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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mardi 17 mars 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Composition des bureaux de section
3) Projet
de loi portant création d’un conseil des mines
4) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
a) droit de suspension et/ou de révocation du
bourgmestre et des échevins par le gouverneur, la députation provinciale ou le
roi (Legrelle, Dubus, Jullien, Lebeau, Dumortier, Dumortier, de Theux, Jullien, Dubus, d’Huart, Jullien,
Dubus, de Theux, Lebeau, de Theux, Dubus,
de Theux, Jullien, Dumortier, de Theux, Dubus, Jullien, Legrelle,
Dubus, de Theux, Jullien, Dubus, Lebeau,
de Theux, Dubus, Dumortier, Rogier, Fleussu, de Theux, Dumortier, Dubus, de Theux, Legrelle, Dumortier, Gendebien, de Theux, Dumortier, Raikem, Fallon, Dubus,
Fallon, Gendebien, Dumortier, d’Huart, de Theux, Lebeau, Gendebien)
(Moniteur belge n°77, du 18 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’avant-hier ; la
rédaction en est adoptée.
M.
Dechamps donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Les administrations
communales et les habitants notables des communes de Mesnil, Truyne, Oignies,
etc., du canton de Philippeville, demandent qu’il soit établi un tribunal de première
instance à Philippeville. »
_______________
« Le sieur Ph. Motte.,
major du 1er bataillon de la légion mobilisée de la garde civique du Hainaut,
demande à recevoir sa pension comme sous l’ancien gouvernement. »
Ces pétitions sont renvoyées à
la commission chargée d’en faire le rapport.
COMPOSITION DES BUREAUX DE
SECTION
Il est donné lecture du
tableau des sections elles ont composé, ainsi qu’il suit, leurs bureaux et la
commission des pétitions :
Première section
Président : M. Verdussen
Vice-président : M. Brabant
Secrétaire : M. Liedts
Deuxième section
Président : M. Vanderbelen
Vice-président : M. Eloy de
Burdinne
Secrétaire : M. de Roo
Troisième section
Président : M. Pollénus
Vice-président : M. Desmanet
de Biesme
Secrétaire : M. Dechamps
Quatrième section
Président : M. Dubus
Vice-président : M. Coppieters
Secrétaire : M. Donny
Cinquième section
Président : M. de Behr
Vice-président : M.
Dautrebande
Secrétaire : M. Watlet
Sixième section
Président : M. Desmaisières
Vice-président : M. Milcamps
Secrétaire : M. Simons
Commission des pétitions : MM. Jadot, Morel-Danheel, Doignon, Zoude, Schaetzen, Hye-Hoys.
PROJET DE LOI PORTANT
CREATION D’UN CONSEIL DES MINES
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
dépose sur le bureau un projet de loi et l’exposé de ses motifs relatifs à la
création d’un conseil des mines.
- Ce projet de loi et l’exposé
de ses motifs paraîtront dans le Moniteur.
La chambre donne acte à M. le
ministre de l’intérieur de la présentation de ce projet, dont elle ordonne
l’impression et la distribution aux membres de l’assemblée. Elle décide que ce
projet de loi sera renvoyé à une commission nommée par le bureau.
COMPOSITION DE
M.
Fallon. - La commission des travaux publics s’est réunie ce mat in ; et
en s’occupant de son personnel, elle a remarqué que M. Teichmann, qui était
membre de cette commission, ne faisait plus maintenant partie de la chambre.
J’ai été chargé par la commission de demander que l’on remplace M. Teichmann
dans la commission des travaux publics ; cette commission a été nommée par le
bureau.
M. le
président. S’il n’y a pas d’opposition, le bureau nommera un membre de
la commission des travaux publics en remplacement de M. Teichmann. (Adhésion.)
Second vote des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article
9
M. le président.
- La discussion continue sur l’art. 9 et les amendements y relatifs.
M. le ministre de l’intérieur,
en ce qui concerne les bourgmestres, a proposé la question préalable ; en ce
qui concerne les échevins il a proposé l’amendement suivant : « Les échevins
seront entendus ou appelés préalablement à la suspension ou à la révocation ;
dans tous les cas, les motifs de la suspension ou de la révocation leur seront
communiqués. »
Un nouvel amendement ainsi
conçu a été présenté par M. Legrelle : « Les bourgmestre et échevins peuvent
être suspendus de leurs fonctions pour cause d’inconduite notoire ou de
négligence grave, par arrêté du gouverneur, rendu sur avis conforme de la
députation provinciale. La suspension ne pourra excéder trois mois.
« A l’expiration de ce
terme les échevins pourront être démissionnés par la députation provinciale, et
le bourgmestre par un arrêté motivé du Roi.
« Les bourgmestre et
échevins seront entendus préalablement à la suspension et à la
révocation. »
La parole est à M. Legrelle
pour développer son nouvel amendement.
M.
Legrelle. - J’avais
rédigé hier un amendement qui m’avait paru susceptible de rallier plusieurs
opinions ; mais il m’a été fait avant l’ouverture de la séance des observations
que j’ai trouvées très fondées ; c’est d’après cela que je me suis permis de
déposer sur le bureau une nouvelle rédaction.
Il y a ici quatre choses à
envisager : la suspension des bourgmestres et la suspension des échevins, la
révocation des bourgmestres et la révocation des échevins.
Il m’a paru que les échevins,
contrairement à l’opinion manifestée par quelques membres, devaient être
susceptibles de suspension et de révocation parce que à mes yeux ce serait
rendre un mauvais service aux électeurs dont ils tiennent leur pouvoir que de
les déclarer inamovibles pendant la durée fixée à leurs fonctions. Il pourrait
arriver en effet que la position d’un échevin fût changée depuis son élection,
de telle sorte que sa suspension ou même sa démission devint inévitable. Mais
ces mesures demandent à être motivées sur des circonstances et entourées de
garanties telles que jamais elles ne puissent être l’œuvre de l’arbitraire.
Il faut qu’il y ait inconduite
notoire de la part du bourgmestre ou des échevins, ou bien qu’ils aient montré
une négligence telle que leur suspension devienne inévitable. Alors la
suspension pourra être prononcée par arrêté du gouverneur, rendu sur l’avis
conforme de la députation provinciale. C’est là que vous trouverez les
garanties nécessaires, sans lesquelles la suspension pourra être entachée
d’arbitraire, ou attribuée à la passion d’un seul homme.
La
suspension ne pourra excéder le terme de trois mois. Après l’expiration de ce
terme, les échevins pourront être démissionnés par la députation provinciale,
et le bourgmestre par un arrêté motivé du Roi. Les bourgmestres et échevins
devront être entendus préalablement à la suspension ou à la révocation. Cette
dernière garantie a été demandée par M. Gendebien ; M. le ministre de
l’intérieur a déclaré hier s’y rallier.
Vous remarquerez que sur ce
point je n’ai fait que copier dans mon amendement celui présenté par M. le
ministre de l’intérieur.
Je pense que mon amendement
ainsi rédigé est de nature à rallier les diverses opinions de la chambre.
M.
Dubus. - Je regrette beaucoup d’avoir vu la discussion importante qui
nous occupe compliquée par la proposition de la question préalable qu’a faite
M. le ministre de l’intérieur sur une des branches de la question.
La loi communale est fondée
sur un système dont les principales parties sont unies si intimement entre
elles qu’on ne peut toucher à l’une sans que tout le reste ne soit mis en
question. Je ne comprends donc pas la question préalable sur une branche du
système, lorsque l’on en a modifié une autre branche, que l’on a touché à la
base de l’édifice. Je conçois que l’on puisse, dans l’examen du fond,
rechercher s’il convient de modifier le système dans un sens ou dans un autre,
et si les modifications doivent aller jusqu’à telle limite ou la dépasser. Là
je vois toujours une question de fond, une question tendant à compléter le
système, à assurer la liberté de la commune, et la répression des abus.
Mais je ne puis jamais voir
qu’il y ait lieu ici d’adopter la question préalable, c’est à dire de déclarer
qu’il n’y a pas lieu à examiner, qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Au
contraire, il faut examiner mûrement, il faut délibérer pour mettre en harmonie
toutes les parties du système.
Je le répète, je ne comprends
pas la question préalable au point où la question de système est venue.
Je pense que, sans aucunement
compromettre son opinion sur le système, on peut repousser la question. Ce qui
prouve combien peu est utile cette proposition, c’est qu’on ne peut pas la
discuter sans discuter le fond de la question ; je pense que M. le ministre
m’accordera cela ; et, que la question préalable soit adoptée, on aura en
définitive prononcé sur le fond de la question.
Il s’agit ici, messieurs, de
la base du système. Vous en trouvez la preuve dans les termes de la
constitution qui reconnaît quatre pouvoirs. Ce quatrième pouvoir reconnu par la
constitution est le pouvoir provincial et communal ; vous devez l’organiser au
moins de manière à ce qu’il demeure un pouvoir ; vous devez consacrer son indépendance,
sa liberté d’action tout autant que la répression des abus. Il faut qu’il y ait
liberté d’action pour que la commune soit un pouvoir véritable.
Ici je rappellerai que sous le
gouvernement impérial on ne reconnaissait plus que deux pouvoirs : le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif ; on ne reconnaissait pas le pouvoir
judiciaire, on faisait de ce que nous appelons le pouvoir judiciaire une
délégation du pouvoir exécutif. Alors aussi on voulait établir la dépendance de
l’ordre judiciaire. Mais dans notre constitution nous avons reconnu un pouvoir
judiciaire ; nous ne nous sommes pas bornés à cela, nous avons posé les bases
de son indépendance en consacrant le principe de l’inamovibilité des juges.
Maintenant il faut assurer
l’indépendance et la liberté d’action du pouvoir communal. Dès lors vous avez à
examiner quelles garanties vous poserez dans la loi communale contre
l’oppression de ce pouvoir. Il ne faut pas que les hommes de la commune
deviennent les hommes du gouvernement à tel point qu’ils soient dans la
dépendance de l’autorité supérieure de la même manière que les agents du
gouvernement, révocables ad libidum par lui. Il faut qu’il reste dans la loi
quelque chose qui présente une garantie.
Lors du premier vote, vous
aviez admis que les bourgmestres pourraient être révoqués par le Roi ; vous
aviez admis sans condition. Mais alors n’existait-il pas quelque part des
garanties contre l’abus que le gouvernement pourrait faire du droit de
révocation ! Aujourd’hui au contraire, le bourgmestre n’est-il pas placé dans
la dépendance absolue du pouvoir !
Lorsqu’il s’est agi au premier
vote de la question de révocation, la chambre venait de décider que le
bourgmestre serait toujours pris dans le sein du conseil communal. Alors on
s’est opposé au droit de révocation du bourgmestre, précisément parce qu’on on
ne voulait pas faire de lui un agent pur et simple du pouvoir, qui ne fût en
rien distingué d’un commissaire du gouvernement. Pour repousser cette
objection, voici comment s’exprimait M. Lebeau, ministre de la justice :
« On a posé des principes trop absolus sur le caractère des bourgmestres,
on a également été trop loin sur le caractère des échevins. Il n’est pas vrai,
et le gouvernement a été le premier à le reconnaître, que le bourgmestre soit
un simple agent du pouvoir exécutif. S’il en était ainsi, je ne comprendrais
plus comment on pourrait, même sans exception, limiter le choix du bourgmestre
dans le conseil communal ; si les bourgmestres sont des agents purs et simples
du pouvoir exécutif à l’exemple des commissaires de district et des officiers
du parquet, il faudrait les soumettre au même mode de nomination et de
révocation que ceux-ci dont l’action engage toujours plus ou moins la
responsabilité ministérielle. »
Ainsi, à entendre M le
ministre de la justice, où se trouvaient les garanties ? Dans l’obligation où
était le gouvernement de prendre toujours le bourgmestre dans le sein du
conseil. Cette garantie, vous venez de la faire disparaître ; maintenant on
pourra prendre le bourgmestre hors du conseil. Alors, qui est-ce qui
distinguera un bourgmestre d’un commissaire de district en ce qui concerne la
nomination et la révocation ? Rien ne l’en distinguera. Ainsi, vous aurez
faussé entièrement l’institution, et le reproche que repoussait le ministre
tombe à plat sur le système qu’on vous propose de consacrer par la question
préalable.
Ainsi, vous le voyez, il
s’agit de deux parties d’un même système qui se touchent et que vous ne pouvez
pas considérer comme indépendantes l’une de l’autre, lorsqu’il n’était pas
permis au gouvernement de prendre le bourgmestre hors du conseil, c’était une
limite apportée au droit de révocation, une garantie contre l’abus de ce droit.
C’était la réponse que faisait le gouvernement lorsqu’on disait que le
bourgmestre n’était qu’une espèce de commissaire de district. Mais aujourd’hui
que cette garantie n’existe plus, si cependant le droit de révocation était
admis dans les mêmes termes qu’au premier vote, les bourgmestres ne seraient
plus les agents de la commune, les chefs de l’administration communale ; ils ne
seraient que des commissaires du gouvernement, comme le sont les commissaires
de district.
Que pouvait-on dire lorsqu’au
premier vote on agitait la question de révocation ? On pouvait dire : Le gouvernement
voudrait abuser du droit de révocation qu’il ne le pourrait pas, car le
bourgmestre révoqué, ayant été nécessairement pris dans le conseil, demeurera
encore conseiller communal, et ce sera un de ses collègues que le gouvernement
sera tenu de nommer à sa place. On faisait remarquer que cette obligation
imposée au gouvernement serait fâcheuse pour lui dans le cas où il voudrait
abuser du droit de révocation ; qu’il ne trouverait pas, dans ce cas, un autre
élu du peuple qui voulût le remplacer.
Mais veuillez remarquer que la
position est tout à fait changée : Le bourgmestre révoqué aura pu être pris
soit dans le conseil, soit hors du conseil ; son successeur sera pris où l’on
voudra, et ce sera précisément dans un cas semblable qu’on le prendra hors du
conseil. Le droit de révocation ne sera plus limité comme il l’était par
l’obligation de prendre dans le sein du conseil le successeur du bourgmestre
révoqué. Il y avait là une garantie qui n’existe plus aujourd’hui.
Ne le perdez pas de vue, c’est
un pouvoir que vous devez organiser ; car votre loi ne doit pas faire mentir la
constitution ; c’est un pouvoir indépendant et dont la liberté d’action doit
être assurée. D’un autre côté, à la vérité, il faut que les abus soient
réprimés et que le retour des abus soit prévenu ; mais voilà ce à quoi nous
devons nous borner, sans apporter des limites à la liberté d’action du pouvoir
communal au-delà de ce qu’exige la répression des abus. Pour moi, je donnerais
mon assentiment à un pareil système.
Sous ce rapport nous avons à
considérer d’abord le mode de nomination, en second lieu le droit de
révocation, en troisième lieu les moyens d’action sur les actes de l’autorité
communale. Combinez ces trois branches du système de manière à assurer
l’indépendance du pouvoir communal, sa liberté d’action en même temps que vous
réprimerez les abus et que vous en préviendrez le retour.
Messieurs, vous avez à fixer
ici votre attention sur votre point de départ et sur le but vers lequel vous
allez tendre. Votre point de départ c’est la liberté du pouvoir communal, son
entière liberté assurée par la révolution. Voulez-vous la sacrifier tout
entière, et cela par la crainte de quelques abus ? Ensuite les moyens de
répression présentés par le projet de loi (la révocation pure et simple du
bourgmestre mise à part), ces moyens ne sont-ils pas suffisants !
D’ailleurs, dès que l’on
reconnaîtra un vice dans la loi, chaque législature ne sera toujours que trop
disposée à y apporter un remède et à modifier la loi. Attendez donc une
expérience qui n’a pas encore été faite : car, remarquez-le bien, l’expérience
du danger pour l’ordre du système que je défends maintenant, cette expérience
manque encore, tandis que l’expérience de l’abus du droit de révocation a été
faite ; j’en appelle à vos souvenirs.
Je citerai un auteur qui a
déjà été cité, Henrion de Pansey ; il écrivait pour un pays où la liberté de la
commune qu’il s’agissait d’organiser était chose tout à fait nouvelle,
jusqu’alors
« Tout se réunit (dit-il)
pour exiger que toutes les fois qu’il s’agit de la suspension d’un officier
municipal, les faits qu’on lui impute lui soient communiqués ; qu’il y ait un
délai suffisant pour donner les réponses ; que ceux qu’il dénie soient vérifiés
par une enquête, administrative à la vérité, mais du moins contradictoire, avec
lui ; enfin que l’arrêté, qui le suspend de ses fonctions constate que ces
formalités ont été remplies et contienne les motifs de la suspension. »
(Voilà bien des garanties ;
néanmoins l’auteur déclare qu’elles sont insuffisantes d’après l’expérience qui
s’est faite en France.)
« Ces mesures paraissent
fort sages. Cependant, si nous nous rappelons ce que nous avons vu, peut-être
les trouverons-nous insuffisantes. Interrogeons donc nos souvenirs.
« La constitution de 1791
donnait au roi la faculté de destituer les maires des communes ; mais ceux-ci
avaient le droit de déférer leur destitution à l’assemblée nationale, qui
pouvait l’infirmer ou en ordonner l’exécution. C’était placer l’administration
dans le corps législatif. Les rédacteurs de la constitution de 1795 eurent le
bon sens de le sentir. Ils abolirent ce droit d’appel. Cependant, ne voulant
pas laisser les officiers municipaux sans garanties ils exigèrent que les
arrêtés de destitution fussent motivés. Cette précaution fut généralement
regardée comme suffisante, mais le directoire exécutif trompa la prévoyance du
législateur. Il imagina des formules de destitution tellement vagues, qu’elles
pouvaient frapper indistinctement tous les officiers municipaux, et si bien
appropriées à toutes les circonstances, que les partis qui s’emparèrent
successivement du pouvoir, en usèrent également avec le même succès. »
Ainsi, qu’était devenu le
droit de révocation ? Il était devenu une arme entre les mains des partis qui
s’étaient succédé en France. Ce n’était plus dans l’intérêt de la commune ou
dans l’intérêt général que les révocations étaient prononcées, quoiqu’on le
couvrît toujours de ce voile ; c’était dans l’intérêt éphémère des partis qui
se succédaient au pouvoir, et pour servir les vues politiques et assurer le
triomphe momentané de certains hommes. C’est dans cet intérêt-là que cette même
arme sera employée, si vous avez l’imprudence de l’accorder.
Henrion de Pansey continue
ainsi : « Il faut donc aux officiers municipaux une garantie de plus. Cette
garantie, je crois la voir dans une loi qui autoriserait ceux que le gouvernement
aurait suspendus de leur fonctions, à les reprendre si, dans un temps
déterminé, ils n’étaient pas mis en jugement. »
Ainsi, vous le voyez
l’expérience a été faite des abus, non seulement d’un droit indéfini de
révocation, mais encore d’un droit de révocation avec la simple obligation de
motiver cette révocation. Cette expérience a été faite, et ce droit, au lieu
d’être un moyen d’ordre, est devenu, comme on l’a dit, une arme pour les
partis.
Au contraire (ici je fais un
appel à vos consciences), l’expérience n’a pas pu être faite du danger qu’il y
aurait à accorder à la commune une liberté véritable, à assurer l’indépendance
des fonctionnaires municipaux, sauf la répression des abus, répression que l’on
peut organiser aussi forte que l’on voudra, mais de manière toutefois qu’elle
ne frappe que les abus.
Messieurs, je vous prie de
nouveau de remarquer en outre l’incohérence qui se trouve entre la dernière
disposition de l’art. 9 que l’on veut maintenir par la question préalable et
l’art. 15 du projet. Cette incohérence me paraît devoir frapper tous les yeux.
D’après l’art. 15 les bourgmestres seraient nommés pour un terme de 6 ans ;
selon l’art. 9 il deviendrait faux qu’ils fussent nommés pour aucun terme,
puisqu’on pourrait les révoquer le lendemain de leur nomination ; ils ne
seraient pas même nommés pour deux fois 24 heures.
Toutes les fois que l’on
détermine un terme à la durée des fonctions, cela emporte de soi que, pendant
la durée de ce terme, on ne peut être privé des fonctions dont il s’agit que
par un jugement et pour les causes déterminées par la loi. Sans cela, je ne
comprends plus ce que signifie ce terme. Il n’y a aucune raison à fixer un
terme à des fonctions qui peuvent être enlevées le lendemain par celui qui a
nommé. Et ici je dois faire remarquer que l’art. 15 est aussi un article auquel
le ministre s’est rallié, et que vous devez reconnaître comme irrévocablement
voté dans le sens des doctrines émises en faveur de la question préalable.
Ainsi il y aurait deux
propositions à peu près contradictoires qui seraient irrévocablement votées :
celle qui détermine un terme de 6 ans comme durée des fonctions, et celle qui
ne permet pas même que le bourgmestre soit nommé pour plus de 24 heures.
Si vous dites que le
bourgmestre est purement et simplement un commissaire du gouvernement, qu’il ne
doit conserver ses fonctions qu’aussi longtemps que la confiance du
gouvernement lui est accordée, et qu’il doit les perdre du moment où on la lui
retire, alors ne fixez pas de terme. Revenez sur la disposition de l’art. 15
irrévocablement voté. Dites que cet article sera remis en question : le
bourgmestre est dans la position d’un commissaire de district ; mais un
commissaire de district est nommé indéfiniment. Or, un terme de 3, de 6 ou de 9
ans ne fait rien à cette question de confiance. Tous les jours ses fonctions
pourront lui être retirées, mais il les conservera tant qu’il justifiera la
confiance du gouvernement. Le bourgmestre ne sera pas dans une autre position.
Je demande s’il n’y a pas là une véritable opposition entre les art. 9 et 15.
Si vous pouvez revenir sur l’art. 15, vous le pouvez également sur l’art. 9.
Ceci est un second motif pour
repousser la question préalable. Il y a d’ailleurs, maintenant, d’autres
dispositions de la loi à prendre en considération. Il y a des dispositions qui
organisent l’action du pouvoir sur les actes de l’autorité municipale ;
l’action par laquelle on pourvoit aussi à ce que les actes qui sont d’intérêt
communal soient exécutés, alors que l’autorité municipale négligente ne fait
pas exécuter les actes que la loi lui impose.
Ces dispositions-là n’étaient
pas votées, quand vous avez adopté l’art. 9. Elles l’ont été depuis ; vous avez
à les prendre en considération. Vous avez à examiner si vous ne trouvez pas ces
moyens suffisants. Maintenant que la majorité de la chambre a pris une
résolution relativement à la nomination des bourgmestres en dehors du conseil,
elle doit examiner s’il n’y a pas lieu d’accorder aujourd’hui à la révocation
quelques limites qu’elle n’a pas d’abord jugées nécessaires. Il y a un triple
motif pour restreindre le droit de révocation des bourgmestres.
Le premier, c’est que vous
avez modifié le mode de nomination ; vous avez fait disparaître la garantie
qu’on pouvait trouver contre l’abus des révocations, dans l’obligation de
prendre toujours le bourgmestre dans le sein du conseil. De manière que celui
qu’on révoquera demeurera un membre du conseil, et qu’on sera tenu de prendre
celui qui le remplacera dans le conseil. A coup sûr, personne ne méconnaîtra
qu’on ait fait disparaître là un grande garantie. Dès lors, il est bien permis
de mettre en question ce droit de révocation et de demander que quelques
limites soient posées en remplacement des garanties perdues.
Le second motif, c’est qu’il y
a un non-sens dans l’art. 15 où les fonctions des bourgmestres sont limitées à
un terme, si vous admettez le droit de révocation pure et simple. Si vous
appliquez la révocation à des motifs déterminés, alors l’art. 15 s’explique de
lui-même. Le bourgmestre, tant qu’il n’a pas mérité la révocation pour une des
causes déterminées, conserve ses fonctions pendant le terme établi, qui n’a pas
d’autre but que de les lui faire conserver. En troisième lieu, les dispositions
votées aux articles 83 et 84 de la loi (elles le sont maintenant) peuvent, aux
yeux de beaucoup de personnes, donner au gouvernement des moyens d’action si
rigoureux contre les actes et la personne du bourgmestre négligent, et sont
organisées si énergiquement pour réprimer les abus qui pourraient survenir,
qu’on ne voit plus pourquoi les bourgmestres seraient révoqués à moins de
s’être rendus indignes de leurs fonctions.
Si vous n’en voulez pas faire
des agents d’oppression, des instruments aveugles en toute hypothèse comme
devraient les désirer de mauvais ministres, il me semble que vous avez assez
des dispositions des art. 83 et 84, et qui ont été trouvées déjà assez
exorbitantes. Remarquez en outre que le bourgmestre (et ici c’est une
considération qui touche le fond, car il est impossible de discuter la question
préalable, sans discuter le fond), remarquez que le bourgmestre, d’après la
nature même de ses fonctions, ne peut pas être placé sur la ligne d’un
commissaire du gouvernement ; vous en faites le mandataire obligé du conseil
communal ; c’est lui qui devra, d’accord avec les échevins, assurer l’exécution
des actes du conseil : pouvez-vous le laisser dans une dépendance journalière
du pouvoir supérieur ? Pouvez-vous en faire un de ces instruments aveugles dont
j’ai parlé plus haut ? Vous devez établir quelque différence entre ces deux
fonctionnaires.
Sous le rapport de la
nomination, il n’y en a plus. Sous celui de la révocation, il devrait y en
avoir.
Le bourgmestre est même, selon
le projet, dans une position pire que celle du commissaire de district,
puisqu’au bout de six ans, il a besoin d’une nomination nouvelle tandis que le
commissaire de district, si on ne le révoque pas, continue naturellement ses
fonctions d’une manière illimitée. La dépendance du premier de ces deux
fonctionnaires est donc la plus grande. Y a-t-il à cela de la raison ? Est-ce
là ce qu’on peut appeler un système ? Est-ce par un esprit de système qu’on
place le bourgmestre dans une position de dépendance du pouvoir supérieur, pire
que celle du commissaire de district ?
Messieurs, je reviens à cette
considération que c’est au nom de l’ordre qu’on vous a demandé des
modifications immenses au système qui existe depuis la révolution,
modifications qui vont bien plus loin que le système d’organisation communale
qui existait sous le gouvernement précédent.
Ce sont des innovations et des
innovations bien dangereuses que celles qu’on vous demande ; et lorsque vous
aurez reconnu le danger, lorsque les abus arriveront, il ne sera plus temps. Le
pouvoir armé demeurera armé. Il ne se dessaisira plus de l’arme que vous lui
aurez imprudemment confiée. Sous Guillaume, les bourgmestres des villes ne
pouvaient pas être révoqués ; ils perdaient leurs fonctions à l’expiration du
terme fixé, lorsqu’une nouvelle nomination ne les leur continuait pas. Je me
rappelle que l’honorable M. de Theux, aujourd’hui ministre de l’intérieur,
disait au mois de juillet dernier que c’était surtout pour les villes que ce
droit de révocation était nécessaire. Cependant, pendant les 13 ans de
l’administration néerlandaise, on n’a pas reconnu cette nécessité. Et quand on
a refait les règlements en 1824, on n’a pas apporté de modifications sur ce
point.
Quant aux bourgmestres des
campagnes, on n’avait pas le droit absolu de révocation sans limites que vous
demandez aujourd’hui. Il n’était permis de révoquer un de ces magistrats que
pour inconduite ou négligence. Déjà sous ce rapport c’est une innovation que la
question proposée ; l’innovation est bien plus grande, eu égard au système de
liberté communale mis en action depuis octobre 1830, et elle n’était aucunement
justifiée par l’expérience faire depuis la révolution. Les bourgmestres et
échevins élus directement par le peuple sont demeurés irrévocablement, et
cependant, si cela a donné lieu à quelques abus, ces abus ont été très rares.
Ils sont dus à cette circonstance principale que les moyens de répression sur
les actes venaient à manquer, parce que l’on contestait l’existence des moyens
qui constatent la répression pour les actes. Aujourd’hui vous les organisez de
la manière la plus sévère.
Vous avez les moyens de punir
la négligence grave des bourgmestres et des échevins en envoyant des
commissaires sur les lieux et à leurs frais. D’autres dispositions analogues se
trouvent encore dans le projet. Tout est prévu. Je ne vois donc plus
l’importance que le gouvernement peut mettre à s’armer de ce droit sans limite
et absolu de révocation : ce sont là des moyens de force ou d’influence.
Inutiles à de bons ministres ; des moyens qui ne peuvent servir qu’à de mauvais
ministres ; qu’à des hommes de la minorité qui voudraient gouverner contre le
vœu de la majorité. Ces moyens seraient alors nécessaires pour fausser les
élections et amener ici une chambre qui ne représenterait pas la majorité du
pays. Je repousse de toutes mes forces la question préalable et la dernière
disposition de l’art. 9, qui arme le gouvernement du droit absolu de
révocation.
Et, je le répète, la question
préalable, c’est le fond ; on ne peut discuter l’un sans l’autre. J’engage M.
le ministre à retirer cette question préalable, comme complètement inutile.
Quant aux échevins, la
disposition préférable me paraît être celle de l’honorable M. Desmet, avec des
modifications néanmoins pour faire droit aux observations très judicieuses de
l’honorable M. Jullien. La loi
pénale a prévu les cas de forfaiture ou de malversation des fonctionnaires
publics ; elle y a même attaché la peine de la privation de leurs fonctions, de
sorte qu’il suffit de renvoyer à la loi ; les crimes des fonctionnaires publics
entraînant la forfaiture et privation de leurs fonctions. La malversation des
fonctionnaires n’est pas toujours considérée comme un crime, mais, d’après le
code pénal, elle entraîne toujours la perte des fonctions.
Je ferai remarquer que le mode
de révoquer que propose l’honorable M. Desmet est impraticable, puisqu’ici
c’est le jugement qui révoque, et que c’est n’est qu’une suspension en
attendant le jugement. (L’orateur donne
lecture de l’article). Ce n’est donc qu’une suspension pour une cause qui
motive la mise en jugement ; elle n’est motivée qu’à charge de mise en
jugement. C’est le tribunal qui décide, et si le prévenu est déclaré coupable,
on lui applique la peine prévue par la loi ; sinon on le déclare innocent, et
il reprend ses fonctions. Cette garantie, vous ne pouvez la refuser aux
échevins qui sont les élus du peuple. M. Henrion de Pansey l’a réclamée pour le
maire.
Pour le
bourgmestre, les amendements proposés sont beaucoup plus larges, et je conclus
en ce qui les concerne à l’amendement de l’honorable M. Legrelle. Il me paraît
avoir entouré le droit de révocation des bourgmestres de quelques garanties qui
se rapportent aux observations que j’ai faites. Puisque nous avons perdu
presque toutes les garanties par la nomination des bourgmestres en dehors du conseil,
ce n’est pas trop d’exiger celles prévues dans l’amendement de l’honorable
député d’Anvers. Le bourgmestre conservera ses fonctions pendant le temps
déterminé par la loi, à moins qu’il n’ait encouru la suspension pour inconduite
notoire ou négligence grave. C’est dans ce cas, et après avoir été entendu,
qu’il pourra être suspendu.
Je le répète, je donne mon
assentiment à l’amendement de l’honorable M. Desmet, moyennant modification, à
celui de l’honorable M. Legrelle, relativement au bourgmestre, et je repousse
de toutes mes forces la question préalable.
M.
Jullien. - Messieurs, voilà le troisième jour que nous nous occupons de
l’article
Tous les amendements qui
pourront être proposés pour être en harmonie avec le reste de la loi doivent
être discutés. Il n’y a pas ici de question préalable possible ; où nous
mènerait-elle ? Elle ne peut s’appliquer d’après M. le ministre de l'intérieur
lui-même, à la révocation des bourgmestres. Je crois tout le monde disposé à
accorder au Roi la révocation des bourgmestres puisqu’on lui en a accordé la
nomination ; mais avec modification, avec restriction pourtant, afin de ne pas
permettre au pouvoir exécutif de commettre des actes vexatoires et arbitraires.
Il me paraît incontestable que
vous devez accorder au même pouvoir qui possède déjà la nomination des
bourgmestres, le même droit de les révoquer. Mais comment la révocation
s’appliquera-t-elle ? Pure et simple comme le demande le gouvernement ? Non, il
faudra pour cette révocation adopter les amendements qui vous ont été proposés
par les honorables MM. Legrelle ou Gendebien, afin de donner la garantie que le
pouvoir n’abusera pas de la faculté illimitée de révoquer. Mais, a-t-on dit, le
bourgmestre ne pourra pas être révoqué que dans la qualité que le Roi lui aura
donnée. Mais en qualité de conseiller communal, il ne peut pas l’être. Je
n’admets pas cette distinction. Il est nommé en vertu de la concession que vous
avez faite au gouvernement, mais on ne peut le révoquer sans mesure et sans
discernement.
Quant aux échevins, il
n’appartient en aucune manière ni au gouvernement ni à la députation des états
de prononcer leur révocation. Il me semble que l’on a suffisamment démontré que
dès l’instant que les échevins tenaient leur mandat du collège électoral, ils
n’encouraient plus d’autre révocation que celle qui met tout fonctionnaire dans
le cas de perdre ses fonctions : des méfaits, de la forfaiture, etc.
Vient maintenant la troisième
question, celle de la suspension des échevins et des bourgmestres. Une des
grandes difficultés de la loi que nous discutons, indépendamment de celles que
je vous ai signalées et qui résultent de ce qu’on n’a pas adopté un système
franc, soit pour les uns, soit pour les autres ; une grande difficulté, dis-je,
qui apparaîtra dans tout le cours de la discussion, c’est qu’on pose dans cette
loi des règles générales, et que malheureusement, chaque fois que vous vous
trouvez en face de ces règles générales, il vous est impossible de ne pas
porter vos regards sur les communes rurales et de faire une distinctions entre
ces communes et les villes.
On vous demande la faculté de
suspendre les échevins pour inconduite notoire et pour négligence grave. Et
ensuite on vous propose d’accorder le pouvoir de prononcer cette suspension, au
gouverneur de la province, sur l’avis de la députation des états. Je conçois
que vous puissiez accorder ce pouvoir au gouverneur, pour ce qui concerne les
échevins d’une commune rurale. Je donnerais mon assentiment à cette mesure, si
cette différence était posée. Mais pouvez-vous en agir de même à l’égard d’un
bourgmestre, et surtout à l’égard d’un bourgmestre d’une grande ville, d’une
capitale de province ? Pouvez-vous accorder au gouverneur le droit de
suspendre, je ne dirai pas selon son bon plaisir, car il y a des cas
déterminés, mais de suspendre de sa propre volonté le bourgmestre d’une des
principales villes du royaume dans lesquelles il exerce sa juridiction ?
Messieurs, il arrive très
fréquemment que les chefs des autorités ne s’entendent pas. Le chef de
l’autorité municipale se trouve souvent, à raison de ses fonctions, parce qu’il
défend les intérêts de ses administrés, en opposition avec le gouverneur. De
cette lutte naissent des haines ; car bourgmestres, ministres ou gouverneurs,
tous les hommes ont des passions, sont pétris dans le même moule. Il
résulterait très souvent de l’inimitié qui naîtrait entre le gouverneur et un
bourgmestre, que le gouverneur se permettrait de prononcer la suspension d’un
bourgmestre d’une capitale comme Bruxelles, Gand ou Bruges. Eh bien, je vous
demande si ce n’est pas là un pouvoir exorbitant accordé à un gouverneur.
J’admets que les bourgmestres puissent être suspendus, mais par le Roi et par
le Roi seul. Je consentirai à ce que le gouverneur ait le droit de suspendre
des échevins dans les communes rurales, mais non dans les villes. Il faudra que
cette disposition soit faite pour que j’adopte la disposition, et j’en ferai
l’objet d’un sous-amendement à la proposition de M. Legrelle.
Qu’on ne dise pas qu’il y a
des cas graves tellement pressants, que la suspension doive être prononcée
immédiatement. Il ne faut pas si longtemps pour aller d’une extrémité du
royaume à l’autre ; vous savez avec quelle célérité on peut correspondre de
l’extrême frontière avec Bruxelles, et s’il arrivait que le bourgmestre d’une
ville se mît dans une position tellement équivoque qu’on dût le suspendre de
ses fonctions, on aurait toujours le temps de consulter le gouvernement. Quoi
qu’on en dise, je m’en rapporterai toujours plutôt à la décision que pourra
prendre le gouvernement lui-même, quand il aura pris connaissance des
inculpations dont un bourgmestre est l’objet, qu’à celle d’un simple
gouverneur.
Je pense
donc qu’avec ces modifications, c’est-à-dire que la révocation des bourgmestres
circonscrite dans de sages limites, avec des restrictions qui garantissent ces
fonctionnaires de tout arbitraire, de toute vexation, peut sans difficulté être
accordée au Roi ; qu’on peut de même accorder aux gouverneurs de province le
droit de suspendre pour inconduite notoire ou négligence grave les échevins
dans les communes rurales, mais non dans les grandes villes : c’est dans ce
sens que je voterai quand on aura fait droit sur la question préalable du
ministre de l’intérieur, s’il ne la retire pas. En la retirant, il se
dispenserait de vous faire encore perdre du temps. Nous en avons déjà assez
perdu à discuter de semblables questions.
M.
Lebeau. - Quoiqu’on dise qu’en général proposer une question préalable
a toujours quelque chose de peu franc et d’odieux, je pense que quand la
question préalable est fondée sur le règlement sainement interprété, qu’elle a
pour but de faire gagner beaucoup de temps à la chambre et qu’elle doit avoir
pour résultat de ne pas ajourner à l’année prochaine la promulgation de la loi
communale, je pense qu’alors la question préalable se présente avec des
caractères qui la recommandent à l’attention de la chambre.
Je ne suis pas plus partisan
qu’un autre des questions préalables, il m’est arrivé de voter alternativement
pour et contre dans des circonstances très récentes ; mais je pense que c’est
avec fondement que le ministre l’a proposée dans la circonstance actuelle. Et
loin de l’inviter à la retirer comme l’on fait d’honorables préopinants, je
l’engage à persister dans sa proposition.
Quelques observations
succinctes, qui sont le résumé de ce qui a été avancé dans d’autres séances,
vous prouveront que c’est le cas ou jamais de présenter la question préalable.
En ce qui concerne la révocation ou la suspension des bourgmestres, qu’a
demandé le gouvernement dans le projet primitif qu’il a soumis à la chambre ?
Il a demandé la révocation pure et simple des bourgmestres. L’art. 7 est formel
: « Le Roi nomme et révoque les bourgmestres. »
Qu’ont fait la section
centrale et ensuite la chambre ? Elles ont accordé la révocation pure et simple
des bourgmestres, comme le demandait le gouvernement ; il n’y a eu qu’une
transposition dans les articles. Le gouvernement par un seul et même article
avait demandé la nomination et la révocation des bourgmestres. La chambre a
accordé la nomination à l’art. 6 et la révocation pure et simple à l’art. 9,
dernier paragraphe qui porte : « Les bourgmestres peuvent être révoqués de
leurs fonctions par le Roi. »
Voilà pour la révocation.
J’arrive à la suspension. L’art. 10 du gouvernement disait : « Le bourgmestre
et les échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou
par la députation des états, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au
gouvernement.
« La durée de la suspension ne
peut excéder trois mois. »
L’art.
9 de la section centrale porte : « Les bourgmestre et échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la députation
provinciale, pour le terme de trois mois au plus, pour cause d’inconduite et de
négligence grave. »
Il est évident que quant au
principe de la suspensions des bourgmestres par la députation des états ou par
le gouverneur, de même que pour celui de la révocation des bourgmestres par le
Roi, le vote de la chambre est en tout conforme à la proposition du
gouvernement.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il est impossible de soutenir pareille chose,
je demande la parole.
M.
Lebeau. - Mais, dit l’honorable député de Tournay, le système a changé
; la nomination des bourgmestres n’est pas restée circonscrite dans les termes
où, par votre premier vote, vous l’aviez
renfermée. Je ne nie pas qu’il y n’ait quelque argument qu’on puisse tirer du
texte, de ce que l’article relativement à la nomination du bourgmestre a été
modifié. Mais jamais interprétation n’a juré d’une manière plus manifeste avec
l’esprit et le but du règlement. En effet, en quel sens un changement s’est-il
opéré dans la nomination des bourgmestres ? en ce sens que le caractère de
commissaire du gouvernement dans la commune a été reconnu en grande partie dans
la personne du bourgmestre (c’était le seul moyen de légitimer sa nomination
par le Roi), en ce sens que le caractère de commissaire du gouvernement qui
pouvait faire doute à la vue de la première disposition adoptée par la chambre,
est maintenant mis hors de toute contestation.
Car s’il y a un motif qui a
justifié la révocation du bourgmestre en dehors du conseil, c’est qu’on a
reconnu que le bourgmestre avait dans certains cas le caractère de commissaire
du gouvernement agissant pour l’exécution des lois et engageant la
responsabilité du gouvernement. Il est impossible d’expliquer autrement la
faculté accordée au gouvernement de choisir le bourgmestre en dehors du conseil
; car lorsque le bourgmestre est choisi en dehors du conseil, que peut-il être
autre que l’agent du gouvernement dans la majeure partie de ses attributions ?
Les motifs de cette modification, au lieu de militer pour restreindre le droit
de révocation, militent au contraire pour qu’il reste au moins formulé comme il
l’a été au premier vote.
Lors du premier vote, on
pouvait dire que le bourgmestre, par cela seul que le gouvernement était obligé
de le choisir dans le conseil, avait un caractère mixte, et que par conséquent
le droit de révocation devait émaner de la double origine qui l’avait
constitué.
Le bourgmestre choisi en
dehors du conseil est moins imposé à la commune que le gouverneur, que le
commissaire du gouvernement dans la province, à qui vous avez accordé le droit
qui ne dérive pas de son origine, puisqu’il n’est en aucune manière le produit
de l’élection ; à qui vous avez accordé, dis-je, le droit non seulement de
voter dans le sein de la députation, mais de présider la députation ; non
seulement d’exécuter les résolutions de la députation, mais les résolutions du
conseil provincial.
Ainsi, le bourgmestre ne
portant pas dans le sein du conseil voix délibérative, il est évident qu’il y a
plus de raison encore pour accorder au gouvernement le droit de le révoquer que
de lui accorder le droit de révoquer le gouverneur.
Or, est-il jamais venu à
l’esprit de personne de contester au gouvernement le droit de révoquer le
gouverneur ou de soumettre sa révocation à des restrictions quelconques ?
Evidemment non ; et la révocation que vous avez prise, loin de pouvoir donner
le droit de remettre en question les dispositions conformes du gouvernement,
sous le rapport de la révocation et de la suspension des bourgmestres, exclut
la possibilité de présenter rationnellement un amendement sur ce point.
On objecte l’art. 15 du projet
actuel. On prétend qu’il y a antinomie entre le caractère donné au bourgmestre
et l’énonciation de la durée de ses fonctions.
Je suis étonné qu’un esprit
aussi judicieux que l’honorable député de Tournay n’ait pas remarqué cette
contradiction lors du premier vote. Alors personne ne s’en est aperçu ; n’en a
dit mot. Mais je lui ferai observer qu’il y a une énorme différence entre une
révocation par voie générale et une révocation particulière ; que de la
disposition relative à la durée des fonctions il résulte que le gouvernement
devra nécessairement investir tous les bourgmestres d’un nouveau mandat après
l’expiration de la durée que la loi donne à ce mandat : voilà la différence.
Elle se reproduit dans une foule d’occasions ; par exemple, pour les
commissions de bienfaisance ; et une foule d’autres institutions dont le
personnel se renouvelle au bout d’un certain nombre d’années ; mais cette
disposition n’a jamais été exclusive du droit de révoquer à d’autres époques.
On sait d’ailleurs que le
gouvernement n’a pas intérêt à se livrer à de pareilles destitutions ; il faut
des motifs palpables qui mettent l’opinion publique de son côté, pour le
déterminer à prendre de semblables mesures.
Voyez comment peu le
gouvernement est intéressé à prodiguer les destitutions. Il est de toute
nécessité obligé de choisir le bourgmestre dans le conseil. Cela est évident.
Depuis que le ministre a abandonné la prétention de faire donner au bourgmestre
voix délibérative dans le conseil lorsqu’il était choisi hors de son sein, il
se trouve dans l’obligation de le choisir toujours dans le sein du conseil, par
le motif qu’il ne voudra pas être représenté dans le conseil par un agent qui,
n’y apportant pas voix délibérative, n’y jouirait pas du même degré d’influence
et de considération que s’il avait reçu le mandat populaire. De sorte que la
nomination dans le conseil sera presque la règle principale.
Pensez-vous que le
gouvernement puisse légèrement, au risque de susciter l’opposition de toute une
ville, de toute une commune, aller frapper de révocation un bourgmestre qui
serait l’élu de la commune, qui n’aurait d’autre tort aux yeux de la commune que d’avoir trop
vivement défendu ses intérêts contre le gouvernement ? Est-il possible de
supposer que le gouvernement veuille de gaieté de cœur se jeter sur les bras
l’opposition d’une ville populeuse, de plusieurs communes ? Je ne parle pas du
contrôle de la presse et de la chambre qu’une évocation de cette nature
provoquera toujours plus ou moins directement.
M.
Gendebien. - Vous avez bien pu, vous, sans motifs, révoquer deux
commissaires de district.
M.
Lebeau. - Il y avait des motifs graves ; si c’était à recommencer, je
le ferais encore. (Mouvement.)
Messieurs, je suis étonné que
des hommes d’esprit aussi distingués que les orateurs qui ont parlé avant moi,
les honorables députes de Tournay et de Bruges, confondent sans cesse la
révocation administrative avec la révocation judiciaire. La révocation
administrative est un moyen de gouvernement. C’est un moyen de gouvernement de
tous les jours. C’est pour cela que le Roi a le droit de destituer ses
ministres qui sont bien quelque chose dans l’échelle administrative, qu’il a le
droit de destituer les gouverneurs, les commissaires de district, le procureur
près de la cour suprême, les procureurs-généraux près les cours d’appel. A-t-on
jamais soutenu qu’une pareille révocation flétrisse ceux qu’elle peut atteindre
? Il aurait fallu dans ce cas, par respect pour les personnes, rendre toutes
les fonctions inamovibles.
Si le gouvernement rencontre
de la part d’un bourgmestre une résistance à l’exécution des lois et des règlements
d’administration publique, ou une négligence que toutes les administrations
n’ont pu vaincre, ou une incurie notoire, il est de son strict droit et de son
devoir de révoquer un pareil fonctionnaire public. Il se peut que le
fonctionnaire ainsi révoqué n’ait rien perdu dans l’esprit de ses administrés.
On peut être sûr d’ailleurs que le gouvernement regardera à deux fois avant de
prendre une pareille mesure.
Messieurs, il ne faut pas,
comme l’a fait entendre l’honorable préopinant, voter des lois dans la
prévision qu’il peut surgir un cabinet composé de mauvais ministres. Je ne sais
ce qu’on peut entendre par de mauvais ministres ; car, d’après la manière dont
il traite les organes du gouvernement, il me serait difficile de comprendre ce
qu’il peut appeler de bons ministres. Il faut faire les lois sans préoccupation
de personnes. Les prendre dans la nature des choses, les considérer en
elles-mêmes. Je comprends que vous vouliez vous mettre en garde contre les abus
de la centralisation, mais vous ne devez pas perdre de vue les abus de la
décentralisation.
Il ne
faut pas venir sans cesse invoquer les règlements du roi Guillaume avec
lesquels, dit-on, la loi actuelle ne peut soutenir la comparaison.
Je pense que si on offrait à
nos honorables contradicteurs le maintien des anciens règlements en échange du
retrait de la loi que nous discutons, ils se garderaient bien d’accepter cette
transaction.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je l’accepterais avec la constitution.
M.
Lebeau. - Remarquez la différence énorme qu’il y a dans la situation du
gouvernement. Vous trouvez exubérance d’attributions d’une part, parcimonie de
l’autre. Dans le projet actuel, vous avez une foule de garanties qui
n’existaient pas dans les précédents règlements. Vous n’avez pas l’élection
directe. Il est inutile d’énumérer les énormes différences qui ne permettent
pas qu’on cherche à établir des comparaisons entre les deux régimes. Je n’en
dirai pas davantage, je craindrais de prolonger outre mesure une discussion qui
a déjà dépassé sois terme naturel. D’après les considérations que j’ai
exposées, je voterai contre tous les amendements, puisque j’appuie la question
préalable.
M.
Dumortier, rapporteur. - Tout en soutenant la question préalable,
l’honorable préopinant a reconnu qu’il y avait un argument qu’on pouvait faire
valoir contre ; il a été obligé de convenir que notre opinion reposait sur un
texte.
La chose est formelle,
personne ne peut en disconvenir, et si jamais on a présenté une question
préalable non fondée, c’est bien dans l’espèce actuelle, puisqu’une
modification immense a été adoptée.
Le préopinant a présenté de
nombreux moyens, mais tous les moyens qu’il a présentés sont destinés à faire
rejeter la question au fond. Il a cherché à établir que le gouvernement devait
avoir la révocation des bourgmestres, mais il n’a avancé aucune espèce
d’argument pour démontrer que la question préalable était fondée ; il a été
forcé d’avouer que le texte du règlement était en notre faveur.
M.
Lebeau. - Je n’ai pas dit cela.
M.
Dumortier, rapporteur. - Vous avez dit qu’il y avait un argument de
texte en votre faveur.
M.
Lebeau. - C’est bien différent !
M. Cornet de Grez. - Sans doute, c’est différent !
M.
Dumortier, rapporteur. - Je prierai M. Cornet de vouloir bien me dire
en quoi consiste cette différence.
On ne peut pas disconvenir que
notre amendement est recevable. Il suffit qu’il y ait un texte en notre faveur,
pour que tout le monde soit convaincu que la question préalable n’est pas
fondée.
M. Lebeau vous a dit que par
le vote que vous aviez omis, vous aviez entendu faire du bourgmestre un agent
exclusif du gouvernement.
M.
Lebeau. - Je n’ai pas dit cela !
M.
Dumortier, rapporteur. - Vous avez dit plus, vous avez dit qu’on en
avait fait un commissaire. Or, un commissaire c’est un homme qu’on envoie pour
une commission et qu’on révoque.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est un
commissionnaire ! (On rit.)
M.
Dumortier, rapporteur. - Je prétends que la chambre par son vote n’a
pas voulu faire des commissaires du gouvernement, des agents communaux. Je le
demande à tous, si le gouvernement était venu vous dire : Je veux avoir un
commissaire dans chaque commune, un homme pour exécuter mes volontés, mes
caprices…
M.
Lebeau. - Pour exécuter les lois !
M.
Dumortier, rapporteur. - Vos caprices sont souvent au-dessus des lois. Quand
vous avez destitué deux de vos collègues, vous l’avez bien prouvé.
Si, dis-je, le gouvernement
était venu vous dire : Je veux avoir dans chaque commune un homme pour exécuter
mes volontés, mes caprices, un homme qui soit l’agent du gouvernement, et non
un fonctionnaire municipal, mais mon homme à moi, ne vous seriez-vous pas levés
en masse contre une pareille prétention ? J’ai encore assez de foi dans le
patriotisme de la chambre, je suis persuadé que tous ceux qui ont appuyé la
question préalable, quand il s’est agi de la nomination des bourgmestres, se
seraient levés contre un pareil système. Lisez l’article 108 de la
constitution, vous verrez qu’il attribue au gouvernement un commissaire dans la
province, mais non dans la commune ; il attribue à la commune une
administration qui aura un chef, mais non un commissaire à sa tête. Si le
ministre était venu présenter la question comme l’a exposée le préopinant, je
pose en fait que l’assemblée entière aurait repoussé sa proposition.
Quels moyens a-t-on employés
pour la faire adopter ? Est-on venu dire que le bourgmestre devait être le
commissaire du gouvernement dans la commune ? Non, on est venu dire :
« Dans les petites communes il pourra arriver que personne dans le conseil
ne veuille accepter les fonctions de bourgmestre, ou que le conseil lui-même
demande au gouvernement de choisir le bourgmestre en dehors de son sein ; il
faut bien que le gouvernement, quand tel sera le vœu du conseil, ne soit pas
privé de la faculté d’y faire droit. Voilà ce qu’on est venu vous dire.
Aujourd’hui on change de langage ; on représente les bourgmestres comme les
agents du gouvernement dans les communes ; c’est qu’on veut faire des
fonctionnaires municipaux de simples agents du pouvoir exécutif, des agents
serviles qui exécutent non seulement les lois, mais les caprices du
gouvernement.
Messieurs, lorsque sous le
gouvernement précédent le ministre van Maenen, préludant à la révolution,
voulut imposer au pays des doctrines subversives de tout esprit
constitutionnel, lorsque cette doctrine fut professée devant les mandataires de
la nation qui se turent en l’entendant, que fit le ministre ? Il crut, pour
asseoir son pouvoir, devoir demander l’adhésion des autorités par le fameux
message du mois de décembre. Voici en quels termes Van Maenen s’exprimait en
s’adressant aux agents du gouvernement près des tribunaux :
« En vous rappelant si
fortement les obligations qui reposent sur vous, le roi n’a nullement pour but
de faire violence à la liberté de vos sentiments et de vos opinions ; cette
liberté comme toute autre est respectée aussi bien chez les fonctionnaires
publics que chez tout citoyen sans fonction ; mais comme cette liberté prend
une tendance blâmable et très funeste au bien-être de l’Etat, lorsqu’elle
conduit à la négligence des devoirs et à l’opposition aux vues paternelles du
roi, S. M. se croit obligée de retirer dans l’intérêt public sa confiance à
tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, croiraient ne pouvoir suivre et
adopter les principes que le roi a expressément déclaré, par le susdit message,
être les règles de son gouvernement.
« En conséquence, je vous
invite à réfléchir mûrement au contenu de cette circulaire et du message royal
y annexé, et de m’informer, dans les deux fois 24 heures qui en suivront la réception,
si vous êtes ou non prêt à suivre la marche y indiquée sans vous permettre la
moindre déviation… »
Voilà comment le gouvernement
tyrannique de Guillaume procédait avant la révolution ; voilà comment il
provoquait à cette révolution par ses exigences envers les agents qui étaient à
sa dévotion, envers les agents qu’il pouvait révoquer à chaque instant.
Voulez-vous voir comment ce
même tyran parlait aux autorités communales ? Ecoutez, et vous verrez jusqu’à
quel point il convient de donner au gouvernement les pouvoirs qu’il demande :
« A MM. les bourgmestres des villes et communes des provinces de... »
Je ne parlerai que des faits et ne désignerai aucun nom.
« Ce n’est pas à vous
qu’il est nécessaire de rappeler que votre premier devoir est de seconder le
gouvernement avec zèle dans toutes les mesures qu’il croira utiles au bien-être
de la chose publique : en faisant connaître à vos administrés les principes qui
servent de base à la conduite du gouvernement, et les intentions qui l’animent,
vous coopérerez à affermir son action.
« Ne perdez pas de vue que
c’est dans la confiance et le respect que les administrations inspirent que se
trouve leur principale force ; qu’il ne faut rien négliger pour conserver ou
faire naître ces sentiments, et assurer ainsi une marche ferme et régulière à
leur administration que, dans toutes les circonstances il faut que tous ceux
qui sont revêtus de fonctions conférées par le Roi s’en montrent dignes, en se
ralliant autour de son trône et en donnant l’exemple de la soumission aux lois
de l’Etat et de leur vigilance à les faire respectés. Ils doivent veiller,
s’ils veulent rester investis de la confiance du Roi, à ce que les mesures de
l’exécution desquelles ils sont chargés, le soient ponctuellement… Je ne puis
douter que vous ne vous empressiez de répondre aux intentions positives du
gouvernement. »
Ainsi c’était sous le prétexte
de veiller à l’exécution des lois que l’on voulait imposer à tous les
magistrats, à tous les fonctionnaires publics, l’adhésion à ce manifeste de la
tyrannie contre la liberté. Lorsque cette circulaire fut connue, lorsque l’on
connut le message du mois de décembre, un cri de réprobation s’éleva dans le
pays. On vit que le gouvernement voulait dominer par la crainte et par la
terreur. On sentit alors qu’il était nécessaire d’entourer de garanties les
agents de la commune. Si je lisais les journaux du temps, alors les échos du
pays, vous verriez qu’ils demandaient que les magistrats fussent à l’abri de
pareilles violences morales, que leur opinion fût respectée. Cependant on veut
maintenant mettre le pays dans une position pire, dans une position plus
mauvaise que celle où il était sous le roi Guillaume.
Un honorable préopinant doute
fort que l’on acceptât les anciens règlements de Guillaume, si on venait les
présenter ; eh bien, moi, je déclare hautement, à cette tribune, que si le
gouvernement venait offrir les anciens règlements du roi Guillaume, mis en
harmonie avec les principes de l’art. 108 de la constitution, principes que le
gouvernement ne peut nous enlever, tels sont les principes de l’élection
directe, de la publicité, etc., je déclare que je les préférerais cent fois à
la législation que nous allons voter. Je le dis parce que j’ai une connaissance
profonde de la loi, parce qu’en la rédigeant j’en ai apprécié les détails.
Messieurs, voulez-vous la
preuve qu’il est nécessaire d’entourer ici de garanties les fonctionnaires
communaux. Je la trouverai dans ce que vous avez fait dans les circonstances
précédentes. Vous vous souvenez de ce jour où le gouvernement vint vous
présenter un projet de loi sur les extraditions : vous savez que quand ce
projet parut, il excita de vives craintes dans le pays ; vous savez aussi qu’en
l’adoptant vous l’avez modifié sur tous les points, de manière à entourer de garanties
la personne des étrangers dont un gouvernement voisin demanderait
l’extradition.
Vous avez cru, avec raison,
que l’on ne pouvait prendre trop de précautions pour protéger ceux qui seraient
dans le cas d’être frappés par une mesure gouvernementale ; Eh bien, vos
magistrats vous sont-ils moins chers que des forçats libérés, que des voleurs,
que des assassins ? Je vous le demande, messieurs, vous qui avez donné des
garanties à ceux qui ont été condamnés par les tribunaux, n’en donnerez-vous
aucunes à vos magistrats ? Les garanties que nous réclamons sont-elles donc si
nombreuses ? Non ; elles se réduisent à bien peu de chose : nous demandons que
la députation provinciale donne un avis conforme relativement à la suspension ;
nous demandons que la révocation ne soit pas prononcée quand on ne peut pas
prononcer la suspension. Comment ! pour la suspension vous admettez qu’il faut
une inconduite notoire, des négligences graves de la part du fonctionnaire ; et
lorsqu’il s’agit de la révocation, mesure exorbitante, vous donneriez le droit
de la prononcer sans limites ? Mais voilà un système épouvantable dans un pays
comme le nôtre.
Il faut que les bourgmestres
soient soumis au pouvoir comme un moyen de gouvernement !!!... Mais les
bourgmestres ne sont pas des esclaves ; ce sont des hommes libres. Si, par
notre révolution, les hommes honorables que le peuple a appelés aux fonctions
de bourgmestre ne sont pas arrivés au pouvoir culminant dans notre pays, que,
dans l’intérêt du pays même, ils ont cru devoir rester dans la sphère où ils
étaient placés ; mais la liberté leur est aussi chère qu’aux autres citoyens.
N’avez-vous pas dans cette enceinte l’exemple de deux fonctionnaires révoqués,
l’un pour les votes qui a émis sur les lois présentées par les ministres, l’autre
parce que le peuple l’avait porté à la représentation nationale ? Quelle
confiance pouvons-nous avoir dans le gouvernement après des abus semblables,
après des destitutions et des actes aussi violents ?
M. Rogier. - Et que nous ferions encore !
M.
Dumortier, rapporteur. - Nous tâcherons de ne pas vous ouvrir la voie
qui vous permettrait de le faire encore ; et c’est pour cela que nous
n’abandonnerons pas les magistrats municipaux à la discrétion du pouvoir ; nous
voulons qu’ils jouissent de leur liberté d’opinion ; comme les autres citoyens
; nous voulons qu’ils jouent un rôle plus noble que celui de dociles agents.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable député de Bruges a vu avec regret la perte de temps et la
confusion résultant de la multitude d’amendements présentés relativement à la
suspension et à la révocation ; nous partageons ses regrets, et d’autant plus
que tous les jours nous sentons combien il est nécessaire de donner au pays des
lois qui lui seraient utiles. C’est avec d’amers regrets que nous voyons la
perte du temps causée par d’interminables débats. C’est pour la réparer et pour
mettre de l’ordre au milieu de la confusion que je me suis emparé de votre
règlement, sauvegarde de vos délibérations. S’il fût jamais un cas d’en faire
usage, c’est bien celui pour lequel je l’ai invoqué.
Dans la discussion qui a eu
lieu avant-hier l’honorable député de Bruxelles a nettement exposé les
principes d’après lesquels on pouvait présenter de nouveaux amendements. Ces
principes ont reçu l’assentiment même des orateurs qui sont venus aujourd’hui
combattre la question préalable. Je me suis empressé d’adhérer aux observations
qui ont été présentées avant-hier, et c’est parce que nous nous trouvons dans
une position identique que je viens réclamer une application identique du
règlement. La chambre s’est déjà prononcée de la manière la plus positive sur
une question tout à fait semblable pour la nomination des bourgmestres.
Je pense que ce qu’elle a dit
relativement à la nomination de ces magistrats, elle doit encore le décider
relativement à leur révocation, C’est de la même manière que le gouvernement
s’était réservé la nomination des bourgmestres et que vous la lui avez
accordée, qu’il s’est réservé la révocation des bourgmestres et que vous la lui
avez donnée.
Il en est de même pour la
suspension : elle peut être prononcée soit par le gouverneur, soit par la
députation des états. Cette suspension a déjà été votée par la chambre : que
venons-nous vous demander aujourd’hui ? C’est de maintenir votre première
décision. Messieurs, la question préalable que j’ai demandée ne se fonde pas
seulement sur les termes exprès du règlement, mais je dirai que la chambre,
dans l’intérêt même de ses propres décisions, doit faire une application
rigoureuse de son règlement. Qu’y a-t-il de plus étonnant que de voir décider
dans une première discussion une question, et de la voir au second vote résolue
d’une autre manière ? C’est cependant ce que l’on vous propose de faire : on
vous demande d’annuler votre vote, et de déclarer que ce qui était hier une
décision n’en soit plus une aujourd’hui.
J’ai dit que les termes du
règlement étaient précis. Sur quoi se fonde-t-on pour repousser la question
préalable et pour proposer de nouveaux amendements ? Certainement ce n’est pas
sur un article rejeté puisque l’article a été adopté.
Ajoutez à cette considération
que les amendements que l’on propose aujourd’hui ont été discutés lors du
premier vote et ont été repoussés. Mais, dit-on, d’autres articles votés par la
chambre peuvent motiver les amendements que nous reproduisons aujourd’hui.
Examinons les articles.
Est-ce parce que la chambre a
admis récemment l’élection directe des échevins qu’elle doit revenir sur la
suspension et la révocation des bourgmestres ? Pour moi je crois que c’est une
conclusion opposée qu’il faut en tirer. Plus vous donner d’influence à
l’élection, plus vous devez donner d’influence au gouvernement sur les
bourgmestres.
Enfin la dissolution des
conseils communaux réclamée par le gouvernement a été rejetée au premier vote :
or du moment qu’on ne peut pas dissoudre les conseils communaux, il y a une
nécessité de plus d’admettre la révocation et la suspension des officiers
municipaux chargés de l’exécution des lois dans les communes.
Mais, dit-on, l’art. 15 du
projet déclare que les bourgmestres sont nommés pour six années ; cet article
se trouve en contradiction avec le droit de révocation. Nullement, il n’y a
aucune espèce de contradiction entre la révocation et cet article 15 ; ces deux
dispositions peuvent très bien marcher d’accord. Le bourgmestre est nommé pour
6 ans, à moins qu’il ne soit révoqué pendant le cours de cette période.
Il y a plus. Le temps de la
durée des fonctions du bourgmestre avait été présenté par le gouvernement dans
son projet ; ainsi quand la chambre a voté la révocation, elle l’a votée en
présence du texte du projet du gouvernement qui limitait le mandat du
bourgmestre à une durée de six années. Il n’y a donc aucune espèce de fondement
dans les arguments que l’on veut faire prévaloir.
On a encore parlé des
attributions des bourgmestres ; et sous ce rapport, loin de vouloir étendre
l’action du gouvernement, on l’a resserrée dans des limites plus étroites. Ce
ne pourrait certes pas être par cette considération que l’on voudrait faire
naître la nécessite de restreindre l’action du gouvernement sur les officiers
municipaux. C’est le contraire qu’il faudrait en conclure.
De quelque manière que l’on
envisage la question, il est évident qu’aucun des votes de la chambre ne vient
justifier le rejet de la question préalable ; au contraire, les votes de la
chambre viennent fortifier, appuyer cette question préalable ; et je pense qu’il
serait impossible de rien ajouter à des motifs aussi péremptoires.
Tout en combattant la question
préalable, on est entré dans le développement de considérations sur le fond :
j’avais évité d’attirer la discussion sur ce terrain ; je dois suivre nos adversaires
; toutefois, je ne présenterai que quelques légers aperçus sur les questions
qu’ils ont agitées.
On a cité l’autorité de
Henrion de Pansey ; mais l’on a perdu de vue que ce jurisconsulte parlai sur le
régime des maires et en l’absence d’un collège d’échevins, collège qui est une
garantie donnée par notre loi municipale aux communes. Cette garantie n’existe
pas en France.
Quoi qu’il en soit, on a dit
d’après Henrion de Pansey que le pouvoir municipal ne devait être retiré aux
bourgmestres que pour des motifs déterminés ; mais on n’a pas dit que Henrion
de Pansey se hâte d’ajouter que, dans tous les cas, le gouvernement pouvait
retirer, à l’instant même, aux agents municipaux, toute leur intervention dans
l’administration publique et l’exécution des lois, et de façon à pouvoir
sur-le-champ substituer des fonctionnaires de son choix à l’agent municipal
pour ce qui concerne le service public. Votre loi municipale nous donne-t-elle
cette faculté ? Nous donne-t-elle le pouvoir de créer, dans l’intérêt du gouvernement,
des agents directs et exclusifs ? Evidemment non ; il faut donc chercher un
autre tempérament afin de ne pas ralentir l’exécution des lois ; et ce
tempérament vous ne pouvez le trouver que dans la suspension et la révocation
des agents qui réunissent et l’autorité exécutive municipale et l’autorité
centrale dans la commune.
Je ferai remarquer que je ne
regrette pas que notre loi n’accorde pas le droit de substituer d’autres agents
au bourgmestre ; car ce serait créer un fonctionnaire exceptionnel et en
opposition avec un agent municipal dans la commune, système inexécutable. Et
puis le pouvoir exécutif municipal que le bourgmestre reçoit du gouvernement ne
peut être irrévocable.
Henrion de Pansey a parlé des
abus qui avaient eu lieu dans les commencements de la révolution française ;
car les lois qu’il examine sont les lois de cette époque : mais si ces abus ont
été critiqués avec fondement, on peut critiquer avec autant de fondement les
abus commis par les tribunaux de la même époque, les abus du pouvoir législatif
d’alors : faut-il conclure de là que l’on doit supprimer le pouvoir judiciaire,
le pouvoir législatif ? évidemment non ; les abus commis dans des temps de
crise ne peuvent être pris en considération pour repousser l’intervention du gouvernement
dans des temps ordinaires et calmes.
Si le
gouvernement n’avait pas le droit de révoquer et de suspendre les bourgmestres,
quelle garantie aurait-il pour l’exécution des lois ? Qu’un bourgmestre soit
négligent à remplir ses devoirs, qu’il ne comprime pas l’émeute, qu’il ne
maintienne pas la tranquillité, quelle influence le gouvernement pourra-t-il
avoir pour assurer l’ordre dans le pays ? Je ne conçois pas en vérité comment
on peut combattre le droit de révoquer les bourgmestres !
Tout ce que je dis pour le
droit de révocation et de suspension s’applique aux limites dans lesquelles on
veut renfermer ce droit et je demande que l’on n’ajoute aucune autre limite au
droit de révocation et de suspension que celle qui a d’abord été admise par la
chambre. Mais il en est autrement quant aux échevins, l’élection directe que
vous avez admise peut autoriser la discussion des amendements qui sont
présentés : aussi la question préalable ne s’applique-t-elle nullement à ces
amendements.
M.
Jullien. - L’honorable M. Lebeau a adressé aux orateurs qui ont parlé
avant lui un compliment auquel je ne doute pas qu’ils ne soient sensibles.
Seulement il a ajouté ensuite qu’ils avaient confondu la révocation judiciaire
avec la révocation administrative.
Je crois que l’honorable M.
Lebeau est dans l’erreur. Il n’y a pas de révocation judiciaire. Lorsqu’un
fonctionnaire public est traduit devant les tribunaux, s’il est coupable, l’on
prononce contre lui une peine. Si cette peine entraîne après elle la révocation
des pouvoirs dont il est investi, il est par le fait seul de sa condamnation
destitué. Sinon, il les conserve. Une multitude de condamnations judiciaires
n’entraînent pas la révocation des fonctionnaires qui en sont frappés.
La révocation administrative,
dit l’honorable M. Lebeau, est un moyen de gouvernement. Oui, sans doute, c’est
un moyen de gouvernement. Mais c’est un moyen dont il ne faut pas que le
gouvernement puisse abuser. Si on l’on accordait la révocation pure et simple,
vous comprenez l’usage qu’il en pourrait faire.
Le Roi à la nomination de
presque tous les emplois publics. S’ensuit-il que comme moyen du gouvernement
il fallût accorder au Roi le droit de révoquer tous ceux qui sont à sa
nomination ? Le Roi devrait-il avoir le droit de révoquer les officiers de
l’armée, par exemple ? Assurément non. La loi a entouré de garanties la
nomination de certains fonctionnaires tout en la laissant au Roi.
Mais, a dit dans une autre
séance, l’honorable M. Lebeau (et je regrette que la clôture de la séance ne
m’ait pas permis de lui répondre immédiatement), pouvez-vous forcer le Roi à
déléguer des pouvoirs à des fonctionnaires qui n’auraient pas sa confiance ? Je
regarde cette proposition émise par l’honorable M. Lebeau, comme une hérésie en
fait de constitution.
Le Roi ne délègue pas ses
pouvoirs aux fonctionnaires, c’est la loi qui délègue ses pouvoirs à tout
fonctionnaire public depuis le premier jusqu’au dernier. C’est la loi qui
délègue son pouvoir au Roi lui-même. Car, aux termes de l’art. 117 de la
constitution, le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux qui lui sont accordés par
la constitution ou en vertu des lois portées dans l’esprit de la constitution.
Vous voyez que le Roi n’a pas de pouvoirs à déléguer. Dans un gouvernement
constitutionnel, c’est la loi qui est souveraine. Le Roi est le premier sujet
de la loi : voilà des principes fondamentaux qui peuvent avoir été méconnus par
le gouvernement, mais dont on ne devrait jamais s’écarter.
Je reviens à cette malheureuse
question préalable, pour en finir une bonne fois.
M. le ministre de l’intérieur
persiste à dire que cette question préalable doit clore toute discussion, non
seulement sur le principe de la révocation, mais même sur le mode d’application
de ce principe.
En vérité, je ne conçois plus
M. le ministre de l’intérieur. Je conçois qu’il demande la question préalable
sur tout amendement tendant à détruire la première décision de la chambre par
laquelle il a été admis que le Roi, ayant la nomination du bourgmestre, aurait
également le droit de révocation de ce fonctionnaire. Mais que M. le ministre
de l'intérieur s’oppose à ce que le mode de révocation soit changé, alors que
le mode de nomination a été modifié, c’est ce que je ne puis admettre. Vous
avez changé le mode de nomination du bourgmestre, du moment que vous avez
accordé au Roi la faculté de choisir ce fonctionnaire hors du sein du conseil.
Vous en avez agi ainsi à
l’égard de la nomination des échevins que vous avez complètement modifiée.
Nierez-vous que la chambre n’ait pas le droit également de modifier, le mode de
révocation à leur égard ?
La chambre est en droit de
présenter des amendements, tendant à entourer ce droit de révocation du
bourgmestre de toutes les garanties qu’elle jugera nécessaires. Tel est en
réalité l’esprit du règlement. L’article en vertu duquel M. le ministre demande
la question préalable ne s’applique pas rigoureusement à une disposition
particulière, mais à la loi tout entière. Car si une disposition amendée au
second vote dérangeait toute l’économie d’une loi, il est évident qu’il
faudrait remanier toutes les dispositions précédemment admises qui seraient en
contradiction avec le principe définitivement adopté, Ce sont là des notions
élémentaires en matière d’interprétation d’un règlement. Tous les articles
d’une loi ont des relations les uns avec les autres. Si vous en changez un, il
est très possible que vous dérangiez tout le système de la loi. Vous ne pouvez
admettre dès lors qu’il ne soit plus permis de revenir sur les autres articles,
eussent-ils été admis sans discussion au premier vote. Il faut que la chambre
puisse mettre en harmonie avec le nouveau principe tel article adopté, comme
étant le complément nécessaire d’un principe d’abord posé. Sera-ce le cas de
venir présenter la question préalable ?
Il est
temps d’en finir avec les questions préalables. Je demande que l’on mette aux
voix celle de M. le ministre de l’intérieur.
Le vote de la chambre décidera
si le Roi aura le droit de révocation, Quant aux conséquences de cette décision,
j’espère qu’à cet égard la chambre reprendra ses droits parce qu’elle ne les
aura pas perdus.
- La clôture est demandée.
M. le
président. - Je mettrai la clôture aux voix.
M.
Dubus. - Je ferai une seule observation. J’ai demandé la parole avant
que personne ne se fût levé pour la clôture. M. le président, au lieu de
m’accorder la parole, a, pour ainsi dire, provoqué quelques membres à demander
la clôture.
M. le
président. - Je ferai observer à M. Dubus que je suis obligé de mettre
la clôture aux voix, chaque fois qu’elle est réclamée par 10 membres.
M.
Dubus. - Je demanderai à la chambre la permission de répondre deux mots
à M. le ministre de l’intérieur.
M. le président. - Je vous prie de parler sur la
clôture.
M.
Dubus. - C’est sur la clôture que je parle. M le président ne peut
m’accorder la parole. Il faut bien que je la demande à l’assemblée. M. le
ministre de l’intérieur s’est posé un grand nombre de questions…
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Parlez sur la clôture.
M. Dubus. - Je prie M. le ministre des
finances de ne pas m’interrompre. M. le ministre de l’intérieur, dans le but
d’appuyer la question préalable a rencontré une foule d’argumentations que je
n’ai pas employées, et s’est bien gardé de réfuter les objections que j’avais
faites. La méthode est commode. Il est bien nécessaire que je lui réponde.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
demande que la chambre n’accorde pas la parole pour la quatrième fois à M. Dubus. C’est le règlement à la main
que je fais cette proposition.
M.
Dubus. - Je ne sais si M. le ministre des finances était présent la
séance d’hier. Il aurait su que la question préalable n’a été demandé par M. le
ministre de l’intérieur que vers la fin de la séance.
Cette question a été discutée
dans la séance d’aujourd’hui et l’assemblée a bien voulu m’entendre. Ainsi,
loin d’avoir parlé 4 fois sur la même question, je n’ai parlé qu’une fois. J’ai
donc raison de demander à être entendu.
M.
Jullien. - Si le droit de l’honorable M. Dubus a réclamé la parole
était douteux, il ne le serait plus à présent. Car l’on ne peut ordonner la
clôture après qu’un ministre a parlé (Hilarité
générale.)
M.
Rogier. - La clôture sera prononcée après vous et non après M. le
ministre des finances. (Hilarité.)
M.
Jullien. - Il n’y a pas lieu de prononcer la clôture sur le fond.
L’honorable M. Dubus doit être entendu. Je ne vois pas pourquoi dans une question
aussi importante, à laquelle nous avons consacré trois séances, nous nous
refuserions à y consacrer un quart d’heure encore et à entendre l’honorable M.
Dubus, qui n’est pas accoutumé à abuser des moments de la chambre, et qui tend
à éclairer des points souvent très difficiles dont il ne serait pas possible à
tout le monde de sortir, sans les discussions lumineuses auxquelles il se
livre.
- La
clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la question préalable demandée par
M. le ministre de l’intérieur sur le droit de révocation des bourgmestres.
M. Dubus. - Je demande la parole sur la
position de la question.
J’appelle l’attention de l’assemblée
sur une observation faite par l’honorable M. Jullien. L’honorable orateur a dit qu’alors même que la
question préalable viendrait à établir en principe le droit de révocation, il
ne croyait pas que la décision de chambre l’empêchât d’entourer ce droit de
toutes les garanties qu’elle pouvait désirer. Il importe que la chambre soit
appelée à se prononcer sur ce point.
M. le président a posé ainsi
la question : Les bourgmestres pourront-ils être révoqués par le Roi ? La
chambre admet-elle la question préalable sur cette disposition ? il s’agit de
savoir si la question préalable décidera le droit dans un sens absolu, et s’il
ne sera plus permis d’entourer la révocation des garanties que nous réclamons.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Lorsque j’ai demandé la question préalable, j’ai dit que toute garantie
introduite dans l’article serait un amendement à une disposition
irrévocablement adoptée par la chambre. Dès lors, dans mon opinion, la question
préalable emporte la suppression des amendements que l’on pourrait présenter.
M.
Lebeau. - Il me paraît que M. le ministre de l'intérieur demandé la
question préalable non seulement sur le droit de révocation, mais encore sur
celui de suspension.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Certainement.
M.
Dubus. - Alors il faut rouvrir la discussion. (Non ! non !)
M. Lebeau. - Messieurs, il est évident que si vous
n’admettez pas la question préalable dans le sens de M. le ministre de
l'intérieur, vous allez formuler la résolution la plus oiseuse que la chambre
ait jamais prise.
Quel est le but de la question
préalable ? C’est d’écarter tous les amendements. Elle emporte le droit de
révocation en principe. Le but des amendements est de modifier l’application de
ce principe, tandis que M. le ministre de l’intérieur veut faire regarder comme
irrévocablement décidé par la chambre non seulement le principe de révocation,
mais la révocation pure et simple telle qu’elle a été admise par l’assemblée
dans le premier vote. En outre, je demande qu’il soit bien établi d’avance que
la question préalable réclamée par M. le ministre porte sur la révocation et
sur la suspension.
Il y a
identité de raisons dans les deux cas. Les mêmes motifs qui ont été allégués en
faveur du droit de révocation peuvent l’être en faveur du droit de suspension
du bourgmestre. Je ne parle pas de la suspension des échevins, il est évident
qu’à leur égard il y a lieu de statuer ultérieurement sur le mode dont ce droit
sera exercé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je déclare que ce que vient de dire l’honorable préopinant est de la plus
grande exactitude. C’est ainsi que j’ai posé la question préalable dès le
début.
M.
Dubus. - La question se présente sous un jour tout nouveau. (Non, non.) Aussitôt la clôture
prononcée, l’on donne des développements à la proposition alors que l’on ne
peut plus la discuter. J’en appelle à vos souvenirs (et messieurs, je ne vous
reporterai pas à une époque éloignée), M. le ministre de l’intérieur, qui a
parlé l’avant-dernier, a-t-il dit un mot sur le droit de suspension ?
Je puis certifier que non,
moi, qui l’ai écouté avec la plus scrupuleuse attention. Il a traité le
principe de la révocation du bourgmestre. Cela est tellement vrai que M. le
président lui-même a posé la question préalable, comme s’appliquant au dernier
paragraphe de l’art. 9. Ainsi, le président, obligé par la nature de ses
fonctions de porter une attention de tous les instants sur les discussions
qu’il a mission de régler, n’a pas compris la proposition de M. le ministre de
l'intérieur autrement que moi-même.
La plupart des membres de
cette assemblée partagent la même opinion. Nous ne pouvons traiter actuellement
la question du droit de suspension puisque la clôture été demandée. Mais je
désire que la chambre revienne sur cette décision de clôture. Rien n’a été dit
sur le droit de suspension, puisqu’on n’a pas compris que M. le ministre de
l’intérieur l’enveloppait dans sa question préalable.
J’avais
demandé la parole pour démontrer combien la question préalable était grave,
telle que la dernière observation de M. le ministre venait de la présenter.
D’après cette dernière observation, il entendait que la question préalable
écartât tout amendement au dernier paragraphe de l’art. 9 par lequel on
chercherait à entourer le droit de révocation de garanties. Cela me paraissait
extrêmement grave. Mais voilà que l’on vient nous dire qu’il y a identité de
raisons pour la suspension. Je voudrais combattre ces allégations. Je demande
donc que l’assemblée rouvre la discussion. (Aux
voix.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je regrette que l’honorable préopinant ait perdu de vue ce qui s’est passé
dans la séance d’hier, ce que j’ai dit dans celle d’aujourd’hui.
Quand j’ai développé la
question préalable sur le droit de révocation du bourgmestre, j’ai ajouté en ce
qui concernait la suspension : « Je vais exposer qu’il doit en être de
même quant à la suspension du bourgmestre. »
Aujourd’hui encore j’en
appelle aux souvenirs de l’assemblée, j’ai soutenu la question préalable sur le
droit de suspension.
M.
Jullien. - Je ne m’oppose pas à la clôture, parce que vous aurez beau
prendre une décision sur la question préalable, elle n’emportera jamais que les
conséquences qu’elle peut emporter. Elle ne peut s’appliquer qu’à ce qui a été
décidé dans un premier vote, à savoir que l’on accorderait au Roi le droit de
révocation du bourgmestre, alors qu’il n’avait pas été présenté d’amendement au
mode de nomination. Maintenant que des modifications ont eu lieu sur ce mode,
il peut y avoir également des modifications quant au mode de révocation ; M. le
ministre de l’intérieur semblait l’avoir compris ainsi, puisqu’il nous a
laissés discuter deux jours de suite sans présenter la question préalable. Si elle
avait pu s’appliquer aux amendements proposés, il ne nous aurait pas fait
perdre inutilement notre temps. Il avait proposé la question préalable à
l’instant qu’il s’était agi de changer le mode de révocation. Beaucoup de
membres de cette assemblée soutenaient que l’on ne devait plus accorder le
droit de révocation du moment que le mode de nomination du bourgmestre était changé. C’est alors que M. le ministre a
présenté en désespoir de cause sa demande de question préalable. Quand la
question préalable aura été décidée, elle n’aura d’autre effet que de confirmer
ce qui a été résolu par un premier vote ; c’est pour cette raison qu’il n’y a
pas à statuer sur la clôture et à mettre aux voix la question préalable,
puisque ses conséquences ne pourront empêcher la chambre d’entourer le droit de
révocation des garanties qu’elle jugera nécessaires.
En un mot, du moment que vous
avez changé d’une manière aussi notable le mode de nomination du bourgmestre,
vous ne pouvez nous empêcher de changer le mode de révocation. C’est une
conséquence nécessaire.
M.
Dumortier, rapporteur. - Ce qu’il y a de plus clair dans tout ceci,
c’est que le gouvernement augmente à chaque instant ses prétentions.
L’on ouvre avant-hier la
discussion sur la question de révocation du bourgmestre. Hier l’on propose la
question préalable sur la discussion en tant qu’elle est relative à la
révocation. Aujourd’hui l’on vient demander d’étendre la question préalable à
la suspension. Je voudrais que M. le ministre de l’intérieur nous dît comment
il justifie une pareille demande. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que cette
question préalable est un moyen détourné pour nous empêcher d’améliorer la loi,
pour écarter les amendements que nous sommes en droit d’y introduire. Que l’on
consulte le texte primitif de la disposition du gouvernement, et l’on verra...
Plusieurs membres. - C’est sur le fond.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je parle sur la position de la question.
Le texte de l’article du
gouvernement porte :
« Le bourgmestre et les
échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la
députation des états, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au
gouvernement.
« La
durée de la suspension ne peut excéder trois mois. »
L’amendement adopté lors du
premier vote porte que le bourgmestre pourra être suspendu de ses fonctions
pour un terme de trois mois au plus
(premier amendement) et pour cause d’inconduite
ou de négligence grave (second amendement) Nous avons donc le droit de
revenir sur ces amendements si nous voulons, et c’est ce droit que M. le
ministre de l’intérieur veut nous enlever par des moyens détournés.
La question de suspension du bourgmestre
n’a pas été abordée. Ce serait violer le règlement que d’empêcher la
discussion. Je pense, pour ces motifs, que vous devez écarter la question
préalable.
M. le ministre de l'intérieur (M. de
Theux). - Je pense qu’il est inutile de répondre à l’égard des
reproches de l’honorable préopinant. La chambre a compris la portée de ma
proposition. Il n’y a pas de doute possible sous ce rapport.
Il est bien entendu que la
question préalable portera sur le droit de révocation et de suspension pure et
simple.
La question préalable une fois
admise, il ne sera plus possible de modifier ce droit par des amendements.
M.
Dubus. - Ainsi nous serons sans garantie.
M. Jullien.
- Je désire savoir si M. le ministre de l'intérieur entend demander la question
préalable sur son propre amendement. (Hilarité
prolongée.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable M. Jullien veut plaisanter. Mon amendement n’a trait qu’aux
échevins et non au bourgmestre.
M.
Jullien. - Je croyais qu’il s’agissait du droit de révocation sur
l’ensemble.
M. le
président. - Je vais mettre la question préalable aux voix.
M.
Fleussu. - Je demande la division.
M. le
président. - Je vais mettre d’abord aux voix la question préalable sur
le droit de révocation du bourgmestre, ensuite sur le droit de suspension.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je demande l’appel nominal.
- Il est procédé à l’appel
nominal sur la question préalable relative au droit de révocation du
bourgmestre par le Roi.
78 membres sont présents et
prennent part au vote.
48 adoptent.
30 rejettent.
En conséquence la question
préalable est admise.
Ont adopté : MM, Berger,
Brabant, Brixhe, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de Behr,
de Brouckere, A. Dellafaille, H. Dellafaille, W. de Mérode, F. de Mérode,, de
Muelenaere, Dechamps, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Theux, Devaux,
Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy, Ernst, Fallon,
Fleussu, Lardinois, Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers,
Polfvliet, Quirini, Raikem, Rogier, Schaetzen, Simons, Trentesaux, Ullens,
Vanderbelen, Vanderheyden, Verrue, Watlet, Zoude.
Ont rejeté : MM. Bekaert,
Bosquet, Dautrebande, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Roo, de Sécus,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Frison,
Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Legrelle, Pirson, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Troye, Van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, L.
Vuylsteke,, Wallaert.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je demande que mon vote négatif soit mentionné
au procès-verbal.
M.
Gendebien. - Je le demande également.
M.
Desmet. - Et moi aussi.
M. le
président. - Il sera fait droit à ces diverses demandes.
Voici le résultat du vote par
appel nominal ;
- 78
membres répondent à l’appel nominal.
48 ont répondu oui.
30 ont répondu non.
En conséquence la question
préalable est adoptée pour ce qui concerne la révocation.
M. le président. - Vient maintenant la suspension
des bourgmestres.
M.
Legrelle. - Il est
bien entendu que si la question préalable est adoptée, le bourgmestre pourra être
suspendu par le gouverneur, vous le laissez dépendre…
Plusieurs voix. - La clôture est prononcée.
M. le
président. - Le premier vote subsiste quant à la révocation des
bourgmestres.
M.
Dubus. - Je demande la parole sur la position de la question. Avant
qu’on n’eût présenté la question préalable, un ministre avait proposé d’ajouter
le mot notoire après celui inconduite. Il est entendu que cette modification ne
pourra pas même être introduite.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- C’est inutile !
M. le président. - Je ferai une observation, c’est
que les mots pour cause d’inconduite et
de négligence grave sont un amendement qui aux termes du règlement peut
être modifié. La question préalable porte uniquement sur ce que le bourgmestre
pourra être suspendu.
M.
Jullien. - On ne s’entend pas.
M.
Dubus. - Voilà l’inconvénient de voter une question préalable sans la
discuter. Je ne sais si le ministre a entendu sa proposition comme l’honorable
président. M. le président dit qu’il y a dans l’art. 9 un amendement
susceptible d’être modifié. Selon cette manière de voir, la question préalable
ne porterait pas sur cet amendement. D’après la manière de voir du ministre, la
question préalable s’appliquerait à tout le premier paragraphe en ce qui
concerne le bourgmestre. Je ne vois pas, quant à moi, quelle serait
l’efficacité de la question préalable dès qu’on peut amender la dernière ligne
de la disposition, car on proposera des amendements qui affecteront tout le
paragraphe. Je ne comprends pas la question préalable.
M.
Jullien. - Je vous prie de vous souvenir de ce qui s’est passé. Une
interpellation a été adressée au ministre. Il a expliqué sa pensée, M. le
président a aussi expliqué la sienne. Le ministre a dit qu’il entendait que la
question préalable frappait sur la révocation, et sur tous les amendements qui
avaient pour objet de modifier le mode de révocation. Tandis que M. le
président a mis seulement aux voix la question préalable sur la révocation.
C’est là ce que vous venez de voter.
Je
demanderai si le président, en mettant aux voix la question préalable sur le
principe de la révocation, a entendu qu’elle portait en même temps sur les
amendements qui se rattachaient à la nomination et à la révocation des
bourgmestres. Il m’a semblé que non.
M. le président a posé la
question préalable de cette manière, qu’elle ne portait que sur le principe de
la révocation. Il faut maintenant la poser sur les amendements, ou bien la
question préalable ne les affectera pas. Qu’on s’explique franchement.
M.
Lebeau. - L’opinion de M. le président importe peu ici. Il s’est agi
seulement de la révocation et non de la division. M. le président s’est trompé.
Je ne le crois pas infaillible, mais je suis sûr de son impartialité.
On soutient que la question
préalable, proposée par le ministre, ne s’applique pas à la suspension. Pour
celle que vous venez de voter c’est vrai ; vous venez de voter seulement sur la
question de révocation. Mais il y a un autre point de fait, c’est de savoir si
le ministre a proposé la question préalable sur la suspension des bourgmestres.
Or, le Moniteur a la main, rien n’est
plus clair que le ministre a demandé la question préalable sur la suspension.
Après avoir comparé les
articles proposés par le gouvernement et ceux adoptés par la chambre
relativement à la révocation des bourgmestres, le ministre ajoute :
« On ne peut pas mettre
en doute que la disposition adoptée soit entièrement conforme à celle du
gouvernement.
« M. de Brouckere - En ce qui concerne la révocation des
bourgmestres.
« M. le ministre de l'intérieur - Je suis d’accord avec l’honorable
député de Bruxelles en ce qui concerne le droit de révocation des bourgmestres.
Je vais expliquer qu’il doit en être de même quant à la suspension des
bourgmestres.
« L’art. 10 du gouvernement
portait :
« Le bourgmestre et les
échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la
députation des états, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au
gouvernement.
« La durée de la
suspension ne peut excéder trois mois. »
Maintenant l’art. 9 porte quant
à la suspension :
« Les bourgmestres et échevins
peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la
députation provinciale, pour le terme de trois mois au plus, pour cause
d’inconduite ou de négligence grave.
« Il est évident qu’il n’y
a amendement à l’art. 9, quant à la suspension, qu’en ce que les mots
« pour cause d’inconduite ou de négligence grave » ont été substitués
à l’obligation de donner avis au gouvernement dans les 24 heures ; de sorte que
je pense que la révocation et la suspension sont à l’abri de toute
critique. »
Je me
permettrai de faire remarquer que, répondant à l’honorable député de Tournay,
j’ai traité la question de suspension du bourgmestre, que j’ai soutenu qu’aux
termes du règlement, la question préalable proposée par le ministre
s’appliquait avec une égale force à la suspension et à la révocation. On ne
peut donc pas dire qu’il y a eu surprise. J’ai parlé près d’un quart d’heure
sur ce point. On a si bien entendu que la proposition du ministre portait sur
la révocation et sur la suspension, qu’on a demandé la division.
Maintenant que nous avons voté
par division sur la révocation, nous allons voter sur la suspension. Si on veut
ensuite proposer un amendement aux derniers mots du paragraphe, ajouter par
exemple, le mot notoire, après celui inconduite, rien n’empêchera qu’on le
mette en discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense qu’au moyen d’une simple explication, il sera facile de nous mettre d’accord.
Le premier paragraphe de l’art. 9 se compose de deux parties. La première n’est
que la reproduction de la proposition du gouvernement. Mais la seconde partie
forme un amendement qui peut être sous-amendé. C’est par ce motif que le
ministre des affaires étrangères a proposé d’ajouter le mot : notoire, après
celui : inconduite. J’ai consenti à cette modification.
Voici la partie du paragraphe
qui ne fait que reproduire la proposition du gouvernement : « Les
bourgmestres peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par
la députation provinciale, pour le terme de trois mois au plus. »
Quant à la seconde partie : «
pour cause d’inconduite ou de négligence grave, » c’est un amendement qui
peut être modifié, mais la première ne peut pas être amendée, il y a chose
jugée par la chambre. Cette première partie est à l’abri de toute modification.
Je conviens
que la chambre peut faire sur la deuxième partie du paragraphe tel amendement
qu’elle jugera à propos, ajouter, diminuer selon qu’elle le jugera utile.
Un honorable membre a demandé
quelle sera alors de la question préalable. C’est que le principe de la
suspension est lui-même contesté. C’est ce principe que je veux faire déclarer
irrévocablement admis. Si la question préalable est adoptée, tout est dit.
M.
Dubus. - Vous voyez bien que la discussion vient d’être rouverte sur la
question préalable. Il a été impossible à M. le ministre de l’intérieur
d’expliquer ce qu’il entend par question préalable sans discuter le fond. Il a
été impossible à l’honorable M. Lebeau de parler de la question préalable sans
donner lecture d’un passage qui touche le fond. Je demande donc que la
discussion soit rouverte sur la question préalable quant à cette seconde
branche, quant à ce qui concerne la suspension.
Messieurs, je cherche de
quelle manière on posera la question, et je suis véritablement embarrassé, et
de la manière dont on la posera, et des conséquences du vote qui sera rendu.
Mais, dit-on cette fois, c’est
la question préalable sur le principe de la suspension. Qu’entend-on par là ?
Mais le principe est admis puisqu’on est d’accord que dans des cas déterminés
il y aura suspension possible.
Déjà quant à cela, la question
préalable n’a réellement pas d’objet. On veut distinguer dans la première
partie de l’art. 9 une moitié de la partie de l’autre moitié, comme si une
moitié était votée et l’autre pas. C’est un système que j’ai peine à
comprendre.
Evidemment, vous pouvez
rejeter le tout ; mais vous ne pouvez admettre la phrase que lorsque vous
l’aurez complétée. On laisse le champ libre à tous les amendements pour
compléter cette phrase, et la disposition demeure incomplète quand ces deux
parties ne sont pas jointes. La chambre n’a pas voté l’une sans l’autre.
D’abord, l’article de la section centrale portait pour premier paragraphe :
« Les bourgmestres seront révoqués par le Roi. »
Le deuxième paragraphe était
relatif à la suspension ; le ministre avait déclare se rallier au premier et
non au deuxième. L’honorable M. de Theux a proposé par forme d’amendement, non
pas une phrase à ajouter dans l’article, mais une disposition complète ; on l’a
mise aux voix, et c’est encore cette disposition complète qu’il faut remettre
aux voix ; elle a été modifiée, et aux termes du règlement, nous pouvons la
modifier encore aujourd’hui.
Nous
pouvons aller plus loin, moins loin, il n’y a aucune entrave sur ce point à
nous opposer. On n’a pas commencé par mettre aux voix s’il y aurait lieu à
suspension, si elle serait prononcée. Tout cela est remis en question, soit
d’après le texte, soit d’après l’esprit du règlement. Il y a, en remettant
l’article en discussion, conformité au règlement, qui porte que les articles
qui se trouvent dans cette catégorie, devront être remis en discussion au
second vote.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est manifeste
que M. le ministre de l’intérieur est maintenant a cent lieues du point où il
se trouvait y a un quart d’heure. Vous voyez que les ministres font vite du
chemin. (On rit.) Il y a un instant
M. le ministre prétendait que vous étiez liés par votre premier vote. C’est
ainsi que M. le ministre a posé la question avant l’appel nominal, et on lui a
démontré que tout consistait en un amendement que lui, M. le chevalier de Theux
de Meylandt, a présenté en juillet dernier. Je demande à M. le ministre ce que
c’est qu’une question de principe que personne ne conteste. On a voulu nous
faire perdre du temps. Je vois que nous avons discuté pour le bon plaisir de M.
le ministre. Je crois que nous devons passer à la question préalable pour la
rejeter ou l’adopter, ce qui sera absolument la même chose quant au résultat.
M. Rogier. - Il me semble que si la question
préalable est résolue affirmativement, elle nous mènera plus loin qu’on le dit.
Le gouvernement et la chambre ont été d’accord sur le principe suivant :
« Les bourgmestres et
échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par les gouverneurs ou par
la députation provinciale. »
Ainsi, je crois que la
question préalable peut porter sur toute la première partie de l’art. 9. Si
ensuite, on veut introduire des amendements sur le dernier paragraphe pour
cause d’inconduite, la chambre est libre de le faire. Si on veut ajouter le mot
« notoire » j’y consens encore, Mais j’insiste sur l’observation que
j’ai faite en commençant.
M. Fleussu. - C’est mal argumenter d’une
disposition que de la scinder ; il faut la présenter dans son entier. La
disposition que l’on veut mettre en dehors, est d’une telle influence sur le
principe, que c’est en sa considération que le principe a été adopté. Il y a un
amendement qui porte son influence sur tout l’article, c’est celui qui stipule
le cas de négligence grave ou inconduite notoire. N’est-il pas possible que si
l’on n’avait pas admis cet amendement on n’aurait pas admis la suspension. Vous
voyez donc qu’on ne peut séparer les deux parties de et que cette réflexion est
péremptoire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il me sera très facile de me mettre d’accord avec préopinant. Je crois en
effet qu’il aurait raison si le gouvernement avait persisté à repousser les
garanties que la chambre a adoptées. Mais au contraire j’ai dit que je me ralliais
aux garanties adoptées ; bien plus, j’ai dit que la chambre pouvait ajouter de
nouvelles garanties aux premières, si elle ne trouvait pas suffisantes les
garanties déjà adoptées.
Un grand nombre de membres. - Aux voix !
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la question préalable sur la
disposition suivante de l’art. 9 : « Le bourgmestre peut être suspendu de
ses fonctions par le gouverneur ou la députation provinciale pour le terme de 3
mois. »
M. Dubus. - On ne peut pas demander la
question préalable sur un principe. La question ne peut pas être posée de cette
manière.
M.
Jullien. - Il faut demander la question préalable sur la question
préalable.
Plusieurs membres. C’est cela.
M.
Dumortier, rapporteur. - Le seul moyen de s’en sortir est de mettre aux
voix la question préalable sur la question préalable.
Plusieurs membres. - Non ! non !
M.
Dumortier, rapporteur. - Si le ministre proposait la question préalable
sur la question de la suspension des échevins, je ne m’opposerais pas à cette
proposition. Quant à moi, je voterais comme je voudrais, je m’abstiendrais
cependant ; je ne m’oppose pas à ce que la question préalable soit ainsi posée
; mais quand on vient demander la question préalable sur une partie d’un
article amendé comme l’a fait observer l’honorable M. Fleussu...
M. le
président pose de nouveau la question.
M.
Dumortier, rapporteur. - Maintenant que la question est posée, je ferai
remarquer.... (Les cris : aux voix !
l’appel nominal ! couvrent la voix de l’orateur.)
- La proposition de la
question préalable sur la disposition de l’art. 9, relative au droit de
suspension du bourgmestre est mise aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
78 membres sont présents et
prennent part au vote.
38 votent pour l’adoption.
40 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM.
Bekaert, Berger, Bosquet, Brixhe, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet de Grez,
Davignon, de Longrée, W. de Mérode, de Muelenaere, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Theux, Devaux, d’Hane, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne,
Ernst, Fallon, Lardinois, Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers,
Polfvliet, Raikem, Rogier, Schaetzen, Simons, Ullens, Vanderbelen,
Verrue-Lefranc, Zoude.
Ont voté contre : MM. Brabant,
Dautrebande, de Behr, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de
Renesse, de Roo, Dechamps, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq,
Dewitte, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Fleussu, Frison,
Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Legrelle, Pirson,
Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Trentesaux, Troye, Vauderheyden, van
Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet.
M. le président. - M. Dumortier présente le
sous-amendement suivant : « La suspension du bourgmestre devra toujours
précéder sa révocation. »
D’autres amendements ont été
présentés par MM. Gendebien, de Robaulx, Dechamps, Desmet, Legrelle et Jullien
: auquel la chambre veut-elle accorder la priorité ?
M. Gendebien. - A demain ! à demain ! l’heure
est avancée !
M.
Dubus. - Il paraît que les amendements présentés par nos collègues
devront être modifiés par suite du vote de la chambre. Ce qu’il y a de plus
sage à faire, c’est d’imprimer les amendements sous-amendés, et demain nous les
examinerons. L’amendement de M. Legrelle n’est plus en harmonie avec ce qui
vient d’être résolu ; il faudra le modifier pour le présenter demain à la
délibération.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- D’après le vote de la chambre, je proposerai un sous-amendement à
l’amendement de M. Legrelle : au lieu du mot conforme, je demanderai que l’on mette le mot motivé.
M. le
président. - J’invite ceux qui ont des amendements à présenter, à les
déposer sur le bureau.
M.
Dubus. - Ce n’est pas l’amendement de M. Legrelle qui doit avoir la
priorité. Il faut, aux termes du règlement, commencer par l’amendement qui
s’écarte le plus de la proposition principale. Il ne faut pas mettre plusieurs
membres dans l’impossibilité de voter. L’amendement de M. Desmet doit plutôt
obtenir la priorité.
Plusieurs membres. - En place ! En place !
D’autres membres. - A demain ! A demain !
M. le
président. - Voici l’amendement de M. Desmet :
« Les échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions par la députation des états provinciaux, à la
charge d’être mis en jugement dans le mois de la date de l’arrêté de suspension,
et s’ils sont acquittés ils reprendront de droit l’exercice de leurs
fonctions. »
- Sur la demande de plusieurs
membres on procède au vote par appel nominal sur cet amendement.
67 membres sont présents.
9 votent l’adoption.
58 votent le rejet.
L’amendement n’est pas admis.
Ont voté
pour : MM. de Meer de Moorsel, Desmet, Dubus, Dumont, Dumortier, Gendebien, Van
Hoobrouck, Vergauwen, Doignon.
Ont vote contre : MM. Berger,
Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Dautrebande, Davignon, de Behr, A.
Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, W. de Mérode, de Muelenaere, de
Renesse, de Roo, Dechamps, de Sécus, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux,
Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Eloy de Burdinne, Ernst,
Fallon, Fleussu, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Legrelle,
Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Polfvliet, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden,
Verdussen, Verrue, L, Vuylsteke, Watlet, Raikem.
M. le
président. - Je mettrai aux voix l’amendement de M. Legrelle et le
sous-amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Legrelle. - La proposition de M. le ministre ne diffère de la
mienne qu’en ce qu’il remplace l’avis conforme de la députation par l’avis
motivé.
M.
Dumortier, rapporteur. - Rien que cela !
M. Legrelle. - Tout est absolument semblable.
M.
Dumortier, rapporteur. - L’amendement de M. le ministre de l’intérieur,
il ne faut pas qu’on s’y trompe, a une portée très grave (bruit). Il s’agit de substituer à l’avis conforme de la députation
que nous demandons simplement un avis motivé ; c’est déranger complètement
l’économie de l’amendement de M. Legrelle.
Un membre. - Mettez aux voix l’amendement de M. Legrelle.
M.
Gendebien. - L’amendement de M. Jullien diffère complètement de celui
de M. Legrelle. Il a une toute autre portée et s’éloigne bien plus de la
disposition principale. On ne pourra le mettre aux voix qu’après le rejet de
l’amendement de M. Legrelle.
Avant que la chambre ne vote
sur l’amendement de M. le ministre, je désire qu’il soit bien entendu qu’il
substitue au mot conforme le mot motivé. (Oui, Oui.)
M.
Legrelle. - Comme l’a
dit M. Gendebien.... (Bruit.)
M. d’Hoffschmidt. - Croyez-vous qu’on n’ait pas compris ?
M. le
président. - Les membres qui adopteront la rédaction de M. Legrelle,
tendant à insérer dans son amendement les mots « sur l’avis conforme de la
députation » sont priés de répondre oui, et les opposants de répondre non.
69 membres prennent part au
vote.
40 adoptent.
29 rejettent.
En conséquence la rédaction de
M. Legrelle est admise.
Ont
adopté : MM. Bosquet, Cols, Dautrebande, A, Dellafaille, H. Dellafaille, de
Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Renesse, de Roo, Dechamps, de Sécus, Desmet,
de Stembier, Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier,
Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Legrelle, Morel-Danheel,
Pirson, Polfvliet, A, Rodenbach, C. Rodenbach, Troye, Vanderheyden, Van
Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet.
Ont rejeté : MM. Berger,
Brabant, Brixhe, Coghen, Coppieters, Davignon, de Behr, de Longrée, de
Muelenaere, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois,
Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Lardinois, Lebeau, Milcamps. Olislagers,
Raikem, Rogier, Schaetzen, Ullens, Vanderbelen, Verrue.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il me semble qu’il y a maintenant une bizarrerie à dire que le gouverneur
révoque sur l’avis conforme de la députation. Il vaudrait mieux dire que c’est
la députation qui révoque.
Je préférerais cette
rédaction.
M. Gendebien. - C’est voté (oui ! oui !)
M. le
président. - La chambre a décidé seulement que le mot conforme ne
serait pas remplacé par le mot motivé.
M.
Dumortier, rapporteur. - Quand cela ne plaît pas aux ministres il n’y a
rien de voté.
M. le président (M. Raikem). - Je demanderai à la
chambre tout entière si dans l’exercice de mes fonctions, malgré le reproche de
M. Dumortier, je n’ai pas toujours exactement rendu les décisions de
l’assemblée. (Explosion unanime des cris
: Oui, oui, sans doute).
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, dans ce
que j’ai dit, il n’y avait pas un seul mot qui s’appliquât à l’honorable membre
qui nous préside. Les honorables collègues qui siègent à côté de moi peuvent
l’attester. J’ai vu avec peine que M. le président ait pris pour lui ce que je
n’avais pas eu l’intention de lui adresser. Je le prie de ne pas m’attribuer
des intentions que je n’ai pas eues.
M.
Fallon. - On peut toujours faire remarquer une faute de rédaction. Ces
mots « par le gouverneur sur l’avis conforme de la députation, » me
paraissent absurdes. Dites tout simplement « par la députation. »
M.
Dubus. - Messieurs, je voudrais savoir si la discussion est ouverte oui
ou non. On a commencé par mettre aux voix les amendements, plusieurs ont été
successivement rejetés ; comme ils ne plaisaient pas aux ministres, les
ministres ont trouvé le rejet bon. On a ensuite agité la question de savoir si
on donnerait la priorité à la proposition de M. Legrelle ou à celle du
ministre, la chambre a donné la priorité au sous-amendement de M. Legrelle, et
maintenant que le sous-amendement est adopté, le ministre prétend rouvrir la
discussion sur l’amendement même, parce qu’il est sous-amendé. Je demande si la
discussion est ouverte.
Un membre. - Ce n’est qu’une question de rédaction.
M. Dubus. - Il s’agit d’autre chose que d’une
rédaction. On propose par forme de changement de rédaction, un changement essentiel
dans la proposition. On veut en faire la critique, on veut faire revenir sur la
résolution. C’est pour cela que ceux qui ont voté contre le sous-amendement
prennent la parole.
Si on veut rouvrir la
discussion qu’on la renvoie à demain.
M.
Fallon. - Je persiste à demander par voie de sous-amendement qu’on dise
simplement : « Par arrêté motivé de la députation. »
M.
Gendebien. - Vous allez recommencer une discussion après que la clôture
a été prononcée et de plus entre deux épreuves. C’est impossible, nous venons
de voter un amendement, et quand il s’agit de voter sur l’ensemble, vous voulez
rouvrir la discussion.
La chambre a très bien compris
qu’il s’agissait de la question de savoir si on admettait le mot motivé ou le mot conforme de l’amendement primitif de M. Legrelle lequel a été
imprimé. Ainsi la chambre a voté en connaissance de cause. Il ne s’agit plus
que d’aller aux voix sur l’ensemble de l’article. Il faut en finir. Il est 5
heures un quart et la question est depuis longtemps épuisée.
M. Fallon. - Je ne persiste pas, puisqu’on trouve
la rédaction bonne.
- La disposition est mise aux
voix et adoptée.
M. le président. - Il faut voter sur l’ensemble de
l’article.
Plusieurs membres. - Il y a un sous-amendement présenté par M. Dumortier.
M.
Dumortier, rapporteur. - On ne peut pas repousser ma proposition par la
question préalable.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - La question préalable doit être
admise sur ce sous-amendement, car la révocation a été adoptée pure et simple,
et maintenant vous ne pouvez pas y apporter de restrictions.
M. Dumortier, rapporteur. - Il ne s’agit
pas de la question principale, de la question du fond sur laquelle on a admis
la question préalable ; il s’agit d’une simple motion d’ordre. (Non ! non !) Il s’agit de faire précéder
la révocation du bourgmestre de la suspension : il faut que le bourgmestre soit
prévenu qu’on veut le révoquer. (Non !
non !) Chacun a son opinion ; mais on ne peut écarter ma proposition par la
question préalable ; autant vaudrait dire que toutes les fois que les ministres
veulent écarter une proposition ils l’écarteront par la question préalable.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La question préalable a été prononcée sur tout ce qui concerne la révocation
et la suspension, on ne peut revenir sur ce qui a été décidé.
M.
Lebeau. - Je pense que la question préalable est tout à fait
applicable. Vous avez décidé à une majorité imposante que la révocation serait
pure et simple ; par l’amendement de M. Dumortier elle n’aurait plus ce
caractère et elle dépendrait de la députation des états, puisqu’elle devrait
être précédée de la suspension.
M.
Gendebien. - Je déclare franchement que je n’ai pas compris la question
ainsi. Il a été décidé par un premier vote que le bourgmestre pourrait être
révoqué. On a remis la chose en question. M. Dubus a prétendu que le droit de
révocation ne pouvait plus exister du moment que le Roi avait le droit de
choisir le bourgmestre en dehors du sein du conseil. Il a établi que
précédemment, il n’y avait pas grand danger à accorder le droit de révocation
attendu que le bourgmestre révoqué rentrait dans le sein du conseil et que le
Roi était obligé de prendre son remplaçant dans le sein de ce même conseil.
Cette double garantie
prévenait les abus du droit de révocation. Maintenant les choses sont changées.
Le gouvernement pouvant prendre son bourgmestre en dehors du sein du conseil,
en destituera s’il le faut pour placer sa créature. Qu’avez-vous décidé ? Que
le roi pouvait révoquer les bourgmestres. En résultera-t-il que vous ne
puissiez mettre à côté de cette faculté de destitution les garanties qui
préviennent les abus. Vous devez défendre le gouvernement contre lui-même. Il
est impossible que vous adoptiez la question préalable sur l’amendement de M.
Dumortier.
- La question préalable sur
l’amendement de M. Dumortier est adoptée.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article, qui est
ainsi conçu :
« Les bourgmestre et
échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions pour cause d’inconduite
notoire ou de négligence grave, par arrêté du gouverneur, rendu sur avis
conforme de la députation provinciale. La suspension ne pourra excéder trois
mois.
« A l’expiration de ce
terme, les échevins peuvent être démis par la députation provinciale.
« Les échevins seront
entendus préalablement à la suspension ou à la révocation. Les bourgmestres
seront pareillement entendus avant la suspension.
« Les bourgmestres peuvent être
révoqués de leurs fonctions par le Roi. »
- Cet article est adopté.
La séance est levée à cinq
heures et quart.