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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 8 septembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition de Cooremans
relative à son emprisonnement politique en Bavière
3)
Proposition de loi relative à l’industrie cotonnière. Politique commerciale du
gouvernement (Demonceau, Lardinois,
(+mesures de contrôle douanier, notamment estampille et visites domiciliaires)
(Desmaisières, de Theux, Rogier)
(Moniteur belge n°253, du 9 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M.
Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
M.
de Renesse lit l’analyse des pièces envoyées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le docteur Coremans demande que la chambre intervienne auprès du
gouvernement afin qu’il obtienne du gouvernement bavarois l’indemnité à
laquelle il a droit du chef des pertes qu’il a éprouvées par suite de son
emprisonnement en Bavière à cause de ses opinions politiques. »
________________
« L’administration du mont-de-pieté de Bruxelles possédant 46,000 florins de
certificats de domaines, dits los-renten, réclame de nouveau l’intérêt de 5 p
c. sur le capital de ses obligations. »
________________
« Le sieur M. Guillery,
né le 16 août 1793, à Versailles, habitant Liège, demande la naturalisation. »
________________
« Le sieur C. J. Deloose,
huissier à Mons, né à Zirickzee, demande la
naturalisation. »
________________
« Six sauniers de Bruxelles réclament une
nouvelle loi sur les sels. »
________________
« Plusieurs marchands et boutiquiers de
Gand proposent des modifications à la loi du 21 août 1816 sur les poids et
mesures. »
________________
- Renvoi à la commission
des pétitions chargée d’en faire le rapport.
________________
« Les fabricants de draps de Disco
(Verviers) réclament contre la proposition des représentants des Flandres,
relative à l’industrie cotonnière. »
________________
« Même réclamation de la chambre de
commerce de Verviers. »
________________
M.
le président. - Les deux dernières pétitions se rapportant au projet en
discussion resteront déposées sur le bureau.
M. Demonceau. - Il me semble qu’il
conviendrait de donner lecture de ces pétitions.
________________
M. Ch. Vilain XIIII informe la chambre
qu’un pressant intérêt de famille l’appelle dans le pays de Namur et qu’il se
hâtera de revenir à son poste mercredi.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A L’INDUSTRIE COTONNIERE
Discussion générale
M.
le président. - Nous passons à l’objet qui est â l’ordre du jour.
M. Demonceau a demandé la lecture
des pétitions relatives au projet en discussion. S’il n’y a pas d’opposition,
l’un de MM. les secrétaires va donner cette lecture.
M.
de Renesse donne lecture des deux pétitions suivantes : (suit le texte de ces deux pétitions, non
repris dans la présente version numérisée).
M.
le président. - La parole est à M.
Rogier.
M.
Rogier. - M. Lardinois ayant réclamé son tour, je le lui restitue.
M.
Lardinois. - Messieurs, il n’est pas de matière plus grave à examiner
pour le législateur que les questions de douanes, parce qu’elles ont un effet
immédiat sur la fortune des citoyens, ainsi que sur la richesse publique. La
responsabilité devient encore plus grande lorsqu’il s’agit de passer d’un
système libéral à un système répressif ; car alors elles sont appelées à
prononcer sur les intérêts les plus vitaux de la société.
Le projet de loi que nous
abordons, messieurs, a donc une portée immense. Ce n’est pas la question
cotonnière qui doit fixer notre attention dans ces débats, ce sont les
principes que vous allez poser comme bases du système futur qui doit régler les
tarifs de douanes de
Ami de mon pays, je
regrette qu’un pareil projet de loi soit présenté à la législature belge, parce
qu’il nous ravalera infailliblement aux yeux des étrangers, tandis que nous
avions grandi dans leur opinion par l’érection du chemin de fer. Cette marche
rétrograde s’explique lorsqu’on connaît toutes les menées qui ont assailli le
gouvernement et la représentation nationale depuis quatre ans. Si les
fabricants gantois étaient aussi actifs dans l’administration intérieure de
leurs établissements qu’ils sont adroits et persévérants à poursuivre les
monopoles, les privilèges et les faveurs de tous genres, ils deviendraient sans
contredit les premiers industriels du monde. Mais la discussion doit faire
jaillir la vérité, et j’espère que la chambre ne se laissera pas fasciner par
un système d’exagérations révoltantes, par une prétendue détresse et une ruine
prochaine qui n’arrivera pas.
Ce préambule annonce assez,
messieurs, que je viens combattre les gros droits, la prohibition, l’estampille
et les visites domiciliaires. Mais au préalable, il est indispensable que je
réfute une objection qui m’a été faite plusieurs fois, et qu’on n’a pas manqué
de reproduire dans la séance d’hier, à savoir que les draps français sont
prohibés à l’entrée en Belgique.
Le fait est exact. Le roi
Guillaume, irrité des mesures hostiles de
En fait de draperie, la
concurrence que Verviers craint n’est pas du côté de
Les divers ministères qui
se sont succédé depuis la révolution, n’ont jamais formulé de système de
douanes. Je ne les en blâme pas, car je pense que cette force d’inertie a mieux
servi les intérêts matériels du pays que ne l’ont fait des combinaisons plus ou
moins hasardées. Mais comme un grand nombre de députés des Flandres ont pris
l’initiative, il est peut-être opportun que le cabinet se prononce
catégoriquement. Je désire que le gouvernement adopte pour règle le tarif
actuel et qu’il déclare que les industries qui ne peuvent lutter contre la
concurrence étrangère avec un avantage de 10, 20 et quelquefois 30 p. c. ne
méritent aucun intérêt et qu’elles doivent être abandonnées à leur sort.
Imposer les produits étrangers à des droits plus élevés, ce n’est plus protéger
telle ou telle branche d’industrie, mais pressurer la consommation, favoriser
la fraude, l’apathie et l’incapacité.
Démontrer cette
proposition, c’est réfuter le projet de la section centrale, et c’est ce que je
me propose de faire aussi brièvement que la question le comporte.
Examinons quelle a été
l’influence de ces lois sur la prospérité et les progrès industriels de ces
peuples.
L’Angleterre est arrivée au
maximum de la puissance commerciale et industrielle. Les richesses qu’elle a
acquises lui donnent une force immense qui lui permet de dominer la politique
de l’Europe mieux éclairée. Depuis longtemps, son but est d’arriver à la
liberté commerciale, et déjà en 1823 le parlement anglais adopta un bill par
lequel il déclara que
Ils attribuent à ce système
la prospérité dé cette nation qui a accumulé pendant ce temps de grandes
richesses. Cette opinion est à mon avis erronée, et il est plus vrai de dire
que le peuple anglais a prospéré malgré le régime prohibitif, parce qu’il
pouvait exploiter les marchés du monde entier, qu’il jouissait d’une
constitution libérale, que la liberté individuelle était respectée, que les
capitaux ne manquaient jamais pour seconder les entreprises sagement combinées
; enfin par une infinité de causes et de circonstances heureuses qu’il serait
oiseux de développer.
Le gouvernement français
comprend bien cette position, et il voudrait pouvoir lever les obstacles qui
enchaînent le génie et le travail ; mais les lois prohibitives ont créé des
intérêts et des droits qui opposent, pour le moment, une résistance invincible
à tout changement notable. Néanmoins, comme l’opinion publique s’éclaire chaque
jour davantage, le gouvernement procède par petites améliorations en attendant
qu’il puisse réaliser la destruction graduelle des monopoles industriels.
Je ne m’arrêterai pas à
Maintenant, venons à
Ce n’est pas certainement
Si vous y touchez, c’est
notre ruine, nous devons fermer nos ateliers, renvoyer nos ouvriers lors même
que vous la remplaceriez par des droits restrictifs, parce que nous ne
manquerions pas d’être inondés de fabricats anglais et belges, et les négociants
de ces pays sont capables de sacrifier cinq cents millions pour envahir notre
marché intérieur. Tel est, messieurs, le langage des industriels français en
face de la nation. A part leurs craintes exagérées, ce langage a quelque chose
de vrai ; mais ils ne doivent s’en prendre qu’à leur mauvais système de douanes
qui les tient arriérés des progrès des autres peuples.
Les conséquences de la
prohibition et des monopoles n’ont-elles pas de quoi révolter tout homme
généreux ? Ne blessent-elles pas la justice et la raison ? Imaginez -vous un
principe plus absurde que d’imposer la moitié d’une nation en faveur de l’autre
moitié dans la vue de lui faire employer ses capitaux à telle ou telle
industrie ? Les sacrifices qui en résultent sont incalculables et je ne serais
pas surpris si on évaluait à un milliard la différence que les consommateurs
paient aux producteurs français et au fisc.
L’enquête française n’est
pas seulement une leçon pour
Plusieurs industriels
français ont annoncé la ruine prochaine de notre industrie, par suite de la
perte de quelques-uns de nos débouchés. Heureusement que nous pouvons appeler
de leur sentence, faire mentir leur prophétie, et je ne doute pas que nous leur
prouvions que nos industries agricoles et manufacturières ont des racines
autrement profondes que celles qui ne poussent et ne se soutiennent qu’à l’aide
de monopoles et de privilèges de toute nature.
La politique commerciale du
gouvernement et des chambres doit être de procurer à la nation la plus grande
somme de bien-être possible. Deux systèmes se présentent, le système prohibitif
et des droits restrictifs, et le système libéral.
Nous sommes régis par un
tarif semi-libéral ; je demanderai si l’industrie belge a tant à se plaindre de
la concurrence étrangère, et si nos manufactures, notre commerce de détail ne
sont pas généralement parlant en pleine activité ? Vous objectez que plusieurs
industries souffrent ; j’en conviens, mais sommes-nous plus souffrants, plus à
plaindre que les fabricants français qui jouissent du système prohibitif ? Je
dis que non. Au contraire, nous sommes dans une position plus heureuse,
infiniment moins anomale. Notre richesse nationale est plus réelle, mieux
répartie que dans aucun autre pays, et si vous en voulez une preuve, il me
suffira de vous rappeler que la révolution de juillet a entraîné
Sous le point de vue
purement politique le régime prohibitif est encore un grand mal, en ce qu’il
détruit les relations de peuple à peuple, qu’il affaiblit les liens politiques
lorsqu’il ne les brise pas ; et à cette occasion je ne puis me dispenser de
rappeler à votre souvenir les notes de nos alliés ;
Depuis 1820 l’industrie
belge a marché à pas de géants. Nous avons fait des progrès dans toutes les
branches, et il faut bien le dire puisqu’on nous y force, nous ne trouvons de
rivaux qu’en Angleterre, et encore pour quelques industries seulement. Et
pourquoi donc en serait-il autrement ? Avons-nous moins de génie et sommes-nous
moins laborieux que le peuple anglais ? Nos richesses minérales, la houille, le
fer, nos moyens de communications, nos capitaux sont-ils insuffisants ?
Payons-nous plus cher les matières premières ? Notre main-d’œuvre n’est-elle
pas beaucoup à meilleur marché ? Ne jouissons-nous pas de toutes les libertés
qu’un peuple raisonnable puisse ambitionner ? Répondez ! Ah ! je le sais,
l’Angleterre a quelques avantages sur nous.
D’abord sa position
topographique et sa marine qui lui permettent de communiquer facilement et avec
toute sécurité avec les marchés de l’univers ; il y a plus de savoir, plus
d’expérience et de perfection dans la construction des machines ; la production
est établie sur une plus grande échelle ; la division du travail y est
pratiquée, ce qui rend les ouvriers plus habiles ; et enfin l’accumulation
énorme des capitaux. Au moyen de tous ces avantages on peut produire mieux et à
meilleur marché, mais il n’y a que le temps et le travail qui peuvent les
procurer, et avec le système prohibitif
La production agricole,
minérale et manufacturière excède de beaucoup la consommation intérieure.
J’estime notre superflu à 200 millions que nous devons exporter, si nous ne
voulons pas perdre cette valeur. Or, pour exporter nos produits, il nous faut
recevoir ceux de l’étranger, à moins que nous ne nous décidions à les donner
pour rien, ce que, je pense, personne n’est tenté de faire.
Un principe d’une vérité
triviale et que les partisans de la prohibition semblent toujours méconnaître,
c’est qu’il ne peut y avoir d’importations sans exportations. Ils insinuent que
recevoir les produits étrangers c’est s’appauvrir de toute la façon ajoutée à
la matière première, comme si les valeurs que nous donnons en échange n’avaient
subi aucune transformation. D’ailleurs le commerce des nations entre elles ne
se fait qu’autant que les avantages sont à peu près balancés soit directement
ou indirectement.
C’est principalement contre
Remarquez, messieurs, la prudence qui dirige nos
prohibitionnistes. Je ne vous parlerai pas de l’intérêt qu’à
Dans ce commerce international je ne porte pas en
ligne de compte la valeur des articles introduits en fraude, laquelle est
considérable de part et d’autre. D’ailleurs, une pareille supputation ne peut
jamais être exacte. Vous avez pu en juger lorsque deux orateurs ont élevé, à
plaisir, la fraude de tissus de coton à la somme de 32 millions.
Parmi les articles que nous exportons pour
Et si par des lois restrictives vous anéantissez ce
commerce, ou même si vous ne faites que le diminuer, quelle compensation
accorderez-vous aux producteurs de houille, de fer et de toile ? Vainement vous
prétendez que
Et
Je vous prie, messieurs, de comparer les droits des
industriels dont je vous entretiens, avec les prétentions des fabricants de
coton et de leurs organes. Dans la séance d’hier, vous avez entendu des
orateurs vouloir rendre la nation responsable de tous les malheurs que la
révolution a entraînés. L’on vous a dit que des indemnités sont dues à
l’industrie cotonnière, au même titre qu’à ceux qui ont perdu par les événements
de septembre ; l’autre demande si nous ne devons pas soutenir la prospérité
gantoise, parce qu’elle fut un des abus du roi Guillaume ; enfin, un troisième
soutient que la seule industrie cotonnière reste à protéger et qu’elle ne
réclame qu’un droit imprescriptible. Il faut qu’une cause soit bien mauvaise
lorsqu’on veut la faire triompher avec des arguments de cette force.
Dans chaque mémoire, dans chaque discours on
s’écrie : Ne ferez-vous rien pour l’industrie cotonnière ? Je comprends ce cri
arraché aux manufacturiers en général, car ils sont à plaindre, surtout ceux
qui ne commandent pas à de grands capitaux. Leur vie est sans repos, ils
doivent perfectionner sans cesse, étudier, essayer et risquer des avances pour
n’obtenir que des bénéfices médiocres que souvent la première tempête politique
nous enlève. Cette classe de citoyens mérite donc toute la sollicitude du
gouvernement et toute la sympathie publique, ne fût-ce qu’à cause du travail
qu’elle procure à la classe nombreuse des prolétaires. Mais je le répète, c’est
une funeste pensée que de vouloir faire dépendre de mesures législatives
l’avenir de l’industrie.
Cependant je n’admets pas des principes absolus en
matière de douanes. Les maximes générales d’économie politique sont rarement
mises en pratique, parce que les hommes d’Etat rencontrent des difficultés et
des exceptions que les auteurs n’ont pas prévues. Lorsque dans un pays
l’industrie est naissante, je conçois qu’un gouvernement soit obligé de faire
des lois pour la favoriser et lui faciliter un certain avantage sur les
produits des manufactures étrangères ; mais lorsque l’industrie, comme en
Belgique, a pris de grands développements, et qu’elle est arrivée â ce point de
produire au-delà des besoins de la consommation intérieure, alors il y aurait
injustice et ineptie de formuler des lois répulsives pour empêcher son superflu
par le commerce extérieur. Il faut au contraire chercher à multiplier les
exportations qui sont la grande source des richesses publiques.
Sous le système continental toutes les manufactures
prospéraient et notamment celles implantées sur le sol de
En 1814 les fabricants de Verviers perdirent une
grande partie des débouchés qu’ils possédaient sous l’empire. Ils se trouvèrent
en présence de capitaux engagés dans des bâtiments et des machines et d’une
population ouvrière qu’il fallait nourrir. Produire était facile, mais trouver
la vente des produits était très difficile ; car toutes les anciennes relations
étaient à peu anéanties.
On comprit de bonne heure que les regrets, les
doléances et les récriminations ne pouvaient remédier à un si grand malheur :
alors les industriels examinèrent leur position et étudièrent les ressources
que le nouvel état de choses pouvait amener.
Chaque fabricant se creusa l’imagination pour se
procurer des débouchés, et plus on rencontrait d’obstacles, plus on faisait
d’efforts pour économiser et produire à bon marché, afin d’agrandir le cercle
de la consommation. On fit irruption en Angleterre pour connaître son système
de fabrication, et on en rapporta des machines plus perfectionnées et même des
mécaniques dont on n’avait pas une idée sur le continent et au moyen desquelles
les manipulations devenaient moins coûteuses. Le succès a couronné ces efforts
; mais vous concevez que le nouvel édifice a été bâti sur des ruines et que des
peines et des sacrifices de tous genres ont dû se faire pour atteindre le
progrès qui permet de vendre à 15 francs l’aune de drap qui en valait 25
pendant notre réunion à
Ces détails, messieurs, peuvent paraître fastidieux
; néanmoins je pense qu’on peut en tirer des conséquences sérieuses et
applicables à la question actuelle.
Deux défenseurs du projet de loi vous ont donné la
statistique de l’industrie cotonnière. Il auraient bien dû se mettre d’accord,
car ils ne se rencontrent ni sur les chiffres, ni sur les faits. L’honorable
rapporteur vous disait qu’il existait à Gand avant la révolution 65
établissements destinés à l’industrie cotonnière, dont 22 en activité complète,
24 en activité irrégulière, 10 inactifs et 9 qui ont passé la frontière ;
tandis que l’honorable gouverneur de Gand élève seulement le nombre de
fabriques à 59, dont 44 en activité, 12 en non-activité et 3 qui sont passés à
l’étranger.
Au reste, toutes ces assertions n’ont qu’un but,
c’est de prouver que l’industrie cotonnière est souffrante, ce que nous
n’ignorons pas ; mais conclure de là à la détresse, à la ruine de cette
industrie, n’est ni logique ni exact, car vous savez fort bien, et l’honorable
M. Smits vous l’a dit encore hier, que depuis la révolution les fabriques de
coton s’étendent puisque 14 machines à vapeur de plus ont été placées pour
donner le mouvement à ces établissements.
L’honorable M. Manilius repousse, lui, les
monopoles et les privilèges ; il ne demande qu’un juste droit et il se
contentera de la prohibition et des droits prohibitifs. Messieurs, je discute
en courant, parce qu’il y a trop de choses à dire sur l’ensemble du projet,
mais nous pourrons peut-être entrer dans plus de détails lors de la discussion
des articles, et alors je reproduirai sous les yeux de la chambre le tableau
des faveur qui ont abondé avant et après la révolution sur l’industrie
cotonnière. Je m’arrêterai aussi sur la dernière société formée pour
l’exportation des produits cotonniers, pour laquelle le gouvernement a donné un
subside de 350,000 francs, qui seront acquis aux plus adroits et au détriment
des fabricants qui avaient réellement besoin d’un secours.
Les exagérations n’ont pas manqué pour prouver,
tantôt l’importance, tantôt le grand nombre d’ouvriers qu’elle occupe, tantôt
les succès de sa fabrication et tantôt la grande consommation, un jour estimée
à 10 fr. par individu et l’autre jour à 17 fr. Tâchons un peu de trouver la
vérité à travers ces mille contradictions.
Avec ce poids, vous ne pouvez confectionner en
calicots, an raison de 8 kil. pour 100 aunes et 35 francs pour cette longueur,
que pour une somme de 20,687,500 fr.
Ajoutez : pour teinture et frais d’impression, 6,312,500 fr. ; pour frais généraux, 3,000,000 fr. ; pour
intérêts des capitaux employés et dégradation des bâtiments et ustensiles,
4,000,000 fr. ; pour bénéfice des fabricants, 3,000,000 fr.
Je trouve un total de 37,000,000 fr.
Je ne prétends pas garantir l’exactitude de ce
calcul, mais je l’ai établi sur des chiffres qui m’ont été donnés par un
fabricant à la commission d’industrie. En tout cas, il ne doit pas exister une
grande différence avec la production réelle qui s’élève tout au plus à une
valeur de 40,000,000 de francs.
Maintenant que penser du calcul produit par les
fabricants dans leur pétition du 23 décembre 1833 et par lequel ils font monter
la production à 83,200,000 fr. ? A la vérité ils se
basent sur une importation de 8,361,000 kilos de coton en laine, tandis que les
plus forts arrivages qui ont eu lieu en 1833 ne donnent qu’un chiffre de
Pour faire ronfler l’importance de la main-d’œuvre,
on ne vous parle que de 300,000 ouvriers employés à la fabrication des tissus
de coton. Eh bien, en admettant que les deux tiers de la valeur de la
production appartiennent à la main-d’œuvre, vous aurez pour salaire 25,000,000
environ, ce qui ne peut représenter plus de 85,000 ouvriers, à raison d’un
franc, terme moyen, par journée de douze heures de travail, pour enfants,
femmes et hommes.
J’estime que la consommation annuelle de
Il est donc nécessaire que l’industrie cotonnière
trouve à l’extérieur un débouché pour écouler son excédant de dix millions. A
la vérité elle a conservé en grande partie de débouché de
En résumé, messieurs, vous aurez beau établir la
prohibition et vouloir la soutenir par des mesures sévères, vous ne parviendrez
qu’à nuire à l’industrie, aux consommateurs et au trésor. Les bas prix
pénètrent à travers les lois et les lignes de douanes. C’est une vérité
déplorable qu’attestent les faits de chaque jour.
Pour parer aux inconvénients de leur position, les
fabricants cotonniers doivent se pénétrer que la prospérité d’une industrie
dépend moins de la perfection des machines que de la bonne administration des
manufactures ; que l’ordre, l’économie, la surveillance sont les premiers
éléments du succès d’une entreprise industrielle.
Deux conditions essentielles sont attachées à la
production : la plus grande perfection possible et le bon marché. Lorsqu’un
produit réunit ces avantages, le fabricant est presque certain de trouver des
consommateurs et des bénéfices. Les faits ont constaté depuis longtemps que la
consommation d’un article augmente toujours en proportion du bon marché. C’est
une vérité que les manufactures ne devraient jamais perdre de vue ; ainsi il
importe de combiner toutes les opérations d’un établissement quelconque, de
manière à produire au prix le plus bas possible.
Une malheureuse disposition des esprits qu’il est
important de signaler et qu’amène la concurrence, c’est qu’en général dans les
endroits de fabriques on n’apprécie pas assez l’utilité des grandes
manufactures et l’influence salutaire qu’elles exercent sur l’industrie. En
Angleterre comme en France, en Belgique comme en Prusse, la rivalité et la
jalousie aveuglent et divisent souvent les industriels. Il résulte de ce défaut
d’harmonie un isolement complet qui s’oppose à la communication des idées
utiles et au développement de l’esprit d’entreprise. Cet état de choses est une
plaie sociale pour les villes manufacturières.
Vous me permettrez, messieurs, de citer à cette
occasion le passage d’un rapport qui a été fait en 1806 à la chambre des communes
par le comité du commerce de laines. Je le fais sans arrière-pensée ; mais je
désire qu’il soit médité et qu’il profite aux industriels de Gand, aussi bien
qu’à ceux de Verviers et d’autres ville du royaume, afin qu’il y règne plus de
confiance et de bienveillance parmi des hommes si utiles à la société.
« Votre comité a la satisfaction de pouvoir
déclarer que les craintes auxquelles a donné lieu l’agglomération de la
fabrication des lainages sont matériellement erronées et son opinion est telle
à cet égard qu’il est prêt à recommander des principes diamétralement opposés.
Il ne serait pas difficile de prouver que l’existence de manufactures d’une
certaine étendue est aujourd’hui tout à fait indispensable au bien-être de la
fabrication disséminée ; en ce sens, qu’elle tend à pallier les inconvénients
tout particuliers que présente le système de la dissémination. Il est évident,
en effet, que le petit fabricant ne saurait se livrer comme celui qui possède
de grands capitaux, aux expériences que réclame le progrès des arts, et se
trouve hors d’état de supporter les pertes inséparables de toute tentatives de
créer un produit nouveau.
« Il ne peut aller s’assurer par lui-même des
besoins et des habitudes des contrées étrangères ; et il est également obligé
de s’en rapporter à autrui sur l’état des arts et des manufactures, et sur la
marche des perfectionnements, dans les mêmes pays. Il lui faut de l’activité,
de l’économie, de la prudence. Mais l’invention, le goût et l’esprit d
entreprise ne sont pas de son domaine, et il ne saurait s’exposer à la perte
d’aucune portion de son faible capital. Sa carrière, en un mot, est assurée,
tant qu’il suit les routes battues et il a tout à risquer, s’il s’engage dans
les voies de la spéculation.
« Le chef d’une grande manufacture, au
contraire, disposant ordinairement d’un capital considérable et tenant tous ses
ouvriers réunis sous la main, peut tenter impunément le hasard des essais et
des spéculations. Il peut chercher des méthodes plus promptes et meilleures
pour l’exécution des procédés connus. Il peut créer des produits nouveaux, et
perfectionner les anciens produits. Il peut enfin faire une large part à son
imagination, et parvenir à l’honneur d’avoir à lui seul donné aux
manufacturiers de son pays les moyens de soutenir la compétition étrangère. Ce
qui est surtout digne de remarque, et ce que l’expérience prouve chaque jour,
c’est que les inventions nouvelles, une fois que le succès est constaté, sont
adoptées par la généralité des producteurs, et qu’ainsi la formation des
grandes manufactures finit par profiter à ceux mêmes dont elles ont le plus
excité la jalousie.
« On pourrait invoquer à l’appui de ces
considérations l’histoire de presque toutes nos industries. On y verrait que
les immenses progrès que nous avons faits dans le cours des dernières années
ont coûté des sommes énormes, et n’ont été quelquefois obtenus qu’après une
foule d’essais improductifs. Il y a d’ailleurs un fait à la connaissance de
tout le monde, c’est que les chefs des manufactures peuvent être souvent
comptés au nombre des plus forts acheteurs sur les marchés où les particuliers
apportent leurs produits. Pour les articles, en effet, dont la fabrication est
bien connue, les manufacturiers n’hésitent pas à se pourvoir auprès des petits
fabricants, et ils trouvent même dans cette combinaison la possibilité
d’exécuter plus rapidement les ordres qu’ils reçoivent.
« Mais quand il s’agit d’articles de
fantaisie, c’est-à-dire d’articles plus nouveaux, plus chers et plus difficiles
à faire, ils ont d’autant plus de profit à les établir dans l’enceinte même de
leur établissement et sous leur continuelle surveillance, que le recours qu’ils
ont eu aux petits fabricants pour la fourniture d’un autre genre de
marchandises a laissé à leur disposition une plus grande quantité de capitaux.
C’est ainsi que les deux systèmes, bien loin de se nuire, se prêtent un mutuel
secours, et concourent à la prospérité l’un de l’autre en apportant
réciproquement un palliatif à leurs défectuosités respectives. »
J’espère, messieurs, que les séances d’hier et
d’aujourd’hui auront suffi pour battre en brèche et faire crouler le projet de
loi que nous discutons. Je ne vous parlerai donc pas pour le moment des visites
domiciliaires ; je craindrais de ne pouvoir garder mon sang-froid en présence
de l’inquisition et des entraves que l’on veut créer au commerce et à
l’industrie.
Si, contre mon attente, le
système prohibitif, avec son cortège d’odieuses mesures était adopté, vous
auriez plus fait pour aliéner à la révolution l’esprit des populations
patriotes de nos alliés, et par là servir les intérêts du roi Guillaume, que
n’eussent pu l’imaginer les plus grands ennemis de notre nationalité. Dans
cette hypothèse, il me restera un devoir à remplir ; la prohibition ne peut
être partielle, et je déposerai sur le bureau un projet de loi pour prohiber
tous les tissus de laine étrangers, ou plutôt, pour rester fidèle à mes
principes, je déposerai mon mandat et j’engagerai mes commettants à me
remplacer par un défenseur du système prohibitif. J’ai dit.
M. Desmaisières.
- Messieurs, un des honorables préopinants qui a parlé hier contre la
proposition a demandé qu’on définisse une fois bien, avant toute discussion, ce
que l’on entend par système de réciprocité. J’aurai l’honneur de faire
connaître tout à l’heure quelle est ma définition et quelle est aussi l’espèce
de réciprocité que je préférerais si elle était possible. Mais je dois
l’avouer, elle sera malheureusement encore longtemps une utopie, et elle ne
cessera de l’être que lorsqu’on aura pu amener la réforme des législations
commerciales qui régissent presque tous le peuples actuellement. L’expérience
nous démontrera si c’est par les voies que nous indiquons ou par celles
qu’indiquent nos honorables adversaires qu’on parvient à obtenir ces réformes
si désirables, je le reconnais, pour le bonheur de l’humanité entière. Une
expérience de cinq années nous a déjà démontré de quels dangers sont hérissées
les voies indiquées par nos adversaires et combien peu elles nous poussent vers
la réforme ; ce n’est donc pas trop présumer que de croire que les voies
contraires conduiront plus sûrement au but.
L’honorable membre auquel je réponds dans ce
moment, a défini lui, si je l’ai bien compris, le système de réciprocité, en
disant qu’il consistait à calculer pour chaque nation les prix de revient de
leurs fabricats et à compenser par des droits équivalents à l’entrée les
différences qui existeraient entre ces prix de revient et ceux des autres
nations. Mais, messieurs, n’est-ce pas là une véritable utopie, par laquelle on
prétend en remplacer une autre, celle de la liberté quand même ? Ces prix de
revient, qui les déterminera ? Quels seront les juges qui jugeront en dernier
ressort s’ils ont été bien déterminés ? Ne varient-ils pas chaque jour ? Y
a-t-il seulement deux fabricants dans un pays dont les prix de revient soient
les mêmes ? Ces prix de revient ne se composent-ils pas d’une infinité
d’éléments que les spéculations mercantiles et mille autres causes font varier
sans cesse ? Sont-ils les mêmes pour tous les peuples ? N’est-ce pas alors
qu’il y aurait lieu à avoir une foule de tarifs différents ? Ce n’est pas
l’honorable auteur de cette définition qui peut ignorer tout cela.
J’en viens à ma définition.
Je l’ai déjà dit plus d’une fois, messieurs, dans
cette enceinte, je suis partisan de la liberté de commerce entre les nations ;
mais c’est d’une liberté réciproque et non pas d’une liberté qui n’existe que
sur notre marché en faveur des nations étrangères, et qui se change pour nous
en prohibition sur les marchés des peuples industriels, nos rivaux. Ce dernier
système de liberté, véritable système de duperie et de ruine, ferait de notre
beau pays, si éminemment agricole et industriel, une simple factorerie de
l’étranger ; et ce rôle peut bien convenir à une localité de
Eh bien, messieurs, ce système fondé sur les
principes d’une éternelle justice est encore le mien ; c’est celui de mes
honorables collègues cosignataires de la proposition (l’art. 2 en fait foi),
c’est encore celui de votre section centrale, et c’est enfin, tout le monde en
conviendra, le seul système qui convienne à
Je tenais, messieurs, à bien poser préalablement
ces principes fondamentaux qui, selon moi, doivent être les bases de notre
système gouvernemental en ce qui concerne l’agriculture, l’industrie et le
commerce. J’y tenais d’autant plus que je désire qu’on comprenne bien que si
dans la suite de mon discours je m’appuie sur des faits pour en tirer des
conséquences en faveur de tel ou tel système de régime commercial adopté par
l’une ou l’autre nation, il faut toujours entendre que ces faits et ces
conséquences ne sont que relatifs au système prédominant, au système suivi en
général par les divers peuples agricoles et industriels, car bien certainement,
si le système le plus généralement adopté était celui de la libre concurrence
par exemple, les faits et les conséquences a en tirer ne seraient pas les mêmes
que dans le cas de la prédominance du système prohibitif lorsqu’il s agirait
d’un peuple qui aurait adopté seul un des autres systèmes contraires, et qui
n’aurait pas de colonies ni pays soumis à son influence pour se compenser.
Il est un principe d’économie politique bien
simple, messieurs, mais aussi d’une vérité évidente pour tout le monde : c’est
par le travail que la fabrication se perfectionne. Or, si vous admettez la
fabrication étrangère à venir concourir sur votre marché, vous lui accordez
nécessairement une part de travail dans la confection des objets de
consommation de votre pays, vous diminuez donc les chances de perfectionnement
pour vous, vous augmentez ainsi celles de la fabrication étrangère, et cela a
lieu sans compensation aucune pour vous lorsque l’étranger répond à vos
procédés généreux en vous fermant impitoyablement ses marchés. Prenons-y bien
garde, messieurs, le travail est la richesse en même temps que la moralité des
peuples. Il est donc de notre devoir de législateurs de prendre toutes les
mesures qui peuvent assurer du travail au peuple.
Le système de réciprocité étant celui que doit
suivre
L’Angleterre (MM. Bowring
et Villiers, commissaires anglais pour les négociations du traité de commerce
avec
Th. Jefferson, ancien président des Etats-Unis,
écrivait en 1815 :
« Nous sommes devenus manufacturiers à un
point qui est à peine croyable pour ceux qui n’en ont pas été témoins, surtout
si l’on considère le peu de temps qu’il nous a fallu pour le devenir. Les prohibitions dont nous avons frappé les
articles de fabrique étrangère et la patriotique résolution de nos
concitoyens de n’employer rien qui vienne du dehors quand nous pourrons
l’exécuter nous-mêmes, sans égard au bon marché, nous garantissent à jamais
d’une influence étrangère. »
En 1829, une ligue centrale ou saxonne pour
l’industrie et le commerce s’établit entre
Le 27 mai 1829
L’enquête française n’est-elle pas venue démontrer
à l’évidence que nous ne devons espérer aucune concession de ce côté, si nous
ne trouvons pas moyen de prendre vis-à-vis de cette puissance une position
telle, qu’elle-même, se sentant frappée au cœur, vienne demander à traiter avec
nous sur les bases d’une juste réciprocité.
Lisez les interrogatoires des fabricants de draps
français, et vous y verrez que tout en avouant que les draps étrangers peuvent
difficilement arriver sur le marché français, vu la forte prime de fraude qu’il
faudrait payer pour les introduire en raison de ce qu’ils sont d’un transport
difficile et de ce que sous un grand volume ils présentent peu de valeur, vous
y verrez, dis-je, qu’encore ils ne veulent pas que la prohibition soit levée,
pas même en la remplaçant, comme le leur a proposé le ministre du commerce, par
un droit élevé, assuré par un bon mode de perception par l’estampille et par la
saisie à l’intérieur.
« Toutes les fois que nos rivaux de
l’extérieur ont voulu faire des sacrifices sur les marchés étrangers, dit M.
Lefort dans son interrogatoire, nous avons dû nous en retirer. Mais comme les
sacrifices ne peuvent pas être de tous les jours nous sommes revenus lorsqu’ils
ont cessé. Remarquez que nous avons pu y revenir, parce que nous avions une
retraite non inquiétée sur nos propres marchés ; mais il n’en serait pas de
même si la lutte s’établissait sur notre marché intérieur. Je pourrai citer ce
qui est arrivé dans un canton suisse : Des manufactures très importantes de
mousseline s’étaient établies dans le canton de St-Gall. Mieux placées pour la
main-d’œuvre que les manufactures du même genre en Angleterre, elles pouvaient
donner leurs produits à meilleur marché.
« Cela n’a pas empêché les Anglais de venir les
écraser d’une masse de marchandises dans leur propre centre. Ils ont fini par
les anéantir, des villages entiers ont été forcés à l’émigration faute de
travail.
« Voilà ce qui arriverait chez nous ; une fois le
travail arrêté, les habitudes se perdent, nous serions bientôt arriérés et nous
n’aurions plus les moyens d’entrer en concurrence. »
Lisez encore, messieurs, l’interrogatoire de M.
Koechlin de Mulhouse, de ce riche fabricant à la fois Français, Badois et
Suisse, que par conséquent ses intérêts combinés doivent engager à adopter les
principes de la liberté commerciale. Eh bien, s’il propose la levée de la
prohibition, par quoi veut-il qu’on la remplace ? N’est-ce pas par des droits
élevés perçus d’après un mode qui en assure la perception ? N’est-ce pas avec
l’estampille, le droit de visite et la saisie à l’intérieur ? N’est-ce pas sous
condition que la prohibition des tissus ne sera levée qu’une année après celle
des cotons filés ? Enfin le principe lui- même qui domine tout le plaidoyer de
M. Koechin en faveur du remplacement de la
prohibition par des droits élevés ne consiste-t-il pas à dire : « Nous
nous assez perfectionnés sous l’égide de la prohibition pour n’en avoir plus
besoin. Il ne nous faut maintenant que des droits élevés dont la perfection
soit assurée » ?
Je vous le demande maintenant, messieurs,
avons-nous demandé par notre proposition plus que ce fabricant, le seul libéral
au milieu d’une quantité innombrable de fabricants français prohibitionnistes ?
Ne serions-nous pas fondés, au lieu de n’aller que jusqu’à ce qu’il conseille à
Et après un tel conseil donné par un fabricant
cotonnier de France lui-même, on voudrait que nous reculions devant des notes
diplomatiques venues de ou par l’aristocratie industrielle de France ! devant
des notes qui font mieux voir que toute autre preuve que notre prohibition, si
elle est convertie en loi, portera un coup terrible aux fabricants
prohibitionnistes de France, et les forcera de solliciter eux-mêmes de leur
gouvernement qu’il établisse avec nous, non seulement en ce qui touche
l’industrie cotonnière, mais en ce qui touche nos autres industries qui ne sont
sans doute pas moins intéressantes, et le demandent à grands cris, des
relations d’échange et de bon voisinage fondées sur les principes d’une juste
et libre réciprocité.
Nous marchons tous ici vers un même but, messieurs,
mais nous croyons devoir suivre des voies différentes pour y arriver. Ceux qui
s’opposent à l’adoption de notre proposition pensent qu’il faut patienter
encore, qu’il faut tout attendre du temps, que
Messieurs, j’ai dit dans une précédente séance que
si la législature avait reculé d’un seul jour la discussion de notre proposition,
par suite de l’espèce de coup de théâtre à l’aide duquel on avait cherché à
l’effrayer, en la menaçant de notes diplomatiques, la législature ne se
montrerait pas nationale. Et quoi qu’en ait dit alors un honorable membre dont
je respecte beaucoup les talents et les connaissances, je n’hésite pas à
ajouter aujourd’hui que reculer devant des menaces diplomatiques, qui,
vis-à-vis de l’art. 4 du projet de loi, ne doivent, au reste, nous laisser
aucune espèce de crainte de les voir mettre à exécution, que reculer devant ces
menaces diplomatiques, dis-je, en n’adoptant pas le principe de notre
proposition, ce serait de notre part un acte de lâcheté et d’anti-nationalité.
Je reprends l’exposé des faits qui prouvent combien
nous serions dupés de persister dans notre système actuel tandis que les autres
peuples suivent un système tout opposé.
Le tarif prussien enfin, dont on fait tant de bruit
aujourd’hui et que l’on avoue avoir fait prospérer l’industrie de ce pays,
n’est-il pas prohibitif ?
Certainement, messieurs, si nous étions à la veille
d’obtenir de nos puissants rivaux en industrie un traité de commerce favorable
ou bien un abaissement de droits, ou enfin une suppression des prohibitions qui
pèsent sur nos produits chez eux, nous devrions peut-être attendre de voter la
loi proposée en faveur de l’industrie cotonnière, jusqu’à ce que ce traité ou
cet abaissement de droit, ait eu lieu. Mais tout nous prouve au contraire que
nous sommes encore loin de là, et nous n’y parviendrons, soyons-en persuadé,
qu’en refusant par réciprocité notre marché intérieur aux produits de l’étranger.
Les négociations avec
Non, messieurs, j’en suis certain, nous ne nous
laisserons pas prendre aux pièges de l’étranger. Nous avons déjà donné une
preuve que la mesure proposée en faveur d’une de nos plus grandes et
productrices industries n’a rien de directement hostile aux intérêts de
Et faut-il vous le faire remarquer, messieurs, ce
consul a oublié assez le caractère dont il est revêtu pour insulter nos
honorables industriels belges.
Quoique
Dans un traité on stipule des garanties, et si nous
avions purement et simplement excepté
Messieurs, la question suisse est une question bien
délicate, je l’avoue, et d’autant plus délicate qu’elle nous est venue par
On a fait grand étalage, messieurs, de ce que
depuis 1834, en Angleterre, on ne perçoit plus que 10 p. c. sur les tissus de
coton venant de l’étranger. On en a conclu même que l’Angleterre montrait des
dispositions plus libérales, et que par conséquent ce n’était pas le moment
pour nous d’entrer dans la voie répulsive.
Mais, messieurs, ceux qui ont tiré cette
conséquence de ce fait, ont-ils réellement cru à cette conséquence ? Non
certainement, car ce n’est pas après des siècles de prohibition, ce n’est pas
lorsqu’à l’aide du système le plus atrocement prohibitif (l’expression n’est
pas trop forte) on est parvenu à se poser tellement au-dessus des autres que
l’on n’a plus rien à craindre, ce n’est pas alors que l’on est fondé à se
donner des airs de libéralité. L’Angleterre a-t-elle réduit aussi à 10 p. c.
les droits sur les tissus de lin par son nouveau tarit de 1834 ? Elle s’en est
bien gardée, et pourquoi ? Parce que cette industrie est chez elle encore dans
l’enfance, et que si elle nous admettait pour ces articles à des droits non
prohibitifs, elle ne réussirait jamais à implanter chez elle cette fabrication.
Aussi a-t-elle frappé nos toiles d’un droit de 40 p. c. qui serait perçu
rigoureusement s’il nous était permis d’aborder les marchés de l’Angleterre ;
et lorsqu’il n’y a que peu de temps encore don Pedro a voulu supprimer les 15
p. c. de faveur dont était privilégié le commerce anglais en Portugal, un cri
de réclamation et de détresse n’a-t-il pas retenti d’un bout de l’Angleterre à
l’autre ?
Voulez-vous encore une preuve, messieurs, de
l’excellence du système protecteur (toujours bien entendu dans l’état actuel
des législations commerciales des différents peuples ), ce sera dans le rapport
même (Moniteur Belge du 7 septembre
1834) de MM. les commissaires anglais, que je la trouverai.
« Louis XIV, en 1664, disent MM. Bowring et Villiers, fit une ordonnance sur la navigation
par laquelle on prétendait engager les constructeurs et les négociants à
construire des vaisseaux français, et en même temps on prélevait un impôt de 50
s. seulement par tonneau sur les navires étrangers, c’est-à-dire beaucoup moins
que sur les navires français, raison pour laquelle les premiers (les navires
étrangers) s’étaient empares de tout le commerce. »
Mais
S’il faut en croire un article du Journal des Débats, inséré dans le Moniteur Belge du 15 septembre 1834,
l’état commercial où règne le tarif prussien fait une population de plus de 25
millions d’âmes.
Les Etats restés en dehors sont, au nord :
Hambourg, Lubeck, Brême, le Holstein, les deux Mecklembourg, le Hanovre,
Brunswick, Oldenbourg.
Au centre : Francfort, Nassau, grand-duché de
Luxembourg.
Au midi : le grand-duché de Bade.
En tout 5 millions d’âmes. Et si ces Etats ainsi
que les Etats allemands de l’Autriche, qui comptent 10 millions d’habitants,
venaient à s’y joindre, il en résulterait un marché de 38 millions d’âmes,
c’est-à-dire plus grand que le marché de
Et ne nous le dissimulons pas, entrer dans la ligue
allemande, ce serait non seulement un grand pas de fait dans le système de
liberté commerciale réciproque, puisque ce système serait alors pratiqué entre
nous et les autres Etats de l’association, mais ce serait encore augmenter nos
moyens d’action contre les Etats qui persisteraient dans le système prohibitif
quand même, car, il faut bien le remarquer,
Je ne m’étendrai pas plus sur ce point, messieurs ;
je crois avoir démontré suffisamment que
J’en viens maintenant à l’application de ce système
à l’industrie cotonnière ; mais auparavant, puisqu’on conteste encore l’état de
souffrance de cette industrie, je dois en dire quelques mots. Car si je prouve
qu’il y a réellement état de souffrance et que cet état de souffrance est
exceptionnel par rapport aux autres industries, j’aurai démontré la nécessité
de ne pas attendre de lui porter secours jusqu’à ce que nous soyons enfin
arrivés à la révision générale de notre tarif, que j’appelle du reste de tous
mes vœux.
Je vous avoue, messieurs, qu’il m’est pénible de
devoir encore une fois fournir ces preuves, lorsque déjà elles ont été tant de
fois fournies, lorsque la réalité de l’état de souffrance de cette belle
industrie résulte de tous les avis des diverses chambres de commerce, soit
qu’elles se soient prononcées pour ou contre la proposition de loi, ainsi que
de tous les interrogatoires de l’enquête, et voire même de ceux des négociants
en marchandises étrangères.
« On travaille encore, il est donc à croire
que cela ne va pas si mal. » Voilà une accusation vraiment banale qu’on ne
cesse de lancer contre l’industrie cotonnière. Messieurs, interrogez les
fabricants qui travaillent ; faites mieux, transportez-vous chez eux, vous verrez
combien ils travaillent. Inspectez leurs livres, comparez ceux d’aujourd’hui
avec ceux d’avant la révolution et vous verrez s’ils travaillent autant
qu’alors ; vous pourrez vous assurer aussi, comme l’a fait un honorable membre
du Luxembourg, si c’est avec le même bénéfice et si ce n’est pas même à perte.
Mais alors pourquoi travailler si l’on a peu ou pas de bénéfices,
demandera-t-on peut-être ? Eh ! messieurs, tous ceux
qui ont pratiqué une industrie quelconque ne savent-ils pas qu’une fois une
grande fabrication mise en mouvement, il n’est pas toujours possible de
l’arrêter quand on le voudrait bien ?
Celui-là seul dont la fabrique n’est qu’une faible
partie de sa fortune colossale, celui-là seul peut arrêter sa fabrication quand
il le veut, au moment où il ne fait plus que peu ou pas de bénéfices.
Aussi plusieurs fabricants de Gand dont la position
est telle, se sont-ils depuis longtemps empressés d’en agir ainsi. D’autres aussi
placés dans les mêmes conditions de fortune ont eu plus de foi dans l’avenir et
y ont sacrifié une partie de cette même fortune ; mais cela ne pourra durer
longtemps encore, sans qu’ils soient complètement ruinés ; et quant à tous les
autres, ce sont malheureusement les plus nombreux, sur la foi de nos lois
politiques antérieure à l’ordre de choses actuel, ils ont placé toute leur
fortune dans leurs établissements. Ils ne peuvent donc s’arrêter quand ils le
veulent. Ils peuvent bien ralentir leur marche, mais ils doivent marcher, et
lorsqu’ils viendront à s’arrêter, c’est que l’heure fatale de leur entière
ruine aura sonné. Et l’honorable rapporteur de la section centrale vous a fait
connaître que déjà malheureusement cette heure fatale a sonné pour plus d’un
établissement. Attendrez-vous que tous soient tombés pour leur prêter une main
secourable ?.. Mais déjà il y a eu des crises, dit-on,
antérieurement à celle d’aujourd’hui. Toutes les industries sont sujettes, et
le mal dont se plaint l’industrie cotonnière est un mal commun à toutes les
industries et qui se renouvelle de temps en temps. Je concevrais cette
objection, messieurs, s’il s’agissait d’une de ces crises ordinaires, mais
passagères, qui effectivement se font sentir de temps à autre envers toute
industrie ; mais ce n’est point d’une de ces crises qu’il s’agit ici, c’est au
contraire d’une de celles que j’appellerai permanentes, et qui amènent bientôt
la ruine complète d’une industrie, si l’on n’a pas le bon esprit de s’empresser
de les faire cesser.
Certainement, messieurs, tout industrie, tout
commerce, tout ce qui entre en un mot dans le domaine de la spéculation est
sujet à des crises, et l’industrie cotonnière en a été affectée plus d’une
fois. Mais, heureusement, il a suffi des moyens ordinaires qui sont toujours à
la disposition d’un gouvernement pour y parer. C’est ainsi par exemple qu’en
1810 une crise se manifesta par suite de la reprise de l’état de guerre qui
empêcha la réussite de presque toutes les spéculations commerciales dans l’empire
français, dont nous faisions alors partie. Mais cette crise ne tarda pas à
disparaître entièrement, lorsque Napoléon eut fait acheter par la maison Coulon-Muiron de Paris tous les
calicots qui se trouvaient en magasin dans les fabriques, et eut fait en outre
au principal fabricant d’alors, qui avait importé au péril de sa vie et de sa
fortune cette industrie en Belgique et en France, une avance de trois cent
mille francs.
Mais, je le répète, ce n’est point d’une pareille
crise qu’il s’agit actuellement. Il s’agit au contraire d’une crise permanente,
d’une crise semblable à celle qui suivit bientôt notre séparation d’avec
En 1814,
En Belgique, au contraire, cette industrie devint
languissante, et eût fini par succomber entièrement si enfin, ouvrant les yeux
à la lumière, le gouvernement et la législature n’étaient venus à son secours
par des mesures telles que non seulement les marchés de
Ainsi on trouva moyen de concilier les exigences
des intérêts du haut commerce avec celles de l’industrie, ainsi encore on
trouva moyen d’éviter des réclamations de la part des autres nations
industrielles qui s’étant principalement adonnées à la fabrication des étoffes
fines, purent toujours faire arriver leurs fabricats sur notre marché.
Et qu’on ne s’y méprenne pas, messieurs, le marché
de Batavia, où la consommation était presque toute entière en étoffes communes,
se développait encore tous les jours et allait bientôt s’étendre sur les pays
avoisinants d’une population immense, lorsque tout à coup la révolution vint
nous l’enlever à toujours.
C’est dès ce moment, ayons la franchise de le
reconnaître, comme le roi Guillaume dut finir aussi par le reconnaître lors de
notre séparation d’avec
Je le demande maintenant, messieurs, est-il besoin
d’autres preuves pour démontrer l’état de souffrance où doit se trouver
nécessairement l’industrie cotonnière après cinq années d’existence de cette
cause permanente et déterminante de souffrance, et lorsque si ce n’est quelques
véritables palliatifs qu’on avoue officiellement n’avoir produit que des
résultats désastreux, on n’a pris aucune mesure réelle de secours en faveur de
cette industrie souffrante.
Si quelque chose est à déplorer, messieurs, c’est
qu’on ait laissé d’autres preuves venir s’ajouter à cette grande preuve qui
domine toutes les autres. Je veux parler de la ruine complète de plusieurs
établissements, de l’inactivité de beaucoup d’autres et de la presque
inactivité de tous, et de l’émigration de près de trois mille ouvriers, qu’une
autorité irrécusable, l’honorable membre placé à la tête de l’administration de
Messieurs, on a argumenté d’une note, détachée
apparemment du grand travail de statistique dont un des organes du gouvernement
a annoncé qu’il s’occupait, on a argumenté de cette note publiée à la suite de
l’enquête cotonnière, pour soutenir que nos fabriques ont consommé plus de
coton brut par année depuis qu’avant la révolution. Permettez-moi de vous faire
un petit calcul basé sur cette même note et qui vous démontrera tout le
contraire.
D’après cette note la fabrique aurait employé ;
En 1831, en coton brut, pour une valeur de
3,249,962 fr.
En 1832, 8,412,50 fr.
En 1833, 10,426,265 fr.
En 1834, 6,774,514 fr.
Total : 28,862,289 fr.
Donc terme moyen par année, 6,665,574 fr.
Mais, messieurs, le pris du demi-kilo de coton brut
ayant été :
Pour 1831, fr ; 0 95 c.
Pour 1832, fr. 0 95 c.
Pour 1833, fr. 1 50 c.
Pour 1834, fr. 1,20 c.
J’arrive à un prix moyen de 1-15 pour les 4 années,
ce qui me donne pour 6,665,547 francs un poids moyen par année de 5,796,127
demi-kilos, soit 2,898,063 kilos.
Maintenant, messieurs, le prix moyens du demi-kilo
de coton brut était dans les années antérieures à la révolution de 80 c., et nous avons, toujours suivant la note. :
En 1824, pour une valeur de 3,825,042 fr.
En 1825, 4,875,755 fr.
En 1826, 4,744,183 fr.
En 1827, 7,055,435 fr.
Total, 20,500,415 fr.
Donc terme moyen par année, 5,125,103 fr.
Ce qui donne un poids moyen par année de 6,406,378
1/2 kilos, soit 3,303,378 kilos.
Ainsi, messieurs, s’il fallait en croire la note
ministérielle, il y aurait eu plus de coton consommé dans les années 1824 à
1827 par an que dans les années 1831 à 1834.
Maintenant, messieurs, cela prouve-t-il que de 1824
à 1827 nos fabriques étaient plus prospères qu’en 1831 à 1834 ? Eh, mon Dieu,
non, j’ai la bonne foi d’en convenir. Car qui me répond de l’exactitude des
chiffres statistiques de la note ministérielle ? et si
je me suis donné la peine de faire ce petit calcul, c’est tout bonnement pour
prouver combien sont peu exactes les conséquences que nos honorables
adversaires ont prétendu tirer de cette note ; et puis il y a encore une autre
observation à faire, c’est que pour être juste il aurait fallu prendre pour
terme de comparaison, aux quatre premières années de la révolution, les quatre
dernières années qui ont précédé la révolution et non les années 1824 à 1827.
Si je suis bien informé, nos négociations à Paris
n’ont pas été sans incidents remarquables. Le ministère français fit remettre
un jour à nos commissaires une note statistique sur les relations commerciales
entre les deux pays. Cette note, à laquelle il semblait n’y avoir rien à
répondre, était vraiment assommante, pétrifiante même pour nos négociateurs.
L’un d’eux eut la présence d’esprit de faire à l’instant même une statistique
tout à fait opposée, et la présenta ensuite aussi comme résultant d’un travail
fait au ministère en Belgique. Le négociateur français fut battu, et on ne
parla plus de la fameuse note de statistique qu’il avait produite.
Voilà, messieurs, le cas qu’il faut faire de la
plupart des documents statistiques. On nous dit encore : Nous admettons que
l’industrie cotonnière souffre, mais faut-il pour la soulager nuire à d’autres
industries ? A cette question, messieurs, je réponds : Non, il ne faut pas
nuire à d’autres industries, mais prouvez-moi que notre proposition nuit réellement
à d’autres industries. On cite les toiles, les draps et les houilles.
Quant aux toiles, certes, on peut soutenir que
l’emploi des tissus de coton a diminué jusqu’à un certain point la consommation
des toiles. Mais en supposant que l’industrie cotonnière en Belgique n’eût
jamais existé, croit-on que cette diminution de consommation des toiles n’eût
pas eu lieu tout de même ? Bien certainement, au contraire, elle eût eu lieu
avec cette différence toutefois : c’est qu’alors c’eût été l’industrie étrangère
qui aurait profité de cette diminution, tandis que maintenant c’est l’industrie
belge qui en profite ; qui plus est, comme l’industrie cotonnière avant le plus
grand avantage à s’établir au milieu d’une population qui connaissait le filage
et le tissage, son siège principal fut en effet au milieu des tisserands
liniers, et ceux-ci trouvèrent ainsi dans le tissage des calicots un
dédommagement du tort que le coton faisait éprouver au lin. C’est ce qu’ont
fort bien senti les chambres de commerce des districts où l’on tisse les toiles
; ainsi toutes ont-elles fortement appuyé notre proposition.
En ce qui concerne les draps et les houilles, je ne
vois vraiment pas quel tort ; que dis-je, je ne vois que du bien qui puisse
provenir pour eux de la prospérité de l’industrie cotonnière. Cette industrie
ne consomme-t-elle pas des houilles et même des draps ? Et si rétorquant
l’argument, elle disait aux industriels qui fabriquent les draps et qui
entravent les houilles : Mais vous jouissez de la prohibition des draps
étrangers qui vous feraient le plus de tort, et ce n’est pas une prohibition
purement nominale car les fabricants de draps français en conviennent
eux-mêmes, les draps ne sont pas faciles à frauder sans de grands frais.
Vous jouissez de la prohibition des houilles
étrangères au moyen d’un droit élevé qui, en raison du grand poids de votre
marchandise relativement à sa valeur équivaut à une prohibition assurée.
Eh bien ! adoptant votre
système d’opposition à ce que nous soyons protégés, ne pourrions-nous pas
exiger que pour ne pas nous nuire plus que nous ne vous nuisons, il faut lever
ces prohibitions qui vous protègent et qui nous rendent nos matières de
fabrication plus chères ?
Vous craignez des représailles ; mais de la part de
qui ? Veuillez-nous le dire. Est-ce de la part de
Il n’y a qu’en Saxe, dans le Wurtemberg, le Hanovre,
le pays de Bade,
Maintenant, depuis lors, je l’avoue, quelques-uns
de ces Etats peuvent avoir admis les draps belges, ce que je ne sais pas, mais
à coup sûr, si cela a eu lieu, c’est parce qu’il était dans l’intérêt de ces
pays d’avoir nos draps ; et une remarque essentielle à faire c’est que cela a
eu lieu depuis que par le tarif de 1822 nos industriels ont obtenu une
protection prohibitive et que par conséquent on ne prend pas de représailles
lorsqu’il n’y a pas de profit à les prendre. Les mesures de représailles qui ne
profitent pas au peuple qui les prend aux dépens de celui contre qui on les
prend sont des mesures de duperie, car c’est alors que le peuple qui les prend
qui en est en définitive la victime.
C’est ainsi que
L’agriculture souffrira-t-elle de notre proposition
convertie en loi ? Non certainement, car la consommation des produits agricoles
n’augmente-t-elle pas en raison de ce que l’industrie prospère ?
On cherche et avec raison à implanter la culture de
la garance en Belgique. L’industrie cotonnière n’est-elle pas le principal
débouché pour cette plante précieuse ?
Est-ce le commerce extérieur, est-ce le commerce
maritime qui souffrira ? Eh, messieurs, plus on fabriquera dans le pays, plus
il y aura de matières premières à importer et plus aussi il y aura de fabricats
à exporter, et on parviendra alors à les exporter, car encore une fois, plus on
fabrique (et cela est prouvé du reste en Belgique par l’expérience surtout) ;
plus on fabrique, plus on perfectionne ses produits et à meilleur compte on
peut les livrer. Or, ce n’est qu’en remplissant ces deux conditions, qu’on
pourra réussir à concourir sur les marchés extérieurs ou nous sommes admis sur
le même pied que nos rivaux.
La loi que nous avons proposée mettra nos
fabricants à même de remplir ces deux conditions, et aura donc pour effet
d’augmenter les importations de matières premières et l’exportation de
fabricats. Est-ce là nuire au commerce ?
Mais le commerce des 50,000 boutiquiers qui vivent
de la vente des tissus de coton fabriqués par l’étranger, a-t-on dit dans une
autre séance, qu’en ferez-vous ? La loi ne tuera-t-elle pas leur industrie ?
Faut-il, pour favoriser une centaine de fabricants, (on passe sous silence le
nombre de leurs ouvriers et des ouvriers d’autres industries qui profitent de
la leur), faut-il ruiner 50,000 boutiquiers ?
Je ne sais vraiment, messieurs, si je dois répondre
sérieusement à de pareilles objections. Quoi ! il y a
50,000 boutiquiers en Belgique, auxquels la vente des cotons étrangers produit
le moyens d’existence ! Voilà une statistique qui, si elle est vraie, viendra,
bien mieux que je ne le pourrais faire, combattre les statistiques fournies par
le ministère ; car, en supposant qu’il faille pour vivre et élever leur
famille, à chacun de ces boutiquiers, seulement 1,000 francs par an, voilà 50
millions de bénéfices qu’ils doivent faire sur les produits cotonniers de
l’étranger qu’ils introduisent en Belgique. Ainsi donc ce ne serait pas ni 30
millions, ni 50 millions de fabricats de coton que l’étranger vend en Belgique
au préjudice de l’industrie indigène, ce serait (évaluant le bénéfice des
marchands à 10 p. c.) une contribution de 500,000,000
de fr. que le pays paierait à l’étranger ! Mais rassurons-nous, messieurs, il
n’en est pas ainsi. D’abord il serait difficile de prouver qu’il y a 50,000
boutiquiers qui vendent du coton en Belgique, et ceux qui en vendent s’en
tiennent bien rarement à cet article-là seul ; tout ce qui résultera pour eux
de la mesure proposée par nous, c’est qu’ils vendront moins de cotons
étrangers, mais par compensation ils en vendront plus d’indigènes. Ensuite nous
ne payons pas à l’étranger 500 millions (4/5 du prix total), mais, selon les
évaluations des négociations en marchandises eux-mêmes, 24 millions, et selon
d’autres évaluations, 40 millions. Ce qui est sans doute déjà très honnête.
Un honorable membre qui a parlé hier a fait un
discours en deux parties. Dans la première il a avoué l’état de souffrance où
se trouve l’industrie cotonnière depuis cinq années, puisqu’il a annoncé avoir
coopéré à lui faire accorder des secours. Dans la seconde partie, au contraire,
il a cherché à prouver par des faits, pris sans doute hors du grand travail de
statistique dont il s’occupe au ministère, que cette industrie ne souffrait
réellement pas. Cette contradiction flagrante ne m’a, je dois le dire,
nullement étonné, car il y avait réellement deux opinions chez ce honorable
préopinant, l’une que j’attribue au représentant, et l’autre que j’attribue au
protecteur-né de l’industrie par les fonctions que ce membre occupe. Aussi
avait-il demandé la parole « sur » la question, et quand les
observations de l’honorable M. de Brouckere sont venues le forcer d’opter entre
le pour ou le contre, je dois le faire remarquer, parce que cela lui fait
infiniment d’honneur, il n’a pas hésité à sacrifier son opinion de
fonctionnaire public pour celle de représentant ; il a pris la précaution
d’annoncer que des deux opinions qu’il allait émettre, c’était celle contre la
proposition qu’il nous fallait accepter.
Je ne répondrai qu’à deux des faits statistiques
qu’il nous a communiqués.
D’abord, quant à celui de monts-de-piété, il est
possible qu’il soit exact, mais l’honorable préopinant en tire-t-il bien la
conséquence à en tirer ? Car tout le monde sait que les objets que l’on possède
au mont-de-piété, c’est emprunter sur gages. Or, lorsque l’ouvrier est en voie
de prospérité, lorsque du travail lui est assuré dans l’avenir, il n’en éprouve
pas moins quelquefois des besoins au-delà de ses ressources pécuniaires du
moment, et alors il emprunte sur gages dans peu de temps en économisant sur ce
qu’il gagne par son travail. Mais lorsqu’il manque de travail, il ne gagne rien
par son travail ; alors il vend peu à peu ce qu’il possède, et comment
pourrait-il alors emprunter sur gages au mont-de-piété ?
En ce qui touche le fait des emprunts
hypothécaires, je veux bien encore le croire exact, mais encore une fois je ne
m’accorde nullement avec l’honorable membre sur les conséquences qu’il en tire.
Il y a moins de prêts hypothécaires à Gand après qu’avant la révolution, dit-il
; donc il n’y a pas souffrance pour l’industrie cotonnière de Gand. Mais,
messieurs, depuis quand la rareté des emprunts est-elle la mesure de la
prospérité d’une industrie ? N’indique-t-elle pas au contraire que l’industrie
ne sait plsu faire valoir les capitaux ?
N’indique-t-elle pas encore peut-être que les établissements industriels son
diminués de valeur hypothécaire par suite de leur état de souffrance ?
Il me serait facile de répondre ainsi, une à une,
aux diverses objections présentées par notre honorable adversaire ; mais comme
j’ai peut-être déjà abusé de votre longue attention, messieurs, que j’ai encore
d’autres points à traiter, et que d’autres membres feront probablement ces
réponses, je m’en tiendrai là pour le moment. Cependant, je ne puis passer son
silence les seuls arguments que je regrette d’avoir trouvés dans un discours
aussi remarquable, je veux parler du renouvellement des récriminations contre
notre honorable et vénérable président et rapporteur de la commission
d’industrie, auquel du reste la chambre entière au commencement de cette
session a rendu la pleine justice qui lui était due en lui renouvelant à
l’unanimité son mandat de membre de la commission d’industrie.
Enfin, j’arrive à une objection qui a été présenté
il y a quelques jours, celle des 4 millions de consommateurs. Messieurs, il y a
peu d’instants que j’y ai fait une réponse, car n’est-il pas de l’intérêt
général de ces 4 millions de consommateurs de ne pas voir sortir de leur pays
24 à 40 millions annuellement au profit des industriels et des ouvriers
étrangers ? et, d’ailleurs, messieurs, est-ce ainsi
comme le font nos honorables adversaires qu’il fait raisonner en économie
politique ? Faut-il ainsi placer individuellement une seule industrie vis-à-vis
de toute la population ? Cette manière de raisonner, appliquée ainsi séparément
à chacune des industries, ne conduirait-elle pas à l’absurde ? Est-ce que nous
ne sommes pas tous consommateurs ? Les propriétaires, les fabricants, les
négociants, les ouvriers, les agriculteurs, etc., ne font-ils pas tous partie
des 4 millions de consommateurs ? Sans agriculture, sans industrie manufacturière,
sans le commerce, sans industrie aucune, enfin (car l’agriculture et le
commerce sont aussi des industries), de quoi vivraient donc les 4 millions de
consommateurs ? Et certes, s’il fallait laisser perdre toutes les industries
parce que chacune d’elles, placées vis-à-vis des 4 millions de consommateurs,
est en désavantage quand on ne compare que les chiffres numériques sans faire
attention à aucune considération d’économie politique, il en résulterait
bientôt que ces 4 millions de consommateurs se verraient réduits à la plus
profonde misère par la suppression de ces mêmes industries qu’on aurait
cependant anéanties en leur faveur.
J’aborde maintenant, messieurs, la question de la
renaissance des droits réunis que l’on prétend voir dans les mesures d’exécution
proposées par la section centrale, et c’est au nom de la majorité que je vais
parler.
Nous avons la certitude la plus entière que la
fraude est arrivée à un tel point de raffinement qu’il n’y a plus qu’un seul
moyen de l’empêcher de rendre illusoires les droits qui seront établis sur les
étoffes étrangères ; c’est celui d’apposer à ces étoffes, pour constater que
l’impôt en a été acquitté lors de leur entrée, une marque qui ne puisse être
imitée, ni servir plusieurs fois au même usage. Cette marque devrait rester au
chef de chaque pièce, tant qu’il existerait un morceau dans les magasins, et
les employés des accises auraient le droit de saisir toute étoffe qui ne la
porterait pas ou qui ne serait pas munie de celle nationale. Ce moyen, nous le
répétons, est le seul propre à conduire au but qu’on se propose par la nouvelle
loi, et s’il n’est pas adopté, nous n’hésitons pas de déclarer de la manière la
plus formelle, que la loi manquera son objet tant par rapport à la protection
que nos manufactures doivent trouver en elle, que par rapport aux ressources
que les droits d’entrée doivent procurer au trésor.
Si l’on voulût faire à la disposition que nous
proposons le reproche de soumettre à une inquisition fiscale les demeures des
commerçants, nous opposerions l’exemple de l’Angleterre, d’un pays qui passe
depuis des siècles pour la terre classique de toutes les franchises et de
toutes les libertés publiques.
Dans ce même pays, on attache une si haute
importance à la prospérité de l’industrie nationale, que personne ne pense à
regarder comme vexatoires les nombreuses et sévères lois prohibitives qui y
existent pour la protéger.
Nous ajouterons encore que les commerçants sont
obligés par nos lois financières actuelles de laisser l’accès de leur comptoir
libre aux agents des contributions directes et à leur donner l’inspection de
leurs livres pour s’assurer si leurs déclarations sur l’étendue des affaires
qu’ils font, sont sincères. Cependant il n’y pas de doute que les négociants
auraient moins de répugnance à laisser examiner les étoffes qui existent dans
leur magasin, que leurs livres dont l’inspection rend en quelque façon publiques
les opérations mercantiles qu’ils sont souvent intéressés à tenir secrètes.
On ne veut pas mécontenter les marchands, dit-on,
mais on pousse au désespoir les manufacturiers et tout ce qui y a rapport,
c’est-à-dire la classe la plus intéressante, la plus nombreuse de la société,
beaucoup plus considérable sans doute que celle des marchands ; une classe qui
entraîne avec elle une grande partie de la population, celle des ouvriers qui,
une fois privés de pain, par la cessation du travail, sont bien plus dangereux
que les clabauderies des marchands contrebandiers car il n’y a que ces derniers
qui se récrieront contre une mesure qui, renfermée dans les bornes d’une sage
administration, ne peut pas compromettre ceux qui respectent les lois. Ceux-ci,
au contraire, applaudiront à toutes mesure qui les débarrasseront de la
concurrence d’hommes immoraux et d’autant plus dangereux, que leurs profits, en
vendant les marchandises étrangères entrées en fraude, se fondent sur la ruine
de ceux qui, honnêtes et fidèles aux lois de leur pays, n’achètent et ne
tiennent que des marchandises indigènes.
Mais à quoi donc enfin seront assujettis les
marchands ? A rien qu’à une simple vérification. En vain, voudrait-on donner ce
mode le nom d’exercice ; le marchand ne devra aucun compte de ses ventes ; il
ne sera tenu que de justifier de l’origine des marchandises et de l’identité de
la marque. Il n’y a donc aucune comparaison raisonnable à faire entre les uns
et les autres. En outre, il est bon d’observer que depuis nombre d’années, les
magasins de dépôts sont obligés de s’ouvrir pour les employés chargés de la
vérification des poids et mesures. Le moyen proposé étant tout à fait semblable
ne saurait être regardé comme vexatoire.
« L’on a paru regarder aussi comme un obstacle
à l’adoption de la marque les difficultés qu’entraînerait l’estampille des
étoffes existant dans les magasins. Mais nous ferons observer que cette
opération a eu lieu en 1814, dans le vaste royaume de France lorsque le tarif
qui a exclu les objets de l’industrie des draps y a été mis en vigueur.
« Nous avons maintenant pris la liberté d exposer
toutes les raisons qui nous ont paru propres à éclairer la religion du
gouvernement sur une matière à laquelle se rattache éminemment le bien-être du
royaume : nous voulons parler de l’industrie en général dans laquelle celle
dont il est question ne joue assurément pas le rôle le moins important. De la
solution, qui interviendra, dépendra le bien-être ou l’état contraire de
beaucoup de milliers d’individus.
« Quelle que puisse être cette solution nous
conserverons le sentiment consolant d’avoir fait, comme citoyens dévoués à la
chose publique, tout ce qui a dépendu de nous pour la préserver de dommages
irréparables peut-être, si le tarif ne subit pas les modifications que l’industrie
nationale réclame. »
Messieurs, je vous demande pardon d’avoir peut-être
été trop long dans mes extraits, mais tout ce que je viens de dire en faveur
des mesures proposées par la section centrale est extrait littéralement d’un
recueil publié à Liége et qui contient plusieurs mémoires présentés en 1822 et
1823 au gouvernement d’alors par la chambre de commerce et les principaux
fabricants de Verviers.
J’y ajouterai maintenant que j’adhère pleinement
aux réserves faites en faveur d’une exécution sage de la part de
l’administration. Cette exécution doit être nécessairement garantir l’honnête
négociant de toute vexation, mais, en revanche, elle doit être des plus sévères
envers le fraudeur. A cet égard, j’ai pleine confiance, je le déclare, dans le
ministère, et je suis persuadé que les arrêtés royaux à intervenir rempliront
toujours parfaitement ces conditions. S’il n’en était pas ainsi, la chambre
connaîtrait son devoir ; elle retirerait sa confiance au ministère qui se
serait rendu responsable de ces arrêtés. Du reste la majorité de la section
centrale m’a autorisé à déclarer qu’elle ne se montrera nullement contraire à
des amendements qui auront pour but de régler équitablement pour tous, dans la
loi elle-même, le mode d’exécution de la loi, et qui lui paraîtront réellement
atteindre ce but, qu’elle reconnaît être de toute justice.
Loin de moi messieurs, d’avoir voulu faire ici un
crime aux honorables industriels de Verviers.
Je reconnais que ce qu’ils demandaient était on ne
peut pas plus juste, et si j’avais eu l’honneur comme aujourd’hui, de faire
partie de la représentation nationale, je n’aurais pas manqué de leur prêter
mon faible appui, mais tout mon appui, comme je le prête aujourd’hui à
l’industrie cotonnière.
Aussi longtemps que ma carrière législative durera,
j’appuierai toujours les mesures qui, dans ma conviction, doivent amener la
prospérité de toutes les industries nationales de toute industrie
manufacturière aussi bien que de toute branche agricole ou commerciale. Je n’en
excepte qu’une seule industrie et c’est celle de la fraude que je repousserai
et combattrai toujours.
Je me résume,
L’industrie cotonnière a
perdu par suite des événements politiques la belle position de prospérité où
elle se trouvait. Ses plaies deviennent de plus en plus saignantes ; il
appartient au gouvernement et à la législature de les cicatriser. Et notre
proposition accompagnée des mesures d’exécution proposées par la section
centrale leur en fournit le moyen. Par ce grand acte de protection que nous ne
pouvons refuser une industrie nationale et souffrante, nous forcerons nos
puissants voisins d’entrer enfin avec nous dans des relations d’échange qui
seront favorables à toutes les industries des deux pays, et ainsi nous aurons
accompli ce qu’il y a en même temps de plus sacré et de plus glorieux dans la
mission qui nous a été confiée par nos concitoyens, car nous aurons guéri une
des plaies inévitables de la révolution, nous aurons rallié à nous une foule de
citoyens recommandables, et nous aurons ainsi consolidé l’indépendance et le
bonheur de la patrie.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’industrie cotonnière emploie tant de
capitaux, occupe tant de bras, que nous ne pouvons nous empêcher de la
considérer comme digne de notre intérêt ; mais faut-il adopter, pour encourager
cette industrie, la prohibition, l’estampille et la recherche à l’intérieur,
que la section centrale nous propose ? Voilà la question principale que nous
avons à examiner.
Sous le gouvernement précédent on crut devoir
accorder une protection à l’industrie cotonnière. Le tarif des droits fut
établi au poids, il en résulta que ce fut la fabrication des produits du poids
le plus fort qui fut encouragée, tandis que les produits du poids le plus léger
et par conséquent les plus fins échappèrent à l’application du tarif, ou du
moins n’y furent soumis que dans une proportion plus faible que les produits
communs ou grossiers.
La législation du royaume des Pays-Bas était fondée
sur ce que d’abord il était plus facile de développer la fabrication des
marchandises grossières et communes que celle des marchandises fines.
Ces étoffes grossières étaient d’ailleurs
recherchées pour Java où elles trouvaient un grand débit. Le transport de ces
marchandises était encore un aliment à la navigation nationale. Sous ce
rapport, on conçoit facilement les motifs de la législation du précédent
gouvernement.
Une conséquence nécessaire de cette législation fut
que les fabricants s’adonnèrent principalement à la production d’étoffes
communes et s’occupèrent peu de la production des étoffes les plus fines.
Aujourd’hui que le débouché de Java est perdu pour notre industrie, il est
sensible que notre fabrication a dû éprouver une altération notable. Il est
donc nécessaire de modifier notre tarif, pour introduire dans le pays et y
développer autant que possible la fabrication des étoffes les plus fines, afin
que notre marché pour ces produits ne soit pas exclusivement abandonné à
l’industrie étrangère, et il faut établir ce tarif à la valeur en adoptant le
mode d’application que la discussion avait démontré être le meilleur. Il faut
encore améliorer la surveillance de la ligne de douane, et en le faisant, nous
protégerons non seulement l’industrie cotonnière, mais l’industrie en général.
Si on ne réclamait en faveur de l’industrie
cotonnière que la protection dont jouissent les autres industries, ces
réclamations devraient être recueillies avec faveur, car pour qu’il y ait justice,
il faut qu’il y ait égalité. Mais malheureusement pour l’industrie cotonnière,
il existe dans la nature des choses un obstacle presque insurmontable à ce
qu’elle jouisse du même avantage que d’autres industries, telles que
l’exploitation de la houille et du fer. En effet, l’importation en fraude de la
houille et du fer est impossible.
Il suffit, pour protéger efficacement ces
industries, d’établir un tarif. Vous avez atteint le but que vous vous proposez
si le tarif est bien établi. Mais en ce qui concerne l’industrie cotonnière, il
ne suffit pas d’établir un tarif, il faut encore que ce tarif reçoive son
application, il faut que les objets ne puissent pas être introduits
frauduleusement.
Voilà le point de différence entre l’industrie cotonnière
et les autres.
La section centrale a cru devoir proposer, en
faveur de l’industrie cotonnière, la prohibition étendue à un grand nombre
d’articles ; et la conséquence nécessaire de la prohibition, le droit de
recherche. Ces moyens, ainsi que nous venons de le dire, ne sont pas réclamés
dans l’intérêt des autres industries, parce qu’elles n’en ont pas besoin.
L’industrie cotonnière les réclame avec empressement, il est vrai. Mais
devons-nous les lui accorder ?
D’abord en ce qui concerne la prohibition, il est à
remarquer qu’elle est proposée pour les tissus communs et pour les plus
grossiers, et qu’elle ne l’est pas pour les tissus les plus fins. C’est sans
doute parce que cette fabrication n’est pas introduite dans le pays, et qu’on
ne croit pas pouvoir priver subitement le commerce des étoffes de cette
qualité.
Mais d’autre part, les partisans de la prohibition
conviennent qu’en ce qui concerne les gros tissus, il ne se fait pas de fraude,
parce que la fabrication en est arrivée à un tel point de perfection que
l’étranger ne peut pas soutenir la concurrence. On aurait dû conclure de ces
assertions que la prohibition ne devait pas être proposée pour ces objets.
Je conçois la partie de la proposition en ce qui
concerne les tissus communs. C’est là qu’elle recevrait son application. Mais
je demanderai si des droits élevés doivent suffire pour protéger la fabrication
des tissus les plus fins, pourquoi ils ne suffiraient pas pour les tissus
communs et les plus grossiers. Sous ce rapport il est difficile de justifier
les propositions de la section centrale.
Il ne faut pas perdre de vue qu’une fois la
prohibition établie, il est difficile pour ne pas dire impossible de la lever,
parce que l’industrie prétend qu’elle est froissée dans ses plus chers intérêts,
qu’on manque à la foi donnée, foi sous laquelle des établissements ont été
créés ou se sont développés.
En outre, du moment où l’on admet la prohibition,
il faut aussi admettre l’estampille et le droit de recherche à l’intérieur.
En ce qui concerne l’estampille, je dois soumettre
quelques observations sur les difficultés pratiques qu’elle entraîne. Vous avez
remarqué que la section centrale la propose pour tous les fabricats depuis la
rubannerie jusqu’aux pièces d’étoffe. Il est facile de se faire une idée de la
quantité prodigieuse d’objets soumis à l’estampille et de la difficulté qu’on
rencontre d’abord pour estampiller ce qui se trouve dans les magasins. En
second lieu, quel embarras n’aura-t-on pas pour estampiller ce qui sera
fabriqué à l’intérieur, car il ne faudra pas seulement estampiller le objets
importés de l’étranger, mais encore ce qui sera fabriqué dans le pays.
Lorsque l’estampille est admise, il faut admettre
aussi, comme conséquence finale la recherche à l’intérieur. Sous ce rapport, on
a dit que le droit de recherche pourrait être exercé avec modération. Mais je
ferai remarquer que si ce droit est exercé avec beaucoup de modération, bientôt
on dira que c’est une mesure illusoire qui ne porte pas coup, et emporté par
l’appât d’un grand bénéfice, on risquera le hasard d’une recherche et d’une
poursuite, il arrivera qu’après avoir établi des moyens rigoureux auxquels le
pays n’est pas habitué, et après avoir froissé l’opinion publique, on n’aura
obtenu qu’un faible résultat. Si au contraire, le droit de recherche est exercé
avec rigueur, il faudra faire des visites domiciliaires plus ou moins
fréquentes, dès lors toutes les personnes exposées à ces visites ne manqueront
pas d’élever des plaintes très vives, qu’il leur sera facile de faire partager
par leurs co-intéressés qui se verront menacés des mêmes visites.
Je pense donc que les moyens proposés par la
section centrale soulèvent des difficultés inextricables. Jusqu’à présent, on
n’a rien dit qui fasse disparaître ces difficultés. On a parlé des visites
auxquelles sont exposées certaines professions, tels que les distillateurs et
autres industriels de même nature ; mais il est à remarquer que ces visites ne
se font que chez les assujettis, tandis que pour l’industrie cotonnière il faut
admettre la visite même chez les individus qui ne sont ni fabricants, ni
négociants, parce que si vous borniez les visites aux fabricants et aux
négociants on ne manquerait pas d’établir des dépôts chez des particuliers qui
se prêteraient à la fraude.
Il faut en outre observer
que le commerce des objets de fabrication de coton est extrêmement étendu,
qu’il est répandu dans le pays, dans les communes rurales comme dans les
villes. Il y a un grand nombre de négociants, qui par le fait seul de leur
profession, seront plus ou moins exposés à être inquiétés. Dès lors, on conçoit
qu’une infinité de personnes voient avec appréhension les mesures dont il est
question.
J’en reviens à la première observation que j’ai eu
l’honneur de vous faire, c’est qu’il serait à désirer que toute l’attention de
la chambre se portât plus spécialement sur la tarification qu’il conviendrait
d’établir et sur les moyens de surveillance qu’on pourrait organiser. Si nous
parvenions à établir à la frontière une surveillance active et efficace, nous
aurions rendu un grand service à l’industrie cotonnière et à l’industrie en
général et nous aurions échappé aux grands inconvénients que le projet de la
section centrale menace d’entraîner après lui.
M. Rogier. -
Messieurs, avant de commencer, je prends acte des observations qui viennent
d’être faites par M. le ministre de l’intérieur. Je vois avec plaisir, pour le
pays et pour le gouvernement, que nous n’en sommes pas encore réduits là, que
des propositions telles que celles qui vous sont soumises par la section
centrale aient trouvé un appui dans les membres du cabinet belge.
Quant à moi, messieurs, je repousse de toutes mes
forces le système qui vous est proposé. Mes opinions en matière de liberté
commerciale ne sont pas nouvelles ; elles ne sont ni de circonstance, ni de
position. Je me considère ici, ainsi que chacun de nous doit le faire, comme
députe du peuple belge, et j’attaque ou je défends en cette qualité toutes les
mesures proposées selon que je les regarde comme funestes ou avantageuses à
tout le pays, et sans m’inquiéter si elles blessent les intérêts de telle ou
telle localité, si elles protégent aujourd’hui Gand, si demain elles sont
agréables à Liège, et enfin si elles doivent être utiles à Anvers.
Pour ce qui concerne cette dernière ville, je ferai
observer à la chambre que le tarif proposé doit lui être agréable ; car, entre
autres nouveautés que propose la section centrale, il y a un système de
protection spéciale en faveur du pavillon national ; d’après ce tarif, les 100
kil. de coton en laine importés par navire national paieront 1 fr., tandis que,
par navire étranger, ils paieront 1 fr. 70 c. C’est une gratification que
l’industrie gantoise vent bien faire au pavillon national, je l’en remercie.
Mais cette circonstance, toute favorable qu’elle paraisse à la localité que je
représente en partie, ne me fera pas voter pour la proposition.
J’ai dit que l’opinion que j’ai l’honneur de
défendre devant vous n’était pas nouvelle. En effet, s’il m’est permis de
rappeler des antécédents politiques, je dirai que pendant six ans j’ai soutenu
cette opinion en ma qualité d’écrivain politique, qualité dont j’ose encore
m’honorer aujourd’hui.
Sous le gouvernement provisoire dont je puis dire
que j’eus l’honneur et le bonheur d’être membre, puisque je pus en cette
qualité servir mon pays, je m’associai à une mesure libérale qui porta
d’heureux fruits pendant trois années consécutives. Le gouvernement provisoire
décréta la liberté du commerce des céréales, et trancha cette grande question
depuis longtemps débattue entre les économies. La question fut résolue en
faveur du principe libéral, en faveur du progrès. Pendant trois années,
Ce fait, messieurs, il n’en a pas été tenu compte,
ainsi que vous le savez ; une loi contre l’importation des céréales fut votée
par les chambres, et une loi protectrice de l’industrie des toiles suivit de
près celle sur les céréales. Comme membre du cabinet précédent, je crus devoir
m’opposer à un tel système ; et mes amis et moi ne craignîmes pas de nous
isoler de la majorité pour repousser un système que nous considérions comme
contraire aux vrais intérêts de l’industrie nationale. J’avouerai que les
résultats obtenus par les deux lois rétrogrades que je viens de citer n’ont pas
changé ma conviction.
Une des conséquences fâcheuses de ce premier pas
dans la voie rétrograde ce sont les prétentions de toutes les industries qui se
sont élevées dans cette enceinte et qui aujourd’hui viennent invoquer comme un
droit les antécédents de la chambre, et lui demander de suivre ses errements.
La thèse soutenue hier par un habile orateur a été
celle-ci : Vous accordez une protection aux céréales, à la fabrication des
armes, des toiles, des draps ; accordez-nous la même protection. La conséquence
ne serait pas tout à fait rigoureuse, car de ce qu’une industrie est protégée
d’une manière spéciale, ce n’est pas une raison pour que telle autre industrie
qui va chercher à l’étranger ses matières premières, doive recevoir la même
protection.
Mais l’assertion que l’industrie cotonnière est
insuffisamment protégée n’est pas exacte, car cette industrie est très
fortement protégée. J’irai plus loin, je soutiens qu’elle est plus protégée que
beaucoup d’autres, et la seule même qui l’ait été directement depuis la
révolution.
Une nouvelle protection ne lui est pas due ; et les
mesures qu’on propose pourraient devenir fatales à toutes les autres
industries, de telle manière que si elles étaient adoptées, la question ne
serait pas, comme l’a posée hier un honorable membre, de savoir si on lui
accordera la prohibition avec toutes ses conséquences, si on nous reportera
pour elle et pour elle seule aux vexations du régime impérial, si on entraînera
pour elle
Comme je partage le sort d’être rangé par
quelques-uns parmi ce théoriciens, parmi ces âmes honnêtes qui veulent le bien
général, mais qui en cela cèdent plutôt à leurs sentiments qu’à la connaissance
pratique des faits, c’est surtout sur des faits que je veux étayer mon opinion.
Je tâcherai de combattre à cet égard, par un simple exposé des faits, les
assertions qui ont été jetées à la tête. Ces faits je les puiserai dans
l’enquête, dans des documents authentiques, dans les aveux même des intéressés.
Le malaise dont se plaint l’industrie cotonnière
n’est pas de fraîche date.
Sans remonter aux crises de 1810, sous l’empire,
c’est un fait reconnu dans l’enquête que les années de 1816 à 1824 furent
généralement mauvaises.
En 1826, par suite de la création de la société de
commerce, dont il ne faut pas d’ailleurs faire sonner trop haut les heureux
effets, l’industrie commença à recevoir un développement qui paraît être
parvenu à son plus haut période en 1829 ; car dans le courant de 1830, avant la
révolution, des industriels de Gand s’étaient rendus auprès du gouvernement
hollandais pour réclamer assistance.
C’était vers la même époque qu’un puissant
industriel de Liége, alors président de la chambre de commerce, se plaignant
que les forgeries travaillaient sans bénéfices sur les fers forts et avec perte
sur les fers communs, et signalant beaucoup de mauvaises affaires ajoutait :
« Du reste, ces réflexions ne s’appliquent pas seulement à la fabrication
du fer, elles sont communes à toute l’industrie en ce moment. »
A la suite du mouvement glorieux de 1830,
l’occasion était belle pour renouveler les demandes de secours.
Le gouvernement provisoire cédant à ce qu’il
regardait alors comme une nécessité politique et d’ordre public, accorda des secours
; et, chose étonnante, beaucoup d’autres industries qui auraient eu des titres
au moins égaux à réclamer ne demandèrent rien. Parvenues à se soutenir seules,
elles se remirent bravement à marcher et sont aujourd’hui pleines de sève et
d’avenir. Que faisait cependant l’industrie cotonnière ? Une partie au moins
des pétitions, des lamentations, des articles de journaux contre l’ordre de
choses ? Cela ne peut durer, leur disait-on. A quoi bon vous fatiguer à
chercher de nouveaux débouchés ? Java vous reviendra ; notre roi Guillaume,
votre père, va vous revenir. Dès là, chez quelques-uns apathie, inertie et par
suite malaise.
Ajoutons une simple observation : des industriels
qui ont eu foi dans l’avenir du pays, qui ont marché avec les événements, qui
ont accepté franchement la révolution ; ceux-là, il faut le dire, ont prospéré
; les autres ont langui. Je soutiens, au reste, que l’industrie cotonnière en
général n’a pas été dans ce cas, qu’il n’y a pas eu stagnation dans les
fabriques, un pas rétrograde dans la fabrication ; qu’au surplus, elle a été
secourue dans une mesure suffisante et d’une manière exceptionnelle.
La thèse pourrait paraître quelque peu hardie, si
elle ne s’appuyait sur des faits difficiles à récuser.
Que la chambre veuille bien se rappeler de quelle
manière elle fut avertie de l’état de malaise de l’industrie cotonnière.
Une pétition énorme, une pétition monstre fut
déposée sur le bureau de la chambre ; elle présentait un tableau sinistre de la
détresse des ouvriers et de la détresse des fabricants ; d’après cette
pétition, toute la cité industrielle allait tomber en dissolution. Un fabricant
français, dont les industriels de Gand ont appelé la déposition à leur secours,
nous a même appris des choses étonnantes. Toutes les fabriques belges ont été
anéanties, a dit l’estimable M. Mirmel, en pleine
commission d’enquête, à Paris ; les ouvriers belges sont dans un état bien
grand de misère ; le paupérisme ronge ce pays ! Pauvre Belgique et pauvre M. Mirmel. (On rit.)
Après tout, il n’est pas étonnant qu’un étranger se
trompe aussi grossièrement sur la véritable situation du pays, quand des
journaux, imprimés dans le pays, ont l’impudeur d’entretenir la créance à de
pareils mensonges, et de répandre ces mensonges dans les pays voisins où, malheureusement,
la presse patriote n’est pas admise avec autant de tolérance que la presse de
nos ennemis.
Je ne rappellerai pas les faits cités par
l’honorable M. Smits. Je dois
faire seulement une observation sur ce qu’a dit l’honorable M. Desmaisières
relativement aux monts-de-piété. La situation des monts-de-piété avait été,
dans une autre période un argument présenté par les défenseurs des mesures
prohibitives.
On avait dit : les ouvriers ont mis tous leurs
meubles au monts-de-piété. Le gouvernement dût vérifier ce qui en était, et il
se trouva que les monts-de-piété n’avaient jamais eu moins de dépôts qu’en 1833
et qu’ils n’avaient jamais offert autant de dégagements qu’en 1833.
Nous pourrions donc renvoyer victorieusement à nos
adversaires l’argument qu’ils avaient tire de la situation des monts-de-piété.
Le gouvernement crut cependant que les
circonstances exigeaient à l’égard de l’industrie de Gand une mesure
exceptionnelle, temporaire. Cette industrie avait perdu à la révolution le
débouché de Java ; elle demandait un équivalent : quoi qu’il en soit, le
malaise signalé par la pétition fut l’objet d’une enquête minutieuse du
ministère d’alors ; avant d’aviser aux remèdes il fallut reconnaître la
profondeur du mal, et je dois le dire, si jamais symptômes furent trompeurs, ce
furent ceux qui de tous côtés éclatèrent aux yeux,
Je sais que d’autres industries, celle des draps,
etc., auraient pu faire la même demande, je sais aussi, tout le monde ne le
savait pas aussi pertinemment alors, que le débouché de Java dont on a fait si
grand bruit n’a jamais eu, eu égard à la production générale du coton dans le
pays, qu’une importance secondaire ; que ce marché n’était ouvert que depuis
1826, que pendant 1826, 1827, 1828 et 1829, l’importation moyenne par année n’a
pas dépassé 4 millions de francs.
Le gouvernement céda, non sans répugnance, à une
demande qui paraissait raisonnable au premier abord.
La société cotonnière de Gand fut formée. Un
capital de 3,000,000 fut constitué, destiné à des opérations qui pouvaient s’élever
jusqu’à cette somme avec garantie de 11 1/2 p. c. représenté par 350,000
francs. Depuis le gouvernement a ajouté à cette première garantie 150 mille,
donc faculté pour la société de faire des opérations jusqu’à concurrence de 5
millions de fr. Le but de la société était, dans la pensée du gouvernement,
acceptée par les industriels, non pas seulement de faciliter les voyages sur
Java, mais de rechercher d’autres débouchés, et ces marchés ne manquent pas.
Sur une exportation de plus de 12 millions de livres st., l’Angleterre, au
rapport de Mac Culboch, n’exporte dans les îles de la
mer des Indes que pour une valeur de
La plupart de ces débouchés nous sont ouverts aux
mêmes conditions que pour les Anglais.
J’ignore si la société cotonnière a cherché à
ouvrir un marché sur ces divers points.
Je vois que ses premières opérations se sont
principalement dirigées sur Java. Une partie pourtant a été dirigée sur le
Chili.
A la vérité, on ne dit pas le résultat de ces
exportations. Mais si je suis bien informé, les importations par Valparaiso
aurait réussi ; et il y aurait moyen de placer là les cotons. Je voudrais, dans
le seul intérêt de la vérité, que l’on précisât le résultat des exportations
faites à Valparaiso. Je ne sais si l’honorable M. Manilius serait à même de
donner des renseignements sur ce point.
M. Manilius. -
Non. Je ne suis pas membre de la société cotonnière.
M. Rogier. - La
société doit compte au gouvernement de ses opérations, et le gouvernement
pourrait en rendre compte aux chambres. Je ne suis pas non plus membre de la
société cotonnière ; mais je voudrais connaître les résultats de ses
opérations.
Je le répète, pour le Chili, d’après les
renseignements que j’ai reçus le marché n’a pas été désavantageux. Les
bénéfices pourront venir, quand on connaîtra mieux les besoins, les goûts et
les allures du pays.
On a parlé du port franc de Singapore à même par sa
position de desservir les marchés de la mer des Indes. Je connais un armateur
dont les navires ne pourrissent pas dans nos ports et qui a tenté une
exportation à Singapore. Notez qu’il n’avait pas lui la prime de 11 1/2 p. c.,
et qu’il avait expédié a ses risques et périls. Il m’a remis une note sur cette
exportation ; voici ce qu’elle porte :
« Tous les articles exportés ne m’ont pas
laissé du bénéfice ; mais ils le pourront donner dans la suite. Cette fois le
marché en était encombré par suite des mesures prises par le gouverneur de
Batavia (mesure paternelle du roi Guillaume), d’imposer les manufactures
étrangères de 50 p. c., plusieurs navires ont dû se relever de Batavia et
partir de Singapore ; d’ailleurs, les mêmes marchandises y sont importées par
les Anglais, qui les peuvent vendre à meilleur marché étant de moindre qualité,
n’ayant que 1,600 à 2,000 fils, de sorte qu’en y envoyant des toiles qui
coûtent moins, on les vendrait au même prix et la vente en est très facile
puisque tous ces articles ont été vendues 14 jours après le débarquement pour
une valeur de 51,200 florins des Pays-Bas, on pourrait y trouver un bon
débouché. »
D’autres armateurs dont les navires ne pourrissent
pas non plus dans nos ports (car j’engagerai l’honorable auteur de cette
assertion, à profiter de la route en fer et à pousser jusqu’à Anvers ; il
s’assurera que tous les navires de nos armateurs ne pourrissent pas dans nos
ports, que plusieurs naviguent au long cours et aident efficacement
l’industrie, dont ils exportent une quantité de produits) ; d’autres armateurs,
dis-je, ont tenté des expéditions vers d’autres parages, à Cuba, au Brésil, à
Porto-Alegio, non pour des sommes considérables, mais
au moins ils ont réussi. Enfin, il est un fait rassurant pour l’avenir, c’est
que l’exportation des fabricats s’est accrue depuis la révolution dans une
proportion marquée. En 1831 elle était de 7 millions ; en 1333 de 13 millions ;
en 1834 également de 13 millions.
Il y a plus, un document
publié en Hollande porte à 9 millions seulement les exportations de fabricats
néerlandais pendant quatre années, de 1824 à 1827, tandis que pour les années
1831 à 1834, la valeur de ces mêmes exportations a été d’après les documents
officiels qui nous sont soumis de 45 millions.
Voilà pour l’extérieur, on
voit que rien n’est désespéré, qu’il y a progrès, avenir, pour ceux qui savent
espérer et travailler.
Quant au marché intérieur, de jour
en jour, il est plus que jamais fermé aux produits étrangers et la production
est loin de s’être ralentie.
C’est un fait incontestable et
incontesté qu’en ce qui concerne les cotons, de qualité commune, Gand est
parvenu à éteindre dans le pays toute concurrence étrangère ; nous n’en voulons
les preuves entre mille que dans le tarif nouveau qui nous est proposé et qui
par grâce toute spéciale maintient au taux actuel ou réduit même
considérablement les droits existants sur les calicots blancs de 2,000 et 1,800
fils.
Le 28 novembre dernier, dit un
négociant de Bruxelles (séance de la commission d’enquête du 26 septembre),
nous envoyâmes à Gand une personne de notre maison à l’effet de prendre en
consignation des marchandises de l’industrie gantoise ; nous voulions consacrer
à cette opération des capitaux qui nous restaient sans emploi. Cette
personne... a parcouru toutes les fabriques de la ville ; nulle part elle n’a
trouvé de marchandises. Ici il y avait 40 pièces, là il y en avait 50 ; d’un
autre côté il y en avait 100 ; mais je puis vous l’affirmer, il n’y avait pas
dans toute la ville de Gand plus de mille pièces de calicots. Renseignements
suspects, dira-t-on, venant d’un négociant en tissus étrangers. Écoutons un
fabricant lui-même.
Le 25 mai dernier, M. le
président de la commission d’enquête demanda à M. Schumaker
si le malaise dont on s’est plaint à Gand dure encore. Réponse : « Je ne
crois pas que Gand ait à craindre de manquer de travail cet hiver ; je crois
même que Gand manque de marchandises en ce moment. »
Voyons maintenant la
déposition d’un honorable sénateur qui ne fait pas mystère de ses tendances
prohibitives : « Dans la bonne saison, dit-il (1834), il nous a fallu
attendre deux à trois mois des commandes que nous avons faites aux fabricants
de Gand. Envoyez-nous, écrivait-il, 7 à 8 mille fr. de marchandises par semaine
et ce n’était qu’avec peine et après un long retard que nous avons pu les
obtenir. »
M. Cassiers ajoute :
« L’importation des tissus de coton anglais n’a fait que diminuer depuis
la révolution, nous ne tirons plus de l’Angleterre qu’à peu près la moitié des
produits de ce genre que nous faisions venir avant la révolution. » Et
l’exactitude de ce dire se trouve confirmée par le tableau officiel des
exportations de coton fabriqué anglais non seulement cotons blancs et unis,
mais cotons imprimés.
Les quantités de ces espèces
importées depuis 1820 ont été constamment en diminuant, à tel point qu’en 1833
elles étaient descendues au quart de ce qu’elles étaient en 1820.
Dans l’établissement
d’Andenne, établissement qui a commencé à travailler depuis la révolution, et
où par parenthèse l’on imprime pour Gand, on imprimait 200 à 300 pièces par
semaine ; depuis le commencement de 1835, on imprime 500 pièces par semaine.
Ce qui peut faire supposer
encore que le marché de Gand n’est pas encombré de ses propres produits, c’est
que la même fabrique de M. Cockerill sur 14,000 pièces vendues en diverses
places pendant l’année 1834, en a fourni 2,120 à la ville de Gand.
Que conclure de tous ces
faits, de tous ces chiffres ? Qu’il n’y a pas eu stagnation, et que la
concurrence étrangère a laissé beaucoup à faire.
Je ne nie pas qu’il y ait eu
stagnation et malaise dans quelques établissements particuliers. Nous nous
abstiendrons d’en rechercher les causes. Mais de nouveaux établissements se
sont érigés, et il y a eu dans la marche de l’industrie cotonnière aussi
progrès et amélioration. Au tableau trop sombre, tracé par un député de Gand,
un seul fait a répondu, c’est que le nombre des machines à vapeur appliquées à
l’industrie cotonnière a été en augmentant de soixante-sept à 81.
Un autre fait confirmatif de
celui-ci nous est cité par la chambre de commerce de Mons.
Les envois de charbon du
Hainaut dans
1829 : 2,388 bateaux pour
1830 : 2,730 bateaux pour
1833 : 2,190 bateaux pour
1834 : 2,152 pour
Si la fabrication souffre, est
languissante agonisante depuis cinq ans, à coup sûr elle aura consommé depuis
1830 moins de cotons bruts, matière première, qu’autrefois, elle aura d’année
en année fourni moins à la consommation extérieure et intérieure.
D’après un autre document tout
récemment fourni par le même fonctionnaire le coton brut importé et resté dans
le pays a été pour les trois dernières années de plus de 15 millions de
kilogrammes, tandis que le chiffre des importations, pendant les quatre années
1826 à
Sans vouloir traiter les
fabricants de Gand aussi sévèrement que l’a fait la chambre de commerce d’Anvers,
on ne peut nier qu’ils ont eu un tort grave, celui de s’estimer fort au-dessous
de leur valeur, de s’exagérer à leurs propres yeux leur malaise ; par leurs
plaintes incessantes ils ont ébranlé leur crédit, éloigné la confiance,
déprécié imprudemment leurs produits. Toutefois, il ne faut pas croire qu’ils
aient été en rétrogradant ni même qu’ils soient restés stationnaires, nous
avons même depuis cinq ans plus d’un progrès à constater.
« L’exposition nationale
de
Sans demander pourquoi, le
fait étant considéré comme constant, la fabrique de Gand n’a pas continué à
offrir au consommateur ce qu’elle a offert à l’exposition, nous nous arrêterons
à des perfectionnements qui n’ont pas été de circonstance et qui sont réels et
durables.
Les mignonnettes imprimées de
MM. Desmet frères à Gand, dit M. Borel dans son interrogatoire, ont lutté avec
grand avantage contre les mignonnettes étrangères. Ces fabricants ont fait
venir de Mulhouse un coloriste, et il a tellement réussi à faire des produits
aussi bons qu’en Alsace, que l’on ne veut plus de mignonnettes de ce pays.
Il y a quatre ans, dit un
autre déposant, la fabrication des shirtings n’existait pas à Gand.
Aujourd’hui, les shirtings de Gand qui se vendent à beaucoup meilleur compte
que les shirtings anglais sont généralement préférés à ceux-ci.
On peut en dire autant des
gros-bleus fabriqués par MM. Servues d’Alost, du
rouge d’Andrinople de MM. de Leemans et Prévinaire à Bruxelles.
Grâce à nos machines et à nos
procédés perfectionnés, dit le délégué du gouvernement, nous sommes parvenus à
fournir des cotons filés au marché d’Allemagne.
La chambre de commerce de
Ruremonde déclare que l’industrie cotonnière de cette ville et des environs
fait vraiment des progrès louables, progrès qui ne sont arrêtés que par les
droits trop élevés qui frappent les cotons filés.
Une preuve de la possibilité
de perfectionner nos impressions sur cotons, c’est l’exemple déjà connu et cité
par M. Basse, des impressions belges sur foulards que l’on porte à Paris de
préférence, sinon en concurrence avec celles faites en France.
Enfin en ce moment même, un
fabricant d’Anvers qui n’a pas cessé de perfectionner les procédés pour le
blanchiment des tissus et calicots, est en instance, auprès du ministre des
finances, pour obtenir la libre introduction d’une machine destinée à un nouvel
établissement qu’il vient de créer pour teindre, lustrer et apprêter les
étoffes de coton.
Voilà, certes, assez de signes
auxquels peuvent se reconnaître des progrès faits par l’industrie cotonnière ;
ceux qui ont voulu marcher ont marché ; pour ceux-là le malaise actuel dont
d’autres se plaignent ne s’est pas fait sentir, et l’avenir ne se montre pas
gros de tempêtes.
« J’ai toujours lutté
contre les produits étrangers. Je ne me suis jamais tenu pour battu, » a
dit courageusement M. Schumaker. Si ces paroles
tranchées avaient pu servir de mot d’ordre à tous ses confrères, ils se
seraient épargné bien des soucis.
Une singulière révolution
s’est opérée dans la tête de quelques-uns de nos industriels. Naguère, on ne
parlait que de la perte de nos débouchés extérieurs, que de la nécessite de les
remplacer ; Java ! Java ! criait-on de toutes parts, il nous faut Java ou la
mort !
Aujourd’hui, on semble tenir
compte à peine de l’importance de débouches à l’extérieur ; c’est le marché
intérieur qu’il faut assurer à l’industrie nationale, le marché intérieur est
devenu comme un nouveau mot d’ordre, et l’on s’écrie : le marché intérieur ou
la mort,
Et pour s’assurer de ce
monopole, on ne reculera devant aucune mesure quelque onéreuse qu’elle soit
pour le consommateur, quelque vexatoire qu’elle soit pour le négociant, quelque
fatale qu’elle puisse devenir à toutes les autres industries qui comptaient
pour prospérer sur d’autres marchés que le marché intérieur.
Certes, c’est bien là une
prétention plus qu’étrange.
Il ne suffit pas que
l’industrie soit favorisée par un tarif qui frappe les produits similaires de
l’étranger de droits qui s’élèvent taux moyen de 20 à 30 p. c.
Il ne suffit pas que le
fabricant belge jouisse, sous le rapport du prix de la main-d’œuvre et de tout
ce qui peut être considéré comme matières premières, d’avantages énormes sur
ses concurrents étrangers ; il ne suffirait même pas de restreindre par un
droit élevé la concurrence étrangère, on veut plus que cela : on ne veut pas
réprimer, on veut supprimer toute concurrence et pour cela on demande ou des
droits prohibitifs ou la prohibition pure et simple, la prohibition dans toute
sa rigueur, la prohibition avec l’estampille avec les visites domiciliaires,
avec la confiscation, avec les peines sévères contre les fraudeurs, avec toutes
ses conséquences, en un mot.
Les conséquences de la
prohibition comme les entrevoient les partisans du monopole, c’est pouvoir
exploiter à leur gré le consommateur.
Les conséquences telles
qu’elles se présentent aux yeux de l’homme impartial et ami du pays sont tout
autres.
A l’extérieur :
1° Les représailles se
présentent comme première conséquence. Et n’avons-nous que l’industrie
cotonnière en Belgique ?
Nos armes, nos draps, nos
fers, nos lins, nos toiles, nos charbons, nos clous, nos zincs, nos
quincailleries, nos coutelleries, nos sucres raffinés, nos pierres, nos
marbres, nos verres et cristaux, nos tulles et dentelles, nos bières et
genièvres, et bien d’autres industries dont les produits sont reçus à
l’étranger, ne sont-elles pas aussi des industries nationales ?
2° Du moins ne soyez pas
absurdes. Ne vous exténuez pas à élever à grand peine un échafaudage dont vous
sapez en même temps la base, à dresser contre l’industrie étrangère un bastion
qui renferme en son sein la mine qui doit le faire éclater.
Ou l’article 4 de votre loi
dit quelque chose, ou c’est un mensonge. Nous devons l’interpréter comme l’a
fait M. le ministre des affaires étrangères ou le garder comme un véritable
leurre. Il résulte de l’article 4 de la loi que la réciprocité devrait être
admise envers les pays qui admettent nos produits. Il se trouve précisément que
le pays contre lequel la loi est en grande partie dirigée,
L’article 4 de la loi, s’il
est interprété comme l’a interprété M. le ministre des affaires étrangères,
comme tout homme de bonne foi doit le faire, détruit complètement l’effet de la
loi.
Voilà pour l’extérieur.
Examinerai-je les conséquences de la loi à l’intérieur, la charge nouvelle
qu’elle imposera au consommateur. Je sais qu’en matière d’économie sociale il
est de mise de ne considérer le consommateur pour rien. L’on traite de
théoriciens ceux qui prennent leur défense. Passe donc pour les consommateurs.
Je n’examinerai que le sort
des négociants et des détaillants. Ce sont des industriels payant patente comme
les fabricants et dont il est à désirer que les magasins ne soient pas plus
déserts que les fabriques de ces derniers.
Je vois à la suite de la
prohibition et de son escorte d’estampille et de visites domiciliaires, des
vexations de tous les jours dans les domiciles de tous les fabricants et de
tous les détaillants. Il n’est pas écrit en effet sur la porte de ces
commerçants : ici on ne fraude pas. Pour que la loi ait de l’efficacité, il
faudra que les employés de la douane descendent chez tous les commerçants sans
distinction. Les fraudeurs ne seront pas les seuls exposés à leurs recherches.
Il arrivera même souvent qu’ayant un intérêt puissant à détourner les visites,
ils débaucheront les employés et seront moins importunés par eux que les
négociants honnêtes. Ainsi donc vexations continuelles pour le détaillant
honnête, dénonciations, fraude et mécontentement. Voilà quelques-uns des
résultats de la prohibition.
Extinction de l’émulation
vis-à-vis de l’étranger, extinction de l’émulation des fabricants entre eux,
production outre mesure, enfin création de droits acquis. Ce dernier
inconvénient est le plus fécond en résultats déplorables. En effet, lorsque
sous la loi de votre système prohibitif les fabricants auront trop produit, si
vous sentez l’impérieuse nécessité de changer de système, vous aurez créé de
nouveaux droits. Lorsque par suite de traites de commerce vous aurez ouvert
dans votre pays un débouché aux produits des nations avec lesquelles vous les
aurez conclus, les fabricants qui aurons travaillé à l’abri de votre loi seront
obligés de fermer leurs ateliers qui auront pris une trop grande extension, que
ferez-vous dans ce cas ? Les indemniserez-vous ? Ou exigerez-vous qu’ils
perdent leur avoir sans indemnité ?
Enfin pourrez-vous sans
injustice fermer l’oreille aux réclamations des autres industries, qui, si
elles ne vous ont pas demandé la prohibition, encouragées et justifiées par un
premier exemple, la réclameront de votre équité ?
L’industrie des draps et celle
des toiles auront, tout aussi bien que celle des cotons, le droit de demander
la prohibition des draps et des toiles étrangères ?
Il faudra donc étendre
l’estampille et la visite domiciliaire à deux autres industries.
Engagés dans cette voie, nous
nous verrons obligés d’augmenter proportionnellement le nombre des employés de
la douane et de permettre la visite domiciliaire chez un plus grand nombre de
détaillants. Car il s’établira une foule de magasins clandestins.
Considérez l’armée nouvelle
d’employés que vous aurez à créer à la suite de l’adoption d’une pareille
mesure. Déjà la douane coûte énormément à l’Etat. C’est l’impôt le plus onéreux
à percevoir puisque sur 8 millions que le trésor reçoit, il en dépense 4 en
frais de perception. Que ferez-vous de ces nuées d’employés, lorsque vous aurez
obtenu de bons traités de commerce basés sur le pied d’une parfaite réciprocité
des nations avec lesquelles nous entretenons aujourd’hui des relations
diplomatiques ?
Et c’est un tel système que
l’on ne craint pas de proposer à
- La séance est levée à 4
heures et demie.