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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 mai 1835

(Moniteur belge n°133 du 13 mai 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure ; il donne lecture du procès-verbal de la précédente séance dont la rédaction est adoptée, et fait ensuite connaître l’analyse des pétitions suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Six armateurs demandent que la chambre adopte une loi qui fixe les primes à allouer aux différentes branches de la grande pêche nationale. »

« La régence de Louvain renouvelle sa demande que l’université de cette ville soit conservée. »

« Le sieur L.-A. Warnkœnig, professeur à l’université de Gand, adresse des observations sur le projet de loi contenant le titre III de l’instruction publique présente par la section centrale. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.


« Plusieurs habitants de Genappe demandent l’élection directe par le peuple de tous les membres des administrations communales. »

- Il a été donné lecture de cette pétition à la fin de la dernière séance.


M. Donny s’excuse de ne pouvoir, pour cause de santé, se rendre à la chambre.

Projet de loi autorisant un échange avec la régence de Thielt

Rapport de la commission

M. de Behr dépose le rapport de la commission chargée de l’examen d’un projet de loi d’intérêt local. (Ce rapport paraîtra dans le Moniteur.)

- La chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport aux membres de l’assemblée.

M. de Roo. - Il s’agit dans ce projet de loi d’une simple formalité à remplir par la législature et qui ne peut donner lieu à aucune discussion. Je demande que la discussion soit fixée immédiatement après le deuxième vote du projet de loi communale.

- La proposition de M. de Roo est adoptée.

Motion d'ordre

Contribution spéciale de guerre et péréquation cadastrale

M. A. Rodenbach. - Quand la session actuelle s’ouvrit, le pays apprit avec une vive satisfaction qu’une réduction d’impôts allait lui être accordée ; mais, par suite du changement du ministère anglais et des précautions prises contre la Hollande, la chambre vota une subvention de 10 p. c., de sorte qu’au lieu d’obtenir une diminution, le pays paie 10 pour cent de plus que l’année passée.

Les mêmes circonstances politiques n’existant plus et le ministère Peel-Wellington étant remplacé par celui de Melbourne, il me semble que le moment est venu de supprimer cette surcharge d’impôts ; les ministres ont d’ailleurs promis formellement que si, dans le courant de l’année, les besoins de cette subvention ne se faisaient plus sentir, ils s’empresseraient de présenter un projet de loi pour dégrever les contribuables de ces centimes additionnels, qui pèsent plus spécialement sur le commerce.

Cette charge énorme est d’autant plus accablante que, depuis la péréquation partielle du cadastre, les habitations dans quelques villes, occupées en grande partie par les marchands, commerçants et fabricants, paient trois et quatre fois plus que précédemment. Je n’ignore pas que, par suite de cette opération cadastrale, l’impôt foncier est diminué dans plusieurs communes ; mais il est évident que l’administration a commis de déplorables erreurs.

Si les plaintes du conseil de régence d’Alost se confirmaient, cette ville serait taxée de 19 p. c. pour le foncier bâti, tandis que le chef-lieu de la province, Gand, ne paierait que 11 p. c. ; on assure même que l’on a adopté pour certaines villes un marc le franc de la moitié inférieur à celui de la plupart des communes. Cette singulière répartition occasionne un mécontentement général ; il eût été plus politique et plus conforme à l’équité de faire la péréquation entre toutes les provinces, que de la faire isolément, par subdivisions de districts, de provinces et de cantons. Y a-t-il rien de plus absurde que de voir que la petite ville de Roulers est taxée de 16 p. c., tandis que la capitale de la Flandre orientale n’est frappée que de 11 p. c. ? Je pourrais citer dans ma province des localités qui paieront cette année 15 et 20,000 francs de plus pour les propriétés bâties que l’année dernière.

J’aime à croire qu’on fera cesser cette mesure intempestive et qu’on en ordonnera le redressement, car le cadastre n’a pour but que d’établir une juste répartition de l’impôt. Pour faire cesser les murmures de réprobation, que le ministère s’empresse donc de régler la péréquation de toutes les provinces par une loi générale, et qu’il nous déclare qu’il y a nécessité absolue de continuer pendant toute l’année la perception des dix centimes additionnels.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est vrai que les circonstances politiques qui ont fait voter à la chambre les dix centimes additionnels ont en grande partie cesse d’exister. Mais ces dix centimes additionnels se rattachent à d’autres questions qui sont soumises à l’examen et à la décision de la chambre, notamment celle de la construction d’une ligne de fortifications sur une partie de nos frontières. Je crois qu’il faut combiner ces deux questions ensemble, et que c’est dans la discussion du projet de loi relatif à la construction de ces fortifications qu’il conviendra de résoudre la question de savoir si l’on doit continuer ou supprimer la perception des dix centimes additionnels.

Quant à l’autre question soulevée par l’honorable membre qui désirerait qu’on arrivât à la péréquation générale de la contribution foncière, il est certain que cette matière donne lieu depuis longtemps à nombre de réclamations, et que l’injustice qui existe dans la répartition de l’impôt foncier n’est plus un secret pour personne.

Un projet aurait été depuis longtemps soumis à la chambre sur cette matière, mais on a prévu par les longues discussions auxquelles il aurait donné lieu qu’il n’aurait pas été possible de s’en occuper avant l’ajournement forcé que va prendre la chambre à cause des prochaines élections. Il est à désirer qu’on s’en occupe le plus tôt possible, et que l’on fasse cesser ainsi les plaintes plus ou moins fondées que ne cesse de soulever la péréquation provinciale.

M. Liedts. - Si l’honorable M. A. Rodenbach avait borné ses observations à ce qui concerne les 10 centimes additionnels, je n’aurais pas demande la parole ; je ne l’ai demandée que quand j’ai entendu ses observations relatives à la péréquation provinciale ; je l’ai demandée pour prier l’assemblée d’ajourner la discussion de ces interpellations jusqu’à ce que M. le ministre des finances soit ici. J’espère alors le déterminer à recourir à une péréquation plus juste, ou au moins à la rendre générale dans toutes les provinces, afin que dans la Flandre orientale, par exemple, il n’y ait pas des propriétés qui paient 20 p. c. de contribution tandis que d’autres ne paient que 10 ou 11 p. c.

M. Legrelle. - Je suis fâché de devoir dire que depuis la séparation de la Hollande et de la Belgique, il n’y a pas d’événement qui ait suscité autant de mécontentement, qui ait fait autant jeter les hauts cris que la péréquation partielle. Je voudrais que le ministre des finances fût éclairé sur les suites inévitables de cette manière de procéder, impolitique, sinon injuste. Puisque ce ministre n’est pas présent, j’ajournerai mes observations sur ce point. Je ferai toutefois remarquer qu’il est important, qu’il est urgent de faire cesser d’une manière ou d’autre les réclamations, soit en y faisant droit si elles sont justes, soit, si elles ne le sont pas, en démontrant aux réclamants qu’ils sont dans leur tort.

M. de Brouckere. - Je demande que la chambre mette à l’ordre du jour d’une prochaine séance les interpellations de l’honorable M. A. Rodenbach, puisque le ministre des finances n’est pas présent. Tout ce que l’on pourrait dire sur ce point n’aboutirait à rien ; car aucun membre du gouvernement ne peut nous donner de réponse satisfaisante. Cet ajournement aura cet avantage que les membres de l’assemblée pourront se préparer à parler sur cette question. Je demande donc que la chambre fixe à demain, par exemple, la discussion des interpellations de l’honorable M. A. Rodenbach, et invite M. le ministre des finances à se rendre à la séance.

- Un membre. - L’ordre du jour de demain est fixé ; c’est le deuxième vote de la loi communale.

M. de Brouckere. - Alors pour après-demain, après le deuxième vote de la loi communale ; car MM. les ministres de la justice et des finances n’aiment pas beaucoup cette loi-là.

M. Jullien. - Je crois que l’on est d’accord pour ajourner la discussion des interpellations à une séance où le ministre sera présent pour y répondre.

Quant à l’observation de M. le ministre des affaires étrangères sur les 10 centimes additionnels, j’aurai l’honneur de rappeler à la chambre que quand il s’est agi de ce nouvel impôt, lorsqu’on promettait qu’on en arrêterait la perception si les circonstances changeaient, j’ai été le premier à dire qu’il ne fallait pas compter sur cette promesse, une fois que les fonds seraient votés ; que pour le ministère comme pour tout le monde, ce qui est bon à prendre est bon à garder (on rit), et que les fonds étant votés, l’affaire serait terminée et n’aboutirait plus qu’à une reddition de comptes.

J’avoue que j’ai entendu avec plaisir M. le ministre des affaires étrangères dire que l’on pourrait s’occuper de l’application des 10 centimes additionnels lorsqu’on viendrait à discuter le projet de loi relatif à la construction de fortifications. Ces travaux sont évalués à 3 millions et quelques cent mille francs. Je prends acte de ce qu’a dit M. le ministre des affaires étrangères, à savoir que l’on pourrait appliquer les 10 centimes additionnels à la construction de ces travaux.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Certainement !

M. Jullien. - Très bien ! Ce sera un à-compte sur le montant des 10 centimes ; je dis un à-compte ; car ils s’élèvent à une somme bien plus considérable. Nous attendrons les observations de M. le ministre des finances pour savoir ce qu’il fera du reste.

Quant aux interpellations relatives à la péréquation cadastrale, je crois qu’il convient de les discuter dans une séance où nous pourrons espérer voir M. le ministre des finances.

M. de Brouckere. - Après-demain ! (Appuyé !)

- La chambre fixe à après-demain la discussion des interpellations de M. A. Rodenbach relatives à la péréquation cadastrale.

Projet de loi concernant les exemptions en matière de douanes

Discussion des articles

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les amendements introduits par la commission dans le projet du gouvernement sont peu nombreux ; mais le gouvernement ne peut les adopter tous ; je demande donc que la discussion soit ouverte sur le projet du gouvernement.

M. le président. - La discussion s’ouvrira sur le projet du gouvernement, les propositions de la commission seront considérées comme amendements.

Article premier

M. le président. - Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, la discussion est ouverte sur l’article premier ; il est ainsi conçu dans le projet du gouvernement :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accorder l’importation et l’exportation en exemption des droits de douanes, dans les cas suivants et pour les objets ci-après désignés :

« A. Aux étrangers qui viennent s’établir ou fixer leur résidence en Belgique, ou qui, après y avoir habité, retournent en pays étranger ;

« B. Aux Belges qui, après une résidence en pays étranger, reviennent dans leur patrie ;

« C. Aux Belges et aux étrangers qui, ayant domicile dans un pays, ont des habitations d’agrément dans l’autre et y résident alternativement pendant l’année ;

« D. Aux artistes qui viennent exercer, même temporairement, une profession libérale ou mécanique ;

« E. Aux Belges qui, possédant en pays étranger des collections d’objets de sciences et d’art, voudraient les transférer en Belgique, ou aux étrangers qui en achèteraient dans ce pays et voudraient les exporter ;

« F. Aux établissements publics du gouvernement, des provinces ou des villes, qui recevraient de l’étranger des objets compris dans les paragraphes 5, 6 et 7 de l’article suivant ;

« G. Enfin aux institutions publiques de sciences et arts, ou aux compagnies savantes qui ne font point commerce de ces mêmes objets.

« Le tout, pour autant qu’il soit reconnu que lesdits objets sont destinés à leur usage respectif et ne sont point des articles de commerce. »

L’article premier est ainsi conçu d’après le projet de la commission :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accorder l’importation et l’exportation en exemption des droits de douanes, dans les cas suivants et pour les objets ci-après désignés :

« A. Aux étrangers qui viennent s’établir ou fixer leur résidence en Belgique, ou qui, après y avoir habité, retournent en pays étranger ;

« B. Aux Belges qui, après une résidence en pays étranger, reviennent dans leur patrie ;

« C. Aux Belges et aux étrangers qui, ayant domicile dans un pays, ont des habitations d’agrément dans l’autre et y résident alternativement pendant l’année ;

« D. Aux artistes qui viennent exercer en Belgique, même temporairement, une profession libérale ou mécanique ;

« E. Aux Belges qui, possédant en pays étranger des collections d’objets de sciences et d’art, voudraient les transférer en Belgique, ou aux étrangers qui en achèteraient dans ce pays et voudraient les exporter ;

« F. Aux établissements publics du gouvernement, des provinces ou des villes, qui recevraient de l’étranger des objets compris dans les paragraphes 5, 6 et 7 de l’article suivant ;

« Le tout, pour autant qu’il soit reconnu que lesdits objets sont destinés à l’usage des intéressés et ne sont point des articles de commerce. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Nous pouvons nous rallier aux modifications proposées par la commission aux paragraphes D et F de cet article, ainsi qu’au paragraphe final ; mais le gouvernement ne croit pas devoir se rallier à la suppression du paragraphe G, ainsi conçu :

« G. Enfin aux institutions publiques de sciences et arts, ou aux compagnies savantes qui ne font point commerce de ces mêmes objets. »

Votre commission a proposé la suppression de ce paragraphe par les motifs suivants énoncés dans le rapport.

« G. Dans un pays où le droit d’association est érigé en principe constitutionnel, où il est libre à tous les citoyens de se constituer en compagnie savante, sans autre peine que celle de se rendre ridicules si leurs œuvres ne répondent pas au titre pompeux qu’ils affichent, peut-on, sans s’exposer à voir frauder les droits de douanes, accorder des exemptions à toutes les institutions qui se prétendront constituées dans l’intérêt des sciences et des arts, à toutes les compagnies qui se diront savantes ? »

La question ainsi posée devait en effet être résolue négativement ; mais je crois que c’est par erreur qu’elle a été ainsi posée : en effet, il ne dépend pas d’une association littéraire, parce qu’elle se déclarerait compagnie savante et utile au pays, de jouir de plein droit de l’exemption pour les livres et autres objets utiles à sa mission. Force lui serait dans tous les cas de demander et l’objection d’obtenir du gouvernement. Cette autorisation, le gouvernement serait toujours libre de l’accorder, ou de la refuser. La disposition de l’article 7 est formelle à cet égard elle est ainsi conçue :

« Art. 7. Le gouvernement pourra, dans tous les cas, refuser l’exemption en tout ou en partie ; sa décision à cet effet ne sera sujette à aucun recours. » Voilà la garantie que vous avez de la bonne application de la loi.

Des associations peuvent s’établir dans le pays pour s’occuper de sciences ou de littérature ; il est utile que le gouvernement puisse leur accorder l’exemption de droits qu’ils demanderaient et favoriser ainsi le développement des sciences et des arts dans le pays.

Par ces motifs je crois qu’il y a lieu de maintenir le paragraphe G dont la commission a proposé la suppression.

M. Liedts, rapporteur. - Si d’un côté nous sommes tous unanimes pour vouloir par des exemptions de droits favoriser le développement des sciences et des arts, d’un autre côte nous devons veiller à ce que des dispositions prises dans ce but ne deviennent pas un moyen d’éluder les droits de douanes, alors qu’il convient de les maintenir.

Remarquez que dans ce pays tout le monde peut ériger une institution de sciences ou d’arts, que tout le monde peut s’associer en apparence dans un but scientifique, et en réalité dans un intérêt commercial.

Je suppose, par exemple, qu’une association de peintres, sous le prétexte de l’intérêt des sciences et des arts, fasse venir de l’étranger de nombreux recueils d’estampes, de livres, de tableaux. D’après les principes émis par M. le ministre tous ces objets entreront dans le pays en franchise de droits.

Si le gouvernement était certain que l’article tel qu’il le propose ne fût pas préjudiciable à l’industrie du pays est ce qui concerne l’imprimerie et toutes les industries qui s’y rattachent, comme l’art de la reliure, etc., la commission serait la première à se rallier au paragraphe G ; mais la crainte qu’il n’en fût pas ainsi l’a déterminée à vous en proposer le rejet.

D’un autre côté la commission n’a pas voulu qu’une si grande latitude fût laissée au gouvernement. Si vous admettiez sa proposition, il dépendrait du ministre de l’intérieur de considérer comme institutions de sciences et arts telles association qu’il voudrait, et de même de ne pas reconnaître ce caractère à d’autres associations, quand il ne le voudrait pas.

M. Gendebien. - Je ne veux pas entrer dans la discussion de la question de savoir s’il convient d’adopter ou de rejeter le paragraphe G. Je veux seulement protester contre les doctrines émises par M. le ministre en matière d’associations.

Quoi qu’il puisse dire, je prétends que les associations pourront toujours invoquer avec chance de succès devant les tribunaux le bénéfice de l’arrêté du gouvernement provisoire sur cette matière. Je sais que certaine coterie voudrait exploiter cet arrêté à son profit, mais tous les citoyens peuvent également l’invoquer.

Quant à ce qu’a dit mon honorable collègue M. Liedts, qu’il ne convient pas de laisser au gouvernement la latitude d’accorder ou de refuser arbitrairement l’exemption des droits de douanes, tout en partageant son avis au fond, je crois que cette latitude résulte moins du paragraphe G de cet article que de l’article 7 ainsi conçu : « Le gouvernement pourra, dans tous les cas, refuser l’exemption en tout ou en partie ; sa décision à cet égard ne sera sujette à aucun recours. » Ainsi, rejetez ou admettez le paragraphe G., le gouvernement pourra toujours abuser de cette disposition.

Ce n’est donc pas, je le répète, pour demander le maintien ou le rejet du paragraphe G, mais pour protester contre les doctrines émises par M. le ministre de l’intérieur, que j’ai pris la parole.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, je ne crois pas qu’il soit possible d’abuser du paragraphe G, s’il est consacré par le vote de la chambre ; en effet, il ne s’agit pas de changer le tarif des douanes, mais d’accorder au gouvernement la faculté de prononcer l’exemption de droits de douanes en faveur des personnes comprises dans les catégories désignées à l’article premier de la loi en discussion, et pour ainsi dire de revenir au principe de la législation précédente sur la même matière.

Cette législation n’a été abandonnée que parce que la faculté d’exemption n’avait été consacrée que par arrêté royal, tandis que, d’après l’article 112 de la constitution, les exemptions d’impôt ne peuvent exister qu’en vertu d’une loi.

Le gouvernement a donc été obligé de s’adresser à la législature pour obtenir de nouveau la prérogative d’exempter des droits de douanes les personnes énumérées dans l’article premier et cela dans le seul intérêt des lettres, des arts et d’une sage politique.

Il se forme souvent dans le pays des sociétés savantes. Plusieurs institutions de cette nature ont pris récemment naissance ; et notamment il vient de s’établir à Gand une réunion de professeurs, dont les travaux ne peuvent tourner qu’à l’avantage de la science. Refusera-t-on une exemption de droits à une société instituée uniquement dans un tel intérêt ? Fera-t-on moins pour une telle association que pour certains particuliers désignés dans l’article premier ? Le gouvernement ne l’a pas pensé, messieurs, et c’est par ce motif qu’il a proposé le paragraphe G, et qu’il insiste pour qu’il soit maintenu dans la loi.

Il ne peut pas plus être fait un usage arbitraire de la disposition de ce paragraphe que des autres paragraphes de l’article premier. Il n’y a pas là plus d’arbitraire que dans les encouragements donnés par le gouvernement aux sciences et aux arts sur les fonds mis à sa disposition, dans ce but, au budget du ministère de l’intérieur.

Je crois que le commerce ne pourra pas davantage abuser du paragraphe G, parce que le paragraphe final de l’article premier porte que l’exemption de droits ne pourra être accordée que « pour autant qu’il soit reconnu que lesdits objets sont destinés à l’usage des intéressés désignés dans l’article premier, et ne sont point des articles de commerce. »

Si le gouvernement s’apercevait que des associations se sont formées, non dans un intérêt scientifique, mais dans un intérêt commercial, et avec une arrière-pensée de fraude, il est certain qu’il n’accorderait aucune exemption de droits.

Je persiste donc à penser que le paragraphe G ne peut donner lieu à aucun abus, et je demande que la chambre veuille bien l’adopter.

M. Jullien. - Toutes les fois que le fisc veut bien présenter des facilités aux contribuables, je considère cela comme une bonne fortune et je ne manque pas de les accepter.

Quant à moi, je trouve plus libérale la proposition du gouvernement au littera G que l’opinion de la commission. En effet, la proposition du gouvernement est relative aux compagnies savantes (veuillez faire attention à ce mot) ou aux institutions publiques de sciences et arts.

Mais, dit le rapport de la section centrale : « Dans un pays où le droit d’association est érigé en principe constitutionnel où il est libre à tous les citoyens de se constituer en compagnie savante, sans autre peine que celle de se rendre ridicules si leurs œuvres ne répondent pas au titre pompeux qu’ils affichent, peut-on, sans s’exposer à voir frauder les droits de douanes, accorder des exemptions à toutes les institutions qui se prétendront constituées dans l’intérêt des sciences et des arts, à toutes les compagnies qui se diront savantes ? »

Je pense comme le gouvernement que ces inconvénients ne sont pas à craindre, et qu’il n’y a pas de motifs pour priver du bénéfice de l’article premier les sociétés savantes que nous avons dans le pays.

N’avons-nous pas en effet des sociétés savantes ! N’avons-nous pas notamment l’académie de Bruxelles ! Assurément, s’il y eût jamais une société savante, c’est bien celle-là. (On rit.) Eh bien, voilà une société que vous privez du bénéfice d’une disposition applicable à des particuliers.

Nous avons encore d’autres compagnies savantes : l’université catholique, l’université libre ; une société savante qui vient de s’organiser à Gand. Pourquoi ces compagnies ne jouiraient-elles pas de l’exemption de droits pour les objets énumérés dans la loi ?

Je crois quant à moi que l’on peut adopter sans inconvénient le paragraphe G comme les autres paragraphes de la loi ; et je me prononce contre la proposition de la commission.


- Les paragraphes de A à F de l’article premier du projet de la commission sont successivement mis aux voix et adoptés.

Le paragraphe G de l’article premier du projet du gouvernement, dont la commission avait proposé la suppression, est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe final de l’article premier du projet de la commission est mis aux voix et adopté.

L’article premier est adopté dans son ensemble.

Article 2

M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 2. Il est ainsi conçu dans le projet du gouvernement :

« Art. 2. Dénomination des objets susceptibles d’exemption dans les cas spécifiés à l’article premier :

« § 1. Habillements, linge de corps, de lit et de table.

« § 2. Meubles de toute espèce.

« § 3. Instruments d’arts libéraux ou mécaniques, et instruments aratoires exclusivement relatifs à la profession des intéressés ou à la destination indiquée par le cas dans lequel l’exemption peut être accordée.

« § 4, Les costumes, partitions et décorations de théâtre, ainsi que les animaux et objets évidemment destinés à des spectacles et représentations publiques.

« § 5. Les objets de collection de sciences, d’antiquités, de numismatique, d’arts et d’histoire naturelle, y compris les manuscrits de toute espèce, pourvu qu’ils soient reconnus comme tels dans les catalogues ou autres documents d’une origine notoire. »

« § 6. Les livres reliés ou brochés, à l’exclusion de ceux en feuilles, pour autant qu’il n’en soit présenté qu’un seul exemplaire de chaque ouvrage ou au moins de chaque édition, et que ceux brochés soient en outre découpés en signe qu’ils ne sont plus neufs.

« § 7. Les estampes et dessins encadrés ou en feuilles, ainsi que les cartes géographiques, pour autant qu’il n’en soit également présenté qu’un seul exemplaire du même sujet ou de la même édition.

« Les objets mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne seront admis à l’exemption qu’autant qu’ils aient servi et ne soient point neufs.

« Tous ceux qui ne sont point compris dans la nomenclature qui précède, et notamment toute espèce de denrées, marchandises et objets de commerce, sont exclus de l’application de la présente loi. »

L’article 2 est ainsi conçu dans le projet de la commission :

« Art. 2. Dénomination des objets susceptibles d’exemption dans les cas spécifiés à l’article premier :

« § 1. Habillements, linge de corps, de lit et de table.

« § 2. Meubles de toute espèce, à l’exception des denrées, des marchandises et objets de commerce ;

« § 3. Instruments d’arts libéraux ou mécaniques, et instruments aratoires exclusivement relatifs à la profession des intéressés ou à la destination indiquée par le cas dans lequel l’exemption peut être accordée.

« § 4, Les costumes, partitions et décorations de théâtre, ainsi que les animaux et objets évidemment destinés à des spectacles et représentations publiques.

« § 5. Les objets de collection de sciences, d’antiquités, de numismatique, d’arts et d’histoire naturelle, y compris les manuscrits de toute espèce. »

« § 6. Les livres reliés ou brochés, à l’exclusion de ceux en feuilles, pourvu qu’ils ne soient pas neufs et qu’il n’en soit présenté qu’un seul exemplaire de chaque ouvrage ou au moins de chaque édition. Les livres brochés dont les feuillets sont coupés sont censés n’être plus neufs.

« § 7. Les estampes et dessins encadrés ou en feuilles, ainsi que les cartes géographiques, pour autant qu’il n’en soit également présenté qu’un seul exemplaire du même sujet ou de la même édition.

« Les objets mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne seront admis à l’exemption qu’autant qu’ils aient servi et ne soient point neufs. »

M. Dubois. - Il est arrivé à la chambre diverses pétitions de propriétaires et de cultivateurs demeurant sur la frontière française et la frontière prussienne de la Belgique, qui demandaient l’exemption de droits de douanes pour l’introduction en Belgique des bestiaux et des chevaux destinés à l’exploitation des terres qu’ils ont en Belgique.

Je remarque au paragraphe 3 de l’article 2 : « Les instruments d’arts libéraux ou mécaniques, et instruments aratoires relatifs à la profession des intéressés. » Je demande si on ne pourrait pas ajouter : « et des animaux destinés à la culture. » Par exemple, des chevaux, des boeufs. On pourrait même permettre aux cultivateurs étrangers d’introduire dans le pays, en franchise de droits, leurs établissements tout entiers.

M. Liedts, rapporteur. - Depuis que le rapport a été présenté à l’assemblée, je me suis rappelé comme l’honorable préopinant qu’il était arrivé à la chambre différentes pétitions de cultivateurs demeurant au-delà de la frontière et exploitant des terres en Belgique. Je trouve dans le projet : « les meubles de toute espèce. » Sans doute, rigoureusement parlant, et dans le sens légal, ces mots comprennent « les animaux destinés à l’exploitation et à l’agriculture. » Ces mots néanmoins pourraient être ajoutés au paragraphe 3 de l’article 2.

M. A. Rodenbach. - Je ne pense pas qu’il convienne d’adopter l’addition proposée par l’honorable M. Dubois ; car elle serait un moyen de fraude. Les bestiaux étrangers ne sont déjà que trop introduits en fraude dans le pays. Le quart du bétail consommé dans le pays vient en fraude de la Hollande. Ailleurs, on brûle d’un fer chaud les cornes des bestiaux de l’extrême frontière. Ici cela ne se pratique pas, et il en résulte des facilités pour l’introduction du bétail en fraude de droits. Je ne pense pas qu’il convienne de les augmenter, en adoptant la proposition de l’honorable député de Furnes. Je crois qu’il faut lui préférer la proposition faite par l’honorable rapporteur de la commission.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Déjà de grandes facilités sont accordées sur l’extrême frontière, et en vertu de la législation existante, pour l’exploitation de propriétés rurales situées en Belgique et appartenant à des personnes domiciliées à l’étranger, ou situées à l’étranger et appartenant à des personnes domiciliées en Belgique.

Il est accordé à ces propriétaires ou fermiers une dispense momentanée de droits pour les bestiaux et ustensiles nécessaires à la culture de leurs terres. Mais si vous adoptez la proposition de l’honorable M. Dubus, il en résultera qu’il y aura à tout jamais exemption de droits, c’est-à-dire qu’une fois entrés en franchise les bestiaux resteront dans le pays au détriment de notre industrie agricole. Déjà les facilités qui sont accordées ont donné lieu à des abus. Je crois que si on les étendait encore, en adoptant une mesure semblable à celle proposée, les intérêts de l’agriculture en souffriraient, et je pense en conséquence qu’il faut laisser la législation à cet égard dans l’état où elle est, parce qu’elle suffit aux besoins réels des habitants de la frontière.

M. Dubois. - Ma proposition, telle que l’a combattue l’honorable M. A. Rodenbach, est complexe. En premier lieu, elle permettrait aux cultivateurs étrangers d’introduire en franchise de droits les animaux nécessaires à l’exploitation des terres qu’ils ont dans ce pays-ci ; en second lieu, elle permettrait l’introduction de bestiaux étrangers. Cette seconde proposition, je ne l’avais faite qu’en forme de doute ; je la retire et je m’en tiens à la première proposition, telle qu’elle a été formulée par l’honorable rapporteur de la commission.

L’adoption de cette proposition est indispensable pour l’exploitation des biens situés en Belgique et dont les propriétaires demeurent à l’étranger, près de la frontière.

M. Duvivier. - La loi générale y a pourvu.

M. Dubois. - Quoi qu’en dise l’honorable ex-ministre des finances, lorsque j’ai présenté des réclamations des cultivateurs, sous les divers ministres des finances qui se sont succédé depuis la révolution, il m’a toujours été répondu que la loi n’y avait pas pourvu et que l’article 112 de la constitution s’opposait à toute exemption.

M. Liedts, rapporteur. - Je crois que la disposition de l’article 4 est une garantie contre les abus qu’on pourrait redouter ; il est ainsi conçu :

« Art. 4. Dans tous les cas prévus par la présente loi, le gouvernement pourra exiger la sûreté nécessaire à l’effet d’assurer la réexportation dans un délai déterminé, ou le paiement des droits des objets qui ne sont destinés qu’à rester momentanément en Belgique. »

Cette disposition s’appliquerait aux étrangers qui feraient venir leurs bestiaux pour cultiver les terres qu’ils exploiteraient en Belgique. Le gouvernement pourrait prendre les précautions nécessaires pour que ces bestiaux retournent en Hollande ou en tel autre pays étranger.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour pourvoir au cas dont vient de parler l’honorable préopinant, les dispositions de la loi générale sont suffisantes. Mais si l’on adoptait l’amendement proposé, on donnerait une extension à la loi générale ; car, d’après cet amendement, on pourrait accorder l’exemption de droits pour des animaux qui seraient importés en Belgique pour y rester et non pour être réexportés. Voilà ce que la loi générale n’a pas admis, dans la crainte que cette faculté ne donnât lieu à des fraudes. Je pense donc qu’il faut s’en tenir à la loi générale, qui contient tout ce qui est véritablement utile à l’agriculture.

M. Verdussen. - Lorsque le ministre a demandé d’étendre aux sociétés savantes ne dépendant pas des communes, la faculté d’introduire des objets d’art avec exemption de droits, il a dit qu’en vertu du dernier article de la loi, il lui serait toujours facultatif de refuser l’exemption sollicitée, quand il présumerait la fraude.

Il me semble que cet article lui donnerait le même droit à l’égard de l’amendement de M. Liedts, si, malgré les observations présentées par cet honorable membre, il croyait que l’amendement pût donner ouverture à la fraude. Il pourra dire en vertu de cet article : Je n’accorde pas ce que vous demandez, parce que je prévois qu’on ne réexportera pas les objets introduits.

Au reste, il s’agit d’animaux nécessaires à l’exploitation agricole. C’est à cela que se borne l’amendement. En vertu des articles 4 et 7, le gouvernement pourra, quand il le jugera à propos, refuser l’exemption ou demander les sûretés nécessaires pour assurer la réexportation des objets qui ne doivent rester que momentanément en Belgique.

Je pense donc que l’amendement de M. Liedts doit être adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il y a une très grande différence entre les deux cas dont vient de parler l’honorable préopinant. La proposition de permettre l’introduction des objets devrait être favorablement accueillie, parce qu’on pouvait la considérer comme étant dans l’intérêt du pays, mais ici il s’agit d’introduire des animaux étrangers et cette introduction peut être regardée comme contraire aux intérêts de l’agriculture.

M. Devaux. - Il me semble qu’on perd de vue le principal but de l’amendement proposé par l’honorable M. Liedts. Sur les frontières, les terres sont alternativement louées à des fermiers belges ou à des fermiers français de la frontière qui viennent en concurrence avec les fermiers belges. Si vous excluez les fermiers français de cette concurrence, vous diminuerez la valeur des terres. Il faut laisser exister cette concurrence.

Si un fermier français ne peut pas venir louer une terre sur le territoire belge sans être obligé de payer les droits pour ses chevaux, son bétail, il ne louera pas. Il faut donc que le gouvernement ait la faculté d’accorder l’exemption, non seulement sur les meubles, mais sur les bestiaux et tout ce qui sert à l’exploitation ; sans cela la valeur des terres des frontières serait réduite.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Il ne s’agit pas de changer ce qui existe. Lorsqu’il s’agit de l’exploitation d’une terre voisine de la frontière, soit en Belgique, soit à l’étranger, cette exploitation peut toujours avoir lieu avec les facilités qu’accorde la loi générale des douanes. Cette loi a pourvu aux besoins de ces exploitations, et la concurrence pour la location des terres situées sur les frontières continuera d’exister.

Je ferai en outre observer qu’en général l’esprit du projet de loi actuel n’est pas d’accorder momentanément, mais d’une manière absolue, des exemptions de droits pour les objets spécifiés. Si vous y comprenez les chevaux et les bestiaux, ils seront introduits même légalement sans payer de droits, ce qui dépasserait sans doute vos intentions. Je ne puis que faire remarquer de nouveau que toutes les mesures ayant pour but de protéger les agriculteurs belges sont contenues dans la loi générale, et que faire plus, serait ouvrir des voies à l’abus.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole pour donner lecture du paragraphe 2 de l’article 4 de la loi générale qui est ainsi conçu :

« L’exemption des droits mentionnés aux paragraphes 4 et 5 sera aussi accordée à des sujets d’un Etat voisin qui ont en propriété ou à tout autre titre des terres sur le territoire du royaume et situées sur les frontières ; mais toutefois, lorsque nos sujets jouiront de pareille exemption de droits d’entrée et de sortie dans ces états voisins. »

Du moment où la réciprocité est admise dans le pays voisin le gouvernement peut accorder l’exemption en Belgique,

M. Dubois. - Je crois que le cas mentionné à l’article 5 dont M. le ministre de l'intérieur vient de donner lecture est différent de celui que prévoit l’amendement proposé. En effet, dans l’article 5, il s’agit simplement d’exemption en faveur des cultivateurs qui ont des terres sur les deux royaumes, soit que leur exploitation soit située en France ou en Belgique.

Je conçois que pour ce cas la loi générale soit suffisante, puisqu’elle permet aux cultivateurs d’introduire et de ramener leurs bestiaux. Mais l’amendement que M. Liedts et moi proposons a pour but le cas où un propriétaire belge loue une terre belge à un fermier français. Je demande que le fermier français qui voudra exploiter la ferme belge, puisse introduire ses animaux en exemption de droits. Voilà ce qui a été l’objet de diverses pétitions adressées au ministre des finances et à la chambre, auxquelles il a été répondu que l’exemption de droits demandée ne pouvait pas être accordée, parce que la constitution ne le permettait pas. C’est cet obstacle que M. Liedts et moi voulons faire disparaître.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Effectivement, la loi générale n’accorde pas d’exemption pour le cas que vient de spécifier l’honorable préopinant, et on ne doit pas, selon moi, en accorder, car les bestiaux introduits de cette manière sont de véritables marchandises, des objets de commerce, et si on les affranchissait du droit, on ferait manifestement tort à l’industrie agricole du pays.

M. Duvivier. - Ce que vient de dire M. le commissaire du Roi est évident. Si on accueillait favorablement l’amendement de M. Dubois, dès le lendemain on ferait des spéculations qui, sous prétexte de location de fermes, auraient pour but d’introduire du bétail en franchise de droits. Il est évident qu’une semblable disposition ne peut pas être admise. La loi générale a pourvu à tous les cas raisonnables d’exploitation respective par des Français en Belgique et par des Belges en France.

Mais, je le répète, prévoir et autoriser ce que demande M. Dubois, ce serait donner ouverture à toute espèce de spéculations pour introduire dans le pays des bestiaux étrangers en exemption de droits.

M. Liedts. - Mon amendement a été présenté pour deux hypothèses.

La première est celle où un cultivateur ayant son établissement d’exploitation à l’étranger possède en culture des terres situées en Belgique. M. le ministre prétend que ce cas est prévu par la loi générale.

La seconde est celle où un cultivateur étranger voudrait exploiter une ferme située sur le territoire belge. Le gouvernement s’oppose à ce que l’exploitation soit accordée dans ce dernier cas, parce que dès le lendemain selon lui, on verrait naître des spéculations pour introduire par ce moyen des bestiaux en Belgique.

Cela peut être préalable, et même vrai, pour qui n’a pas lu la loi, mais celui qui en a combiné toutes les dispositions ne peut avoir cette crainte.

En effet il faut 1° que les bestiaux soient nécessaires à l’exploitation. En deuxième lieu, le gouvernement a un pouvoir illimité pour se faire remettre toutes les pièces justificatives que les animaux dont on demande l’introduction sont destinés à cet usage. En troisième lieu, s’il n’est pas satisfait des pièces produites, il peut encore se faire donner caution pour assurer que ces animaux rentreront en France ou en Hollande. Ces trois conditions mettent l’Etat à l’abri de toute fraude.

Quant à la première hypothèse, je doute que la loi générale suffise pour tous les cas. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en juillet 1819 le roi Guillaume a pris un arrêté spécial pour autoriser les exportation et importations qui en résultaient.

Il est donc vrai que Guillaume a senti que les lois existantes étaient insuffisantes.

On me dit que la loi générale est postérieure à cet arrêté, soit ; mais il n’est pas moins nécessaire et urgent d’accorder l’exemption pour le cas où un étranger veut prendre et exploiter une ferme en Belgique, à moins que vous ne vouliez, comme l’a dit M. Devaux, diminuer la valeur des propriétés limitrophes en Belgique.


M. le président. - Je vais mettre aux voix les divers paragraphes de l’article.

« Art. 2. Dénomination des objets susceptibles d’exemption, dans les cas spécifiés à l’article premier.

« § 1er. Habillements, linge de corps, de lit et de table. »

- Adopté.


« § 2. Meubles de toute espèce. »

La section centrale propose d’ajouter ici les mots « à l’exception des denrées, des marchandises et d’objets de commerce », qui se trouvent dans le dernier paragraphe de l’article du gouvernement, paragraphe dont elle supprime le texte.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Je pense qu’il serait préférable de laisser subsister la disposition finale de l’article du projet du gouvernement ; car en plaçant les mots : « à l’exception des denrées des marchandises et objets de commerce, » après « les meubles de toute espèce, » on paraît n’appliquer cette restriction qu’aux meubles seuls. Telle n’avait pas été la pensée du gouvernement qui voulait que cette exception s’étendît à tous les objets repris aux divers paragraphes, et non pas spécialement aux meubles de toute espèce.

Je répète donc qu’il eût été préférable de laisser subsister cette disposition finale, d’autant plus qu’il ne s’agissait pas de dire, ainsi que le fait le rapport, que la loi ne s’étend pas aux cas qui ne sont pas formellement exprimés, mais bien que, dans les cas autres que ceux mentionnés, il ne serait pas fait usage la faculté d’accorder des exemptions, et que le tarif ordinaire reprendrait son empire. Cette disposition n’était donc pas tout à fait inutile.

Dans tous les cas les mots placés par la section centrale au second paragraphe devraient être laissés à la fin de l’article, afin qu’ils pussent s’appliquer à toutes les spécialités indiquées dans le même article.

M. Liedts, rapporteur. - Le paragraphe final de l’article du gouvernement est ainsi conçu : « Tous ceux (les objets) qui ne sont pas compris dans la nomenclature qui précède, et notamment toute espèce de denrées, marchandises et objets de commerce, sont exclus de l’application de la présente loi. »

Il a paru ridicule à votre commission de stipuler dans une loi exceptionnelle que tout ce qui n’était pas compris dans la loi était exclu de son application. C’est une vérité triviale qu’une loi exceptionnelle ne s’applique qu’au cas prévus par elle. Elle a pensé qu’il était inutile de consacrer cette vérité dans un article.

Reste la partie limitative de la disposition. Il était nécessaire de dire que toute espèce de denrées, marchandises et objets de commerce était exceptée. On a placé cette exception au paragraphe 2, parce que les denrées, marchandises, objets de commerce entrent dans les meubles de toute espèce.

- L’amendement proposé par la section centrale est adopté ainsi que le paragraphe amendé.


« § 3. Instruments d’arts libéraux ou mécaniques, et instruments aratoires exclusivement relatifs à la profession des intéressés ou à la destination indiquée par le cas dans lequel l’exemption peut être accordée. »

M. le président. - M. Liedts propose d’ajouter : « ainsi que les animaux destinés à l’exploitation des établissements agricoles. »

- Cet amendement est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Le paragraphe est adopté.


« § 4. Les costumes, partitions et décorations de théâtre, ainsi que les animaux et objets évidemment destinés à des spectacles et représentations publiques. »

- Adopté.


« § 5. Les objets de collection de sciences, d’antiquités, de numismatique, d’arts et d’histoire naturelle, y compris les manuscrits de toute espèce, pourvu qu’ils soient reconnus comme tels dans les catalogues ou autres documents d’une origine notoire. »

M. le président. - La commission propose la suppression des mots : « Pourvu qu’ils soient reconnus comme tels dans les catalogues ou autres documents d’une origine notoire. »

Le gouvernement consent à cette suppression.

- Le paragraphe, ainsi amendé, est adopté.


« § 6. Les livres reliés ou brochés, à l’exclusion de ceux en feuilles, pour autant qu’il n’en soit présenté qu’un seul exemplaire de chaque ouvrage ou au moins de chaque édition, et que ceux brochés soient en outre découpés en signe qu’ils ne sont plus neufs. »

M. le président. - La commission propose ce paragraphe de la manière suivante :

« § 6. Les livres reliés ou brochés, à l’exclusion de ceux en feuilles, pourvu qu’ils ne soient pas neufs et qu’il ne soit présenté qu’un seul exemplaire de chaque ouvrage ou au moins de chaque édition. Les livres brochés, dont les feuillets sont coupés sont censés n’être plus neufs. »

Le gouvernement adhère à cet amendement.

- L’amendement de la commission est adopté.


« § 7. Les estampes et dessins encadrés ou en feuilles, ainsi que les cartes géographiques, pourvu qu’il n’en soit également présenté qu’un seul exemplaire du même sujet ou de la même édition. »

- Adopté.


« Les objets mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne seront admis à l’exemption qu’autant qu’ils aient servi et ne soient point neufs. »

- Adopté.


M. le président. - Voici la dernière disposition de l’article du gouvernement, dont la commission demande la suppression :

« Tous ceux qui ne sont point compris dans la nomenclature qui précède, et notamment toute espèce de denrées, marchandises et objets de commerce, sont exclus de l’application de la présente loi. »

- Cette disposition est mise aux voix et rejetée.

L’ensemble de l’article tel qu’il a été amendé est ensuite adopté.

Articles 3 et 4

L’article 3 tel qu’il est rédigé par la commission est adopté.


L’article 4 ainsi conçu est mis en discussion :

« Art. 4. Dans tous les cas prévus par la présente loi, le gouvernement pourra exiger la sûreté nécessaire à l’effet d’assurer la réexportation dans un délai déterminé, ou le paiement des droits des objets qui ne sont pas destinés qu’à rester momentanément en Belgique. »

M. Lardinois. - Je voudrais savoir si le gouvernement ou la section centrale comprend que le gouvernement a la faculté de permettre l’entrée avec franchise de droits, avec obligation de réexporter. Cela est, je crois, indispensable. Si cela n’est pas porté dans la loi, il arrivera qu’à chaque saison on pourra introduire un grand nombre d’objets, en faire commerce et les vendre. Il est donc important d’accorder l’importation avec obligation de réexporter.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - L’article 4 lui-même me semble répondre complètement à l’observation de l’honorable M. Lardinois. D’après la rédaction de cet article il est évident que tous les Belges et étrangers qui ont domicile dans un pays voisin et qui habitent par plaisir la Belgique, seront obligés de réexporter dans un délai fixe.

M. Liedts, rapporteur. - Le gouvernement pourra prendre les mesures nécessaires pour assurer la réexportation, et, dans ce cas, il ne mettra pas de négligence. Si, par exemple, un individu se donnant qualité d’artiste, apportait en Belgique une belle collection de livres, le gouvernement devrait prendre les précautions nécessaires pour que cet individu assure la réexportation dans son pays.

M. Lardinois. - D’après ce que viennent de dire MM. le commissaire du Roi et le rapporteur de la section, il est constant qu’il est indispensable de prendre les précautions nécessaires pour empêcher les manoeuvres frauduleuses qui pourraient avoir lieu. Je demande si l’article autorise le gouvernement à exiger la réexportation ; sinon, je demande qu’on introduise cette réserve dans le projet.

M. Duvivier. - Tout ce que désire l’honorable M. Lardinois peut se prévoir facilement, car l’étranger n’introduit ces objets que sous acquit à caution. Le fait de l’acquit à caution est de reproduire les objets dans un temps voulu. Si vous ne le faites, on vous fait payer les droits d’entrée, puis les amendes formulées pour cette contravention.

- L’article 4 tel qu’il est rédigé par la commission est mis aux voix et adopté.

Article 5

L’article 5 ainsi rédigé est mis aux voix et adopté :

« Afin d’obtenir l’exemption autorisée par la présente loi, les intéressés en adresseront la demande au gouvernement, accompagnée d’une liste descriptive et détaillée des objets ; ils fourniront en outre toutes les justifications requises pour prouver que les conditions auxquelles elle est subordonnée ont été remplies.

Article 6

M. le président. - L’article 6 est mis en discussion :

« L’exemption accordée ne sera, dans tous les cas, définitivement acquise qu’après la visite et la vérification qu’auront effectuées les agents désignes à l’effet de reconnaître l’exactitude des listes et déclarations, de constater l’identité des objets et de s’assurer qu’ils n’en renferment point de recélés. Tout abus ou fraude emportera non seulement l’annulation de l’exemption, mais en outre la confiscation des objets introduits en fraude, et l’application des pénalités prononcées par les lois en matière de douanes et de garantie. »

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Le premier changement de rédaction proposé à la troisième ligne ne me paraît devoir éprouver aucun obstacle. Il n’en est pas de même du second ; les mots : « introduits en fraude » supposent que les articles sont déjà introduits. Au lieu de ces mots, je propose de mettre : « qu’on aura essayé d’introduire en fraude. »

M. Jullien. - Je crains bien que la dernière partie de cet article ne détruise tous les avantages qu’on se propose de la loi en discussion, et même que la loi ne tourne au préjudice de l’importateur qu’elle semble vouloir favoriser.

Pour bien faire comprendre ma pensée, il faut se reporter à la position où se trouve l’importateur.

Vous supposez que l’importateur qui a fait sa déclaration à la douane, a fourni la liste détaillée des objets qu’il veut introduire, et enfin a rempli toutes les formalités voulues. L’article dit que l’administration désignera quels sont les individus qui seront chargés de faire la vérification des objets.

Eh bien, lorsque vous avez prévu et exigé toutes ces formalités vous voulez que dans le cas où il y aurait abus ou tentative d’abus, il y ait non seulement confiscation des objets, mais encore qu’on encoure les pénalités prononcées en matière de douanes et de garantie. Je m’oppose de toutes mes forces à la fin de ce paragraphe.

Vous obligez l’importateur à faire sa déclaration, à fournir une liste détaillée des objets ; vous désignez des personnes chargées d’en faire la vérification, vous déclarez que l’importation ne sera acquise qu’après cette vérification, et vous supposez encore qu’il peut y avoir fraude. D’après toutes les garanties que vous exigez, elle ne saurait exister.

En Angleterre, si on vous demande quels sont les objets sujets aux droits que vous cherchez à introduire, vous répondez : Faites-en la vérification, je ne sais pas quels sont les objets soumis à vos règles de douane. On fait cette vérification et l’on reconnaît qu’il est des objets qui doivent payer ; ou ils ne sont pas introduits, ou l’on paie ces droits.

Si vous adoptez la loi telle qu’elle est présentée, vous vous exposez à de graves inconvénients. Les commis des douanes qui ont leur part dans les prises, trouveront neufs une quantité d’objets ayant déjà servi, et pour eux il y aura une multitude de tentatives de fraude. De là, des procès-verbaux, des objets saisis, de là, les individus traduits devant le tribunal sous la prévention d’avoir voulu frauder. Voyez un peu dans quelle position vous placez l’importateur.

Je pense que toutes les fois que des objets sont soumis à une vérification préparatoire, il n’y a pas lieu à comminer des pénalités contre l’importateur. En fait de douanes, ou suppose toujours qu’il y a une intention frauduleuse dans une déclaration qui n’est pas entièrement conforme à la vérité. Pourquoi la douane a-t-elle le droit de vérifier ? Dès qu’elle a cette faculté, le cas de fraude est insupposable. Je le répète, si la loi est admise telle qu’elle est, du moins dans cet article 6, elle présentera aux importateurs beaucoup plus de préjudices que d’avantages.

M. Liedts, rapporteur. - Nous sommes d’accord avec l’honorable M. Jullien que l’on ne peut supposer des intentions de fraude que lorsqu’on peut prouver des assertions mensongères. Quand on se présente à la douane et que l’on dit : Visitez nos caisses, il n’y a pas lieu de supposer d’intentions frauduleuses.

Mais lorsque vous déclarez que ces caisses ne renferment que telles ou telles choses, et qu’elles en contiennent d’autres, là, il me semble, commence la fraude.

Supposez qu’on adresse au ministère un catalogue de livres prétendus vieux, et que dans les caisses il se trouve une quantité de livres non déclarés et neufs. N’y a-t-il pas là déclaration mensongère et intention de frauder ? On sait bien que dans l’exécution tout dépend des circonstances ; toujours est-il qu’il peut se présenter des cas, et il n’y a pas lieu à être moins sévère pour ceux-là que pour d’autres.

M. Jullien. - Je ne crois pas que l’honorable rapporteur de la section centrale ait très bien saisi ma pensée.

Dans le cas dont il a parlé la déclaration est faite d’avance, on a envoyé la liste des objets. Ici la loi désigne les individus chargés de faire la vérification ; et cette vérification faite, où peut exister l’intention de frauder ?

Mais, dit l’honorable rapporteur, vous avez déclaré des livres vieux, et au fond de la caisse ils sont neufs. Il appartiendra aux commis des douanes de dire que telle chose est neuve : j’ai vu, en voyageant, arracher du dos des femmes des schalls qu’elles avaient déjà portés et que l’on prétendait être neufs.

Maintenant voyez un peu comment finit votre article : cette disposition est extralégale. Dans aucune autre loi fiscale je ne trouve une aussi excessive rigueur.

« Tout abus ou fraude emportera non seulement l’annulation de l’exemption, mais en outre la confiscation des objets introduits en fraude, et l’application des pénalités prononcées par les lois en matière de douane et de garanties. » Voilà un luxe de pénalités, d’amendes, de confiscations qui ne sont pas dans la loi générale.

Tout abus... En quoi consisteront les abus ? Je conçois ce que c’est que de la fraude ; mais qu’est-ce que qu’un abus ? Dans quels cas pourra-t-on prononcer l’annulation de l’exemption et la pénalité ? Je ne vois pas d’après quels principes on a mis de telles dispositions dans une loi toute bienveillante dans son but. Je pense qu’il faut de toute nécessité modifier, changer, supprimer la fin de l’article 6.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Si le système de M. Jullien était accueilli, il y aurait impunité pour toute tentative de fraude. Il suffirait de faire une déclaration, de demander une autorisation à l’administration, pour introduire des marchandises en exemption de droits, afin de pouvoir introduire en fraude d’autres objets parmi ceux pour lesquels l’exemption a été réclamée.

Avec des meubles on pourrait introduire de la bijouterie, avec des livres on pourrait mêler des ouvrages nouveaux, on pourrait chercher à faire prendre l’une pour l’autre, des choses qui auraient quelque analogie entre elles.

C’est parce que la loi est toute de faveur que l’on doit prendre des précautions pour que l’on n’abuse pas de cette faveur. C’est la le motif pour lequel on a dit : « Toute fraude emporte non seulement l’annulation de l’exemption mais en outre… » Quand les objets que l’on aura cherché à introduire en fraude rentrent dans l’application de la loi générale, cette fraude est punie de la confiscation et d’amendes ; la loi actuelle n’ajoute rien aux pénalités prononcées par la législation existante.

Il faut laisser l’article tel qu’il est, sous peine de voir introduite dans le pays des objets de commerce, sous prétexte d’y faire entrer des objets relatifs aux sciences et aux arts.

M. Liedts, rapporteur. - Le mot « abus » est trop vague, j’en conviens, et je crois qu’il vaut mieux mettre : « Toute fausse déclaration... »

La crainte manifestée par l’honorable M. Jullien que cette loi ne soit trop sévère, et plus sévère que les autres lois de douanes, déterminé à vous présenter une autre rédaction. La voici :

« Toute fraude, toute fausse déclaration sera punie des peines établies par les lois en matière de douanes et de garantie, et emportera l’annulation de l’exemption. »

Il n’y aura plus d’inconvénients à terminer l’article de cette manière.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Comme je ne vois là qu’une changement de rédaction, j’adopte volontiers l’amendement.

- L’amendement ou la rédaction présentée par M. Liedts est mise aux voix et adoptée.

- L’article 6 ainsi modifié est adopté.

Article 7

« Art. 7, Le gouvernement pourra dans tous les cas refuser l’exemption en tout ou en partie, la décision à cet égard ne sera sujette à aucun recours. »

M. Legrelle. - Je regrette de ne pouvoir donner mon assentiment à cet article. Il donne un pouvoir trop absolu au gouvernement.

L’exemption pourra être accordée ou refusée sans qu’on en expose les motifs. La disposition laisse trop de latitude et me paraît en contradiction avec l’art icle112 de la constitution. Il pourra dépendre du gouvernement d’accorder l’exemption à tel individu, et à la refuser à tel autre.

La commission ne dit rien pour justifier cet article 7. Une loi doit régner sur le gouvernement comme sur les particuliers, et je ne pourrai voter pour l’arbitraire légal, même en matière de douanes.

Je demanderai aussi ce que signifient ces mots : « La décision à cet égard ne sera sujette à aucun recours. » Il faut supprimer une telle disposition.

Je proposerai pour l’article 7 la rédaction suivante :

« Le gouvernement pourra, sur décision motivée, refuser, dans tous les cas, l’exemption en tout ou en partie.»

M. Liedts, rapporteur. - Je ne dirai que fort peu de mots en réponse à ce que l’on vient d’entendre, pour prouver que l’article n’est pas aussi abominable que le croit l’honorable préopinant.

Et d’abord je ferai remarquer que les réflexions de cet honorable membre auraient dû être exposées lors de la délibération sur l’article premier, lequel commence ainsi :

« Le gouvernement est autorisé à accorder l’importation et l’exportation des droits de douanes, etc., » car si vous donnez au gouvernement le droit d’accorder l’exemption, c’est lui donner inévitablement le droit de la refuser.

L’exemption peut être refusée en tout ou en partie, et cela n’est pas difficile à comprendre. Supposons une personne non mariée qui se présente à la douane avec du linge de corps en telle quantité que 20 ou 30 personnes en seraient suffisamment pourvues en se le partageant : pourra-t-on admettre la déclaration que ferait cette personne que tout ce linge est à son usage ? Evidemment le gouvernement, dans ce cas, pourra refuser l’exemption pour une grande partie de ce linge.

L’article peut être justifié à tous égards. Ce qu’on pourrait seulement lui reprocher, c’est son inutilité ; car tout ce qu’il renferme est une conséquence indispensable de l’article premier.

- L’amendement de M. Legrelle n’étant pas appuyé n’est pas mis aux voix.

L’article 7 mis aux voix est adopté.

Second vote des articles et vote sur l'ensemble

- Plusieurs membres demandent que la chambre passe immédiatement au second vote sur l’ensemble de la loi ; d’autres membres s’y opposent.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On ne peut qualifier d’amendements les modifications apportées à la loi : ces modifications ne sont que de simples changements de rédaction. Observez encore que le gouvernement a adhéré à tous ces changements.

M. Lardinois. - Je crois qu’il vaudrait mieux remettre le second vote à une autre séance. On a admis un amendement qui, selon moi, peut présenter des dangers ; laissons-nous le temps de revoir la loi et d’en mesurer la portée.

M. A. Rodenbach. - Je demande que l’on vote dès aujourd’hui. Les changements de rédaction proposés par M. le rapporteur de la commission ont été consentis par M. le commissaire du Roi, et ceux que M. le commissaire du Roi, a présentés ont été admis par M. le rapporteur ; ainsi il n’y a véritablement point eu d’amendements à la loi.

M. Liedts, rapporteur. - Je demanderai pour quels motifs on voudrait s’écarter du règlement, je ne vois pas de motifs d’urgence. Rien n’empêche qu’on ne mette un jour d’intervalle entre les deux votes.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le motif pour lequel nous devons voter actuellement, c’est pour utiliser le temps qui nous reste à la fin de cette séance ; car il ne nous en reste pas assez pour commencer d’autres travaux.

M. Jullien. - On ne tient pas plus compte de notre règlement que de la constitution ; sous le moindre prétexte on viole l’un ou l’autre.

Lorsqu’une assemblée délibérante ne suit pas son règlement, le désordre y règne. Je conçois que lorsqu’il y a des motifs d’urgence, on puisse déroger au règlement ; mais ici rien de semblable ne se fait remarquer ; il n’y a pas, comme on dit, péril en la demeure : pourquoi donc se faire un jeu du règlement et voter une loi sitôt qu’elle a subi une première délibération ?

M. Legrelle. - Il est certain que nous n’avons pas de motifs pour procéder aujourd’hui au second vote. Pour utiliser notre temps, nous pouvons commencer la discussion sur un autre projet de loi.

- La chambre consultée décide qu’elle passera immédiatement au vote sur l’ensemble de la loi.

M. le président. - Je vais donner lecture des modifications faites aux articles.

M. Fleussu. - Le bureau se donne une peine inutile ; il recherche les modifications faites à la loi ; mais ces modifications ne concernent que la rédaction ; ce ne sont pas là des amendements. D’ailleurs toutes ont été consenties par le gouvernement. Il n’y a rien à rechercher. Il faut que la chambre soit conséquente avec elle-même.

M. Jullien. - Voilà ce que c’est que de violer le règlement.

M. le président relit les changements apportés à la rédaction des articles.

- Ces changements ne donnent lieu aucune observation.

La loi est soumise dans son ensemble à l’appel nominal.

Les 63 membres présents à la séance l’adoptent à l’unanimité.

En conséquence le projet est adopté et sera transmis au sénat.

La séance est levée à 4 heures.