frappe les navires anglais d’un droit analogue à celui qu’on fait payer en
Angleterre aux navires commerçants. Une marine marchande s’est formée et
aujourd’hui elle est la plus belle du monde après celle d’Angleterre et la
seule qui puisse lutter avec elle.
Pour arriver au même résultat,
c’est d’adopter le même système. Il y a des faits qui prouvent jusqu’à
l’évidence le besoin de ce système. L’Angleterre a aujourd’hui trente mille
navires,
Maintenant, messieurs,
voulez-vous savoir l’influence immense, qu’aura une loi semblable sur les
fabriques de tissus de coton, car j’entends dire qu’est-ce que cela fait aux
fabriques de coton ? Je suppose deux navires qui ont fait charge ensemble de
produits du Brésil ; l’un de ces navires est anglais, l’autre est belge, ces
deux navires se rendent dans un des ports de
Je reconnais que les effets du
moyen que je propose ne se feront pas sentir du jour au lendemain, mais si la chambre
adoptait le système que je lui propose, dans peu d’année l’industrie arriverait
à une telle prospérité qu’elle ne laisserait rien à désirer. Vous ne vous
verrez plus accablés par des plaintes incessantes.
Pour le présent, je me
bornerai à déclarer que je donnerai mon assentiment à un projet qui modifiera
la perception de l’impôt, qui substituera le mode de perception à la valeur à
celui au poids. Je consentirai aussi à ce qu’on porte à 25 p. c. le droit sur
les tissus de coton blanc autres que les mousselines, et à 30 p.c. le droit sur
les cotons en imprimés. Mais quant à la prohibition et à l’estampille, je n’y
donnerai jamais mon assentiment.
J’ai une dernière réflexion
que je vous demanderai la permission d’ajouter.
Si l’Europe entière ne
fabriquait que des cotons de la largeur et de l’aunage de ceux qu’on fabrique à
Gand, je concevrais qu’on pût exécuter le système proposé par la section
centrale, mais chaque négociant fabrique à sa manière. En Suisse chaque pièce a
un aunage et une largeur différente ; il faudrait donc déballer toutes les
marchandises, les mesurer pièce par pièce, les déployer. Un contrôleur de
douane serait tenu toute une journée sans pouvoir donner l’expédition d’une
balle à la fin de la journée. De plus, la marchandise serait gâtée.
En
définitive vous aurez établi un droit équivalant à la prohibition.
Quant à l’estampille, j’ai
déjà dit que c’était une mesure illusoire, parce que tout négociant qui voudra
frauder, trouvera facilement moyen de la faire apposer.
En substituant la valeur au
poids pour la perception et en augmentant le droit sur certains articles, comme
j’ai proposé, vous aurez satisfait à toutes les réclamations et même accordé
aux négociants de Gand un avantage auquel ils ne devaient pas s’attendre.
M.
Desmet. - L’honorable membre qui a parlé hier le dernier a commencé son
discours en faisant un compliment très flatteur à l’honorable ministre de
l’intérieur sur le discours qu’il venait de prononcer et sur les principes
libéraux qu’il y avait établis ; je ne voudrais pas critiquer la manière
courtoise avec laquelle l’orateur a complimenté le ministre, mais si j’ai bien
compris le discours de l’honorable M. de Theux, il me semble qu’il n’y a pas
lieu de blâmer ou d’applaudir à ce qu’il avait dit sur la question qui nous
occupe, puisqu’il ne s’était formellement attaché à aucun point ; j’ai cru
m’apercevoir au contraire qu’il doutait de tout, qu’il avait peur de tout,
qu’il n’approuvait rien, qu’il ne blâmait rien, qu’il était enfin irrésolu, qu’il
ne pouvait s’attacher à rien et ne prendre aucune décision ; il n’a donc
contesté ni blessé aucune opinion ; tout ce que j’ai pu voir dans le discours
de l’honorable ministre, c’est qu’il a parlé comme simple député, qu’il n’a pas
été l’organe du ministère, que jusqu’à présent nous ne connaissons pas
l’opinion du gouvernement sur la proposition, et que nous pouvons supposer que
le ministère se trouve partagé sur l’importante question du coton, et conclure
que, comme dans celle des toiles et des céréales, le gouvernement a été à la
chambre sans opinion à lui.
J’aime à croire à la timidité
du ministre de l’intérieur pour se prononcer sur le moyen de mettre à exécution
la loi de protection, car si je pouvais soupçonner qu’elle n’existait pas en
lui, alors je verrais que d’accord avec son bureau de commerce et d’industrie,
il ne veut pas de la loi et ne reconnaît pas la nécessité de venir au secours
de l’industrie cotonnière, car comment pourrait-on reconnaître le besoin de
prendre des mesures quand on ne voudrait pas des moyens pour les mettre à
exécution ?
Cependant j’aurais beaucoup
désiré que M. le ministre de l’intérieur se fût positivement déclaré sur le
mode de la mise à exécution de la loi, car c’est certainement au département de
l’intérieur qu’on doit le mieux savoir si le mode présenté est nécessaire et
exécutable et d’accord sur le principe ; une telle déclaration aurait mis à
l’aise une grande partie de la chambre, et raccourci de beaucoup la discussion.
M. le ministre de l’intérieur
paraît pencher vers des droits élevés, mais rebuter la prohibition ; et il
désire connaître pourquoi on veut plutôt prohiber les impressions communes que
les fines, et quel est le motif qu’elles ne se trouvent pas sur la même ligne.
M. le ministre a une peur
excessive de l’estampille et de la recherche dans l’intérieur, et il pense
qu’il y a peut-être moyen de s’en passer en cherchant des mesures de
surveillance à la ligne de douanes, qui y ferait percevoir la totalité des
droits imposés.
Si M. le ministre pouvait
trouver ce moyen de faire percevoir à la douane la totalité des droits élevés,
alors le grand problème serait résolu et vous ne verriez plus demander ni
prohibition, ni marque, ni recherche dans l’intérieur ; mais je crois qu’il
serait plus facile de déterminer la quadrature du cercle que de résoudre le
problème.
Un mur comme celui qui ferme
une partie de l’empire de
Pour ce qui concerne la
prohibition que les fabricants sont seulement obligés de demander pour les
impressions communes, M. le ministre le comprendra de suite, quand il saura que
la fraude est beaucoup plus difficile pour un objet prohibé que pour celui qui
est frappé d’un droit élevé, et que si nous voulons réellement donner quelque
protection à l’industrie cotonnière, nous devons assurer aux fabricants le
marché intérieur an moins pour ce qui concerne le commun des impressions,
qu’ils peuvent faire aussi bien que les étrangers et à si bon compte quand les
soldes de magasins ou les in globo ne viennent point
de l’extérieur gâter tout notre marché, et quoi qu’en puisse penser l’honorable
M. Dechamps, il n’est que trop certain que ce sont les soldes des magasins qui
gâtent notre marché. Et je prie l’honorable membre de remarquer que la mesure prohibitive
n’est appliquée qu’aux tissus imprimés et non aux blancs ou écrus qui peuvent
entrer moyennant un droit, et il doit sentir que ce ne sont que les impressions
qui n’ont souvent qu’une valeur de caprice qui peuvent continuellement faire
tort à notre fabrication et que nous ne pourrons arrêter que par une
prohibition. Avec la libre entrée, moyennant des droits, on donne facilité à la
contrebande d’établir un commerce étendu et régulier, de faire des opérations à
l’avance, de conclure des marchés pour des quantités et pour des époques
déterminées. On peut s’engager à coup sûr. Si le passeur est saisi, non
seulement l’expéditeur est remboursé par l’assureur, mais si le temps lui
manque pour tenter de nouveaux passages par la fraude, il trouve dans les entrepôts
les moyens de remplir les engagements ; et la chance la plus fâcheuse pour lui
c’est d’acquitter les droits à la douane. M. le ministre sentira donc quel
avantage on donne par là à ce genre d’opérations et combien il tenterait et
engagerait de spéculateurs.
D’un autre côté, beaucoup de
maisons qui ne voudraient pas tenir des marchandises prohibées dans leur
maisons, les unes par scrupule, les autres par crainte, n’hésiteront pas de le
faire quand ce commerce pourra être hautement avoué, le public étant dans
l’ignorance si les droits des marchandises étrangères sont ou ne sont pas
acquittées.
Tandis que sous l’empire de la
prohibition, la marchandise pouvait être saisie à chaque instant, partout où on
la rencontre, les opérations fixes et régulières deviennent presque
impossibles, les époques de vente peuvent se trouver manquer. On ne peut guère
opérer que sur de petites quantités, par l’incertitude où l’on est de recevoir,
car en manquant ses assortiments, on risque de perdre sa clientèle. Et veuillez
ne pas perdre de vue que sans la prohibition les Anglais et les Français auront
toujours la grande facilité de nous inonder de leurs marchandises dans les
époques d’engorgement si fréquentes dans les grands centres de production, et
principalement chez les Anglais. Dans ce cas les droits aussi élevés qu’ils
pourraient être, n’arrêteront point l’entrée des tissus étrangers et leur débit
dans l’intérieur, car on les laisserait à tout prix.
Si le ministre se trouve
convaincu de la réalité de ce que je viens d’avancer, encore je crains qu’il ne
nous objecte que les mesures d’estampille et de recherche dans l’intérieur sont
trop violentes pour pouvoir être mises à exécution ; mais alors il me permettra
que je lui tienne ce langage. Quoi ! vous, qui dans le pouvoir êtes
essentiellement le défenseur de l’industrie nationale, vous ne voulez pas
tolérer des visites très rares chez des marchands, que leur intérêt d’accord
avec les circonstances, rend en grande partie fauteurs et complices de fraude,
d’introduction et du débit de marchandises étrangères ! chez des gens dont le
plus grand nombre est sans contredit très honnête, et qui sous ce rapport ne
craignent ni inspection des douanes, ni celle des accises, mais dont une
portion, et qui en grande partie n’appartiennent pas au pays, sont assez
éhontés pour afficher la violation des lois ; enfin contre des gens qui sont le
fléau de leur patrie, par l’opposition qu’ils mettent à sa prospérité, en
favorisant celle des étrangers, et qui pour leur propre lucre enlèvent aux
pauvres ouvriers, leurs compatriotes, le pain de chaque jour.
Vous ne voulez pas mécontenter
les marchands, mais, vous tuez et poussez au désespoir les manufacturiers et
tout ce qui y a rapport, c’est-à-dire la classe la plus intéressante et la plus
nombreuse de la société, beaucoup plus considérable sans doute que celle des
marchands, une classe qui entraîne avec elle une grande partie de la population
de votre pays, celle des ouvriers qui, une fois privés de pain par la cessation
du travail, sont bientôt plus dangereux dans leurs mouvements, que la
clabauderie des marchands contrebandiers, qui ne sont proprement dits que des
agents commissionnaires de l’industrie étrangère, car il n’y a que ceux-là qui
se récrieront contre une mesure qui, renfermée dans les bornes d’une sage
administration, ne peut pas compromettre ceux qui respectent les lois : ceux-ci
au contraire applaudiront à toutes mesures qui les débarrasseront d’hommes
immoraux, et d’autant plus dangereux que leurs profits, en vendant la marchandise
étrangère, se fondent sur la ruine de ceux qui, honnêtes et fidèles aux lois de
leur pays, n’achètent et ne tiennent que des marchandises indigènes.
En suivant le système de nos
adversaires et surtout celui du bureau de commerce et de l’industrie, j’ose
prédire à M. le ministre qu’il verra réaliser ces paroles prophétiques
proférées un jour à la tribune française : « Qu’un pays qui voudrait
s’écarter du système de protection de l’industrie nationale, tandis que
d’autres le suivraient, aurait en peu d’années tant acheté et si peu vendu
qu’il n’aurait bientôt plus le moyen d’acheter ni les moyens de vendre. »
J’ose me flatter que M. le
ministre de l’intérieur, mieux informé prendra, avant la fin de la discussion,
une résolution qui sera favorable et à son pays et à ses concitoyens !
Mais, messieurs, permettez-moi
que je revienne sur un discours des deux adversaires qui ont parlé dans la
séance de lundi ; sur celui de l’honorable députe d’Anvers, que a voulu
remettre en question les souffrances de l’industrie, je ne dirai pas gantoise,
mais je me servirai de l’épithète nationale. Car je la vois éparpillée dans
tout le pays, et dans toutes les parties du royaume, elle donne du travail et
du pain au peuple. Oui j’ai été étrangement surpris qu’un député à la tête du
bureau de commerce et de l’industrie ait pu mettre cette souffrance en doute et
la nécessité de venir au secours de cette industrie. Je ne pense pas cependant
qu’il puisse y avoir dans la chambre, dans le gouvernement, dans le pays entier
et même à l’étranger, deux idées différentes sur la situation désastreuse de
cette industrie, et sur le besoin de la protéger. Des avis des chambres de
commerce qui ont été adressés à la chambre, je ne pense pas qu’il y en ait
aucun, même pas celui du commerce d’Anvers, quoique conçu dans des termes de la
plus grande inconvenance et insolence envers les industriels du pays, ait voulu
méconnaître l’état réel de l’industrie cotonnière. Si les chambres n’ont pas
été toutes d’accord sur les moyens à employer, au moins leurs avis ne sont pas
douteux sur la nécessité de le faire.
Dans l’espèce d’enquête qui a
été faite par votre commission d’industrie, excepté les trois interrogatoires
qui ont été cités hier par l’honorable M. Smits, je me trompe fort si tous les
autres n’ont pas de même reconnu que l’industrie cotonnière était en souffrance
en Belgique et dans une position insoutenable.
Que les deux maisons de
Bruxelles, citées par l’honorable député d’Anvers, n’ait pas voulu reconnaître
la réalité de la situation de la fabrication de coton, cela doit se comprendre,
car elles n’ont aucun intérêt de la devoir apprécier et occupées au commerce
des mêmes produits, mais de ceux venant de l’étranger, il est assez naturel
qu’elles veulent ignorer que la fabrication indigène souffre.
Pour ce qui concerne l’agent
du gouvernement prés de la fabrique d’Andenne, j’ignore si cet agent ait parlé
avec connaissance de cause, du moins j’ai le droit de croire que non ; car je
viens de recevoir une note d’une personne intéressée dans cette fabrique qui de
ce chef comme par ses connaissances particulières dans la matière, est, je
pense, plus croyable que l’agent gardien d’Andenne. Voici ce que porte cette
note. Elle est de M. Cockerill :
« M. Soyez ne s’est
jamais occupé de sa vie ni de filage, ni d’impression, et les fonctions dont il
est chargé par le gouvernement ne sont pas du tout de la nature qu’on paraît
les supposer.
M. Soyez se présente dans
notre bureau une fois par an, mais jamais plus souvent, pour vérifier le bilan
remis au gouvernement, et cette opération terminée, M. Soyez s’en va et nous ne
le voyons plus qu’à pareille époque de l’année suivante.
« Voilà tous les rapports
que M. Soyez a avec notre établissement. »
Les négociants de marchandises
étrangères eux-mêmes ne contestent point qu’il y a nécessité de prendre des
mesures de protection pour l’industrie cotonnière ; le premier mémoire de M.
Perrot, dit le mémoire des négociants, contient la déclaration que notre tarif
doit être modifié à l’égard de cette industrie. Et le second mémoire du même
écrivain qui a été distribué le jour que la discussion a commencé, ne dit pas
le contraire.
Tout en avançant que
Tout le pays est donc unanime
sur les souffrances et les besoins de l’industrie qui nous occupe en ce moment.
N’est-il dont pas étonnant, messieurs qu’on ait l’air d’en douter dans le
bureau de l’industrie et du commerce et je ne crains point de l’avancer, que
tout le pays aura, à ce sujet, trouvé fort étrange le langage qu’a tenu le chef
de ce bureau, et d’autant plus qu’un instant avant l’honorable député de
Saint-Nicolas, gouverneur de
On dirait bien que les
rapports de nos gouvernants sur l’industrie et le commerce de leur province
respective, n’arrivent point jusqu’au département de l’intérieur, et que les
bureaux qui devraient les recevoir ont d’autre part leurs renseignements et
leurs instructions.
Si l’honorable député d’Anvers
eût traité la question sans citer tous les faits qu’il nous a mis en avant dans
son volumineux discours, je n’eusse pas fait cette observation, mais comme les
faits doivent être les mêmes pour le député comme pour l’employé, j’ai dû me le
permettre, mais uniquement dans l’intérêt de la discussion. Et, je le répète,
tout le monde doit trouver étrange qu’il ne soit pas connu à notre bureau de
commerce et d’industrie que 2,800 ouvriers de la ville de Gand se sont émigrés,
laissant à charge au bureau de bienfaisance leurs femmes et leurs enfants.
Aux faits qui vous ont été
allégués par l’honorable membre, gouverneur de
Je sais bien que vous n’en
avez pas besoin, que votre conviction est suffisamment faite sur le véritable
état de l’industrie cotonnière en Belgique et que les doutes à son égard sont
aussi dans cette chambre que dans le pays, mais je trouve utile de les faire
connaître pour l’information de notre bureau de l’industrie et du commerce qui
paraît les ignorer.
L’émigration en Prusse et en
Hollande des maisons de Poelman, Previnaire,
Wilson, de Grandy et Pouwicks.
Cette importante maison de Verviers vient de transporter en Prusse son tissage
à la mécanique.
La diminution dans la vente
des cotons en laine à Anvers, qui est, pour les six premiers mois de l’année, à
peu près de 4000 balles de moins qu’en 1834. Et je pense vous donner le calcul
positif par balles, où vous trouverez plus exactement la quantité de matière
première employée dans la fabrication que dans le calcul de l’honorable député
d’Anvers, qui peut se tromper, à cause de la différence des prix ; mais je vous
dirai avec lui que la consommation de la quantité de la matière première est le
plus juste baromètre de l’état de la fabrication.
J’ai dit tout à l’heure que
l’étranger jugeait comme nous la situation de nos fabriques de coton ; permettez
que je vous communique ce qu’en pensent nos voisins.
Le même M. Mimerel,
industriel français, que l’honorable M. Smits vous a cité, s’est énoncé ainsi
dans son interrogatoire dans l’enquête industrielle du gouvernement français.
« On comptait à Gand 60
machines à vapeur, on y voyait les plus belles usines, lorsque la révolution
est venue séparer
Un autre industriel de France,
M. Barbet, délégué de la chambre de commerce de Rouen, s’est énoncé dans
l’enquête dans le même sens et a affirmé que l’industrie cotonnière de
Les Anglais partagent la même
opinion ; voici ce qu’on trouve dans un ouvrage anglais intitulé. « History of the coton
manufacture, » par Ed. Banies, à la page 526 :
« L’industrie cotonnière
de Gand, établie pendant la guerre, a succombé devant la concurrence anglaise.
Le monopole dont jouissaient les Belges du marché des colonies, avait fait
fleurir cette industrie pendant le gouvernement des Pays-Bas, mais la
séparation des deux pays qui a amené la perte des débouchés qu’avaient les
Belges, a anéanti cette industrie, et les filateurs et les tisserands sont
aujourd’hui dans la plus grande misère. »
Ainsi, messieurs,
L’honorable M. Smits, pour
prouver ce qu’il avait avancé sur l’état des fabriques de coton, a fait des
raisonnements et a emprunté ses arguments au mémoire des négociants et cité ce
que ce mémoire avait allégué concernant le coût de la fabrication en Belgique ;
vous savez, messieurs, qu’on a répondu à ce mémoire, ce serait donc inutile d’y
revenir sur tous les points, et je me borne à lire à l’assemblée ce qu’a dit la
chambre de commerce de Bruxelles :
« Les négociants de
Bruxelles, signataires de ce dernier document, ont cherché à y établir que nos
industriels sont plus favorisés que ceux des autres pays, quant aux matières
premières ; ce qui, selon eux, doit leur donner les moyens de lutter
avantageusement contre l’industrie similaire des pays voisins.
« Pour le prouver, ils
disent entre autres que la potasse est frappée en France d’un droit d’entrée de
9 fr. 90 c. les cinquante kilogrammes, tandis qu’elle ne paie en. Belgique que
96 centimes ; que la soude paie dans ce premier pays 6 fr. 32 c. pour la même
quantité, tandis qu’elle ne doit chez nous que 48 c. ; enfin que la garance
n’est admise en France qu’au moyen d’un droit de 13 fr. 20 c. les 50 kilog., et
que nous la recevons pour 2 fr. 40 c.
« Mais, messieurs, si les
auteurs de ce mémoire y avaient bien réfléchis, ils auraient vu que les
arguments qu’ils veulent tirer de ces faits, que nous prenons au hasard entre
beaucoup d’autres, tournent entièrement contre les conséquences qu’ils
cherchent à établir.
« En effet pourquoi le
législateur français a-t-il frappé la potasse d un droit si élevé ? c’est parce qu’il savait fort bien que les fabriques de
soude suffisant et au-delà à tous les besoins de l’industrie, celle-ci peut se passer
de potasse.
« Le contraire existe en
Belgique, et c’est par cette raison que nous avons intérêt à baisser plutôt
qu’à augmenter les droits sur cette matière première, qui nous est encore
aujourd’hui indispensable, parce que les produits du petit nombre de nos
fabriques de soude sont loin de pouvoir suffire à notre consommation.
« Le droit de 6 fr. 32 c.
établi sur l’entrée de la soude en France se conçoit d’autant plus facilement,
que les fabriques de ce pays comme nous venons de le dire, en produisent non
seulement au-delà de tous les besoins mais en exportent considérablement ; vous
venez de voir ce qui en est quant à nous.
« En ce qui touche la
garance, il semble que les auteurs du mémoire aient voulu passer sous silence
qu’elle nous vient d’Avignon, de l’Alsace, et que, loin d’avoir une condition
égale, sous le rapport de cette matière colorante d’une importante
consommation, le fabricant belge est obligé, non seulement de payer le droit
d’entrée établi chez nous, mais encore des frais considérables de transport,
auxquels l’industriel français est absolument étranger, puisqu’il trouve cette
précieuse couleur dans son propre pays, et que les 13 fr. 20 c. les 50 kilog. ne sont autre chose qu’un droit protecteur pour le fabricant
de garance de France, qui n’est nullement payé par l’industriel de ce pays.
« Nous ne continuerons
plus à signaler les erreurs dont ce mémoire fourmille, notamment encore quant
au prix de la main-d’œuvre. Nous payons à Bruxelles de 2 fr. 25 c. à 4 fr. les
imprimeurs auxquels on n’attribue dans ce document qu’un salaire de 1 fr. 25 c.
à 2 fr. Il nous suffira donc d’avoir démontré qu’il part de fausses bases, et
qu’en admettant que nos prix de revient fussent inférieurs à ceux de nos
voisins, il resterait vrai que nous ne pourrions soutenir leur concurrence,
parce que le coût de la marchandise étant toujours en raison de la quantité
fabriquée, les frais généraux du fabricant belge retomberaient sur des produits
alimentant une consommation de quatre millions d’habitants, tandis que ceux du
fabricant français, par exemple, se répartiraient sur une consommation de plus
de trente millions, en supposant même, très gratuitement, que l’industriel du
dernier pays n’eût pas plus de débouchés extérieurs que celui du
premier. »
Reconnaissant donc que
l’industrie cotonnière a besoin d’une protection si on veut la conserver dans
le pays, on ne peut être partagé que sur celle qu’elle doit recevoir.
Messieurs, je n’entrerai point
dans de grands développements pour vous démontrer que les moyens de protection
que contient le projet qui vous est présenté, sont ceux dont l’industrie a
réellement besoin ; je me bornerai à vous dire que les articles de ce projet
sont pris, je peux dire, littéralement de l’interrogatoire d’un industriel
français, qui a figuré avec un certain éclat dans l’enquête de son pays,
puisque lui seul entre les industriels avait parlé pour modifier les mesures de
prohibition. Oui, messieurs, ils sont littéralement empruntés à ce même
interrogatoire que nos adversaires ont, avec empressement, fait imprimer dans
un cahier à part, et distribué aux membres de cette chambre, celui de M.
Koechlin, qui, comme vous le savez, a un double établissement, un en Suisse et
un autre en France.
Voici la déclaration que fait
cet industriel, en cas que la prohibition serait levée en France, sur ce dont
alors l’industrie aurait besoin pour pouvoir lutter contre la concurrence
étrangère :
« 1° Que les cotons filés
fussent admis au droit de 25 p. c. au plus. ;
« 2° Que l’admission des
tissus ne comment qu’une année après celle des cotons filés ;
« 3° Que le droit sur les
tissus étrangers fût de 25 p. c. et vînt décroître de 1 pour cent pour au bout
de 10 ans rester à 15 pour cent ;
« 4° Que le droit fût
établi sur le poids combiné avec la valeur moyenne des articles en France, par
conséquent par catégorie ; le droit étant alors le même sur la marchandise
courante comme sur les rebuts, ces derniers seraient rarement introduits.
« Les chambres de
commerce seraient appelées à établir le nombre des catégories nécessaires pour
les différentes qualités.
« 5° Lors de
l’acquittement des marchandises, il serait apposé des marques et un numéro
d’ordre, même le nom du bureau, et le commerce devrait être tenu de n’entamer
les tissus que d’un bout de la pièce, afin que l’autre restât muni de la marque
;
« 6° Que l’on conservât à
l’administration des douanes le droit de visite et de saisie dans
l’intérieur. »
Alors le même industriel,
répond ainsi à une autre question qui est celle-ci :
« D. Avons-nous en
France, sous tous les rapports, les mêmes moyens d’exécution que les Anglais,
et nos machines à imprimer sont-elles aussi perfectionnées que les leurs ? - R.
Pour les dessins compliqués, les genres riches, l’invention des couleurs,
notamment l’enluminage sur fond rouge Andrinople et
le bon goût,
En répondant ainsi, M.
Koechlin ne reconnaît-il pas formellement que pour les impressions communes on
ne peut nulle part lutter contre les Anglais pour le bas pris et notre
proposition n’est-elle pas écrite dans cet interrogatoire ?
De la manière chaleureuse dont
la discussion a lieu, on dirait que la proposition va faire une révolution
complète dans le commerce et l’industrie du pays, et que c’est chose toute
neuve qu’on lui présente.
Mais, messieurs, vous ne
pouvez l’ignorer, et je viens de suite de vous le démontrer, que toujours
Si le Belge a toujours aimé la
liberté et son indépendance, il les a conçues de la manière que les Anglais
l’ont toujours entendu, qu’il fallait pour les conserver et se mettre à l’abri
du despotisme, porter l’aisance dans la classe prolétaire et ne jamais laisser
manquer du travail à l’ouvrier, qu’il fallait protéger l’industrie et préserver
le pays contre les étrangers qui viendraient enlever sa main-d’œuvre.
Et pourriez-vous prétendre, messieurs,
que votre tarif actuel est vierge de prohibitions et droits élevés ? Vous ne
pouvez ignorer que les divers sels et acides, huile de vitriol, les teintures,
boissons distillées d’origine française, draps et casimirs de même origine, les
papiers, le sirop mélasse, sirop de sucre, pipes à fumer, verres et verreries
de toutes sortes, d’origine française, sont prohibés à l’entrée, et que la
houille et la chaux, les fers ouvrés et les clous paient à l’entrée des droits
qui équivalent à une prohibition ; qu’à la sortie sont aussi prohibés les
cercles d’osier, cendres de savonnerie et de salines, les vieux cordages,
rognures de cuir, le cuivre, les drilles et chiffons, l’eau régale, divers
engrais, le minerai de fer, la mitraille et les vieux clous, verres cassés ou
groisil, les pierres à chaux et divers autres objets que le tarif indique. Non
pas que je veuille critiquer ces mesures, au contraire j’y applaudis de tout
mon cœur, et je me réjouis qu’elles font prospérer les branches d’industrie
auxquelles elles s’attachent.
Mais peut-être qu’on dira que
s’il est vrai que ces mesures prohibitives existent dans nos douanes actuelles,
du moins elles n’ont point ces moyens extrêmes d’exécution de l’estampille et
de la recherche dans l’intérieur. Je crois que la raison en est palpable et
qu’on verra de suite que plusieurs des objets prohibés dans le tarif actuel
n’ont pas besoin de ces moyens d’exécution pour être scrupuleusement exécutés,
car certainement la douane n’a pas besoin de la marque pour empêcher l’entrée
frauduleuse du charbon de terre. De la chaux, du fer, etc., etc. et je crois
que si c’étaient des objets faciles à frauder, on demanderait aussi des moyens
efficaces pour en empêcher la fraude, et on aurait raison de le faire.
J’aurais aimé que l’honorable
député du district de Charleroy, qui a prononcé ce discours, écrit avec tant de
talent et d’élégance, eût plus directement traité la matière et nous eût
expliqué comment il se fait qu’il se déclare si fortement contre la protection
qu’on demande pour l’industrie cotonnière, tandis qu’il voit sous ses yeux
employées les plus fortes mesures pour protéger diverses branches importantes
de son district et à la prospérité desquelles cette brillante contrée doit ses
immenses richesses.
Il nous a très éloquemment
développé une fraction du système économique de Say, mais je ne sais pas si en
lisant tout entier le livre de cet économiste, on ne pourrait pas facilement
démontrer que les raisonnements et les conclusions de Jean-Baptiste Say, sur
l’économie politique, combattent victorieusement le discours de M. Jean Pirmez.
Car Say n’a fait que copier
son prédécesseur, Adam Smith, et vous trouverez, messieurs, que le système de
cet économiste anglais est conforme à celui que nous proclamons, que la
véritable richesse d’une nation est dans le travail, que cette source de
bonheur et d’aisance ne peut pour la tranquillité d’un pays ne jamais être
tarie, et que s’il est vrai que les populations nombreuses font la prospérité
des royaumes, ce ne peut être que parce qu’elles leur procurent une plus grande
somme de travail et de production.
A côté de la théorie de
Jean-Baptiste Say, vous me permettrez que je vous communique ce que pense à
l’égard de la prohibition qu’on doit à l’industrie d’un pays, un des plus
habiles ministres de l’intérieur que nous ayons eus sous l’empire, et auquel à
sa qualité de grand homme d’Etat on peut ajouter celle de savant distingué et
particulièrement dans des branches de la science qui touchaient le plus près à
l’objet que nous traitons ; c’est un extrait de l’ouvrage de Chaptal sur
l’industrie française que je veux vous citer.
« Admettre le principe de
la prohibition comme base de législation des douanes, serait un acte
d’hostilité envers des nations qui ne prohibent point.
« Adopter ce principe avec
ménagement contre les navires qui prohibent, c’est user d’un simple droit de
représailles.
« Prononcer la
prohibition dans les cas très rares où un objet très important d’industrie ne
peut pas soutenir la concurrence par le seul secours des droits, est une
nécessité, lorsque la nation a un grand intérêt à s’approprier et à consolider
ce genre de fabrication. »
C’est dans ces principes
établis par Chaptal, que nous avons puisé le projet de loi qui vous est
présenté.
Et voici les motifs pour
lesquels cet habile ministre a déclaré que c’était le seul système que
« Si les nations ne
s’étaient pas écartées de leur véritable destination, dit-il, si chacune
d’elles s’était bornée à fonder sa prospérité sur la portion d’héritage dont la
nature l’avait dotée, le commerce des échanges serait régulier, les diverses
productions de l’industrie auraient une patrie comme celles du sol, et les
produits de tous les pays seraient répartis naturellement entre toutes les
nations, en raison des besoins ; mais on s’est jeté imprudemment hors de la
ligne qu’avait tracée, pour chaque peuple, le régulateur suprême de nos
destinées ; on n’a plus consulté la différence de position, la nature du sol,
le caractère des habitants, la variété des climats, etc., etc. ; on a voulu
tout concentrer, tout fabriquer sur chaque point du globe.
« Comme les principes
immuables de la nature ne se plient point aux caprices des hommes, on n’a pas
tardé à s’apercevoir qu’on s’était ouvert une fausse route ; on a eu à vaincre
toutes les difficultés auxquelles on ne peut échapper en se plaçant dans une
fausse position ; et pour conserver l’industrie qu’on venait de créer, il a
fallu recourir à des moyens extrêmes et prononcer la prohibition des produits
étrangers.
« L’Angleterre en a donné
l’exemple et elle a entraîné presque toutes les nations ; aujourd’hui nous
sommes obligés d’imiter la conduite de nos voisins et user de représailles.
C’est peut-être le seul moyen que puisse employer une nation opulente et
industrielle, comme l’est
Messieurs, j’aurais encore
bien longtemps à parler si je pouvais m’occuper en détail à vous faire voir
combien sont erronées les nombreux faits qui vous ont été allégués par
l’honorable député d’Anvers, mais comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, vous
pouvez en trouver une réfutation complète dans le mémoire que les fabricants
ont fait en réponse à celui des négociants et où ce membre a puisé ses faits.
Cependant je n’en puis laisser
passer un de la plus haute importance et qui est aussi de la plus grande
inexactitude, c’est quand il a avancé que les fabricants font des expéditions
en Hollande, je voudrais que l’honorable
membre nous indique ce fabricant, je crois que ce serait difficile à lui, mais
de mon côté je pense qu’il me serait plus facile de lui démontrer le contraire
et lui prouver que les expéditions sont nulles ; je ne lui en citerai qu’un
seul exemple : il y a deux ans la fabrique de Servaes,
à Alost, exploitait avec un certain avantage ses étoffes en Hollande où elle a
une maison de commerce, et particulièrement les impressions de la couleur bleu
lapis, dans lesquelles elle excelle ; les Anglais s’apercevant que la maison Servaes avait un grand débit d’indiennes de sa fabrique à
Amsterdam, et voulant l’arrêter, a envoyé sur cette place une si énorme
quantité d’impressions de la même espèce et les a vendues à un si vil prix, que
le débit d’Alost a totalement cessé et que ces expéditions sont dans ce moment
nulles pour
La même erreur existe dans ce
que M. Smits a avancé à l’égard des soldes de magasin ou des in globo que les étrangers n’enverraient point dans le pays
pour gâter le marché de nos produits indigènes et faire tort à nos fabriques ;
mais, messieurs, consultez tous ceux que vous voulez, le négociant, le
fabricant, le boutiquier, en France comme en Belgique, tous vous diront et vous
prouveront que ce fait que M. Smits voudrait nier n’existe que trop réellement,
et que ce sont les in globo et soldes de magasin, les
principales causes que nos fabriques ne puissent lutter coutre la concurrence
étrangère.
C’est vraiment étonnant et je
ne saurais assez le dire, que ce que tout le pays connaît, que le bureau de
commerce et d’industrie n’en est aucunement informé.
Et d’ailleurs, messieurs, vous
en avez une preuve convaincante dans toutes les démarches que les négociants
d’indiennes étrangères ne cessent de faire et par les moyens qu’ils emploient
pour arrêter les mesures que les fabricants du pays implorent depuis cinq ans,
pour pouvoir rester dans leur patrie et subsister de leur industrie.
Messieurs, j’ai encore à
répondre à une objection qui est celle des représailles, que nous aurions à
craindre de la part des gouvernements étrangers, si nous mettions à exécution
ces mesures de protection que l’industrie cotonnière implore.
Quant à l’Angleterre et à
Les armes, la houille, la
fonte, les toiles, le bétail, etc., etc., qu’on envoie en France lui sont
indispensables et les industriels français réclament depuis longtemps qu’on
prenne des mesures pour qu’ils puissent se procurer plus vite de ces articles
sans entraves et au meilleur marché possible.
Je ne pense donc pas qu’un
système de représailles et de vengeance est celui qui sera adopté par ces deux
pays, et principalement par la raison que recevant d’eux plus que nous ne leur
vendons, il nous serait toujours possible de pousser de pareilles mesures plus
loin qu’eux.
D’ailleurs ce sont les
intérêts belges que nous devons soutenir et non pas ceux de l’étranger, et nous
montrerions une extrême faiblesse si nous nous laissons intimider par quelle
puissance que ce soit.
Imitons en ceci l’Angleterre
qui ne s’occupe jamais des autres nations. Quand ses intérêts commerciaux sont
en danger, elle les met toujours à couvert.
L’idée d’exportation domine
beaucoup trop dans tout ce qui a rapport à l’industrie du pays ; je dis que
cette idée domine trop, en ce qu’il paraît de la manière qu’on traite les questions,
que le commerce étranger mérite plus de considération que celui de l’intérieur.
Cependant s’il y a un point
sur lequel tous les grands écrivains de système d’économie politique sont le
plus d’accord, c’est celui que le commerce intérieur de chaque pays est sa
grande source de richesse et que son commerce extérieur n’est que secondaire.
L’industrie cotonnière en Angleterre est une bien grande preuve de la justesse
de cette assertion.
En 1833, cette industrie a produit
pour 34 millions de livres sterling, et elle a exporté pour
Je pense que ces chiffres
suffiront pour démontrer quel cas on doit faire du marché intérieur, et combien
d’instances on doit faire pour le conserver intact.
Messieurs, je crois donc que
la grandissime majorité de la chambre et surtout le gouvernement ne partagent
point l’idée de notre bureau de commerce et d’industrie, et qu’ils sont
unanimes sur les points que l’industrie cotonnière est en pleine souffrance, et
qu’on ne peut trop tôt lui porte secours. Nous pouvons entre nous être partagés
sur les moyens à employer pour donner ces secours, mais le gouvernement
instruit plus parfaitement de la chose et connaissant les difficultés d’arrêter
la contrebande ne peut pas mettre en doute que les moyens indiqués dans le
projet sont les seuls qu’on puisse employer avec quelque efficacité, et,
messieurs, je dois le déclarer, si vous ne les voulez pas de la loi, rejeter le
tout, les droits comme la prohibition, car vous ne ferez qu’empirer l’état
malheureux des fabriques de coton, et, pour mon compte, je les repousserai si
je ne puis obtenir les moyens d’exécution, car c’est un leurre qui se
présenteraient aux fabricants, qui achèverait la ruine de ceux qui en seraient
dupes, et je leur ferais administrer un remède qui serait pire que le mal.
Je ne parle cependant que des
indiennes ; pour ce qui concerne les bonneteries et les rubanneries, je crois
aussi que le projet doit subir des modifications. Pour la partie du tricot, nos
honorables collègues députés de Tournay pourront nous dire quels sont les
besoins de cette industrie.
Et j’ai été très étonné que l’honorable député de Tournay dans le
discours qu’il vient de prononcer n’ait pas dit un mot sur la branche
principale de l’industrie de sa ville et de son district ; il doit cependant
connaître l’état désastreux où elle se trouve, et elle vaut bien la peine, je
pense, que la chambre s’en occupe. Peut-être que l’honorable membre pense que
l’acte de navigation qu’il propose pourra la tirer de sa détresse et lui rendre
toute l’activité et l’importance qu’elle avait avant que les produits étrangers
qui s’introduisent dans le pays en si grande quantité, soient venus lui porter
un coup mortel. Pour mon compte, je ne puis avoir une telle confiance dans un
traité qui réglerait notre navigation maritime avec celle des étrangers, et je
vois que les Anglais, pour protéger leurs différentes branches d’industrie ont
à côté de l’acte de navigation de Cromwell, élevé de hauts droits et des
mesures prohibitives et que la France a fait de même quoiqu’elle eût aussi son
acte de navigation, protecteur de sa marine, établi par la loi du 21 septembre
1793.
M. Gendebien (pour une motion d’ordre.) -
Depuis trois jours on discute très savamment sans doute, comme s’il s’agissait
d’établir sérieusement un système complet de prohibition ou un système de
liberté illimitée de commerce. Je crois qu’il est inutile de discuter sur une
question qui n’est pas soumise sérieusement à la chambre, nous en sommes tous
convaincus. Je crois qu’en fait de théories nous ferons mieux de les étudier
dans le cabinet que de continuer de les développer en séance.
Je pense donc que l’on
pourrait clore la discussion générale et passer à la discussion des articles ;
ou si l’on veut, et si l’on croit que les systèmes de prohibition complète et
de liberté illimitée nous font sérieusement soumise, qu’on les mette aux voix ;
car je crois que la question est mûre sur ce point. Au reste, si les orateurs
des deux systèmes ont encore quelque chose à dire, ils le placeront dans la
discussion des articles. Je demande donc la clôture de la discussion générale.
(Appuyé ! appuyé !)
M.
Eloy de Burdinne. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Gendebien. Je crois que l’on ne
pourrait rien ajouter à ce qui a été dit. Mon tour de parler était je crois
venu. Mais je n’aurais fait que motiver non vote et me serais abstenu de longs
développements parce que réellement la matière est épuisée. J’aurais désiré
relever quelques erreurs échappées à d’honorables préopinants. Mais j’y
renonce, afin que la discussion puisse marcher plus rondement.
Je me réserve de faire dans la
discussion des articles une partie des observations que je m’étais proposé de
soumettre à la chambre dans la discussion générale.
M. Zoude, rapporteur.
- J’aurais désiré, en ma qualité de rapporteur, résumer la discussion.
M.
Dumortier. - Si c’est pour résumer les différentes opinions émises dans
l’assemblée, comme vous avez résumé celle de la chambre de commerce de Tournay,
ce n’est pas la peine.
M.
F. de Mérode. - Il me semble que l’on doit accorder la parole à
l’honorable rapporteur pour qu’il puisse répondre aux attaques dont son rapport
a été l’objet.
M.
Desmet. - Je demanderai si quelqu’un des ministres ne désire pas
prendre la parole dans la discussion générale.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Nous parlerons dans la discussion
sur les articles.
- La clôture de la discussion
générale et mise aux voix. Une épreuve est douteuse. L’épreuve est renouvelée.
La clôture n’est pas adoptée.
Plusieurs membres. -
A demain.
- La séance est levée à 4
heures et demie.