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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 21 mars 1835
Sommaire
1) Pièce
adressée à la chambre
2) Projet
de loi portant le budget des non-valeurs, non-remboursements et dépenses pour
ordre
3) Projet
de loi portant organisation des communes.
a) Motion d’ordre visant à scinder la
discussion du projet de loi portant organisation des communes (de Theux, Dubus, de
Theux, Dumortier, Ernst, de Brouckere, Legrelle, de Brouckere, de Muelenaere,
Jullien, Fallon, (+sénat) Dumortier, Dubus, de Theux, de Brouckere, Jullien, Dubus, Dumortier,
Jullien, Dubus, Jullien)
b) Incident
relatif à la validité du vote émis par un député sur la motion d’ordre
(+indépendance des députés-fonctionnaires et banque de Belgique) (Dumortier, Davignon, de Brouckere, Davignon, de Brouckere, de Theux, Jullien, de Muelenaere, de Theux, Dubus, Davignon,
Jullien)
(Moniteur belge n°81, du 22 mars 1835 et Moniteur belge n°82, du 23 mars
1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°81, du 22 mars 1835)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à midi trois quarts.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse de la pétition suivante.
PIECE ADRESSEE A
« Plusieurs habitants de
la province de Liége demandent de nouveau la révocation du privilège exclusif
accordé par le gouvernement à MM. Dubois et comp. de Liége, propriétaire d’un moulin
à farine situé à Maestricht, de pouvoir introduire en Belgique les produits de
ce moulin en franchise de droits. »
- Cette pétition est renvoyée
à la commission des pétitions.
________________
M.
Gendebien annonce qu’une indisposition ne lui a pas permis, hier, et ne
lui permettra pas aujourd’hui, d’assister à la séance.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DES NON-VALEURS, NON-REMBOURSEMENTS ET DEPENSES POUR ORDRE
M. le
président. - La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la
parole sur l’ensemble de la loi, on passe à la discussion des articles.
Discussion des articles
Chapitre premier. - Non valeurs
« Art. 1er. Sur le
foncier : fr. 318,000 » - Adopté.
« Art. 2. Sur l’impôt
personnel : fr. 350,000 » - Adopté.
« Art. 3. Sur les
patentes : fr. 91,000 » - Adopté.
« Art. 4. Décharge ou
remise aux bateliers en non-activité : fr. 100,000. » - Adopté.
« Art. 5. Sur les
redevances des mines : fr. 10,000. » - Adopté.
Chapitre II. - Restitutions
« Art. 1er. Restitution
des droits et amendes indûment perçus : fr. 280,000 » - Adopté.
« Art. 2. Remboursement
des postes aux offices étrangers : fr. 100,000 » - Adopté.
« Art. 3. Restitution des
cautionnements postérieurs à la révolution : fr. 80,000. »
M. Dujardin, commissaire du
Roi. - Messieurs, les cautionnements versés par les comptables de l’Etat ayant
été placés parmi les recettes pour ordre, dans le budget des voies et moyens,
il devient nécessaire de faire figurer aux dépenses de la même catégorie les
restitutions de cautionnements, indûment portées au chapitre des restitutions.
Je demande que cette dépense soit portée à l’art. 2 des dépenses et pour ordre.
- Le transfert proposé par M.
le commissaire du Roi est adopté.
« Art. 4 (qui devient
article 3). Attributions d’amendes forestière : fr. 9,500 » - Adopté.
Dépenses pour ordre
« Art. 1er. Attributions
d’amendes, saisies, confiscations opérées par l’administration des contributions
: fr. 120,000 » - Adopté.
« Art. 2 (transféré au
chapitre précédent). Restitution des cautionnements postérieurs à la révolution
: fr. 80,000 » - Adopté.
« Art. 2 (devenu article
3). Frais d’expertise de la contribution personnelle : fr. 40,000 » - Adopté.
« Art. 3 (devenu article
4). Frais d’ouverture des entrepôts : fr. 14,000 » - Adopté.
Vote sur l’ensemble du
projet
M. le
président. - Maintenant regarde-t-on comme amendement le transfert qui
a eu lieu ? (Non ! non !)
Je vais alors mettre aux voix
les articles de la loi.
« Art. 1er. Le budget des
remboursements et non-valeurs pour l’exercice de 1835 est fixé à la somme de
1,258,500 fr., et les dépenses pour ordre sont fixées à la somme de 254 mille
francs, le tout conformément au tableau ci-annexé. »
- Cet article est mis aux voix
et adopté.
« Art. 2 La présente loi
sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. » - Adopté.
On procède à l’appel nominal
sur l’ensemble du projet de loi.
Il est adopté à l’unanimité
des 56 membres qui ont répondu à l’appel.
En conséquence il sera
transmis au sénat.
Motion d’ordre
M. le
président. - Nous sommes arrivés à l’art. 72.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Arrivés au titre des attributions communales, nous avons cru devoir, mes
collègues et moi, examiner quelle serait la marche à suivre relativement à la
discussion de ce titre. Il nous a paru qu’il était impossible de se fixer
convenablement sur cette marche aussi longtemps que les trois branches du
pouvoir législatif n’étaient pas tombées d’accord sur l’organisation du
personnel de l’administration municipale. C’est d’après le système qui sera
consacré pour l’organisation du personnel, qu’il faudra déterminer les
attributions, soit qu’on adopte le système du projet du gouvernement, soit
qu’on y substitue un système nouveau. Pour arriver à ce résultat, il nous a
donc paru qu’il serait à désirer que le chambre suspendît la discussion du
titre des attributions, jusqu’à ce que les trois branches du pouvoir législatif
fussent tombées d’accord sur le titre relatif à l’organisation du personnel.
Une fois d’accord sur ce titre, rien ne serait plus facile que de se mettre
d’accord sur les attributions ; le règlement de ces attributions découlerait
naturellement des principes adoptés pour l’organisation du personnel.
En conséquence, j’ai l’honneur
de proposer à la chambre d’ajourner la discussion du titre des attributions
jusqu’à ce que le sénat ait été appelé à délibérer sur le titre relatif à
l’organisation du personnel. Il s’agirait de diviser la loi en deux parties,
dont l’une aurait pour objet l’organisation du personnel, l’autre
l’organisation des attributions de l’administration communale.
La motion
d’ordre que j’ai l’honneur de présenter à la chambre n’a aucun caractère
politique. Si la chambre voulait lier ces deux lois de manière que l’une ne pût
être exécutée qu’avec l’autre, le gouvernement ne s’opposerait en aucune
manière à une proposition faite dans ce but. Mais nous pensons qu’il est
impossible de discuter avec fruit les attributions avant d’être fixé d’une
manière définitive sur l’organisation du personnel.
M. le
président. - M. le ministre propose d’ajourner la discussion du titre
II de la loi communale et de faire une loi séparée du titre Ier relatif à
l’organisation du personnel, en consentant à ce qu’on y mette cette clause que
la loi relative au personnel n’aurait d’effet qu’autant que celle relative aux
attributions serait également adoptée.
M.
Dubus. - La motion d’ordre de M. le ministre de l’intérieur est faite
pour me surprendre. Hier, tout à la fin de la séance, une motion semblable a
été hasardée par un honorable membre qui, voyant qu’elle ne rencontrait que de
la défaveur, l’a retirée sans opposition de la part du ministre qui était
présent.
A coup sûr, si nous devions
nous attendre à quelque chose, ce n’était pas à voir reproduire cette motion
d’ordre dès le début de cette séance. Je ne sais plus à quoi sert de fixer à la
fin de chaque séance l’ordre du jour du lendemain, si, appelés que nous sommes
à continuer la discussion d’une loi, on vient tout à coup jeter à la traverse
ce qu’on appelle une motion d’ordre.
Nous nous attendions à
discuter les amendements du deuxième titre de la loi communale ; on vient jeter
à la traverse une espèce de motion d’ordre contraire au règlement et
extrêmement grave, sur laquelle il aurait fallu avoir au moins le temps de
réfléchir. Si les ministres nous avaient dit hier : « Nous reprenons la motion
d’ordre de M. Legrelle, nous la reproduirons demain ou lundi, » chacun
aurait pu apprécier les conséquences d’une semblable mesure. J’aurais dit alors
: Au moins, on a quelques égards pour l’assemblée, on ne veut rien obtenir par
surprise, on veut la laisser examiner mûrement les propositions qu’on lui fait.
Mais non, on laisse tomber, sans mot dire, une proposition faite par un
honorable membre, et au moment où on s’y attend le moins, on la reproduit.
Remarquez qu’on a renvoyé hier
la discussion à la présente séance, quoiqu’il ne fût que 4 heures 1/4, parce
que la plupart des membres n’avaient pas eu le temps d’examiner les nombreux
amendements apportés au titre des attributions. Il était inutile de nous
laisser faire cet examen pour venir nous proposer de ne pas nous en occuper,
mais de discuter une motion d’ordre que nous n’avons pas eu à examiner. Cette
motion comme je l’ai dit tout à l’heure, est contraire au règlement. Que dit
l’art. 45 du règlement ?
« Lorsque des amendements
auront été adoptés ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur
l’ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles
de la proposition auraient été votés.
« Il s’écoulera au moins
un jour entre ces deux séances.
« Dans la seconde, seront
soumis à une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les
articles rejetés.
« Il en sera de même des
nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous
amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Nous n’avons pas autre chose à
faire qu’à discuter les articles rejetés et les amendements adoptés lors du
premier vote.
Je vous prie de ne pas oublier
que le premier vote a porté sur la loi entière, comme loi indivisible. Le vote
sur l’ensemble, dont parle le règlement, doit porter sur l’ensemble de cette
même loi que vous avez examinée au premier vote.
Si la motion d’ordre avait été
présentée par les ministres au premier vote, je l’aurais comprise. Elle a été
annoncée à deux époques différentes par deux honorables membres, et chaque fois
elle a été retirée. Puisque nous avons examiné toute la loi au premier vote,
nous devons également l’examiner dans son entier au second vote. Nous n’avons
plus à faire deux lois au lieu d’une ; toute la loi a été examinée lors du
premier vote, il ne s’agit plus que de discuter les articles rejetés, les
amendements adoptés, et de voter sur l’ensemble. Voilà ce que le règlement
prescrit. Au lieu de cela, on veut que nous votions sur un fragment de la loi.
Je ne crois pas que cela soit conforme au règlement, et cela y fût-il conforme,
je verrais toujours un grave inconvénient (et quant à moi, il me serait
impossible de le faire) à voter sur le premier titre de la loi communale
considéré comme loi séparée. Tout au moins aurais-je besoin de mettre en
rapport, par un examen attentif, les différentes parties de ces titres, de
reconnaître de nouveau leurs points de rapport, afin d’être bien certain de la
portée du vote qui je pourrais émettre sur cette motion d’ordre.
Il y a bien des membres qui ne
voudraient pas se prononcer sur la première partie de la loi sans avoir réglé
la seconde. Que feront ceux qui ne veulent pas voter le premier titre sans
savoir de quelle manière on règlera le second, si la motion d’ordre est adoptée
? Ils seront obligés de s’abstenir. Vous présentez donc une motion d’ordre qui
va mettre dans la nécessité de s’abstenir plusieurs membres qui ont le droit de
donner leur vote sur la loi, mais sur la loi tout entière.
Quand la loi a été présentée
par le ministre, si nous avions su que la loi eût dû être séparée en deux
parties, nous l’aurions examinée dans cette préoccupation que les deux parties
de la loi recevraient force législative, indépendamment l’une de l’autre ; nous
aurions formulé ses dispositions autrement, nous aurions pris les précautions
que nous aurions jugées nécessaires. Au contraire, nous n’avons arrêté jusqu’à
présent dans le second vote que le premier titre d’une loi, il nous reste à
voter un second titre dans lequel se trouvent une foule de dispositions qui
sont en rapport avec le premier titre. Nous ne pouvons pas tout à coup nous
faire à l’idée que l’un de ces titres soit séparé de l’autre pour faire une loi
distincte. M. le ministre de l’intérieur appelle le premier titre
l’organisation du personnel de l’administration communale, et le second les
attributions.
Je conviens qu’on a mis cette
rubrique à ces titres, mais on doit faire moins d’attention à la rubrique de
ces titres qu’à ce que contiennent l’une et l’autre partie de la loi. Il y a
dans l’une et l’autre partie des dispositions tout à fait mixtes. Il y a dans
le deuxième titre un grand nombre de dispositions appartenant au personnel que
vous laissez à discuter.
Vous avez dans le second titre
tout ce qui est relatif au mode de nomination des secrétaires, des receveurs et
de plusieurs fonctionnaires subalternes de l’administration communale. Tout
cela est prévu par le second titre, et pas du tout par le premier. Ainsi ce
qu’on présente comme la division du projet n’est pas exact. La loi n’a pas été
calculée sur la prévision d’une séparation semblable.
Je ne comprends pas le motif
de la motion d’ordre de M. le ministre. Il vous a dit qu’elle n’avait aucun
caractère politique ; que même on consentira à ce que cette première loi ne
soit votée qu’avec une clause qui en lierait l’exécution à l’exécution de la
deuxième loi. Mais où veut-on arriver ? On dit qu’avant que nous ne passions à
la discussion du deuxième titre, il faut que les trois branches du pouvoir
législatif se soient mises d’accord sur le premier titre. Avec ce raisonnement,
il faut diviser toutes les lois. Si, d’après ce motif, vous divisez la loi
communale, dès qu’il y aura un principe posé dans une loi, il faudra faire une
loi spéciale sur ce principe avant d’en régler les conséquences. De cette
manière, nous devrions diviser toutes lois et même les subdiviser.
Je pense, messieurs, qu’il est
plus important pour nous que nous ayons à nous prononcer par un vote approbatif
ou négatif sur l’ensemble de la loi, puisque c’est la loi entière que nous
avons discutée jusqu’à présent et que nous sommes sur le point de l’avoir
terminée. Au point où nous en sommes arrivés, la séparation de la loi n’a plus d’objet,
puisque nous sommes à la fin du second vote. Si c’est une question qui a motivé
la motion d’ordre. Je demanderai ce que c’est que huit jours à attendre pour
transmettre la loi au sénat. Il ne faudra pas huit jours pour la terminer ; et
pour si peu de temps, vous iriez consentir à une séparation.
Messieurs, lorsqu’un
amendement qui présente quelque importance est déposé dans le cours d’une
discussion, vous faites remarquer l’importance de cet amendement, vous dites
qu’il faut donner aux membres le temps d’y réfléchir, et vous le renvoyez à la
section centrale pour qu’elle en fasse l’objet d’un rapport. Voici une motion
d’ordre qui est peut-être plus importante qu’aucun des amendements que vous
avez discutés jusqu’à présent, et parce que cela s’appelle une motion d’ordre,
quoique la proposition ait été lancée inopinément à travers la discussion, nous
devons la voter à l’instant même.
Pour le
cas où on déciderait que cette proposition n’est pas contraire au règlement, je
demanderai le renvoi à la section centrale, afin qu’elle puisse examiner toutes
les dispositions de l’une et l’autre partie de la loi, et comprendre au moins
dans la première tout ce qui est relatif au personnel.
Nous aurions eu ainsi le temps
de réfléchir, et s’il faut faire deux lois au lieu d’une, nous verrions, en
pleine connaissance de cause, quelles précautions il y aurait à prendre dans ce
nouveau système.
Jusque-là je m’oppose à la
motion d’ordre, déclarant que je n’étais pas prêt du tout à la discuter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant est étonné de ce que je n’ai pas soutenu la
proposition faite hier par un honorable député d’Anvers. Je lui répondrai
d’abord que la proposition n’était pas dans les mêmes termes que celle que j’ai
eu l’honneur de faire. Sous ce rapport je ne pouvais pas la soutenir.
J’ajouterai que, jugeant
d’après les précédentes séances, nous n’avions pas prévu que l’on parvînt, dans
la séance d’hier, jusqu’au titre des attributions. Nous nous sommes plus
particulièrement réunis et concertés ce matin sur la nature de la proposition à
soumettre à la chambre. De l’examen auquel nous nous sommes livrés, il est
résulté pour nous la conviction qu’il était utile pour l’ordre des travaux de
suivre la marche que j’ai eu l’honneur d’indiquer.
L’honorable préopinant dit que
si cette motion eût été faite au premier vote, on en eût compris le fondement.
Je dis qu’au premier vote, il y avait pour une telle proposition bien moins de
motifs qu’aujourd’hui. En effet, au premier vote, le système de la chambre
était d’accord avec celui du projet ; tout le premier vote de la chambre sur
l’organisation du personnel est en harmonie avec le système des attributions du
projet du gouvernement. Ce n’est qu’au deuxième vote que la chambre a changé de
système relativement à l’organisation du personnel. Dès lors rien de plus
naturel que de proposer l’ajournement du titre des attributions, jusqu’à ce
qu’on tombe d’accord sur l’organisation du personnel, parce que, comme je l’ai
dit, il est impossible, sans être d’accord sur ce premier point, de discuter le
second.
Aujourd’hui
les deux systèmes sont opposés ; aujourd’hui le système des attributions est en
opposition avec le système adopté pour l’organisation du personnel, Dès lors
rien de plus naturel que de se mettre d’accord sur le personnel avant de passer
aux attributions. Je crois que le moyen le plus simple pour arriver à ce
résultat et pour discuter avec fruit le titre des attributions, c’est
d’ajourner cette discussion.
On dit qu’il y a au titre des
attributions quelques dispositions qui s’appliquent au titre de l’organisation
du personnel, celles relatives à la nomination du secrétaire et du receveur. Je
ferai remarquer qu’il est très possible d’organiser la commune, ou de voter
l’organisation du collège des bourgmestre et échevins sans statuer sur la
nomination du secrétaire et des receveurs : lorsqu’on sera fixé sur le premier
point, on prendra dans le titre des attributions une décision sur la nomination
du secrétaire et du receveur. Il n’y a aucun inconvénient à suivre cette
marche.
On dit
que la motion n’a plus d’objet dans l’état où la discussion se trouve
actuellement. Je trouve qu’elle a encore un très grand intérêt, n’en eût-elle
d’autre que de savoir sur quelles bases les attributions doivent être établies.
D’ailleurs la plupart des
questions d’attributions donneront lieu sans doute à de longues discussions ;
ces discussions seront peut-être tout à fait inutiles.
Je crois donc qu’il y a intérêt
évident à adopter ma proposition. Par les motifs que j’ai énoncés, je persiste
à en demander l’adoption.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je pense que la motion de M. le ministre de
l’intérieur est tout à fait insolite. J’avoue que je suis vraiment peiné de
voir faire une pareille proposition. Quel peut en être le but ? Je ne peux pas
le comprendre ; c’est vainement que je le cherche ; j’en suis à croire que le
ministère a ici quelqu’arrière-pensée. Je dirai ma pensée tout entière.
Je crois que le ministère a
l’intention de faire rejeter et de nous faire renvoyer le premier titre par
l’autre chambre, et que la proposition qu’il fait est un moyen détourné qu’il
emploie pour arriver à ce but. Ce n’est pas sans une vive émotion que je vois
faire une pareille proposition à laquelle j’étais bien loin de m’attendre.
Hier, l’honorable M. Legrelle
avait fait une proposition qui ne ressemble pas du tout à celle de M. le
ministre de l’intérieur. Je dois dire qu’elle était infiniment plus
raisonnable.
Que proposait M. Legrelle ?
Non pas de faire de la loi communale deux lois séparées, mais d’envoyer au
sénat la première partie de la loi en continuant la discussion, sauf à envoyer
ensuite la loi tout entière dans la forme consacrée pour les relations que les
deux chambres ont entre elles. Maintenant, que propose M. le ministre de
l’intérieur ? De scinder la loi, d’en faire deux lois séparées, et d’ajourner
la discussion de la deuxième partie de la loi, jusqu’à ce qu’on ait prononcé
sur la première, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on l’ait renvoyée à la chambre : je
vous prie d’y faire attention.
Je dis, messieurs, que la
proposition qui vous est faite est contraire au règlement, qu’elle est
insolite, qu’elle est contraire à l’ordre du jour, et enfin qu’elle est
dangereuse pour la loi dont nous nous occupons.
D’abord elle est contraire au
règlement ; en effet le ministre propose un article additionnel, qui aux termes
du règlement ne peut pas être adopté. Il propose de dire : « La présente loi ne
pourra être mise à exécution qu’en même temps que la loi relative aux
attributions communales. » Que porte l’art. 45 ? « Seront soumis à
une discussion, et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles
rejetés. Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur
cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont
interdits. »
Eh bien, je le demande,
l’article sur lequel le ministre vous demande de voter, a-t-il été amendé ou
rejeté lors du premier vote ? Non, dès lors il est dans la catégorie des
amendements dont la discussion vous est interdite par le règlement.
J’adjure les honorables
membres qui ont montré tant de respect pour le règlement qu’ils ont sacrifié au
désir de le maintenir jusqu’à leur propre opinion, je les adjure de rejeter une
proposition qui est évidemment contraire au règlement.
Maintenant, messieurs,
pourquoi sommes-nous réunis ? Quel est l’ordre du jour annoncé par M. le
président à la fin de la précédente séance, et par le bulletin qui nous a été
remis ? La continuation de la discussion relative au deuxième vote de la loi
communale. Or, d’après le règlement, l’ordre du jour doit être fixé dès la
veille. Si le ministre voulait s’opposer à la fixation de l’ordre du jour
d’aujourd’hui, il devait le faire dans la séance d’hier ; et certes, je ne
pense pas que sa proposition eût passé. Mais demander aujourd’hui que change
l’ordre du jour fixé pour aujourd’hui même, c’est encore une violation du
règlement.
Maintenant, que sera-t-il
résulté de tout ceci ? De faire scinder la loi, de faire de la loi communale
deux lois séparées ; Cependant, pour avoir la loi complète, il ne faudrait pas
attendre longtemps. Je suis persuadé qu’il ne faut pas huit jours pour terminer
le vote de la loi.
Hier, à la fin de la séance,
M. le ministre de l’intérieur me demandait si je pensais que la discussion
durât longtemps encore. Je lui répondis que cela dépendrait du gouvernement ;
que si le gouvernement avait beaucoup d’amendements à présenter,
vraisemblablement la discussion serait longue.
M. le ministre de l’intérieur
me dit que son intention n’était pas de présenter d’amendements. Je lui dis
alors que, d’un autre côté, les honorables membres paraissant d’accord pour ne
pas présenter non plus d’amendements au second vote, je ne faisais pas de doute
qu’avant la fin de la semaine prochaine la loi ne fût terminée.
Lorsque dans 8 jours vous
pouvez avoir voté entièrement la loi d’organisation communale, convient-il de
la scinder pour donner au gouvernement le moyen d’en faire rejeter la moitié ?
Car pour moi, je ne puis pas m’expliquer la proposition du gouvernement
autrement que par cette intention.
Au premier vote, dit M. le
ministre de l’intérieur, la chambre était d’accord avec le gouvernement ; ce
n’est qu’au second vote qu’elle a changé de système. Cela n’est pas exact. La
chambre, sous un rapport, s’est plus écartée, au premier vote qu’au second, du
projet du gouvernement. Au premier vote, en ce qui concerne les bourgmestre et
échevins, la chambre a écarté la totalité du système du gouvernement. En effet,
quel était le système du gouvernement pour la nomination du bourgmestre ? La
nomination sans aucune présentation, le choix en dedans ou en dehors du conseil
? Eh bien, au premier vote, vous avez admis que dans tous les cas le
bourgmestre devrait être pris dans le conseil.
Au deuxième vote vous avez
autorisé le gouvernement à prendre dans beaucoup de cas le bourgmestre hors du
conseil. Sous ce rapport vous vous êtes plus rapprochés du projet du
gouvernement au deuxième vote qu’au premier.
Quant aux échevins
qu’avez-vous fait ? Vous n’avez fait que résoudre une question
constitutionnelle. Je le demande, quand ce sont des motifs tirés de la
constitution qui ont déterminé la majorité de cette assemblée, et avec elle deux
membres du cabinet, à adopter une disposition, n’est-ce pas faire injure à
cette assemblée que de vouloir renvoyer cette disposition au sénat pour la
faire rejeter ? Car c’est à cela que revient la proposition de M. le ministre
de l’intérieur.
La chambre, si elle consent a
une telle proposition, s’affaiblira aux yeux de l’opinion publique ; déjà elle
n’est que trop affaiblie à ses yeux. Si quelque chose peut relever la chambre
dans l’opinion, c’est de conserver ce qui existe, c’est de conserver le dépôt sacré
des libertés publiques que le peuple a conquises par la révolution. Sachons,
messieurs, dans cette circonstance, ne pas justifier les déclamations dont la
chambre a été l’objet.
J’ai
établi, messieurs, que la proposition de M. le ministre de l’intérieur était
contraire au règlement, contraire à l’ordre du jour. Il est évident qu’elle ne
tend pas à avancer le vote de la loi, puisqu’en continuant la discussion nous
l’aurons terminée avant 8 jours. D’un autre côté, comme l’a dit mon honorable
ami, vous ne pouvez pas voter le premier titre comme loi séparée, puisqu’il
n’est pas terminé, puisque la section centrale n’a pas encore présenté son
rapport sur les articles que vous lui avez renvoyés.
Je conclus à ce qu’on continue
la discussion de la loi communale. Quant à l’article présenté, je demande la
question préalable. Le règlement est formel, il vous interdit de voter un
article qui n’est pas relatif à un article amendé ou rejeté.
(Moniteur belge n°82, du 23 mars 1835) M. le ministre de
la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant ne comprend pas dans
quel but le gouvernement propose de diviser la loi communale en deux lois ; il
craint quelque arrière-pensée. Cependant mon honorable collège M. le ministre
de l'intérieur a indiqué les motifs bien simples et biens naturels sur lesquels
se fonde sa proposition. Elle n’est point faite dans des vues politiques,
puisque le gouvernement consent à ce que la loi sur le personnel ne soit pas
mise à exécution avant celle sur les attributions.
Quels sont les motifs qui ont
guide M. le ministre de l'intérieur ? Les voici : Les attributions communales
doivent être réglées d’après le système de l’organisation du personnel : si ce
système est modifié, les attributions devront également subir des modifications.
Lors du premier vote les attributions étaient en harmonie avec l’organisation
personnelle ; maintenant il n’en est plus de même : mais convient-il de les
changer avant que toutes les branches du
pouvoir législatif soient d’accord sur cette organisation ? Evidemment non.
M. le ministre de l'intérieur
n’a pas d’autre but que d’éviter que l’on discute deux fois les attributions ;
si, dans le vote du titre des attributions, on se base sur le système actuel du
personnel, les attributions devront être modifiées. Si les échevins sont nommés
directement par les électeurs, ils ne doivent pas participer à l’exécution des
lois.
Il est évident que les
ministres ne pourraient être responsable de l’exécution des lois confiée à des
agents dont il n’ont pas la nomination. Je ne comprend pas que l’on adopte un
système pour les attributions, avant que l’on ait définitivement arrêté les
dispositions sur le personnel. Sinon, il faudra discuter deux fois les
attributions, car si les règles concernant la nomination et la révocation des
bourgmestres et des échevins sont de nouveau changées, il faudra encore une
fois revenir sur leurs attributions.
Quoique l’honorable préopinant
ne se soit pas occupé de la proposition au fond, je dois le faire pour montrer
que le gouvernement n’a pas d’arrière-pensée comme on l’a supposé, et qu’en
présentant à la chambre la motion qui leur est soumise, il n’a rien fait qu’il
ne puisse très bien justifier.
Il y a, messieurs, des
précédents analogues à la proposition qui vous est faite : en France on a
divisé la loi communale en deux lois, l’une sur le personnel, l’autre sur les
attributions.
On me fait observer que dans
le principe le gouvernement n’a proposé qu’une seule loi. Qu’importe ?
Au premier vote la division de
la loi communale en deux lois ne paraissait pas nécessaire ; le système adopte
pour le personnel était en rapport avec le système des attributions proposé
dans le projet. Maintenant les modifications que vous avez adoptées au système
du personnel nécessitent des modifications dans les attributions, ainsi que je
l’ai démontré.
Après avoir exposé les raisons
simples sur lesquelles est fondée la proposition de M. le ministre de
l'intérieur, voyons quelles fins de non-recevoir on peut lui opposer.
L’honorable préopinant a dit que cette position était contraire au règlement ;
il a donné deux motifs à l’appui de cette assertion : cette proposition,
dit-il, est un article nouveau, que d’après le règlement on ne peut pas
présenter au deuxième vote. Mais M. le ministre de l'intérieur propose ce que
le règlement ne défend pas ; il propose de faire de la loi communale deux lois,
pour qu’il y ait plus d’ordre dans les travaux de la chambre et pour épargner
son temps.
Il ne présente pas un nouvel
article ; il a dit seulement que si on ne se contentait pas de l’engagement que
prend le gouvernement de ne pas mettre à exécution le premier titre de la loi
communale avant le vote du deuxième titre, il ne s’opposait pas à l’insertion
d’un article conçu dans ce sens.
L’honorable préopinant prétend
que la proposition est contraire au règlement, en ce qu’elle change l’ordre du
jour ; qu’il faut la rejeter parce qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Mais la
motion est relative à la loi communale qui est l’ordre du jour ; et elle a pour
objet de traiter la meilleure marche à suivre dans la discussion de cette loi.
L’honorable préopinant dit que
si on continue la discussion de la loi communale, elle sera terminée avant 8
jours. D’abord c’est là une question. Si on juge de la durée des discussions
futures par la longueur de celles qui ont eu lieu précédemment, il faut plus de
temps que cela pour terminer le vote de la loi communale.
Au reste, il ne s’agit pas de
savoir s’il faut 8 ou 15 jours pour terminer la loi, mais de savoir si la proposition
de M. le ministre de l’intérieur n’est pas utile, et s’il ne convint pas de
l’adopter dans l’intérêt de la loi elle-même et pour économiser notre temps.
Un honorable préopinant
propose que l’on renvoie la motion d’ordre à la section centrale : je ne vois
pas la nécessité de ce renvoi. Il est facile de saisir au premier aperçu les
raisons qui militent pour et contre ; il ne s’agit pas ici de faire des
recherches, de faire de longues méditations pour comprendre si l’on doit entrer
dans le système du gouvernement, oui ou non.
On
fait remarquer qu’il y encore des articles appartenant au titre du personnel
soumis à la section centrale ; qu’il faut avant tout que la section centrale
ait fait son rapport sur ces articles, et que la chambre ait prononcé : cela
est évident ; et la proposition du ministre ne fait aucun obstacle à la
discussion de ces articles ; mais aujourd’hui il fera arrêter le principe qu’on
fera une loi du titre du personnel.
L’honorable préopinant a
prétendu que la chambre s’abaisserait en consentant à la proposition faite par
le gouvernement. Cette opinion ne trouvera pas beaucoup d’échos à la chambre.
Sa dignité ne peut pas être compromise par l’adoption d’une proposition fondée
sur de bonnes raisons, et qui est autant dans l’intérêt de la chambre que du
gouvernement.
M.
de Brouckere. - Vous voyez, messieurs, que quand une idée
extraordinaire est produite par un membre de la chambre, elle ne tarde pas à
germer dans la tête des ministres, et que bientôt elle porte ses fruits. Hier
un de nos honorables collègues fait une proposition d’un genre tout à fait
nouveau, une proposition tout à fait insolite, telle qu’on n’en a pas vu
d’exemple encore dans cette chambre. Elle est combattue, et avec des armes
tellement victorieuses que son auteur la retire. Vous croyez d’après cela que
c’en est fait de la motion et que personne ne sera plus tenté de la reproduire
; pas du tout : de ce que la proposition est insolite, extraordinaire, le
conseil des ministres se réunit pour en délibérer ; et voilà la motion
reproduite dans la séance de ce jour. Aura-t-elle un accueil plus favorable
parce qu’elle est faite par un ministre ? Je ne le crois pas. On a beau dire
qu’elle est conçue dans d’autres termes que celle de M. Legrelle ; c’est
toujours la même chose.
Un honorable orateur, en
combattant la motion d’ordre, a dit qu’il la craignait d’autant plus qu’il
croyait voir derrière elle quelque arrière-pensée ; mais il me semble, à moi,
que bien que les ministres ne se soient pas expliqués clairement sur leurs
intentions, leur but est facile à saisir. Sans faire un grand effort de
mémoire, vous verrez où les ministres en veulent venir. Dans le titre Ier, vous
avez adopté deux dispositions qui plaisent à MM. Ernst et d’Huart, et qui ne
plaisent pas à MM. de Muelenaere et de Theux. Ceux-ci voudraient bien que le
sénat prît une mesure inverse à celle que vous avez prise relativement à ces
deux dispositions ; mais ils considèrent qu’en se présentant au sénat avec une
loi complète, ils auront plus de peine à faire revenir ce corps sur les
résolutions de la chambre des représentants.
Après avoir réformé un ou deux
articles du titre premier, il faudra modifier tout le reste. Si donc on ne
présentait qu’un titre seul, on pourrait dire au sénat : Ne craignez pas de
modifier ce titre, car la chambre des représentants n’a pas consacré les
conséquences des principes qu’elle a posés. Je conçois, messieurs, qu’un
système semblable est facile pour les ministres ; mais il reste à la chambre à
examiner la question que je vais lui soumettre. Est-il dans votre intention
d’agir de manière à rendre plus facile, plus simple, la reforme de vos
décisions ? Voulez-vous qu’il soit plus aisé aux ministres de faire prendre une
décision contraire ? Voulez-vous, au contraire, persister dans votre décision
et ne pas reculer devant les conséquences des principes que vous avez adoptés ?
Alors repoussez la proposition du ministre.
Cette proposition est un
piège, un piège évident, et tout ce que l’on pourrait dire ne détruira pas les
observations qui ont été présentées. Voyez maintenant si vous voulez être assez
complaisants envers les ministres, pour leur donner gain de cause bien facile
contre votre décision. Telle est toute la question.
Savez-vous une autre
conséquence qui pourrait être la suite de l’adoption de la proposition
ministérielle ? C’est que si, après avoir obtenu du sénat une décision
contraire à celle que vous avez prise relativement à la nomination des échevins
et à deux autres questions, et si, en reparaissant devant vous, ils ont quelque
lieu de craindre que vous persistiez dans votre décision, imaginez-vous ce
qu’ils feront ?
Ils attendront une autre
chambre. Dans deux mois et demi la chambre sers renouvelée par moitié ; on
tâchera de l’épurer ; et quand on croira pouvoir la manier plus facilement on
viendra avec la partie de la loi qui a passé au sénat, et on détruira tout ce
que vous avez fait ? Voulez-vous vous exposer à de pareilles conséquences ?
Messieurs, ces considérations
sont trop puissantes à mes yeux pour que je croie nécessaire d’en développer
d’autres qui ne seraient qu’accessoires.
Ainsi M. Dumortier a présenté
une objection tirée du règlement et parfaitement fondée.
C’est contrairement au
règlement que l’on vous propose de voter un article tout nouveau. Le ministre
prétend que non ; il soutient que l’on peut mettre l’article si on le veut.
Cependant, comment consacrer le principe que la loi d’organisation du personnel
ne sera obligatoire qu’avec celle des attributions, sans le déclarer dans un article
nouveau ? Nous sommes donc contraints à violer le règlement sur ce point.
Des orateurs vous ont fait
remarquer que selon toute apparence, avant huit jours, la loi sera votée ;
c’est aussi ma conviction ; mais le ministre de la justice ne le croit pas,
parce qu’il juge de l’avenir par le
passé ; s’il veut juger l’avenir, qu’il le juge par la séance d’hier où vous
avez adopté 50 articles. La séance d’hier, c’est le passé ! Et puisque nous
sommes en train, ne nous arrêtez pas, laissez-nous marcher.
S’il fallait ajouter encore
une considération à l’appui de celles qui ont été présentées, je dirais que
j’ai appris hier, de la bouche de plusieurs sénateurs, qu’aussitôt après le
budget des finances voté, leur intention était de retourner chez eux. Ils sont
à peine en nombre suffisant pour délibérer ; ainsi, dans le cas où deux ou
trois quitteraient la ville, quitteraient Bruxelles, les séances du sénat
seraient suspendues.
J’entends
dire aux ministres que si le sénat ne reste pas assemblé, la commission qu’il
aura chargé de l’examen de la loi travaillera. Eh bien, qui l’empêche de
travailler ? Elle est saisie de la loi provinciale et si elle juge à propos de
mettre cette loi en harmonie avec la loi communale, ou peut lui envoyer
officieusement une copie de celle-ci.
En définitive, je crois que la
proposition ministérielle est tout à fait insolite, est tout à fait
inadmissible ; que, si on l’adoptait, on établirait un antécédent dont on ne
tarderait pas à abuser : on pourrait scinder toutes les lois que dorénavant on
présenterait. N’établissons pas un semblable antécédent parlementaire ; il est
dangereux.
M. Legrelle. - Messieurs, l’honorable M. de
Brouckere a commencé par dire que j’avais fait hier une proposition insolite, extraordinaire
; puis il a demandé que l’on envoyât officieusement au sénat une copie de la
loi communale. Eh bien, ai-je demandé autre chose ? J’ai demandé que l’on
envoyât copie de la première partie de la loi au sénat, et qu’en même temps on
continuât ici la discussion sur la seconde partie. On fit sentir hier que ma
proposition n’était pas fondée et je l’ai retirée. Je rappelle ces faits parce
que je n’accepte pas la solidarité de ce qui s’est fait hier et de ce qui se
fait aujourd’hui.
M. de Brouckere. - Quand je demande l’envoi,
officieusement, d’une copie de la loi, ce n’est pas l’envoi d’une copie
précédée d’un vote. Que M. le président ou le bureau envoient, s’ils le jugent
convenable, une copie du titre premier pour servir de renseignements au sénat,
pour l’aider dans l’examen de la loi provinciale, à la bonne heure ; voilà la
seule idée que j’ai eue. Si M. Legrelle n’a voulu que cela....
M.
Legrelle. - Pas autre chose.
M.
de Brouckere. - Alors Je reconnais que j’ai eu tort de le combattre.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, le
ministre de l’intérieur fait une autre proposition ; si elle constituait un
amendement, je conviendrais qu’aux termes du règlement (art. 45) vous devriez
l’écarter par la question préalable. Mais cette proposition n’a rien qui puisse
la faire envisager comme un amendement : il vous propose une division, une
mesure qu’il est incontestablement dans votre droit de prendre si vous la
croyez utile. Et quel est le motif qui a guidé le ministre de l’intérieur pour
vous la présenter ? Il vous l’a déclaré franchement. Il n’y a là aucune
arrière-pensée politique ; il n’y a là aucune arrière-pensée quelconque ; il ne
peut pas y en avoir.
Le motif qui a engagé le
ministre de l’intérieur à faire cette motion, c’est qu’elle lui a paru utile,
avantageuse à la marche de vos délibération. En effet, messieurs, sur le titre
premier il a été introduit des modifications importantes, des amendements qui
ont changé le système que le premier vote avait admis. Ces modifications ont
été vivement combattues par le ministre de l’intérieur. Evidemment, le projet
porté devant le sénat, le ministre soutiendra devant ce corps le système qu’il
a soutenu devant vous ; c’est à quoi l’on doit s’attendre. Cela est inévitable,
soit que vous renvoyiez la loi dans son ensemble, soit que vous renvoyiez un
titre seulement. Ainsi le renvoi de deux titres ou d’un titre n’empêchera pas
le sénat d’adopter le système du ministre s’il le juge convenable, s’il croit
que les articles relatifs au personnel, et que vous avez adoptés, ne puissent
se concilier avec une bonne administration communale.
Si le sénat modifie les
articles amendés par vous, comme ils paraissent exiger des modifications dans
le système des attributions, vous aurez perdu un temps précieux à délibérer sur
le second titre sans savoir quelles combinaisons seront admises.
La motion du ministre de
l’intérieur a pour but d’éviter la perte de temps ; elle a pour but de ne pas
compliquer un vote de questions qui peuvent recevoir différentes solutions.
Il est évident que les
attributions doivent être en rapport avec le personnel, je conviens que l’on
aurait pu à volonté s’occuper d’abord des attributions pour s’occuper ensuite
du personnel ; ou bien s’occuper d’abord du personnel pour s’occuper ensuite
des attributions ; c’est de cette dernière manière qu’on a procédé : mais d’une
manière comme de l’autre il me semble qu’il fallait que les trois branches du
pouvoir législatif fussent d’accord sur le personnel, pour s’occuper des
attributions, ou fussent d’accord sur les attributions, pour s’occuper du personnel.
Dans tous les projets de loi
on ne fait pas de semblables divisions ; pourquoi ? Parce que la plupart des
projets de loi ne renferment pas un aussi grand nombre d’articles que celui qui
est l’objet de vos délibérations actuelles, et qu’ils ne donnent pas lieu à des
distinctions de partie aussi évidentes.
Mais dans
la loi communale, où vous avez un nombre considérable d’articles, où les
articles doivent être mis en rapport, en harmonie avec un principe
antérieurement adopté, il me semble qu’il y a avantage pour la chambre de ne
s’occuper définitivement de la seconde partie que lorsque les trois branches du
pouvoir législatifs seront d’accord sur la première.
Mais, prétend-on, vous
facilitez au sénat la faculté de faire des modifications au travail que vous
lui enverrez. Messieurs, vous ne facilitez rien autre chose que vos propres
travaux. Soit que les attributions aient été discutées ici, soit qu’elles ne
l’aient pas été, le gouvernement n’en fera moins valoir les motifs qui lui
semblent militer en faveur de son système, et qui seront capables de déterminer
le sénat à adopter l’opinion qu’il a émise dans cette enceinte. Sous ce rapport
la position du ministre sera la même.
Comme l’a
dit un honorable orateur, je ne conçois pas que l’on puisse au même degré
confier l’exécution des lois à des fonctionnaires dont la nomination est faite
par des pouvoirs différents. Il faut décider avant tout la grave question qui
se rapporte à ce point avant les attributions, lesquelles peuvent être
différentes selon la source d’où découle le mandat donné aux fonctionnaires
municipaux ; c’est sous ce rapport que le ministre de l’intérieur fait sa
motion, et c’est pour cela qu’il a déclaré à l’avance qu’il consentirait à ce
qu’on insérât dans la loi une disposition qui empêcherait de mettre à exécution
le titre premier avant le titre II. C’est pour éviter tout doute, tout soupçon
sur les intentions du gouvernement, qu’il a consenti à ce que l’on mît un
semblable article à la fin du titre relatif à l’organisation du personnel.
M.
Jullien. - Messieurs, les ministres vous proposent de séparer les deux
titres de la loi communale ; de renvoyer le premier titre au sénat, et
d’ajourner la discussion sur le deuxième titre qui traite des attributions,
jusqu’à ce que les différentes branches du pouvoir législatif se soient mises
d’accord sur les principales questions du personnel. Cette motion soulève
plusieurs questions : une question de règlement, une question d’ordre, et c’est
sous le premier rapport que je vais l’examiner.
J’avoue qu’en voyant le
règlement je n’y trouve en aucune manière comment la proposition du ministre
peut le violer. Cette proposition est insolite, dit-on ; oui, cela serait
insolite (erratum inséré au Moniteur
belge n° 83, du 24 mars 1835 :) s’il s’agissait d’une loi ordinaire,
parce qu’alors il y aurait inconvénient ; mais quand il s’agit d’une loi
communale, d’une loi organique, d’un ensemble aussi considérable de
dispositions, vous pouvez diviser votre travail pour le mieux faire. Vous avez
des antécédents bien frappants qui vous y autorisent. Quand on a publié le code
civil en France, on l’a publié par livres, et par livres qui ont paru à une
année de distance les uns des autres. Cependant le code civil est un travail
d’ensemble.
On l’a publié par livres parce
que l’on sentait la nécessite de le mettre promptement à exécution.
Il en a été de même du code
Guillaume, qui a été publié par livres, mais qui n’a pas été mis à exécution.
Ainsi, quant à moi, je pense
qu’il n’y a aucune espèce de violation du règlement en adoptant la mesure
proposée par le gouvernement. Elle n’a non plus rien d’extraordinaire ni
d’insolite, puisqu’elle est justifiée par des antécédents respectables.
Ce que j’examine ici, c’est
une question d’économie de temps, c’est la question de savoir s’il est
véritablement opportun d’adopter la proposition du gouvernement, afin de mettre
plus d’ordre, plus d’économie de temps dans nos délibérations. Si cette
proposition devait avoir ce résultat, je l’adopterais volontiers. Mais c’est là
précisément la question. Y aura-t-il économie de temps ? Je vous avoue qu’au
premier coup d’œil, il me paraît que oui. Il est incontestable que, dès
l’instant que vous avez changé toute l’organisation du personnel, cette
modification doit influer d’une manière sensible sur les attributions que vous
allez conférer aux membres des administrations communales.
Avant que les deux autres
branches du pouvoir législatif se soient mises d’accord sur la nomination des
bourgmestres et des échevins, sur toutes ces questions tant soit peu irritantes
qui ont demandé tant de temps à la chambre, il est très possible que ce que
nous allons faire sur les attributions, au sujet desquelles nous serons obligés
de revenir sur notre premier vote, ne soit que du temps perdu, ou du moins que
nous serons obligés de rouvrir une troisième fois la discussion.
Examinons les objections que
l’on fait à ce système.
L’honorable M. Dumortier a dit
que toutes les dispositions de la loi doivent être corrélatives. C’est
précisément pour qu’elles le soient que l’on demande que les deux autres
branches du pouvoir législatif se décident définitivement sur la question du
personnel. Quand cette question sera positivement déterminée, il y aura bien
plus de facilité à mettre en corrélation le titre sur les attributions.
La conséquence en est
rigoureuse.
Mon honorable ami, M. de
Brouckere, a dit : Je vois un piège dans la mesure du gouvernement. S’il y
avait dans la proposition du ministre un piège, je serais le plus honteux d’y
être pris. (Hilarité.) Mais l’on ne
m’a pas démontré que le piège existait. L’on pense que le gouvernement
obtiendra du sénat qu’il défasse ce que vous avez fait. Il n’y aurait dans de
cas aucune difficulté à laisser voter par la chambre le titre des attributions.
Il suffirait d’obtenir du sénat qu’il différât son rapport sur la loi communale
jusqu’au renouvellement partiel de la chambre.
Si les ministres ont assez
d’influence pour obtenir du sénat ce qu’ils veulent, ils en obtiendront plus
facilement en différant la discussion de la loi communale jusqu’au
renouvellement de la chambre. Ce renouvellement aura lieu au mois de juin.
L’époque en est donc assez rapprochée.
Le sénat n’a pas l’habitude de
se presser lorsqu’il s’agit de se réunir. Si le premier titre de la loi était
envoyé au sénat actuellement qu’il est réuni, cette assemblée pourrait s’en
occuper immédiatement. Ce serait le moyen d’obtenir plus rapidement le retour
de la loi pour être soumise à une nouvelle discussion s’il y a lieu.
On obtiendra, dit-on, les changements
que l’on voudra sur le premier titre. Mais, si cela est, si le sénat a
réellement l’intention de défaire ce que vous avez fait, j’aime mieux qu’il le
fasse tout de suite, afin que nous puissions nous occuper d’autant plus tôt à
réviser les modifications qu’il aura introduites.
Il y a une considération qui
m’a paru plus solide. C’est que, comme l’a avancé l’honorable M. Dumortier, il
y a encore quelques articles du premier titre renvoyés à la section centrale.
Evidemment vous ne pouvez renvoyer au sénat une loi incomplète. Mais, comme l’a
fait observer M. le ministre de la justice, il n’y a pas d’inconvénient à ce
que la section centrale présente son rapport sur ces articles, afin que nous
puissions immédiatement compléter le premier titre. L’objection mise en avant
par l’honorable M. Dumortier, pouvant être levée d’une manière aussi simple, ne
peut nuire à l’adoption de la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
Je vous
avoue que j’ai été pris au dépourvu comme tout le monde par cette discussion.
Nous ignorions tous qu’elle serait soulevée dans la chambre. Ce n’est que des
considérations de premier et que je soumets à l’assemblée. Si l’on peut me
convaincre qu’il y a de la part du gouvernement une arrière-pensée, qu’il y a
un piège possible dans lequel nous puissions tomber, je serai prêt à repousser
la proposition du gouvernement. Mais si l’on ne me forme pas une conviction
dans ce sens, je conserverai celle que j’ai, qu’il y a économie de temps dans
la motion d’ordre, qu’elle offre le moyen de concilier deux titres qui, dans
l’état actuel des choses, seraient inconciliables s’ils venaient à être changés
par le gouvernement. Pendant l’intervalle des délibérations du sénat, j’engage
MM. les ministres à réfléchir à une disposition très irritante qu’il nous reste
à examiner, je parle de la question des spectacles. C’est peut-être la seule du
titre second qui doive donner lieu à de longues et chaudes délibérations.
Peut-être que d’ici au vote du premier titre par le sénat, les ministres auront
trouvé un biais pour mettre tout le monde d’accord sur ce point.
Je déclare réserver mon vote.
M.
Fallon. - Il ne faut pas se dissimuler que la pensée du gouvernement
(je ne dirai pas de tel ou de tel ministre ) est que le système que nous avons
adopté sur le personnel soit modifié.
M.
Dumortier, rapporteur. - C’est cela.
M. Fallon. - Que par conséquence il ne défendra
pas votre système sur le personnel devant le sénat.
Si les choses devaient rester
dans l’état qu’elles se trouvent actuellement, je partagerais entièrement
l’opinion du gouvernement. Je voterais contre le système du personnel, parce
que dans l’état des choses je trouve mauvais celui qui a été adopté.
Cependant je n’ai pas la
prétention de croire qu’il n’est pas possible d’améliorer ce système dans la
discussion du système des attributions. Il est très possible que l’on trouve
moyen de concilier toutes les opinions dans la fixation des attributions à
déférer à l’autorité municipale. Je déclare que pour ma part je reviendrai de
ma première opinion sur le système du personnel, si j’obtiens satisfaction dans
la discussion du titre relatif aux attributions. Je crois que je raisonne
logiquement en me conduisant de la sorte.
Le
raisonnement que je fais, le sénat peut le faire. Le sénat pourra trouver le
système du premier titre très mauvais. Il pourra penser, comme moi, que ce
système est susceptible d’amélioration dans la discussion du système des
attributions. Il en résultera qu’il voudra attendre l’envoi du titre II pour
discuter ce titre premier. Si le sénat raisonne ainsi, nous n’aurons pas fait
faire un pas à la discussion.
D’un autre côté, le sénat a
manifesté son opinion sur le mode de discussion qu’il voulait adopter à l’égard
de la loi communale. Il a décidé qu’il ne s’occuperait de la loi provinciale
qu’après avoir reçu la loi communale complète. S’il persiste dans sa résolution
(et il n’y a pas de raison pour qu’il en revienne), il déposera le titre premier
de la loi communale dans ses cartons à côté de la loi provinciale, et nous ne
serons pas plus avancés. Si le gouvernement ne peut nous donner l’assurance que
le sénat examinera le système du personnel aussitôt qu’il lui aura été
transmis, il n’y a pas lieu d’admettre sa proposition. Si le gouvernement me
prouve que le sénat est disposé à revenir sur sa première résolution, je
reviendrai aussi sur ma manière de voir.
M.
Dumortier, rapporteur. - Nous sommes tous d’accord sur ce point que les
dispositions que j’ai rappelées à la chambre pour motiver l’ordre du jour, ne
sauraient être écartées.
La proposition du gouvernement
contrevient à deux articles de votre règlement. Par l’art. 45 il est impossible
d’admettre au second vote aucun nouvel article qui ne soit le résultat du
premier. De deux choses l’une, ou vous introduisez dans la loi un nouvel
article par lequel il sera dit que le premier titre ne pourra être mis à
exécution avant que le second titre de la loi communale ne soit voté, ou vous
ne stipulez pas cette garantie. Dans le premier cas vous violez le règlement,
dans le second vous vous exposez à subir ce qui est arrivé en France où le
gouvernement a promulgué la loi sur le personnel des autorités municipales sans
la loi sur les attributions que depuis quatre ans l’on attend en vain. C’est ce
à quoi nous nous exposons.
En second lieu la proposition
de M. le ministre de l’intérieur est contraire à l’ordre du jour. L’ordre du
jour est la continuation de la loi communale. Lorsque M. le ministre vous
propose d’ajourner cette discussion, il se met en opposition avec l’art. 12 de
notre règlement, qui porte :
« Le président indique à
la fin de chaque séance, après avoir consulté la chambre, le jour de la séance
suivante et l’ordre du jour, lequel sera affiché dans la salle. »
L’ordre du jour était la loi
communale… Si M. le ministre n’était venu présenter sa motion d’ordre, nous
aurions voté dix, peut-être vingt articles.
L’on vient vous dire : Les
dispositions que vous voterez dans le titre II, dépendent intimement de
l’adoption définitive du titre Ier. Si le sénat venait à modifier le premier
titre, il faudrait revenir sur toutes les dispositions du titre second.
Je vous prie, messieurs, de ne
pas vous arrêter à cette objection, qui est exagérée. Il n’y a peut-être dans
le second titre qu’un seul article qui soit susceptible de modifications
résultant du vote que vous avez émis sur la nomination du bourgmestre et des
échevins. C’est l’article relatif aux attributions de ces fonctionnaires de la
commune.
Vous pouvez voter toute la loi
telle qu’elle est, à l’exception de ce seul article, lequel, ainsi que vous l’a
dit M. Fallon, peut être mis en corrélation parfaite avec le mode de nomination
des bourgmestres et des échevins.
D’ailleurs, le sénat a
manifesté formellement l’opinion de ne s’occuper de la discussion de la loi
provinciale que quand il aurait toute la loi communale. Cette assemblée ne
discutera donc pas la première moitié de la loi communale avant d’avoir obtenu
la seconde. Ce serait contraire à ses précédents. Je le dirai donc, ainsi que
l’a dit l’honorable M. de Brouckere, c’est tout simplement un piège que l’on
nous tend. Ce piège est trop grossier pour que nous nous y laissions prendre.
On veut faire rejeter par le sénat le titre premier de la loi communale.
Je répéterai tout haut le mot
que nous avons entendu circuler dans la chambre, mot parti du banc des
ministres après votre vote sur le mode de nomination des échevins : Nous ferons
rejeter la loi par le sénat.
Ce que l’on vous demande
aujourd’hui n’a d’autre but que de faciliter les moyens de faire rejeter la loi
par le sénat. Une pareille proposition est contraire à la dignité de
l’assemblée. Si vous l’admettiez, ce serait déclarer que vous attendez
l’approbation du sénat sans persister dans le système que vous avez admis.
Ce serait déclarer à la nation
et au sénat que vous êtes disposés à revenir sur votre premier vote, alors que
votre système n’est qu’à moitié tracé.
Tracez-le
tout entier, coordonnez un système sage et complet. Combinez-le dans l’étendue
du pouvoir que la constitution vous donne, et que le sénat, lorsque vous le lui
aurez renvoyé, le modifie, s’il le veut, dans les limites aussi du pouvoir que
la constitution lui donne.
Mais je le dis, ce serait
contraire à la dignité de la chambre que de se montrer disposé à revenir sur un
vote émis dans l’exercice de notre mandat et de nos pouvoirs. Je maintiens
qu’il y a lieu d’adopter la question préalable et l’ordre du jour. Je persiste
dans mon opinion que ma proposition doit être mise aux voix.
M.
Dubus. - Je vous ferai remarquer que tout ce qui a été dit dans cette
discussion, doit vous engager à repousser la motion d’ordre.
Ce n’est pas une partie
d’opinion que vous devez envoyer au sénat. C’est une opinion tout entière.
C’est un projet complet.
Ce n’est pas une pensée à
deviner que vous devez formuler en loi et soumettre au sénat. C’est une pensée
une, entière, avec tous ses développements. Or, il est bien évident qu’en
transmettant au sénat le titre I de la loi, vous ne lui transmettrez pas une
pensée tout entière. Plusieurs honorables membres vous ont dit qu’ils ne
pouvaient voter sur l’ensemble du titre premier parce qu’ils ne trouvaient pas
qu’il constituât une pensée complète.
L’honorable M. Fallon vous a
fait toucher du doigt cette difficulté. Il a dit que le système de nomination
du bourgmestre et échevins lui paraît vicieux, mais qu’il pourrait le trouver
bon selon que le système des attributions serait modulé. Or, comme le système
des attributions que vous avez adopté dans un premier vote est la conséquence
du système primitif de nomination du bourgmestre et des échevins, le sénat, qui
n’aura sous les yeux que votre premier travail, en sera à deviner votre pensée,
en sera à se demander quel système vous
auriez établi comme conséquence du nouveau mode de nomination du bourgmestre et
des échevins.
J’avoue que je ne conçois pas
qu’on vienne vous proposer d’envoyer au sénat des énigmes à deviner.
Plusieurs membres. - C’est bien cela.
M.
Dubus. - Formulez votre pensée tout entière, le sénat saura ce que vous
voulez. Il délibérera sur ce qu’il pourra considérer comme la pensée tout
entière de la chambre des représentants. Si vous consultez la simple raison,
vous verrez que la motion n’a d’autre but que de provoquer le rejet du titre I
de la loi communale par le sénat, en lui envoyant un fragment isolé sur lequel
il ne pourra discuter. Voilà le véritable but.
L’on provoque purement et
simplement le sénat à introduire des amendements dans la loi. Il pourrait
arriver que le sénat ne connaissant que le premier titre de la loi n’adoptât
pas le système que vous y avez consacré, et qu’il s’y fût rallié s’il avait
connu le système que vous auriez coordonné dans le titre second.
L’on a
dit, et j’appelle l’attention de l’assemblée sur ce point (car, au nombre des
motifs que l’on a fait valoir, on a aussi invoqué les petites raisons), l’on a
dit qu’il y aurait économie de temps à admettre la proposition de M. le
ministre. Cela est inexact. La discussion de la loi communale une fois
ajournée, vous n’aurez plus rien pour les séances suivantes. Si l’on avait dès
l’abord adopté la motion, nous aurions été obligés de lever immédiatement la
séance.
La motion d’ordre nous fera
perdre du temps, parce qu’il nous faudra attendre les rapports des projets de
loi soumis à l’examen des sections pour reprendre nos séances, au lieu que si
nous continuons le deuxième vote de la loi communale, nous aurons le double
avantage et d’employer un temps précieux, et de pouvoir transmettre au sénat
notre pensée tout entière.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant a dit que transmettre au sénat le premier titre de la loi
communale, c’est lui envoyer une énigme à deviner. C’est une erreur. Du moment
que le pouvoir législatif sera d’accord sur l’organisation du personnel de
l’autorité communale, le système des attributions sera une conséquence de cette
organisation. Il est impossible de déterminer actuellement les attributions
d’après une base différente du principe admis par la chambre.
Je dis que si l’assemblée
continuait la discussion du deuxième vote de la loi communale, la position du
gouvernement deviendrait singulièrement embarrassée. Quelle part pourrions-nous
prendre à cette discussion ?
Nous devrions formuler des
amendements pour mettre le système des attributions en harmonie avec le système
du personnel. Pour le moment nous sommes dans une fausse position ; si le sénat
partage l’opinion que nous avons, qu’il y aurait lieu de modifier le titre des
attributions, qu’en conséquence il présentât un autre système sur le personnel,
la position du gouvernement en face du vœu des deux branches du pouvoir
législatif serait tout autre. Pour le moment, il est impossible de soutenir
avec quelque fruit la discussion sur les attributions, alors que nous ne sommes
pas encore fixés sur le personnel.
Rien de plus rationnel que de
saisir le sénat de l’examen du titre du personnel : quand les chambres et le
gouvernement se seront mis d’accord sur le système du personnel, l’organisation
des attributions, qui en sera la conséquence, ne pourra souffrir de longs
débats.
L’on a dit que le sénat
voudrait peut-être avoir le titre des attributions en même temps que le titre
du personnel. C’est encore une erreur. Il n’y aurait aucune raison pour que le
sénat attendît le titre des attributions de la loi communale pour s’occuper du
titre du personnel.
Je conçois que le sénat
veuille attendre le titre des attributions communales pour discuter le principe
des attributions provinciales. Les attributions des conseils et des autorités
communales sont en corrélation avec les attributions des conseils et des
autorités provinciales.
L’organisation du personnel de
la loi communale est en dehors de ce système et peut se discuter isolément.
Enfin, l’on a prétendu que
l’assemblée ne pourrait pas même adopter la proposition que j’ai présentée
comme garantie de la franchise de nos institutions. Il n’en est pas ainsi. La
chambre à cet égard a suffisamment manifesté son opinion sur les changements
adoptés dans le mode de nomination du bourgmestre et des échevins. La chambre a
modifié plusieurs articles irrévocablement décidés, et qui n’auraient pu être
remis en discussion si ces modifications n’avaient été introduites au second
vote.
L’on a dit que nous n’aurions
plus rien à faire après la suspension du second vote de la loi communale. Nous
avons des rapports sur des projets présentés à la chambre.
M.
Dubus. - Lesquels ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Un projet a été déposé sur le bureau relativement au renouvellement des
chambres. Il en existe un autre sur les expropriations pour cause d’utilité
publique. Les rapports peuvent être faits incessamment. Cette dernière loi est
surtout d’une extrême urgence à tel point qu’il est impossible que le
gouvernement donne suite aux travaux publics déjà commencés, si elle n’est
votée par les chambres.
Un membre. - Elle n’a pas été distribuée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’entends dire qu’elle n’a pas été distribuée ; c’est une erreur. Elle a été
renvoyée à l’examen d’une commission. J’espère que cette commission soumettra
sans retard son rapport à l’assemblée. Enfin, si je voulais, je pourrais citer
d’autres projets dont la chambre pourrait dans peu de jours aborder la
discussion.
M.
de Brouckere. - Un honorable préopinant a dit que si vous envoyez au
sénat le premier titre de la loi communale, vous lui communiquerez une pensée
incomplète, une énigme à deviner. Malgré les dénégations de M. le ministre de
l’intérieur, cette assertion est de la plus grande exactitude.
Pour ma part, je proteste
contre toute espèce de conséquence que l’on pourrait tirer de mes votes sur le
premier titre, avant que je n’aie émis mon opinion sur le second. Je désire, si
la motion de M, le ministre de l’intérieur est adoptée, que mes paroles
parviennent au sénat. Je proteste contre mes votes sur le premier titre si on
les sépare des votes que j’aurais émis sur le second. Je reconnais que, modifié
comme l’a été le premier titre, il sera possible d’introduire des modifications
au second qui seront la conséquence du changement de système admis dans le
premier. Pour ma part (et chacun de nous peut faire la même déclaration), je
dis que si vous envoyez la première partie de la loi communale au sénat, le sénat
n’aura pas ma pensée parce que mon vote n’est pas complet. Je proteste contre
toute espèce d’interprétation que le gouvernement pourrait donner à mes votes
dans la discussion du titre Ier au sénat.
M. le ministre des affaires
étrangères a dit que, quoique nous fassions, son collègue M. le ministre de
l’intérieur se rendrait au sénat pour combattre la solution que nous avons
donnée à la question de nomination des échevins. M. le ministre de l’intérieur
sera dans son droit. Mais s’il m’était permis d’adresser à M. le ministre de la
justice une prière, je lui demanderais de vouloir bien se rendre aussi au sénat
afin de vouloir défendre notre opinion à nous, qui est la sienne. (Hilarité.) Si M. le ministre de
l’intérieur défend devant le sénat l’opinion de la moitié du ministère,
n’est-il pas juste que M. le ministre de la justice défende l’opinion de
l’autre moitié ?
Messieurs le ministre des
affaires étrangères a affirmé que son collègue le ministre de l’intérieur
défendrait au sénat l’opinion qu’il a émise ici. Mais je crois qu’il s’est
exprimé d’une manière trop formelle, car si nous modifions ce qui concerne les
attributions du bourgmestre et des échevins de telle manière que l’opinion de
la chambre rentrât dans celle que vient d’exprimer le ministre de la justice,
si on disait, par exemple, que tout ce qui concerne l’exécution des lois
appartient au bourgmestre seul, quelle opposition le gouvernement pourrait-il
mettre à ce que les échevins fussent nommés par le peuple ? N’y aurait-il pas
lieu pour MM. les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères de se
rapprocher de leurs collègues MM. les ministres des finances et de la justice ?
Cela pourrait arriver. Ce que je demande, c’est qu’on attende le vote de la
chambre avant d’aller discuter au sénat.
On vous a
beaucoup parlé de perte de temps ; mais en vérité ce sont les questions de la
nature de celle que nous discutons qui nous en font perdre ; nous n’en sommes
pas à la première épreuve. La discussion des questions préalables nous emploie
autant de temps que la question de principe, surtout comme cela est arrivé,
quand on les présente au milieu d’une discussion qui dure depuis plusieurs
heures, tandis qu’en laissant marcher la discussion, on en finirait beaucoup
plus vite.
Comme l’a dit M. Dubus, nous
n’avons rien à l’ordre du jour ; il y a bien plusieurs projets présentés, des
projets d’urgence que pour mon compte je regrette que nous n’ayons pas votés.
M. le ministre vous a cité le projet relatif aux expropriations ; il en est un
autre non moins important, dont il n’a pas parlé : le projet sur les mines ;
mais les rapports n’ont pas été faits, et en attendant ces rapports nous
resterions les bras croisés.
Savez-vous
ce qui arrive quand nous sommes deux ou trois jours sans séance ? Les membres
qui ne sont qu’à quelque distance de Bruxelles retournent dans leur famille, et
pour peu que quelques-uns s’en aillent, nos séances seront interrompues. Il
faut cependant qu’elles continuent jusqu’au moment où arrivera l’époque de
notre séparation pour le renouvellement de la chambre.
En dernier résultat, si vous
adoptez la proposition des ministres, renoncez à avoir une loi communale cette
année. Elle devra être présentée à la nouvelle chambre qui la discutera de
nouveau et reviendra sur tous les principes que vous avez arrêtés. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Jullien. - Je demande la parole. (Aux
voix ! aux voix !)
Messieurs, j’ai très peu de
chose à dire. Vous allez, dit-on, envoyer au sénat une énigme à deviner. Il
faut avoir, je vous avoue, une singulière idée de la perspicacité du sénat pour
croire qu’il ne pourra pas deviner celle-là, car depuis six mois que nous
discutons la loi communale, le sénat a pu connaître non seulement l’opinion de
la chambre, mais l’opinion individuelle des membres de la chambre. Il n’aura
pas grande peine à reconnaître, dans la première partie comme dans la seconde,
la pensée de la chambre. Ainsi, ce n’est pas, comme on l’a dit, une énigme que
vous enverrez au sénat, en lui adressant le premier titre de la loi.
Un autre membre a fait, de la
motion d’ordre du ministre, une question de dignité de la chambre.
Messieurs, si la dignité de la
chambre était le moins du monde compromise par l’envoi au sénat de la première
partie de la loi, je serais le premier à m’y opposer. Mais je ne vois pas
comment la dignité de la chambre pourrait être compromise par la séparation
d’un titre d’une loi avec l’autre.
Je pourrais vous prouver par
une foule d’exemples que cela a été pratiqué par tous les gouvernements qui ont
eu à s’occuper de lois aussi volumineuses que le code communal qui nous est
soumis.
On fera, dit-on, rejeter par
le sénat le premier titre : eh bien, il vous sera alors envoyé. Si le sénat
rejette les principes admis par la chambre dans le premier litre, je vous
demande de quelle manière vous seriez liés par l’envoi séparé de ce titre. Le
sénat aurait émis son opinion ; la chambre serait dans une position à faire
connaître au sénat toute sa pensée en maintenant les principes qu’elle avait
une première fois arrêtés. En agissant ainsi, et c’est alors qu’on ferait
véritablement connaître la pensée de la chambre, il n’y aurait plus d’énigme
aussi bien pour la première partie de la loi que pour la seconde. Le sénat
verrait que c’est chez vous un plan arrêté de maintenir les principes posés et
adoptés par vous. Il n’y aurait plus qu’à chercher de la part des deux
pouvoirs, à se mettre d’accord sur ces principes.
Encore une fois, c’est quand
on aura connu l’opinion du sénat sur la première partie de la loi, qu’il sera
plus facile d’harmoniser la seconde. Si on procède ainsi, dit-on, on atteindra
l’époque du renouvellement avant que la loi soit votée. S’il en est ainsi, tant
mieux ; je crois que la loi ne pourra que gagner à être discutée par la
nouvelle chambre. Si elle n’y gagne pas dans sa totalité, elle y gagnera au
moins en plusieurs de ses parties.
C’est une espérance que je
crois fondée. Peut-être d’autres personnes ont-elles des espérances contraires
aux miennes. Mais quant à moi, je ne crains pas, pour la bonté de la loi,
qu’elle soit votée après plutôt qu’avant le renouvellement de la chambre.
On objecte que nous n’aurons rien à faire
si nous adoptons la proposition du ministre. Indépendamment d’une foule
d’autres lois urgentes, nous avons la loi des circonscriptions des justices de
paix qui réclame toute l’attention de la chambre et le vote le plus prompt,
puisqu’il y a des juges de paix qui ne savent pas s’ils resteront ou non ; vous
avez ensuite la loi relative aux indemnités ; enfin, vous avez certainement
plus de travail que vous n’en pouvez faire.
Je ne vois dons pas que la
proposition soit contraire au règlement, compromette la dignité de la chambre,
ni qu’elle entraîne les inconvénients qu’on a signalés.
Maintenant
que j’ai plus mûrement examiné la question, je déclare que je voterai pour la
proposition. (Aux voix ! aux voix ! La
clôture !)
M. Dubus. - Je demande la parole contre la
clôture. Je prie la chambre de me permettre de dire quelques mots. L’honorable
préopinant a répondu à une observation que j’ai faite de manière à me
convaincre qu’il ne l’avait pas comprise ; je demanderai à expliquer en peu de
mots ma pensée. (Aux voix ! aux voix ! la
clôture !)
M. Dumortier, rapporteur. - Il s’agit de savoir
si nous devons continuer ou non la discussion d’une loi dont nous nous occupons
depuis six mois ; la question est assez grave. Il ne serait pas bien de ne pas
permettre à mon honorable ami M. Dubus d’expliquer une observation qui n’a pas
été comprise. Je demande donc qu’on veuille bien l’entendre.
M.
Jullien. - Si j’ai été induit en erreur je suis le premier à demander à
la chambre d’accorder la parole à M. Dubus, pour expliquer sa pensée. Si je ne
l’ai pas bien compris, la chambre fera justice de ce que j’ai dit, comme de ce
que l’honorable membre aura dit lui-même. (Aux
voix ! aux voix !)
- La chambre, consultée, ne
ferme pas la discussion.
M.
Dubus. - Messieurs, je ne dirai que fort peu de mots. L’honorable
préopinant s’est attaché à combattre une des objections que j’avais présentées.
J’avais dit que nous ne devions pas envoyer au sénat des énigmes à deviner. Il
a répondu, que je ne faisais pas grand honneur à la perspicacité du sénat, si
je le supposais incapable de deviner celle-là. Il a été loin de ma pensée de
donner même à entendre que les membres du sénat n’avaient pas autant de
perspicacité que nous. L’honorable membre m’a fort mal compris s’il a cru que
je voulais insinuer une idée semblable. J’ai fait remarquer que nous n’avions
pas exprimé toute notre pensée, et c’est pour cela que j’ai dit que nous
enverrions au sénat une énigme à deviner. Ils connaissent, dit l’honorable
député de Bruges, l’opinion et le vote de chacun de nous. Je lui répondrai que
non, car nous n’avons pas encore émis notre vote, car sur le second titre nous
n’avons voté que dans l’hypothèse donnée d’un premier titre qui organisât d’une
certaine manière le personnel de la commune. Mais dans l’autre hypothèse, dans
l’hypothèse de la nouvelle organisation donnée au personnel par le second vote,
nous n’avons pas encore donné notre opinion. Le sénat ne saura donc pas quelle
est notre pensée sur les attributions ; elle devra sans doute recevoir des
modifications par suite de celle apportées à l’organisation du personnel. Il
faudra que le sénat devine comment nous aurions organisé la commune. C’est donc
une énigme que nous lui donnons à deviner. Il saura seulement par qui nous
voulons faire nommer le bourgmestre et les échevins, mais il ne saura pas
comment nous voulions partager les attributions entre le bourgmestre, les
échevins et le conseil. Cela reste encore à décider dans l’hypothèse dans
laquelle est conçu le premier titre.
L’opinion du gouvernement est
connue, parce que le gouvernement a présenté un projet complet. L’opinion de la
chambre au premier vote est également connue, parce que la chambre, après avoir
voté le premier titre, a coordonné les attributions avec les dispositions du
premier titre. Mais, quant à notre vote définitif, le sénat ne connaîtra que la
moitié de notre pensée ; il ne pourra pas deviner le reste. Quand vous lui avez
envoyé la loi provinciale, vous lui avez fait connaître votre pensée tout
entière ; il a cependant jugé à propos de ne pas s’en occuper.
Maintenant
que vous lui envoyez la moitié d’une pensée, vous croyez qu’il s’en occupera,
vous croyez qu’il aura des raisons pour ne pas en agir de même, parce qu’il ne
sait pas ce que nous voulons. Singulière manière de raisonner !
Quant à la question d’économie
de temps, on a, il est vrai, cité plusieurs lois dont il serait important de
s’occuper ; mais il est à remarquer qu’il n’est pas une de ces lois que nous
puissions discuter.
L’une de
ces lois a été renvoyée aux sections ; à peine s’en sont-elles occupées. On
veut maintenant qu’on la discute, et c’est tout au plus si les sections en ont
commencé l’examen.
Quant aux autres lois, les
rapports ne sont pas faits. Il faut qu’une section centrale fasse un rapport,
et que ce rapport soit imprimé et distribué. Ce n’est qu’après la distribution
de ce rapport que le discussion peut avoir lieu.
Or, il n’y a pas de rapport
distribué ; donc il n’y a rien à l’ordre du jour.
M.
Jullien. - Il y a des rapports imprimés et distribués, à ce qu’on
m’assure, notamment ceux sur la circonscription des justices de paix. La
question n’en reste pas moins entière, mais il ne faut pas que la chambre soit
induite en erreur sur l’exactitude d’un fait.
Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Dumortier qui
doit avoir, ce me semble, la priorité. (Adhésion.)
M.
Dumortier, rapporteur. - Comme la question préalable a quelque chose
d’inconvenant vis-à-vis du gouvernement, je me borne à demander l’ordre du
jour.
Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- L’ordre du jour est mis aux
voix par appel nominal,
Voici le résultat du vote :
68 membres sont présents et
prennent part au vote.
32 votent pour l’ordre du
jour.
36 votent contre.
L’ordre du jour n’est pas
adopté.
Ont voté pour l’ordre du jour
: MM. Corbisier,
Dautrebande, de Brouckere, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Roo,
Desmaisières, Desmet de Stembier, de Terbecq, Dewitte, Doignon, Dubus,
Dumortier, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Legrelle, Liedts, Meeus, Pirson, A.
Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux, Troye, Vanderheyden, Vergauwen, L.
Vuylsteke, de Puydt.
Ont voté contre l’ordre du
jour : MM. Bekaert, Bosquet, Brixhe, Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de
Behr, A. Dellafaille, de Longrée. W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Desmanet
de Biesme, de Theux, Devaux, Donny, Dumont, Eloy de Burdinne, Ernst, Jullien,
Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Raikem, Simons, Ullens,
Vandenhove, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Ch. Vilain XIIII, Zoude, Pollénus, de
Secus.
- La proposition de renvoi à
la section centrale de la motion de M. le ministre de l'intérieur est mise aux
voix ; elle n’est pas adoptée.
M. le
président. - Je vais mettre maintenant aux voix la proposition de M. le
ministre de l’intérieur.
Plusieurs membres. - L’appel nominal
La proposition de M. le
ministre de l’intérieur est mise aux voix par appel nominal ; voici le résultat
du vote :
67 membres sont présents et
prennent part au vote.
34 votent pour l’adoption.
33 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM.
Bekaert, Bosquet, Brixhe, Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de Behr, A.
Dellafaille, de Longrée, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Desmanet de
Biesme, de Theux, Devaux, Donny, Dumont, Eloy de Burdinne, Ernst, Jullien,
Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Raikem, Simons, Smits, Ullens,
Vandenhove, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Ch. Vilain XIIII, Zoude.
Ont voté contre l’adoption, :
MM. Corbisier, Dautrebande, de Brouckere, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel,
de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, Dewitte,
Doignon, Dubus, Dumortier, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Legrelle, Liedts, Meeus,
Pirson, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux, Troye, Vanderbelen,
Vanderheyden, Vergauwen, L. Vuylsteke, Pollénus, de Sécus.
M.
Dubus. - Je croyais qu’à ce vote comme au premier, il y avait 68
votants et il m’avait semblé qu’il y avait égalité des voix.
Plusieurs membres. - Un membre est parti après le premier.
M.
Dubus. - Peut-être le bureau n’a-t-il pas entendu la réponse d’un
membre.
M.
Verrue-Lafrancq. - J’ai suivi l’appel nominal, et j’ai trouvé comme le
bureau que 34 membres ont voté pour l’adoption de la proposition de M. le
ministre de l'intérieur, et que 33 ont voté contre.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je suis obligé, pour acquitter un devoir, de
prouver que dans tous les cas il y a lieu de déclarer rejetée la proposition de
M. le ministre de l'intérieur. Cette proposition a été adopté à la majorité
d’une voix ; nous avons entendu un honorable collègue, député de Verviers,
voter pour son adoption. Or, je crois que son vote doit être considéré comme
nul.
En effet, que porte l’art. 36
de la constitution ? « Le membre de l’une ou de l’autre des deux chambres,
nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu’il accepte, cesse
immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle
élection. »
Nous avons vu dans les
journaux d’hier que notre honorable collègue a été nommé par le gouvernement
aux fonctions d’administrateur de la banque de Belgique avec un traitement de
6,000 fr.
L’honorable membre a accepté
ces fonctions. C’est le gouvernement qui l’a nommé ; c’est un arrêté royal qui
lui a conféré les qualités d’administrateur ; il est donc incontestable que
notre honorable collègue tombe dans le cas prévu par l’article 36 de la
constitution ; c’est donc vainement qu’il a émis son vote dans cette
circonstance : ce vote doit être défalqué, et dès lors il y a partage.
Messieurs,
j’ai entendu tout à l’heure un honorable membre de cette assemblée dire que
l’administrateur de la banque nouvelle n’était pas salarié par le trésor public
; mais cette distinction ne prouve rien. Le congrès n’a pas voulu établir de
différences dans la manière dont les emplois seraient salariés ; il a seulement
stipulé sur les fonctions salariées, pourvu qu’elles fussent données par le
gouvernement. Quel a été le but du congrès dans cette circonstance ? Vous le
comprenez parfaitement ; c’est afin qu’aucun membre des chambres ne puisse
manquer à son devoir par des considérations d’argent. Je suis loin de vouloir
rien dire d’injurieux à notre honorable collègue ; je ne fais qu’expliquer la
constitution. Il importe donc fort peu que le traitement soit payé par l’Etat
ou non ; la constitution n’a pas distingué, et il ne vous appartient pas de
distinguer. Il est donc certain que notre collègue ne fait plus partie de
l’assemblée.
J’ajouterai que j’aurais fait
cette remarque au commencement de la séance ; mais comme alors je n’ai pas
aperçu M. Davignon, j’ai cru inutile de soulever la question.
M.
Davignon. - Vous me permettrez de témoigner mon étonnement sur
l’étrange débat qui s’élève. J’ai déjà voté au premier appel nominal qui a été
fait dans cette séance ; s’il faut supprimer mon vote, pourquoi a-t-on tardé à
en faire la demande ? Il ne faut pas beaucoup de paroles pour faire
entendre à l’assemblée que je ne dois plus en faire partie, que je suis dans le
cas prévu par la constitution.
Mais
est-il bien certain que l’art. 36 de la constitution me soit applicable ? Une
société choisit un certain nombre d’hommes dans lesquels elle a confiance ; le
Roi ne fait qu’indiquer sur la liste qu’on lui présente ceux qui rempliront les
fonctions de commissaires ; ainsi il s’est pas exact de dire que le Roi nomme.
Ce n’est pas tout. Par qui les
commissaires sont-ils payés ? Est ce par l’Etat ? Non ; c’est un établissement
complètement industriel, créé dans des intérêts privés, et qui ne peut avoir
pour employés que des personnes privées, et non des fonctionnaires publics. La
constitution ne saurait être applicable.
M.
de Brouckere. - La chambre semble assez peu disposée à suivre une
discussion aussi sérieuse que celle qui s’élève ; car je vois plusieurs membres
disposés à se retirer. Cependant je ferai remarquer que la question est
difficile. Que M. Davignon soutienne que l’art. 36 n’est pas applicable, moi je
soutiens que la difficulté mérite un examen sévère. Il y a quelque temps que
mon honorable ami M. Corbisier fut présenté sur une liste de candidats pour
être secrétaire de la chambre de commerce à Mons. C’est la régence qui désigne
les candidats. Il fut nommé. Qu’a fait le gouvernement ? Il a convoqué les
électeurs, et mon honorable ami a été réélu.
Le cas
est parfaitement identique. Les appointements ne sont pas payés par le trésor,
mais par une caisse particulière. Il en est de même, en fait, pour Davignon.
La question est-elle décidée ?
Non ; c’est le gouvernement seul qui l’a tranchée. Il n’a pas examiné assez la
motion faite par M. Dumortier.
Cette motion mérite qu’on y réfléchisse, si on ne veut pas prendre une
détermination hasardée.
Jusqu’ici
je n’ai fait que présenter quelques réflexions ; mais je n’ai pas présente mon
opinion personnelle sur la question.
M.
Davignon. - L’honorable préopinant considère l’emploi qui m’est confié
comme emploi public ; je crois qu’il se trompe. Au reste, si j’ai soutenu que
je n’étais pas dans le cas de l’article 36, c’est uniquement pour terminer la
session. Car je déclare qu’à la fin de cette session, je ne donnerai pas lieu
au renouvellement de la motion qui vient d’être faite.
Plusieurs
membres. - Cela ne
fait rien à la question.
M. de Brouckere. - L’honorable préopinant me
demande si les fonctions qu’il a acceptées sont des fonctions publiques.
L’article 36 ne parle pas de fonctions publiques. Il dit seulement que le
membre de l’une ou l’autre chambre qui accepte un emploi salarié, cesse à
l’instant de siéger. La question qui se présente est celle-ci : L’honorable M.
Davignon a-t-il été nommé par le gouvernement à un emploi salarié ? Peu importe
si l’emploi est public ou non.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai remarquer d’abord qu’aux termes de la constitution, il faut que ce
soit un emploi donné par le gouvernement ; or, personne ne viendra dire que M.
Davignon remplit un emploi. Il administrera une société de commerce qui s’est
établie ; il n’est point employé, il n’est point fonctionnaire. Il est
impossible de lui appliquer la constitution.
M.
Jullien. - Ainsi que le dit M. de Brouckere, je conçois que la question
est délicate. Cependant elle ne l’est pas tellement que l’on ne puisse dès à présent se faire une
opinion sur les difficultés qu’elle renferme.
L’art. 36 de la constitution
interprété sainement me paraît devoir repousser la proposition de M. Dumortier. Cet article parle
d’emploi salarié ; or, de quel emploi entend-il parler ?. Evidemment d’un
emploi qui donne la qualité de fonctionnaire. Ainsi, l’exemple tiré de la
chambre de commerce ne me paraît pas concluant pour le cas actuel.
Les fonctions de secrétaire de
la chambre de commerce sont réellement des fonctions publiques, tandis que le
choix fait par le gouvernement de l’honorable M. Davignon tend seulement à
confirmer le choix fait par une société d’actionnaires.
Quelle est l’administration à
laquelle l’honorable M. Davignon appartient ? Est-ce une administration
publique ? Je ne pense pas que personne puisse répondre d’une manière
affirmative. Est-il salarié par l’Etat, sur les fonds d’une caisse publique ?
Encore une fois non. Il est salarié par les actionnaires.
Le
gouvernement va peut-être trop loin en déterminant lui-même le choix fait par
les actionnaires. La mission du gouvernement devrait se borner à autoriser les
sociétés anonymes conformément aux termes du code de commerce. Mais de ce que
le gouvernement a approuvé le choix fait dans la personne de M. Davignon, il
est impossible de reconnaître dans ce cas l’application de l’art. 36 de la
constitution. Dès l’instant que tout le monde est d’accord sur ce point qu’il
n’y a doute dans l’application de l’art. 36, le vote émis par l’honorable M.
Davignon l’a été de bonne foi. Il siège au milieu de ses collègues qui le
considéraient comme leur collègue. Un vote donné de bonne foi ne pouvant être
infirmé, la décision de la chambre sur la motion d’ordre doit rester
irrévocable, quelle que soit la détermination à prendre ultérieurement à l’égard
de la question soulevée par l’honorable M.
Dumortier.
D’après ces considérations, je
crois qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la partie de cette proposition, qui
tend à faire amender par la chambre le vote qu’elle vient d’émettre.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je partage
entièrement l’avis qui vient d’être émis par l’honorable préopinant. Je ne
ferai qu’ajouter une observation.
Comme l’a fait observer
l’honorable M. de Brouckere, la constitution se sert à l’art. 36 du mot emploi
salarié.
Il peut donc une double
question. C’est celle de savoir ce que l’on entend par le mot emploi et par le
mot salarié.
Il s’agit de savoir si le
législateur a entendu parler d’un emploi salarié par le gouvernement ou de tout
emploi quelconque salarié par une caisse particulière.
Nous trouvons dans la
constitution même le sens qu’il faut attribuer au mot emploi.
L’art. 6 est ainsi conçu :
« Art. 6. Il n’y a dans
l’Etat aucune distinction d’ordres.
« Les Belges sont égaux
devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires,
sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi, pour des cas
particuliers. »
Ainsi,
d’après cet article les Belges seuls sont admis aux emplois publics. Je crois
qu’il est impossible de ne pas reconnaître qu’un étranger aurait pu être nommé
à l’emploi qui a été conféré à l’honorable M. Davignon. Cet emploi n’est pas un emploi public, puisque celui
qui en est revêtu n’est obligé de prêter aucun serment quelconque au
gouvernement.
D’ailleurs, je ferai observer
que ce n’est pas le gouvernement qui a nommé l’honorable M. Davignon
administrateur de la banque de Belgique.
Le gouvernement n’a fait
qu’homologuer la nomination faite par les actionnaires.
Plusieurs membres. - Le gouvernement a choisi dans une liste de
candidats.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je résumerai la question en peu de mots. L’honorable M. Davignon a été nommé
à l’administration de la banque de Belgique qui est un établissement de
commerce. Les fonctions qui lui ont été conférées ne peuvent être rangées dans
la catégorie des emplois.
J’ajouterai que l’on ne peut
perdre le mandat de député que quand les termes de la constitution sont
formels. Autrement le mandat demeure irrévocable, si ce n’est pour le terme qui
y a été assigné par la loi. Peut-on soutenir que le cas dont il s’agit soit
prévu par la constitution ? Evidemment non. Cela est de toute impossibilité.
M.
Dubus. - Il paraît que l’on met la plus grande importance à précipiter
la décision de la chambre.
Un membre. - C’est M. Dumortier qui a soulevé la question.
M.
Dubus. - Sans doute mon honorable ami a fait part à l’assemblée d’un
scrupule qui s’était élevé dans son esprit. Mais il n’en est pas moins vrai que
le gouvernement veut nous faire prendre une décision immédiate afin que nous
n’ayons pas le temps d’examiner une question aussi délicate que celle qui a été
soulevée.
On l’a dit : La question est
grave. Elle demanderait tout au moins que l’on eût le loisir de l’examiner.
Mais il paraît que c’est un parti pris d’emporter les décisions d’assaut. Je
citerai à l’appui de cette assertion ce qui vient de se passer relativement à une
motion d’ordre ministérielle motivée sur un vote émis il y a plus de huit jours
par l’assemblée.
Pendant plus de huit jours, M.
le ministre a gardé sa motion d’ordre. Il l’a tenue secrète. Hier, à l’occasion
d’une motion semblable faite par un membre de cette assemblée, il n’a pas voulu
faire connaître sa pensée. Il a attendu la séance d’aujourd’hui pour venir la
présenter à l’improviste, comme s’il savait d’avance l’opinion de l’assemblée.
Maintenant que l’on a presque emporté le vote que l’on voulait obtenir, l’on
veut également obtenir une solution immédiate sur une autre question qui est
extrêmement délicate, sur laquelle on craint d’avoir à se prononcer, parce
qu’elle touche à un collègue. Mais si c’est une question de personne, c’est
aussi une question constitutionnelle ; nous devons donc l’examiner mûrement en
faisant abstraction de toute autre considération.
La question porte sur l’art.
36 de la constitution.
Personne dans cette enceinte
ne savait qu’elle dût être soulevée. Il fallait avoir eu connaissance du fait
qui y a donné lieu pour y penser.
Voici comme cet article 36 est
conçu :
« Art.36. Le membre de
l’une ou de l’autre des deux chambres nommé par le gouvernement à un emploi
salarié, qu’il accepte, cesse immédiatement de siéger, et ne reprend ses
fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection. »
On présente comme motif
déterminant que la constitution n’exige pas que l’emploi conféré soit un emploi
public.
Ici nous avons à examinera à la
fois quel est le texte et quel est l’esprit de la constitution.
Quant au texte l’on se sert du
mot emploi sans qualification aucune. Devez-vous substituer cette qualification
d’emploi public qui ne se trouve pas dans l’article ? Examinons, pour résoudre
cette question, quel est l’esprit de l’article 36.
Il se trouve que l’esprit, que
l’intention du législateur a été fixée sur deux conditions principales. C’est
dans ces deux conditions que vous trouverez les véritables raisons qui ont
déterminé le législateur. 1° Il faut que ce soit le gouvernement qui nomme, 2°
Il faut que l’emploi soit salarié.
Que l’emploi soit public ou
non, s’il n’est pas salarié, que la personne nommée devienne fonctionnaire de
l’Etat, elle ne rentre pas dans la catégorie des cas prévus par l’art. 36,
attendu que si le gouvernement lui a conféré un titre plus ou moins honorable,
plus ou moins honorifique, il n’y a attache aucun salaire ni traitement. Aussi,
lorsqu’un membre de la législature est revêtu de fonctions publiques qui ne sont
pas salariées, il n’y a pas lieu de lui appliquer la disposition de l’art 36.
C’est donc uniquement le salaire attaché à l’emploi conféré que le congrès a eu
en vue. Il n’a attaché d’importance qu’au salaire, conséquence de l’emploi
auquel le titulaire aura été nommé par le gouvernement. C’est parce que le
gouvernement, en conférant un emploi, confère le droit de recevoir un salaire,
que l’article a été porté.
L’on a voulu manifestement,
selon cet article, placer les représentants dans une véritable condition
d’indépendance du gouvernement. L’on n’a pas voulu que le gouvernement, en
conférant un emploi salarié à un député, pût se le rendre plus ou moins
favorable.
Que le congrès ait eu raison
ou tort d’admettre ce principe de défiance, ce n’est pas ce qu’il s’agit ici
d’examiner. Ce qu’il y a de manifeste c’est que les motifs de l’article 36 sont
contenus dans les deux conditions que je viens d’énumérer, celle d’un emploi
conféré par le gouvernement et celle du salaire attaché à cet emploi.
Mais, nous dit-on, le
législateur a voulu tacitement que l’emploi fût public. D’après les motifs de
l’article, je cherche en vain quelle importance l’on peut attacher à ce que
l’emploi soit public ou ne le soit pas.
Les motifs existent toujours.
La circonstance de la nature de l’emploi est étrangère à ces motifs.
Que l’on vienne, comme l’a
fait M. le ministre des affaires étrangères, interpréter l’article 36 par
l’article 6, c’est vouloir compliquer la question par une autre question. On a
argumenté de l’omission du mot public dans l’article 6. On a dit qu’il n’y
était question que d’emplois civils ou militaires et qu’évidemment le mot
public était sous-entendu. Si l’on a sous-entendu le mot public dans l’article,
c’est qu’évidemment les mots civils ou militaires n’auraient plus de
signification dans l’article si les personnes revêtus des fonction de cette
catégorie ne devenaient pas fonctionnaires publics. Mais vouloir étende cette
explication à l’article 36, c’est invoquer, pour expliquer cette dernière
disposition, une disposition qui est tout à fait différente. Ouvrez la
constitution à l’article 66 ; vous verrez que l’on ne s’y sert pas des mots
emplois d’administration générales ou de relations extérieures.
La fin de l’article est
négative ; l’on n’avait pas besoin d’une classification pour établir une
négation.
D’ailleurs tous ces articles
sont étrangers à la question que nous traitons. L’art. 36 présente des termes
d’après lesquels cette question est au moins douteuse, du moment que l’on ne
nous oppose pas d’autre objection que celle qui consiste à dire qu’il faut que
l’emploi soit public.
Une autre objection a été mise
en avant, et celle-ci me paraît mériter un mûr examen.
Je n’aimerais pas à me
prononcer immédiatement sur cette objection d’un honorable membre qui pense
qu’il ne s’agit pas d’un emploi à la libre nomination du gouvernement,
puisqu’il avait à choisir sur une liste de candidats. Sur ce point, cependant,
il y a des précédents qui prouvent que le gouvernement a déjà tranché la
question.
Mais il me paraît que nous
devons y réfléchir mûrement. Je proposerai d’ajourner cette discussion à lundi
; nous ne pouvons nous prononcer sans examen sur une question qui
éventuellement nous concerne tous. Ce n’est qu’après l’avoir mûrement examinée
que nous pourrons nous prononcer en parfaite connaissance de cause.
Quant au vote, les faits sont constatés. Quand la
chambre se sera prononcée sur la question constitutionnelle, il n’y aura plus
qu’à appliquer le droit au fait ; ce sera chose facile.
Je propose donc d’ajourner la discussion
à lundi. Je désire pouvoir réfléchir sur la question. Les motifs que j’ai
énoncés, je ne les ai présentés qu’en termes d’objections.
Je désire ne me prononcer que
consciencieusement et en pleine connaissance de cause, abstraction faite de
toute question de personne, sur la question dont il s’agit.
M. Davignon. - Je ne puis consentir à rester
dans la position douteuse où je me trouve placé. Je prie mes collègues de ne pas
se séparer sans résoudre la question. L’honorable membre qui vient de parler à
trop de perspicacité pour ne pas avoir dès à présent une opinion faite sur la
question ; je le prie de vouloir bien s’expliquer.
Je demande de la manière la
plus positive que la question soit résolue aujourd’hui. Si on renvoie cette
solution à lundi, ce sera encore une journée de perdue.
M.
Jullien. - La première question à examiner, c’est celle de savoir si on
est en nombre. Parler devant une chambre incomplète, c’est comme si on ne
parlait pas. Or, il est évident que la chambre n’est plus en nombre.
M. le
président. - La chambre n’est plus en nombre. La discussion est
renvoyée à lundi.
- La séance est levée à 4
heures et demie.