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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 24 février 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles.
a)
Articles additionnels sur le contrôle par la députation permanente le roi ou la
loi du recours à l’emprunt (Dumortier, Lebeau), sur les attributions du collège des bourgmestre et
échevins en matière de sûreté publique (Legrelle, Pollénus, Milcamps, Pollénus, Jullien, Fallon)
b) Motion
d’ordre relative au second vote des articles de la loi (Verdussen,
Fallon, Dumortier, Lebeau, Jullien, de
Theux, Fallon, Verdussen, Dumortier, Jullien)
3) Projet
de loi portant des modifications aux exemptions en matière de milice (notamment
pour les familles bénéficiant d’un secours public). Discussion générale (+
exemption par suite d’un mariage de stricte convenance) (de
Robaulx, de Theux, Evain, de Robaulx), de Theux, Simons, Legrelle, Dubois, Cornet de Grez), discussion
des articles (Legrelle, de Theux,
Fleussu, de Theux, Dubois, Trentesaux, Liedts, (+garde civique) de Theux, Fleussu, Evain, Legrelle,
de Theux, Jullien, Fallon, (+droit d’initiative du sénat) Rogier,
Gendebien, Dubois, Dumont, Dewitte, Milcamps, Gendebien, de Theux, Lebeau, Gendebien, Dubois, Fallon, Jullien, Devaux,
Gendebien, Fallon, Devaux, Dubois)
4)
Projets de loi portant 1° réorganisation de la commission des monnaies et 2°
échange avec la régence de Thielt
(Moniteur belge n°56, du 25 février 1835)
(Présidence de M.
Dubus, vice-président.)
La séance est ouverte à
une heure.
M.
de Renesse fait l’appel nominal.
M.
Brixhe. donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente. Il est adopté.
M.
de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
sociétés charbonnières de Mots, qui demandent concession pour chemins à ornières
de fer, se plaignent de ce que l’on commet envers eux un déni de justice et que
par suite on les prive du bienfait de la loi du 19 juillet 1832, en ne statuant
pas sur leur demande soit isolément, soit collectivement, comme ne faisant
qu’un ensemble. »
________________
« Plusieurs
brasseurs de vinaigre de bière des provinces d’Anvers et du Brabant demandent
que le vinaigre de pommes soit frappé d’un droit égal de fabrication que leur
vinaigre. »
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
M. de Brouckere demande un congé pour cause
de santé.
- Adopté.
Discussion des articles
Titre II. Des
attributions communales.
Chapitre II. Des attributions
du conseil communal
M.
le président. - Dans la séance précédente, la chambre n’a pas terminé
la délibération sur l’article présenté par la section centrale et relatif aux emprunts
votes par les communes.
Cet article est ainsi
conçu :
« Les emprunts
votés par les conseils communaux sont autorisés :
1° Par la députation
provinciale, lorsque la commune est libérée de tout emprunt ou dette antérieure
et que l’emprunt nouveau peut être remboursé avec les recettes de l’année ;
« 2° Par le Roi, lorsque
la commune n’est pas libérée d’emprunts ou de dettes antérieures, ou lorsque
l’emprunt ne peut être remboursé que sur les recettes ordinaires de cinq aunées
ou par l’aliénation des,propriétés communales ;
« 3° Par une loi,
pour les communes dont les recettes ordinaires s’élèvent à plus de 100,000
fr. »
La question préalable a
été demandée sur cet article par la raison qu’il ne pouvait être voté que lors
de la seconde délibération sur la loi communale.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai eu l’honneur de déclarer hier à
l’assemblée qu’il m’importait peu que l’article fût admis au premier ou au
second vote ; mais je demanderai, si la chambre le renvoie au second vote,
qu’il soit fait mention au procès-verbal de ce renvoi, ou de cet ajournement.
Cependant, je crois que la chambre aurait aujourd’hui le loisir de le discuter.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix la question préalable. .
M.
Lebeau. - En dernière analyse et d’après le caractère que j’ai donné à
ma proposition, la question préalable que j’ai demandée n’est qu’une véritable
question d’ajournement. Pour ma part, je déclare qu’elle n’est que cela.
M.
Dubus, président. - Je vais mettre aux voix la question préalable,
c’est-à-dire la déclaration qu’il n’y a pas lieu maintenant à délibérer sur
l’article présenté par la section centrale. (Bien ! bien !)
- La question préalable
ainsi entendue est adoptée par la chambre.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je demanderai que l’on insère au procès-verbal
que la discussion est renvoyée au second vote. Le ministre a fait la même
demande hier.
- Cette demande est
accordée sans opposition.
Titre II. Des
attributions communales.
Chapitre II. Des
attributions du collège des bourgmestre et échevins.
M.
le président. - Dans l’une des précédentes séances la discussion d’un
article présenté par M. Pollénus a été ajournée. Voici cet article :
« Le collège des
bourgmestre et échevins fait ou ordonne la visite des fours et cheminées de
toutes les maisons et bâtiments éloignés de moins de
« Ces visites sont
annoncées cinq jours d’avance.
« Après la visite,
le collège ordonne, s’il y a lieu, la réparation ou la démolition des tours,
cheminées et autres constructions qui se trouvent dans un état qui pourrait occasionner
un incendie ou autres accidents.
« A défaut de
satisfaire à son injonction, le collège peut faire procéder à la démolition, et
ce aux frais des contrevenants, sans préjudice des peines comminées par les
lois ou règlements.
M.
Legrelle. - Il me semble que cette disposition ne peut entrer que dans
un règlement de police et point dans la loi communale. Si le collège des
bourgmestre et échevins devait faire examiner tous les fours et toutes les
cheminées qui sont dans une ville, à quoi cela conduirait-il ? Ce sont de
bonnes précautions que la visite des fours et cheminées, mais il faut la
laisser faire à la police.
M.
Pollénus. - C’est précisément parce que j’ai cru que la disposition
n’était pas purement réglementaire que j’ai proposé de l’insérer dans la loi
communale. Dans l’une de vos précédentes séances vous avez rejeté une
disposition de l’art. 87 qui tendait à attribuer en général au bourgmestre et
aux échevins tout ce qui concernait la sécurité publique ; puisque vous
écartiez cette disposition générale, j’ai cru, avec plusieurs membres de cette
assemblée, qu’il importait de compléter la nomenclature des attributions
spéciales que l’on se propose de conférer au collège des bourgmestre et
échevins.
L’article
que je présente n’est pas purement réglementaire, ai-je dit ; en effet, il
touche de près au droit de propriété, puisqu’il s’agit d’autoriser la
démolition des constructions qui donneraient des inquiétudes aux habitants.
Dans le doute on aurait pu croire que ce n’était pas le collège des bourgmestre
et échevins qui avait cette attribution ; on aurait pu penser que c’était le
conseil communal au lieu du collège ; et il est avantageux de lever tout doute
à cet égard
Il importe dans beaucoup
de circonstances de pouvoir prendre des mesures promptes ; il convient donc
d’accorder le droit de prendre ces mesures au collège de régence et non au
conseil.
La disposition que je
vous soumets tend à combler une lacune qui existe dans la législation actuelle.
D’après une loi de 1791 les administrations locales sont autorisées à visiter
ou faire visiter les constructions vicieuses qui pourraient donner des
inquiétudes aux habitants ; mais dans cette loi de 1791, ni dans aucune autre,
on n’autorise pas les administrations communales à faire démolir les
constructions jugées vicieuses ou dangereuses.
L’on parvient bien à
faire appliquer les dispositions pénales contre les personnes qui persistent à
conserver des constructions vicieuses, mais on ne peut arriver à obtenir la
démolition immédiate ; c’est cette lacune de la législation que je veux
remplir. Un simple règlement de police ne pourrait le faire, car un tel
règlement ne peut résoudre une question de propriété, sans donner lieu à des
difficultés et à des conflits.
La disposition que je
vous présente est au moins aussi importante que beaucoup d’autres que vous avez
insérées dans la loi communale ; et, par les motifs, que je viens d’exposer, je
crois utile de l’y mettre, surtout ainsi que je l’ai déjà dit, à cause de la
suppression du n°10 de l’art. 7 du projet.
M.
Milcamps. - L’honorable M. Pollénus appuie son amendement sur ce qu’il
est, à peu de chose près, extrait de l’article 9 de la loi du 22 septembre
1791.
Mais je trouve qu’il y
fait une addition notable.
Car la loi du 2
septembre 1791 se bornait à prescrire la visite des fours et cheminées, et à
ordonner la réparation ou la démolition des fours et cheminées de toutes
maisons et cheminées de toutes maisons éloignées de moins de 100 toiles
d’autres habitations.
Et M. Pollénus ajoute
qu’à défaut de satisfaire à l’injonction de réparer ou de démolir, le collège
peut faire procéder à la démolition aux frais du contrevenant.
Vous voyez que M.
Pollénus confère au collège un pouvoir que la loi du 22 septembre n’accordait
pas du moins explicitement.
J’ai eu dernièrement
occasion d’examiner le cas d’un bâtiment qui menaçait ruine, dont une
administration voulait poursuivre la démolition.
Examinant
la jurisprudence à cet égard, j’ai reconnu en général que pour obtenir soit la
démolition, soit la réparation des bâtiments qui menacent ruine, le maire
pouvait agir par voie d’action civile, ou devant le tribunal de police, d’après
l’article 471, n°5, du code pénal.
Par arrêt du 26 avril
1834, la cour de cassation a consacré les principes suivants :
« Attendu, en
droit, que le pouvoir de faire exécuter elle-même, aux frais des contrevenants,
ses arrêtés concernant la petite voirie, n’est attribué à l’autorité municipale
par les articles 3, n. 1er, titre 2 de la loi du 16-24 août 1791... et 471,
n°5, code pénal, que lorsque ces arrêtés portent sommation, dans l’intérêt
imminent de la sûreté publique, de réparer ou démolir les édifices menaçant
ruine.. »
Le pouvoir que
l’honorable M. Pollénus veut conférer au collège me paraît exorbitant. Il me
semble qu’il est préférable de laisser subsister les lois et les règlements qui
disposent sur ce qui fait l’objet de l’amendement de M. Pollénus. Je voterai en conséquence contre cet amendement.
M. Pollénus. - L’honorable préopinant vient de
dire que la jurisprudence est fixée ; c’est une grave erreur. Si la cour de
cassation en France a prononcé sur la question, il n’en est pas moins vrai que
les tribunaux belges ne la résolvent pas de la même manière. Récemment encore
le tribunal de Namur a refusé d’autoriser la démolition d’un bâtiment menaçant
ruine. On en a appelé devant la cour de Bruxelles, et l’on m’a assuré qu’elle a
infirmé le jugement de première instance.
Relativement à un objet
dont l’application est si fréquent, n’est-il pas dans
l’intérêt des communes de lever tous les doutes ? Il faut assurer la sécurité
des habitants et éviter les procès autant que possible, et pour cela il faut
que la législation soit explicite, soit sans obscurité.
M. Jullien. - Messieurs, il y a déjà longtemps
que j’ai professé dans cette chambre l’opinion que la législature qui ferait le
plus de bien au pays, n’est pas celle qui s’occuperait à faire des lois
nouvelles, mais celle qui s’occuperait à en défaire, avec discernement
toutefois ; car, si je m’en souviens bien, il y a déjà longues années que l’on
comptait quarante-cinq mille lois ; et depuis ce temps-là, Dieu sait combien on
en a fait d’autres pour en remplacer qui valaient mieux. Je pense que la
proposition qui nous est soumise est dans ce cas.
On vous demande
d’autoriser les régences du royaume à s’assurer de l’état des fours et des
cheminées, et à en ordonner la démolition dans les cas où ces fours et ces
cheminées seraient sans solidité : les lois qui existent à cet égard, et qui
ont été citées par l’honorable M. Milcamps, me paraissent répondre à toutes les
inquiétudes manifestées par l’honorable M.
Pollénus. Les lois accordent aux régences l’autorité de visiter les
fours et les cheminées, et, quand il y a danger, l’autorité d’ordonner les
poursuites qu’il convient de faire : mais de là passer au pouvoir d’ordonner
des démolitions sans entendre le propriétaire, il y a loin ; et ce serait
donner un droit exorbitant aux communes.
Ce ne sont pas les
membres des régences qui font ces visites, ce sont des agents de la police
municipale. Dans les communes rurales les visites peuvent être faites par le
garde champêtre ; et vous comprenez de combien d’injustices elles pourraient
être suivies.
Supposez que dans une
commune rurale le bourgmestre soit boulanger, il ordonnera la démolition des
fours des autres boulangers (on rit).
Dans tous les pays et dans tous les temps c’est toujours au monopole que l’on
vise.
Nous avons assez de lois
sur la matière sans en faire une qui créerait de véritables inconvénients.
Contentons-nous de la législation existante et repoussons l’amendement de M.
Pollénus.
M.
Fallon. - La question soulevée par M. Pollénus tend à savoir si la
démolition des constructions faites en contravention aux règlements de police
doit être ordonnée par voie administrative ou par voie judiciaire. Les
règlements, dans les villes, disent comment les constructions doivent être
faites pour éviter les incendies : quand il y a contravention à ces règlements,
on dresse procès-verbal ; l’affaire, dans l’état actuel de la législation, est
renvoyée devant le tribunal de police, où l’administration intervient comme
partie civile pour demander que la démolition soit ordonnée : jusqu’ici cette
législation n’a présenté aucun inconvénient. Ordonner une démolition, c’est
bien ordonner une expropriation ; en droit de propriété il faut donc recourir à
l’autorité judiciaire ; la voie administrative ne saurait être admise dans ce
cas. Comme l’a dit l’honorable préopinant, il est préférable de s’en tenir à la
législation existante. (Aux voix ! aux
voix !)
- L’article mis aux voix
est rejeté.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour une
motion d’ordre.
La loi communale vient
enfin d’être terminée par le rejet de l’article présenté par M. Pollénus. Lorsque l’on aura
rassemblé et mis au net toutes les résolutions de la chambre concernant cette
loi, je voudrais que le tout fût renvoyé à la section centrale pour qu’elle
coordonnât tant de matériaux. Vous savez que la loi a été discutée en bien des
époques différentes ; que ses
dispositions ne se lient pas parfaitement les unes aux autres ; la section
centrale, qui a étudié la matière, pourrait dire de quelle amélioration cette
loi est susceptible. On lui a déjà reproché d’être une marqueterie ; ce serait,
je crois, abréger beaucoup la deuxième discussion, si un travail sur l’ensemble
de la loi était fait par ceux qui ont été à même de la connaître dans tous ses
détails.
M.
Fallon. - Je ferai observer que la proposition de M. Verdussen vient
tardivement. Le bureau s’est déjà occupé de la question de savoir de quelle
manière l’on présenterait le projet à la discussion du second vote. Un mode
d’impression a déjà été adopté et a presque entièrement reçu son exécution, au
point que, dans 24 heures, le projet sera complètement imprimé. Vous aurez en
regard les articles primitivement proposés et les amendements tels qu’ils ont
été adoptés par la chambre. Je crois qu’il n’y a plus lieu à statuer sur la
motion de M. Verdussen.
M. Dumortier, rapporteur. - Je pense que la
motion de M. Verdussen peut présenter des avantages. D’ailleurs, elle n’est pas
sans précédents. C’est ce qui a déjà été fait à l’occasion de la loi sur les
distilleries. Comme on craignait que les différentes dispositions adoptées dans
le courant de la discussion ne fussent pas en harmonie entre elles, l’assemblée
jugea à propos de renvoyer le projet tel qu’il résultait d’une première
discussion à la section centrale qui aurait été chargée du rapport, afin
qu’elle signalât les dispositions qui ne seraient pas en corrélation avec
l’ensemble.
La loi communale que
nous venons de terminer est une marqueterie parfaite. Beaucoup de dispositions
ne sont pas en relation les unes avec les autres. Si l’on adoptait la motion
d’ordre, on pourrait espérer d’avoir une loi tant soit peu homogène. L’on
comprendra que, pendant une discussion de sept mois, les majorités qui ont fait
adopter les différents articles de la loi étant mues par des idées différentes,
il se trouve çà et là des dispositions incohérentes. J’appuie donc la
proposition de l’honorable M. Verdussen, parce qu’elle me paraît avoir un but
utile.
M. Lebeau. - Nous sommes tous intéressés à avoir
la loi communale la moins imparfaite possible, et si le moyen proposé par l’honorable
préopinant était le plus sûr pour arriver à ce résultat, je serais loin de m’y
opposer. Mais je ferai remarquer que la motion d’ordre que l’on vous propose
est une superfluité. Qui empêche la section centrale, puisque le projet va être
distribué, de combiner le système général de la loi par de nouveaux amendements
qu’elle a la faculté de nous proposer au second vote, pourvu qu’ils restent
dans les limites du règlement, amendements qui auraient pour but de faire
cesser les disparates, les incohérences, les contradictions de la loi sur
laquelle nous avons émis un vote préliminaire ? Les membres de la section
centrale peuvent se réunir et s’entendre à ce sujet.
D’ailleurs, ce n’est pas
seulement la section centrale, c’est surtout le gouvernement qui a intérêt à
faire disparaître les vices qui pourraient résulter des dispositions
incohérentes de la loi et de la précipitation avec laquelle elles ont été
adoptées. Lé gouvernement, dont la libre action constitutionnelle est si
intimement liée à la bonne rédaction des lois d’organisation communale et
provinciale, ne perdra pas son temps, j’en ai la conviction.
Je suis persuadé que M.
le ministre de l’intérieur veut faire de cette loi l’objet de ses plus
sérieuses méditations et qu’il emploiera à ce travail le temps que nous prendra
l’examen d’un budget à la discussion duquel il n’est pas, que je sache, obligé
de prendre part.
Je crois donc qu’il n’y
a pas lieu d’adopter la proposition assez insolite de l’honorable préopinant,
et que nous devons nous borner à fixer dès aujourd’hui la deuxième discussion
de la loi communale après celle du budget des finances. J’en fais la
proposition formelle.
M. Jullien. - Je ferai remarquer à la chambre que
les honorable MM. Verdussen et Dumortier n’ont vu que les avantages que
présente la motion d’ordre du premier de ces membres et n’en ont pas calculé
les inconvénients. L’un des plus graves c’est que si la chambre prend une
disposition spéciale pour renvoyer le projet tel qu’il est actuellement à l’examen
de la section centrale, ce sera obliger cette section centrale à nous faire un
nouveau rapport sur les défectuosités qu’elle aura cru remarquer dans plusieurs
dispositions de la loi. C’est nous obliger, nous, de notre côté, à examiner ce
rapport. L’on a qualifié la loi communale d’une pièce de marqueterie. Je crois
qu’elle n’est pas sans imperfections ; mais elle n’en a pas tant qu’on le
suppose. S’il y a de la bigarrure, il faut l’attribuer aux propositions
improvisées par M. le ministre de l’intérieur et aux articles nouveaux que
certains membres de cette assemblée nous ont présentés au lieu de faire des
amendements.
Je répéterai d’ailleurs
l’observation d’un honorable préopinant : ce n’est pas seulement la chambre qui
est intéressée à ce que le pays ait une bonne loi communale ; le gouvernement y
a autant d’intérêt que nous. Que le gouvernement donc, que chacun de nous
examine de son côté ce qui manque à la loi communale, indique les articles qui
ne sont pas bien coordonnés ; et au second vote, tout ce qu’il peut y avoir
d’incohérent dans la loi aura disparu.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La loi communale, telle qu’elle a été arrêtée dans un premier vote, ne
présente pas une bigarrure telle de dispositions qu’il ne soit pas très facile
d’en concilier les différents amendements avec le système général de l’ensemble
au second vote.
Je crois qu’un nouveau
rapport de la section centrale ne ferait que compliquer la discussion ; nous
aurions sous les yeux les dispositions présentées par le gouvernement, celles
de la section centrale, les amendements adoptés par l’assemblée et de plus les
propositions nouvelles de la section centrale. L’examen n’en serait que plus
difficile. Il sera au contraire assez aisé de saisir ce qu’il peut y avoir d’un
peu incohérent dans les amendements adoptés. Le nombre n’en est pas
considérable. L’on a toujours cherché à faire concorder les amendements avec
l’ensemble des dispositions de la loi. Je ferai remarquer que M. le rapporteur
de la section centrale pourra examiner les incohérences s’il en découvrait. De
mon côte je m’occuperai attentivement de l’examen de la loi telle qu’elle vient
d’être élaborée dans une première discussion. Je ne doute pas que le second
vote ne parvienne à la rendre aussi bonne que possible.
M. Fallon. - J’avais compris que la proposition de
l’honorable M. Verdussen n’avait pour objet que d’inviter la section centrale à
revoir le travail de la chambre pour le livrer à l’impression. C’est dans ce
sens que j’avais dit que cette motion était intempestive, attendu que le projet
était déjà presque complètement imprimé.
Il paraît que la motion
a pour but de soumettre à l’examen de la section centrale les incohérences qui
pourraient exister dans le projet primitif ; je trouve la proposition
avantageuse pour autant qu’elle ne retarde pas le vote définitif de la loi.
J’appuie la motion d’ordre de M. Verdussen et me rallie en même temps à celle
de M. Lebeau, tendant à ce que le second vote de la loi communale soit fixé
après la loi communale.
M.
Verdussen. - Mon intention n’a pas été et n’a pu être d’empêcher les
membres de l’assemblée de modifier les amendements introduits dans la loi
communale. Mais le rapport dont M. Jullien représente la discussion comme
devant entraver le second vote, parera aux inconvénients d’une discussion qui
se représentera article par article.
M.
Dumortier, rapporteur. - C’est très juste.
M. Verdussen.
- M. le ministre de l’intérieur a dit que M. le rapporteur de la section
centrale pourrait se charger d’un travail que je veux donner aux sections
réunies, et il a promis de son côté d’examiner attentivement l’ensemble de la
loi. Mais il est à craindre que n’ayant sous les yeux que les opinions
d’individus et non de la section centrale qui est censée représenter
l’assemblée, nous ne nous rangions pas à l’avis qu’ils émettront, lorsqu’ils
signaleront des incohérences dans la loi.
La discussion sera dix
fois plus longue. Chacun appellera l’attention de l’assemblée sur un point
particulier. Si la loi n’est pas une marqueterie comme on le dit, le rapport de
la section centrale sera d’autant moins long. Nous aurons bientôt terminé notre
besogne. C’était pour ménager le temps de l’assemblée que j’avais proposé ma
motion.
M.
Dumortier, rapporteur. - Les observations de l’honorable M. Verdussen
me semblent très fondées. Il est incontestable que l’on agitera dans la chambre
les questions qui auraient été aplanies dans le sein de la section centrale de
concert avec M. le ministre de l’intérieur. Si la section centrale s’entendait
avec M. le ministre pour convenir de certaine rédaction, le second vote de la
loi communale n’en marcherait que plus rapidement. En défendant la motion de M.
Verdussen, je n’examine que l’intérêt de toute l’assemblée, car pour moi
personnellement je désire que la chambre ne l’adopte pas. La manière dont on a
accueilli depuis quelque temps toutes les propositions que la section centrale
a cru devoir vous faire, ne me fait guère désirer me charger des fonctions de
rapporteur.
M.
Jullien. - Si j’étais convaincu comme l’honorable préopinant de l’efficacité
du moyen proposé par l’honorable M. Verdussen pour activer le travail du
deuxième vote, je ne m’opposerais pas à ce qu’il fût adopté. Mais j’ai la
conviction contraire. Je crains que l’on ne vienne introduire dans le nouveau
rapport de la section centrale, sous peine de défectuosités, des propositions
nouvelles qu’il nous faudra discuter, et d’ailleurs je demanderai si le second
vote n’est pas fait pour effacer les défectuosités du premier. Si l’on ne
croyait pas un second examen nécessaire pour rendre une loi aussi parfaite que
possible, le règlement n’aurait pas prescrit un second vote.
Il y a une autre
considération, c’est que si vous demandez à la section centrale un nouveau
rapport, elle pourra bien vous le faire attendre comme elle a fait attendre le
premier. Si nous ne nous hâtons de terminer la loi communale, il sera
impossible de la mettre à exécution cette année en supposant que le sénat nous
la renvoie vierge de tout amendement et de toute modification. .
Cependant le pays attend
impatiemment le moment où il pourra procéder aux élections municipales et
provinciales. Je suis convaincu que le moyen d’arriver promptement à ce
résultat est d’aborder immédiatement le second vote de la loi communale, sans
la faire passer une seconde fois par la filière de la section centrale.
Je terminerai par une
observation que m’adressent mes honorables voisins, c’est que la chambre n’a
pas cru devoir renvoyer à la section centrale le projet de loi provinciale, qui
était aussi important que l’est la loi communale.
- La motion d’ordre de
M. Verdussen est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
La motion d’ordre de M.
Lebeau est mise aux voix et adoptée. En conséquence, le second vote de la loi
d’organisation communale aura lieu après le vote du budget des finances.
Discussion générale
M.
le président. - La commission nommée par la chambre pour examiner le projet
transmis par le sénat propose la rédaction suivante :
« Léopold, etc.
« Revu les lois sur
l’organisation de la milice nationale des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820, dans
leurs dispositions qui concernent les exemptions à accorder aux miliciens fils uniques
légitimes, uniques frères non mariés d’une famille, fils ou petits-fils d’une
veuve, d’une femme légalement séparée, divorcée ou abandonnée depuis quatre
ans, frères ou demi-frères d’orphelins à l’entretien où à la subsistance
desquels ils pourvoient par le travail de leurs mains ;
« Revu l’art. 10 du
décret contenant l’organisation du premier ban de la garde civique du 18
janvier 1831 ;
« Considérant que ces
lois excluent de l’exemption ceux dont les parents ont reçu ou reçoivent des
secours de quelque fonds public, quelle qu’en soit d’ailleurs la quotité ;
« Considérant que
de l’application de cette disposition naissent des inconvénients graves, qui
doivent être évités à l’avenir, dans l’intérêt des familles malheureuses ;
« Nous avons, de commun accord
avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Sont
rapportées les dispositions de l’art. 94 de la loi du 8 janvier 1817 et des art. 15 et 27 de la loi du 27 avril 1820, en ce qu’elles
excluent de tout droit à l’exemption de la milice, celui dont les parents,
frères ou demi-frères ont été ou sont secourus aux frais de quelque fonds
public.
« Les certificats
prescrits auxdits articles ne devront plus indiquer si les parents, ou le
survivant d’entre eux, ont reçu des secours de cette nature. »
« Art. 2. La présente
loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. de Robaulx. - Au moment d’introduire des
modifications à la loi de 1817, je désirerais qu’elles fussent complètes, afin
que l’on ne fût pas obligé d’en faire l’objet de lois séparées. Je prends la
parole pour demander s’il ne conviendrait pas à la chambre de renvoyer à la
commission qui s’est occupée de l’examen du projet transmis par le sénat, ou à
une commission nouvelle, l’examen des points sur lesquels je vais porter votre
attention.
Messieurs, vous
connaissez les abus (mon honorable ami M. Seron vous en a souvent entretenus),
les abus qui résultent de l’exemption accordée par la loi de 1817 aux miliciens
mariés, abus d’autant plus révoltants qu’ils envoient sous les drapeaux des
miliciens qui n’auraient pas été appelés. Mon honorable ami vous a cité les
localités de Cerfontaine, de Sauzeille, où ces abus ont pris naissance. Il vous
disait : « Prenez garde, ces abus gagneront de proche en
proche. » J’ai l’honneur de vous annoncer que sa prédiction se réalise.
Dans la commune que j’habite, commune située à 7 lieues des endroits que je
viens de citer, il s’est trouvé dans l’héroïque Belgique des gens assez lâches
pour craindre le tirage de la milice au point d’épouser des femmes de 80 ans (Hilarité.) Ces monstrueuses alliances
ont eu lieu à Merbes-le-Château tout récemment. Un milicien de la classe de
1833 qui aurait dû partir sans un scandaleux mariage a causé le départ d’un
malheureux milicien de 1829, qui certes devait s’attendre à rester dans ses
foyers.
C’est au moyen d’une
pension mensuelle de 12 à 15 francs et d’arrhes une fois données de 20 francs
que l’on contracte ces scandaleuses unions. C’est par suite de ce commerce que,
dans un pays aussi catholique que
Il est un second point
sur lequel j’appelle l’attention de l’assemblée. Aux termes de cette même loi
de 1817, pour être admis comme remplaçant, il faut justifier d’un certificat de
15 mois de séjour dans la province.
Je
conçois que, dans un pays aussi étendu que
Je demande que la
chambre charge une commission de l’examen de ces questions. Elles sont aussi
intéressantes que celle que traite le projet transmis par le sénat. Si la
chambre n’admettait pas ma proposition, je me réserverais de chercher à faire
cadrer les dispositions que j’ai à proposer avec celle qui est soumise à votre
discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pense pas que la chambre doive accueillir la proposition de l’honorable
préopinant. Comme il l’a fait observer, les mariages sur lesquels il a appelé
l’attention de la chambre, ont pour objet de soustraire les jeunes gens à la
milice. Ce sont des actes qu’il importe de prévenir. Mais nous n’avons pas à
craindre qu’ils se renouvellent pour la levée actuelle, tandis que le projet
transmis par le sénat a pour objet de venir au secours d’une infinité
d’individus qui vont être immédiatement appelés. La loi de 1817 interdisait
l’exemption des miliciens dont les parents avaient reçu un secours sur des
fonds publics, quelque minime qu’il fût. Souvent c’était un piège que l’ont
tendait à des familles pauvres, pour procurer indirectement l’exemption de
jeunes gens placés dans une position de fortune meilleure. La loi adoptée par
le sénat est pleine d’humanité. Je ne crois pas que nous puissions opposer à
cette disposition un moyen dilatoire. L’objet pourra être compris dans un
prochain projet de loi sur la matière.
Quant
à ce qui concerne le domicile des remplaçants, la question a été agitée au
sénat. La commission de cette assemblée a désiré se mettre d’accord avec le
gouvernement sur le moyen de faciliter les remplacements, surtout de la part
des soldats des classes anciennes renvoyés dans leurs foyers sans être libéré
du service. Ce projet n’est pas encore terminé.
L’on pourra examiner si
dans ce deuxième projet l’on ne pourra rencontrer les points sur lesquels
l’honorable préopinant a appelé l’attention de l’assemblée. La chambre rendrait
un grand service aux familles dont les membres ont reçu des secours momentanés
aux frais de fonds publics, en adoptant le projet transmis par le sénat. C’est
pour ce motif que je désire voir écarter tout ce qui tendra à retarder cette
adoption.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Lorsque
la question des remplaçants a été soulevée au sénat, je fis observer à cette
honorable assemblée que le gouvernement avait l’intention de présenter sous peu
un projet de loi pour faciliter les remplacement, projet qui s’occupe également
de l’habilité à remplacer qu’auraient les soldats renvoyés dans leurs foyers en
congé illimité. J’aurais présenté ce projet dans la séance d’aujourd’hui si de
nouvelles explications ne m’avaient paru nécessaires. D’ici à deux jours il
sera soumis à la chambre. Il aura pour objet de faciliter les remplacements
pour la levée actuelle.
M. de Robaulx. - La discussion que je
voulais soulever serait prématurée, puisque M. le ministre de la guerre a
l’intention de présenter un projet de loi. Je ne m’opposerai pas à ce que ces
questions soient traités séparément. M. le ministre de
l’intérieur a tort de croire que j’ai voulu employer un moyen dilatoire pour
retarder la discussion du projet transmis par le sénat. Je désire que le
gouvernement ne perde pas de vue les abus que j’ai signalés sur le mariage des
miliciens. Je déclare retirer ma motion d’ordre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je déclare que je n’ai pas eu en vue d’inculper les intentions de l’honorable
préopinant. Je m’étais trompé en annonçant que le sénat était saisi d’une
proposition sur les remplaçants. J’apprends qu’elle a été retirée sur la
promesse faite par M. le ministre de la guerre de présenter sous peu un projet
de loi sur la matière à la législature.
M.
Simons. - Au sein de la commission que vous avez chargée de l’examen du
projet de loi en discussion, je me suis prononcé contre son adoption. Je tiens
à cœur, je dois à la chambre de lui communiquer les motifs qui ont déterminé
mon vote négatif.
Je me plais à rendre
hommage aux sentiments généreux qui ont dicté à l’honorable auteur de ce projet
de loi les dispositions qui font l’objet de vos délibérations.
Priver des parents
pauvres, une mère malheureuse, des orphelins abandonnés, de leur fils, de leur
frère, soutien de la famille, et cela uniquement pour le motif que ces
infortunés auront participé à un faible secours d’un fonds public ! ! Cette
idée, au premier abord, est vraiment révoltante ; elle soulève le cœur, elle
excite à une noble indignation. Il n’est donc pas étonnant que, dominé par
cette prévention, l’on se laisse entraîner et que l’on stigmatise en quelque
sorte de barbare la législation qui a pu consacrer une disposition de cette
nature.
Je vous avoue même
franchement qu’avant que je ne fusse éclairé par l’expérience, je n’aurais pas
hésité un instant à m’associer à ces sentiments tout philanthropiques. La
première année que j’ai rempli les pénibles fonctions de commissaire de milice,
chaque fois que par devoir je me trouvais obligé à repousser les réclamations
d’une mère éplorée et à arracher un fils des bras des auteurs de ses jours pour
le faire désigner pour le service, je sentais mon âme profondément émue ; mais
depuis, guidé par la pratique, qui dans ces sortes de choses est la boussole la
plus sûre, je suis revenu de cette première opinion, et dans toute la franchise
de mon âme, je déclare hautement que maintenant j’éprouve quelque chose de
pénible chaque fois qu’aux termes de la loi je me trouve obligé de requérir
l’exemption d’un individu que le sort a désigné.
Ceci vous étonnera sans
doute, et effectivement, j’en conviens, lorsqu’on n’approfondit pas la chose
dans ses conséquences, lorsque l’on juge la disposition dont il s’agit
superficiellement, cette opinion a quelque chose de surprenant, de bizarre. Il
est si doux de pouvoir rendre à une mère affligée le fils qu’elle aime
tendrement, qu’il est inconcevable que l’on puisse sentir de la répugnance à
exercer un acte aussi éminemment philanthropique. Oui, messieurs, il est plus
que surprenant, il paraîtra même odieux à tous ceux qui ne calculent pas les
conséquences d’une pareille exemption ; et voilà aussi le motif que le projet
de loi dont il s’agit reçoit partout un accueil favorable.
Mais pour peu que l’on
réfléchisse, pour peu que l’on pénètre un peu en avant dans les suites de cette
exemption, l’on reste convaincu que ce prétendu acte philanthropique, qui s’écarte
du droit commun, présente dans ses conséquences quelque chose de vraiment
inhumain ; car notez-le bien, chaque fois que l’on prononce par pitié une
exemption, on fait violence à la règle établie, qui abandonne au sort la
désignation de ceux qui doivent faire partie du contingent appelés sous les
armes ; on substitue à ce mode éminemment juste, équitable, un mode arbitraire
et d’autant plus odieux qu’ordinairement il prête aux faveurs ; en un mot, en
prononçant une exemption, on arrache du sein d’une autre famille un membre que
le sort a épargné ; et pour exercer un prétendu acte philanthropique, on plonge
arbitrairement un poignard dans le sein d’une autre mère.
Permettez-moi que je
m’appesantisse un peu sur cette réflexion. Elle domine toute l’économie des
lois en fait de milice et mérite par conséquent toute votre attention.
S’il est une charge
exorbitante, c’est sans doute celle qui est le résultat du mode de recrutement
de l’armée, introduit depuis un demi-siècle dans nos mœurs. Fondée sur le principe
que tout citoyen se doit tout entier au bien public, elle ne respecte rien. Les
affections les plus douces y sont sacrifiées ; elle reste même sourde aux cris
de la nature. Une mère éplorée, des parents infortunés se trouvent privés de
leur fils pour satisfaire à cette dette sacrée.
Un fils est arraché du
sein de sa famille, il doit abandonner l’état auquel il se destinait et qui lui
permettait un avenir heureux, pour, contre son goût, contre sa vocation,
embrasser le métier des armes, qui lui inspire une répugnance cruelle. Les
principes les plus tutélaires consacré par la constitution, notamment la
liberté individuelle, le droit de propriété, sont inhumainement immolés sur
l’autel de la patrie.
Sans doute ces
sacrifices qui attaquent tout ce que l’on a de plus cher au monde sont
exorbitants ; mais deux considérations fondamentales en tempèrent la rigueur.
La première c’est que tout fils de famille parvenu à un certain âge y est
soumis. La loi n’admet aucune distinction : ni naissance, ni origine, ni classe,
ni condition, aucune considération ne peut soustraire un individu à cette
disposition. Là le riche est confondu avec le pauvre, le noble avec le
roturier, l’honnête bourgeois avec le mendiant. La seconde considération c’est
que le sort désigne les individus qui doivent payer pour les autres cette dette
sacrée à la patrie.
Egalité parfaite entre
tous les jeunes gens qui par leur âge sont appelés à concourir pour la milice,
et, sans distinction aucune, abandonner au sort la désignation des individus qui
devront faire partie du contingent appelé sous les armes, voilà les deux bases
fondamentales des lois en fait de milice. Plus vous vous attacherez à ces
règles plus la loi sera bonne, et plus vous vous en écarterez, plus vous la
rendrez odieuse, arbitraire et vexatoire.
Quand le sort a
prononcé, l’on se résigne sans murmure, on se soumet avec calme à la rigueur de
la loi ; mais lorsqu’un individu que le sort a épargné est appelé au service
par suite de l’exemption d’un autre, alors le sacrifice devient énorme et
accablant.
Partant de là, je
soutiens que toutes les exemptions sont odieuses et par suite qu’au lieu d’en
étendre le cercle il faut absolument réviser les lois qui régissent la matière
pour restreindre au contraire les motifs de ces exemptions, dont on abuse dans
quelques endroits de la manière la plus scandaleuse.
Mais, me répond-on, le
projet de loi qui fait le sujet de la discussion n’a nullement pour but
d’élargir le cercle des exemptions ; il ne tend qu’à faire disparaître une
distinction choquante au détriment du pauvre malheureux. Il ne s’agit que
d’introduire dans la loi le principe consacré par la constitution que tous les
Belges sont égaux devant la loi.
La réponse à cet
argument, plus spécieux que solide, est facile. D’abord ne perdons pas de vue
qu’en principe toutes les exemptions sont oiseuses parce qu’elles ont pour
effet de libérer du service celui que le sort a désigné, et parce que par
contre elles ont pour résultat inévitable de faire marcher un autre que le sort
a épargné.
En fait de milite tout
se lie. L’on ne peut jamais prononcer une exemption sans en même temps
tacitement condamner un autre à marcher. Eh bien, ceci posé, lequel mérite avec
plus de raison la sollicitude du législateur, celui qui se trouve libéré par le
sort, ou celui que le sort a désigné et qui veut s’y soustraire par exception ?
Certes, la raison, la justice, tout s’élève en faveur du premier. Celui qui se
trouve dans l’exception n’a donc pas à se plaindre de ce que le législateur a
posé des bornes à la faveur exorbitante qu’il veut bien par exception lui
accorder. Il ne peut pas trouver mauvais que le législateur ait soumis ces
exemptions à des conditions, dont, dans sa sagesse, il a cru le strict
accomplissement nécessaire pour écarter les abus.
Les lois sur la milice
ne consacrent donc pas, ainsi qu’on le prétend, un système odieux de catégories
; elle ne dit pas : Vous ne jouirez pas de telle ou telle exemption parce que
vous appartenez à telle ou telle classe ; mais elle astreint l’exception
exorbitante des exemptions à des conditions : c’est ainsi qu’elle exige de
l’unique fils non marié d’une famille que, pour jouir de l’exemption, il habite
avec ses père et mère. C’est ainsi qu’elle repousse le fils soutien de sa mère
qui n’a été abandonnée de son mari que depuis deux ou trois ans ; il faut
absolument qu’elle soit abandonnée depuis quatre ans. C’est ainsi qu’un frère
soutien d’un frère ou d’une sœur uniques, orphelins, ne peut réclamer droit à
l’exemption ; il faut absolument que la famille se compose au moins de trois
enfants.
C’est ainsi que le
législateur exige que ce soit un travail manuel auquel se livre le fils soutien
; et par suite, un poète, un auteur, quoique soutenant réellement sa mère
veuve, ne peuvent prétendre à l’exemption. Je n’en finirais pas, messieurs, si
je voulais vous énumérer les conditions impérieusement prescrites par la loi
pour chaque cause d’exemption. Ce n’est donc pas comme appartenant à telle ou
telle catégorie, à telle ou telle classe, que la loi refuse l’exemption aux fils
ou frères dont les parents, la mère ou les frères ou sœurs orphelins, sont
secourus aux frais de quelque fonds public, mais parce que le législateur a cru
devoir attacher à cette exemption telle ou telle condition sine qua non.
Ici nous sommes
naturellement conduits à examiner la valeur de la condition que le projet de
loi tend à faire disparaître comme injuste, inique et absurde.
Pour ce qui me concerne,
je pense que la disposition qui exclut de l’exemption les fils dont les parents
reçoivent des secours d’un fonds publics est sage parce qu’elle établit une
présomption légale qui, en thèse générale, reçoit une application juste aux cas
auxquels elle s’étend. Du fait connu de participation à un fonds public la loi
tire la conséquence que la famille n’a pas d’autre soutien dans toute l’étendue
du terme.
Cette conséquence me
paraît toute rationnelle, car comment combiner le fait d’un fils qui pourvoit
aux besoins de sa mère veuve, de ses parents, qui soit réellement leur soutien,
à côté de la circonstance du secours auquel la famille participe dans un fonds
public ?
Ces deux idées se
heurtent. Mais, dit-on, ces sortes de secours ici dans le pays sont tellement
insignifiants, qu’ils ne peuvent tirer à conséquence ; un peu de pain, une
mesure de tourbe, etc., etc., voilà ordinairement à quoi se bornent ces sortes
de secours.
Je réponds, moi, que
plus le secours est minime, plus il exclut l’idée de soutien de famille
proprement dit, et plus la présomption légale doit recevoir son application. En
effet, en acceptant ces secours insignifiants, l’on prouve d’une manière
évidente que l’on est réellement dans le besoin et par suite que la famille n’a
pas de véritable soutien.
D’ailleurs, messieurs,
les familles, que cette disposition concerne, n’ont aucun sujet de s’en plaindre,
puisqu’il ne dépend que d’elles de se soustraire à son influence fatale.
Qu’elles se placent dans le droit commun, qu’elles refusent toute participation
aux secours publics, et l’exception bienveillante leur deviendra applicable
comme aux autres. Elles doivent s’imputer à elles-mêmes leur position fâcheuse,
et par suite elles ne méritent guère que l’on s’occupe d’elles et que l’on
fasse disparaître de la loi une disposition dont l’expérience m’a démontré et
me démontre encore journellement toute la sagesse.
Il se peut, je n’en
disconviens pas, que par-ci par-là une famille ignorante en soit la victime ;
mais, hors que cette prétendue ignorance de la loi, depuis 18 ans qu’elle est
en vigueur, ne se présume pas, je prétends moi que le législateur ne peut
descendre dans ces particularités sans méconnaître sa mission.
Ce ne sont pas les cas
rares qui doivent lui servir de type ; mais ce qui arrive ordinairement doit
être son guide principal.
Il me reste à répondre à
une autre objection : quel mal y a-t-il, dit-on, de lever cette entrave
qui n’attaque que les pauvres malheureux, puisqu’il faut que le point de fait
qui constitue le droit d’exemption doit être prouvé par le certificat prescrit
par la loi ? Ou le fils qui prétend à l’exemption est réellement le soutien de
sa famille, ou il ne l’est pas. S’il l’est, on lui délivrera le certificat ;
s’il ne l’est pas, on le lui refusera, et par conséquent le projet de loi ne
porte préjudice à personne.
Si la délivrance de ces
sortes de certificats avait toujours lieu avec cette scrupuleuse précaution que
l’importance de l’objet mérite, si on pouvait toujours pondérer avec une juste
balance et en pleine connaissance de cause les réclamations multipliées qui
annuellement assaillissent les conseils de milice, le mal, j’en conviens, ne
serait pas grand.
Mais veuillez bien
réfléchir de quelle manière ces certificats se délivrent. Les membres
certificateurs de l’administration communale, qui sont chargés de leur
délivrance, surtout dans les grandes villes, ne connaissent ordinairement pas
les familles réclamantes ; il est même impossible qu’ils connaissent
l’intérieur de ces familles, surtout lorsqu’il s’agit de la classe des
habitants pauvres. Ces certificats sont donc délivrés sur le témoignage de
trois habitants que produisent les réclamants eux-mêmes. La majeure partie du
temps ces personnes sont des amis complaisants, et voilà toute la garantie que
vous offrent ces pièces, qui cependant ont des conséquences si majeures sur
l’avenir de celui qui, par l’exemption que l’on prononce, est appelé à
remplacer l’exempté.
Pour
juger du mérite de ces certificats il faut être à même d’examiner les choses de
près. Aussi j’ose soutenir, sans crainte de recevoir un démenti par quiconque
juge d’après l’expérience, que de cinquante fils de famille exemptés comme
soutiens de leurs parents, il n’y en a pas deux qui le soient réellement. Et,
en effet, comment supposer qu’un enfant de 18 ans, qui n’est pas formé, qui ne
peut pas connaître un métier, qui ordinairement fréquente encore les écoles ou
est en apprentissage chez un artisan, puisse être le soutien de ses parents ?
Ce cas sont tellement rares, qu’il n’est pas même
raisonnablement permis de les supposer.
Aussi, si le
gouvernement voulait se faire rendre compte de tous ceux qui ont été exemptés,
dans une période de 10 ans par exemple, comme soutiens de leurs parents, ou de
leur mère veuve etc., vous acquerriez la conviction que la plupart de ces
exemptés s’en trouvent séparés, qu’ils se sont établis et ont personnellement
des ménages à entretenir ; cependant leurs parents, dont ils étaient
prétendument les soutiens, vivent et vivent quelquefois très bien sans leur
secours.
Soyez rigoureux, soyez
inflexibles en matière d’exemption, je vous en supplie, parce qu’elles
entraînent après elles nécessairement les conséquences les plus funestes, en ce
qu’elles ne peuvent s’accorder sans qu’en même temps vous ne condamniez un
autre malheureux à marcher, sans que vous ne plongiez une autre famille dans le
désespoir.
Ecartez-vous le moins
possible de la décision juste et équitable que le sénat a prononcée, parce que
les exemptions sont éminemment odieuses, en ce qu’elles enlèvent des droits
acquis à des tiers, et en ce que la manière de constater ces droits prête aux
abus les plus graves.
M. Legrelle. - Je prends la parole pour
relever les erreurs involontaires de l’honorable préopinant. Il a dit que les
certificats de soutien de famille et de secours de charité ne sont jamais
fondés que sur le témoignage de trois pères de famille et que presque toujours
ces témoignages ne sont pas irrécusables.
Il se peut que M. Simons
ait assisté à un conseil de milice où il se soit commis des abus. Mais ce que
je puis affirmer c’est que partout ailleurs, et particulièrement à Anvers, tout
le contraire a lieu ; d’abord on exige un certificat du bureau de bienfaisance
joint au dossier et qui constate que les parents de l’individu dont il s’agit
n’ont jamais reçu de secours publics l’année qui précède celle de la milice.
Il n’est pas exact de
dire ensuite que ces certificats sont délivrés par complaisance. Ils sont au
contraire examinés avec beaucoup de soin, et, un conseil de milice qui fait son
devoir sait fort bien qu’en exemptant à tort un individu, on ne commet pas
seulement une injustice envers le gouvernement, mais encore envers celui qui
doit tenir le lieu et place de l’individu qu’on exempte.
M. Dubois. - Dans la première partie de son
discours, l’honorable M. Simons s’est attaché non pas à réfuter la loi
présentée, mais à attaquer le système général d’exemptions existant dans la loi
de 1817. Il trouve que toutes les espèces d’exemptions sont dues à la faveur ou
octroyées arbitrairement par des conseils de milice. Je crois qu’à cet égard il
est complètement dans l’erreur. Je pense que les exemptions sont nécessaires ;
un fils soutien d’une mère veuve ou d’un père vieux ou infirme doit être
exempté. Dans l’espèce qui nous occupe, vous savez, messieurs, que d’après la
loi de 1817 combinée avec celle de 1820, les fils uniques de veuves ou de
vieillards pauvres sont obligés d’apporter devant les conseils de milice des
certificats qui attestent qu’ils n’ont reçu aucun secours des bureaux de
bienfaisance ; vous savez aussi que ce principe a été étendu jusqu’aux extrémités
les plus absurdes, J’ai vu des conseils de milice refuser l’exemption, parce
que des parents avaient reçu dans l’année 5, 6 ou 7 francs, et même on a été
jusqu’à agir ainsi pour un secours de 1 fr. 50 c.
Je crois qu’il est évident
à tous qu’une telle manière de procéder est éminemment injuste. Quand nous
étions sous un autre régime que celui-ci, quand nous appartenions à un
gouvernement où il existait des établissements publics pour les pauvres, je
conçois que le fils d’une veuve ou d’un vieillard, qui se trouvaient secourus
par ces établissements, ne devait pas être exempté. Dans notre pays, messieurs,
il n’y a pas d’établissements publics de cette nature, et c’est pour ce motif
que le sénat a proposé le projet de loi actuellement en discussion.
Quand un malheureux
reçoit un secours de 1 fr. 50 c., ou une petite ration
de tourbe, c’est, je crois, loin d’en faire une arme contre lui, la meilleure
preuve de sa pauvreté. Je ne crois pas qu’on puisse rétorquer cet argument.
Dans le système que je combats, il faudrait non seulement changer les
dispositions en discussion, mais changer en entier l’art. 94 de la loi de 1817.
On pourra examiner plus tard s’il est utile de le modifier.
M.
Cornez de Grez. - Les honorables MM. Legrelle et Dubois ont déjà relevé en partie les
inexactitudes dans lesquelles est tombé l’honorable M. Simons. Comme président du conseil de milice de Bruxelles, je
puis affirmer que tous les certificats qui ont été présentés ne l’ont été qu’en
parfaite connaissance de cause. Ils ne le sont que sous la responsabilité des
autorités communales. Lorsque des miliciens se croient lésés, ils ont recours à
la députation des états, et ils ne manquent pas de le faire quand il y a pour
eux la moindre apparence d’injustice. J’ai vu un milicien appelé au service
parce que sa mère avait reçu un pain. Ce sont des injustices qui sautent aux
yeux de tout le monde. Je dirai que souvent le cœur m’a saigné, quand j’ai dû
faire marcher des enfants uniques, soutiens de leur famille éplorée. Je crois
que la chambre ne doit pas adopter l’amendement proposé par la commission ; si
cet amendement était adopté, la loi ne pourrait être applicable cette année :
je dois demander à la chambre d’admettre la loi telle qu’elle en présentée par
le sénat.
- La discussion générale
est close.
Article premier
M.
le président. - « Art. 1er. Sont rapportées les dispositions de
l’art. 94 de la loi du 8 janvier 1817 et des art. 15
et 27 de la loi du 27 avril 1820, en ce qu’elles excluent de tout droit à
l’exemption de la milice, celui dont les parents, frères ou demi-frères ont été
ou sont secourus aux frais de quelque fonds public. »
M.
Legrelle. - J’adopte volontiers l’amendement de la commission ; c’est
une disposition très sage, très utile, mais je crains qu’en l’adoptant cela ne
fasse retourner la loi au sénat et que les dispositions bienfaisantes de ce
projet ne soient pas mises à exécution pour cette année.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense que si on adoptait l’amendement proposé par la commission, la loi
arriverait trop tard pour être applicable cette année. J’ajouterai que cet
amendement est complètement inutile. En effet, en lisant les considérants qui
sont en tête de la loi proposée par le sénat, on voit clairement que la
disposition est applicable non seulement aux enfants de parents indigents, mais
encore aux frères et demi-frères :
« Revu les lois sur
l’organisation de la milice nationale des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820, dans
leurs dispositions qui concernent les exemptions à accorder aux miliciens fils
uniques légitimes, uniques frères non mariés d’une famille, fils ou petits-fils
d’une veuve, d’une femme légalement séparée, divorcée ou abandonnée depuis
quatre ans, frères ou demi-frères d’orphelins à l’entretien où à la subsistance
desquels ils pourvoient par le travail de leurs mains ;
« Considérant que ces lois excluent de
l’exemption ceux dont les parents ont reçu ou reçoivent des secours de quelque
fonds public, quelle qu’en soit d’ailleurs la quotité ; »
« Considérant que
de l’application de cette disposition naissent des inconvénients graves, qui
doivent être évités à l’avenir, dans l’intérêt des familles
malheureuses. »
Tout doute est donc
impossible ; et si on examine la disposition en elle-même, on n’en trouvera pas
davantage, Car le mot parents comprend tous les liens du sang et non pas
seulement les enfants. C’est l’acception la plus naturelle du mot parents. Ce
n’est que par exception que le mot parents ne signifie que père et mère, Ainsi,
en laissant subsister la disposition telle qu’elle est, la loi s’applique
également aux frères et aux demi-frères et il n’y aura aucun doute à cet égard.
M. Fleussu. - Je ne saurais adopter le système
que vient de mettre en avant M. le ministre de l’intérieur. Il a poussé
beaucoup trop loin la signification du mot parents. Si le mot n’avait pas
d’autre portée que celle qu’on veut lui donner, il y aurait bien des choses
inutiles dans la loi de 1817. Dans cette loi il y a un paragraphe exprès pour
les parents. Il est évident que ce paragraphe serait tout à fait inutile, si on
l’entendait comme l’entend M. le ministre de l’intérieur. Lorsque dans le
langage des lois on se sert du mot parents, la loi entend auteurs des jours de
l’individu ; cela s’applique aux ascendants, aux auteurs des jours du milicien.
Mais si les parents doivent signifier toute une famille, je demanderai à M. le
ministre de l’intérieur à quel degré il s’arrêtera. Il y a aussi des parents
dans la ligne collatérale. Je crois que M. le ministre voudrait une chose,
c’est que le milicien soutien d’une famille malheureuse pût être exempt de
servir.
Eh bien, ce n’est pas
vaguement, ce n’est pas par des considérants qu’il faut établir cette clause
tout d’humanité et de justice ; il faut le dire, le spécifier positivement, et
c’est ce qu’a fait la commission.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est bien certain que
lorsque j’ai donné cette acception au mot parents, je n’ai voulu donner aucune
extension à la loi de milice. Que dit la loi ? Que le fils soutien d’une
famille malheureuse, que le frère soutien de sa sœur seront
exemptés. La loi dit en outre que le milicien ne sera pas exempté, si son père,
sa mère ou sa sœur ont reçu quelque secours. Je dis simplement ceci que
lorsque, dans la proposition du sénat, il est dit que les dispositions des lois
de 1817 et 182,0 qui refusent l’exemption aux miliciens dont les parents ont
reçu des secours, sont rapportées, je dis que l’acception naturelle du mot
parents s’applique également aux frères et sœurs. Ce mot dans son acception
générale s’étend à tous ceux qui sont liés par le sang et ne s’applique pas
limitativement aux ascendants.
La signification la plus
naturelle est plus large que cela, et ce n’est que d’une manière restreinte
qu’on la borne aux père et mère. Je dis encore que tout le doute sera levé par
les considérants qui sont en tête de la discussion. Car, en le lisant, on ne
peut contester que le mot parents s’applique également aux frères et sœurs.
M. Dubois. - Le motif qui a engagé l’honorable M.
Legrelle à éloigner l’amendement de la commission était de presser l’exécution
de la loi, afin que les miliciens de la classe 1835 pussent en profiter. Je conviens que cela nous a
arrêtés quelque temps dans la commission, et c’est pour ce motif qu’un second
amendement a été formulé. Nous avons cru utile d’appliquer à la loi de milice
les considérants de la loi sur la garde civique. La chose à été faite par le
sénat. Toute la question est celle-ci : Suffira-t-il de mettre cette
disposition dans les considérants ou faudra-il faire un article particulier ?
M. Trentesaux. - Vous pouvez être certains
que, dans toutes les lois sur la milice, le mot parents signifie seulement père
et mère. La loi de
M.
Liedts. - Je suis d’avis qu’il faut adopter l’amendement de la section
centrale, au risque de ne pas appliquer cette loi cette année. J’avoue que le
mot parents a droit à deux significations. Il comprend ceux qui sont au degré
le plus éloigné dans la ligne collatérale ; mais, dans le sens le plus restreint,
il s’applique aux auteurs des jours. Si vous recourez à l’article 94 de la loi
de 1817, vous y trouverez deux dispositions distinctes : la première qui, par
le mot parents entend père et mère ; et la seconde, qui est subsidiaire, parle
de parents plus éloignés. Dans la loi de 1817, parents est pris pour père et
mère : si donc vous voulez la modifier et lui donner de l’étendue, il faut
stipuler frères et demi-frères.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, je ne nie pas que dans le texte de la loi hollandaise le mot
parents ne soit souvent employé pour exprimer les auteurs des jours des
miliciens, mais ce n’est pas cela que nous avons à examiner. Nous avons à
examiner ceci : Quelle est la significations du mot parents dans le projet qui
nous a été envoyé par le sénat ? quelle est
l’acception dans laquelle le mot a été pris par le sénat ? Or, l’on est
d’accord que le mot parents peut être pris dans l’acception la plus large comme
dans l’acception la plus restreinte. Il ne s’agit donc que de connaître
l’intention du sénat qui est auteur du projet.
Cette intention, il est facile de la connaître. Lisez les considérants
de la loi, lisez les motifs dont le sénat a accompagné son projet, nous voyons
l’intention de réviser les dispositions des lois sur la milice qui ont pour
objet non seulement les pères et mères secourus, mais encore les frères et
demi-frères qui ont été secourus, dont l’enfant ou le frère ou demi-frère
serait privé de l’exemption par cette considération. Voyez ces considérants :
j’insiste pour appeler votre attention là-dessus, parce qu’après les avoir lus,
il est impossible de conserver le moindre doute :
« Revu les lois sur
l’organisation de la milice nationale des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820, dans
leurs dispositions qui concernent les exemptions à accorder aux miliciens fils
uniques légitimes, uniques frères non mariés d’une famille, fils ou petits-fils
d’une veuve, d’une femme légalement séparée, divorcée ou abandonnée depuis quatre
ans, frères ou demi-frères d’orphelins à l’entretien où à la subsistance
desquels ils pourvoient par le travail de leurs mains ;
« Considérant que ces
lois excluent de l’exemption ceux dont les parents ont reçu ou reçoivent des
secours de quelque fonds public, quelle qu’en soit d’ailleurs la quotité ;
« Considérant
que de l’application de cette disposition naissent des inconvénients graves,
qui doivent être évités à l’avenir, dans l’intérêt des familles malheureuses ;
« Nous avons,
etc. »
Il est donc clair que le
sénat a eu pour objet de réviser les dispositions qui s’appliquent non
seulement aux père et mère, mais aux frère et demi-frère. Et dès lors que
l’intention du sénat est manifeste et que l’usage nous permet de donner au mot
parents l’acception la plus large, je ne sais pas pourquoi on voudrait modifier
le projet et le rendre par là inefficace pour cette année.
On ne doit pas davantage
adopter la modification proposée, par la raison qu’il y a nécessité
d’introduire dans la loi un autre amendement et que de toute manière le projet
devra être renvoyé au sénat. En effet, il n’est pas nécessaire d’adopter
l’amendement proposé en ce qui concerne la garde civique, parce que
l’application de la loi que nous votons n’éprouvera aucune difficulté de ce chef.
L’art. 25 de la loi du 18 juin 1831 porte que les exemptions mentionnées à
l’article précédent ne seront accordées qu’à ceux qui réunissent les conditions
imposées par les lois sur la milice nationale et sur la production des
certificats et autres pièces prescrites par ces lois. Ces certificats ne
subiront d’autres changements que ceux nécessités par la différence des deux
institutions.
D’autre part, l’art. 10
de la loi du 18 janvier admet en principe que les exemptions pour la milice
serviront également pour la garde civique. En combinant ces deux dispositions,
on verra que la disposition que nous votons pour la milice s’appliquera de
plein droit à la garde civique.
M.
Fleussu. - Je suis d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur ce
point, que la modification relative la garde civique est inutile. Car la loi de
1831, qui concerne la garde civique, porte que les dispositions relatives aux
cas d’exemption pour la milice s’appliqueront au premier ban de la garde
civique. Or, quand les dispositions relatives à la milice seront modifiées, la
loi de 1831 renverra à la loi modifiée et cette loi modifiée s’appliquera à la
milice et à la garde civique en même temps.
Mais
je ne suis pas touché du raisonnement présenté par M. le ministre pour faire
considérer les frères et sœurs sous la dénomination de parents. Il vous a
longtemps entretenus de l’intention du sénat. Mais le sénat vous a-t-il dit
qu’il a voulu comprendre dans le bénéfice de la loi sur la milice celui qui est
le soutien d’un frère comme celui qui est le soutien de ses parents. Je n’ai
pas à rechercher l’intention du sénat, je crois qu’elle a été telle que M. le
ministre de l'intérieur vous l’a expliquée.
Mais je répondrai que le
sénat n’a pas fait ce qu’il a voulu faire. Or en matière de loi toute
dérogation doit être expresse. Le but du sénat n’a pas été atteint par la
disposition qu’il a adoptée. Je l’ai déjà dit, ce n’est pas par des
considérants qu’on peut faire déroger à une loi, c’est dans le dispositif que
la dérogation doit être écrite. Or, il est impossible, il est de toute
impossibilité pour quiconque verrait la loi dégagée et de la discussion du
sénat et de la discussion qui a lieu dans cette enceinte, d’y voir une
dérogation aux lois anciennes. Remarquez alors que l’on connaîtrait
parfaitement quelle a été l’intention du sénat, cela ne suffirait pas ; il faut
voir quelle est la valeur des mots employés dans la loi. Or, dans la loi
ancienne, le mot hollandais ne signifiait que la souche ; si vous voulez que le
milicien soutien de son frère ou de sa sœur jouisse du bénéfice de la loi, il
faut que ce bénéfice soit stipulé pour lui.
Il
est fâcheux que le sénat n’ait pas mieux atteint le but qu’il s’était proposé ;
si la loi doit lui être renvoyée, c’est un malheur ; mais nous ne devons pas
nous habituer à faire des lois en donnant aux mots des interprétations aussi
subtiles que celle qu’on nous propose.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’étais
présent à la discussion qui a eu lieu au sénat sur le projet de loi soumis en
ce moment à la chambre. Je dois déclarer qu’à la fin de la discussion un
orateur proposa d’ajouter au mot parents ceux-ci : les frères et demi-frère,
que la question fut examinée ; et qu’on trouva que le mot parents suffisait
pour désigner les père et mère aussi bien que les divers autres degrés de
parenté énoncés dans les considérants du projet. L’amendement ne fut pas admis
et on adopta la rédaction proposée par la commission.
M.
Legrelle. - Je vous demanderai la permission de vous lire le texte
hollandais de la loi sur la milice, c’est à l’article KK (On rit.) (L’honorable membre
donne lecture de ce texte et ajoute :) Le mot outers dont on se sert dans cet article signifie les père et mère.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, pour détruire l’impression qu’a pu faire sur vous l’honorable
préopinant, je dois répéter que nous n’avons pas à rechercher le sens que les
Hollandais attachaient au mot parents ou
outers, mais à examiner le sens que nous devons attacher au mot parents. Je
dirai ensuite que si dans un texte de loi sur la milice vous trouvez le mot
parents, dans d’autres vous trouvez ceux de père et mère, frère et sœur.
Je reviens toujours à
cette idée principale que, dans la loi que nous faisons, nous pouvons donner au
mot parents l’acception que l’usage permet, d’autant plus que cette acception
se trouver justifiée par les considérants de la loi. En outre, comme vient de le
dire M. le ministre de la guerre, le même doute s’est élevé dans le sein du
sénat sur l’acception du mot parents, et l’amendement proposé dans le but de
lever ce doute fut rejeté comme inutile.
Je suis persuadé
qu’aucun conseil de milice et aucun conseil provincial ne se refusera à
exécuter la loi dans le sens que nous attribuons au mot parents.
M. Jullien. - La première obligation d’une loi
est de parler clairement et surtout quand c’est une loi qui impose des
obligations aussi lourdes que le service de la milice, parce que ses
dispositions sont toujours contestées par ceux qui ont intérêt à le faire. Or,
de quelque manière que vous preniez la question, vous ne pourrez pas faire
comprendre que le mot parents signifie autre chose que les ascendants, car dans
nos lois on est parent et parent successible jusqu’au douzième degré
inclusivement.
Je vous demande si avec
l’acception légale qu’il a, vous pouvez laisser dans la loi un mot tel que
celui de parents. Si vous lui faites signifier autre chose que les ascendants,
vous étendez son acception jusqu’au douzième degré. Comme l’a très bien dit
l’honorable M. Legrelle qui a découvert l’article KK, sous la loi hollandaise,
on ne se trompait pas sur l’intelligence du mot parents, parce qu’en hollandais
on disait outers qui veut dire les ascendants. Il faut donc, pour remplir les
intentions du législateur, qui a voulu que seulement la position des ascendants
fût prise en considération pour accorder l’exemption du service à un milicien, il
faut, dis-je, substituer au mot parents celui d’ascendant, en laissant
substituer les mots frères et demi-frères.
On vous dit : Mais il
faudra renvoyer la loi au sénat. Eh bien, on la renverra : c’est un malheur,
mais encore faut-il parler de manière à être compris.
J’aurais pu pousser plus
loin mes observations grammaticales ou légales ; car dans le langage légal, on
ne connaît pas de demi-frères : la loi reconnaît des frères germains, utérins
et consanguins. On comprendra sans doute ce qu’on a voulu dire par des
demi-frères, mais il me semble qu’il serait plus convenables
de se servir des expressions consacrées par la loi.
M. Fallon. - Il me semble que le texte même de la
disposition repousse l’interprétation de M. le ministre de l’intérieur. Il est
évident que le mot parents ne peut s’appliquer qu’aux père et mère. On débute
par dire :
« Sont rapportées
les dispositions de l’art. 94 de la loi du 8 janvier 1817 et des
art. 15 et 27 de la loi du 27 avril 1820, en ce qu’elles excluent de
tout droit à l’exemption de la milice, celui dont les parents ont été ou sont
secourus aux frais de quelque fonds public. »
Voilà la première
disposition du sénat.
Voici ensuite la
conséquence du principe :
« Les certificats prescrits
auxdits articles ne devront plus indiquer si les parents, ou le survivant
d’entre eux, ont reçu des secours de cette nature. »
Il est évident qu’il ne
s’agit ici que du père et de la mère, ou du moins cela a été fort mal exprimé
par le sénat.
M. Rogier. - Il est évident que l’expression
d’ascendant proposée par M. Jullien ne peut pas être admise sans rendre
impossibles les effets qu’on avait attendus de la loi proposée par le sénat.
En supposant qu’on
n’entende par le mot parents que les ascendants, c’est-à-dire que l’exemption
ne pourra être réclamée par les miliciens que du chef de leur père, de leur
mère ou de leur aïeux, comme ce sont ceux-là qui y ont le plus de droit, je
pense qu’on pourrait laisser subsister l’article, sauf à ne l’appliquer qu’aux
ascendants, du moins on aurait fait une loi utile. Si on substitue un autre mot
il faudra renvoyer la loi au sénat et alors autant vaudrait attendre la loi
générale que doit présenter le gouvernement, car nous ferions un travail
inutile.
Je ne pense pas, que,
pour la première fois que le sénat use de son droit d’initiative, nous
puissions ainsi lui renvoyer une loi qu’il nous a envoyée. Je pense qu’il est
convenable que la chambre l’adopte. Je lui ferai remarquer que jamais jusqu’ici
le sénat n’a renvoyé un projet venant de la chambre des représentants.
M.
Gendebien. - L’essentiel quand on fait une loi, c’est qu’elle consacre un
principe, une règle générale, et qu’au moins elle puisse recevoir son
application. Si vous l’adoptez celle qui vous est soumise en ce moment, celle
qu’elle a été votée au sénat, vous ne faites rien ou très peu de chose.
Veuillez remarquer que
dans la loi de 1817 il y avait deux paragraphes pour les exemptions : un
premier que vous a cité M. Legrelle, et un autre qui se trouve sous les lettres
LL. Je ne répéterai pas les lettres mal sonnantes sous lesquelles est placé le
paragraphe cité par M. Legrelle. Si on recourt au texte de ce paragraphe on
voit, par l’expression qu’on y emploie, qu’il s’agit des ascendants. Et il est
impossible d’appliquer cette disposition aux frères germains, consanguins ou
utérins, ou demi-frères comme le dit l’article proposé, d’autant plus qu’il y a
un autre paragraphe relatif aux frères. De sorte que si dans votre loi vous ne
parlez que de parents vous serez censés n’avoir voulu accorder d’exemption
qu’aux fils et petits-fils, et non pas aux frères et demi-frères.
Maintenant vous dites :
Si la loi est renvoyée au sénat, elle sera sans effet pour cette année. Je
crois que, quoi que vous fassiez, cette loi sera de peu d’effet, car on a tiré
au sort partout cette année. (Non ! non !).
Si on n’a pas tiré partout, on a tiré dans plusieurs provinces ; du moins, le
tirage a eu lieu dans le Hainaut.
M.
Lebeau. - Qu’est-ce que cela fait ?
M. Gendebien. - Je vais vous le dire, ce que
cela fait. C’est que, pour que votre loi reçoive son application cette année,
il faudrait lui donner un effet rétroactif. Car le tirage au sort fixe les
droits et les devoirs de chaque milicien. Il est certain que tel individu qui a
tiré le n°4 par exemple, et ne se trouve précédé par aucun individu ayant droit
à l’exemption aux termes des lois existantes au moment du tirage, a un droit
acquis de ne marcher qu’après les trois numéros qui le précèdent, et aucun de
ces numéros ne peut invoquer le bénéfice d’une loi qui aurait établi de
nouvelles exemptions depuis le tirage au sort.
Vous n’hésiteriez pas à
refuser et vous ne pourriez donner un effet rétroactif à une loi quand il
s’agit de la propriété de la plus mince valeur, et quand il s’agit de la vie ou
au moins de la liberté d’un citoyen, vous voudriez faire fléchir ce principe de
non-rétroactivité. Je ne sais si dans toutes les provinces le tirage n’a pas
encore eu lieu, mais dans celles où cette opération a eu lieu, il y a des droits acquis que vous
ne pouvez méconnaître. Dans ces provinces, ayant fait tirer les jeunes gens au
sort sous l’empire de la loi de 1817 qui a réglé les droits et les devoirs de
chacun, vous ne pouvez pas accorder de nouveaux droits d’exemption aux uns,
puisque ce ne pourrait être qu’au préjudice des autres qui seraient forcés de marcher.
Vous établiriez d’ailleurs une espèce de privilège en faveur de certaines
provinces à l’exclusion des autres.
Si vous vouliez passer
au-dessus des considérations que je vous ai présentées, il resterai
à voir s’il y a beaucoup de provinces où le tirage au sort n’a pas encore eu
lieu. Si en est où on n’a pas encore tiré, je dirai toujours : Faites attention
que, par votre loi telle qu’elle est rédigée, vous n’exempterez que des fils et
petits-fils ; mais elle ne pourra s’appliquer aux frères germains, utérins et
consanguins. La loi étant réduite à une application si minime, je vous demande
s’il est nécessaire de la faire. On en fait pas la loi
pour les cas rares, pour des individus. C’est ici le cas de dire : de minimis,
non curat praetor.
M. Dubois. - Pour apaiser les craintes qu’on
pourrait avoir sur l’exécution de la loi que nous discutons, je rappellerai que
d’après la loi le conseil de milice tient quatre séances pour examiner les
réclamations des miliciens, et qu’à chacune de ces séances on peut renvoyer
l’examen des réclamations présentées à une prochaine séance.
Ainsi, messieurs, un
individu tirera au sort le 1er mars ; il se présentera à la deuxième séance du
conseil de milice et dira qu’il croit pouvoir être considéré comme pourvoyant
aux besoins de sa mère ; que cependant la loi qui doit l’exempter du certificat
d’indigence n’étant pas encore rendue, il demande que l’examen de ses droits à
l’exemption soit ajourné à la dernière séance, c’est-à-dire au 1er mai. Or je pense
que d’ici à cette époque la loi pourra être votée par le sénat.
M.
Dumont. - Il me paraît incontestable que le mot parents dans la loi de
1817 signifie uniquement les père et mère et non pas les ascendants comme on
paraît l’avoir cru. La commission qui propose d’ajouter les mots « les
frères ou demi-frères » devait donc proposer d’ajouter également
« les ascendants » car la disposition de la loi de 1817 n’est pas
plus relative aux ascendants qu’aux frères et demi-frères.
Sans
doute le sénat, en employant le mot parents, s’est servi d’un terme impropre,
mais toute la discussion et le rejet d’un amendement prouvent le sens qu’il y a
attaché, prouvent qu’il a entendu comprendre dans cette expression les frères
et demi-frères. II ne peut rester aucun doute sur sa volonté ; je pense que
cela doit suffire.
Sans doute, si nous
avions le temps de parler un langage plus légal, je le préférerais ; mais il ne
faut pas perdre de vue que la loi dont nous nous occupons doit être votée assez
tôt pour pouvoir être appliquée aux opérations de la milice de cette année.
En
ce qui concerne la rétroactivité, je ne puis partager l’opinion d’un honorable
préopinant qui pense que les droits sont acquis au moment du tirage et qu’une
loi postérieure au tirage qui infirmerait ces droits serait entachés de
rétroactivité. Je pense pour moi que le tirage n’a pas d’autres effets pour les
miliciens que le tirage au sort des différents lots dans un partage de biens.
Celui qui a tiré un numéro qui se trouve partant par suite des exemptions
prononcée en vertu de la loi dont nous nous occupons, est censé être soumis à
l’obligation de marcher, comme ayant été désigné précédemment, comme celui qui
se trouve propriétaire, par suite d’un tirage de lots au sort, est censé
propriétaire depuis que les biens sont devenus communs.
J’attendrai des
explications, car je ne comprends pas bien comment il y aurait rétroactivité
dans l’application de la loi aux opérations de la milice de 1835.
M. Dewitte. - Je vais tâcher par un petit
argument grammatical de nous mettre tous d’accord. (Ah ! ah !)
L’honorable M.
Trentesaux dit que l’expression parents dont se sert la loi, le mot parentes de
la loi romaine signifie seulement le père et mère. Ainsi le mot parents dans la
loi est un véritable substantif, tandis que le mot parents employé dans le sens
de frères et sœurs, oncle ou neveu, et de plus ou moins d’affinité ou de
parenté, (erratum au Moniteur belge n°57,
du 26 février 1835) est un adjectif et n’est nullement de saison ici. La
loi est formelle ; elle ne désigne que les père et mère.
M. Milcamps. - Je partage l’opinion qu’il ne
faut pas ici examiner la signification du mot parents, car sa signification
doit être déduite de la loi à laquelle le projet se réfère.
En principe les mots
doivent être interprété selon le sujet qu’on traite ; c’est ce qu’exprime fort
bien la maxime :Verba debent intelligi secundum
subjectam materiam.
Or, il ne s’agit que de
faire disparaître la condition d’avoir reçu des secours.
Dans le Répertoire on fait la question si le
considérant d’une loi, fait partie de la loi ; l’auteur répond affirmativement
et donne plusieurs exemples.
Or, ici, si l’on réfère
le mot parents à la loi générale et au considérant du projet, on sera convaincu
qu’il s’entend de tous ceux repris dans la loi générale et dans le considérant
du projet de loi en discussion.
M.
Gendebien. - Il me semble que si l’on s’arrêtait aux vrais principes, la
discussion ne serait pas aussi longue. J’ai eu l’honneur, je crois, d’exposer
les véritables principes qui auraient dû diriger la discussion dès le
commencement, et en cela je n’ai fait que répéter ce que d’autres avaient senti
peut-être mieux que moi, et que vient de résumer l’honorable M. Dewitte de la
manière la plus concise et la plus énergique.
Je me permettrai
d’insister pour répondre à une objection présentée par l’honorable rapporteur
de la commission : il a dit qu’il y avait quatre séances du conseil de révision
pour établir en définitive le sort de chaque milicien. Eh bien, on pourra,
a-t-il dit, demander aux conseils de milice d’attendre que la loi soit faite
avant qu’ils disposent du sort des miliciens. L’honorable rapporteur n’a pas
fait attention que le conseil de milice ne fait pas autre chose qu’appliquer la
loi : il ne crée pas l’exemption, il la déclare seulement, et conformément à la
loi qu’il est chargé d’appliquer. Ainsi c’est résoudre la question par la
question, puisque je soutiens, et personne ne peut le contester, qu’il ne peut
qu’appliquer la loi antérieure au tirage au sort.
Un honorable membre vous
a dit que le sénat avait défini l’expression les parents qui se trouve dans la
loi dont nous nous occupons. Mais jamais la loi n’est faite pour donner une
valeur à une expression. Ce serait la première fois que l’on ferait une loi
pour définir un mot, la première fois que l’on ferait une loi en employant un
mot dont on saurait d’avance que l’on contrarie la signification usuelle et même
légale d’après la loi qu’il s’agit de modifier. La loi ne crée pas les termes,
elle n’est pas destinée à leur donner une valeur nouvelle, elle se borne à
déterminer les conséquences des faits en rapport avec les citoyens et lorsqu’il
s’agit de déroger à une loi antérieure, elle doit être précise et ne peut se
servir de mots qu’elle considère comme des équivalents, alors que la loi à
modifier a consacré des dispositions dans des termes précis.
On a révoqué en doute si
le tirage au sort peut donner des droits acquis ; mais on est resté en demeure
de le démontrer, et l’on n’a pas répondu à ce que j’avais eu l’honneur de dire
: le tirage au sort est un fait consommé avant la loi que vous voulez faire,
dès lors vous ne pouvez en modifier les conséquences. C’est évidemment le
tirage au sort qui constitue les droits des miliciens. Ainsi que je le disais
tout à l’heure, dans une commune où quatre miliciens concourent au sort, le n°4
ne doit partir que pour autant que les autres soient exemptés par la loi or. si
le n°3 est exempté par une loi postérieure au tirage, il est certain que cette
loi opère sur le n°4 un changement tel qu’il devient, par son effet, le n°3.
Or, il n’est pas dans votre pouvoir d’opérer cette métamorphose, il n’est pas
dans votre pouvoir de m’ôter les droits attachés à mon n°4 pour m’imposer les
devoirs que la loi antérieure avait imposés au n°3 qui me précédait.
Puisqu’on a cité des
maximes latines, je rappellerai la définition d’une loi romaine : Leges et
constitutiones futuris certum est dare formam negotiis, sed non ad facta
prœterita revocari. Remarquez, messieurs, ces expressions : facta preoterita
revocari. Cela veut dire que la loi ne peut effacer ni modifier des faits
consommés, cela veut dire que les faits consommés ne sont point de son domaine.
Ce principe est également admis par notre code civil dont l’art. 2 porte : « La
loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » ;
si vous appliquez votre loi à des faits antérieurs, vous tombez évidemment dans
la rétroactivité.
Un
honorable orateur a dit qu’il fallait entendre les lois secundum subjectam
materiam. Or, quelle est ici la matière soumise à vos délibérations ? C’est la
question de savoir si les fils et petits-fils, et si les frères germains,
consanguins et utérins seront exempts, alors même que leur ascendants ou leurs
frères auraient reçu des secours des bureaux de bienfaisance. Or, si dans la
loi dérogatoire vous ne parlez que des premiers sans faire mention des seconds,
il est bien certain que vous excluez ceux ci ; vous avez beau soutenir que le
mot parents comprend aussi les frères et les demi-frères, on vous répondra que,
grammaticalement parlant cela est inexact, et que, quoad subjectam materiam,
c’est-à-dire quant à la loi qu’il s’agit de modifier, l’expression parents ne
comporte pas du tout le sens que vous lui donnez.
Au reste vous aurez beau
faire, les miliciens qui pourront invoquer des droits acquis et ceux qui se
croiront lésés par la loi nouvelle se pourvoiront devant les tribunaux et
soutiendront que la loi est entachée de rétroactivité et qu’elle ne consacre
d’exemptions légales que pour les fils et petits-fils, et non pour les frères
germains, utérins et consanguins.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je veux faire remarquer que la disposition de la loi de 1817 ne peut pas
s’accorder avec l’opinion qu’émet l’honorable préopinant lorsqu’il dit que les
motifs d’exemption doivent exister au moment du tirage, que c’est le tirage qui
fixe le sort des miliciens.
M.
Gendebien. - C’est-à-dire leur droit à l’exemption.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Oui, leur droit à l’exemption. Eh bien, je suppose qu’un milicien acquière un
motif d’exemption après le tirage ; il peut cependant le faire valoir.
L’art. 139 de la loi de
1817 porte que les états députés prendront en considération tous les griefs qui
seront portés à leur connaissance par les appelés, et que si, entre autres, ils
reconnaissent des infirmités physiques qui n’auraient pas été alléguées ou
n’auraient pas été trouvées de nature à motiver l’exemption, ils les
constateront et pourront les faire vérifier ultérieurement.
Les mots « entre
autres » veulent bien dire que les miliciens pourront faire valoir
d’autres motifs d’exemption que des infirmités physiques. Je crois donc que, si
on supprime l’obligation de donner des certificats constatant que les parents
ont reçu des secours, les miliciens pourront encore être exemptés.
M.
Lebeau. - Quoiqu’on ait dit qu’il ne faut pas un grand effort
d’imagination ni un grand degré d’instruction pour décider le point de droit,
la question n’est pas, je crois, aussi claire que peut le penser un honorable
préopinant Ce qui le prouve c’est la division d’opinions qui éclate dans
l’assemblée au sujet de cette question.
Un membre. - On n’est pas divisé d’opinions.
M.
Lebeau. - Je vous demande pardon, M. Dumont a soutenu tout à l’heure
que la loi pouvait s’appliquer sans rétroactivité ; c’était là le but de son
observation.
M. le ministre de
l’intérieur a déjà répondu à cette proposition d’un honorable préopinant. laquelle est trop absolue, à savoir que le droit est acquis
au moment du tirage. Je dis qu’il n’en est pas toujours ainsi, et que le droit
peut naître après le tirage.
Cela est si vrai que le
milicien dont les droits à l’exemption ne sont ouverts que postérieurement au
tirage, par suite du décès d’un frère ou de toute autre modification dans sa
famille, a incontestablement le droit de réclamer. Je sais bien que l’on
répondra à cela que ce milicien se prévaut d’une loi qui existait au moment du
tirage ; il n’en est pas moins vrai que cet exemple prouve que l’on ne peut
admettre le principe absolu que le droit à l’exemption doit nécessairement être
né avant le tirage.
M.
Gendebien. - Vous confondez le fait et le droit.
M.
Lebeau. - Je ne confonds rien ; et je vous prie de ne pas m’interrompre.
Je suppose que par des
motifs d’humanité, ou en vue de mieux assurer le service de l’armée, on
augmente la taille des miliciens ; que l’on déclare que pour être admis par le
conseil de milice, il faille nécessairement une taille plus élevée que celle
précédemment fixée par la loi ; pensez-vous que les conseils de milice devront
se refuser à appliquer cette loi nouvelle, parce qu’elle aura été promulguée
avant leur réunion ? Non sans doute. C’est ici cependant une exemption pour
motifs physiques ; et dans la loi dont nous nous occupons, il s’agit de créer
une exemption par des motifs moraux et par des considérations d’une autre
nature.
Je
ferai remarquer que ce n’est pas devant les tribunaux que ces débats ont lieu.
Les conseils de milice jugent en premier ressort, et la députation des états en
dernier ressort ; c’est ce qui résulte de la loi de 1817 ou au moins de la loi
de 1820. Or, il n’y a aucun doute que la loi ne soit appliquée par les conseils
de milice et par la députation provinciale.
Je déclare que mes
doutes ne sont pas complètement levés sur la question de savoir si ce n’est pas
la loi qui était exécutoire au moment du tirage, qui doit servir de règle pour
l’exemption des miliciens.
Cependant je pense que
le tirage ne donne pas des droit absolus, mais qu’il ne donne que des droits
relatifs : le n°5 désigné par le tirage ne peut pas passer avant le n°4 ; mais
si le n°4 est exempté, le n°5 prend sa place. Le tirage constitue l’ordre dans
lequel les miliciens devront éventuellement être appelés ; mais il ne constitue
pas de droits absolus.
Maintenant il y a une
considération sur laquelle j’appellerai l’attention de la chambre, c’est que
déjà la loi est éludée dans plusieurs cas, dans plusieurs provinces ; il
convient donc d’interpréter la loi d’une manière plus large, afin qu’il n’y eût
aucun doute et que la loi soit entendue comme l’a voulu le sénat.
M.
Gendebien. - Le préopinant et le ministre de l’intérieur ont confondu le
fait et le droit, et il n’est pas difficile de le prouver. On vous a dit que le
fait qui donne l’exemption pouvait être postérieur au tirage au sort et donner
lieu à une exemption ; pourquoi ? C’est parce que le droit à l’exemption est
dans la loi antérieure au fait. Dans celle que vous discutez, vous demandez une
exemption par la loi même, et non d’après les faits postérieurs. On a cité un
autre exemple d’exemption, on a dit : Si le ministre de la guerre, après le
tirage au sort, trouvait à propos de changer la taille des miliciens...
M.
Lebeau. - J’ai dit si une loi changeait la taille !
M. Gendebien.
- N’importe ; par une loi ou par un arrêté ministériel... La législature et le
ministre de la guerre sont impuissants sur le passé ; si le ministre de la
guerre prenait un arrêté, la chambre prenait une résolution, tout cela ne
ferait rien, attendu que la loi a déterminé la taille ; il ne dépend pas du
législateur et du ministère de changer l’ordre des droits acquis. Quant à la
compétence des tribunaux, c’est une autre question ; mais je ne veux pas
insister sur ce sujet. Je dirai seulement que si les états-députés donnaient un
effet rétroactif à la loi, les miliciens auraient le droit d’attaquer celui qui
a été exempté, afin de faire réparer le préjudice. C’est là un droit civil
comme tout un autre. Je voudrais bien savoir comment les tribunaux se
déclareraient incompétents, si je venais dire, un numéro à la main : On veut
que je parte à la place d’un autre ; on veut que mon n°4 soit n°3 ; on veut
donner un effet rétroactif à la loi ?
Si je me trompe,
j’adjure les membres de cette assemblée qui ont des connaissances étendues en
jurisprudence, de vouloir bien redresser mon erreur.
M.
Dubois. - Depuis une demi-heure, nous perdons notre temps sur un
incident qui ne conduira à rien, car il n’y a pas de proposition faite, et nous
ne pouvons aller aux voix. Je demande que l’on revienne à l’article premier de
la loi. Après avoir voté cet article, la chambre verra s’il y a lieu à déclarer
la loi applicable au tirage de 1835.
M. Fallon. - Je pense que la loi que nous allons
voter ne peut influer en rien sur les droits acquis par le tirage au sort de
cette année 1835. Quand je tire au sort, je dois jouir des avantages que la
législation existante attribue à mon numéro.
Si, postérieurement au
tirage, il est apporté par une loi des modifications aux exemptions qui
existaient sous l’empire de la loi précédente, il est évident que ces
exemptions ne peuvent atteindre mon numéro. Ce cas-là se présente
continuellement devant les conseils de milice. Par exemple, les lois accordent
une exemption pour le mariage ; mais il ne suffit pas de s’être marié après le
tirage ; la loi veut que le mariage ait lieu avant que le sort ait prononcé. Il
en est de même des enrôlés volontaires ; il n’est plus permis de s’enrôler
volontairement après le tirage, pour être exempté des obligations qu’il impose
: il faut prouver que l’on s’est enrôlé avant le tirage.
Je le répète, la loi que
nous allons voter ne peut avoir d’effet sur le tirage de 1835.
M.
Jullien. - Les principes qui viennent d’être développés sur la
rétroactivité ne souffrent pas de doute. Le droit naît du fait. Le fait du
tirage au sort emporte avec lui tous les avantages et tous les désavantages
attachés au tirage au sort. Il serait impossible, sans donner à la loi un effet
rétroactif, de la faire agir sur le tirage qui serait fait actuellement.
Dans la position des
choses, nous ne risquons rien d’adopter les amendements proposés à la loi que
le sénat nous a transmise ; car il aura le temps de revoir ces amendements.
Je demanderai que l’on
adopte la rédaction que j’avais indiquée d’abord ; c’est-à-dire, au lieu du
mot « parents » de mettre « les ascendants,» puis d’ajouter
« les frères germains, consanguins et utérins, » au lieu de ces mots
: « les frères et demi-frères. »
M.
le président. - L’amendement de M. Jullien, s’écartant le plus de la
rédaction primitive de la loi, sera mis aux voix le premier, selon les usages
de la chambre. D’après cet amendement, il y aurait dans l’article cette
disposition :
« Celui dont les
ascendants, les frères germains, consanguins, ou utérins, ont été ou sont
soutenus aux frais de quelque fonds public. »
- Deux épreuves par
assis et levé, auxquelles on soumet ce amendement, sont douteuses, et l’on
procède à l’appel nominal.
Voici le résultat du
scrutin :
Nombre des votants, 58.
Oui, 29.
Non, 29.
Un membre s’est abstenu.
En conséquence
l’amendement de M. Jullien n’est pas adopté.
M.
le président. - M. de Foere qui s’est abstenu est invité, aux termes du
règlement, à énoncer les motifs de son abstention.
M.
de Foere. - Je me suis abstenu parce que quand une fois les avocats
s’emparent d’une question, il est impossible de n’y plus rien comprendre. (On rit.) Vous venez de voir que, sur 58
membres, 29 ont voté pour et 29 contre. Cela justifie ce que Je viens de dire.
Quant à moi. Je n’y ai
rien compris.
M.
Gendebien. - Cela ne fait tort qu’à vos connaissances.
- L’amendement de la
commission consistant à admettre les mots frères et demi-frères est mis aux voix
et adopté.
L’article premier du
projet ainsi amendé est mis aux voix et adopté.
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article 2.
M.
Devaux. - Je demanderai à la chambre s’il n’est pas convenable, puisque
nous sommes divisés sur l’époque de l’applicabilité de la loi, d’établir si
elle sera applicable ou non en 1835.
M.
Gendebien. - Vous ne pouvez pas plus établir par un article additionnel
que par la loi elle-même qu’elle aura un effet rétroactif. Dans l’autre cas la
proposition que vous faites serait complètement inutile.
M.
Fallon. - Il est des cas où l’on peut faire rétroagir une loi,
lorsqu’il s’agit de la capacité des mineurs par exemple. Mais la loi ne peut
enlever les droits acquis par le tirage au sort.
M.
Devaux. - L’honorable préopinant ne m’a pas compris ; je ne demande pas
que l’on déclare que la loi aura un effet rétroactif, quoique je croie que nous
avons le droit de le faire. Mais je demande si nous ne devons pas établir dans
une loi dont l’interprétation ne sera pas soumise à un pouvoir unique, mais aux
différents conseils de milice des provinces, l’époque où elle sera applicable.
Puisque nous différons d’avis sur cette époque, il est fort possible que dans
les provinces il y ait la même divergence. Si vous croyez que la loi pourra
être appliquée en 1835, dites-le.
M.
Fallon. - La proposition de l’honorable préopinant est rationnelle. La
loi ne pourra probablement pas être mise à exécution pour le tirage de 1835,
qui doit être actuellement terminé ; mais si l’on n’indiquait pas l’époque de son
applicabilité, il arriverait qu’elle ne pourrait être mise à exécution qu’après
la libération de la classe de 1835, attendu que ceux qui ont à présenter
pendant 5 ans un certificat de libération annuelle devraient le faire sous
l’empire de la loi antérieure. J’appuie la motion de l’honorable M. Devaux.
- L’art. 2 est mis aux
voix. Il n’est pas adopté.
M.
le président. - Nous passons au vote des considérants.
« Revu les lois sur
l’organisation de la milice nationale des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820, dans
leurs dispositions qui concernent les exemptions à accorder aux miliciens fils
uniques légitimes, uniques frères non mariés d’une famille, fils ou petits-fils
d’une veuve, d’une femme légalement séparée, divorcée ou abandonnée depuis
quatre ans, frères ou demi-frères d’orphelins à l’entretien où à la subsistance
desquels ils pourvoient par le travail de leurs mains ;
« Considérant que ces
lois excluent de l’exemption ceux dont les parents ont reçu ou reçoivent des
secours de quelque fonds public, quelle qu’en soit d’ailleurs la quotité ;
« Considérant que
de l’application de cette disposition naissent des inconvénients graves, qui
doivent être évités à l’avenir, dans l’intérêt des familles malheureuses ;
« Nous avons, de commun
accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit : »
La commission propose
d’ajouter un nouveau considérant qui prendrait place après le premier
paragraphe et qui est ainsi conçu :
« Revu l’art. 10 du
décret contenant l’organisation du premier ban de la garde civique du 18
janvier 1831 ; »
M.
Dubois propose le sous-amendement suivant :
« Revu les décrets
organiques de la garde civique du 18 janvier 1851, art. 10, et celui du 22 juin
suivant, art, 24 et suivants ; »
- Le sous-amendement de
M. Dubois est adopté, ainsi que les considérants modifiés par cet amendement.
M.
le président. - Les amendements ayant été adoptés, le vote définitif
aura lieu dans la séance de jeudi.
PROJETS DE LOI PORTANT
1° SUR
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour présenter
deux projets de loi relatifs, l’on à la réorganisation de la commission des
monnaies, l’autre à un échange avec la régence de Thielt.
Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression !
M.
le président. - La chambre donne acte à M. le ministre de la
présentation des projets de loi qui viennent d’être déposés sur le bureau. Ils
seront imprimés, distribués et renvoyés à l’examen des sections.
- La séance est levée à
4 heures trois quarts.