Accueil Séances plénières
Tables
des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et
liens Note
d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du samedi 14 mars 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
a) conditions de nomination des bourgmestres
et des échevins (conditions de domicile) (Doignon, de Theux, Dubus, Jullien,
Fleussu, Seron, de Robaulx, Jullien, Dubus, Desmanet de Biesme, Seron, Doignon, Verdussen,
Doignon)
b) incompatibilité entre les fonctions de
bourgmestre et d’échevin et, notamment les membres des députations provinciales
et les commissaires d’arrondissement (Doignon), les
officiers du parquet (de Robaulx), les membres des
administrations de bienfaisance (de Theux, Jullien, de Robaulx, Eloy de Burdinne, d’Hoffschmidt,
Jullien, Dubus, de Theux, de Robaulx, Fallon, de Brouckere, Eloy de Burdinne, Lebeau, de Brouckere, Lebeau, de Theux)
c) nombre des
conseillers communaux et nomination du bourgmestre par le roi hors du conseil (Dumortier, de Brouckere, Dubus, Devaux, Dumortier,
de Brouckere, Milcamps, Dubus, Gendebien, Jullien, Milcamps, Dumortier, Verdussen, Gendebien, Devaux, Dubus, Gendebien, Dumortier, Devaux)
d) droit de
suspension et/ou de révocation du bourgmestre et des échevins par le
gouverneur, la députation provinciale ou le roi (Dumortier,
d’Huart, Desmet, de Robaulx, de Muelenaere, Dubus, de Theux, Desmet,
Gendebien, Dumortier, de Muelenaere)
3) Projet de
loi relatif au renouvellement des chambres
4) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
d) droit de
suspension et/ou de révocation du bourgmestre et des échevins par le
gouverneur, la députation provinciale ou le roi (Jullien,
Dubus, Dechamps)
(Moniteur belge n°74, du 15 mars 1835 et Moniteur belge n°75, du 16 mars
1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°74, du 15 mars 1835) M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Dechamps donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes envoyées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Bresoux,
bourgmestre de la commune d’Orcq, demande l’introduction dans la loi communale d’un
article qui autorise le cumul des fonctions de bourgmestre ou échevin avec
celles de secrétaire dans les communes au-dessous de mille habitants. »
- Cette pétition sera déposée
sur le bureau pendant la discussion du deuxième vote de la loi communale.
______________
Il est fait hommage à la
chambre d’un ouvrage intitulé : « Projet de.loi sur l’enseignement
médical, aux frais de l’Etat, etc. », par Wauters fils, médecin à Gand.
Second vote des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article
additionnel
M. le
président. - La discussion est ouverte sur la disposition additionnelle
proposée par M. Doignon et dont la discussion a été ajournée après l’adoption
de l’art. 7 ; elle est ainsi conçue :
« Dans tous les cas, les
bourgmestre et échevins ne pourront être choisis parmi les citoyens domiciliés
hors de la commune »
M.
Doignon. - Messieurs, on pourrait croire à la première vue que
l’article que vous avez adopté dans la mémorable séance d’hier rend inutile la
disposition additionnelle que j’ai eu l’honneur de proposer. Cependant il n’en
est pas ainsi.
Vous avez décidé que le
bourgmestre serait pris dans le sein du conseil ; mais vous avez décidé aussi
que dans les circonstances extraordinaires il pourrait être pris parmi les
éligibles ; or, d’après le deuxième paragraphe de l’art. 4, dans les communes
ayant moins de 400 habitants, un tiers des membres du conseil peut être pris
parmi les citoyens domiciliés hors de la commune ; par conséquent, dans ces
communes le gouvernement aurait la faculté, si vous n’adoptiez pas mon
amendement, de choisir le bourgmestre parmi les citoyens qui n’auraient pas
leur domicile dans la commune.
On a parlé à plusieurs
reprises des inconvénients d’un pareil système.
Les fonctions de bourgmestre
sont des fonctions de tous les jours ; à chaque jour, à chaque moment, les
habitants ont besoin de son ministère ; le domicile est un gage de l’intérêt
que le bourgmestre portera aux affaires de la commune.
Le bourgmestre doit connaître
les besoins et les intérêts de la commune ; il doit connaître l’esprit et le
caractère de ses habitants, à peu près comme un père de famille doit connaître
le caractère et l’esprit de ses enfants ; or ce sera impossible s’il n’est pas
domicilié dans la commune, s’il n’a aucun lien qui l’attache à la commune.
Si l’on peut nommer pour
bourgmestre un citoyen appartenant à une autre commune, il en résultera des
déplacements pour les habitants, lorsqu’ils auront besoin de recourir au
ministère de leurs magistrats. Les communes auront pour bourgmestres des
propriétaires qui n’auront aucune résidence dans la commune, et qui n’y
viendront que deux ou trois fois par an ; vous n’aurez en eux en quelque sorte
que des bourgmestres ad honorem.
Déjà vous avez permis que,
dans les communes de moins de 400 habitants, on nomme une partie des
conseillers hors du conseil ; à cet égard il y a beaucoup moins
d’inconvénients, parce que les réunions du conseil ne sont pas très fréquentes.
Mais, ainsi que je l’ai dit, le bourgmestre a l’administration journalière, sa
présence est indispensable dans la commune.
Il résulterait du système
contraire que les commissaires de district, les gouverneurs, les ministres
pourraient faire nommer bourgmestres les employés de leurs bureaux, sans qu’ils
fussent tenus à aucune résidence. Voilà ce qui résulterait du système que je
combats.
Je
maintiens donc l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer ; il est ainsi
conçu :
« Dans tous les cas, les
bourgmestre et échevins ne pourront être choisis parmi les citoyens domiciliés
hors de la commune. »
A l’égard des échevins, mon
amendement conserve ses effets malgré la décision prise hier. Il importe que
l’on ne choisisse que des personnes domiciliées dans la commune.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pense pas que les ministres proposent au Roi de nommer pour
bourgmestres dans les communes de moins de 400 habitants les employés de leur
ministère, ni que les gouverneurs demandent ces fonctions pour les employés de
leurs bureaux.
Je crois que
ce qui arrivera fréquemment, c’est que dans les communes de 100 à 150 habitants
(car nous avons des communes dont la population ne dépasse pas 101 habitants),
il n’y aura pas d’éligible capable de remplir les fonctions de bourgmestre.
Dans cette circonstance, quand les électeurs choisiront des éligibles hors de
la commune, comme membres du conseil communal, il pourra y avoir avantage pour
la commune à ce qu’on nomme un de ces membres bourgmestre dans les petites
communes.
Des exemples nombreux se sont
présentés ; et je crois qu’il pourra s’en présenter encore.
M.
Dubus. - Une disposition dans le sens au moins de celle présentée par
mon honorable ami, me paraît nécessaire par suite du second vote que vous avez
émis, l’un sur l’art. 4, l’autre sur l’art. 6.
Je vous prie de vous rappeler
dans quelle circonstance vous avez inséré dans l’art. 4 une disposition portant
que : « Dans les communes ayant moins de 400 habitants, un tiers au plus
des membres du conseil peut être pris par les citoyens domiciliés dans une
autre commune… » On a fait valoir alors précisément les raisons que vient
de donner M. le ministre de l’intérieur, qu’il y a telles communes d’une
population minime qui présenteront des ressources insuffisantes pour composer
le conseil communal.
D’autre part, on disait qu’il
ne fallait pas se défier d’une semblable disposition, puisqu’en définitive ce
seraient les électeurs de la commune qui choisiraient les membres du conseil
communal. On disait : « Si l’on fait entrer dans le conseil des communes
peu populaires des individus étrangers à la commune, remarquez que ce sont les
électeurs mêmes de la commune qui les choisiront ; ainsi, ils auront reconnu
que des étrangers étaient nécessaires pour composer le conseil communal. »
Voilà la raison principale que l’on faisait valoir ; et c’est, je crois , cette
raison qui a déterminé le vote de l’assemblée.
Quand vous combinez cette
disposition de l’art. 4 avec celle que vous avez malheureusement introduite
dans l’art. 6 et qui permet au gouvernement de choisir le bourgmestre hors du
conseil, pourvu qu’il le prenne parmi les éligibles, vous voyez que l’on pourra
imposer à la commune un bourgmestre qui lui serait étranger. Ce ne serait plus
alors la commune qui l’appellerait, les électeurs qui le choisiraient ; c’est
le gouvernement qui l’imposerait à la commune contre son gré sans qu’il fût
astreint à la condition du domicile, ni même de la résidence. Voilà ce qui
résulte de la combinaison des deux articles.
Il résulte de la disposition
de l’art. 4 que tous les Belges qui paient 20 fr. de contributions seraient
éligibles au conseil communal dans les communes de moins de 400 habitants, sans
être obligés d’être domiciliés ni même résidant dans ces communes. Or, les
communes de moins de 400 habitants sont au nombre de plus de 500 en Belgique.
Cependant, lorsqu’il ne s’agit
que des élections au conseil communal, ce système peut ne pas présenter
d’inconvénients graves, puisque c’est la commune qui appelle au conseil des
citoyens étrangers à la commune, et que si elle les appelle, c’est qu’ils sont
nécessaires pour composer le conseil communal.
Mais ici l’hypothèse est tout
autre : il s’agit de la nomination du bourgmestre ; si vous n’adoptez pas un
amendement quelconque, le gouvernement pourrait imposer pour bourgmestres à des
communes des étrangers qui seraient domiciliés à 50 lieues de ces communes.
Tous les commis du ministère payant 30 francs de contributions sont éligibles
aux conseils de 500 communes. Je crois bien que les électeurs des communes ne
penseront pas à prendre les membres des conseils communaux dans les bureaux du
ministère. Mais il pourrait convenir à des ministres futurs de nommer pour
bourgmestres des commis de leurs bureaux ; nous devons examiner si cela
conviendrait au peuple, nous qui sommes chargés de faire les affaires du
peuple, et de veiller à ses intérêts.
Je dis donc qu’une disposition
nouvelle est nécessaire par suite de la combinaison des art. 4 et 6 tels que
vous les avez adoptés ; cette disposition je la formulerais à peu près ainsi :
« Dans le cas où le Roi
choisirait le bourgmestre hors du conseil, il ne pourra le choisir que parmi
les éligibles domiciliés dans la commune. »
Lorsqu’un
individu étranger à une commune aurait été élu membre du conseil, comme il aurait
pour lui le choix des électeurs de la commune, je ne verrais pas d’inconvénient
à ce que le gouvernement pût le nommer bourgmestre ; mais il y aurait de graves
inconvénients à ce que le gouvernement, prétendant user de son droit de prendre
le bourgmestre hors de conseil, imposât à la commune un étranger.
Je
voudrais que toutes les fois que le bourgmestre serait pris hors du conseil, il
fût pris parmi les éligibles domiciliés dans la commune, puisque, dans les
communes ayant moins de 400 habitants, sont éligibles au conseil communal tous
les Belges qui paient 20 francs de contributions.
M.
Jullien. - Il faudrait lire l’amendement de M. de Brouckere, qui a été
adopté.
M. Fleussu. - Je crois que, comme le fait
observer l’honorable M. Jullien, en lisant l’amendement de M. de Brouckere,
tous les scrupules seront dissipés ; il est ainsi conçu : « Néanmoins le
Roi peut, quand des circonstances extraordinaires l’exigent, après avoir pris
l’avis motivé de la députation, nommer le bourgmestre hors du conseil, parmi
les éligibles de la commune. »
M.
Seron. - Il aurait fallu dire : « parmi les éligibles domiciliés
dans la commune. »
M. Fleussu.
- C’est là évidemment le sens des mots : « les éligibles de la commune. »
M.
de Robaulx. - Non, puisque dans les communes de moins de 400 habitants
on est éligible au conseil communal sans être domicilié dans la commune.
M. Fleussu. - Mais de deux choses l’une : le
bourgmestre sera pris dans le conseil ou hors du conseil. Ce ne sera que dans
les communes de moins de 400 habitants que, d’après l’art. 4, des citoyens non domiciliés
dans la commune seront éligibles au conseil communal. Pour les autres communes,
les citoyens domiciliés sont seuls éligibles, eux seuls pourront être nommés
bourgmestres. Il est donc inutile de le dire dans un nouvel article.
M.
de Robaulx. - Puisque cela n’y fait rien, pourquoi ne pas l’ajouter ?
M.
Fleussu. - Pourquoi l’ajouter, puisque cela se trouve déjà dans la loi
?
M.
Jullien. - Je crois que, malgré l’amendement de M. de Brouckere, qui a
été adopté, l’observation de M. Dubus subsiste.
Il est vrai de dire que, dans
les communes ayant moins de 400 habitants, il y a deux sortes d’éligibles :
ceux en dehors de la commune et ceux en dedans de la commune ; il est donc vrai
que, dans ces communes, le Roi pourra prendre le bourgmestre parmi les citoyens
non domiciliés dans la commune, pourvu qu’ils paient, dans la commune, le cens
d’éligibilité.
Mais de ce qu’ils paient dans
la commune le cens d’éligibilité, s’en suit-il qu’ils appartiennent à cette
commune ? La plupart des grands propriétaires paient à peu près 20 fr. dans
toutes les communes : appartiennent-ils pour cela à toutes les communes ?
Evidemment non. On appartient à une commune quand on y est domicilié, quand on
y a fixé le siège de ses affaires, quand on y a tout ce qu’on possède au monde,
quand on y réside avec sa famille. Ce sont ces liens qui engagent un homme à
bien administrer une commune ; c’est par là qu’il inspire la confiance de ses
concitoyens, confiance qu’en retour il paie de la sienne.
Lorsqu’on
met à la tête de l’administration municipale d’une commune un homme qui lui est
étranger, il inspire la défiance, ne fût-ce qu’à cause de sa qualité
d’étranger. La commune est offensée de ce qu’on lui envoie un homme qu’elle ne
connaît pas. Je connais telle commune qui a été dans une position réellement
affligeante parce qu’on lui avait imposé un bourgmestre qui lui était étranger
; et lui-même était également dans une position affligeante, à cause de sa
qualité d’étranger.
Je dis donc que l’observation
de l’honorable M. Dubus subsiste, et que si la loi reste telle qu’elle est, on
pourra dans certaines communes nommer pour bourgmestres des citoyens qui n’y
seront pas domiciliés.
M.
Dubus. - Un honorable préopinant a pensé que l’amendement que j’ai eu
l’honneur de proposer devenait inutile, d’après le texte de la disposition
adoptée hier par la chambre et introduite dans l’art. 6 du projet de loi ; elle
est ainsi conçue « Néanmoins il peut (le Roi), lorsque des circonstances
extraordinaires l’exigent, après avoir pris l’avis de la députation
provinciale, nommer le bourgmestre hors du conseil parmi les éligibles de la
commune. » Cet honorable membre pense que ces mots « les éligibles de la
commune » signifient que ces éligibles seront domiciliés dans la commune ;
mais je ferai remarquer que M. le ministre de l’intérieur avait proposé de dire
« parmi les éligibles, » sans rien de plus ; et que si cette rédaction
ne fût pas admise, il fut au moins admis que l’on serait éligible dans telle ou
telle commune selon la quotité des contributions que paierait et que l’on
devrait payer pour cette commune ; c’est-à-dire que pour certaines communes il
faudrait payer 20 fr., pour d’autres 30 fr, et ainsi jusqu’à 120 fr. Ainsi,
comme je l’ai dit, un individu tout à fait étranger à la commune, par cela seul
qu’il paierait 30 fr. de contributions, se trouverait éligible au conseil
communal dans les 500 communes ayant moins de 400 habitants, et pourrait être
nommé bourgmestre dans ces communes sans être astreint aux conditions de
domicile ou de résidence.
Si ces
éligibles avaient réellement été élus membres du conseil communal, je dirais
alors que quelques raisons militent en faveur de leur choix, puisque déjà ils
auraient été appelés par les électeurs à composer le conseil de la commune ;
mais ici je suppose des éligibles qui n’ont pas été élus membres du conseil ;
ils peuvent demeurer à 10, 20, 30 lieues de la commune ; et l’on pourrait les imposer
à cette commune sans qu’ils dussent y avoir leur domicile ou leur résidence.
Cela offre de véritables inconvénients.
Il vaudrait peut-être mieux
exiger dans tous les cas la condition du domicile. C’est dans la supposition
que la chambre n’admettrait pas en entier la proposition de mon honorable ami
que je propose un sous-amendement.
M. Desmanet de Biesme. - Il me
paraît que si l’on adoptait l’amendement, il faudrait le modifier relativement
aux échevins. Le sous-amendement de M. Dubus a surtout pour objet d’empêcher
que le bourgmestre soit pris hors de la commune quand il n’est pas choisi dans
le conseil ; mais comme les échevins sont nommés directement par les électeurs,
vous ne pouvez avoir de défiance envers ceux-ci, et vous pouvez les laisser
choisir où ils veulent.
M.
Seron. - Cela ne fait pas de doute.
M. Doignon. - Quand j’ai proposé mon amendement,
la nomination des échevins appartenait au Roi ; d’après le vote d’hier le
système est changé, et il doit être libre en effet aux électeurs de prendre les
échevins où ils veulent : ainsi il faut supprimer le mot échevins dans mon amendement.
M. le
président. - Voici l’amendement de M. Dubus : « Le bourgmestre,
lorsqu’il sera nommé hors du conseil, ne pourra être choisi que parmi les
éligibles domiciliés dans la commune. »
M. Verdussen. - M. Doignon restreignant son
amendement, notre tâche sera plus facile.
Je ferai remarquer à
l’assemblée que le premier paragraphe de l’art.
Plusieurs membres. - Vous vous trompez
M.
Doignon. - Je me réunis à l’amendement de M. Dubus.
- L’amendement de M. Dubus,
mis aux voix, n’est pas adopté.
Article
premier
M. le
président. - Nous avons à revenir au second paragraphe de l’article premier
qui a été ajourné :
« Les conseillers sont élus
directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
Il faudra mettre : « Les
échevins et conseillers sont élus directement par l’assemblée des électeurs. »
- Ce paragraphe mis aux voix
est adopté.
M.
Fallon. - D’après cette décision de la chambre, il sera inutile de dire
à l’art. 7 que les échevins sont nommés directement par les électeurs.
Plusieurs membres. - C’est une affaire de rédaction.
M. le
président. - La délibération est ouverte sur l’article 8 ainsi conçu :
« Art. 8. Ne peuvent être ni
bourgmestre ni échevin :
« 1° les membres des
cours, des tribunaux civils et des justices de paix, non compris leurs suppléants,
les officiers du parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et
tribunaux civils, et les greffiers des tribunaux de commerce et des justices de
paix ;
« 2° Les ministres des
cultes ;
« 3° Les ingénieurs et
conducteurs des ponts et chaussées et des mines, en activité de service ;
« 4° Les agents et
employés des administrations financières ;
« 5° Les membres des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ;
« 6° Les instituteurs qui
reçoivent un traitement ou subside annuel de l’Etat ou de la province. »
M.
Doignon. - Messieurs, il me semble que, d’après le vote émis dans la
séance d’hier, il y a lieu de reproduire dans l’art. 8 l’énumération qui est
dans l’art. 5, c’est-à-dire d’exclure :
« Les gouverneurs des
provinces ;
« Les membres de la députation
permanente du conseil provincial ;
« Les
secrétaires-généraux des gouvernements provinciaux ;
« Les commissaires de district
et de milice ;
« Les employés salariés
par la commune,
« Les
commissaires et agents de police et de la force publique.»
Le gouvernement peut nommer le
bourgmestre en-dehors du conseil parmi les éligibles de la commune ; or, les
personnes que je viens de désigner sont éligibles dans la commune ; ainsi elles
pourraient être nommées. Vous avez cependant décidé qu’elles ne pourraient
faire partie des conseils communaux.
M.
de Robaulx. - Je vois dans l’article 8, adopté par la section centrale
et par la chambre, que la section centrale a été, à mon avis, moins libérale
que le gouvernement. Le gouvernement proposait d’exclure des fonctions de
bourgmestre et d’échevin les membres des cours et tribunaux, y compris les
officiers du parquet ; et dans l’article 8 adopté je vois : « non
compris leurs suppléants ; les officiers du parquet, etc. »
Plusieurs membres. - Vous vous trompez après « non compris leurs
suppléants, » il y a un point et une virgule.
M. de Robaulx. - Mais votre point et virgule
n’arrêterait pas un ministre comme j’en connais. (On rit.)
M. le président. - Il n’y a qu’à faire un
paragraphe spécial pour l’exclusion des officiers du parquet, greffiers et
commis greffiers près des cours et tribunaux, etc.
M.
de Robaulx. - A la bonne heure !
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense que maintenant on pourra supprimer l’exclusion du paragraphe 5, ou
des membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance. Il
est important que les membres des administrations municipales soient membres
des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance dans les
petites communes. Je propose d’ajouter au paragraphe 5 : « dans les communes
de 5,000 habitants et au-dessus. »
M. Jullien. - La raison pour laquelle on a exclu
les membres des administrations des bureaux de bienfaisance des administrations
des hospices, c’est qu’on ne peut être à la fois surveillant et surveillé. Les
hospices et les bureaux de bienfaisance sont placés sous la surveillance des
municipalités ; il y a donc ici une incompatibilité invincible. Maintenant, y
a-t-il un motif pour revenir de ce principe généralement adopté ? On a toujours
compris qu’on ne pouvait être en même temps administrateur et administré,
surveillant et surveillé, comptable et voyant-compte.
M. de Robaulx. - On nous fait observer qu’on
ne peut être à la fois surveillant et surveillé ; je suis en général de cet
avis ; mais, si je ne me trompe, le bourgmestre est de droit président du
bureau de bienfaisance. (Oui ! oui !)
Ainsi, il est surveillant et surveillé. Quoi qu’il en soit, je ne vois pas
d’inconvénient à ce que les membres des administrations des bureaux de
bienfaisance soient nommés bourgmestres, parce que ce n’est pas
l’administration des bureaux de bienfaisance qui est comptable ; elle a un
receveur. Si vous proposiez le receveur pour être bourgmestre, ce serait
proposer en effet d’être à la fois
surveillant et surveillé, et il y aurait incompatibilité. Je soumets ces
observations à la chambre et à l’honorable M. Jullien.
M. Eloy de Burdinne. - Je voulais faire
les mêmes observations qu’a présentées l’honorable M. de Robaulx. J’ajouterai que de tout temps on a toujours admis
les membres des bureaux de bienfaisance comme conseillers, échevins, ou
bourgmestres.
Au surplus, quand il est
question d’examiner la question des bureaux de bienfaisance, les membres de ces
administrations se retirent, du moins quand il s’agit de questions graves. Dans
les petites communes rurales, lorsque vous aurez désigné les membres du bureau
de bienfaisance, vous vous priveriez de personnes utiles si vous ne pouviez
leur conférer les fonctions municipales. Les échevins étant nommés par les
électeurs, d’après le vote d’hier, ce doit être un motif de confiance.
M.
de Robaulx. - C’est un mauvais motif !
M. d'Hoffschmidt. - Si vous ne vouliez pas
que les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance
pussent remplir les fonctions municipales, vous restreindriez les choix dans
les petites communes. Dans une foule de communes les bureaux de bienfaisance
n’ont pas de receveurs. Il n’y a donc pas là d’inconvénients pour que les
personnes qui en font partie soient admises dans l’administration municipale.
M.
Jullien. - Je répondrai en même temps aux trois derniers orateurs que
vous venez d’entendre.
Je ferai observer à
l’honorable M. de Robaulx qu’il est inexact de dire que les bourgmestres sont
présidents des bureaux de bienfaisance.
M.
de Robaulx. - Ils en sont les présidents nés.
M.
Jullien. - Sous l’ancien gouvernement, je sais que cela était de droit
; mais, sous l’ancienne administration des Pays-Bas les bourgmestres n’avaient
pas le droit de présider les bureaux de bienfaisance et les administrations des
hospices ; je n’ose cependant pas prendre mes souvenirs pour des réalités ; et
je prierai la chambre de ne pas agir à la légère. Au reste, je crois que ce
point est assez indifférent pour la question qui vous occupe, parce que si les
bourgmestres sont présidents des administrations de bienfaisance, c’est comme
présidents honoraires.
Les commissions des hospices,
comme les commissions de bienfaisance, sont comptables devant l’administration
municipale ; voilà où j’attache ma principale observation. Voulez-vous que l’on
puisse à la fois présenter son compte et le contrôler ?
M. Eloy de Burdinne dit que
les administrateurs des bureaux de bienfaisance se retirent quand on examine
leurs comptes ; eh bien, si dans les administrations municipales il se trouvait
des membres des administrations des bureaux de bienfaisance et qu’ils fussent
obligés de se retirer, vous rendriez l’administration impossible.
Il est arrivé bien souvent, à
ma connaissance, que l’on avait à se plaindre, dans les communes rurales, de
l’emploi des deniers appartenant aux bureaux de bienfaisance, et que, malgré la
surveillance de l’administration municipale, on ne pouvait empêcher beaucoup
d’abus, beaucoup de dilapidations. En présence de tels faits, voulez-vous
introduire dans l’administration municipale des hommes intéressés à perpétuer
les abus ? Je crois en vérité qu’une pareille thèse n’est pas soutenable. Dans
tous les cas, je voterai contre l’amendement du ministre.
L’honorable
M. d’Hoffschmidt a dit que dans beaucoup de communes, il n’y avait pas de
revenus pour les bureaux de bienfaisance : alors il n’y a pas besoin de créer
un bureau dans ces communes. Mais les revenus des bureaux de bienfaisance sont
fréquemment les dons faits par les particuliers ; il y a toujours un comptable.
L’objection n’est pas sérieuse.
M.
d'Hoffschmidt. - La loi exige qu’il y ait des bureaux de bienfaisance
dans toutes les communes.
M.
Dubus. - L’amendement proposé nous prend un peu au dépourvu. Lors du
premier vote, la disposition qu’on veut modifier n’avait donné lieu à aucune
discussion, et le gouvernement et la section centrale se trouvaient d’accord ;
seulement la section centrale a employé des expressions plus précises sans
changer le sens.
D’après l’article 89 de la
section centrale, et auquel le ministre s’est rallié :
« Le collège des
bourgmestre et échevins a la surveillance des hospices, bureaux de bienfaisance
et monts-de-piété. A cet effet il visite lesdits établissements chaque fois
qu’il le juge convenable, veille à ce qu’ils ne s’écartent pas de la volonté
des donateurs et testateurs, et fait rapport au conseil des améliorations à y
introduire et des abus qu’il y a découverts. »
Je demande si une
administration de bureau de bienfaisance ou d’hospice, composée de 5 membres,
pourrait être formée dans une grande ville, du bourgmestre et des quatre
échevins et ce qu’aurait de raisonnable dans cette supposition l’art. 89.
Ainsi voilà le bourgmestre et
quatre échevins qui formaient l’administration du bureau de bienfaisance, puis
qui, se constituant en collège de bourgmestre et échevins, voudraient contrôler
du bureau de bienfaisance, visiter ces établissements, pour s’assurer, en leur
qualité de bourgmestre et échevins, si, en leur qualité d’administrateurs, ils
ne se sont pas écartés de la volonté des donateurs et testateurs, et feraient
toujours, en leur qualité de bourgmestre et échevins, rapport au conseil sur
leur administration en leur qualité de membres des bureaux de bienfaisance.
Ces deux dispositions,
évidemment, ne peuvent pas aller ensemble, il y aurait défaut absolu
d’harmonie. Cependant l’article 89 est un article auquel le gouvernement s’est
rallie.
Je vois de plus dans le Moniteur, à la séance du 28 juillet
dernier : « Le gouvernement se rallie au paragraphe 5 du projet de la
section centrale qui est adopté en ces termes : « Les membres des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance. »
Maintenant,
si le ministre de l’intérieur veut présenter un amendement à cette disposition,
je le veux bien ; mais il devrait commencer par établir, d’après la doctrine
qu’il a soutenue hier, que son amendement est fondé sur quelque disposition qui
nécessite un changement à ce qui a été primitivement adopté par la chambre.
Jusque-là, je ne pense pas qu’il puisse proposer un amendement à une
disposition à laquelle il s’est rallié lors du premier vote.
Je pense qu’il est nécessaire
que M. le ministre justifie son amendement avant qu’il puisse être mis en
délibération.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai vu, d’après la rédaction du projet qui nous a été distribué, que la disposition
était présentée comme amendement ; c’est en conséquence de cela que j’ai cru
pouvoir déférer au vœu de plusieurs membres qui ont exprimé le désir qu’une
limite fût posée à cette disposition dans l’intérêt des petites communes où on
rencontre de la difficulté à trouver des membres qui remplissent convenablement
les fonctions d’administrateurs des bureaux de bienfaisance. Voilà les motifs
qui m’ont déterminé à présenter mon amendement, et ces motifs sont fondés sur
des faits.
M.
de Robaulx. - Quand j’ai combattu les observations présentées par M.
Jullien, c’est en ce sens qu’il considérait l’incompatibilité des fonctions de
bourgmestre avec celles de membre du bureau de bienfaisance, comme comptable.
Les membres des bureaux de bienfaisance ne sont pas comptables, le receveur
seul est comptable ; et les membres des bureaux de bienfaisance eux-mêmes sont
chargés de le surveiller.
D’après mes souvenirs (car
j’ai été membre d’administrations de bienfaisance ; mais ces souvenirs datent
de loin, car depuis 1822 j’ai cessé d’en faire partie), j’avais cru que les
bourgmestres étaient présidents des bureaux de bienfaisance ; je ne sais pas
s’il l’était de droit ou s’il était nomme, mais je sais que j’ai vu le
bourgmestre présider les bureaux de bienfaisance.
Sous le rapport de la
comptabilité, je le répète, les bureaux de bienfaisance ne sont pas comptables.
Si mes souvenirs encore me servent bien, les bureaux de bienfaisance présentent
leurs budgets au conseil municipal qui l’arrête. Dès lors le receveur du bureau
de bienfaisance est comptable, puisqu’il est chargé de la réception et de la
distribution des deniers de la commune.
Il est un
autre point de vue sous lequel M. Dubus a envisagé la question. Il a rappelé la
disposition de l’art. 89, d’après laquelle le collège des bourgmestres et
échevins a la surveillance des opérations des membres du bureau de
bienfaisance, sous ce rapport. Je pense qu’il a raison puisque le ministre
s’est rallié à l’art. 89 ainsi qu’à l’amendement de l’art. 8 qu’il veut
modifier. Il y a, de part et d’autre, vote définitif. A moins de revenir sur
les décisions prises, l’amendement du ministre ne peut pas être mis aux voix.
Ce n’est pas là le motif que je lui oppose : c’est une considération à laquelle
on aura tel égard que de droit ; ce qui me détermine à repousser l’amendement
du ministre, ce sont les observations faites par M. Dubus sur l’incompatibilité
des fonctions de bourgmestre et de membre d’une administration de bienfaisance.
M.
Fallon. - Si nous voulons rester dans les termes des règlements
existants, nous devons admettre le paragraphe 5 de l’art. 8 tel qu’il a déjà
été adopté. Les règlements existants n’avaient offert aucune espèce
d’inconvénient, et c’est parce qu’aucun inconvénient n’avait été signalé, que
le gouvernement et la section centrale ont proposé de déclarer incompatibles
les fonctions de bourgmestre et de membre d’un bureau de bienfaisance. Comme on
a exprimé des doutes sur le régime actuel, je crois devoir donner connaissance
des dispositions de ces règlements.
L’art. 66 du règlement des
villes porte : « De même, un membre de l’administration municipale qui se
trouverait être en même temps membre de l’administration d’une institution ou
établissement public, ne pourra être présent à l’examen et à l’approbation des
comptes relatifs à cette institution ou établissement. »
Ceci supposait donc qu’un
membre du bureau de bienfaisance pouvait être membre d’un conseil municipal.
Mais voici une autre disposition d’où résulte l’incompatibilité des fonctions
de bourgmestre et d’échevin avec celles de membre d’un bureau de bienfaisance :
« Le bourgmestre et les
échevins ont, en conformité des lois, règlements ou autres dispositions, la
surveillance des administrations publiques des pauvres, des établissements
publics de charité, des hospices d’orphelins, et de tous les autres
établissements publics, ainsi que de tous les établissements qui reçoivent
quelques subsides de la caisse municipale ou de celle de l’Etat.
« Ils font visiter les
hospices et les autres établissements publics au moins une fois chaque
trimestre par des commissaires nommés dans leur sein.
« Ces
commissaires en font rapport, donnent communication des abus qu’ils croient
avoir découverts, et proposent les améliorations qui, dans leur opinion,
pourraient y être introduites, à l’effet d’y être pourvu de concert avec
l’administration de ces établissements. »
C’était par suite de cette
disposition qu’on avait trouvé qu’il était inconvenant que les bourgmestre et
échevins fussent membres de l’administration d’établissements qu’ils étaient
chargés de surveiller.
M. de Brouckere. - MM. les ministres n’ont pas trop l’habitude de
suivre les conseils que nous leur donnons ; je vais cependant encore essayer de
leur en donner un, sauf à eux à le suivre ou à ne pas le suivre.
J’engagerai
M. le ministre de l’intérieur a retirer son amendement, en reconnaissant qu’il
n’est pas recevable. S’il ne le fait pas, il ne peut plus, dans toute la
discussion de cette loi, être parlé de question préalable sur une proposition
d’amendement. Remarquez que le gouvernement et la chambre dans son premier vote
ont été d’accord pour reconnaître l’incompatibilité entre les fonctions de
membre d’un bureau de bienfaisance et celles de bourgmestre et échevin.
Puisqu’il y a eu accord entre le gouvernement et la chambre, on ne peut plus
revenir sur l’amendement du ministre, elle devrait être adoptée.
Pour moi,
je ne la présenterai pas, mais je déclare que si le ministre ne retire pas son
amendement, chaque fois qu’il présentera la question préalable, je m’y
opposerai ; qu’il y ait lieu ou non à la présenter, je m’y opposerai, parce
qu’il faut qu’il y ait égalité.
M.
Eloy de Burdinne. - Si on paraît disposé à abandonner l’amendement, je
renoncerai à la parole.
M.
Lebeau. - Il y a un fait à vérifier. Il est certain que si, en
conformité de la motion d’ordre faite et adoptée par la chambre dès le début de
la discussion de la loi communale, le ministre s’est rallié, avant la mise en
discussion, au projet de la section centrale, il est évident que la question
préalable ne peut faire aucune espèce de doute.
Mais
il a toujours été établi une différence entre les époques où le ministre s’est
rallié. Je vois bien par la citation du Moniteur
faite par M. Dubus que le ministre s’est rallié, mais je demanderai qu’on
consulte le procès-verbal pour savoir si le ministre s’est rallié dès le début,
et qu’on le consulte également pour savoir si ce n’est pas ainsi que la motion
d’ordre a été admise, si elle n’a pas eu seulement cette portée qu’on ne
devrait pas remettre en discussion, au second vote, un amendement de la section
centrale auquel le ministre se serait rallié avant toute discussion, car je me
rappelle que mon honorable ami M. Rogier a dit plusieurs fois : Je désire que
la discussion s’ouvre ; je verrai ensuite si je dois ou non me rallier à la
proposition. Si c’est dans cette dernière hypothèse que le ministre s’est
rallié au paragraphe 5 de l’art. 8 proposé par la section centrale, d’après la
motion d’ordre, le ministre est autorisé à présenter son amendement.
M.
de Brouckere. - Ce n’est pas cela.
M. Lebeau.
- Malgré toute la créance que je puis avoir dans l’honorable membre, il me
permettra de m’en rapporter plutôt au procès-verbal.
M.
de Brouckere. - C’est la doctrine que vous émettez que je conteste.
M.
Lebeau. - Vous contestez la doctrine ; moi, je demande des faits :
qu’on vérifie au procès-verbal si le ministre s’est rallié à l’amendement dés
le début de la discussion.
Un membre. - Quelle différence y a-t-il ?
M.
Lebeau. - La différence est énorme.
Dans la loi provinciale on a
remis en discussion au second vote tous les amendements auxquels le
gouvernement s’était rallié, et, par la motion d’ordre adoptée par la chambre
au commencement de la discussion de la loi communale, il a été établi que les
amendements de la section centrale adoptés par la chambre ne pourraient être
remis en question au second vote qu’autant que le ministre ne s’y serait pas
rallié avant toute discussion.
M. de Brouckere. - Le procès-verbal ne peut
avoir ici aucune influence, il n’est nullement question de faits. Remarquez, le
gouvernement a demandé lui-même que les membres des administrations de
bienfaisance ne pussent être ni bourgmestres, ni échevins. Voilà la demande du
gouvernement. La chambre déclare que les membres d.es administrations des
hospices et des bureaux de bienfaisance ne peuvent être ni bourgmestres, ni
échevins. Donc il y a accord entre le vote de la chambre et la demande du
gouvernement. ; il n’y avait pas besoin de se rallier, il y avait accord avant
qu’on eût parlé de se rallier. La chose est positive. C’est aussi clair que
possible.
Je le répète, sans proposer de
question préalable, si le ministre ne retire pas son amendement, reconnaissant
qu’il n’est pas recevable, chaque fois qu’il présentera la question préalable
sur un amendement, je la combattrai. Que le ministre fasse maintenant ce qu’il
voudra, sa conduite réglera la mienne.
M. Lebeau. - On a reporté mes regards sur le
paragraphe 6 du gouvernement. Je conviens dans ce sens que le gouvernement
n’avait pas besoin de se rallier à la proposition de la section centrale. Elle
avait seulement ajouté le mot hospices.
C’est à la chambre à voir si elle doit considérer cela comme un amendement.
Quant à moi, je déclare que je ne persiste pas dans ma motion d’ordre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Puisqu’on est d’accord ana l’interprétation du règlement, je retire mon
amendement et je demanderai à la chambre, quand des questions identiques se
présenteront, de tenir avec la même fermeté à l’exécution de son règlement.
Plusieurs voix. - C’est juste.
M. le
président. - M. Doignon propose de rétablir dans l’article le n°1° de
la proposition du gouvernement qui était ainsi conçu
« 1° Les individus dénommés à
l’art. 5. »
- Cet amendement est mis aux
voix et adopté.
L’ensemble de l’art. 8, ainsi
modifié, est également adopté.
(Moniteur belge n°75, du 16 mars 1835) M. Dumortier,
rapporteur. - Avant d’aller plus loin, je demanderai la permission de
renouveler une observation relativement à la rédaction définitive de l’art. 2
du projet. Lorsqu’on a voté cet article, on l’a fait dans la prévoyance que le
bourgmestre serait, dans tous les cas, pris dans le sein du conseil. En
adoptant l’amendement de M. de Brouckere auquel le ministre s’est rallié, vous
avez décidé que, dans certaines circonstances, le bourgmestre pourrait être
pris hors du sein du conseil. J’ai eu l’honneur de faire observer que, par
suite du vote de l’art. 2, on ne pouvait plus revenir sur la question , on m’a
répondu que, si on adoptait un amendement. quant à la nomination du
bourgmestre, on pourrait en conséquence de ce vote revenir sur l’article 2.
Puisque vous avez repris pour l’art. 6 la proposition du gouvernement, vous
devez également reprendre la proposition du gouvernement à l’art. 2. C’est le
corollaire de l’art. 6 tel que vous l’avez adopté.
Cette disposition porte :
« Lorsque le bourgmestre
fait partie du conseil communal, ce conseil y compris les échevins est composé
de… »
Suit l’échelle proposée par la
section centrale et adoptée par la chambre.
Vous devez d’autant plus
adopter cette modification, que vous avez admis sauf rédaction que les
conseillers et les échevins sont élus directement par l’assemblée des
électeurs.
D’après
la manière dont sont rédigés les articles 1 et 2, il y aurait toujours du doute
sur la question de savoir si les échevins seraient conseillers. Ce doute
cesserait en adoptant la rédaction de la première disposition de l’art. 2 du
gouvernement.
Nous entendons tous que les
échevins soient conseillers, mais il faut que notre intention à cet égard, soit
formellement exprimée dans la loi.
Je propose donc de reprendre
l’article 2 du gouvernement sauf l’échelle.
M.
de Brouckere. - Je ne pense pas que la rédaction de l’art. 2 telle
qu’elle a été adoptée soit aussi parfaite que possible, cependant je ne pense
pas que cet article, tel qu’il est rédigé, puisse donner lieu à la moindre
ambiguïté, et qu’il soit nécessaire de changer la rédaction.
Il est vrai que l’art. 1er
pose en principe qu’il y a dans chaque commune un corps communal composé des
conseillers, du bourgmestre et des échevins ; mais quand on interprète une loi,
on ne considère pas un article isolement, mais en le mettant en corrélation
avec les autres articles. Or, l’art. 6 déroge pour certains cas à l’art. 1er.
Il statue que le bourgmestre ne fait pas partie du corps communal. L’art. 1er
pose la règle, et l’art. 6 l’exception. Quant à l’art. 2, je ne vois pas non
plus la nécessité d’y rien changer.
Cet article
porte : « Le corps communal est composé de sept membres dans les communes
au-dessous de 1,000 habitants, etc. ; »
Que le bourgmestre en fasse ou
non partie, le nombre des membres reste toujours le même. Je ne vois pas la
nécessité de changer la rédaction de cette disposition. Je le répète, je ne la
trouve pas aussi parfaite que possible, et si on en présentait une plus claire
je ne m’opposerais pas à ce qu’on l’adoptât.
M.
Dubus. - L’art. 2 ne peut pas rester dans les termes où il a été
rédigé, car il emporterait autre chose, dans une hypothèse donnée, que ce que
la chambre a voulu. Il résulte de l’art. 1er qu’il y a dans chaque commune un
corps communal composé des conseillers, du bourgmestre et des échevins.
D’après cette disposition qui
ne fait pas de distinction, cette expression « le corps communal »
comprend toujours le bourgmestre, qu’il soit pris dans le conseil ou hors du
conseil. Voilà ce qui résulte de l’art. 1er. Lisez maintenant l’art. 2 : Le
corps communal est composé de … membres dans les communes de … Vous voyez qu’il
y est dit de combien de membres est composé le corps communal, toujours sans
distinction si le bourgmestre est pris dans le conseil ou hors du conseil. Que
résultera-t-il de ces dispositions ? que les membres du conseil étant élus
avant que le Roi ne nomme le bourgmestre, si le Roi juge à propos de le prendre
hors du conseil, il faudra faire sortir un membre du conseil et de sept membres
le réduire à six.
Vous voyez
donc qu’il y a nécessité absolue de modifier l’article 2. Remarquez que l’art.
Mais maintenant que vous avez
abandonné le système qui avait déterminé la section centrale à adopter cette
rédaction, vous devez aussi abandonner la rédaction qu’elle avait préférée et
qui était en effet préférable, quand le bourgmestre devait être pris dans le
sein du conseil. Si le corps communal ne doit être composé que de sept membres
dans les plus petites communes, lorsque le peuple aura choisi les sept membres
du conseil, si le gouvernement prend le bourgmestre hors du conseil il y aura
un conseiller de trop ou un corps communal composé de huit membres.
M. Devaux. - Outre
que la rédaction de l’art. 2 du gouvernement ne me paraît pas satisfaisante, il
y a, ce me semble toujours plus ou moins d’inconvénient à revenir sur un
article définitivement adopté. Cet article est défectueux, en ce qu’il dit ce
qui arrive quand le bourgmestre fait partie du conseil et ne dit pas ce qui a
lieu quand il n’en fait pas partie. il vaudrait mieux, ce me semble, adopter un
article nouveau qu’on placerait à la suite et qui dirait : « Lorsque le
bourgmestre ne fera pas partie du conseil, la proportion déterminée à l’art. 2
sera observée pour les autres membres du corps communal.»
Et on ajouterait : « les
échevins font toujours partie du conseil communal.»
M. Dumortier, rapporteur. - Je me rallie à
cette proposition.
M. de Brouckere. - L’observation de M.
Devaux prouve que l’article du gouvernement est plus mauvais que celui qui a
été adopté. Je vais en ajouter une autre. Lorsque le bourgmestre ne fait pas
partie du conseil, il n’augmente pas le nombre des conseillers, car le
bourgmestre alors ne faisait pas partie du conseil, et n’augmentait pas le
nombre des conseillers, car quand on n’y a pas voix délibérative, on ne fait
pas partie du conseil, on y assiste.
M.
Milcamps. - Voici l’amendement que je propose : « Le corps
communal, lorsque le bourgmestre est nommé dans le sein du conseil est composé de
sept membres, dans les communes au-dessous de mille habitants. »
M. Dubus. - Je ferai remarquer que
l’amendement de l’honorable M. Milcamps, pour lequel je m’étais levé d’abord,
est maintenant incomplet. L’article ne s’applique qu’au cas où le bourgmestre
ferait partie du conseil, et non dans le cas contraire. La disposition la plus
claire consiste, je crois, à dire :
« Le
tout indépendamment du bourgmestre, lorsqu’il ne fait pas partie du
conseil. » Je ne sais pas si l’amendement de l’honorable M. Devaux est
bien clair, quand il dit que la proportion sera gardée, etc., la proportion ne
signifie pas le nombre.
M. Gendebien. - Vous pouvez conserver la
rédaction de la section centrale, en y apportant cette modification : « Le
corps communal est composé de sept membres non compris ou indépendamment du
bourgmestre, quand il ne fait pas partie du conseil. »
M. Jullien. - Il me semble qu’on admettant la
rédaction telle qu’elle est proposée par plusieurs honorables membres, on rend
l’expression de la loi très claire. « Le corps communal est composé,
indépendamment du bourgmestre quand il est pris en dehors du conseil, de sept
membres. » Ainsi vous remédiez à tous les inconvénients possibles.
M.
Milcamps. - L’honorable M. Dubus a fait une observation bien juste en
disant que le nombre fixe est indépendant du bourgmestre nommé hors du sein du
conseil. Je me rallie à son opinion.
M. Dumortier, rapporteur. - Je suis charmé
d’avoir soulevé cette question, puisque vous voyez qu’il y avait lieu de la
soulever. Il me semble que pour tout réviser d’une manière complète, il faut
substituer ces mots : « Le conseil communal, » à ceux-ci,
« le corps communal. » Car remarquez bien que dans l’article premier,
vous avez admis un corps communal composé de bourgmestre et échevins. Puisque
vous admettez que le bourgmestre peut en certains cas être nommé hors du
conseil, la question se trouve changée.
Pour les échevins, vous ne
pouvez vous éloigner de la proposition de l’honorable M. de Brouckere, au moyen
de laquelle on ne peut jamais être échevin sans faire partie du conseil ; le
bourgmestre élu en dehors, le conseil reste tel que le porte l’art. 2 ; quant
aux échevins, ils font toujours partie du conseil communal. Substituez conseil
communal à corps communal, ajoutez l’amendement de l’honorable M. de Brouckere,
et cela réunira, je pense, les suffrages de toute l’assemblée.
M. Verdussen. - Quoique j’adopte presque
entièrement l’amendement de l’honorable M. Devaux, je crois y voir encore une
lacune. Il me semble que vous faites une distinction entre les échevins et les
conseillers. Que sera-ce donc quand un échevin voudra cesser ses fonctions
d’échevin ; cessera-t-il d’être conseiller, vous avez trois catégories ; des
conseillers, des échevins et des bourgmestres. Les échevins et les conseillers
sont élus directement. Mais parce qu’un échevin est élu échevin, est-il
également élu conseiller ? Non ; il fait partie du conseil, mais quand il cesse
d’être échevin, il ne rentre pas de droit dans le conseil. Voilà, je crois, ce
qu’il faut examiner avec soin, car il ne faut pas laisser de doutes sur cette
partie de l’article.
M. Gendebien. - L’observation de M. Verdussen
me paraît sans aucun fondement. Si l’échevin se retire, il se fera une
élection, Il sera nommé à la place de tel conseiller qui sera élu échevin. Il
est élu échevin, il n’a pas d’autre qualité ; quant à l’adjonction de
l’honorable M. Devaux, elle une paraît inutile, parce que l’art. 1er s’exprime
suffisamment et dit tout. Ce serait une redondance, un pléonasme législatif que
de reproduire à l’art. 2 la même chose qu’à l’art. 1er.
M. Devaux. - Il y a deux expressions dans la loi :
il y a corps communal et conseil communal : corps communal comprend tout. Il
s’en suivra que dans les circonstances exceptionnelles, si vous n’attachez pas
le titre de conseiller communal à l’échevin, il ne sera jamais qu’échevin. Il
faudrait, je crois, que la section centrale fît un système sur les démissions
et le présentât à la chambre ; au surplus, mon avis est de ne pas soulever trop
de questions à la fois de peur d’embarrasser la discussion.
M.
Dubus. - Je pense qu’il serait très utile d’appeler un nouvel examen de
la section centrale. Vous avez introduit différentes modifications dans la loi.
Vous avez touché aux fondements de l’édifice, il faut maintenant en harmoniser
les diverses parties.
Quant à
la question qu’on vient de soulever, celle de savoir ce qui arriverait dans le
cas où un échevin donnerait sa démission ou n’accepterait pas ses fonctions, je
remarque que celui qui est nommé échevin directement par le peuple, reçoit un
mandat plus étendu que celui de simple membre du conseil. Ce mandat reçu du
peuple est indivisible. Celui qui reçoit un mandat n’a pas le droit de dire :
j’accepte une partie de ce mandat et l’autre je la répudie ; il accepte ou il
refuse. Il faut que celui qui reçoit un mandat, l’accepte tout entier ou bien
le répudie. Si donc, il n’accepte pas toutes ses fonctions, le peuple nomme un
autre échevin ; l’échevin donne sa démission.
Le contraire me paraît
impraticable, puisque s’il pouvait refuser les fonctions d’échevin et conserver
celle de conseillers, alors le peuple ne pourrait plus nommer un échevin sans
nommer un conseiller de plus, et l’élection deviendrait indirecte. L’échevin
doit accepter ou refuser le mandat tout entier.
M. Gendebien. - Je me permettrai de dire deux
mots encore, quoique la chose me semble bien claire. Ceux qui sont appelés à
élire savent qu’en nommant un échevin ils nomment un membre du conseil ; il y a
dans chaque commune un corps communal composé du bourgmestre, des échevins et
des conseillers. Quand moi, électeur, je nomme un échevin, je sais que je nomme
un conseiller parce qu’il est échevin.
Plusieurs voix. - Non ! non !
M.
Dumortier, rapporteur. - Le bourgmestre fait partie du corps communal,
et ne fait pas partie du conseil.
M.
Gendebien. - Je crois qu’il vaudrait beaucoup mieux refaire tous ces
articles-là ; prenez une définition, dites que les conseils se composent du
bourgmestre, quand il est pris dans le conseil, des conseillers et des
échevins. Vous êtes par là dispensés de l’amendement de l’honorable M. Devaux,
et en deux lignes vous arrangez tout. Il faut refaire l’art. 1er, et alors vous
serez dispensés de toucher à l’art. 2.
M. Dumortier, rapporteur. - Il me semble que la
question est très simple : il y a dans la loi deux choses ; il y a un corps
communal qui se compose non seulement des conseillers, mais encore des échevins
et du bourgmestre quoique pris en dehors du conseil ; mais il y a aussi le
conseil communal, et dans tous les cas, les échevins en font toujours partie.
Le moyen le plus clair est de modifier le mot le corps communal par celui de
conseil, et ensuite d’adopter l’amendement de l’honorable M. Devaux ; alors il
n’y aura plus d’ambiguïté ; la question ne sera plus complexe en substituant le
mot conseil à corps communal.
Je ferai remarquer que si au
premier vote on a adopté une modification à l’art. 2 c’est qu’on avait admis
que dans tous les cas le bourgmestre serait pris dans le sein du conseil ;
aujourd’hui que ce n’est plus cela, il faut en revenir à la première rédaction
du gouvernement, et cela deviendra tout simple.
M.
Devaux. - Messieurs, personne n’est plus que moi ennemi des délais, et
des renvois à la section centrale ; cependant dans cette circonstance, je suis
forcé d’en reconnaître l’utilité. Vous avez adopté un système contraire à celui
du premier vote ; le moyen le plus simple, il me semble, serait par un seul
renvoi de soumettre à l’examen de la section centrale, toutes les questions où
sont apportées des modifications.
Je dis qu’il se présentera des
cas où les électeurs devront prendre un échevin dans le conseil. Il se
présentera des cas où il y aura élection indirecte. Je suppose qu’un conseil
communal soit composé de sept membres ; le Roi nomme un bourgmestre en dehors
du conseil ; le bourgmestre vient à décéder ; le Roi nomme alors le premier
échevin bourgmestre, le conseil est toujours au complet, et cependant il manque
un échevin.
Je crois qu’il serait plus
prudent, au lieu de perdre du temps à de longues discussions sur la rédaction,
de renvoyer en une seule fois à la section centrale tous les articles relatifs
aux échevins ; et, lorsqu’elle aurait fait son rapport, on adopterait tous ces
articles à la fois.
- La proposition du renvoi de
la rédaction à la section centrale est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - « Art.9. Les bourgmestres
et échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par
la députation provinciale, pour le terme de trois mois au plus, pour cause
d’inconduite ou de négligence grave.
« Les échevins peuvent, dans
le même cas, être démis par la députation provinciale.
« Les bourgmestres peuvent
être révoqués de leurs fonctions par le Roi. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ne pense pas que l’on puisse attribuer à la
députation provinciale le droit de suspendre ou de révoquer les échevins élus
par le peuple.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Elle n’aura ce droit que dans les
cas d’inconduite et de négligence grave.
M.
Dumortier, rapporteur. - Dans aucun cas, d’après les anciens
règlements, le gouvernement de Guillaume n’avait, dans les villes, le droit de
révocation ou de suspension des bourgmestres et échevins ; il n’avait ce droit
que pour les communes rurales. Vous voulez donc placer les fonctionnaires
municipaux des villes dans une position pire que celles qu’ils avaient sous le
roi Guillaume. Quant à moi, je ne pense que l’on puisse admettre légèrement de
tels principes.
Je concevrais l’article s’il
stipulait le cas où il y aura lieu de révoquer ou de suspendre. Les cas de
concussion, forfaiture résistance à l’exécution des lois. Mais avec des
expressions aussi vagues que celles de « inconduite ou négligences graves »
vous donnez au gouverneur et à la députation provinciale un droit absolu de
suspension et de révocation.
Puis, je vous le demande, que
ferez-vous après que la révocation d’un échevin aura été prononcée ? Mais le
peuple le lendemain le réélira et vous en serez pour la courte honte du gouvernement.
Le droit de révocation pour les échevins ne signifierait quelque chose
qu’autant que les échevins révoqués ne pourraient pas être réélus. Mais, je le
répète je ne pense pas que l’on puisse donner un droit de révocation sur des
magistrats élus par le peuple.
M. le président. - Il vient d’être déposé sur le
bureau un amendement de M. Desmet sur le deuxième paragraphe de l’art. 9 ; il
est ainsi conçu :
« Les échevins peuvent
être révoques de leurs fonctions par la députation provinciale ; mais ils ne
peuvent l’être que pour forfaiture, concussion ou malversation, et alors ils
devront être mis en jugement, dans le troisième jour de leur révocation ; s’ils
sont reconnus innocents, ils reprennent de droit l’exercice de leurs fonctions. »
M.
Desmet. - Messieurs,
de la manière que le paragraphe est passé au premier vote, il paraît que la
chambre est bien d’accord qu’il faut déterminer les cas dans lesquels les
échevins pourront seulement être destitués ou révoqués.
Mais, messieurs, quand vous
voulez déterminer des cas, il faut cependant en designer qui ont une
signification certaine, et qui ne sont pas tellement vagues, qu’ils ne
déterminent rien et laissent tout à l’arbitraire.
Je vous
demanderai donc quel est le cas qu’on a voulu désigner par le mot
« inconduite, » que veut dire l’inconduite d’un fonctionnaire public
? Pour moi, je n’en sais rien ; je ne connais d’inconduite proprement dite, que
dans la vie privée de quelqu’un. L’homme politique ne peut être taxe
d’inconduite, il a toute liberté d’action et d’opinion aussi longtemps qu’il ne
contrevient pas aux lois de la police et de l’ordre public.
Les cas que je détermine dans
l’amendement que j’ai pris la liberté de vous soumettre, sont assez significatifs
et sont les seuls, d’après moi, qui peuvent donner lieu à une destitution.
Ce n’est pas moi qui les ai
imaginés, je les ai pris de nos anciennes chartes des communes et d’un ouvrage
qui porte autorité sur la matière, du traité du pouvoir municipal, d’Henrion de
Pansey.
J’ai voulu aussi que les faits
pour lesquels on pourra destituer un officier municipal soient successivement
constatés ; déshonorer une personne et la perdre pour toujours dans sa
réputation, ne pourra certainement se faire, vous le sentez comme moi, que
quand un jugement aura constaté qu’elle a commis les méfaits pour lesquels elle
est déclarée indigné du gérer les affaires de la commune. Il fallait une
garantie aux officiers municipaux contre les actes arbitraires des autorités
supérieures, j’ai cru la trouver dans la disposition que je vous soumets.
Mais, messieurs, pour
développer plus amplement les motifs de mon amendement,
permettez que je vous cite ce que Henrion de Pansey dit sur la dissolution des
officiers municipaux :
« Les places dans les
municipalités ne sont ni des commissions, ni des offices ; ce sont des charges,
dit ce savant légiste.
« Les commissions sont
révocables à volonté ; les charges confèrent des fonctions temporaires. Les
offices sont à vie ; les titulaires ne peuvent les perdre que pour forfaiture
préalablement jugée. »
Ceux donc qui possèdent des
charges, comme les officiers municipaux, et les titulaires des offices, ont
ceci de commun, que sauf le cas de forfaiture, la loi doit également les
maintenir dans leurs fonctions, les uns pendant le cours de leur vie ; les
autres pendant la durée d’un temps déterminé. Tels sont les juges des tribunaux
de commerce choisis par les négociants, comme les officiers municipaux le sont
par les habitants des communes…
Il en est donc des officiers
municipaux comme de tous les juges. La loi doit également garantir la durée de
leurs fonctions, et comme il n’est pas donné aux actes du pouvoir exécutif de
prévaloir sur les lois, il faut tenir en principe que semblable aux juges, les échevins
ne peuvent être destitués que pour forfaiture, concussion et malversation
judiciairement constatées…
Cependant on m’objectera que
la règle ainsi appliquée dans toute son étendue pourrait avoir de fâcheuses
conséquences. L’administration a une marche si rapide et qui prête tellement à
l’arbitraire, que les magistrats des communes pourraient multiplier les
vexations de la manière la plus scandaleuse, si pour en arrêter le cours, le
gouvernement en était réduit à recourir aux formes lentes et solennelles des
tribunaux. Mais je répondrai que le remède n’est pas nécessairement dans une
destitution. La suspension devrait suffire, mais le gouvernement a plus, il
peut même révoquer à volonté, et sa révocation sera maintenue s’il n’a pas agi
injustement et arbitrairement. Car, messieurs, veuillez prendre attention, que
vous ne tombiez pas dans l’inconvénient de vouloir guérir un mal par un autre
mal qui est plus grand et qu’en cherchant à vouloir porter remède à
l’arbitraire, vous y substituiez un arbitraire plus fort encore.
Vous
avez en outre, contre les fonctionnaires négligents et paresseux, le moyen
salutaire de l’envoi de commissaires spéciaux à leurs frais, sans que, dans
plusieurs cas, ils soient punissables devant la loi ; et veuillez ne pas perdre
de vue que les échevins ne remplissent qu’une place temporaire, et si les
habitants ne les trouvent pas assez aptes à gérer les affaires de la commune,
ils auront soin de ne pas les réélire, nous ne devons jamais soupçonner que les
électeurs de la commune fixeront une deuxième fois leur choix sur des personnes
qui ont fait preuve de négligence ou d’incapacité...
M.
de Robaulx. - Mon intention n’est pas de faire des observations sur
l’amendement qui vient d’être présente. Je ne veux que tant soit peu changer la
rédaction de l’article. Si vous admettez l’amendement de M. Desmet, je devrais
changer la rédaction du mien. Je propose mon amendement pour le cas où celui
présenté par M. Desmet ne serait pas adopté.
Je voudrais qu’à la fin du
premier alinéa de l’article, au lieu de « pour cause d’inconduite ou de
négligence grave » on dît « pour non-accomplissement de leurs devoirs
ou pour négligence grave. »
Je ne conçois pas que l’on
puisse dans une loi telle que nous discutons s’occuper de la conduite privée.
Que signifie ce mot : « inconduite » ? Il est évidemment trop vague.
Est-ce la conduite de politesse ? Non sans doute. Mais s’il s’agit du faits
répréhensibles, il n’y a pas à s’en occuper dans une loi communale. Le code
pénal prévoit et punit.
Pour certaines personnes
l’inconduite, c’est la non-observance des obligations religieuses. Sera-t-on
dans le cas d’inconduite, parce que, par exemple, on n’ira pas à la messe ? Je
ne vous fais pas l’injure de prétendre que c’est là ce que vous voulez. Mais
toujours est-il que chacun entend à sa guise l’inconduite et la moralité ; que
ce qui est inconduite aux yeux des uns, ne l’est pas aux yeux des autres. Vous
ne pouvez donc admettre dans la loi des expressions aussi vagues.
Pensez-vous d’ailleurs, que si
un homme est taré dans l’opinion, les électeurs lui accordent leur
confiance ? S’il s’agit d’un échevin qui soit ivrogne, si malgré cela il
remplit ses devoirs, vous n’aurez rien à y voir ; s’il est ivrogne au point de
négliger gravement ses devoirs, les expressions de mon amendement : «
non-accomplissement des lois ou négligence grave » vous donneront le droit
de le suspendre. Sil s’agit d’un homme taré, il ne sera pas réélu. Il faut un
peu vous en rapporter à la conscience des électeurs.
Je
voudrais en outre que l’on ajoutât au premier alinéa :
« L’acte qui prononce la
suspension devra être motivé. »
Je crois que c’est là une
garantie à laquelle les fonctionnaires ont droit et que l’on ne doit pas
pouvoir les suspendre, sans dire pourquoi. Tous les jugements sont motivés ;
ici l’administration qui prononce le jugement doit en faire connaître les
motifs.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Lors du
premier vote, la chambre avait décidé que les échevins seraient nominés par le
pouvoir exécutif, sur une liste de candidats présentée par le conseil communal.
Malgré cette disposition, la chambre avait admis avec raison dans l’art. 9 une
disposition qui permet de révoquer ou de suspendre les échevins pour cause
déterminée : « Pour cause d’inconduite et de négligence grave. »
Par un second vote, vous avez
modifié la disposition de l’article 7 en ce qui concerne la nomination des
échevins et vous avez décidé que les échevins seraient nommés directement par
les électeurs. Loin de voir là un motif pour modifier la disposition de l’art.
9, relative au droit de révocation et de suspension des échevins, j’y
trouverais un motif pour l’insérer dans la loi, si déjà elle n’y était pas. En
effet, dans le premier cas, la députation provinciale avait le droit de
révocation pour motifs déterminés, mais comme le gouvernement avait le droit de
nomination, il ne dépendait que du gouvernement de ne pas nommer les échevins
que la députation avait révoqués de leurs fonctions ; aujourd’hui les choses
sont bien différentes.
Lorsque la députation aura
révoqué un échevin, si cette révocation n’est pas conforme au vœu de la
commune, si la commune ne veut pas ratifier ce que la députation aura fait, elle
pourra réélire cet échevin.
Je ne m’expliquerai pas à
présent sur le vote admis dans votre dernière séance, d’après lequel les
échevins sont nommés directement par les électeurs. Mais il me semble
incontestable qu’on ne peut dans aucun cas en tirer un argument contre la
disposition de l’article.
Le droit de suspension et de
révocation me paraît utile, nécessaire dans l’un et l’autre système. Mais après
le vote d’hier ce droit est à l’abri de toute critique possible.
Avant de prononcer une
révocation, la députation y réfléchira à deux fois ; car si, après avoir été
révoqué par elle, un échevin était réélu, évidemment ce serait un affront pour
la députation, puisque les électeurs blâmeraient la mesure qu’elle aurait
prise. Dans le premier cas, vous n’aviez pas même toute cette garantie ; la
députation provinciale, quand elle avait prononcé une révocation, aurait pu
peut-être, en faisant valoir auprès du gouvernement les motifs qui l’avaient
déterminée, empêcher que l’échevin révoqué ne fût de nouveau nommé par le
gouvernement. Ce n’était pas là, selon moi, un motif de refuser ce droit,
c’était une objection qui maintenant vient à tomber.
Vous avez, je le répète,
trouvé dans l’élection directe des garanties même extraordinaires contre l’abus
possible et d’ailleurs peu probable du droit de révocation.
Lorsqu’un échevin sera d’un
inconduite notoire, qu’il se livrera habituellement à l’ivrognerie et d’une
manière plus ou moins scandaleuse, qu’il négligera les affaires de la commune
et les compromettra par sa négligence, ne doit-on pas supposer qu’il aura perdu
la confiance des électeurs qui auraient été induits en erreur sur son compte ?
N’est il pas de l’intérêt de la commune elle-même qu’il soit révoqué de ses
fonctions.
On
comprendra donc, je pense, que l’on doit admettre avec plus de facilité que
précédemment le droit de révocation, parce que si la révocation n’est pas
notifiée par les électeurs, elle se trouvera être de nul effet.
Le mot inconduite est un peu vague ; mais on peut y ajouter le mot notoire ; car je suis d’avis qu’il faut
une inconduite notoire pour révoquer un échevin ; on ne peut aller scruter dans
la vie privée de cet homme pour y trouver un motif de révocation.
M.
de Robaulx. - Il faudrait motiver l’arrêt.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’arrêté
motivé présente des inconvénients, et le plus souvent dans l’intérêt de celui
que l’on révoque.
M.
Dubus. - Dans l’état où se trouvait le projet lors du premier vote
l’art. 9, actuellement en discussion, me paraissait laisser beaucoup à désirer.
Et d’abord j’y remarquais du vague dans l’expression : « pour cause
d’inconduite et de négligences graves ; » ce vague est si évident que le
ministre des affaires étrangères est obligé de proposer l’addition du mot notoire au mot inconduite. Il a même parlé d’inconduite notoire et scandaleuse.
Quand on soutient le droit de
révocation, on allègue l’inconduite scandaleuse ; mais quand on rédige
l’article, on ne met que le mot inconduite.
Il faut cependant déterminer les cas de révocation d’une manière précise ; il
faut donner à cet égard des garanties.
Les mots négligences graves sont aussi bien vagues. Il y a surtout manque de
garanties pour l’individu qui serait ainsi révoqué. On ne peut le révoquer sans
l’entendre ; on ne dit pas que l’on fera connaître au fonctionnaire les motifs
de sa révocation et qu’il sera admis à se justifier. C’est cependant une espèce
de jugement rendu qu’une révocation, et peut-on le rendre sans admettre celui
qu’il frappe à présenter ses moyens justificatifs ? Il n’y a aucune garantie
dans le prononcé de ce jugement qui sera rendu sans considérants. On dit que
l’intérêt même du fonctionnaire exige quelquefois qu’on n’explique pas les
motifs de sa révocation ; mais par la même raison, dira-t-on, que l’on ne doit
pas motiver les jugements criminels ; car il est de l’intérêt de l’inculpé
qu’on ne fasse pas connaître pourquoi il est frappé ; les motifs des jugements
ne sont pas pour les condamnés ; ils sont des garanties pour la société ; ils
sont des garanties pour les innocents.
Si les motifs de la révocation
ne sont pas à l’avantage du fonctionnaire révoqué, j’en suis fâché ; il faut
qu’il porte la peine de sa faute. Il faut connaître les motifs d’un tel acte
afin qu’on ne révoque pas pour des motifs en l’air : s’ils sont faux ils
retomberont sur celui qui aura prononcé la révocation ; s’ils sont vrais ils
feront connaître le fonctionnaire destitué pour ce qu’il est.
Les vices que je signale
existaient dans le système de la section centrale ; mais dans le système adopté
maintenant l’article me paraît plus vicieux encore. Vouas avez attribué au
peuple l’élection directe des échevins : c’est, vous dit-on, un motif de plus pour
rendre la révocation facile ; je dirai que c’est au contraire un motif pour la
rendre plus difficile ; sans cela vous pourriez voir constamment le même
individu nommé par le peuple et brisé par l’autorité supérieure.
Le peuple les nomme et c’est
là une raison pour que vous précisiez les causes de la révocation, et pour que
vous donniez des garanties sur la manière dont on a constaté les causes.
Messieurs, la révocation ne
doit pas emporter seulement la perle des fonctions d’échevins, mais encore la
perte des fonctions de conseiller. Si l’échevin révoqué conservait les
fonctions de conseiller, on ne pourrait pas nommer un autre échevin à sa place
; mais il ne peut appartenir à l’autorité supérieure le droit de briser le
mandat d’un membre du conseil sans garanties.
Dans
l’état actuel de la discussion, il ne me paraît pas possible d’admettre autre
chose que la disposition présentée par M.
Desmet. Cet amendement offre des garanties ; les causes de la suspension
y sont déterminées.
Je crois qu’il faudrait renvoyer
l’article à la section centrale pour qu’elle le mette en harmonie avec les
articles adoptés précédemment, Il est impossible de maintenir l’art. 9 tel
qu’il est. Il faut savoir ce que sera la révocation ; si elle emporte la perte
de la fonction d’échevin seulement, et comment l’échevin sera remplacé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce n’est pas une nouveauté que la disposition adoptée par la chambre ; c’est
une disposition mise en pratique depuis un grand nombre d’années et dont on ne
connaît pas d’abus ; elle est tutélaire pour les communes. L’ancien règlement
allait même plus loin, car on n’exigeait pas que fût grave la négligence qui
faisait encourir la révocation : la simple négligence causait la révocation ou
la suspension. Nous avons introduit le mot grave pour mieux qualifier la
négligence. M, le ministre des affaires étrangères a proposé de mettre le mot notoire après le mot inconduite, et c’est en effet toujours
de cette manière que l’administration a agi.
Je pense que l’on peut s’en
rapporter avec toute confiance à la décision de la députation des états qui est
un corps électif et indépendant.
Il est inutile d’en dire
davantage.
M.
Desmet. - Le ministre de l’intérieur cite toujours les règlements du
roi Guillaume ; moi, je préfère citer les chartes des communes. Les règlements
ont été imposés par le despotisme à des peuples dont on disposait comme de
troupeaux ; les chartes ont été conquises par nos ancêtres ; elles sont le
résultat de leur courage et de leur haute raison, et elles ont passé dans nos
mœurs. Quelle différence aussi entre les règlements et les chartes ! Par les
règlements de Guillaume l’autorité centrale intervient dans la nomination des
échevins ; par nos chartes, c’est le peuple qui élit les administrateurs
municipaux ; et les traditions et l’histoire ont appris à ce peuple de combien
de sueurs il a payé ce droit.
Je ne suis pas un grand
jurisconsulte, je sais cependant que c’est celui qui nomme qui a le droit de
révoquer ; puis donc que c’est la commune représentée par les électeurs, qui
nomme les échevins, c’est elle seule qui doit en effet les révoquer.
S’il y
a des échevins négligents, il n’y aura donc pas moyen, direz-vous, de s’en
défaire ? mais n’avez-vous pas plusieurs remèdes à apporter à ce mal ? vous
avez d’abord, la suspension. Pourquoi employer la révocation qui est
quelquefois déshonorante, quand la suspension suffit, et ne produit pas ce
fâcheux effet.
Vous avez encore contre la
négligence l’envoi de commissaires spéciaux aux frais de l’administrateur
répréhensible. Un échevin négligent, recevant des commissaires spéciaux qui lui
coûtent jusqu’à 20 francs par jour, n’est pas déterminé à persister dans sa
négligence.
Je le répète, pour rester dans
les principes, il faut laisser la révocation à ceux qui ont fait la nomination
; ou laisser la révocation à la commune elle-même.
M.
Gendebien. - Messieurs, voici un amendement que je crois nécessaire :
« Les fonctionnaires suspendus
ou destitués seront toujours préalablement entendus.
« Les suspensions et
révocations seront motivées ; elles seront adressées directement à la personne
qui en est l’objet. Elles ne seront pas publiées.
« Il en sera donné
connaissance à l’administration communale par une simple notification du
dispositif de l’arrêté. »
Messiers, il s’agit ici d’une
magistrature toute populaire, d’une magistrature gratuite dans beaucoup de ses
degrés, et fort mal rétribuée dans les degrés supérieurs ; et il est question
de flétrir des hommes qui ont obtenu le suffrage de leurs concitoyens ; il me
semble qu’il y a présomption en faveur de ces fonctionnaires, et qu’il y a des
motifs de procéder avec ménagement.
Je pense que le gouvernement
ne peut se mettre en contradiction avec l’élection populaire sans motifs ;
c’est pour cela que je désire que la révocation ou la suspension soient
motivées.
L’inculpé doit être entendu ;
c’est l’objet de la première disposition. Il y aurait iniquité à ne pas
l’entendre ; l’homme auquel on reproche un délit de police est admis à se
défendre lui-même ; pouvez-vous flétrir un fonctionnaire dans son honneur sans
l’entendre !
Pour éviter de flétrir en
public un homme qui a recueilli les suffrages de ses concitoyens, je désire que
l’arrêté motivé lui soit adressé et ne soit adressé qu’à lui ; et je réponds
par là à l’objection du ministre des affaires étrangères, puisqu’on ne publiera
pas les motifs des rigueurs prises : on fera une simple notification du dispositif
de la mesure au conseil communal.
Si on
ne veut que frapper juste, suivre les règles de la justice et de l’équité, on
doit adopter mon amendement ; si on veut faire de l’arbitraire, ou doit le
repousser. Comme je ne veux pas de l’arbitraire, je dois en mettre à l’abri les
fonctionnaires municipaux comme les autres citoyens.
M. le
président. - M. Dumortier
vient de déposer l’amendement suivant :
« Les bourgmestres ne
peuvent être révoqués que pour cause d’inconduite notoire et de négligence
grave. L’arrêté de suspension du gouverneur sera rendu sur l’avis conforme de
la députation provinciale. La durée de la suspension ne pourra excéder trois
mois. L’arrêté de suspension sera dans les vingt-quatre heures, adressé au
fonctionnaire que la chose concerne.
« Le fonctionnaire
suspendu sera entendu dans sa défense, et à l’expiration du délai de trois mois
pourra être révoqué par arrêté du Roi énonçant les motifs de la révocation.
« Cet arrêté ne sera pas
inséré au Bulletin officiel. »
M. Dumortier, rapporteur. - L’amendement que
j’ai déposé est conçu à peu près dans les mêmes termes que celui de l’honorable
M. Gendebien. Il est
incontestable que des abus très graves ont eu lieu dans la suspension et la révocation
de certains fonctionnaires publics.
Plusieurs pétitions ont été
adressées à la chambre, qui signalent des abus qu’il importe de rendre
impossibles à l’avenir.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Quelles
pétitions ?
M.
Dumortier, rapporteur. - J’en ai une entre les mains de laquelle il
résulte qu’on a suspendu et révoqué des fonctionnaires communaux sans leur
donner connaissance des motifs de leur révocation et sans les entendre dans
leur défense.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Quels sont
ces fonctionnaires et par qui ont-ils été révoqués ?
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai sous les yeux une pétition du 7 juin 1833
du bourgmestre de la commune de P... qui se plaint d’avoir été révoqué de ses
fonctions par le gouverneur, sans qu’on ait voulu l’entendre dans sa défense.
C’est là un abus très grave, en supposant qu’un fonctionnaire ait eu des torts
graves, très graves, le gouverneur a eu raison sans doute de le suspendre, mais
il a eu le plus grand tort de ne pas vouloir l’entendre dans sa défense. Je
déclare que je dois flétrir une pareille conduite.
Le droit de défense est un
droit sacré ; tout fonctionnaire suspendu ou révoqué doit de toute nécessité
être entendu dans sa défense, sans quoi, nous finirions par avoir en Belgique
une justice de cadi.
J’admets la faculté de
suspension donnée au gouverneur pour cause d’inconduite notoire ou de
négligence grave. Ce sont les deux cas présentés par le gouvernement. J’admets
aussi que la suspension ne peut pas excéder trois mois, mais je veux qu’elle
soit prononcée par le gouverneur sur l’avis conforme de la députation provinciale
; car ce serait laisser trop de vague et d’arbitraire que de permettre que le
gouverneur prononce la suspension d’un fonctionnaire municipal, sans l’avis ou
malgré l’avis de la députation. Vous ne voulez pas faire des fonctionnaires
municipaux de simples agents des volontés du gouvernement, vous ne voulez pas
que les bourgmestres, que des magistrats municipaux soient les exécuteurs des
simples caprices du pouvoir.
Si vous voulez admettre le
droit de suspension et de révocation, c’est dans l’intérêt de la chose
publique, dans l’intérêt du pays et non pour donner des satisfactions
d’amour-propre aux ministres, aux gouverneurs ou aux commissaires de district.
Il faut alors qu’il y ait concours de la part de l’autorité provinciale, il
faut que la suspension ne puisse avoir lieu que sur l’avis conforme de la
députation provinciale.
Quant à la révocation, la
suspension étant prononcée, je demande que l’arrêté de suspension soit
communiqué au fonctionnaire suspendu, et qu’on lui donne le temps d’y répondre.
Ce délai sera de trois mois. Si, à la fin de ce délai, le gouverneur trouve que
les griefs à la charge du fonctionnaire suspendu sont fondés, il provoquera un
arrêté du Roi qui seul pourra prononcer la révocation.
Et cette révocation sera
motivée, non pas en disant : tel fonctionnaire est révoqué parce qu’il me
plaît de le révoquer, mais en énonçant les faits qui ont motivé la révocation.
L’arrêté du roi sera
communiqué au conseil communal, afin que le conseil communal puisse juger de la
validité de la révocation, mais il ne sera pas publié.
Ainsi on ne pourra plus
prétendre que les arrêtés de révocation motivés sont plus nuisibles qu’utiles
aux fonctionnaires qui en sont l’objet. Je reconnais que des arrêtés de cette
nature ne doivent pas être publiés, mais il est de toute nécessité de le
communiquer au fonctionnaire incriminé et au corps municipal à qui on enlève
son chef.
Quant aux échevins, je m’en
rapporte à l’amendement proposé par M.
Desmet.
L’honorable M. Desmet, en
présentant son amendement, a fait une observation très judicieuse. C’est que le
ministre de l’intérieur, en parlant de notre ancien régime communal, s’arrête
toujours aux règlements tyranniques de Guillaume, il ne cite jamais que ces
règlements. Sous le gouvernement précèdent, comme je l’ai déjà fait observer,
quoique le Roi se fût réservé une si grande part d’action sur les personnes, il
n’avait pas cru devoir s’attribuer le droit de révoquer et de suspendre le
bourgmestre et les échevins des villes. Et lorsqu’aux grands jours de la
révolution, il voulut user de ce droit vis-à-vis du bourgmestre de Termonde
pour la belle conduite qu’il avait tenue dans ces circonstances, il souleva un
cri unanime de réprobation.
Je ne veux pas que le
gouvernement puisse dans
C’était un axiome en Belgique,
que quand le souverain, nommait un sergent, il nommait son maître, car il ne
pouvait jamais révoquer un fonctionnaire, si mince qu’il fût, une fois qu’il
l’avait nommé. Les tribunaux seuls pouvaient le destituer. Voila quels étaient
les anciens usages de
Oui, messieurs, une grande
liberté existait dans nos institutions avant la révolution française. Les
souverains des Provinces-Unies, le comte de Flandre, le comte de Brabant ou le
comte de Namur ne pouvaient pas révoquer un fonctionnaire si minime qu’il fût.
Une fois nommé, il fallait qu’il fût jugé par droit et sentence, pour être
privé de ses fonctions.
Voyez combien nous sommes loin
de ces temps où on jouissait de tant de liberté dans nos provinces, puisque
aujourd’hui nous sommes obligés d’insérer dans une loi d’organisation communale
que le Roi pourra suspendre et révoquer un fonctionnaire municipal pour
inconduite notoire ou négligence grave. Ces expressions sont encore bien
élastiques, et font encore la part bien large à l’arbitraire.
Aussi est-ce à regret que je
fais ma proposition. Mais je ne puis renoncer aux deux garanties que je demande
en faveur du fonctionnaire vis à-vis duquel la mesure pourra être prise. La première
que la suspension ne pourra être prononcée que sur l’avis conforme de la
députation, la seconde qu’il devra être entendu dans sa défense. Si on refusait
de l’entendre, je le répète, ce serait une véritable justice de cadi en matière
administrative.
PROJET DE LOI RELATIF AU
RENOUVELLEMENT DES CHAMBRES
M. le
président. - La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
présente le projet de loi relatif au mode de renouvellement des chambres.
- La chambre donne acte à M.
le ministre de l’intérieur de la présentation du projet dont il vient d’être
donné lecture. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés, distribués
et renvoyés à l’examen des sections.
M.
Dubus. - Je demande que ce projet soit mis à l’ordre du jour des
sections pour lundi.
M. le
président. - On suivra à cet égard les usages de la chambre.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DES COMMUNES
Second vote des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
M.
Jullien. - Il est certain que l’article proposé ne peut pas subsister.
Mais d’un autre côté, on a présenté une multitude d’amendements.
Il est assez difficile d’en saisir
l’ensemble et même de les saisir isolement. Quant à l’amendement de M. Desmet,
j’approuve les intentions qui l’on fait proposer, mais il ne me paraît pas
exécutable. Il veut que ce soit le peuple qui révoque les échevins de leurs
fonctions et que la révocation ait lieu pour concussion, et autres crimes
qualifiés. Je me demanderai comment le jugement du peuple sera rendu, si ce
sera par les habitants de la commune assemblés ; je lui demanderai quel sera
l’accusateur et de quelle manière la révocation se fera. Voilà ce que je crois
qui n’a pas été dit dans l’amendement. D’un autre côté, si le fonctionnaire
prévenu de concussion ou autre crime, doit être ensuite renvoyé devant les
tribunaux pour être poursuivi, il y aura donc un pouvoir quelconque qui établira
d’abord la concussion ou autres crimes, ou tout au moins la prévention de ces
crimes, pour être l’individu inculpé, renvoyé devant un tribunal.
Il ne me paraît pas que cet
amendement à moins d’une organisation plus complète puisse être discuté avec effort.
L’article entier même ne peut
pas exister, parce qui ôte toute espèce de garantie. Vous dites que le
bourgmestre pourra être révoqué pour cause d’inconduite. Le gouvernement
convient qu’il faut ajouter notoire,
parce que sans cela l’expression serait trop vague. J’admets donc qu’il faut
que cette qualification notoire soit
ajoutée au mot inconduite. Mais cela
ne suffit pas. Car on déciderait du sort du fonctionnaire, de sa réputation, de
son honneur, sans l’entendre, cela ne peut pas être.
Il est de principe en
jurisprudence que tout jugement sans que le prévenu ail été entendu, est un
jugement par défaut ou contumace. Votre intention sans doute n’est pas que sans
avoir entendu la partie inculpée, on puisse décider et de sa place et de son
honneur. Voilà encore une rectification qui doit être faite.
Il y a encore une autre
garantie qu’il importe d’insérer dans l’article, c’est que la décision soit
motivée. Dans la première discussion, je l’ai démontré ; ce que j’ai dit alors,
M. Dubus vient de le reproduire. Il est plus avantageux pour le fonctionnaire
inculpé, pour la société, pour les électeurs, pour tout le monde, que la
décision soit motivée. Si elle ne devait pas l’être les fonctionnaires
municipaux seraient livrés aux caprices de l’autorité suprême.
Si ces
trois garanties sont insérées dans l’article, je l’admettrai.
La première que le
fonctionnaire inculpé soit entendu, la seconde que la décision soit motivée et
la troisième qu’il ne puisse être suspendu ou révoqué que pour inconduite
notoire ou négligence grave.
Je pense que la rédaction
proposée par M. Gendebien renferme ces conditions.
M.
Dubus. - J’appuie les observations de l’honorable préopinant en ce qui
concerne l’impression et la distribution des amendements, afin qu’on puisse
réfléchir à la portée de chacun d’eux. Car l’honorable membre n’a pas saisi
l’amendement de M. Desmet. Il a
supposé que M. Desmet voulait que le jugement fût rendu par le peuple. Mais
j’ai été prendre connaissance de cet
amendement.
Il propose de déclarer en
principe que la révocation ne peut être rendue définitive que pour cause de
forfaiture, de concussion ou malversation judiciairement constatée.
Il admet qu’en attendant on
puisse les suspendre, mais à la charge de les mettre en jugement et s’ils
sortent innocents de cette épreuve, ils doivent être rendus à leurs fonctions.
Voilà le sens de l’amendement si ce n’en sont pas les termes.
Il est nécessaire que tous les
amendements soient imprimés et distribués.
L’honorable préopinant a signalé
trois vices que présente l’art. 9 adopté par la chambre lors du premier vote ;
et moyennant qu’on le modifie dans le sens qu’il a indiqué, il serait disposé à
y donner son assentiment. Il y a cependant encore une observation à faire qui
me paraît importante, et sur laquelle il est nécessaire que l’assemblée décide
d’une manière ou d’autre. Je veux parler de l’étendue de la révocation.
Je vous prie de remarquer que,
dans le sens de l’art. 9 que vous avez voté précédemment, la révocation
n’ôtait, et ne pouvait ôter que les fonctions d’échevin et laissait subsister
les fonctions de conseiller ; il tenait du peuple son mandat de conseiller, du
Roi son mandat d’échevin, maintenant il n’y a qu’un seul mandat, et la
révocation aurait aujourd’hui une bien plus grande portée, et dès lors, il faut
plus de garantie ; il faut ici toutes les formes d’un jugement, il faut un
véritable jugement.
J’avais
fait remarquer que lors du vote de la chambre, le changement apporté dans
l’art. 7 devait amener un changement dans l’art. 9 ; et comme on paraît
d’accord que la section centrale devrait être appelée à modifier les articles,
il me semble juste de provoquer l’avis de cette section notamment sur l’article
qui nous occupe. Je propose donc ce renvoi comme une chose essentielle.
M. le
président. - Voici un nouvel amendement proposé par M. Dechamps ; il est ainsi conçu :
« Les bourgmestres ou les
échevins, révoqués ou suspendus, seront toujours préalablement entendus. »
M.
Dechamps. - J’aurai peu de choses à dire, et je ne parlerai pas de
nouveau des motifs pour et contre, mis en avant dans le premier vote. A mon
avis, je pense qu’on ne peut déterminer les cas, ainsi qu’il a été fait déjà ;
il y a bien d’autres motifs que la malversation, la concussion, pour motiver
une révocation ; je pense qu’un arrêté motivé est toujours fait au préjudice de
l’accusé lui-même ; et que toujours l’accusé doit être appelé et entendu
préalablement. C’est incontestablement le parti le plus sage et en même temps
le plus équitable.
- Le renvoi à la section
centrale est mis aux voix et rejeté. L’impression des amendements est adoptée.
La séance est levée à 4 heures
et demie.