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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 12 août 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif aux étrangers (Ernst)
3) Projet
de loi relatif aux droits d’entrée et au transit des bestiaux (A. Rodenbach, Rogier, d’Huart, Pirmez, Dumortier, A. Rodenbach, (état
des négociations commerciales entreprises avec
4) Motion
d’ordre relative au personnel de certains tribunaux (Pirson)
5) Projet
de loi organisant l’enseignement universitaire. Etablissement d’une école
polytechnique à Nivelles (Vandenbossche, Dechamps), programmes des diverses facultés, notamment en
philosophie et lettres (littérature flamande) (Dechamps),
en sciences naturelles (Dumortier), en droit (de Brouckere, Ernst, de Brouckere, Ernst), en philosophie
et lettres (littérature orientale) (Verdussen, Dumortier), en droit (Dubus, de Brouckere), en sciences naturelles (Dumortier, Ernst), financement par
l’Etat et par les villes de Liége ou de Gand (Dumortier,
de Behr, de Theux, Ernst, Dumortier, Ernst),
titre et traitement des professeurs (A. Rodenbach, Ernst, Dumortier, de Theux, A. Rodenbach, Dechamps, Ernst, Dumortier, de Brouckere),
nombre de professeurs par faculté (de Brouckere, Dubus, de Theux, Dechamps,
Dumortier, de Theux, de Brouckere), attributions des professeurs (Dubus, de Theux, Ernst),
conditions de nomination des professeurs (de Theux, Dumortier, Dubus, de Theux, Ernst, Dechamps) et des agrégés (Devaux, de Theux, Ernst, Rogier, Dechamps, de Brouckere, Dubus, Ernst, Rogier, Dumortier,
de Theux, Dechamps, Lebeau, de Theux, Rogier, de Theux, Demonceau, Dumortier, Ernst, de Theux, Dechamps, Dumortier, Lebeau, Legrelle, de Theux, Dumortier, Pollénus, Dumortier)
(Moniteur belge n°226, du 13 août 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une
heure.
M. Verdussen fait l’appel nominal.
M. Dechamps donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen donne lecture des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Un grand nombre
d’habitants de Verviers adressent des observations en faveur des libertés
communales. »
________________
« Un grand nombre
d’habitants de la commune d’Udderghem, district
d’Alost, se plaignent de la suspension de leur bourgmestre, et demandent que la
chambre intervienne pour le faire réintégrer dans ses fonctions. »
________________
« Le sieur Ch. Bogaert, entrepreneur des travaux de la côte de Blankenberg pour un terme de 6 années, commencés en 1826 et
expirées en 1832, réclame, le paiement du solde de ce qui lui revient de ce
chef. »
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
________________
M. Pollénus et M. de Nef,
nommés membres de la chambre des représentants, prêtent serment en cette
qualité.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
ETRANGERS
M.
le ministre de la justice (M. Ernst) monte à la tribune et expose ainsi
les motifs d’un projet de loi sur les étrangers. - Messieurs, le congrès
national, en accordant aux étrangers la même protection qu’aux Belges, a
compris qu’il pouvait être utile de faire des exceptions à cette règle ; le
projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre à la législature a pour objet de
sanctionner une de ces exceptions.
L’étranger, dans ses
relations avec les Belges ou avec des étrangers, continuera d’être régi par le
droit commun ; à cet égard il n’y a point de raison de modifier les lois
générales qui protègent les personnes et les biens.
Il n’en est pas de même de
l’étranger considéré dans ses rapports avec le pays qui lui donne l’hospitalité
: la sécurité publique réclame des garanties plus fortes envers lui qu’envers
les indigènes. Il peut avoir pour but de renverser le gouvernement afin de
faire triompher ses opinions, ou d’amener dans sa propre patrie une révolution
qu’il appelle de ses vœux.
De toutes parts il arrive
des étrangers sur notre territoire ; nous avons pensé qu’il était de notre devoir
de proposer aux chambres des mesures de sûreté contre ceux qui par leur
conduite compromettraient la tranquillité publique. L’utilité générale et le
droit de la légitime défense justifient ces mesures.
L’étranger paisible que des
infortunes publiques amènent parmi nous, celui que des affaires de commerce ou
d’autres intérêts portent à venir résider en Belgique, n’aura rien à craindre
d’une loi portée contre les fauteurs de désordre et pour notre propre
conservation. Ces étrangers n’auront que plus de motifs de confiance à l’égard
d’un gouvernement qui a la volonté et les moyens de faire régner l’ordre. Quant
à ceux que des projets hostiles conduiraient sur notre territoire, ils sauront
d’avance que nous sommes prêts à nous défendre contre nos ennemis intérieurs
aussi bien que contre nos ennemis extérieurs.
Si l’étranger qui réside
parmi nous ne compromet pas la tranquillité publique, l’asile lui sera assuré.
Mais s’il se rend indigne du bienfait de l’hospitalité, s’il profite de sa
présence en Belgique pour exciter des dissensions, provoquer à l’anarchie,
servir les desseins de nos ennemis ; s’il trouble la sécurité générale, il
s’expose à la révocation d’un bienfait dont il abuse, et c’est à lui-même qu’il
devra imputer la mesure qu’il aura encourue.
L’art. 1 du projet de loi
est conçu dans cet esprit : il laisse au gouvernement une alternative qui lui
permettra de ne pas toujours recourir à la voie rigoureuse, mais parfois
nécessaire, de l’expulsion. Souvent il suffira d’éloigner l’étranger des
localités où ses menées sont dangereuses, de lui fixer une résidence où il ne
pourra pas faire de mal.
On dira que le gouvernement
peut abuser du pouvoir que la loi lui donne ; mais il n’a aucun intérêt à
opprimer l’étranger qui respecte l’ordre ; d’ailleurs contre ce danger il y a
des remèdes : la presse, la tribune, l’opinion publique, la responsabilité
ministérielle sont des sauvegardes pour l’étranger. D’un autre côté n’est-il
pas à craindre que les anarchistes de toutes les contrées de l’Europe ne se
donnent rendez-vous en Belgique, ne viennent à nos dépens y faire l’expérience
de leurs théories perturbatrices, et entretenir une agitation continuelle, si
nous n’avons pas de moyens de nous préserver de leurs entreprises ?
Le gouvernement répond du maintien
de l’ordre public ; il doit être juge de la nécessité, de l’opportunité
d’appliquer les dispositions de sûreté publique contre les étrangers.
L’intervention des tribunaux dans cette matière rendrait les mesures
inefficaces, je dirai même inutiles : d’ailleurs l’expulsion n’est pas une
peine proprement dite, c’est une mesure d’ordre social.
On ne peut imposer au
gouvernement l’obligation de constituer un corps judiciaire ou une commission,
car le ministère doit toujours conserver sa liberté d’action. Il résulterait
cependant d’un pareil concours que, d’un côté, la responsabilité du
gouvernement serait en quelque sorte mise à couvert, et d’autre part que la
mesure serait paralysée par les formes et les lenteurs dont elle serait
entourée.
Il n’est pas possible non
plus de déterminer les cas dans lesquels l’expulsion aura lieu, parce qu’il
serait trop facile d’éluder la loi. Mieux vaudrait n’avoir pas de loi que d’en
avoir une dont les effets ne seraient pas assurés.
L’expulsion sera donnée par
arrêté royal ; l’étranger aura le choix de la frontière par laquelle il voudra
sortir, et ne sera transporte par la force armée que dans le cas où il
s’écarterait de la route tracée.
Il a paru juste et utile de
faire des exception en faveur de certains étrangers qui par leur position, les
liens qui les attachent au pays, les gages qu’ils lui ont donnés, approchent en
quelque sorte de la condition des indigènes, et ont ainsi des titres à jouir
des mêmes garanties.
Tels sont :
1° L’étranger autorisé à
établir son domicile dans le royaume ;
2° L’étranger marié avec
une femme belge dont il a des enfants nés en Belgique pendant sa résidence dans
le pays.
3° L’étranger décoré de la
croix de fer.
Cependant, si la nation à
laquelle l’étranger appartient se trouve en guerre avec
Il semble surabondant de
faire une disposition expresse pour abolir l’article 7 de la loi du 28
vendémiaire an VI ; l’adoption du projet ne laissera subsister aucun doute à
cet égard. Cependant si on jugeait nécessaire de porter une semblable
disposition, le gouvernement n’aurait aucun motif de s’y opposer.
Quant aux lois sur les
passeports et aux autres dispositions légales concernant les étrangers, elles
ne seront aucunement modifiées par le projet de loi dont je vais avoir
l’honneur de donner lecture a la chambre :
« Projet de loi.
« Léopold, Roi des
Belges,
« A tous présents et
venir, salut.
« Vu l’article 128 de
la constitution,
« De l’avis de notre
conseil des ministres. »
« Nous avons arrêté et
arrêtons :
« Notre ministre de la
justice est chargé de présenter aux chambres en notre nom le projet de loi dont
la teneur suit :
« LOI SUR LES
ETRANGERS.
« Art. 1er. L’étranger
résidant en Belgique, qui par sa conduite compromet la tranquillité publique,
peut être contraint par le gouvernement de s’éloigner d’un certain lieu,
d’habiter dans un lieu déterminé, ou même de sortir du royaume. »
« Art. 2. Les
dispositions de l’article précédent ne pourront être appliquées aux étrangers
qui se trouvent dans un des cas suivants, pourvu que la nation à laquelle ils
appartiennent soit en paix avec
« 1° A l’étranger
autorisé à établir son domicile dans le royaume ;
« 2° A l’étranger
marié avec une femme belge, dont il a des enfants nés en Belgique pendant sa
résidence dans le pays ;
« 3° A l’étranger
décoré de la croix de fer. »
« Art. 3. L’arrêté
royal porté en vertu de l’article premier sera signifié par huissier à
l’étranger qu’il concerne.
« Il sera accordé à
l’étranger un délai qui devra être d’un jour franc au moins. »
« Art. 4. L’étranger
expulsé qui aura reçu l’injonction de sortir du royaume sera tenu de désigner
la frontière par laquelle il sortira : il recevra une feuille de route réglant
l’itinéraire de son voyage et la durée de son séjour dans chaque lieu où il
doit passer. En cas de contravention à l’une ou l’autre de ces dispositions, il
sera conduit hors du royaume par la gendarmerie. »
« Donné à Bruxelles,
le 9 août 1835 »
« Léopold,
« Par le Roi : Le
ministre de la justice, A.-N.-J. Ernst. »
Il est donné acte à M. le ministre
du projet de loi sus-cité, et la chambre ordonne
qu’il sera renvoyé en sections.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
DROITS D’ENTREE ET AU TRANSIT DES BESTIAUX
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). donne
lecture d’un projet de loi relatif aux douanes. (Nous le ferons connaître.)
M.
A. Rodenbach. - Tous les jours il est adressé des pétitions qui
réclament le projet de loi qui nous arrive. Il y a longtemps qu’il aurait dû
être présenté, car ce sont aujourd’hui les Hollandais qui font le commerce de
bestiaux avec
M.
Rogier. - Si on renvoie ce projet de loi à une commission dans l’espérance
de tirer plus de lumière de cet examen, je ne m’y opposerai pas, mais si on
présente ce projet de loi sous son caractère d’urgence, je m’y opposerai. Je ne
vois pas qu’il y ait plus d’urgence pour cette loi que pour d’autres, parmi
lesquelles je citerai notamment celle sur l’industrie cotonnière qui aurait
tout droit à la priorité. Il y a plus : si j’ai bien entendu les dispositions
du nouveau projet, il ne serait pas tout à fait en harmonie avec le projet de
transit présenté par M. le ministre de l’intérieur. Je désirerais savoir s’il y
a eu accord entre lui et M. le ministre des finances à l’égard du projet qui
vient de nous arriver. En résumé, je propose le renvoi en sections.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense que la commission à laquelle on doit
renvoyer le projet doit être celle d’agriculture et d’industrie, car cela
rentre tout à fait dans sa mission.
Quant à ce qu’a dit
l’honorable préopinant, relativement à la dérogation apportée au projet du transit,
et l’accord qui aurait pu exister entre M. le ministre de l’intérieur et moi à
cet égard, je répondrai que non seulement je me suis concerté avec lui, mais
encore que ce projet a été discuté et arrêté en conseil des ministres.
L’honorable préopinant demande si ce n’est pas une exception à la loi sur le
transit. Assurément oui, et il ne faut pas s’étonner s’il est présenté des
modifications sur une semblable matière. Le projet dont il est question
aujourd’hui, a été vivement réclamé par la chambre, le sénat ; et une multitude
de pétitions en attestent la nécessité,
M.
Pirmez. - Je ne crois pas, lorsqu’il s’agit de loi
prohibitive, qu’on doive conclure qu’il y ait urgence lorsqu’il arrive un grand
nombre de pétitions ; c’est une fausse conséquence à tirer.
M.
Dumortier. - Lorsqu’on a présenté un projet de loi sur les
distilleries, il semblait qu’un nouvel âge d’or allait régner sur
M. A. Rodenbach.
- En renvoyant le projet à la commission d’industrie que composent, je crois,
des membres de chaque province et qui ont des connaissances en agriculture vous
atteindrez le but que vous vous proposez.
- Le renvoi du projet de
loi à la commission d’industrie et d’agriculture est unis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Plusieurs pétitions ont été envoyées à la chambre relativement aux sommes
prêtées sous le nom d’engagères ; j’ai l’honneur de déposer sur le bureau les
explications qui m’ont été demandées.
M.
d'Hoffschmidt. - Le projet que vient de proposer le gouvernement
relativement aux douanes, peut parer à un inconvénient ; mais un point
essentiel pour le pays, qui a plus besoin de débouchés que de mesures
prohibitives, serait d’avoir un traité de commerce avec
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je déclare que s’il s’agit d’un traité
proprement dit, il n’en est pas question. Les négociations qui ont eu lieu, ont
pour but des modifications importantes dans la tarification.
M.
d'Hoffschmidt. - Les connaîtra-t-on bientôt ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne puis encore rien dire à cet
égard.
M.
A. Rodenbach. - M. le ministre vient de nous dire qu’il était question de
modifications importantes dans la tarification ; mais quand aurons-nous ces
modifications ? Dans un an ou deux. Voilà cinq ans que notre tarif est purement
hollandais. Il est des articles qui paient des droits à la sortie, tandis
qu’ils devraient obtenir des primes. Je citerai le fil, qui, tissé dans notre
pays, paie des droits pour en sortir. Cet état de choses ne doit pas durer, et
j’appelle sur lui l’attention du gouvernement.
M.
d'Hoffschmidt. - M. le ministre de l’intérieur venant de nous donner
l’espoir que nous pourrons obtenir quelques modifications au tarif français, je
me permettrai de lui indiquer les plus importantes, et à cette occasion je
parlerai encore des intérêts de ma province, parce que je les connais mieux que
ceux des autres : sa forgerie est anéantie si le droit d’entrée du fer en
France n’est pas baissé au taux par mer. Un autre point plus vital encore pour
cette province, à laquelle il ne reste plus la moindre ressource, serait
d’obtenir, par l’entrée du bétail dans le même pays, qu’il soit imposé au poids
ou à la valeur et non par tête, ce qui équivaut à une prohibition pour la
petite espèce de bétail qui s’élève sur le sol stérile de cette province. Ces
questions sont pour ainsi dire des questions de vie ou de mort pour le
Luxembourg qui espère que le gouvernement fera tous ses efforts pour obtenir
les modifications qu’il nous fait espérer.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU PERSONNEL DE CERTAINS TRIBUNAUX
M.
Pirson. - Messieurs, dans la session précédente plusieurs propositions
d’augmenter le personnel de quelques tribunaux du royaume vous ont été
présentées. Tous ces projets ont été renvoyés à l’examen des sections, et il y
a tout lieu de croire qu’au moment où nous avons été renvoyés dans nos foyers
par l’ordonnance royale de clôture, l’honorable M. de Behr, rapporteur de la
section centrale, était prêt à vous soumettre les résultats de son travail,
dont les conclusions tendent, si je ne me trompe, au renvoi de tous les projets
à M. le ministre de la justice.
Si je voulais m’attacher
spécialement à vous démontrer l’insuffisance du personnel du tribunal de
Charleroy, je pourrais faire la comparaison du nombre des causes portées au
rôle de l’année judiciaire précédente avec celui qui existe actuellement. Je
vous dirais qu’il y avait alors 784 causes portées au rôle, dont 429
introduites dans l’année ; 951 ont figuré au rôle de l’année qui vient de finir
au 1er de ce mois : 436 affaires civiles restaient à juger au mois d’août 1834,
et depuis le 1er août 1835, 625 attendent jugement ; il y a donc en une année
augmentation de 167 affaires civiles, et 189 causes de plus attendent une
décision.
Ce résultat est d’autant
plus frappant que depuis 6 mois le tribunal de Charleroy donne 5 audiences
civiles par semaine. Mais, messieurs, je
m’arrêterai ici sans entrer dans d’autres développements, et je demanderai que
l’honorable rapporteur de la section centrale soit autorisé à déposer son rapport,
quoique ces projets aient été examinés dans une session où tous les membres qui
siègent actuellement ne faisaient point partie de la chambre. Cette
proposition, entièrement dans l’intérêt des auteurs de tous les projets, ne me
paraît pas devoir rencontrer la moindre opposition dans l’assemblée ; c’est le
seul moyen de mettre M. le ministre de la justice en état de faire droit aux
réclamations fondées et de nous présenter un projet de loi à ce sujet, à
l’ouverture de la session ordinaire.
M.
de Behr. - J’ai été chargé par la section centrale du rapport du projet
de loi relatif aux modifications dans le personnel des tribunaux ; j’étais
occupé à faire ce rapport quand la session a fini. Si la chambre le juge à
propos, je m’y remettrai, c’est l’affaire d’un jour.
PROJET DE LOI ORGANISANT
L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE
Discussion des articles
Titre Ier. - De l’enseignement supérieur
donné aux frais de l’Etat
Chapitre Ier. - Des universités
Article 2
« Art. 2. (Art. 35 du
gouvernement.) Les facultés des sciences des deux universités seront organisées
de manière que la faculté de Gand offre l’instruction nécessaire pour les arts
et manufactures, l’architecture civile, les ponts et chaussées ; et la faculté
de Liége, pour les arts et manufactures, et les mines. » »
« Art. 2 de la section
centrale (correspondant à l’art. 35 du gouvernement) Les facultés des sciences
des deux universités seront organisées de manière que la faculté de Gand offre
l’instruction nécessaire pour les arts et manufactures, l’architecture civile,
les ponts et chaussées ; et la faculté de Liége, pour les arts et manufactures,
et les mines. »
M.
Vandenbossche. - Parmi les votes émis dans la séance d’hier en
faveur de deux universités, plusieurs ont été mus par des considérations
d’intérêt général d’après leur manière de voir ; d’autres peut-être d’ailleurs
ont voté dans ce sens par un motif d’intérêt local.
Mais les deux universités
admises, M. le ministre ainsi que la commission centrale ont cru devoir
partager entre elles quelques branches de sciences ; ainsi, l’art. 2 établit
dans l’université de Gand un cours pour les arts et manufactures,
l’architecture civile, les ponts et chaussées ; et dans l’université de Liége,
un cours pour les arts et manufactures et les mines. Et puisque ainsi les deux
universités doivent également être incomplètes, je proposerai à la chambre
d’établir pour ces sciences une école spéciale à Nivelles.
A cet effet je me permets
de vous présenter à l’article correspondant à l’article 35 du gouvernement
l’amendement suivant :
« Il y aura une école
particulière à Nivelles pour les arts et manufactures, l’architecture civile,
les ponts et chaussées, et les mines. »
A cet article j’ajouterai
pour paragraphe l’art. 4, correspondant à l’art. 37 du gouvernement :
« On y enseignera :
l’architecture civile, les constructions nautiques, l’hydraulique, la
construction des routes et des canaux, la géométrie descriptive avec des
applications spéciales aux machines, aux routes et canaux, l’exploitation des
mines et la métallurgie.
« Des maîtres de dessin ou d’architecture
pourront être attachés à cet école. »
Je vous propose, messieurs,
une école particulière, parce que quelques-unes de ces branches de sciences
devant être enseignées dans l’une ou l’autre université, cette école
particulière procurera une diminution de personnel quant aux professeurs, et
par conséquent une économie.
Je propose d’établir cette
école à Nivelles 1° parce que Nivelles occupe un centre dans le royaume, et 2°
parce que j’ai vu que le district a réclamé la translation du siège du tribunal
à Wavre, et que je trouve cette réclamation assez juste et équitable pour
croire que la chambre, lorsqu’il s’agira de la circonscription judiciaire
l’accueillera, et qu’ainsi le gouvernement trouverait dans Nivelles un local
propre à y établir une pareille école, outre qu’elle servirait de compensation
à cette ville pour la perte de son tribunal.
M.
Dechamps, rapporteur. - Si nous avions à traiter cette question
théoriquement, je serais porté, peut-être, à préférer l’établissement d’une
école polytechnique centrale, et la célèbre école de France serait un
antécédent pour légitimer ce système. Mais, quand on veut élever un édifice, il
faut tenir compte du terrain sur lequel on veut bâtir. Or, si l’on se demande
quel est le meilleur système à suivre pour fonder en Belgique un enseignement
polytechnique sur une grande échelle et à moindres frais, je ne pense pas qu’il
y ait lieu à hésiter un seul instant entre les deux systèmes qui sont proposés.
En France, l’instruction supérieure est éparpillée en une multitude d’académies
incomplètes, et elle n’est concentrée que dans Paris seul, de sorte que
l’étendue de
Sous le rapport de l’étude
d’application qui forme l’aliment le plus nécessaire à l’enseignement
polytechnique, on ne peut disconvenir que les ressources locales qu’offrent les
villes de Gand et de Liége ne soient d’un avantage inappréciable. Les Flandres
et Gand en particulier, coupées comme elles le sont par des canaux et des
routes de tout genre, offrent des ressources locales pour l’architecture
civile, les ponts et chaussées, que nulle autre ville ne pourrait présenter au
même degré. Liége, assise au milieu des mines les plus riches du royaume, est
sans aucun doute la localité qui offre le plus d’avantages pour les études
minéralogiques. Ainsi, messieurs, sous le rapport de l’étude théorique, il est
incontestable qu’elle sera plus vaste et plus forte dans les facultés de
sciences des deux universités que dans une école spéciale ; et sous le rapport
de l’étude d’application Gand et Liége offrent des ressources spéciales qu’on
ne peut négliger et qu’on ne trouverait pas ailleurs au même degré. Pour les
arts et les manufacturés il serait impossible de trouver en Belgique deux
localités plus privilégiées à cet égard : aussi, dans le projet, la classe des
arts et manufactures est adjointe à la faculté des sciences de l’université de
Gand et en même temps à celle de l’université de Liège. Pour moi, je suis
persuadé qu’il sortira des facultés de sciences polytechniques ainsi
organisées, de meilleurs élèves pour le génie civil et pour la carrière
industrielle que de la création d’une école spéciale et isolée. Je ne connais à
cela qu’une seule objection, c’est que les mœurs des élèves des universités ne
se concilient pas avec les mœurs guerrières des élèves d’une école
polytechnique ; que leur carrière a un but trop différent. Mais l’auteur de la
brochure où j’ai puisé cette objection, a oublié que les cours pour le génie
militaire et l’artillerie font partie de l’école militaire créée à Bruxelles,
et non des facultés de sciences des universités.
On ne vote pas ?
Article 3
« Art. 3 (art. 36 du
gouvernement). L’enseignement supérieur comprend :
« Dans la faculté de
philosophie et lettres :
« Les littératures
grecque, latine, française, les antiquités romaines, l’archéologie, l’histoire
ancienne, du moyen-âge et celle du pays, l’histoire des littératures modernes,
la philosophie (logique, psychologie, métaphysique, esthétique ou théorie du
beau, philosophie morale, l’histoire de la philosophie), l’histoire politique
moderne, l’économie politique, la statistique, la géographie physique et
ethnographique.
« Dans la faculté des
sciences mathématiques, physiques et naturelles :
« L’introduction aux
mathématiques supérieures (haute algèbre),
« Les mathématiques
supérieures, la théorie analytique des probabilités,
« L’astronomie,
« La physique,
« La chimie,
« La mécanique analytique,
« La mécanique
céleste,
« La physique, la
chimie et la mécanique appliquées aux arts,
« La minéralogie,
« La géologie,
« La zoologie,
« L’anatomie comparée,
« La botanique et la
physiologie des plantes.
« Dans la faculté de
droit :
« L’encyclopédie du
droit,
« L’histoire du droit,
« La philosophe du
droit,
« Les institutes du
droit romain,
« Les pandectes,
« Le droit public
interne et externe,
« Le droit
administratif
« Les éléments du
droit civil moderne,
« Le cours approfondi
du droit civil moderne,
« Le droit criminel, y
compris le droit militaire,
« La procédure civile,
l’organisation et les attributions judiciaires ;
« Le droit commercial.
« Dans la faculté de
médecine :
« L’encyclopédie et
l’histoire de la médecine,
« L’anatomie
(générale, descriptive, pathologique ; organogénésie,
monstruosités),
« La physiologie,
« L’hygiène,
« La pathologie et la
thérapeutique générale des maladies internes,
« La pathologie et la
thérapeutique spéciale des mêmes maladies,
« La pharmacologie et la
matière médicale,
« La clinique interne,
« La pharmacie
théorique et pratique,
« La pathologie
externe (chirurgie) et la médecine opératoire
« La clinique externe,
« Le cours théorique
et pratique des accouchements
« La médecine légale
et la police médicale. »
« Art. 3
(correspondant à l’art. 36 du gouvernement).
« L’enseignement
supérieur comprend :
« Dans la faculté de
philosophie et lettres :
« Les littératures
orientale, grecque, latine, française et flamande, les antiquités romaines,
l’archéologie, l’histoire ancienne, du moyen-âge et celle du pays, l’histoire
des littératures modernes, la philosophie (logique, anthropologie, psychologie,
métaphysique, esthétique ou théorie du beau, philosophie morale, l’histoire de
la philosophie), l’histoire politique moderne, l’économie politique, la
statistique, la géographie physique et ethnographique.
« Dans la faculté des
sciences mathématiques, physiques et naturelles :
« L’introduction aux
mathématiques supérieures (haute algèbre),
« Les mathématiques
supérieures, la théorie analytique des probabilités,
« L’astronomie,
« La physique,
« La chimie,
« La mécanique
analytique,
« La mécanique
céleste,
« La physique, la
chimie et la mécanique appliquées aux arts,
« La minéralogie,
« La géologie,
« La zoologie,
« L’anatomie comparée,
« La botanique et la
physiologie des plantes.
« Dans la faculté de
droit :
« L’encyclopédie du
droit,
« L’histoire du droit,
« La philosophe du
droit,
« Les institutes du
droit romain,
« Les pandectes,
« Le droit public interne
et externe,
« Le droit
administratif,
« Les éléments du
droit civil moderne,
« Le cours approfondi
du droit civil moderne,
« L’histoire du droit
civil de
« Le droit criminel, y
compris le droit militaire,
« La procédure civile,
l’organisation et les attributions judiciaires ;
« Le droit commercial.
« Dans la faculté de
médecine :
« L’encyclopédie et
l’histoire de la médecine,
« L’anatomie
(générale, descriptive, pathologique ; organogénésie,
monstruosités),
« La physiologie,
« L’hygiène,
« La pathologie et la
thérapeutique générale des maladies internes,
« La pathologie et la
thérapeutique spéciale des mêmes maladies,
« La clinique interne,
« La
pharmacologie et la matière médicale,
« La pathologie
externe (chirurgie) et la médecine opératoire,
« La clinique externe,
« Le cours théorique
et pratique des accouchements
« La médecine légale
et la police médicale. »
M.
Dechamps, rapporteur. Vous voyez
qu’on fait quelques différences entre le nouveau projet du gouvernement et
celui de la section centrale. Ces différences consistent dans l’addition des
littérateurs orientale et flamande, et je crois ces additions utiles et
nécessaires. Vous savez que depuis quelques années les investigations des
savants se sont portées sur l’Orient et que les découvertes que l’on a faites
en archéologie ne permettent pas de se dispenser de compter cette littérature
parmi celle du haut enseignement, Pour la littérature flamande, c’est une
réparation que nous devons aux provinces flamandes.
Quant à l’expression
d’anthropologie, je crois qu’elle est synonyme de psychologie et conséquemment
inutile.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - J’ai quelques explications à
donner sur les dernières observations présentées par le préopinant. Cet
honorable membre pense que le mot psychologie est plus étendu que celui
d’anthropologie ; que l’anthropologie est une partie de la psychologie. Il est dans
l’erreur. Le terme anthropologie est celui qui est employé dans les derniers
états des connaissances philosophiques, et notamment dans tous les Etats
allemands l’anthropologie est la science de l’homme, tandis que la psychologie
est la science de l’âme. L’anthropologie est un terme générique. La psychologie
n’est qu’une partie de l’anthropologie. Je pense donc que cette expression doit
être maintenue.
M.
Dumortier. - Je ne vois pas dans l’art. 3 qu’on doive enseigner dans nos
universités l’anatomie végétale, ni la géographie naturelle, ce qui est une des
branches principales des sciences naturelles. Je ne vois pas non plus que dans
la faculté de médecine on ait compris l’ostéologie qui est une des branches
principales de la médecine. Il me semble que l’enseignement ne serait pas
complet si on ne comprenait pas les sciences dont je viens de parler. Je
propose donc de les ajouter.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - Je ne trouve aucun inconvénient
à ce qu’on ajoute l’anatomie végétale et la géographie naturelle aux objets
compris dans la faculté des sciences. Quant à l’ostéologie, je ferai observer
qu’elle se trouve comprise dans l’anatomie dont on n’a pas cru devoir énumérer
toutes les branches. Cependant je ne vois aucune difficulté à ce que dans la
parenthèse on mette l’ostéologie, afin que les professeurs ne puissent pas
perdre de vue cette branche spéciale.
M.
le président. - La parole est à M.
C. Rodenbach.
M.
C. Rodenbach. - Je ne voulais que faire observer, comme l’a fait M. le
ministre, que l’ostéologie était une branche de l’anatomie.
M. de Brouckere. - Je demande la parole. Je
trouve que dans la faculté de droit on enseignera les « éléments du droit
civil moderne et le cours approfondi du droit civil moderne. »
Je ferai observer qu’on ne
peut pas connaître le droit civil moderne approfondi, sans avoir étudié les
éléments de cette science. On aurait pu se borner à mettre : « Le droit civil
moderne. » C’est plus court et meilleur français, car je ne comprends pas
comment on peut enseigner un cours.
Je propose donc de
substituer à ces deux paragraphes :
« Les éléments du
droit civil moderne,
« Le cours approfondi
du droit civil moderne, » celui-ci : «Le droit civil moderne. »
Je ne proposerai pas
d’autre changement, cependant je crois devoir dire qu’au lieu d’insérer dans
l’énumération les institutes du droit romain et les pandectes, je préférerais
qu’on mît le droit romain, sauf aux professeurs à diviser l’enseignement du
droit romain en deux cours, s’ils le croyaient utile.
Je ne serais pas étonné que
d’ici à quelque temps, dans les universités, on jugeât à propos de fondre en un
seul cours les institutes et les pandectes, et de donner un cours de droit
romain en deux années. Cependant je ne proposerai pas de modification à cet
égard, parce que je n’espère pas faire partager mon opinion sur ce point par la
majorité.
Mais quant à la
modification dont j’ai parlé en commençant, je la crois nécessaire ; je
persiste à demander qu’elle soit faite.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - L’expérience de tous les pays et de tous les temps a
démontré la nécessité de diviser la science du droit romain en deux cours, le
cours des institutes et le cours des pandectes. Il est impossible, vient de
dire un honorable député de Bruxelles, de connaître le droit civil moderne
approfondi sans en connaître les éléments, comme aussi d’étudier les pandectes
sans connaître les institutes. Mais les institutes forment un cours et un cours
d’une année. Il est de la plus grande importance que la jeunesse connaisse tous
les éléments d’une science avant d’étudier les applications, les questions qui
dérivent de la combinaison des différents textes. Ainsi c’est une chose
incontestable qu’il est nécessaire de diviser les éléments du droit de son
application. Je puis, à cet égard, invoquer mon expérience. La ligne de
démarcation entre les institutes et le pandectes est
si nettement tracée, que je ne pense pas qu’il arrive à une université de
vouloir les réunir.
La division du droit civil
moderne en deux cours est également réclamée par tous les professeurs des deux
universités comme une grande amélioration. En effet, ce qui se trouve dans le
droit romain, qui est le droit naturel que les Romains ont formulé, peut
exister dans notre législation moderne. Dans les anciennes facultés de droit,
il y avait trois cours de droit civil qui duraient trois ans ; chaque professeur
conduisait jusqu’à la fin les élèves avec lesquels il avait commencé.
Sous le régime hollandais,
il n’y eut plus qu’un seul cours de droit civil. Ce changement exerça une
funeste influence sur l’étude du droit civil. Je puis encore ici invoquer ma propre
expérience et celle d’un frère qui m’est cher. C’est lui qui, à la commission,
a proposé la division du droit moderne en deux cours, les éléments du droit
civil moderne et le cours approfondi du droit civil moderne.
Je ne défends pas cependant
la rédaction, je ferai volontiers la modification que réclame M. de Brouckere,
mais quant à la division, elle existe, car on donne un cours d’institutes et un
cours de pandectes. Il en est de même pour le droit moderne. Ainsi, je persiste
à soutenir que c’est là une amélioration que la chambre ne doit pas repousser.
M.
de Brouckere. - Ceux de mes honorables collègues qui m’ont compris,
n’ont pas pensé que j’avais voulu supprimer le cours des institutes, ni le
cours des éléments du droit civil moderne.
Je n’ai rien dit de
semblable, et si je l’avais fait, j’aurais fait preuve d’une crasse ignorance.
J’ai dit que pour étudier les pandectes, il fallait avoir étudié les
institutes, mais qu’il était inutile de mettre cela dans la loi, qu’il
suffisait de dire qu’on enseignerait le droit romain, sauf aux professeurs à
diviser cet enseignement en deux cours ou à faire un cours d’institutes et de
pandectes en deux années. Car, bien que M. Ernst vous ait dit que la ligne de
démarcation entre les institutes et les pandectes était nettement tracée, je ne
suis pas tout à fait de son avis. Tout en reconnaissant sa supériorité en
matière de droit romain, et quoique je ne veuille pas lutter avec lui sur ce
point, je pense qu’on pourrait arriver à ne donner qu’un cours de droit romain,
en confondant l’enseignement des pandectes avec celui des institutes. Vous vous
rappellerez que, quand j’ai émis cette opinion, me méfiant de moi-même, je n’ai
pas cru devoir en faire l’objet d’une proposition. Mais pour ce qui concerne le
droit civil moderne, je persiste à soutenir que c’est une superfluité de dire
qu’on enseignera les éléments du droit et le droit approfondi.
A l’université de Liége, où
j’ai fait mes études, les choses se sont toujours passées comme vient de le
dire l’honorable M. Ernst. J’y trouve les cours très bien distribués ; dans une
première année on parcourt tout le code civil, et ensuite on examine quelques
titres d’une manière plus approfondie, mais on n’a pas besoin de dire cela dans
la loi. Il suffirait d’y mettre : « le droit civil moderne. » Les
professeurs feraient ensuite cette division qu’ils jugeraient utile.
J’abandonne mes
observations à la sagesse de la chambre.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant a dit
qu’il n y a pas de raison pour modifier l’article en ce qui concerne les
institutes et les pandectes.
M.
de Brouckere. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - Vous y attachez moins
d’importance. Eh bien, moi, je pense que l’importance est la même : si on veut
laisser aux professeurs le soin de diviser l’enseignement d’une science, il
suffira de dire qu’on enseignera telle et telle chose. Mais c’est ce qu’il ne
faut pas faire quand l’expérience a prouvé qu’il était utile en pratique de
diviser en deux cours l’enseignement de telle science et que le succès de
l’enseignement en dépendait. Eh bien, le succès de l’enseignement exige que
l’enseignement du droit romain comme du droit civil soit divisé en deux cours,
et il ne suffit pas d’avoir deux cours, il faut qu’il y ait deux professeurs,
il faut que le gouvernement nomme un professeur pour le cours de droit
élémentaire et un pour le cours de droit approfondi ; ou si un seul professeur
est chargé des deux cours, il faut qu’il les fasse tous deux.
Je prie l’honorable membre
auquel je réponds de remarquer que les auteurs du projet ont eu en vue
d’insérer dans la loi non seulement les branches que devraient enseigner les
universités, mais les cours qu’elles devaient donner. Il
n’ont pas seulement prétendu dire qu’on enseignerait dans les
universités le droit civil et le droit romain, mais qu’on les enseignerait
envisagés sous deux faces ; que la première année on ferait un cours
élémentaire, et que le cours de droit approfondi ou d’application viendrait
après.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix les divers amendements.
M.
Verdussen. - J’espère que la chambre votera séparément sur les
amendements de M, le ministre, car je ne pourrai approuver la proposition de
faire enseigner dans nos universités la littérature orientale. Cela ne nous
conduirait qu’à payer grassement un grand nombre de professeurs qui n’auraient
rien à faire. Je pense qu’il vaut mieux s’en tenir à la disposition du projet.
Je ne m’étendrai pas sur les autres points. Il ne m’appartient pas d’en parler
avec connaissance de cause.
M. Dumortier. - Je m’oppose à ce qu’on
retranche des matières enseignées la littérature orientale. On dit qu’il n’y a
pas d’orientalistes dans le pays ; c’est une raison pour tâcher d’en former. La
littérature orientale est une des branches les plus relevées des connaissances
humaines. Comment pourrez-vous vous faire une idée des systèmes des philosophes
orientaux, si vous ne connaissez pas la langue orientale ? La connaissance de
cette langue n’est pas moins nécessaire à l’extension de nos rapports
commerciaux.
- L’addition des
littératures orientale et flamande proposée par M. le ministre de l’intérieur
est mise aux voix et adoptée.
La substitution du mot
anthropologie au mot psychologie est également adoptée.
La chambre adopte la
proposition de M. Dumortier d’ajouter la géographie naturelle et l’anatomie
végétale.
M.
le président. - Je mets aux voix l’amendement de M. de Brouckere qui
propose de remplacer les deux paragraphes : « les éléments du droit civil
moderne, le cours approfondi du droit civil moderne, » par celui-ci :
« Le droit civil moderne. »
M. Dubus. - Si
on veut se borner à énumérer les diverses branches qui seront enseignées dans
les universités, la rédaction de M. de Brouckere est suffisante, et comme elle
est plus brève, elle est préférable. Mais si on veut indiquer tous les cours
qui devront être ouverts, il faut donner la préférence à la rédaction du
ministre.
Je voudrais savoir si pour
les autres sciences on a eu soin aussi d’indiquer non seulement les branches,
mais tous les cours dans chaque branche. Le même système doit être appliqué à
toutes les facultés.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- En indiquant les branches d’enseignement, on a voulu déterminer la
distribution des cours ; c’est pour cela qu’on s’est servi du mot cours approfondi.
M.
de Brouckere. - S’il en est ainsi, je retire mon amendement, Cependant
il ne faut pas moins changer la rédaction.
Je proposerai de mettre «
les éléments du droit civil et le droit civil approfondi. »
- Cette modification est
mise aux voix et adoptée.
M. le président. -
Voici l’amendement de la section centrale sous-amendé par M. le ministre : «
L’histoire du droit coutumier de
- Adopté.
M. le ministre a proposé
d’ajouter après : « La pharmacologie et la matière médicale, » le
paragraphe suivant : « La pharmacie théorique et pratique. »
- Adopté.
M. Dumortier. - Avant de voter sur l’ensemble
de l’article, j’ai une explication à demander. Je vois à l’art. 3, parmi les
objets enseignés, la chimie, la physique et la mécanique appliquées aux arts.
Je ne comprends pas, après cela, la disposition de l’article 4 portant que dans
la faculté des sciences de Gand on enseignera l’architecture civile, les
constructions nautiques, l’hydraulique, la construction des routes et des
canaux, la géométrie descriptive avec des applications spéciales aux machines,
aux routes et canaux. »
Cette disposition me paraît
rendre inutile celle de l’art. 3.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. -
Messieurs, dans les facultés des sciences, la science sera envisagée sous deux
rapports : d’abord d’une manière générale, sans application particulière ;
c’est ainsi que dans les facultés des sciences on enseignera toujours la
chimie, la physique et la mécanique appliquées aux arts, et indépendamment de
cela, ces sciences recevront des applications spéciales dans les universités de
Gand et de Liége.
- L’ensemble de l’article
tel qu’il a été amendé est mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art 4. Dans la
faculté des sciences de Gand, on enseignera : l’architecture civile, les
constructions nautiques, l’hydraulique, la construction des routes et des
canaux, la géométrie descriptive avec des applications spéciales aux machines,
aux routes et canaux.
« Dans la faculté des
sciences de Liége, on enseignera : l’exploitation des mines, la métallurgie, la
géométrie descriptive avec des applications spéciales à la construction des
machines.
« Des maîtres de
dessin ou d’architecture pourront être attachés à ces deux facultés. »
- Adopté.
Article 5
« Art. 5 de la section
centrale (correspondant à l’art 38 du gouvernement). La durée des cours est
déterminée par le gouvernement.
« Les programmes des
cours sont soumis à son approbation. »
- Cet article, auquel le
gouvernement se rallie, est mis aux voix et adopté.
(Note du webmaster : l’article 6 sera discuté dans la séance du 22
août 1835.)
Chapitre II. - Des subsides
Article 7
M.
le président. - « Art. 39 (du projet du gouvernement). Des
subsides seront accordés aux universités pour l’entretien des bâtiments,
bibliothèques, jardins botaniques, cabinets et collections, et pour subvenir à
tous les besoins de l’instruction. »
La section centrale propose
la suppression de cet article
M. Dumortier. - Je rappellerai à la chambre
l’observation que j’ai eu l’honneur de lui soumettre à la fin de la séance
d’hier et qu’elle a renvoyée à une autre séance.
Je demanderai à M. le
ministre dé l’intérieur quels sont, dans l’état actuel, relativement à la
question pécuniaire, les rapports entre le gouvernement et la ville où sont
situées les universités. Je crois savoir que sous le gouvernement précédent un
contrat était passé entre le gouvernement et ces villes qui devaient fournir,
sinon des finances, au moins des bâtiments pour les universités. Je ne pense
pas que ce système doive être changé. En effet, si vous stipulez le nom des
villes où seront les universités sans donner au gouvernement le droit de
transférer ailleurs ces établissements, pour le cas où ces villes refuseraient
de donner ce qu’elles doivent donner, le gouvernement serait à la merci des
villes de Gand et de Liége. C’est ce qui ne doit pas exister. C’est ce que nous
ne devons pas vouloir.
Quant à moi, je préférerais
beaucoup qu’on supprimât l’article et qu’on le renvoyât au budget. Mais je
préférerais encore qu’on admît en principe que chaque ville devra faire pour
son université quelques sacrifices. C’est ce qui existe pour les athénées.
Toutes les villes qui ont un athénée entrent pour la moitié dans les
frais non seulement du matériel, mais même du personnel ; car il est vrai
qu’elles paient une partie du traitement des professeurs. Et je n’ai pas besoin
de dire qu’une université procure à une ville bien d’autres avantages qu’un
athénée.
Je voudrais que Liége et
Gand contribuassent pour une partie dans les frais de leurs universités. Je
demande à cet égard des explications ; et si ces explications ne peuvent pas
être données aujourd’hui, je demande que cet article soit ajourné à demain.
M.
de Behr. - Messieurs, la ville de Liège n’entre pour rien dans les
dépenses de son université. J’ai été du conseil de régence de Liège, et jamais
je n’ai vu que la ville ait porté à ce titre aucune somme à son budget. Le
local appartient au gouvernement, et c’est l’Etat qui en fait tous les frais.
Je ne sais si les ressources de la ville lui permettraient de contribuer à ces
frais. Je crois même que ce ne lui serait guère possible, lors même qu’elle en
aurait la volonté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce que je puis affirmer, c’est que les villes de Gand, Liège et Louvain ne contribuent
pour rien aux dépenses énoncées dans l’article en discussion. Les subsides
accordés depuis 1830 ont été repartis, à peu près également, entre les trois
universités.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. -
Messieurs, il en est des universités comme des cours d’appel ; l’une et l’autre
sont établies, non dans un intérêt local, mais dans l’intérêt général du pays.
Lorsque vous avez décidé l’établissement de deux universités, c’est ce dernier
intérêt qui seul vous a guidés.
La ville de Gand a fait de
grands sacrifices pour son université ; car elle n’avait pas de local qui
convînt à cet établissement. La régence de Gand a fait des stipulations dans
l’intérêt de sa ville pour le cas où jamais on supprimerait son université.
Ainsi la régence de Gand, en consentant à construire un local pour
l’université, s’en est réserve la propriété dans le cas de la suppression.
Les villes de Louvain et de
Liége avaient des locaux convenables.
On n’a imposé aucun
sacrifice à aucune des villes où les universités sont établies. Mais chacune de
ces villes, successivement et suivant les cas, a fait des sacrifices pour son
université. Mais ces sacrifices ont été volontaires. Ainsi des cadeaux ont été
faits par les régences de Gand et de Liége aux universités de ces deux villes.
Pour l’université de Liége je puis l’affirmer. A Louvain il en a peut-être été
de même.
L’honorable M. Dumortier demande que les choses
restent sur le même pied où elles étaient. Le gouvernement pourrait y consentir
; car, en donnant cette adhésion, il ne déchargerait pas les villes d’une
obligation à laquelle elles ne sont pas soumises.
Je crois que si c’est dans
l’intérêt du pays que vous avez établi deux universités, vous ne devez pas
faire dépendre leur existence de la position pécuniaire des villes où elles
sont situées. Qu’arrivera-t-il en effet si la ville de Liége, en raison de la
situation de ses finances et par suite des sacrifices qu’elle a faits à la
révolution, ne pouvait pas fournir un subside de dix ou quinze mille francs ?
Iriez-vous par un tel motif détruire son université ? Si elle refusait des
sacrifices que son état financier lui permettrait de faire, et que la
législature revînt alors sur son vote, je crois qu’elle ferait bien. Mais
maintenant je crois qu’il n’y a pas autre chose à faire que de décider que des
subsides seront accordés aux universités. Lors de la discussion du budget, la
chambre en déterminera la quotité, après avoir examiné quelles dépenses doivent
être faites par les localités où les universités sont établies.
M. Dumortier. - Il résulte de ce que vous venez
d’entendre que la chambre n’a reçu aucun éclaircissement relativement à la
question qu’il s’agit de décider. Toutefois vous voyez que la position des deux
villes est différente.
Gand a fait des dépenses
considérables de construction pour obtenir son université, tandis que Liège n’a
fait aucune dépense de ce genre. Mais qui nous garantit que Gand ne fera pas
valoir cette circonstance pour exiger qu’il lui soit payé le loyer du local de
l’université ?
D’un autre côté il n’est
personne qui ne sache les immenses avantages qu’une université procure à la
ville où elle est située.
Dès lors il me semble que
c’est bien le moins que la ville entre dans les frais du local.
Les villes auxquelles des
universités ont été accordées viendront-elles dire que leurs finances sont
obérées ? Mais Bruxelles, dont les finances sont très obérées, fait des
dépenses immenses pour les sciences ; cette ville donne des subsides au cabinet
d’histoire naturelle, au musée, à la bibliothèque et même à l’université libre.
La ville de Liège pour laquelle on a fait d’immenses sacrifices, à qui on a
donné une route en fer, aura encore une des deux universités de
Je ne puis admettre un tel
système. J’ajouterai que si la ville de Liége se montrait récalcitrante, et ne
voulait pas contribuer aux dépenses de son université, on trouverait bien des villes
qui seraient heureuses de faire des dépenses pour avoir une université. Je me
rends garant des sacrifices que la ville de Tournay serait disposée à faire
dans un tel but.
En raison de l’insuffisance
des renseignements donnés, je demande le renvoi à demain.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. - Je ne
m’oppose pas à l’ajournement à demain des articles en discussion. Il n’y a
aucune difficulté à connaître les faits d’une manière plus exacte pour que la
discussion soit plus éclairée. Mais je répondrai un mot à l’honorable
préopinant. Je ne pense pas que lui, non plus que la chambre, ait voulu faire
un cadeau à la ville de Liége en décidant le maintien de son université. Elle a
ainsi décidé la question dans l’intérêt du pays.
Pour la régence de Gand on
exprime la crainte qu’elle ne vienne demander un loyer pour le local de
l’université. Messieurs, si la régence de Gand avait le droit d’exiger ce
loyer, elle ne le ferait pas ; les sacrifices qu’elle a faits pour les sciences
en sont un sûr garant. Mais la régence de Gand ne pourrait élever une telle
prétention car il résulte d’un contrat passé entre le gouvernement et la ville
de Gand que les bâtiments affectés à l’université conserveront à perpétuité
cette destination. Seulement la régence de Gand a fait une réserve qui est
juste, elle a stipulé le retour de ces bâtiments si on lui retirait
l’université.
Quant à ce qu’a dit le
préopinant, de grands sacrifices faits pour la ville de Liége, j’avoue que je
ne connais aucun de ces sacrifices. Je sais, par exemple, les grands sacrifices
qu’a faits la ville de Liége pour l’indépendance du pays.
Le préopinant a parlé du
chemin de fer. Mais chacun sait qu’il n’a pas été établi dans l’intérêt de
Liége, et que toute autre ville se fût-elle trouvée à sa place, on n’aurait pas
décidé autrement la direction de la route.
- L’ajournement à demain de
l’art. 39 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.
Article 8
« Art. 40 (du projet du
gouvernement). Les hospices civils de Gand et de Liége serviront à
l’enseignement clinique médical et chirurgical, et à l’art pratique des
accouchements. »
M.
Legrelle. - Cet article étant corrélatif avec le précédent, j’en
demande également l’ajournement à demain.
- L’ajournement de l’art.
40 est adopté.
Chapitre III. - Des
professeurs
« Art. 41. (du projet
du gouvernement). Les professeurs portent le titre de professeurs ordinaires ou
extraordinaires.
« Les professeurs
ordinaires jouissent d’un traitement fixe de 6,000 fr. et les professeurs
extraordinaires d’un traitement de 4,000 fr. Le gouvernement pourra augmenter
le traitement des professeurs ordinaires de 1,000 à 3,000 francs lorsque la
nécessité en sera reconnue.
« L’arrêté royal qui
contiendra cette disposition en donnera les motifs précis. »
« Art. 6 (de la
section centrale, correspondant à l’art. 41 du gouvernement). Les professeurs
portent le titre de professeurs de première ou de deuxième classe.
« Les professeurs de
première classe jouissent d’un traitement fixe de 6,000 fr., et les professeurs
de deuxième classe d’un traitement de 4,000 fr. »
M.
A. Rodenbach. - Cet article élève, ce me semble, de 5,000 à 6,000 fr.
le chiffre des appointements des professeurs. Je demanderai à cet égard une
explication. Vous n’ignorez pas que les minervalia touchés par les professeurs
s’élèvent quelquefois à 6,000 fr. Cela leur fait donc un traitement de 11,000
fr. Ce traitement me paraît suffisant. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de l’augmenter.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - Le traitement fixe des
professeurs n’est pas le même dans tontes les universités ; il est de 2,200 fl.
à Louvain et à Liége, et de 2,500 fl. à Gand. Le maximum est donc de 5 mille
fr. environ. La commission qui a été consultée sur cette question, a proposé 6
mille fr. au lieu de 5. Voici les motifs qui l’ont déterminée :
« Le traitement des
professeurs ordinaires est fixé à 6,000 fr., et celui des professeurs
extraordinaires à 4,000 fr. Il est plus élevé que celui dont jouissent
actuellement les professeurs des universités ; voici les motifs de ce
changement : les professeurs des universités perdront une grande partie des
émoluments dont ils jouissaient, par l’abolition des droits d’examen dévolus
aux facultés ; la suppression des études obligées dans les universités, la
concurrence des écoles libres diminueront nécessairement le nombre des élèves,
et par suite, les rétributions qui revenaient aux professeurs. »
Ainsi l’augmentation n’a
d’autre objet que de remplacer ce que recevaient les professeurs dans le
système où les élèves étaient obligés de suivre leurs cours.
En somme, l’honorable M. A.
Rodenbach désire que les professeurs ne soient pas augmentés ; je puis répondre
qu’ils ne le sont pas, et que loin de là ils seront dans une position
inférieure à celle où ils se trouvent, dans l’état actuel des choses.
M.
Dumortier. - M. le ministre vient de dire une partie de ce que je
voulais dire.
J’ai toujours été grand
partisan des économies ; mais ce n’est pas ici que je veux des économies. Je
veux une instruction forte et distinguée. Or, pour avoir une instruction de ce
genre, il faut savoir payer les professeurs. D’ailleurs, l’augmentation est plus
que couverte par la diminution des droits d’examen.
Il faut que nous fassions
en sorte que les professeurs jouissent d’une position honorable.
Vous n’ignorez pas que les
sciences et les lettres trouvent peu d’encouragements dans le pays.
Malheureusement si elles ne sont pas encouragées par le particulier, elles ne
le sont pas davantage par le gouvernement ; car les fonds votés pour
l’encouragement des lettres, des sciences et des arts, sont entièrement
absorbés par les arts seulement. Cela est tellement vrai que je connais des
personnes qui ont voulu faire des entreprises honorables pour le pays et qui
ont vainement demandé, comme j’ai vainement sollicité pour elles, un subside du
gouvernement.
Dans ce moment, je connais
quatre jeunes Belges qui sont disposés à faire une expédition relative à
l’histoire naturelle en Amérique, où ils comptent passer quelques années. Eh
bien, ils n’ont pas pu obtenir du gouvernement leurs frais de traversée.
Dans un pays ou les lettres
et les arts trouvent si peu d’appui, je ne pense pas que les traitement
de 4 et de 6 mille fr. proposés par le gouvernement soient trop élevés.
J’adopte donc sous ce rapport son article. Mais je ferai une observation sur
une différence de rédaction entre le projet du gouvernement et celui de la section
centrale.
Le gouvernement propose de
dire : « les professeurs ordinaires et extraordinaires ; » la section
centrale substitue à ces expressions celles de « professeurs de première
et de seconde classe. » Quant à moi je déclare que je préfère de beaucoup
cette dernière dénomination. En effet, vos professeurs ordinaires seront les
professeurs les plus distingués et quelquefois des hommes extraordinaires,
tandis que vos professeurs extraordinaires seront presque toujours des hommes
fort ordinaires. La rédaction de la section centrale, sur ce point, est donc
préférable.
La section centrale
propose le retranchement du deuxième paragraphe de l’article du gouvernement
d’après lequel « le gouvernement pourrait augmenter le traitement des
professeurs ordinaires de 1,000 à 3,000 fr. » Je ne puis pas être ici de
l’avis du gouvernement. Je le veux pas que le gouvernement puisse augmenter
pour les professeurs le traitement fixé par la loi, comme il ne peut pas
augmenter celui des juges. Si vous voulez que les traitements soient mobiles,
fixez-en le chiffre dans le budget ; mais si vous en déterminez la quotité dans
la loi d’organisation, il ne faut pas que le gouvernement puisse à son gré
accorder des augmentations. En effet, messieurs, vous savez que ce ne sont pas
toujours les hommes du plus grand mérite qui recueillent les faveurs du
gouvernement. Vous l’avez vu sous le gouvernement précédent ; et le
gouvernement actuel n’est pas exempt de reproche à cet égard. Ainsi nous avons
vu un étranger habile, savant et capable, obtenir une distinction de faveur,
alors qu’un Belge plus capable n’a pas pu l’obtenir. Chacun de vous comprendra
cette allusion. C’est là une nouvelle preuve que les faveurs ne sont pas
toujours accordées au mérite.
Quant à moi je préfère la
rédaction du gouvernement à celle de la section centrale.
Je devine ce qu’on va me
répondre. On va dire qu’il y a des hommes spéciaux, des hommes rares, dont le
mérite plus que celui de leurs collègues demande à être plus payé. Avec un tel
système vous arriverez à donner à un professeur un traitement de 15 ou 18 mille
fr., tandis que ses collègues n’auront qu’un traitement de 5 mille francs.
Pour moi je trouve que cela
n’est pas juste, et quand nous arriverons à l’art. 21, je demanderai qu’un
tiers des rétributions des élèves forme un fonds commun destiné à rétablir
l’équilibre entre les traitements.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant s’est plaint de ce que les arts recevaient en Belgique
plus d’encouragement de la part du gouvernement que les lettres et les
sciences. J’espère pouvoir démontrer à la chambre, lors de la discussion du
budget de l’intérieur, que les sciences et les lettres n’ont pas eu moins de
part que les arts aux faveurs du gouvernement.
L’honorable préopinant, en
combattant la faculté que demande le gouvernement de pouvoir augmenter le
traitement des professeurs de 1,000 à 3,000 francs, a comparé ces traitements à
ceux des membres de l’ordre judiciaire. Qu’il me permette de lui faire observer
que sa comparaison manque d’exactitude. L’on conçoit la nécessité de fixer dans
la loi les traitements des membres de l’ordre judiciaire, ou même que l’on
déclare leur inviolabilité. Personne n’admettra que la même nécessité existe
pour les membres de l’enseignement supérieur.
Il peut se présenter des
circonstances où il soit nécessaire d’augmenter le traitement d’un professeur.
Ces motifs sont développés dans le rapport de la commission à l’appui du projet
de loi. L’on a fait remarquer qu’il y avait des professeurs distingués dont les
cours, par la nature même de la branche qu’ils enseignent, n’étaient suivis que
par un petit nombre d’élèves. Dès lors, il pourra arriver que l’homme le plus
distingué d’une université ait un traitement moins élevé que celui de tous ses
collègues.
L’on conçoit que le gouvernement sente la nécessité
d’augmenter le traitement d’un professeur pour attirer dans une université un
homme distingue dont la nomination sera avantageuse aux études.
Je le déclare, dans mon
opinion, la faculté que le gouvernement demande ne doit pas être applicable aux
professeurs entre eux, ni être considérée comme moyen de faveurs. Il faudra
qu’il y ait des motifs particuliers pour que le gouvernement en fasse usage.
D’ailleurs, comme la législature discutera tous les ans le traitement des
professeurs au budget de l’Etat, si elle en trouve de trop élevés, elle pourra
les réduire.
L’honorable préopinant enfin a fait allusion à une
distinction honorifique accordée à un savant étranger. L’honorable membre s’est
hâté d’ajouter que cette distinction est méritée. Non seulement le savant dont
il est question a, par ses travaux antérieurs, obtenu des droits à la
distinction qu’il a reçue, mais il s’occupe en ce moment d’un ouvrage qui
intéresse vivement
M.
A. Rodenbach. - Par suite des observations présentées par M. le
ministre de l’intérieur et M. Dumortier, je ne m’opposerai pas à ce que l’on
accorde aux professeurs ordinaires un traitement de 6,000 francs. Je suis de
ceux qui veulent que les professeurs soient convenablement rétribues. Mais
quand nous en serons au chapitre des minervalia, il faudra aviser à une
distribution équitable des fonds qui en proviendront. Car il pourra arriver, si
l’on accorde à chaque professeur le montant du produit des inscriptions des
élèves qui suivent son cours, qu’un savant professeur qui, par la nature même
de la branche qu’il enseigne, n’aurait que quelques élèves, ne recevrait
peut-être que 6,200 fr., tandis qu’un professeur moins capable recevrait
jusqu’à 12,000 fr.
M. Dechamps, rapporteur. - Plusieurs questions
se présentent sur l’article en discussion. D’abord je suis charmé que M.
Dumortier ait pris la défense du projet de la section centrale.
Etant de la minorité qui a
voté la conservation des anciennes dénominations, je pourrai me dispenser de
prendre la parole pour la rédaction de la section centrale en ma qualité de
rapporteur. L’inconvénient signalé par M. Dumortier ne me paraît pas réel.
Depuis 1817 l’on est habitué en Belgique à l’expression de professeur ordinaire
et professeur extraordinaire, et on leur donne une acception toute différente
que celle que leur attribue M.
Dumortier. D’un autre côté, ces dénominations n’ont rien d’étrange, puisque
presque toutes les universités de l’Europe l’emploient. Je ne comprends pas
l’avantage qui résulterait de l’adoption du changement proposé par la section
centrale.
Pour ce qui est de la
question d’augmentation des traitements, je prierai la chambre de renvoyer le
paragraphe qui y est relatif jusqu’à la discussion de l’article 21 nouveau. Le
système de cet article est corrélatif au système de l’article en discussion.
L’on pourra alors examiner la proposition faite à l’égard de la distribution
des minervalia par un membre de la sixième section. Il s’agira de savoir si les
minervalia seront distribués entre tous les professeurs ou accordés à chacun
d’eux, en raison du nombre des élèves qui suivent son cours. Il faudra adapter
l’un ou l’autre de ces systèmes et je me prononcerai pour le premier. Car si
les traitements n’étaient pas mobiles, nous arriverions à un résultat très
défavorable. En effet, les professeurs les plus distingués, les orientalistes,
par exemple, qui n’auront que peu d’élèves, recevront un traitement moindre. De
là pourrait naître une source de découragement et de jalousie. M. Cousin
regarde cette faculté de rendre les traitements mobiles comme une institution
très heureuse.
Je propose d’ajourner la
discussion sur cet alinéa jusqu’à celle de l’article 21. Deux systèmes sont en
présence. Nous ne pouvons décider sur 1’un sans avoir décider sur l’autre.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. - Rien
n’est plus rationnel que la proposition de l’honorable préopinant. Ces deux
questions sont intimement liées. Je me proposais de démontrer à la chambre de
la manière la plus évidente qu’il est nécessaire que les traitements des
professeurs soient mobiles. L’on a prétendu qu’il y avait moyen d’établir
l’égalité entre les traitements des professeurs. Cette égalité ne pourra être
établie que quand l’on aura discuté l’art. 21. L’on ne peut donc s’opposer au
renvoi des deux derniers paragraphes demandé par M. le rapporteur.
Quant à la fixation du
traitement des professeurs, tout le monde paraît d’accord. M. A. Rodenbach
lui-même vient de céder aux raisons données par M. le ministre de l’intérieur.
Le premier paragraphe mérite que je m’y arrête.
L’honorable M. Dumortier ne veut pas de la dénomination de professeur ordinaire
et de professeur extraordinaire.
Cependant cette
dénomination est consacrée par l’expérience. Je sais que les membres du corps
enseignant y attachent du prix. Je ne pense pas que l’intention de l’honorable
M. Dumortier soit de les blesser. Il faut que le corps enseignant jouisse de
tout l’éclat possible. J’ajouterai qu’il a été blessé de cette distinction
proposée par la section centrale en première et en seconde classe.
L’inconvénient que M. Dumortier a signalé à propos des mots « ordinaire et
extraordinaire » serait bien plus palpable si l’on disait professeur de
première classe et de deuxième classe. Il pourra arriver qu’il y ait des
professeurs de deuxième classe plus distingués que des professeurs de première
classe. D’ailleurs, les mots dont nous demandons le maintien existent pour
d’autres fonctions : on dit conseiller d’Etat ordinaire ou extraordinaire. Il
n’y a donc pas de raison pour s’écarter de ce qui n’a excité aucune réclamation
jusqu’ici.
- L’ajournement des deux derniers paragraphes est
mis aux voix et adopté.
M.
Dumortier. - M. le ministre de la justice est plus à même que moi de
connaître l’opinion du corps enseignant. Mon intention n’a pas été le blesser
MM. les professeurs. Je retire mon observation.
- La rédaction de la
section centrale pour la première partie de l’article est mise aux voix et
rejetée.
Le premier paragraphe du
projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.
M.
de Brouckere. - Il me semble qu’il faut ajourner également le second
paragraphe relatif au traitement des professeurs jusqu’à l’examen de l’art. 21.
En effet, si l’on trouvait les minervalia trop élevés pour qu’un traitement de
6,000 francs fût nécessaire l’on pourrait abaisser ce chiffre. (C’est juste !) Je propose donc
d’ajourner également le vote sur le deuxième paragraphe.
- L’ajournement du vote du
deuxième paragraphe est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Pour donner les
cours prescrits par les articles 3 et 4, il y aura neuf professeurs en
sciences, huit en philosophie, huit en médecine et sept en droit.
« En cas de nécessité, un
ou deux professeurs de plus pourront être nommés dans ces facultés. »
M.
de Brouckere. - Il est bien entendu que dans les chiffres compris dans
l’article en discussion sont compris et les professeurs ordinaires et les
professeurs extraordinaires. (Oui ! oui !)
M. Dubus. - Je
désirerais savoir dans quelle proportion sera le nombre des professeurs
ordinaires et extraordinaires dans chacune des facultés. C’est une chose
importante à savoir ; car du nombre plus ou moins grand de professeurs
extraordinaires dépend le moins ou le plus d’élévation du chiffre total des
traitements. La loi, en fixant le taux des traitements, a voulu arrêter les
dépenses que pourrait faire le gouvernement. Si le nombre des professeurs
extraordinaires dans chaque faculté n’était pas fixé, l’on sent que la fixation
des traitements deviendrait illusoire.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Il serait très difficile de déterminer
dans la loi le nombre des professeurs ordinaires et extraordinaires dont se
composera chaque faculté. Ce nombre dépendra du plus ou moins de mérite des
professeurs. C’est une distinction qu’il faut laisser au choix du gouvernement.
Aujourd’hui le gouvernement sera d’autant moins porté à nommer trop de
professeurs ordinaires que la position des professeurs extraordinaires sera
moins défavorable que ne l’est aujourd’hui celle des lecteurs.
M. Dechamps, rapporteur.
- Il me semble qu’il y aurait lieu de dire : « Pour donner les cours
prescrits par les art. 3 et 4, il y aura dans chaque université, etc. »
C’est un oubli.
M.
Dumortier. - Je demanderai également que l’on mette à la fin du
deuxième paragraphe : « dans chacune de ces facultés. » Je voudrais
en outre savoir comment seront répartis les neuf professeurs de la faculté des
sciences. Ce nombre me paraît insuffisant pour toutes les branches à enseigner.
Il faut remarquer que la faculté ne sera en réalité composée que de 8 membres
puisqu’il y en aura un qui sera exclusivement chargé de l’application des
sciences aux arts et au commerce.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’on conçoit qu’il serait difficile de désigner les branches d’enseignement
dont seront chargés les professeurs. Cette distribution variera selon l’étendue
des connaissances de chacun et en raison de circonstances locales qu’il n’est
pas possible de prévoir.
M.
de Brouckere. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu’il
serait difficile de classer dans la loi les branches d’enseignement dont chacun
des professeurs serait chargé. Moi je prétends que c’est de toute
impossibilité. La distribution se fera d’après le plus ou moins d’aptitude de
chacun. Je pose en fait qu’actuellement il n’y a pas dans les facultés de droit
de
- Les amendements proposés
par MM. Dechamps et Dumortier sont mis aux voix et adoptés.
L’article 10 est adopté.
« Art. 11. Toute
nomination de professeur indique la faculté à laquelle il appartient et le
cours qu’il est appelé â donner.
« Toutefois, les
professeurs pourront, avec l’autorisation spéciale du gouvernement, abandonner
une branche d’instruction qui leur avait été confiée, la remplacer par une
autre, ou même donner un cours sur une matière qu’un de leurs collègues
enseigne pendant un autre semestre. »
La section centrale a
proposé la suppression de cet article ; le ministère en demande le maintien.
M.
Dubus. - Je voudrais que le ministre fît voir sous quel rapport la
disposition est utile. En supprimant l’article, le gouvernement sera évidemment
revêtu des pouvoirs qui y sont relatés.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Cet article présente des avantages. Lorsqu’un professeur est nommé, il désire
connaître les parties de l’enseignement dont il sera chargé ; c’est pour lui
une espèce de garantie. Je conviens que sa destination n’est pas irrévocable ;
cependant il est naturel de désirer connaître à quoi on est destiné.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. - C’est
encore moins dans l’intérêt du professeur que dans l’intérêt des sciences que
l’article est proposé. C’est pour faire un devoir au gouvernement de ne
proposer que des hommes connus pour être aptes aux fonctions auxquelles on les
appelle. En outre, il y a quelquefois des difficultés entre les professeurs sur
le partage des travaux ; autrefois c’était le collège des curateurs qui les
levait en distribuant les diverses branches de l’enseignement ; ces règlements
anciens n’existant plus, il faut les remplacer par une disposition équivalente.
Toutefois, si l’on supprime l’art. 11, le gouvernement éclairé suivra la marche
qu’il reconnaîtra la meilleure.
- L’art. 11, mis aux voix,
est adopté.
Article 12
« Art. 12. Les professeurs
ne pourront donner des répétitions rétribuées. Ils ne pourront exercer une
autre profession qu’avec l’autorisation du gouvernement.
« Cette autorisation ne
pourra être accordée qu’aux professeurs de la faculté de médecine. Elle sera
révocable. »
L’exception en faveur des
professeurs de la faculté de médecine est un amendement de la commission.
M.
de Foere. - Je demanderai si l’exception ou l’autorisation dont il
s’agit, s’applique aussi aux répétitions rétribuées.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Dans aucun cas les professeurs de l’université ne peuvent donner des
répétitions rétribuées ; mais dans quelques cas ils pourront, avec
l’autorisation du gouvernement, exercer une autre profession. Par exemple, un
professeur en médecine ne pourra donner des répétitions rétribuées, il pourra
seulement être autorisé à exercer la médecine..
M.
de Brouckere et M. le ministre de la justice (M.
Ernst).. - Le texte est clair.
M. Demonceau. - Je voudrais que
tous les articles fussent rédigés d’une manière uniforme et qu’on n’employât
pas le futur dans les uns et le présent dans les autres. Tout doit être au
présent.
Plusieurs membres. - C’est l’affaire
du bureau de vérifier la rédaction.
- L’art. 12 est adopté.
M. le
président. - Le gouvernement propose l’art. 13 suivant : « Art.
13. Le Roi nomme les professeurs, après avoir pris l’avis des facultés.
« Pour être appelé à ces fonctions, il faut avoir
le grade de docteur dans la branche de l’instruction supérieure qu’on est
destinée à enseigner, et avoir, pendant deux ans au moins, donné avec
distinction des leçons dans un établissement public ou privé, ou donné, dans
des leçons publiques, des preuves non équivoques d’un talent éminent.
« Néanmoins des
dispenses pourront être accordées par le gouvernement aux hommes qui auront
fait preuve d’un mérite supérieur soit dans leurs écrits, soit dans la pratique
de la science qu’ils seront chargés d’enseigner. »
La commission propose de
rédiger ainsi l’art, 13 :
« Le Roi nomme les
professeurs.
« Nul ne peut être
professeur s’il n’est âgé de 27 ans accomplis, et s’il n’a le grade de docteur
ou de licencié dans la branche de l’instruction supérieure qu’il est appelé à
enseigner. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’aperçois que dans la rédaction proposée par le gouvernement, on a omis le
mot « licencié » ; il est nécessaire de l’introduire dans l’article.
Sous le gouvernement français le grade de licencié équivaut au grade actuel de
docteur chez nous.
M.
Dumortier. - J’approuve la rédaction du gouvernement, elle me paraît
préférable à celle de la section centrale. Seulement, je ne sais pourquoi, dans
le premier paragraphe, on a supprimé ces mots : « après avoir pris l’avis
des facultés. » Elles ne peuvent donner que de bons renseignements, et le
gouvernement d’ailleurs en fait l’usage qu’il croit convenable.
La section centrale propose le retranchement du
troisième paragraphe relatif aux dispenses que le gouvernement pourra accorder
aux hommes qui auraient publié des écrits ; je demande qu’il soit maintenu. Je
tiens beaucoup à cette disposition ; il existe des hommes qui ont acquis de
grandes connaissances dans des sciences sans y avoir pris des grades, et je
pourrais citer des noms propres pour prouver cette assertion. Cuvier, par
exemple, était un avocat ; il n’était pas docteur ès sciences ; vous n’auriez
donc pas pu nommer Cuvier professeur d’anatomie en Belgique ; vous voyez dans
quelle absurdité vous seriez tombes.
M. Dubus. - Il me paraît que la proposition de
la section centrale n’emporte pas seulement le retranchement de la faculté à
accorder des dispenses, mais qu’elle emporte encore le retranchement d’une
partie du troisième paragraphe. La rédaction présentée par le gouvernement a
été faite avec beaucoup de négligence et a été critiquée avec raison par la
section centrale. Je préférerais la rédaction qu’elle présente en y joignant le
troisième paragraphe de l’article du gouvernement. Dès qu’on donnera au
gouvernement la faculté d’accorder des dispenses et de ne les accorder qu’à des
hommes de mérite, tout sera fait. Le choix ne se portera, en dernière analyse,
que sur les hommes les plus capables et les plus honnêtes.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai qu’à la fin du troisième
paragraphe on mette : « Soit dans leurs écrits, soit dans l’enseignement
ou la pratique de la science qu’ils sont chargés d’enseigner. »
M.
le ministre de la justice (M. Ernst).. -
Messieurs, je pense que dans tous les cas, il entre dans les intentions de la
chambre que le gouvernement puisse nommer professeurs aux universités ceux qui
sont actuellement en fonctions. (Oui !
oui !) Pour l’organisation de l’ordre judiciaire on a aussi conservé les
anciens magistrats. Je dis ceci pour rassurer des hommes que l’article en
discussion pourrait plonger dans l’inquiétude. Une disposition transitoire sera
nécessaire pour cet objet ; mais ce n’est pas ici le moment de la proposer.
M.
Dechamps, rapporteur. - Je ne n’oppose pas au maintien du troisième
paragraphe de l’article du gouvernement ; mais je partage l’opinion de laisser
au Roi, d’une manière illimitée, la nomination des professeurs. La section
centrale a pensé par cette mesure empêcher l’action de l’esprit de camaraderie
et de caste ; elle a cru ensuite qu’en assumant une plus grande responsabilité
sur le gouvernement, c’était une garantie qu’on n’aurait que de bons choix.
La section centrale a exigé
l’âge de 27 ans ; M. Dubus demande pourquoi : mais il y a autant de raison
d’exiger un certain âge pour être professeur que pour être magistrat.
- La chambre consultée
laisse au Roi la nomination des professeurs sans limite, c’est-à-dire sans la
condition de prendre l’avis des facultés.
La condition d’âge mise
ensuite aux voix est écartée.
Le second paragraphe de
l’article de la section centrale ainsi amendé est adopté.
Le troisième paragraphe de
l’article présenté par le gouvernement est adopté.
L’art. 13 sera ainsi conçu
:
« Le Roi nomme les
professeurs ;
« Nul ne peut être
professeur s’il n’a le grade de docteur ou de licencié dans la branche de
l’instruction supérieure qu’il est appelé à enseigner.
« Néanmoins, des
dispenses pourront encore être accordées par le gouvernement aux hommes qui
auront fait preuve d’un mérite supérieur, soit par leurs écrits, soit par
l’enseignement ou la pratique de la science qu’ils sont chargés
d’enseigner. »
Cet article est adopté dans
son ensemble.
« Art. 14 (proposé par
le gouvernement.) Des agrégés pourront être attachés aux universités.
« Ils seront choisis
parmi les personnes qui se sont fait une réputation par des écrits ou des
leçons publiques, ou qui ont suivi des épreuves académiques avec la plus grande
distinction.
« Les agrégés pourront
donner, soit des répétitions, soit des cours nouveaux, soit des leçons sur des
matières déjà enseignées.
« Le gouvernement nommera les
agrégés, après avoir pris l’avis de la faculté à laquelle appartiennent les
cours qu’ils seront autorisés à donner. Cette autorisation pourra être
révoquée.
« Les agrégés
ne jouiront d’aucun traitement ; leurs cours seront rétribués comme ceux des
professeurs. »
La section centrale
présente la rédaction suivante :
« Des agrégés pourront
être attaches extraordinairement aux universités.
« Ils sont nommés par le Roi, pour le temps
qu’il détermine.
« Les agrégés ne jouiront
d’aucun traitement ; leurs cours seront rétribués comme ceux des
professeurs. »
Le gouvernement adhère à
cette rédaction.
M.
Devaux. - Je désirerais savoir si le gouvernement, en se réunissant à
la rédaction de la section centrale, n’a voulu que rendre règlementaire le
reste de l’article, ou bien s’il résulte de cette rédaction que le caractère
des agrégés est changé ? (Non ! non !)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Nous n’avons nullement changé d’avis sur la nature des fonctions des agrégés
; nous apprécions toujours leur institutions de la
même manière ; nous avons seulement considéré que les trois derniers
paragraphes du projet du ministère n’avaient pas besoin de se trouver dans la
loi.
M.
Devaux. - Mais dans l’article suivant on dit que les agrégés pourront
remplacer les professeurs : or, en ne mentionnant dans la loi que cette
fonction de remplacer les professeurs, on peut croire que toutes les autres
sont exclues.
Si l’on trouve le moyen de
lever les doutes que la rédaction laisse sur ce point, je donnerai mon adhésion
à l’article. Je voudrais que le projet fût clairement rédigé, et je ne vois pas
pourquoi on a supprimé la partie réglementaire de l’article.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - Par ces seuls mots : « Des
agrégés pourront être attachés aux universités, » on conserve leur
institution et on la conserve telle qu’elle existe en France, en Allemagne.
Si l’on n’avait pas mis
dans la loi qu’ils pourront remplacer les professeurs, le Roi n’aurait pas pu
le autoriser à faire ces remplacements ; ainsi il fallait qu’un article
s’expliquât à cet égard. Si les agrèges n’existaient pas, il faudrait avoir
recours aux professeurs suppléants, institution contre laquelle s’élèvent tous
les hommes qui ont médité sur l’instruction publique. Remarquez que si on donne
aux agrégés le droit de remplacer les professeurs, on leur donne en même temps
celui de partager les rétributions universitaires pendant le temps qu’ils
occuperont la chaire.
Nous n’avons pas changé de
manière de voir sur la nature et l’importance des fonctions des agrégés.
M. Rogier. - Il ne
me semble pas que M. le rapporteur ait fait connaître les motifs de la suppression
des trois paragraphes du projet du gouvernement.
M. Dechamps, rapporteur. - La section centrale a
supprimé les trois paragraphes comme purement réglementaires. Je pense aussi que
comme l’institution des agrégés introduit un système nouveau, du moins dans
notre pays, il est essentiel de faire bien connaître ce qu’on entend par
agrégés. Je crois qu’on pourrait conserver le troisième paragraphe et supprimer
le second. En supprimant ce troisième paragraphe, la loi spécifiera ce qu’on
entend par agrégés.
M.
de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à ce que cela ait lieu, cependant le
projet s’énonce pour moi d’une manière claire. L’art. 14, après avoir dit que
les agrégés ne jouiront d’aucun traitement, stipule que leurs cours seront
rétribués. On prévoit un autre cas, celui où un agrégé remplacerait un
professeur ; et dans ce seul cas ils jouiront d’un traitement.
M. Dubus. - La rédaction nouvelle de
l’art. 14 paraît effectivement améliorée, cependant je ne suis pas convaincu
que le troisième paragraphe soit inutile. Je voudrais savoir ce qu’on entend, à
proprement dit, par agrégé. Je conçois qu’on cherche par là à stimuler le zèle
des professeurs, mais il me semble qu’on n’en dit pas assez pour que ces
agrégés puissent faire tel cours qu’il leur semblera bon. Est-ce que la
nomination de l’agrégé par le Roi désignera le cours qu’il est destiné à faire
?
Plusieurs voix. - Oui, oui.
M. Dubus. - Je
désirerais être éclairé sur ce point.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Quand le gouvernement nomme un
jeune docteur agrégé, il désigne la faculté qu’il doit enseigner, et celui-ci
ne pourra faire d’autre cours que celui pour lequel il aura été désigné.
M. Rogier. - Il est
impossible de considérer comme purement réglementaire un article qui fixe les
fonctions des agrégés. Déjà les
professeurs ont eu des contestations avec des lecteurs des facultés dont ils
étaient professeurs ; si nous ne spécifions pas les droits de chacun, nous nous
exposons à ce que ces contestations se renouvellent. Je crois utile de
conserver le paragraphe dont il s’agit.
M. Dumortier. -
L’article n’est pas aussi clair qu’on veut bien le dire, il me paraît au
contraire assez embrouillé. D’après le projet du gouvernement, ce qui est une
garantie pour le professeur n’en est pas une pour l’agrége : elle restreint sa
position et la rend stationnaire. Si vous reconnaissez à un jeune homme la
faculté d’enseigner, vous devez l’encourager, sinon vous arrêtez la science à
son berceau.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’avais cru, en me ralliant à la proposition de la section centrale, épargner
des longueurs ; mais puisqu’il est soulevé de nouvelles discussions, je ne
m’oppose pas à ce que ce paragraphe soit rétabli. Pour maintenir l’harmonie, il
est nécessaire que l’acte de la nomination détermine ce que l’agrégé doit
enseigner. Je propose donc le rétablissement de ce paragraphe avec ces
changements :
« Les agrégés
pourront, selon l’autorisation du gouvernement, donner, soit des répétitions
soit des cours nouveaux, soit des leçons sur des matières déjà
enseignées. »
De cette manière, il n’y a
pas de monopole pour un professeur en titre. Je pense d’un autre côté que vous
ne pouvez autoriser l’agrégé à faire arbitrairement ce qu’il désire.
M. Dechamps, rapporteur. - La section
centrale s’est placée dans un juste milieu entre le système allemand et le
système ministériel. En Allemagne, il suffit de se présenter devant le sénat
pour subir une épreuve, alors le champ est libre pour l’agrégé et il peut
entrer en concurrence avec un professeur.
Cependant, messieurs, la
section centrale n’a pas adopté entièrement ce système, elle a craint que des
doctrines dangereuses qui attireraient la foule par leur nouveauté, n’y fussent
professées, et elle a cru que le gouvernement ne devait pas rester désarmé
vis-à-vis de ce danger ; mais aussi elle a pensé lui donner des moyens
suffisants d’y faire face en lui accordant la nomination des agrégés. Son
intention n’a donc pas été de lui donner le droit de limiter les cours que
pourraient faire ces agrégés.
M. Lebeau. - M. le
ministre de l’intérieur a dit que les agrégés qui voudraient se soustraire à
l’autorisation qui leur aurait été donnée de faire un cours sur telle ou telle
branche et en professeraient une autre, pourraient être révoqués. Le ministre
énonce par là que les agrégés sont révocables. Si cela est, je demanderais la
suppression du deuxième paragraphe de l’article 14 :
« Ils sont nommés
parle Roi pour le temps qu’il détermine. »
Car s’ils sont révocables,
et je pense qu’ils doivent l’être, avec cette disposition on pourrait inférer
une assertion contraire à celle du ministre. On pourrait prétendre, si on ne
posait pas ailleurs le principe de la révocation, qu’ils ne peuvent pas être
révoqués avant le terme pour lequel ils ont été nommés. Dans mon opinion, les
professeurs doivent également être révocables.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Dans le système de la commission, il a été bien entendu que les professeurs
étaient révocables ; c’est pour le même motif que les agrégés doivent l’être.
Quant à l’observation faite
par le préopinant sur les mots : « Ils sont nommés par le Roi pour le
temps qu’il détermine,» qu’ils pourraient exclure la faculté de révocation, si
ces mots donnent lieu à quelque doute, je ne m’oppose pas à leur suppression.
Cette disposition avait été
insérée dans la loi pour ne pas être dans la nécessité de recourir à des
mesures qui paraissent toujours plus ou moins odieuses, et on aurait pu s’en
dispenser, en laissant écouler le temps pendant lequel la nomination aurait été
accordée.
M. Rogier. - L’article
dont il s’agit est de la plus grande importance, Il introduit un système
nouveau dont on peut retirer de grands avantages dans l’intérêt de
l’enseignement. Il s’agit de savoir si on établira dans les universités une
concurrence utile au progrès des études. On connaît les avantages que
l’Allemagne a retirés de ce système, et on propose de le naturaliser par
l’introduction des agrégés. Mais il faut savoir si les agrégés seront placés
sur la même ligne que les professeurs, ou s’ils ne pourront enseigner la même
branche qu’un professeur de l’université, qu’avec l’autorisation du
gouvernement. Si cette autorisation est nécessaire pour qu’il puisse ouvrir son
cours, je pense que l’office d’agrégé perdra beaucoup de son utilité attendu
que le gouvernement ne pourra accorder l’autorisation demandée, sans faire
injure au professeur.
Je conçois qu’il faut
apporter certaines limites à cette faculté laissée à l’agrégé d’enseigner, mais
il me semble qu’il suffit qu’il soit nommé et révocable par le gouvernement pour
qu’on le laisse donner librement des cours dans la faculté pour laquelle il a
été nommé.
On vient de dire qu’un
jeune fou pourrait ouvrir des cours publics et attirer la foule par la
nouveauté de ses doctrines ; je ne pense pas que les jeunes gens qui fréquenteront
les universités se porteront autour de la chaire d’un jeune fou. Mais en
supposant que cela soit possible, il dépendra toujours du gouvernement de
retirer l’autorisation d’enseigner qu’il aurait donnée à un jeune fou.
Je crois que le paragraphe
3 de l’article 46 du gouvernement doit être maintenu, si on veut que les
agrégés signifient quelque chose.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que le préopinant est dans
l’erreur quand il prétend que les agrégés doivent pouvoir donner toute espèce
de cours. Je pense que la disposition que je propose sera utile à la science et
à l’ordre public, et elle dispensera le gouvernement de recourir à des mesures
de révocation pour empêcher un agrégé d’abuser de la faculté qui lui a été
accordée d’enseigner dans le local de l’université.
Il est dit clairement dans la loi que l’agrégé
pourra être autorisé à donner des cours sur les matières déjà enseignées. Le
principe est posé dans la loi, il ne peut résulter de son application aucune
espèce d’injure pour un professeur. Cette autorisation sera tout à fait dans le
vœu de la loi, et surtout dans les principes d’un enseignement libre avec
concurrence.
Que peut-on trouver
d’extraordinaire à ce que le gouvernement détermine ce que l’individu qui
sollicitera le titre d’agrégé devra enseigner. Il faudra, pour lui donner le
titre d’agrégé, lui demander des garanties de bon enseignement. On lui
demandera : Que voulez-vous enseigne, quel titre avez-vous pour faire le cours
que vous voulez ouvrir ? quelle garantie offrez-vous à
la société ? C’est en suite de ces informations que le gouvernement accordera
le titre d’agrége au candidat mais pour que la garantie soit complète, il faut
que le gouvernement puisse lui dire :Vous ferez tel cours. Il est impossible
d’admettre le principe que l’agrégé pourra faire ce qu’il voudra.
M. Demonceau. - Il me semble
que le gouvernement devra stipuler dans quelle faculté l’agrégé enseignera.
M.
Dumortier. - Il s’agit de savoir si on veut introduire un système dont
l’Allemagne a tiré les meilleurs fruits, si on veut former une pépinière de
jeunes savants.
On dit que quand un
professeur enseignera mal, le gouvernement aura la faculté d’envoyer un agrégé
pour enseigner à côté de lui. C’est là un système tout à fait inverse de celui
que la commission a eu en vue.
Je ne trouve plus ces
avantages tant préconisés dans le projet ; c’est un système nouveau qui ne ressemble
en rien à ce système de l’Allemagne que bien des auteurs anglais et français se
sont accordés à louer.
Une fois un agrégé
nommé, c’est à cet agrégé a savoir ce qu’il doit
enseigner, et quels sont les cours qu’il doit donner. Si, au contraire, vous
venez limiter l’enseignement qu’il devra donner, sans consulter, ni ses
facultés, ni le vœu des élèves, vous créez là une véritable superfétation, car
vous avez déjà donné au gouvernement le droit de créer deux professeurs de plus
par université.
Je demande donc que la
chambre se borne à voter le troisième paragraphe de l’article du gouvernement.
Quant au quatrième, je ne puis y donner mon assentiment, car pour nommer des
agrégés, vous demandez l’avis de la faculté à laquelle appartiennent les cours
que ces agrégés seront autorisés à donner ; cet avis sera toujours contraire,
et ce sera encore là un moyen d’arrêter l’essor du génie.
Je persiste à demander le
maintien du paragraphe 3 de l’ancien article du gouvernement, en ajoutant,
comme l’a fait observer M. Demonceau, que le gouvernement déterminera dans
quelle faculté l’agrégé enseignera.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst).. - Je prends la parole pour faire
observer une différence qui existe entre nos universités et les universités
d’Allemagne. En Allemagne un jeune docteur n’a pas la libre faculté
d’enseigner, tandis que chez nous un jeune docteur peut élever une chaire à
côté du local de l’université, sans avoir besoin d’en demander l’autorisation
au gouvernement. Le principe de la liberté d’enseignement est largement
consacré par la loi que nous faisons, et plus largement que dans aucun pays du
monde.
Mais le gouvernement qui
est responsable du maintien de l’ordre, quand il appelle un jeune agrégé à
enseigner dans ses propres universités, a le droit de lui demander des
garanties, de lui imposer des conditions. Il peut lui avoir reconnu de
l’aptitude pour une science, il ne faut pas le rendre responsable de la manière
dont telle autre science serait enseignée par cet agrégé.
Je suppose que le gouvernement nomme un agrégé pour
une science, cet agrégé peut-il être libre de l’abandonner pour se mettre en
concurrence avec des professeurs et les maltraiter ? Vous supposez qu’il
n’entreprendra cette concurrence que dans l’intérêt de la science : c’est
possible, mais ne pourra-t-il pas le faire dans un intérêt particulier, et ne
pourra-t-il pas devenir une cause de mésintelligence dans l’université ? Vous
avez dans l’article 11 consacré le principe qu’un professeur ne pouvait pas abandonner
la branche pour laquelle il avait été appelé ni se mettre en concurrence avec
un autre professeur. Accorderez-vous à l’agrégé un droit que le professeur n’a
pas ?
Si un agrégé veut jouir d’une telle liberté, qu’il
n’enseigne pas dans les universités du gouvernement, où l’enseignement se donne
sous le patronage et sous la responsabilité du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Pour éviter toute espèce de doute, d’après l’observation de M. Lebeau, je
demanderai moi-même la suppression des mots : « pour le temps qu’il
détermine » après ceux : « ils sont nommes par le Roi. »
M. Dechamps, rapporteur.
- Si on retranche les mots : « pour le temps qu’il détermine, » il
faudra dire : « ils sont nommés et révoqués par le Roi. »
M.
Dumortier. - Je voulais faire la même observation. Car si vous
n’inscrivez pas dans la loi le droit de révocation le gouvernement n’aura pas
ce droit. La constitution est positive. Le Roi n’a d’autres droits que ceux
établis par la constitution et les lois. Je demande donc qu’on dise :
« ils sont nommés et révoqués par le Roi. »
M. Lebeau. - Je
pense que bien que, d’après les principes, l’inamovibilité ne soit pas la
règle, mais l’exception, il serait préférable d’adopter l’opinion des deux
honorables préopinants. On pourrait en effet argumenter de plusieurs
dispositions constitutionnelles, Car il y a dans une disposition de la
constitution que les magistrats du ministère public sont nommés et révoqués par
le Roi. On trouve également ces expressions dans plusieurs dispositions
législatives. J’appuie donc l’amendement tendant a
introduire dans les mots « et révoqués. »
Je ferai remarquer que par
une conséquence de l’adoption de cet amendement, il faudra modifier relatif aux
professeurs, qui donne au gouvernement le droit de les nommer et non celui de
les révoquer.
M.
Dumortier. - Il est bien entendu au contraire que ma proposition ne
s’applique qu’aux agrégés. Je n’entends rien proposer quant aux professeurs.
M. Legrelle. -
Il y a les mêmes motifs pour donner au gouvernement le droit de révoquer les
professeurs que pour lui donner celui de révoquer les agrégés. Je demande donc
que l’article relatif aux professeurs soit modifié en ce sens que cette
modification soit la première mise aux voix.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est incontestable que soit pour les professeurs, soit pour les agrégés, le
droit de révocation appartient à celui qui a le droit de nomination. Au reste,
si M. Dumortier insiste sur son amendement, je demande que la chambre statue
d’abord sur l’art. 13 relatif aux professeurs, dans la crainte qu’au deuxième
vote on ne vienne objecter qu’on ne peut pas revenir sur cet article, attendu
qu’il n’a pas été amendé.
M. Dumortier. -
Je pense que le gouvernement ne doit pas avoir le droit de révoquer les
professeurs. Mais si on veut soumettre de nouveau cette question à la décision
de la chambre, je demanderai le renvoi à demain, pour éviter toute surprise, et
en raison de ce qu’un grand nombre de membres ont déjà quitté la séance.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois déclarer que c’est revenir sus un principe déjà voté. Car à plusieurs
reprises j’ai dit que le gouvernement entendait avoir le droit de révocation
sur les professeurs. Aucune observation n’a été faite. Il est donc évident que
c’est dans ce sens que la chambre a voté.
M. Pollénus. -
Toute la question est de savoir si le droit de révocation résulte du droit de nomination.
Je ferai observer à ce sujet que dans une foule de lois administratives,
notamment dans les lois provinciales et communales, pour les bourgmestres, les
échevins, les gouverneurs, le droit de révocation et de suspension est place à
côté du droit de nomination. Je pense donc que pour lever toute espèce de
doute, il faut mentionner dans l’article le droit de révocation.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
- Je me permettrai de donner lecture de l’art. 66 de la constitution. Il porte
: « … Il (le Roi) nomme aux emplois d’administration générale et de
relation extérieure, sauf les exceptions établies par les lois. » Or là il
n’est aucunement question du droit de révocation. Qui jamais a voulu induire de
là que le Roi n’avait pas le droit de révoquer les gouverneurs et les ministres
près les puissances étrangères ? C’est que le droit de nomination implique
celui de révocation. C’est que le mandant peut toujours révoquer le mandat
qu’il a donné.
M.
Dumortier. - La question qui s’agite en ce moment est d’une tout autre
importance que celle de la révocation des agrégés. L’on voudrait établir un des
principes les plus subversifs de l’ordre constitutionnel. Si la chambre
l’admettait jamais, elle consacrerait le précédent le plus fâcheux dont on
puisse tirer parti. L’on vient vous dire que le principe de nomination a un emploi entraîne avec lui implicitement celui de
révocation. Je déclare que c’est complètement faux. La constitution s’oppose
formellement à cette interprétation du droit de nomination. Toutes les lois que
vous avez adoptées prouvent jusqu’à l’évidence combien une pareille maxime est
peu fondée. M. le ministre de l’intérieur vient de citer l’exemple des
gouverneurs qui, nommés par le Roi, sont révocables par lui. Mais ouvrez la loi
communale et vous y verrez en toutes lettres que le Roi nomme et révoque les
gouverneurs, les commissaires de district, les bourgmestres, les commissaires
de police.
Voulez-vous chercher une preuve
du principe que je défends dans la constitution ? La constitution dit que le
Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que la constitution lui confère. D’où il
suit que de ce que vous lui donnez le droit de nomination, il ne faut pas en
inférer qu’il a le droit de révocation. Cela est tellement vrai que la
constitution, en même temps qu’elle porte que le Roi nommera ses ministres, a
soin d’ajouter qu’il les révoque. C’est ainsi que le congrès a entendu le droit
de nomination et de révocation. Il n’a jamais voulu admettre que le premier
droit entraînât nécessairement le second.
Lorsque vous dites dans une
loi, comme la loi communale, par exemple, que le Roi nomme a
telles fonctions, vous n’entendez pas par là qu’il a le droit de révocation.
Je proteste contre l’extension
que les ministres veulent donner au droit de nomination. Si l’on veut que le
gouvernement révoque les professeurs, au moins qu’on l’écrive dans la loi, mais
que l’on ne vienne pas professer dans cette enceinte des maximes subversives de
l’ordre social, qui, si elles étaient admises en principe, ôteraient toute
garantie aux hommes à la nomination du gouvernement. Il ne faut pas, selon moi,
que l’on donne aux ministres le droit absolu de révocation des professeurs. Il
ne faut pas, quand un professeur aura rempli ses fonctions a la satisfaction de
tout le monde, quand la nation entière sera contente de lui, qu’il puisse
dépendre du bon plaisir d’un ministre de lui retirer sa chaire.
M.
A. Rodenbach. - La responsabilité ministérielle n’est-elle pas là ?
M.
Dumortier. - Vous n’irez pas pendre un ministre parce qu’il aura
destitue un professeur. D’abord, vous le savez, la responsabilité ministérielle
n’est qu’un leurre, un vain mot.
M.
A. Rodenbach. - Il y aura une loi.
M.
Dumortier. - A quoi vous servira-t-elle ? Maintenant que vous êtes
omnipotents, vous ne vous êtes pas servis du droit que vous aviez d’accuser les
ministres.
M. Eloy de Burdinne. - C’est que les
sujets ont manqué.
M.
Dumortier. - Les sujets n’ont pas manqué. La loi a été violée en
maintes circonstances. C’est ce qu’il faut forcement reconnaître.
M. Eloy de Burdinne. - La chambre en a
jugé autrement.
M.
Dumortier. - La chambre n’a pas jugé ; elle n’a pas voulu se prononcer
sur les actes. Je pourrais citer une foule de cas où la loi a été violée.
Ainsi, les Hollandais ont traversé le territoire sans autorisation des
chambres, et cependant il faut l’autorisation de la législature pour qu’une
troupe étrangère puisse traverser le territoire.
M.
A. Rodenbach. - Les circonstances politiques ne le permettaient pas.
M.
Dumortier. - Oui, comme vous le dites ce sont les circonstances
politiques qui ont tout fait excuser. Mais il n’en est pas moins constant que
la responsabilité ministérielle n’est qu’un vain mot.
Aussi un ministre, après
avoir destitué injustement un professeur, dormirait aussi tranquillement que si
la responsabilité ministérielle n’existait pas. Il est des cas (et celui-ci en
est un) où l’intérêt de la société exige que le pouvoir royal n’ait pas le
droit de révocation en même temps que celui de nomination. J’ai toujours désiré
que l’on entourât les fonctionnaires de garanties contre le pouvoir. C’est
surtout à l’égard des professeurs des universités que je désire qu’elles
existent.
- L’amendement de M. le
ministre de l'intérieur tendant à supprimer les mots ; « pour le temps qu’il
détermine, » au second paragraphe, est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M.
Dumortier, consistant dans la rédaction de ces mots : « Le Roi nomme et
révoque, etc. » au premier paragraphe, n’est pas adopté.
L’art. 14 est mis aux voix
et adopté.
La séance est levée à 5
heures.