Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 26 février 1835

(Moniteur belge n°58, du 27 février 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Brixhe fait l’appel nominal. Il donne lecture du procès-verbal de la précédente séance dont la rédaction est adoptée, et fait ensuite connaître l’analyse des pétitions suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur G.-S. Frédérickx, à Bruxelles, demande que la chambre autorise le sieur Lubin à faire usage de son remède. »

« Le sieur Colson, cultivateur à Fays-les-Venneurs, demande une gratification du chef de découverte d’une ardoisière. »

« Le sieur A. Laps, journalier à Gaurain-Ramecroix, détenu depuis 3 ans pour défaut de paiement d’une amende de 1 fr. 50 c., en vertu d’un jugement du tribunal de Tournay, demande que la chambre adopte une loi tendant à modérer celle relative à la contrainte par corps, comme l’a fait la loi du 17 avril I832. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


« La régence de la commune de Beeringhem (province du Limbourg) demande que le principe d’indemnité pour les pertes occasionnées par l’invasion hollandaise du mois d’août 1831, soit rendu applicable aux récoltes et meubles ainsi qu’aux propriétés immobilières. »

M. Pollénus. - La dernière pétition dont l’analyse vient d’être faite est de la régence de la commune de Beeringhem qui réclame l’adoption d’un principe dans le projet de loi des indemnités. Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport, afin que les conclusions puissent être transmises à la section centrale qui sera chargée de l’examen de ce projet de loi.

- La proposition de M. Pollénus est accueillie ; en conséquence la pétition de la régence de la commune de Beeringhem est renvoyée à la commission des pétitions avec invitation d’en faire un prompt rapport.


M. de Renesse demande un congé de 5 ou 6 jours.

- Accordé.

Projet de loi relatif à l'admission des remplacements en matière militaire

Dépôt

M. le président. - L’ordre du jour appelle d’abord le vote définitif du projet de loi relatif aux lois sur la milice.

M. Lebeau. - Je pense que M. le ministre de la guerre a un projet sur la garde civique relatif aux remplacements ; je crois qu’il vaut mieux attendre la lecture de ce projet, car il est des membres qui pourraient voter contre la loi dont vous allez mettre aux voix le vote définitif, tandis que, connaissant le projet de M. le ministre, peut-être modifieront-ils leur opinion.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) donne lecture de l’exposé des motifs d’un projet de loi relatif aux lois sur la milice. (Nous ferons connaître ce projet de loi et son exposé des motifs).

- Il est donné acte de la présentation du projet de loi à M. le ministre de la guerre.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si le projet sera renvoyé en sections ou à une commission.

- Le renvoi à une commission est adopté. La commission sera nommée par le bureau.

Projet de loi concernant les certificats d’exemption de la milice nationale

Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet

Le projet de loi sur la milice et relatif aux exemptions pour cause d’indigence, adopté dans l’avant-dernière séance, est soumis au second vote.

Les amendements admis lors de la première délibération sont de nouveau adoptés par assis et levé. La loi telle qu’elle résulte de la précédente résolution de la chambre passe à l’épreuve de l’appel nominal.

62 membres sont présents.

44 votent l’adoption ;

18 votent le rejet ;

2 s’abstiennent de voter.

En conséquence la loi est adoptée et sera renvoyée au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. Berger, Brixhe Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, Dams, de Longrée, W. de Mérode, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Witte, d’Hane, d’Huart, Dubois, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Lebeau, Liedts, Olislagers, Polfvliet, de Troye, Quirini, A.. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Seron, Ullens, Vandehove, Vanderbelen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet, Zoude, Raikem.

Ont voté le rejet : MM. Verrue, Bekaert, Cols de Puydt, de Roo, Dechamps, Dumont, Duvivier Jullien, Milcamps, Morel-Danheel, Pollénus, Gendebien, Schaetzen, Simons, Smits, Vanderheyden, Verdussen.

MM. de Foere et Donny se sont abstenus.

M. de Foere. - Je me suis abstenu parce que la discussion du projet de loi ne m’a pas suffisamment éclairé.

M. Donny. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion du projet de loi.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1835

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article 2

M. le président. - La discussion continue sur l’art. 2. Chiffre proposé par le gouvernement, 420,000 fr. Chiffre proposé par la section centrale, 415,000 fr.

M. Dechamps. - Comme j’ai fait partie de la majorité de la section centrale qui propose une réduction de 5,000 fr., je crois devoir faire connaître les motifs qui m’ont fait voter cette réduction. Ils ne sont pas les mêmes que ceux qu’a énoncés dans la séance d’hier l’honorable rapporteur de la section centrale. Les renseignements qui ont été fournis par la section centrale sont si diffus et si métaphysiques qu’il n’est pas étonnant que l’on en ait tiré des conclusions plus ou moins diverses.

Je ne pense pas, comme l’honorable rapporteur, que la majoration de 5,000 fr. provienne exclusivement des 1,650 fr. d’augmentation pour les chefs de bureaux, et des 3,350 fr. qu’on veut donner aux surnuméraires qui passent commis. Je crois que l’augmentation provient plutôt de la création d’un inspecteur au bureau de Bruxelles, qui était précédemment à Anvers.

M. le ministre des finances, qui parle toujours nettement et franchement, a appuyé hier cette opinion ; Voici un passage de son discours :

« A-t-on bien agi en plaçant à Bruxelles, à la disposition du ministre, l’inspecteur qui remplissait à Anvers les fonctions de contrôleur, lorsqu’il ne se trouvait pas en tournée ? A-t-on bien agi en remplaçant cet inspecteur à Anvers par un contrôleur uniquement chargé de la surveillance de ce bureau ?

« Je résoudrai affirmativement à ces questions, parce que précédemment lorsque l’inspecteur était absent de cette ville pour les tournées, le bureau, un des plus importants de la Belgique, se trouvait sans vérification, et il était indispensable, pour que les opérations du directeur et des employés pussent être constamment surveillées, qu’un contrôleur spécialement et uniquement chargé de ce soin, fût attaché à ce bureau. Voilà pour ce qui concerne la somme de 5,000 fr. résultant du transfert de l’inspecteur à l’administration centrale. »

Ainsi les 5,000 francs d’augmentation, selon l’aveu de M. le ministre, proviennent de la création d’un nouvel inspecteur. En effet, puisqu’il a fallu remplacer l’inspecteur par un nouveau contrôleur, on n’a pu opérer ce revirement dans une majoration quelconque. Toute la question est donc, comme dit M. le ministre, de savoir si l’on a bien fait d’opérer ce revirement. Pour moi, je pense que non. Voici pourquoi :

Si réellement il y avait lacune au bureau d’Anvers pendant les tournées de l’inspecteur, n’était-il pas plus simple et plus économique de nommer un contrôleur en sous-ordre dont le traitement eût été inférieur à celui du nouvel inspecteur ? Veuillez remarquer que la besogne de ce contrôleur en sous-ordre ne serait pas très grande, puisqu’il ne serait chargé du contrôle que pendant les absences que ferait le contrôleur pour ses tournées. Ainsi, de faibles appointements lui suffiraient. Il me paraît qu’ainsi les inconvénients signalés par M. le ministre des finances disparaîtraient à meilleur marché que par la création d’un inspecteur à l’administration centrale.

Si on objecte maintenant qu’un inspecteur est utile à l’administration centrale, voici les observations que j’aurai l’honneur de soumettre à cet égard :

M. le commissaire du Roi, en justifiant hier le revirement en question, n’a rien dit tendant à prouver l’utilité spéciale d’un inspecteur au bureau de Bruxelles. Cette utilité n’est pas très démontrable. En effet, si on juge les attributions de cet inspecteur par l’arrêté du 20 mai 1834, nous voyons que l’article 32 de cet arrête les détermine ainsi :

« L’inspecteur à la résidence est spécialement chargé d’arrêter et de vérifier la comptabilité du bureau de Bruxelles, de vérifier tout ce qui est relatif aux rebuts, offices étrangers et articles d’argent. »

Or, la vérification du bureau de Bruxelles n’est pas plus difficile que celle des autres bureaux. Ce bureau fait partie de la première division. Il doit être inspecté comme celui d’Anvers, comme les autres divisions. Je ne vois donc pas l’utilité d’un inspecteur spécial pour un bureau.

En ce qui concerne les rebuts, offices étrangers et articles d’argent, la vérification, si mes renseignements sont exacts, ne demande pas en totalité dix jours par an. Il me paraît que, pour une besogne de dix jours par an, il n’est pas nécessaire de créer un inspecteur.

Ainsi l’article 32 de l’arrêté du 20 mai 1834, qui fixe les attributions de l’inspecteur du bureau de Bruxelles, prouve l’inutilité de cet emploi. Il valait mieux, je le répète, laisser au bureau d’Anvers l’inspecteur qui y était déjà ; en créant un inspecteur en sous-ordre, cela eût fait disparaître les inconvénients signalés par M. le ministre des finances. Je voterai donc pour la réduction de 5,000 francs, mais en spécifiant que cette réduction doit tomber sur le nouvel inspecteur du bureau de Bruxelles.

M. Jullien. - M. le ministre des finances vient demander 420,000 fr. pour les dépenses de l’administration centrale de son département. La section centrale propose de ne lui allouer que 415,000 fr. Elle propose donc une réduction de 5,000 fr.

Cette somme de 5.000 fr. qui a fait hier, à la fin de la séance, l’objet d’une discussion entre M. le ministre des finances et M. le rapporteur de la section centrale, constitue-t-elle une véritable augmentation sur le crédit accordé en 1834, ainsi que le dit le rapport de la section, ou bien constitue-t-elle un simple changement dans la répartition d’une somme transportée d’une spécialité de l’administration centrale sur une autre spécialité, comme le prétend M. le ministre des finances ? Quant à moi, je ferai dépendre mon vote de l’éclaircissement de cette question.

Si la somme de 5,000 fr. constitue une augmentation, je la repousserai, à moins qu’elle ne soit justifiée ; si, au contraire, c’est un véritable transfert d’une spécialité à une autre, je vous avoue que je suis décidé à l’accorder, parce que le chiffre global ne sera pas augmenté.

Lorsque je considère quel était le chiffre global de l’année dernière, je vois que M. le ministre des finances a demandé 450 mille fr., et que, par suite des économies réclamées par la section centrale, 420 mille ont été alloués. Il n’y a donc pas de changement apporté au chiffre global, puisqu’il est de 420 mille francs, comme l’an dernier.

Mais, dit l’honorable rapporteur de la section centrale, si je l’ai bien compris, les économies que vous avez pu faire sur une spécialité, doivent tomber en économies. Le ministre a répondu à cet argument que c’est un simple transfert, et que s’il avait trouvé moyen de faire des économies sur certaine partie de l’administration centrale, il avait reconnu nécessaire de le transférer à une autre. Vous ne pouvez vous opposer à cela ; vous ne pouvez lier ainsi les mains d’un administrateur, Je ne vois pas pourquoi on ferait des difficultés de laisser au ministre la faculté d’agir dans l’intérêt du bien-être du service.

J’ai entendu dire que c’était parce qu’on avait jugé inutile d’appeler un inspecteur d’Anvers à Bruxelles. Si M. le ministre des finances justifie son revirement, je voterai pour ; mais j’ai besoin d’être fixé à cet égard, ce qui a été assez difficile hier, dans les débats qui ont eu lieu entre M. le ministre et M. le rapporteur de la section centrale.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Je crois devoir répondre d’abord à l’honorable M. Dechamps. Il a contesté l’utilité du transfert d’un inspecteur des postes d’Anvers au bureau de Bruxelles, et il a appuyé son raisonnement sur l’article 32 du règlement du 20 mai. C’est sur ce même article que je me fonderai, pour avancer une opinion toute contraire à la sienne. Car je trouve que l’inspecteur attaché au bureau de Bruxelles a, outre les attributions résultantes des inspections en province, celles de vérifier la comptabilité du bureau de Bruxelles, celles relatives aux rebuts, aux articles urgents en souffrance, et les comptes avec les offices étrangers.

L’honorable M. Dechamps attache peu d’importance à ces fonctions. Le ministère en attache au contraire beaucoup. Ce sont des fonctions essentielles qui demandent les détails les plus minutieux. Celui qui a ces attributions vérifie les comptes qui se rendent entre les offices étrangers et de Bruxelles. Depuis longtemps ces comptes et les remboursements qui en sont la suite s’effectuaient par déduction de recettes.

C’était un mode vicieux, et pour bien établir ce service, il était nécessaire de donner au directeur et à l’inspecteur une action continue sur ce point du service de Bruxelles.

Quant aux observations de l’honorable M. Donny, je puis y répondre par des chiffres. Je trouve, par la comparaison des états du personnel, que le chiffre a été diminué de 700 pour le chef de la comptabilité, et de 2,650 pour les chers de bureau et les contrôleurs ; ces deux sommes réunies ou 3,350 fr. ont servi à rétribuer les surnuméraires qui, depuis plusieurs années, faisaient au bureau de Bruxelles le service d’employés. Cela justifie complètement l’assertion que j’ai émise hier, qu’on était parvenu à payer un plus grand nombre d’employés, sans augmentation réelle de dépense pour l’Etat.

Il y a en tout une majoration de 9,000 fr. M. le ministre des finances et moi avons démontré hier qu’elle n’était due qu’au transfert d’un inspecteur à 5,000 francs et d’un contrôleur à 4,000 fr. du service des provinces à celui de l’administration centrale, et je crois avoir démontré l’utilité de cette combinaison. Je pense avoir ainsi répondu à l’honorable M. Jullien sur la question de savoir si ce transfert n’occasionnait pas une dépense plus forte que l’an dernier, et il suffit de comparer le chiffre fixé par la chambre à 420,000 francs et celui demandé cette année pour qu’il soit démontré qu’il est le même, et que la distribution seule a changé. L’article global est resté exactement le même.

M. Donny, rapporteur. - La section centrale a travaillé sous l’impression de l’idée que le ministère voulait lui faire accroire qu’il ne demandait pas de majoration, tandis qu’il en demandait une de 5,000 au moins. Elle a cru voir en cela un défaut de franchise ou quelque chose de pis encore. Comme il importe à la section centrale de savoir si les explications qu’elle a reçues du département des finances étaient fondées ou ne l’étaient pas, je prie M. le ministre ou M. le commissaire du Roi de vouloir bien faire une réponse catégorique à la question que je vais avoir l’honneur de leur adresser. Cette question éclaircira la question ; la voici.

Abstraction faite des directeurs, distributeurs, facteurs, commis et autres agents subalternes dans les provinces, nous demandez-vous, pour 1835, une majoration de cinq mille francs au moins pour des postes en général ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai affirmativement à la question de l’honorable préopinant. Je dirai, comme je l’ai déjà dit hier, que le chiffre de l’administration centrale est augmenté de 5,000 francs, mais que cette augmentation de 5,000 fr. ne majore pas d’un centime de plus le chiffre global des fonds alloués cette année. J’ai expliqué hier comment un inspecteur d’Anvers avait été envoyé à Bruxelles.

Maintenant, s’immisçant dans l’administration des finances on vous dit : Vous auriez un aussi bon service avec un contrôleur-adjoint, et vous eussiez épargné 1,500 fr. environ. Dans mon opinion, ce service eût été fort mauvais de cette manière. Je répéterai donc à l’honorable M. Donny que l’administration centrale des postes est effectivement augmentée de 5,600 fr., mais que cela n’influe en rien sur le chiffre global.

M. Donny, rapporteur. - Vous voyez maintenant, messieurs, que la section centrale avait bien raison de trouver que les explications ministérielles n’étaient pas satisfaisantes. Dans ces explications on s’est constamment obstiné à soutenir qu’on ne demandait pas de majoration pour l’administration centrale des postes, et que la majoration signalée par vos sections n’était qu’apparente. Et cependant vous venez de l’entendre de la bouche même du ministre, au budget de 1835 il y a une majoration de 5,000 pour cette administration. L’on cherche à justifier cette majoration mais autre chose est de la justifier, autre chose est de la nier, comme on l’a fait devant la section centrale.

Je tenais à établir que celle-ci ne s’était pas trompée lorsqu’elle vous a signalé l’augmentation de 5,000 fr. dont on ne voulait pas convenir ; la déclaration du ministre vient de remplir mes vues à cet égard. Maintenant la question est devenue plus simple : la majoration est constante, il n’y a plus qu’à voir si on veut l’accorder ou non.

Le ministre m’a dit que, malgré la majoration de 5,000 francs pour les postes, le chiffre global de 420,000 fr. n’était pas plus élevé que celui fixé l’année dernière par la législature elle-même.

M. le ministre aurait pu s’éviter la peine de me rappeler cette circonstance, attendu que je l’ai consignée moi-même dans mon rapport. Ne croyez pas au reste, messieurs, que ce soit un motif fondé pour accorder légèrement l’augmentation de 5,000 fr. demandée pour les postes. Veuillez remarquer que lorsqu’on maintient le crédit global au même chiffre, en majorant le crédit partiel pour un des services spéciaux, on réduit par cela même les crédits partiels pour les autres services. Et comme on vous assure que la réduction de l’année dernière a été déjà trop forte, ces nouvelles réductions, suite de la majoration demandée, rendront nécessairement les crédits partiels trop faibles : il en résultera que plus tard le ministre viendra vous demander un supplément de crédit pour ces mêmes services, en vous prouvant par de fort bonnes raisons que les crédits qui leur sont destinés sont réellement insuffisants.

Et par exemple, ici, pour majorer le crédit des postes, on a diminué considérablement celui du secrétariat-général, pour lequel on vous demandera bientôt un supplément, puisque déjà le ministre vous a dit qu’il fallait y adjoindre un bureau d’archives. Maintenant, messieurs, vous jugerez si la majoration de cinq mille francs pour les postes est suffisamment justifiée, et s’il convient de l’allouer.

M. Dumortier. - Ce n’est pas une augmentation de 5,000 fr., c’est une augmentation de 9,000 francs que l’on demande pour les postes. J’ai en main l’état des employés du ministère de finances signé par M. Duvivier pour l’exercice 1833 ; je trouve qu’à cette époque les postes et messageries y étaient portées pour une somme de 35,500 francs, En 1834, on nous a demandé une somme toute semblable, et cette somme figure dans le chiffre global qui fut cette année de 473,000 francs. Vous savez qu’une réduction équivalant à 53,000 francs pour un an a été opérée sur ce chiffre.

En réalité, je ne vois pas la nécessité des créations qu’on veut introduire. Vous savez très bien quelle est la marche que l’on suit dans les administrations, chacun cherche à se rendre important et à augmenter le nombre de ses subalternes ; c’est ainsi que je vois que dans le secrétariat général on prétend qu’il y a des emplois d’une grande importance, et c’est pour cela que l’on nous présente des chiffres à voter, dont je ne reconnais pas l’urgence.

Il faut se tenir en garde contre le désir de s’agrandir et de se donner de l’importance ; si nous n’y prenons garde, cela apportera une grande augmentation dans les budgets. On demande aujourd’hui la création d’un nouvel inspecteur ; y a-t-il besoin de deux inspecteurs ? Le nombre des bureaux de poste ne me paraît pas assez important pour cela, et je crains fort que ces places ne deviennent de vraies sinécures. J’ai entendu parler M. le ministre de la nécessité de créer un bureau d’archives dans son ministère ; je crois à cette nécessité dans un département où il y a un nombre considérable d’affaires, cela doit nécessairement entraîner une grande confusion dans les archives.

J’admettrai donc qu’il faut voter pour le crédit qu’il a demandé à cet effet. J’ai dit tout à l’heure que le secrétariat général du ministère des finances était une chose absolument inutile à mes yeux à quelques nuances près. Il y a une grande différence entre le ministère des finances et le ministère de l’intérieur à cet égard : à l’intérieur tout s’expédie dans le secrétariat-général ; au contraire, en finances, chaque bureau est organisé spécialement et le besoin du secrétariat-général se réduit à très peu de chose.

On vous indique les réductions opérées sur le secrétariat-général depuis 1830. A cette époque la dépense est de 44,444 f. ; pour 1831, de 35,182 f. j’ai ici (j’étais rapport de la section centrale) le tableau de la cour des comptes, et je trouve que le secrétariat général ne coûtait que 16,400 fl. La différence est peu considérable, mais toujours est-elle de quelques milliers de francs. En 1832, la somme était de 31,217 fr. J’ai ici en main le tableau qui nous fut fourni par le ministre des finances, et je trouve que le secrétariat ne coûtait que 10,000 fl. Le ministre demande 11,000 fl., la législature les a accordés sur la proposition de la section centrale.

Ainsi donc il y a déjà une différence de 10,000 fr. On nous fournit des documents qui ne sont pas exacts, et toutes les fois que je pourrai le prouver, je n’hésiterai pas. Vous savez qu’à une époque rapprochée, un changement considérable a eu lieu dans l’administration du cadastre ; je ne sais si on nous a tenu compte de tout ce changement.

Un honorable membre qui connaît parfaitement la partie vient de me donner l’assurance que les fonctions de président de l’administration des monnaies étaient rétribuées maintenant 8,000 fr. elles n’étaient rétribuées auparavant que 6,000 francs.

Savez-vous le moyen que l’on emploierait pour arriver à cette augmentation de traitement ?

Il ne s’agirait rien moins que de supprimer le traitement d’un homme qui par son talent a une véritable célébrité en Belgique, afin d’augmenter celui des autres employés. Si un pareil système était admis, j’en blâmerais hautement le gouvernement.

La chambre désire-t-elle savoir à quelle occasion le traitement du directeur de la monnaie a été porte à 6,000 fr. ? En 1832, on avait demandé de déterminer ce traitement à 3,000 florins ; la section centrale disait dans la séance du 22 février 1832 : « Toutes vos sections ont unanimement exprimé le vœu que les traitements des fonctionnaires de la monnaie soient réglés sur ceux des fonctionnaires de la cour des comptes. : 3,000 florins pour le président ; 2,500 florins pour les commissaires : ce vœu a été adopté à l’unanimité par la section centrale. »

Si le gouvernement peut à son gré augmenter le traitement d’un fonctionnaire d’une administration qui doit être réglée par une loi, voici ce qui arrivera :

On vous dira, quand vous discuterez la loi : Nous avons donné 8,000 fr., vous ne pouvez pas le réduire maintenant. Je crois que le gouvernement ne peut changer les traitements qui ont été réglés par la chambre dans une loi de finances, dans un budget, et les augmenter.

Je terminerai, en demandant à M. le ministre des finances s’il est vrai que l’on veut supprimer le traitement d’un homme remarquable en Belgique par son talent, pour augmenter le traitement d’autres employés.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vais répondre aux observations faites par le préopinant.

Il se plaint de ce que l’on a placé à la tête de l’administration des monnaies un fonctionnaire auquel on donne un traitement de 8,400 fr., tandis que l’ancien président de cette administration ne recevait que 6,300 fr.

Messieurs, vous avez pu voir dans le Moniteur que l’administration du cadastre était réunie à l’administration des contributions directes, et que par suite le poste d’inspecteur-général du cadastre a été supprimé : fallait-il mettre celui qui en remplissait les fonctions, homme très capable, à la pension ? Vous vous seriez récriés contre une semblable mesure et vous n’auriez pas manqué d’en faire de justes reproches au gouvernement en discutant les demandes de subsides pour la caisse des retraites.

Le grand âge du président de la commission des monnaies a permis de le mettre à la retraite et de placer l’inspecteur-général du cadastre à la tête de cette administration des monnaies. Dans l’arrêté qui fait la nomination, il n’est pas question de changer le traitement futur du président ; on a seulement conservé à l’inspecteur-général du cadastre, devenu président de la commission des monnaies, le traitement dont il jouissait depuis nombre d’années. En agir autrement eût été faire une injustice à l’égard d’un fonctionnaire qui a rendu de nombreux services à l’administration. Le pays a gagné sous plus d’un rapport à la mutation qui a été faite, et le traitement de personne n’a été gonflé.

Une interpellation nous a été faite relativement à un fonctionnaire que l’on voudrait supprimer, pour augmenter le traitement des autres ; je ne devine pas de qui il s’agit dans cette occasion, mais je dirai qu’on n’a songé à rien de semblable.

L’honorable préopinant prétend que le secrétariat-général des finances est inutile : pour ceux qui ont quelques notions en administration, il est évident que le secrétariat d’une administration centrale est un rouage indispensable ; c’est le point où toutes les affaires viennent se réunir ; c’est là que le ministre peut en prendre connaissance. Toutes les pièces y sont inscrites à leur entrée et à leur sortie, et peuvent y être examinées par le chef du département. Si le préopinant veut voir l’arrêté du 20 mai qui règle les attributions des fonctionnaires du département des finances, il se convaincra que les travaux du secrétariat sont immenses. Comme tout doit passer sous les yeux du ministre, seul responsable envers le pays, il faut bien un bureau où toutes les pièces se concentrent et s’examinent avant de lui être soumises.

M. Dumont. - Je n’ai pas demandé la parole dans l’espoir d’éclaircir le sujet soumis à votre délibération, je ne l’ai demandée que pour obtenir des renseignements qui éclaireraient mon vote.

Il parut qu’en 1834, l’allocation pour l’article 2 sur lequel nous délibérons a été fixée à 420,000 fr. Le ministre nous demande pour 1835 la même somme : cependant l’allocation du paragraphe 6 concernant les postes, comparée à l’allocation de l’année dernière, présente une augmentation de 9,000 fr. Il faut bien que ces 9,000 fr. d’augmentation aient été trouvés sur des économies faites sur d’autres paragraphes. On nous a, par exemple, entretenus d’économies faites sur les employés des provinces ; mais il ne s’agit pas maintenant de délibérer sur les traitements des fonctionnaires des provinces. Je voudrais que l’augmentation de 9,000 fr. fût possible par des économies faites sur l’objet même en délibération, Je désirerais que M. le ministre des finances ou M. le commissaire du Roi nous dît positivement où les économies ont été trouvées.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Les 9,000 fr. qui figurent comme augmentation, ont été trouvés au moyen de réductions opérées sur l’ensemble du budget de l’administration centrale des finances. Lorsque la chambre, l’année dernière, eut déclaré qu’à l’avenir elle n’accorderait que 420,000 fr. pour le service de l’administration centrale, il s’est formé une réorganisation complète de tous les services ; on a réorganisé l’administration spéciale des douanes, l’administration du trésor ; on a supprimé celle du cadastre pour la réunir à l’administration des contributions directes. Il en est résulté une diminution notable qui ramenait le chiffre à 411,000 fr. en laissant à l’administration des postes le chiffre qu’elle avait précédemment. Mais, en transférant à ce service un inspecteur et un contrôleur, le chiffre total est revenu à 420,000 fr. pour l’administration centrale des finances.

Hier, M. le ministre des finances n’a pas contesté qu’il y eût augmentation pour le service des postes ; il a déclaré qu’elle était de 9,000 fr. ; rien n’a été dissimulé à cet égard. M. le ministre et moi avons exposé les motifs de cette augmentation ; ainsi la section centrale n’a pas pu croire qu’on lui déniait cette augmentation. (Aux voix ! aux voix !)

M. Donny, rapporteur. - Je ne reviendrai pas sur la différence qui existe entre l’opinion émise par la section centrale, et celle que soutient le ministre. Les pièces sont là ; la question est facile à résoudre et déjà elle est éclaircie par l’aveu qu’il y a réellement une majoration là où la section centrale en a vu une.

Je pense avec le ministre des finances que l’on a bien fait d’utiliser les talents d’un fonctionnaire dont on supprimait la place. Mais, par suite de la déclaration que vient de faire M. le ministre, j’ai une question à lui adresser.

Au budget de 1835, on a demandé pour l’inspecteur général du cadastre un traitement de 8,400 fr. ; pour le président de la commission des monnaies, 6,300 fr. ; pour ces deux fonctionnaires ensemble 14,700 fr. A présent que l’un de ces deux fonctionnaires est mis à la retraite, il doit y avoir nécessairement une économie d’au moins à faire sur le budget de l’administration centrale des finances ; je demande si le ministre consent à une réduction de ce chef, sur la demande globale de 420,000 fr.

M. Desmet. - Messieurs, si je suis bien informé, ou du moins si j’ai bien lu dans le Moniteur, il me semble que M. le ministre des finances a annoncé que les opérations du cadastre étaient achevées dans tout le pays, et que même il avait supprimé la place du chef de cette administration ; je suis donc étonné que, cette année-ci, figure dans le budget la même somme pour l’administration centrale du cadastre que celle-qui se trouvait dans le budget de l’an dernier. C’est ce que je ne comprends pas, et je demanderai à M. le ministre des finances quelques explications à ce sujet, comme vient de les demander l’honorable M. Dumortier.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, il est évident que la conservation du cadastre ne peut exister sans qu’il y ait un bureau pour la régler : on a réuni ce bureau à l’administration des contributions ; ce n’est qu’un changement de nom qui a été opéré. Quant à l’inspecteur-général du cadastre il est maintenant à la tête des monnaies, et il est remplacé au cadastre par un inspecteur ayant un traitement moindre ; C’est par ce moyen qu’on parviendra à payer, sans augmenter le chiffre de 420,000 fr., et le nouveau président de la monnaie, et les inspecteurs et contrôleurs introduits dans les postes.

M. Donny, rapporteur. - Y aura t-il deux inspecteurs du cadastre ?

M. Verdussen. - Nous voyons que l’inspecteur-général du cadastre était payé 8,400 fr. ; cet emploi ayant été supprimé, on a placé celui qui le remplissait à la tête de l’administration de la monnaie, et on lui a conservé son traitement de 8,400 fr. : ainsi le traitement de président de la commission des monnaies augmente de plus de 2.000 fr.

Je ferai remarquer combien il est dangereux d’augmenter ainsi les traitements. Un jour viendra où M. l’inspecteur-général du cadastre quittera la présidence de la commission des monnaies ; alors on nous dira que son successeur a les mêmes droits à l’augmentation, et malgré vous, l’augmentation se perpétuera.

Les explications données par M. le commissaire du Roi prouvent qu’il n’y a pas eu d’économies ; qu’il aurait mieux valu conserver l’inspecteur-général du cadastre à son poste, car les contribuables paient la même somme.

La manière dont M. le ministre des finances a justifié l’augmentation de 9,000 fr. pour les postes n’est nullement satisfaisante. Tout ce que l’on a dit tend à prouver qu’il y avait des sinécures dans l’administration centrale des finances ; qu’on a pu les supprimer pour en gratifier d’autres employés, mais que l’on n’a point songé à en faire profiter le trésor.

C’est un parti pris aux finances comme dans les autres administrations, on va toujours en augmentant les dépenses et en augmentant la liste des pensions : cette marche ne peut amener que des résultats funestes. On met un fonctionnaire à la retraite pour le remplacer par un autre…

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - il aurait toujours fallu mettre à la retraite le président ; c’est un vieillard.

M. Verdussen. - Je vois chaque année une augmentation graduelle qui m’effraie ; et je suis disposé à voter contre l’augmentation de 5,000 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant est effrayé des augmentations demandées chaque année pour l’administration centrale des finances. Je vous avoue que je ne comprends pas cette crainte : vous avez alloué 420,000 fr. l’année dernière, et on n’en demande pas davantage cette année : nous voulons seulement rester libres de distribuer ce crédit comme nous l’entendrons dans l’intérêt du service. Il me semble en effet qu’il n’y a rien en cela de si effrayant.

Vous déplacez, nous dit-on, un inspecteur du cadastre pour le mettre à la tête de la monnaie, puis vous nommez un autre fonctionnaire à sa place.

Mais on ne fait pas attention que dans le cadastre il y a 35 fonctionnaires sans emploi, et qu’en mettant à la tête de l’administration des monnaies un des fonctionnaires, il s’est trouvé que le nombre des employés actuellement en quelque sorte sur le pavé a été réduit d’un. Il est d’ailleurs à remarquer que celui qui supplée aujourd’hui le chef supérieur du cadastre, et dont les fonctions sont indispensables, a un traitement bien moins élevé que celui du fonctionnaire changé de position.

Pourquoi, dit-on encore, avez-vous ôté l’emploi à l’ancien président de la commission des monnaies ? Messieurs, l’ancien président ne pouvait plus continuer ses fonctions ; il avait 76 ans d’âge et 42 ans de service ; il avait demandé sa retraite, depuis longtemps il désirait l’obtenir. Il sentait lui-même qu’il ne pouvait plus exercer une surveillance aussi active, rendre d’aussi utiles services que lorsqu’il était dans un âge moins avancé.

Ainsi que je l’ai déjà fait observer précédemment, si vous admettiez les réductions que l’on vous propose de faire, le ministre devrait, à l’avenir, se considérer comme lié ; il ne pourrait plus transférer une dépense d’une spécialité du budget à une autre, parce qu’il aurait l’expérience qu’en faisant des diminutions dans un service vous les accepteriez, en même temps que vous rejetteriez les augmentations qu’un autre service aurait exigées dans une même proportion.

Et pourtant l’administration des finances peut reconnaître qu’il serait utile d’augmenter tel service et de diminuer tel autre, et on l’empêcherait ainsi d’établir de nouvelles combinaisons dans les rouages administratifs à l’effet d’y introduire des améliorations.

M. Dumortier, rapporteur. - Je suis charmé d’avoir à faire remarquer à la chambre que l’administration du cadastre est supprimée. L’année dernière on avait fixé à 420,000 fr. le chiffre pour l’administration centrale des finances ; malgré la suppression du cadastre, on demande encore la même somme de 420,000 francs. Cependant le cadastre coûtait quelque chose.

Si nous en croyons les divers budgets, voici les sommes qui lui étaient nécessaires. En 1831 il fallait 21,000 francs pour le cadastre ; en 1832 il fallait à peu près la même somme de 21,000 fr. ; en 1833 il fallait 28,000 francs ; en 1834 il fallait 24,000 francs. Cette administration spéciale du cadastre est supprimée ; un bureau de l’administration des contributions en fait l’office ; cependant l’on ne trouve pas 20,000 fr. à diminuer au budget des douanes. Que résulte-t-il de là ? C’est qu’on procède par augmentation au lieu de procéder par économie. On va jusqu’à déplacer le titulaire de l’administration des monnaies, afin de lui donner une pension et de le remplacer par un fonctionnaire qui reçoit un traitement plus élevé de 2,000 fr que celui qui avait été déterminé par une loi financière.

C’est une question sur laquelle il n’est pas possible de passer légèrement. Tout ce qui est relatif à la monnaie doit être réglé par une loi ; si cette loi n’est pas faite, c’est qu’elle n’a pas été présentée ; le gouvernement n’a présente ce projet de loi qu’avant-hier ; je n’en ai pas encore connaissance.

Lorsque vous ferez cette loi, vous devrez régler les traitements des membres de la commission des finances, comme vous avez réglé par une loi les traitements des membres de la cour des comptes et de l’ordre judiciaire. Pourquoi ? Parce que, comme la cour des comptes, et les membres de l’ordre judiciaire, l’administration des monnaies a aussi des attributions judiciaires. Dès lors vous devez lui accorder les mêmes garanties qu’aux autres branches du pouvoir qui ont des attributions judiciaires dans certaines circonstances.

Maintenant, si le traitement du président de la commission des monnaies n’a toujours été que de 6,000 fr., le ministre des finances peut-il l’augmenter de 2,000 fr., avant que la loi intervienne ? Voilà ce que je ne puis admettre.

Nous ne devons pas tenir compte des personnes qui sont dans les emplois. Vous avez supprimé les fonctions d’inspecteur-général du cadastre ; je suis le premier à reconnaître le mérite de la personne ; mais il ne faut pas faire ici des questions de personnes, il n’y a ici que des questions de faits.

Le jour où vous avez supprime l’emploi d’inspecteur-général du cadastre, c’était à ce fonctionnaire à savoir s’il voulait faire valoir ses droits à la pension ou prendre un nouvel emploi ; quant à ce nouvel emploi, c’était à ce fonctionnaire à savoir s’il lui convenait ou non ; mais le gouvernement ne pouvait à lui seul augmenter le traitement attaché à cet emploi, alors que nous refusons d’augmenter les traitements de la cour des comptes, dont les attributions sont assurément d’une bien autre importance.

Que résulte-t il de là ? C’est que l’ex-administrateur du cadastre, aujourd’hui président de la commission des monnaies, reçoit 8,400 francs de traitement en cette nouvelle qualité ; il est remplacé dans son emploi par un inspecteur qui touche 4,200 francs. Mais, déjà avant la suppression des fonctions d’inspecteur-général du cadastre, il y avait, d’après le budget général présenté dans la séance du 19 juillet dernier (voyez page 102 de ce budget) un inspecteur aux appointements de 4,200 francs. Vous avez maintenant deux inspecteurs. Certainement il valait mieux maintenir l’emploi d’inspecteur-général et ne pas majorer le traitement attaché aux fonctions de président de la commission des monnaies, ce qui, je le répète, ne pouvait avoir lieu qu’en vertu d’une loi.

En second lieu, ce que je trouve très vicieux c’est le moyen que l’on emploie pour parfaire le traitement de président de la commission des monnaies et pour augmenter le traitement de quelques employés subalternes. Il est question pour cela de supprimer le traitement d’un homme dont les fonctions sont indispensables, l’un des hommes qui honorent le plus la Belgique par leurs talents. Je blâme fortement un pareil système, d’autant plus qu’il faut toujours payer les personnes. Mais savez-vous pour cela le moyen qu’on emploie ? Un moyen que l’on a employé fort souvent ; on cherche à appliquer a des objets spéciaux en dehors de l’administration centrale les sommes nécessaires pour le paiement d’employés qui restent attachés à l’administration centrale.

C’est ainsi qu’une réduction ayant été opérée sur le chiffre de l’administration centrale, l’on a fait payer sur l’administration des provinces le traitement de l’inspecteur des poids et mesures ; on fera quelque opération analogue pour faire payer le graveur de la monnaie quand on aura supprime son traitement.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’en est pas question.

M. Dumortier. - Alors je n’insiste pas ; c’était cependant ce qui résultait des informations qui m’ont été données.

Pour moi, je pense que le ministre aurait pu, sans aucune gêne pour le service, présenter une réduction sur le chiffre demandé pour l’administration, même en admettant un bureau d’archives, ce dont je suis le premier à reconnaître la nécessité pour l’administration des finances.

Avant de finir, je dirai quelques mots relativement à la réponse qu’on m’a faite touchant le secrétariat général des finances. On a dit que le secrétariat était nécessaire pour recevoir et enregistrer les pièces ; je sais fort bien ce que c’est que le secrétariat des finances : lorsqu’on a été pendant deux ans rapporteur de la section centrale du budget de ce département, on a sans doute pu apprendre à le connaître, mais il y a secrétariat et secrétariat ; ce n’est pas le mot, c’est la chose qu’il faut voir.

Au département de l’intérieur, le secrétariat est de la plus grande importance ; il en est de même au ministère de la justice et de celui des affaires étrangères, mais à l’administration des finances, le secrétariat est une pure baraque (On rit.)

En effet, cette administration se composant d’administrations isolées et indépendantes les unes des autres, qui ont chacune un bureau d’écriture et d’expédition, il est incontestable que le secrétariat-général est une véritable superfluité ; tout ce qui résulte de là, c’est que le secrétariat-général se trouve en collision avec les différentes administrations des finances ; c’est ce qui arrive souvent.

Que M. le commissaire du Roi, malgré cela, défende le secrétariat-général des finances, c’est ce que je conçois fort bien.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’en a pas dit un mot.

M. Dumortier. - Mais, quoi qu’il puisse dire, il est certain qu’alors que toutes les administrations des finances ont une organisation distincte, un secrétariat-général des finances est complètement inutile. Un bureau, où il y ait un employé pour tenir l’indicateur, et un employé pour tenir les archives, voilà tout ce qu’il faut.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Je répondrai quelques mots aux allégations présentées par l’honorable préopinant.

Il a parlé de l’intention que l’on aurait de supprimer un fonctionnaire attaché à l’administration de la monnaie, ou au moins de supprimer son traitement ; il n’y a rien de tout cela. On a agité la question de savoir s’il ne conviendrait pas mieux de payer le graveur de la monnaie en raison du travail qu’il fait, que de lui continuer son traitement, alors même qu’il ne fait rien.

En France, le graveur de la monnaie n’a pas de traitement fixe ; le tarif détermine la somme qui lui est due pour la gravure des poinçons et la multiplication des carrés ; il est payé quand il travaille ; il ne reçoit rien quand il n’est pas occupé.

La question de savoir si l’on agira de même ici a été soulevée : on s’est demandé s’il y aurait économie à établir un tarif du même genre et à supprimer le traitement du graveur ; mais, je le répète, rien n’a été décidé à cet égard.

Ainsi, ce qui a été dit à l’honorable M. Dumortier n’est pas fondé, non plus que ce qui concerne l’emploi que l’on ferait de l’économie qu’on obtiendrait par la suppression du traitement fixe de ce graveur ; il résulterait de là en effet une économie de 4,000 fr. ; on n’emploierait pas cette somme à grossir les traitements des autres fonctionnaires, mais on la réduirait aux budgets à venir.

Quant à l’importance et à l’utilité du secrétariat-général des finances, je ne les défendrai pas. Je me bornerai à prier les honorables membres qui en doutent, s’il en existe, de prendre la peine de lire l’arrêté du 20 mai 1834 dans lequel sont consignées les attributions qui ont été déférées au secrétariat-général pour obtempérer au vœu de la chambre elle-même ; cette lecture réfutera l’opinion que vient démettre M. Dumortier.

Puisque la chambre désire clore la discussion, je n’en dirai pas davantage.

M. Desmet. - Si réellement les opérations du cadastre sont terminées dans tout le pays, il doit vous paraître infiniment étrange que la conservation du cadastre devra autant coûter que sa confection.

Si M. le commissaire du Roi avait ouvert le recueil méthodique, il aurait trouvé au titre X de quelle manière la conservation se fait ; il y aurait vu que les principales opérations de la conservation du cadastre se font dans les directions provinciales des contributions directes, et qu’aucune administration centrale n’y est nécessaire...

Vraiment, messieurs, je ne conçois pas comment il n’y a pas eu de diminution sur l’article qui est en discussion, tandis qu’il est patent qu’il y a eu suppression de la place de l’inspecteur général, que l’administration du cadastre a été réunie à l’administration des contributions directes, et que, comme on le dit, toutes les opérations du cadastre sont achevées ; il s’en suivra que la conservation du cadastre coûtera autant que sa confection ; il faut être habile pour comprendre ceci.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai observer que l’administration centrale du cadastre aura cette année plus d’occupations que les années précédentes, en raison de l’introduction du système de conservation des opérations cadastrales, et des instructions nombreuses que l’administration centrale aura à adresser aux employés dans les provinces, pour assurer ce nouveau service.

M. Legrelle. - On a avec raison élevé des cris de réprobation contre les traitements d’attente ; ce système a été justement flétri. Mais aujourd’hui qu’arrive-t-il ? Qu’on le remplace par un système plus mauvais encore.

On n’a plus voulu du système des toelagen, ces suppléments de traitement accordés en considération de la personne ; aujourd’hui que fait-on ? On augmente un traitement de 2,000 fr. par des considérations personnelles ; et assurément, quand le nouveau titulaire sera remplacé, le traitement restera sur le même pied. Lorsque l’inspecteur-général placé à la tête de l’administration de la monnaie quittera ses fonctions, son successeur reprendra-t-il le traitement précédemment attaché à cet emploi ? Assurément non.

Mais je dois signaler une erreur commise par M. le ministre des finances, erreur qu’il pourra difficilement justifier. Il y a selon moi une différence de 2,100 francs dans les calculs ; voici comment j’établis mes calculs : l’inspecteur-général du cadastre, maintenant président de la commission des monnaies, reçoit en sus du traitement précédemment attaché à ces dernières fonctions 2,100 francs. Il recevait précédemment fr. 8,400 ;

A déduire le traitement de l’inspecteur qui le remplace fr. 4,200

Reste, fr. 4,200.

A déduire encore l’augmentation au président de la commission des monnaies, fr. 2,100

Reste fr. 2,100.

Cette dernière somme doit évidemment être déduite du chiffre de l’administration centrale ; il y a ici une erreur de calcul.

M. de Roo. - Je vois que l’allocation demandée pour l’exercice de cette année, y compris celle pour l’inspecteur et les contrôleurs de provinces, monte à 83,700 fr. ; que celle pour l’exercice 1834 étant de 77,750 fr., il en résultait une différence de 5,950 fr., et en y déduisant la somme de 950 fr. pour frais de bureau, comme l’a fait la section centrale, il y a une augmentation réelle pour cette année de 5,000 fr. M. le ministre en est convenu, et la chambre aura à se prononcer à cet égard.

Mais je demanderai ce qui est advenu de la différence qui a existé en 1833 du tableau comparatif produit par M. le ministre des finances d’avec l’état de répartition de la même année. Le premier montait à 39,550, qui est à peu prés celui de l’année actuelle tandis que l’état de répartition était de 31,324 77. Il existait donc une différence de 8,235 fr. Si cette somme est acquise à l’Etat, je n’ai rien à dire, mais si cette somme a dû servir à payer des fonctionnaires d’autres spécialités, ceci doit nous mettre en garde à voter trop légèrement des augmentations demandées, puisque les états comparatifs serviraient en définitive non à poser la somme nécessaire à la spécialité pour laquelle on l’a demandée, mais à un tout autre usage.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le gouvernement n’a pas dépassé le crédit qui lui a été alloué. Il n’aurait pu le faire en supposant qu’il en eût eu réellement l’intention. La cour des comptes est là pour empêcher que le gouvernement ne dépasse les allocations ou n’opère des transferts. Il est donc impossible qu’on ait pu dépasser le chiffre d’une seule allocation.

Tout ce que nous demandons, que vous accordiez la somme de 420,000 fr. que la chambre elle-même a déterminée comme devant être le chiffre de l’administration centrale pour 1835, sur les conclusions de l’honorable M. Dumortier, Nous ne demandons pas une seule augmentation.

Tout ce que nous désirons, c’est que l’assemblée nous laisse libre de distribuer cette somme globale comme l’intérêt du service nous paraîtra l’exiger.

M. de Roo. - J’ai dit que, d’après un état comparatif annexé au budget de 1833, il avait été alloué une somme de 39,550 fr., mais que le tableau de répartition présentait un total de 31,350, qu’il y avait donc eu un excédant disponible de 8,900 fr. Je désire savoir si cette somme est dans les caisses de l’Etat ; si elle a été dépensée, je dis que l’on ne peut affecter l’excédant d’une allocation spéciale à une autre spécialité. Je dis que la chambre ne peut voter des augmentations qui ne sont pas adaptées à l’allocation que l’on demande.

M. Dujardin, commissaire du Roi.- Il est évident que chaque fois qu’un crédit n’est pas entièrement dépensé, l’excédant reste dans les caisses de l’Etat. Un fait a pu se présenter pendant l’exercice de l’année 1833 comme pour tout autre exercice.

Il est pénible que l’allocation de 450,000 fr. accordée par la section centrale ne soit pas entièrement absorbée. Il se peut qu’il y ait un excédant de quelques milliers de francs. C’est un cas qui se présente à chaque allocation.

M. Dumortier. - Je ferai remarquer que M. le commissaire du Roi n’a pas répondu à l’observation que je lui ai faite, Ce qu’il a dit pour la combattre tend au contraire à la corroborer. J’ai éveillé l’attention de l’assemblée sur l’administration des monnaies. J’ai parlé du traitement de 8,400 fr. accordé au président de la commission des monnaies, indépendamment de l’intention qu’avait le gouvernement de supprimer le traitement du graveur des monnaies pour augmenter celui des autres employés de l’administration centrale.

Que dit M. le commissaire du Roi ? Il est question de savoir si l’on continuera à accorder un traitement au graveur des monnaies qui, comme il l’a insinué, n’a rien a faire, ou si l’on suivrait le système adopté en France, de ne le payer qu’en raison des coins qu’il livrera. C’est une mesure d’économie que propose le gouvernement.

J’appelle l’attention de la chambre sur ce point. Remarquez, je vous prie, que l’on met en avant des motifs d’économie. Je suppose l’application de ce système. Vous propose-t-on un denier d’économie ? Non, messieurs, l’on vous propose le même chiffre, et l’on a l’intention de faire, comme je vous le prouverai, un véritable transfert.

Le traitement du graveur des monnaies est de 4,000 fr. ; il est compris dans l’allocation des 420,000 fr. demandée par l’administration centrale. En votant cette allocation, vous votez donc ce traitement. Si l’on voulait l’année prochaine ne plus donner une rétribution fixe au graveur des monnaies, il est évident qu’il y aurait lieu de diminuer l’allocation de 420,000 fr. d’une somme de 4,000 fr. Cependant l’on ne propose pas cette diminution.

L’on aurait l’intention de payer au graveur des monnaies son travail au fur et à mesure qu’il le ferait. Il n’est pas exact de dire, comme M. le commissaire du Roi l’a donné à entendre, que les fonctions de ce graveur soient une sinécure. Ce sont les fonctions les plus laborieuses de l’administration des monnaies. Quand un homme honore le pays comme le graveur qui occupe ces fonctions, il serait injuste de le priver de son traitement, si, comme on pouvait le penser au premier abord, la mesure annoncée par M. le commissaire du Roi tendait à de but ; mais je vais démontrer que ce n’est qu’un transfert déguisé.

D’après les renseignements que je me suis procurés, le graveur des monnaies, qui est obligé par les devoirs de sa place de refaire les poinçons de la garantie et des monnaies, a confectionné l’année passée 817 poinçons. Le prix de chaque poinçon est de 7 francs. 817 poinçons à 7 fr. feraient 5,639 francs.

Le graveur de la monnaie aurait donc reçu l’année passée 5,619 fr. S’il n’avait pas un traitement fixe de 4,000 fr. ce ne serait pas une économie. Ce serait un transfert parce que ce traitement déguisé comme on le présente actuellement, au lieu de se prélever sur l’allocation du personnel, se prendrait sur le crédit du matériel à l’article 5 (service de la monnaie). Voilà comment, en ayant l’air de faire une économie de 4,000 fr., on ajouterait en réalité 4,000 francs aux traitements de la commission des monnaies. C’est ce que je ne puis admettre.

Ce serait une augmentation de dépense, un véritable transfert, un double emploi. Je ne veux pas que par des moyens détournes on en arrive à une augmentation réelle dans les dépenses, en privant un titulaire qui a des droits à l’estime du pays d’un traitement fixe que je crois nécessaire de lui allouer et cela à l’effet de déverser des faveurs sur les employés de l’administration centrale.

Remarquez, messieurs, que M. le ministre des finances peut très bien marcher, même en opérant des réductions sur l’allocation de l’article 2, même sans blesser personne. J’ai démontré qu’il y a sur le budget précédent une augmentation de 9,000 francs dans l’administration centrale. La suppression de l’inspecteur du cadastre présente une seconde diminution de 8,400 fr. Voilà 17,400 francs en tout de réductions.

M. Le ministre des finances reconnaît lui-même qu’il a besoin d’un bureau d’archives. L’on pourrait même, en opérant une réduction à son budget, laisser encore à M. le ministre la faculté de créer son bureau d’archives, puisqu’il y a 17,400 francs de réductions dans la dépense. En supposant que le gouvernement mît à exécution son projet de suppression du traitement fixe du graveur des monnaies, cette diminution monterait à 21,400 fr. sur les besoins de l’administration centrale pour l’année présente comparés à ceux de l’année précédente.

Je demanderai à M. le ministre lui-même s’il ne croit pas qu’il est possible d’opérer une réduction sur le chiffre de 420,000 fr., sans qu’il doive renoncer cependant à la formation d’un bureau d’archives.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répéterai ce que j’ai déjà dit. Il n’est pas question de supprimer le traitement du graveur des monnaies. Des informations avaient été prises sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas d’adopter à son égard le mode exécuté en France. Ce sont ces informations qui auront inquiété ce fonctionnaire ou les personnes qui s’intéressent à lui sur la conservation de son traitement.

Au surplus, je suppose que l’on supprime en 1836 le traitement du graveur de monnaies. Ne sera-t-il pas facile à la chambre, surtout avec la minutieuse attention que l’on apporte dans l’examen des budgets, de s’apercevoir qu’il y a une suppression à faire au chiffre de l’administration centrale ?

L’honorable M. Dumortier parle d’une réduction de 17.400 fr. à opérer sur l’article 2 de mon budget. Je ne sais pas où il l’a trouvée. L’article 2 comprend un crédit de 420,000 fr., le même qu’il a fixé l’année passée pour les traitements de l’administration centrale sur les instances de M. Dumortier lui-même. Il y a pour la chambre deux partis à prendre. Que l’assemblée voté article par article ce chiffre de 420,000 fr., et elle forcera le gouvernement de n’opérer aucun transfert d’un article à l’autre : toute répartition plus convenable des traitements deviendra impossible ; ou que l’assemblée vote une somme globale de 420,000 francs, en laissant au chef de l’administration des finances la faculté de distribuer le crédit comme il l’entendra dans l’intérêt du service.

M. le président. - M. Legrelle vient de déposer la proposition suivante sur le bureau :

« Je demande une diminution de 2,100 fr. sur le chiffre de 420,000 fr. indépendamment de celle de 5,000 fr., proposée par la section centrale. »

M. Legrelle. - Ma demande est basée sur une erreur de chiffres que je crois avoir suffisamment démontrée.

M. Desmet. - Je n’ai pas demandé la parole pour parler sur l’amendement dont vient de donner lecture M. le président, mais c’était pour faire connaître à la chambre tout mon étonnement de ce que vient d’avancer l’honorable ministre des finances, quand il vous a dit qu’il se proposait de faire un nouveau règlement pour la conservation du cadastre, et que pour l’exécution de ce règlement il aurait besoin d’une administration centrale comme celle qui existait au moment de sa confection/

M. le ministre doit cependant savoir qu’il existe des lois qui règlent la conservation du cadastre ; ces lois qu’on peut trouver dans le recueil méthodique, sont très bien conçues et très économiques dans les opérations qu’elles prescrivent pour bien annoter les mutations cadastrales qui se présentent annuellement.

Mais il me semble qu’on veut ici suivre le système du Hollandais Guerick, qui aussi bouleversait les lois sur le cadastre par des règlements, et que comme lui on veut créer une administration centrale pour la conservation du cadastre, dans le but unique de créer des places et non pour agir dans l’intérêt général et n’avoir que l’administration dont on a réellement besoin pour annoter régulièrement les mutations qui devront se faire aux opérations primitives du cadastre… J’espère donc que M. le ministre voudra bien avoir égard à ces observations et qu’au lieu de faire un nouveau règlement qui serait illégal, il observera les lois existantes pour la conservation du cadastre.

M. Jullien. - Les explications que j’ai provoquées au commencement de la séance ne me paraissent pas avoir rendu la question plus claire. L’on a confondu les questions de chiffres avec les questions de personnes. Si la discussion continuait de cette manière, on aurait dépensé en frais de séance l’économie de 5,000 francs que la section centrale demande.

Quoique la question ne me paraisse pas éclaircie, il y a cependant un fait qui domine toute la discussion. C’est que le chiffre de 420,000 francs que demande le ministre est le même que celui qui à été arrêté l’année dernière par la législature. Il y a un autre fait, c’est que l’on a porté à 9,000 francs le traitement d’un inspecteur de l’administration centrale. Tout ce qu’il nous importe de savoir, c’est qu’on l’ait fait avec économie en prélevant son traitement sur une autre spécialité.

Toute la question est de savoir si le ministre a bien fait de faire des économies d’un côté et une augmentation de l’autre. Je suis tenté de résoudre cette question affirmativement, parce que ce n’est pas l’usage qu’un ministre augmente un traitement dans son administration sans venir nous demander une majoration à son budget. S’il avait laissé les choses dans l’état où elles étaient l’année passée, pas une réclamation ne se serait élevée contre le chiffre de 420,000 fr., puisque, sans augmenter ce chiffre, M. le ministre a fait une réforme. Il est à croire qu’il l’a faite dans l’intérêt du service. Il m’a semblé qu’il a donné à cet égard d’assez bonnes raisons.

Il se présente une autre considération, c’est que si nous diminuons l’allocation de 420,000 fr. d’une somme de 5,000, il est à craindre que cette diminution ne porte tout entière sur les employés subalternes, attendu que ce sont les fonctionnaires à grands appointements de l’administration centrale qui feront une répartition nouvelle de traitements, et qu’ils n’iront pas se diminuer eux-mêmes. Ces diminutions tombent ordinairement sur de pauvres employés qui n’ont que de faibles appointements. Votre économie n’aura abouti qu’à leur ôter leurs moyens d’existence. C’est un des motifs qui me portent à admettre le chiffre de 420,000 fr.

M. Legrelle. - Je me suis mal exprimé dans mon amendement ; j’ai voulu dire qu’au lieu de proposer 5.000 de diminution sur le chiffre de 420,000 fr. comme le propose la section centrale, je ne demandais qu’une réduction de 2,100.

Le chiffre de 420,000 est mis aux voix et adopté.

En conséquence l’article 2 est fixé comme suit : « Art. 2. Personnel : fr. 420,000. »

Articles 3 à 5

« Art. 3. Frais de tournée : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Matériel : fr. 36,000 fr. »

- Adopté.


« Art. 5. Service de la monnaie : fr. 7,200. »

- Adopté.

Article 6 (nouveau)

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je présenterai un article additionnel après celui qui vient d’être voté par l’assemblée. Ce n'est qu’une simple mesure d’ordre.

Par la loi du 1er février 1835, vous avez autorisé le gouvernement à transformer les pièces d’un cents et d’un demi-cents en pièces d’un et de deux centimes. La perte à éprouver par cette transformation et les frais qu’elle exigera montent à la somme de 230,000 fr. Pour que le trésor n’ait pas à supporter cette perte, une émission nouvelle de monnaie de cuivre est nécessaire. Il faudra frapper pour 600,000 fr. de pièces de cinq centimes. Le prix d’achat de la matière première et de la fabrication de cette somme sera de 370,000 fr. Les 230,000 fr. de bénéfices serviront à couvrir la perte que je viens de rappeler. Je pense qu’il conviendrait de porter au budget des dépenses une somme de 600 mille francs, et en même temps, comme annexe au budget des voies et moyens, une somme égale de 600,000 fr. C’est dans ce sens qu’est rédigé l’article que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre :

« Article nouveau. Frais et pertes résultant de la transformation des pièces d’un cents et demi-cents en pièces d’un et de deux cent, en vertu de la loi du 1er février 1835 : fr. 230.000.

« Achat de matière première et frais de fabrication de pièces de 5 centimes jusqu’à concurrence de 600,000 francs : fr 372,000.

« Annexe au budget des voies et moyens, produit de la fabrication des pièces de 5 centimes : fr 600,000. »

M. Verdussen. - il faudrait, pour que l’article de M. le ministre des finances fût adopté, que la chambre fût d’accord avec lui sur la nécessité d’une émission nouvelle de pièces de 5 centimes jusqu’à concurrence de 600,000 francs. Si, à l’émission de monnaie de cuivre occasionnée par la transformation des cents en centimes, vous ajoutez une émission nouvelle de monnaie de cuivre, il est à craindre qu’il n’y ait surabondance dans le pays. La chambre, en adoptant cet article, consacrerait une opinion de M. le ministre des finances contre laquelle je me suis élevé lors de la discussion de la loi du 1er février. Je voterai contre cet article nouveau.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, d’après le système de l’honorable préopinant, il n’y aurait pas de recette à porter au budget des voies et moyens. Il en résulterait un déficit de 230,000 fr. pour le trésor public. La perte est assez importante pour que la chambre ne repousse pas les moyens de la couvrir. Il a été démontré, lors de la discussion de la loi du 1er février, qu’il n’y aurait pas trop de monnaie de cuivre en circulation alors même que l’on ferait une émission nouvelle de pièces de 5 centimes pour une valeur de 600,000 fr. Ces pièces, loin d’être nombreuses, sont assez rares pour que, dans les provinces limitrophes de la France, les pièces françaises y soient introduites en grande quantité.

Lorsqu’il y aura suffisamment de monnaie nationale de cuivre dans le pays, les pièces de cinq centimes ne seront plus en usage. Je ferai observer en outre qu’il y a encore dans la circulation une masse de pièces de cuivre hollandaises qui vont sortir du pays, parce que l’on cherchera à les faire infiltrer en Hollande à mesure que nous aurons plus de monnaie de cuivre nationale en Belgique. Je crois que la chambre ne saurait s’opposer à l’adoption d’une mesure d’économie qui est faite tout entière dans l’intérêt du pays.

M. Donny, rapporteur. - Cette proposition n’ayant pas été soumise à la section centrale, il m’est impossible d’émettre une opinion en ma qualité de rapporteur ; mais, en qualité de député, je déclare partager l’opinion de M. le ministre, et j’appuierai de mon vote sa proposition. (Aux voix ! aux voix !)

M. Jullien. - Il est impossible de se prononcer sur une question comme celle-là, sans avoir eu le temps de l’examiner. Voilà une augmentation de 230 mille francs qu’on vous propose de porter au budget.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. Jullien est dans l’erreur, ce n’est pas une augmentation de dépense que je demande. Je demande pour l’exécution d’une loi que vous avez votée, ordonnant la transformation des cents en centimes, une somme de 230 mille francs représentant, outre les frais de fabrication, la différence du florin à deux francs sur la somme à transformer, plus 370 mille francs pour acheter la matière première, les flans nécessaires à la fabrication de 600 mille francs de pièces de cinq centimes. Je demande donc un crédit de 600 mille francs. Mais d’une autre part, je propose de porter en recette les 600 mille francs que je vais faire battre.

J’aurais pu me dispenser de parler de cette opération, si je n’avais voulu que la cour des comptes pût exercer un contrôle sur son exécution ; car je pouvais, d’après la loi que vous avez votée, exécuter la transformation des cents et demi-cents en pièces de un et de deux centimes, et d’après la loi monétaire qui autorise le gouvernement à faire frapper autant de monnaie de cuivre que les besoins du pays peuvent l’exiger, j’aurais pu faire battre la quantité nécessaire pour couvrir les frais de transformation. Du reste, s’il y avait du doute dans l’esprit de quelques honorables membres, je ne m’opposerais pas à ce qu’on remît la discussion à demain.

M. Jullien. - Si le ministre pouvait faire sans autorisation l’opération dont il s’agit, pourquoi demande-t-il cette autorisation ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour la régularité.

M. Jullien. - Ce que je vois là de plus clair, c’est une dépense certaine de 600,000 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La même somme figurera en recette.

M. Jullien. - Je ne vois pas que la recette soit aussi certaine que la dépense. Il n’y a pas de mal au reste qu’on puisse s’éclairer sur une pareille proposition. Le ministre d’ailleurs ne s’oppose pas et n’a pas le droit de s’opposer à ce qu’on puisse réfléchir sur sa proposition. Je demande le renvoi à demain.

M. le président. - Je vais consulter la chambre sur le renvoi proposé.

M. Dumortier. - Je demande la parole sur le renvoi. L’honorable M. Jullien se trompe lorsqu’il pense que le ministre propose une augmentation de dépense ; il n’y a pas d’augmentation d’après le système de M. le ministre des finances. L’augmentation n’est que fictive, elle n’est que dans le chiffre ; mais en fait, il n’y aura pas un centime de plus de dépense, puisqu’il s’agit de l’exécution d’une loi que le ministre pourrait exécuter sans demander d’autorisation : quant à l’émission de monnaie de cuivre, la loi autorisant le gouvernement à en émettre selon les besoins du pays, le ministre pourrait encore le faire sans qu’on ait rien à y dire. La question à examiner est celle de savoir s’il ne vaut pas mieux faire la transformation aux frais de l’Etat que d’émettre pour 600 mille francs de nouvelle monnaie de cuivre afin de couvrir les frais de la transformation avec le bénéfice que présenterait cette dernière opération. Cette question est délicate. Le ministre veut faire pour 600 mille fr. de pièces de 5 centimes.

M. le président. - Il s’agit de savoir si la discussion sera renvoyée à demain.

M. Dumortier. - Je pense qu’on peut discuter de suite.

- La chambre, consultée, décide que la discussion sera continuée.

M. Dumortier. - Je disais donc qu’il n’y a pas augmentation de dépenses, puisqu’il ne s’agit d’une part que de faire face aux frais d’exécution d’une loi votée, et de l’autre, qu’il indique le moyen de couvrir ces frais. Ce n’est donc qu’une simple affaire nominale ; les deniers des contribuables n’y seront pas pour un sou, si la chambre admet ce système.

Mais il y a une autre question, c’est celle de savoir s’il faut augmenter la somme de monnaie de cuivre qui est en ce moment en circulation, et si l’augmentation proposée n’excédera pas les besoins du pays, Le ministre propose pour couvrir les 230 mille fr. que coûtera la transformation des cents en centimes, d’émettre pour 600 mille fr. de pièces de cinq centimes. Si vous faites le calcul, vous voyez qu’il faut faire 12 millions de pièces de 5 centimes pour couvrir le déficit de l’opération que vous avez ordonnée. Or, 12 millions de pièces de 5 centimes, c’est trois pièces de 5 centimes par individu en Belgique. Je regarde cela comme immense.

Maintenant, la monnaie de cuivre est déjà extrêmement abondante, elle le deviendra beaucoup plus par suite de la conversion des cents et demi-cents en pièces de 1 et 2 centimes ; si vous ajoutez à cela 12 millions de pièces de 5 centimes, je crains fort que nous n’ayons une trop grande masse de monnaie de cuivre en circulation.

Je préférerais voir l’Etat supporter la perte de 230,000 fr. résultant de la transformation, que d’avoir recours à une nouvelle émission de monnaie de cuivre. Et si une nouvelle émission de monnaie de cuivre avait lieu, j’aimerais mieux que ce fût en pièces de 1 et de 2 centimes qui est une monnaie de marché, qu’en pièces de 5 et de 10 centimes qui est une monnaie lourde et embarrassante. C’est pourquoi si le système présenté par M. le ministre prévaut, je demanderai qu’on ne préjuge rien dans l’article sur la question de savoir si la nouvelle émission de monnaie de cuivre aura lieu en pièces de 5 et 10 centimes ou en pièces de 1 et 2 centimes.

Mais je pense, quant à moi, que vu l’immense quantité de monnaie de cuivre qui se trouve déjà en circulation, il faudrait mieux ne pas couvrir la dépense de transformation et supporter la perte de 230,000 fr. Si après la conversion vous croyez pouvoir faire l’opération qui doit vous procurer un bénéfice égal à cette dépense, vous serez toujours libre de la faire ; Je pense qu’il vaudrait mieux ne pas faire cette opération maintenant. Je demanderai donc qu’on se borne à porter en dépense la somme de 230,000 fr., et d’attendre le résultat de la transformation ; on verra alors s’il y a lieu d’augmenter la somme de monnaie de cuivre en circulation.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est à remarquer qu’avec les 600 mille fr. de pièces de 5 centimes que le gouvernement se propose de faire battre, il n’y aura en Belgique que pour 2,700,000 fr. de monnaie de cuivre, c’est-dire, 70 centimes environ par individu. Certes ce n’est pas trop. Dans certaines provinces, l’on ne fait pas usage d’autre chose que de cette monnaie de cuivre. Les habitants sont heureux d’en avoir pour leurs besoins journaliers.

L’honorable M. Dumortier dit qu’il conviendrait mieux de frapper des pièces de un et deux centimes que des pièces de cinq centimes.

Je lui ferai observer qu’il y en a déjà une masse, et si on en fait encore frapper indépendamment des 1,200 mille fr. qui doivent être transformés, il y en aura immensément. Ensuite ce ne serait pas pour 600 mille fr. qu’il faudrait en frapper pour couvrir les frais de l’autre opération, il faudrait peut-être en battre pour 700 mille fr., car le bénéfice est plus grand sur les pièces de 5 centimes que sur celles de un et de deux centimes.

On va commencer par la transformation des cents ; cette opération finie,on s’occupera seulement de la confection des pièces de 5 centimes. Si le gouvernement remarquait, ou si quelques honorables membres trouvaient qu’il y a trop de monnaie de cuivre, et que par la suite ils vinssent en faire des plaintes dans cette enceinte, on ne ferait pas la seconde opération ; ce serait une recette qui ne s’effectuerait pas, et l’on déciderait alors que le trésor doit supporter la perte des 230 mille francs. Mais, en attendant, je préférerais qu’on portât au budget la double opération comme je l’ai proposé, pour n’avoir pas l’air de grossir sans compensation le chiffre des dépenses du ministère des finances.

M. Verdussen. - L’observation faite par M. le ministre des finances est très juste, La dépense sera plus forte si on frappe des pièces de un et de deux centimes que si on bat des pièces de 5 centimes, car il y a d’un côté plus de main-d’œuvre que de l’autre. Mais je vous prie de remarquer que dans la loi monétaire de 1832 il a été dit que, sur une somme à payer, on pourrait donner un dixième en cuivre. Si maintenant vous émettiez une immense quantité de cuivre, vous entraveriez tous les paiements, toutes les transactions ; car, comme sur un paiement de 2,000 fr., on aurait le droit de forcer d’accepter 200 fr. en monnaie de cuivre, on userait de ce droit. Je prie donc M. le ministre de ne pas faire usage de la faculté qu’il a d’émettre des pièces de 5 centimes, parce que quand on aura fait la conversion des 1,200,000 fr. de cents et de demi-cents en pièces de un et deux centimes, on sentira déjà qu’il y a surabondance de monnaie de cuivre. Il ne faut pas s’exposer à entraver les opérations commerciales en augmentant encore la masse de cette monnaie.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que l’honorable préopinant est dans l’erreur lorsqu’il dit que les particuliers sont obligés de recevoir dans les paiements un dixième en cuivre d’après la loi monétaire de 1832. Cette disposition, si ma mémoire est fidèle, n’est relative qu’à la petite monnaie d’argent et non à la monnaie de cuivre. Je viens de faire chercher la loi pour m’en assurer entièrement.

Il est une chose sur laquelle je crois devoir appeler votre attention. Il est à remarquer qu’il circule en Belgique une grande quantité de monnaie de cuivre étrangère, que nous avons une masse de cents et de sous de France.

Il est évident que cette abondance de monnaie de cuivre étrangère est occasionnée par l’insuffisance de notre monnaie. Et lorsque nous aurons suffisamment de monnaie de cuivre nationale pour les besoins du pays, les cents rentreront en Hollande où ils ont plus de valeur, et les sous de France retourneront en France ; car, comme on ne reçoit dans les caisses de l’Etat que la somme de cuivre belge, elle aura plus de faveur dans le pays que la monnaie de cuivre française.

M. Devaux. - Je crois qu’il serait prudent de ne pas faire la nouvelle émission de monnaie de cuivre dont il s’agit tout à la fois, sans voir quel sera le résultat de l’augmentation de cette espèce de monnaie ; je pense qu’il vaudrait mieux la faire successivement par partie.

M. le ministre des finances vous a dit que quand l’opération proposée serait faite, la quantité de monnaie de cuivre qui se trouverait dans le pays ne serait que dans la proportion de 70 centimes par individu, et M. le ministre pense que ce n’est pas trop. Si la monnaie de cuivre, en circulation dans le pays, était divisée entre les quatre millions d’habitants, cela ferait effectivement 70 centimes par individu ; mais de ces quatre millions d’habitants il y eu a une grande partie qui n’a pas de bourse, qui n’a pas 70 centimes ; il faut donc retrancher de la répartition tous ceux qui ne portent pas pareille somme, les enfants entre autres, et si vous répartissez la masse de votre monnaie de cuivre entre les individus portant argent, vous verrez que la proportion diffère de beaucoup de celle que vous avez établie.

Je pense donc, si on croit devoir faire une nouvelle émission de monnaie de cuivre, qu’il faut la faire par partie, afin de ne pas en mettre trop en circulation. Je pense aussi qu’au lieu de transformer les cents en centimes, il vaut mieux faire des centimes avec du cuivre neuf ; le trésor aurait ainsi tout le profit d’une émission de 1,200,000 francs de monnaie de cuivre, tandis que la conversion des cents en centimes est désastreuse pour lui. Ce n’est pas 230,000 francs, mais 600,000 francs qu’on perd gratuitement, car c’est un bénéfice dont on se prive, au profit de je ne sais qui, au profit du roi de Hollande.

Je regrette que des motifs très graves ne m’aient pas permis d’assister à la discussion de cette loi qui a ordonné la conversion des cents en centimes, mais je veux au moins faire tous mes efforts pour en arrêter les funestes effets. Cette loi a été très peu discutée. Si la chambre avait fait une plus grande attention, elle aurait trouvé que cette loi devait avoir des résultats défavorables pour le trésor, qu’elle faisait perdre 600,000 fr. comme si on les jetait à la mer. Puisqu’il en est temps encore, faisons en sorte d’arrêter les effets d’une loi aussi contraire aux intérêts du pays.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Voici la loi monétaire qui détermine le quantième qu’on est obligé de recevoir dans un paiement, en petite monnaie d’argent ou en monnaie de cuivre. C’est l’article 24. Il porte que nul n’est tenu d’accepter, sur ce qui doit lui être payé, plus d’un dixième en pièces d’un demi-franc ni plus de la valeur de 5 fr. par appoint en pièces de cuivre.

L’observation de l’honorable M. Verdussen est donc sans fondement. Quant à celles présentées par M. Devaux, elles font le procès tardif à une loi adoptée par la chambre. Je lui dirai cependant que je ne comprends pas la perte de 600,000 fr. qu’il prétend trouver dans l’opération de transformation, car il aurait fallu de toute manière chercher à faire entrer en fraude en Hollande et à grande perte les cents et demi-cents qui sont dans les caisses de l’Etat ou les convenir en lingots.

Il a été prouvé à l’évidence, lors de la discussion de la loi en question, discussion qui n’a pas été aussi courte et aussi facile que le pense l’honorable préopinant, qu’il y aurait une perte d’environ 300 mille fr. si on réduisait en lingots les cents actuellement dans les caisses de l’Etat et si l’on frappait à la place du nouveau cuivre. En définitive je ne vois pas quel désavantage la transformation pourra avoir pour le pays. Les centimes qui en proviendront pèseront à la vérité un peu moins que les autres, mais cela est indifférent ; on sait que la monnaie de cuivre est une valeur conventionnelle qui ne représente effectivement que deux alors que la valeur nominale est cinq. Je répéterai, quant à la perte de 600 mille fr. dont a parlé l’honorable préopinant, que je ne pense pas qu’il puisse la démontrer.

M. Devaux. - M. le ministre prétend que je ne pourrai pas lui démontrer que l’opération dont il s’agit fait perdre plus de 600,000 fr, à l’Etat. Cette démonstration sera très facile.

On a proposé de convertir en centimes pour un million deux cent mille fr. de cents. Cette opération doit coûter 237,000 fr. Quand on fabrique de la monnaie de cuivre, d’après ce que nous a dit plusieurs fois le ministre des finances, l’Etat gagne 53 p. c. Si vous aviez fait pour 1,200,000 fr. de monnaie de cuivre, au lieu le convertir pour cette somme de cents en centimes, vous auriez gagné 400,000 fr., et si à ces 400,000 fr. de bénéfice que vous auriez fait vous ajoutez la perte de 237,000 fr. résultant de la transformation, vous avez bien en somme une perte de 637,000 fr.

Vous aviez les cents, dites-vous ; fallait-il les convertir en lingots ? C’était là une opération inutile, car vous perdiez encore les frais de cette opération.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Qu’est-ce que vous en auriez fait ?

M. Devaux. - Ce que j’en aurais fait ? M. le ministre lui-même vient de le dire tout à l’heure.

Quand vous auriez fabriqué des pièces de deux centimes, les cents auraient reflué vers la Hollande, où ils ont une plus grande valeur, et les spéculateurs n’auraient pas manqué pour faire cette opération.

M. le ministre a dit que la discussion de la loi relative à la transformation des cents en centimes n’avait pas été aussi courte que je pensais. Je sais que dans cette discussion, que j’ai suivie, deux orateurs seulement, MM. Desmet et Verdussen, ont parlé de l’opération, les autres orateurs qui ont pris part à la discussion ont présenté des considérations générales sur la monnaie. Je sais qu’on a dit qu’il ne serait pas loyal de faire refluer les cents en Hollande. J’ai été très édifié de cette délicatesse vis-à-vis du roi de Hollande, qui met tant de procèdes et de courtoisie dans ses rapports avec nous, et qui certes se garderait bien de faire refluer vers la Belgique une seule pièce de monnaie, s’il croyait pouvoir nous faire tort.

Je pense que si le gouvernement avait mis en circulation ces cents, qui n’ont plus chez nous qu’une valeur de deux centimes, ils se seraient écoulés vers la Hollande.

Vous auriez frappé du cuivre neuf et vous auriez fait un bénéfice de 400 mille francs au lieu de subir une perte de 230 mille francs. En supposant que vous n’eussiez pu vous débarrasser de vos cents qu’à raison de 2 centimes, vous n’auriez encore perdu que 60 mille francs, tandis que vous faites un assez joli cadeau au roi de Hollande.

Je ferai une autre question au ministre des finances. Je n’ai pas sous les yeux la loi monétaire. Je lui demanderai si la monnaie sera obligée de convertir les cents en centimes, ou si elle ne pourra pas se contenter de rendre au trésor une quantité de pièces de un et de deux centimes égale à la quantité de cents et demi-cents qu’elle en aura reçue en fabriquant ces centimes avec du cuivre neuf afin de faire rentrer les cents en Hollande. S’il en était ainsi, la monnaie ferait le bénéfice que vous auriez pu réaliser.

Je vous prie de remarquer que je n’inculpe point ici la probité du directeur de la monnaie que j’ai défendu dans d’autres circonstances. Mais je pense que, d’après la loi monétaire, il n’est pas obligé de vous donner autre chose qu’un nombre de pièces de un et de deux centimes égal à celui de pièces de un cents et un demi-cents que vous lui auriez remis.

Trouvant l’occasion de demander qu’on retarde l’exécution d’une loi que je regarde comme nuisible, je m’empresse de la saisir, et je demande qu’on retarde l’exécution de cette loi aussi longtemps que possible et qu’on commence par faire des centimes avec du cuivre neuf, et qu’on n’en fasse que par petites parties, afin de ne pas s’exposer à en mettre en circulation plus que les besoins du pays ne l’exigent.

M. Verdussen. - Ce que vient de dire l’honorable préopinant fait regretter qu’il n’ait pas pris part à la discussion de la loi relative à la conversion des monnaies de cuivre anciennes en monnaies nouvelles, et parlé en faveur du système que j’ai défendu ; mais je crois qu’ici cette discussion serait un hors-d’œuvre.

L’observation de M. le ministre des finances m’a prouvé que je m’étais trompé, et que j’avais confondu la petite monnaie d’argent avec la monnaie de cuivre ; mais le mal pour cela ne disparaît pas ; seulement il est moindre.

Jusqu’ici, sur les paiements de 7 fr. par exemple, on recevait 6 fr. en argent et le reste en cuivre, maintenant il est possible que dans les transactions pour les plus petites sommes on force toujours à recevoir du cuivre jusqu’à la concurrence de 5 fr. Le mal existe donc, mais seulement à un degré moindre que je n’avais dit.

M. Dujardin, commissaire du Roi. - Je répondrai en quelques mots à l’honorable M. Devaux que la loi monétaire interdit formellement la mise en circulation des cents des Pays-Bas qui ont été retirés. Dans cet état de choses, il était impossible de faire refluer vers la Hollande les cents déposés dans les caisses de l’Etat.

Quant aux observations subséquentes présentées par le même orateur, sur ce que le directeur de la monnaie pourrait livrer en échange des cents des Pays-Bas de la monnaie de cuivre faite avec des flancs neufs, elles ne sont pas plus fondées ; en effet, les pièces de cuivre ne sont pas dans la même catégorie que les monnaies de métal précieux ; ces pièces sont battues par le directeur de la monnaie pour le compte du gouvernement ; il ne peut le faire à son propre bénéfice, car il n’est dans cette circonstance que l’agent du gouvernement et n’opère que pour lui ; ce n’est que relativement aux monnaies d’or et d’argent que le directeur travaille pour son propre compte. Toutes ses opérations sont d’ailleurs surveillées par la commission des monnaies.

M. Dumortier. - J’avoue franchement que l’observation de l’honorable M. Devaux me paraît devoir être prise en mûre considération. Certainement, la loi est votée ; je ne me rappelle pas avoir pris part à la discussion. J’étais, je crois, absent ; mais il importe de remarquer que cette loi n’impose pas au gouvernement une obligation, qu’elle lui laisse simplement une faculté et avant d’en faire usage, on doit y regarder à deux fois.

Revenant à la discussion principale, M. le ministre des finances a dit que dans l’intérêt actuel, alors même que l’on mettrait en circulation la quantité de cuivre autorisée par la dernière loi, cela ne ferait que 70 centimes par individu ; M. le ministre ne trouve pas cela exorbitant ; pour moi, je ne suis pas de son avis. Notez bien que c’est non 70 centimes, mais 1 fr. 40 centimes par individu ; car il faut défalquer les enfants, lesquels n’ont pas d’argent.

- Un membre. - Et les pauvres.

M. Dumortier. - Je ne défalque même pas les pauvres, parce que l’on pourrait m’objecter qu’ils ont de la monnaie de cuivre et que même ils n’en ont pas d’autre ; je défalque seulement les enfants et je dis que cela fait 1 fr. 40 c. par individu, c’est-à-dire 28 pièces de 5 centimes ou 70 pièces de 2 centimes ou 140 pièces de 1 centime.

Mais, messieurs, cela est effrayant, supposez-vous donc 140 pièces de 1 centime dans votre poche, on en a sa chargé complète. (On rit.) Vous êtes, je pense, d’avis que la charge est un peu trop forte. Il n’y vraiment pas de raison pour la mettre sur le dos de la population de la Belgique. L’abondance de la monnaie de cuivre est à ce point que l’on ne voit pas autre chose ; et quand on a 2 ou 3 fr. dans sa poche on ne peut plus marcher ; j’avoue que le système de M. le ministre des finances me met parfois dans cet état. (On rit.)

Je ferai remarquer que l’observation d’un honorable préopinant n’est pas fondée, lorsqu’il a dit que le seul motif pour lequel on recevait de la monnaie de cuivre française c’est que notre monnaie de cuivre était insuffisante. Si le gouvernement avait interdit aux fermiers des barrières de recevoir la monnaie de cuivre française, bientôt il n’y en aurait plus dans le pays. Et c’est une chose fort malheureuse de voir dans les provinces limitrophes la quantité considérable qu’il y a de cette monnaie, indépendamment d’une quantité considérable aussi de monnaie de cuivre du pays. Je pense donc qu’au lieu d’augmenter encore la quantité de cuivre en circulation, le gouvernement devrait aviser aux moyens de la diminuer, et notamment aux moyens de faire disparaître du pays la monnaie de cuivre française qui s’y trouve.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois dire qu’il est urgent de mettre à exécution la loi récemment votée par les chambres. Le cuivre se détériore, et si on le laisse encore quelque temps dans les caves où il se trouve, il y aura une réduction considérable dans le poids par suite de l’oxydation.

L’honorable M. Devaux a dit que sur 1,200,000 fr. de vieille monnaie de cuivre convertie en monnaie nouvelle, il y aurait une perte de 230,000 fr., que si, au lieu de cela, on avait frappé pour 1,200,000 fr. de monnaie en cuivre nouveau, on aurait gagné 400,000 fr., que la différence est donc de 630,000.

L’honorable membre ne fait pas attention que sur l’ancien cuivre qui est maintenant dans nos caisses et qui figure dans nos états de situation pour une valeur de un million 200,000 fr., il y aurait eu 800,000 fr. de perte, puisque l’on n’aurait pu eu obtenir qu’un prix d’environ 400,000 fr. à moins que comme l’a proposé M. Devaux, on ne rejette ces cents dans la circulation ; mais ce dernier moyen serait un abus de confiance de la part du gouvernement ; car la loi monétaire a déterminé un délai après lequel les cents, une fois retirés, ne devaient plus être reçus dans les caisses publiques, ni dans le commerce. Ce mode dès lors était impraticable.

D’autre part, comment pourrait-on infiltrer les cents en Hollande ? Serait-ce le ministre des finances qui serait chargé de ce trafic ? Et sans cela, quel contrôle pourrait-il y avoir sur une telle opération ?

Veuillez remarquer que 1,200,000 fr. en cents forment un volume énorme, et que l’on ne pourrait pas le colporter facilement.

Il m’a été rapporté une circonstance qui rendrait cette opération impossible ; on m’a dit que les cents de la Hollande avaient été soumis à une estampille, pour qu’on pût les distinguer de ceux de la Belgique. Si ce fait est exact, la vieille monnaie de cuivre qui est encore dans le pays devrait malheureusement y rester ; et remettre en circulation ceux qui sont dans la caisse de l’Etat ce serait tendre un piège aux citoyens belges que l’on obligerait à garder une monnaie qui ne serait pas légalement coursable dans le pays, en même temps qu’elle serait repoussée du dehors.

En résultat, vous voyez, messieurs, que l’honorable M. Devaux a argumenté d’un bénéfice de 630,000 fr., sans avoir égard à une perte réelle de plus de 800,000 fr.

M. Polfvliet. - Je voterai pour le chiffre demandé par le gouvernement, parce que je trouve qu’il n’y a pas dans le pays assez de pièces de 5 centimes en circulation. Le projet du gouvernement français est je crois de retirer de la circulation les pièces de 10 centimes dont la majeure partie est fausse. Cette mesure tendra à faire disparaître du pays et rentrer en France la monnaie de cuivre française, il n’y aura donc plus en circulation que notre propre monnaie. Il ne faut pas que l’insuffisance de notre monnaie de cuivre donne une prime d’encouragement à l’introduction de la monnaie de cuivre étrangère. S’il y a un bénéfice à faire sur cette monnaie, nous devons le faire et ne pas le laisser à l’étranger. Je pense donc que le ministre des finances doit faire frapper la quantité de monnaie de cuivre nouvelle, qu’il a été autorisé à mettre en circulation parla loi que nous avons récemment votée.

M. Davignon. - D’honorables membres se sont plaints de la grande quantité de cuivre en circulation ; pour moi j’habite un district manufacturier et il est certain que la monnaie de cuivre y est très rare.

- Un membre. - Il en est de même dans les Flandres.

M. Davignon. - Je prierai M. le ministre des finances d’envoyer sous peu de jours dans ce district des pièces de un et de deux centimes.

Quant aux cents et aux demi-cents, il est certain que la Hollande se disposait à les répandre dans le pays ; je tiens d’une personne à même de le savoir que si nous n’avions pas retiré les cents de la circulation, le gouvernement hollandais en aurait empêché l’infiltration dans ce pays, soit en frappant estampille les cents de la Hollande, soit en employant tout autre moyen que je ne saurais indiquer.

L’honorable M. Devaux a dit que cette infiltration en Hollande était ce qui convenait le mieux ; mais je tiens de personnes habitués à des spéculations sur cette matière, et qui ont même fait des essais à cet égard, que cette opération aurait présenté de grandes difficultés, et en cas de succès de bien faibles bénéfices. Je pense donc qu’il est dans l’intérêt de l’Etat de convertir le plus tôt possible les pièces d’un cents et d’un demi-cents en pièces de 1 et de 2 centimes.

M. Devaux. - J’ajouterai une courte observation. M. le ministre des finances dit que sur les 1,200,000 fr. de monnaie de cuivre ancienne déposée dans les caisses de l’Etat il y aurait une perte de 800,000 fr. C’est cette perte que je ne puis m’expliquer.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Elle résulterait de la refonte.

M. Devaux. - J’ai déjà dit qu’il ne devait pas y avoir refonte.

J’ai dit que la fonte en Hollande se serait faite naturellement par la simple raison qu’il y a 5 p. c. à gagner. La loi, dit-on, nous obligeait à démonétiser les cents : Eh bien, il fallait une autre loi en un article et par laquelle les cents auraient été reçus dans le commerce pour deux centimes. En moins de deux ans ils se seraient écoulés en Hollande. On prétend qu’en Hollande on met une estampille sur chaque cents : Cette opération serait coûteuse et équivaudrait à la perte. On croit que l’on nous aurait envoyé des cents en quantité ; mais c’est la mesure que l’on a prise qui fera affluer les cents ici. Vous. n’avez pas retiré tous les cents de la circulation, et ces cents auront la même valeur que deux centimes. Si la Hollande veut envoyer des cents, elle le peut aussi bien après l’opération qu’avant.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déjà dit dans une autre discussion que le gouvernement avait fait des tentatives pour s’entendre avec des personnes qui agiotent dans ces sortes de matières afin de se débarrasser des cents retirés de la circulation, mais avec l’assurance qu’ils n’y seraient pas remis en Belgique ; car il eût été déloyal au gouvernement de remettre ces cents dans le commerce après les avoir démonétisés : Je répéterai à cet égard que des offres ont été faites de divers côtés et que personne n’a voulu se charger de l’importation de ce cuivre en Hollande à moins de 40 p. c. de perte et au-delà.

M. Dumortier. - Je demande la division de la somme demandée par le ministre. Il me semble indispensable que l’on ajourne la fabrication de nouvelles monnaies, Il y a des centimes en quantité ; on en fait des rouleaux que l’on envoie de maison en maison.


- Le chiffre de 230,000 pour frais et pertes de la transformation des cents en centimes est mis aux voix et adopté.


Le chiffre de 370,000 fr. pour l’achat de matières propres à la fabrication de pièces de cinq centimes est mis en délibération.

M. Dumortier. - Je demande l’ajournement de cette fabrication à l’an prochain.

- L’ajournement mis aux voix est rejeté.

Le chiffre 370,000 fr. est adopté.

Le chiffre de 600,000 fr., produit de la fabrication des monnaies, est mis aux voix et adopté. Il sera annexe au budget des voies et moyens.

M. Dubus. - Puisque M. le ministre des finances inscrira ce chiffre au budget des voies et moyens, je n’ai plus rien à dire.

- La séance est levée à cinq heures.