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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 13 février 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant organisation des communes. Dispositions financières. Subsides
aux fabriques d’église et aux ministres des cultes (notamment vicaires et desservants)
((mise à l’ordre du jour ) (de Theux, Thienpont, Van Hoobrouck, Lardinois, de Muelenaere, Gendebien, F. de Mérode, Lardinois, Dubus), A. Rodenbach, d’Huart, Raikem, Dubus, Jullien,
de Theux, Dumortier, Lardinois, A. Rodenbach, de Theux, de Foere, Lardinois, Raikem, Jullien, Dubus, F.
de Mérode, Dumortier, d’Huart,
de Theux)
3)
Demande de renseignements relative à l’expulsion d’un étranger (de Brouckere, de Theux, Van Hoobrouck, Ernst, Gendebien)
(Moniteur belge n°46, du 15 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La dame A. Caenen,
épouse Lenoir, se plaint d’une exonération de services religieux commise à son
préjudice. »
_______________
« Le sieur Jacques
Strunck, né à Arnhem (Gueldre), demande la naturalisation. »
_______________
M. le
président. - Voici les noms des membres composant la commission pour l’examen
des certificats de milice : MM. Simons, de Nef et Dubois.
M. le président. - La question soumise à la
chambre et de savoir si l’on s’occupera d’abord des pétitions, ou si l’on
reprendra la discussion entamée hier sur le fait de savoir à la charge de qui,
de l’Etat ou des communes, incomberont les traitements du clergé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- On pourrait, je pense, commencer par les pétitions. Je sais qu’il y a de mes
collègues qui doivent demander la parole sur la question qui est en discussion
en ce moment, et ils ne sont pas présents. Je ferai de plus observer à la
chambre que l’on discute en ce moment une question au sénat à laquelle je
voudrais assister. Je reviendrais immédiatement après la solution.
M.
Thienpont. - La question est arrivée à tel point que tout le monde doit
être suffisamment éclairé ; il serait mieux, je crois, de terminer.
M. Van
Hoobrouck. - Je ferai
observer que hier déjà dix honorables membres ont demande la clôture.
M. Lardinois. - On n’a entendu que deux ou
trois orateurs en faveur du projet de la section centrale. Je désirerais être
entendu pour donner les motifs de mon vote.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs, si on veut prononcer la clôture et procéder
au vote, je ne m’y oppose pas ; mais si on doit se prononcer sur la priorité,
on ne peut se refuser à accorder à M. le ministre de l'intérieur de se rendre
au sénat où il est appelé par la question qui s’y discute. Je crois qu’il
serait prudent de s’occuper d’abord des pétitions.
M. Gendebien. - Nous demandons d’aller au voix
: de cette manière le ministre se trouvera de suite libéré, et il pourra se
rendre au sénat et y rester tant que bon lui semblera.
M. F. de Mérode. - Je demande la parole
contre la clôture. Il s’agit ici de charger le budget de 800,000 fr., d’un
million à peu près ; et, remarquez-le bien, il ne s’agit pas d’une chose
transitoire, mais bien d’une chose à perpétuité.
M.
Lardinois. - Ainsi que l’a dit l’honorable préopinant, il s’agit de
charger le budget d’une somme de près d’un million. Je crois que la question
n’a pas été développée suffisamment hier, d’autant plus que plusieurs villes,
et celle de Verviers notamment, protestent contre le paiement du vicaire par la
commune.
M.
Dubus. - Je viens appuyer la clôture. Je crois que la question a été
épuisée dans la séance d’hier. La chambre peut avec toute certitude réclamer
d’aller aux voix. L’honorable M. de Mérode a mauvaise grâce à se prononcer
contre la clôture, car hier il a eu le dernier la parole et a pu dire tout ce
qui lui semblait bon. Maintenant il veut qu’on reprenne de nouveau la
discussion sur le fond, comme si la question n’était pas arrivée à un point de lucidité parfaite, comme si tout ce
qui sera porté au budget de l’Etat ne soulagera pas d’autant celui des communes
; et n’est-ce pas la même chose ? On augmente le budget de l’Etat, on diminue
celui des communes, ce n’est qu’un transfert. Tout cela d’abord sera résolu au
second vote, et ainsi si quelqu’un a des observations à faire, il sera à même
de les faire valoir.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si on doit
ou non continuer la discussion commencée hier, ou si la priorité sera accordée
aux pétitions.
- La chambre consultée décide
que la discussion sera continuée.
Discussion des articles
Titre III. - De l’administration des biens et
revenus de la commune.
Chapitre Ier. - Des charges et dépenses
communales.
Article 129 (du
projet du gouvernement) et article 127 (du projet de la section centrale)
Plusieurs membres. - La clôture !
M.
A. Rodenbach. - Je suis d’avis, messieurs, qu’on ne peut pas encore
clôturer. Mon opinion est encore flottante, et je déclare que je ne pourrais
pas voter si la discussion ne continue pas. Je désire que les orateurs
répondent aux questions que je me propose de leur faire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
demande également que la discussion continue, car il s’agit effectivement de
grever le budget de l’Etat d’un million. J’étais aussi membre du congrès,
messieurs, et je suis resté, en votant l’art. 117, sous l’impression que ce qui
était en activité à cette époque, demeurait maintenu. Je me réserve de
reprendre la parole sur la question dans le cours de la discussion.
M. Raikem. - Je ne crois pas, messieurs, qu’il
soit possible de clôturer : hier on a entendu les orateurs qui se prononçaient
contre le projet de la section centrale ; plusieurs autres membres se proposent
de la demander dans un sens contraire, il n’y a donc pas lieu à prononcer la
clôture.
M. Dubus. - Je m’étonne qu’on se serve d’un
pareil moyen pour prolonger sans fin une discussion épuisée déjà. Si vous
n’avez entendu que des orateurs qui ont combattu la proposition de la section
centrale, c’est que personne ne s’est levé pour la défendre. Il a fallu que ce
fût l’honorable rapporteur de la section centrale qui prît la parole pour la
soutenir. Admettez-vous qu’on puisse laisser parler des orateurs contre un
projet, puis que des autres arrivent en masse pour enlever un vote ? Ceux qui
voulaient défendre la proposition de la section centrale devaient répondre à
l’appel qui leur a été fait par un honorable collègue, qui, avant de parler
contre cette proposition, a demandé si on désirait prendre la parole pour la
soutenir.
M.
Jullien. - Vous aurez beau agiter la question dans tous les sens, la
retourner sous toutes les faces, il ne vous sera pas possible d’en sortir.
Toute la question est de savoir si l’art. 117 de la constitution est explicite
ou non, et d’un autre côté, si les traitements des ministres des cultes doivent
être à la charge de l’Etat ou des communes. Que ce soit à celle de l’un ou de
l’autre, cela n’en retombera pas moins sur les contribuables. Et vous serez
toujours obligés d’en revenir à l’article 117 de la constitution. Je demande la
clôture, la question est assez claire pour cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant demande la clôture, parce que, selon lui, la question
est suffisamment éclaircie : d’honorables membres ne partagent pas cette
opinion, et il est juste d’entendre également chacun à son tour. Il n’est pas
exact, comme l’a dit l’honorable député de Tournay, qu’on se soit réuni en
masse pour venir aujourd’hui soutenir la proposition de la section centrale :
nous serions aussi en droit de dire qu’on s’est réuni en masse hier pour
l’attaquer. Ce sont là des suppositions gratuites qui n’ont point de fondement.
La discussion d’hier a soulevé plusieurs objections contre le projet de la
section centrale ; aujourd’hui qu’on a eu le temps de réfléchir, on désire
répondre à ces objections : c’est, il me semble, une marche très rationnelle.
Elle est d’ailleurs justifiée par des antécédents de la chambre ; et, dans des
discussions beaucoup moins importantes que celle qui nous occupe, on n’a pas
fait de difficultés pour discuter plus longuement. Je répète donc qu’il ne me
paraît pas convenable de demander la clôture.
M. Dumortier. - Je m’étonne de ce qu’on vienne
s’opposer à la clôture. L’honorable M. Dubus vous a dit que dans la séance
précédente cinq orateurs avaient pris la parole contre la proposition de la
section centrale, et quand mon tour fut arrivé, j’ai demandé si quelqu’un
voulait prendre la défense de cette proposition, attendu que personne ne
l’avait fait jusque-là. Personne encore ne la demanda. On n’était pas préparé ;
il a fallu 24 heures pour trouver des arguments, tandis qu’à moi il ne m’a
fallu qu’ouvrir la constitution, pour être convaincu de la clarté du texte de
l’article 117. Quand la chambre demande la clôture, c’est que sa conviction est
formée, et dans une question aussi claire que celle qui nous occupe, toutes les
opinions sont fixées. Tout le monde unanimement demande la clôture ; moi-même
j’ai renoncé à la parole, parce qu’il n’a semblé que c’eût été prolonger une
discussion oiseuse. En vain vient-on me dire qu’il s’agit de mettre un million
à la charge du budget de l’Etat. La question est de savoir si la constitution
est véritable ou non. Si cette somme est à la charge de l’Etat, c’est le
congrès qui l’a voulu, et nous serons toujours obligés de revenir au texte de
la constitution. En définitive, la constitution entend-elle ou non que ces
traitements soient à la charge du trésor ?
M.
Lardinois. - Nous disons non.
M.
Dumortier. - On veut me faire sortir de la question de clôture, je le vois
bien. Je dis moi que la question est si claire, qu’il est urgent de décider la
clôture, si vous ne voulez pas vous exposer à une perte de temps ; et je pose
en fait que les opinions sont si arrêtées, que toutes les discussions
n’amèneront à rien.
M. le
président. - L’appel nominal étant demandé, il va y être procédé sur la
question de savoir si la clôture doit être adoptée ou non.
- 71 membres ont pris part au
vote ;
48 ont répondu non,
22 ont répondu oui,
1 s’est abstenu.
En conséquence, la clôture
n’est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM.
Coppieters, Corbisier, Dautrebande de Foere, de Meer de Moorsel. de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Stembier,
Dewitte, Doignon, Dubus, Dumortier, Fallon, Hye-Hoys, Jullien, Olislagers,
Thienpont, Trentesaux, Van Hoobrouck, L. Vuylsteke.
Ont répondu non : MM. Bekaert,
Berger, Brabant, Brixhe, Cols, Dams, de Behr, de Brouckere, de Longrée, de Man
d’Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Sécus,
Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, d’Hane, d’Huart, Dubois, Dumont, Eloy
de Burdinne, Ernst, Fleussu, Jadot, Lardinois, Legrelle, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Troyes, Raikem, A. Rodenbach,
Schaetzen, Seron, Simons, Ullens, Vanderbelen,, Vanderheyden, Verdussen, H.
Vilain XIIII,,C. Vuyslteke, Wallaert, Watlet, Zoude.
M.
le président. - Aux
termes du règlement, M. Gendebien est invité à donner les motifs de son
abstention.
M.
Gendebien. - Je me suis abstenu parce que j’ai pensé que des
discussions plus longues étaient inutiles en présence d’un texte aussi clair
que celui de la constitution, et d’un autre côté, parce que des orateurs ayant
annoncé qu’ils avaient d’excellentes choses à nous dire, je serais charmé de
les entendre.
M. A. Rodenbach. - Je ne pense pas avoir dit
que j’eusse d’excellentes choses à dire, mais avant d’émettre mon vote, je veux
encore m’éclairer. Lors du congrès, l’honorable M. Jottrand a fait un
amendement tendant à imposer la province et la commune de la charge des
traitements des vicaires. Cet amendement n’a pas été adopté par le congrès.
Qu’a fait M. Thienpont ? il a fait un autre extrême. Il a proposé que le gouvernement
fût seul chargé de ces paiements. Mais alors M. Destouvelles voyant que ces
deux propositions ne pouvaient obtenir la sanction de l’assemblée a voulu
transiger avec ces deux opinions tranchantes, et alors il a fait une
proposition que je puis appeler de juste milieu, en biffant l’exclusivement de l’honorable M. Thienpont. C’est-à-dire il a voulu
que le gouvernement ne fût pas seul chargé d’acquitter ces traitements. Je
pense que beaucoup de membres du congrès ont voté dans cette opinion. Je désire
m’éclairer et n’ai point encore de conviction bien établie à ce sujet.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, je croyais avoir suffisamment démontré hier à l’honorable
assemblée, en rappelant ce qui s’était passé au congrès le 27 janvier et le 5
février, que l’amendement de l’honorable M. Destouvelles a eu pour objet de
maintenir le statu quo, attendu que, dans la séance du 5 février, qui est celle
où cet amendement fut adopté, les amendements de MM. Jottrand et Thienpont,
présentés dans la séance du 27 janvier, n’ont pas seulement été défendus, et
que la discussion a exclusivement roulé sur cette question : « Les
traitements tels qu’ils existaient alors, resteront-ils invariables à tel point
que la législature ne pourra pas y toucher ? » L’amendement de M.
Destouvelles qui cite le résultat de cette dernière discussion, n’a d’autre but
que de laisser à la législature le droit de réviser les traitements en lui
imposant l’obligation de voter les sommes nécessaires.
Maintenant, messieurs, l’on a
dit : Mais l’art. 117 est tellement clair qu’il n’est pas susceptible de
discussion. S’il en est ainsi, je demanderai aux honorables orateurs qui sont
frappés de cette clarté, pourquoi, depuis trois ans, ils n’ont pas proposé de
porter au budget les sommes nécessaires au traitement des vicaires ; car si
l’art. 117 est si précis, depuis trois ans nous avons violé la constitution en
laissant à la charge des communes le paiement de ces traitements. Non seulement
les chambres n’ont pas porté l’allocation au budget pas plus que le
gouvernement, mais je dirai que parmi le grand nombre des communes qui paient
des traitements, il en est très peu qui aient réclamé ; celles qui ont réclamé
sont les communes de Liége, Verviers et Namur.
L’honorable M. Dubus a cru
combattre péremptoirement mon opinion sur l’abrogation des lois ; mais, dans la
discussion à laquelle il s’est livré sur ce point, il a raisonné dans un autre
ordre d’idées que celui présenté par l’art. 117 de la constitution ; ainsi en
parcourant le titre de la constitution relatif aux droits des Belges, il a
soutenu que ces dispositions, quoique générales, abrogent toutes les
dispositions spéciales antérieures.
Les droits politiques sont
établis dans la constitution en faisant abstraction des droits préexistants,
et, pour ce cas, le raisonnement doit être différent que quand il s’agit d’une
dette de l’Etat. Toutefois, dans les dispositions du titre II de la
constitution, il y aurait encore matière, en certaines circonstances, à
révoquer les lois antérieures. En voici un exemple. Chacun de nous connaît un
arrêt récent de la cour de cassation, provoqué par l’application de l’art. 19
de la constitution. D’après cet article les Belges ont le droit de s’assembler paisiblement
et sans armes… en se soumettant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce
droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
Or, il s’est présenté la
question de savoir si l’on pouvait donner des bals dans les cabarets sans l’autorisation
préalable des autorités municipales, ainsi que le prescrit la loi de 1790 ; et
la cour de cassation a déclaré que la constitution n’avait pas détruit les
dispositions de cette loi qui soumettent les cabaretiers à demander une
autorisation préalable. Cet exemple prouve donc qu’il n’est pas exact
d’affirmer qu’on ne peut invoquer aucune loi spéciale antérieure à la
constitution.
J’ai soutenu que l’article 117
avait pour objet de garantir une dette de l’Etat, et non d’étendre cette dette.
D’après les lois sur l’expropriation du clergé, l’Etat s’était reconnu débiteur
envers les ministres du culte ; néanmoins on a fait exception à l’égard des
traitements des vicaires et des suppléments de traitements des desservants ;
l’Etat n’accordait qu’un traitement uniforme
aux desservants et imposait les suppléments de traitements aux grandes
communes. La loi fondamentale des Pays-Bas avait rendu constitutionnelle cette
obligation légale et d’équité ; notre constitution n’a eu également pour but
que de donner une garantie constitutionnelle à cette dette.
Voilà dans mon opinion le
véritable sens de l’article 117. Et c’est en matière de dette que l’on doit
bien se garder de trouver dans une disposition subséquente une extension à des
dispositions antérieures ; la disposition subséquente ne doit être considérée
que comme la reproduction de la disposition primitive.
Mais, poursuivent les
adversaires de l’amendement, peu importe que cette obligation soit à la charge
de l’Etat, ou à la charge de la commune. Je crois avoir montré que ce n’est pas
là une chose indifférente.
En ne considérant que le
chiffre de 800,000 fr. qui est maintenant à la charge des communes, il faudra
ajouter deux et demi pour cent à la contribution foncière et personnelle pour
l’obtenir, et c’est là une augmentation très notable. Ne pensez pas que les
communes vous fourniront ces deux et demi pour cent dans l’état actuel des
choses. La ville de Bruxelles, par exemple, n’a aucune somme pour supplément de
traitement à son budget. Si vous l’imposez de deux et demi pour cent, elle
paiera trente mille fr. de plus qu’elle ne paie aujourd’hui. On pourrait citer
d’autres exemples qui montreraient que le changement de système produira des
charges considérables sur les habitants d’un bon nombre de communes.
Je ferai
remarquer que si par le décret du 2 novembre 1789 l’assemblée constituante a
mis à la charge de l’Etat tous les traitements des ministres des cultes, on a
senti la nécessité d’en excepter les traitements des vicaires ; en France ces
traitements sont à la charge des fabriques et des communes. Pourquoi ? parce que l’on a compris la difficulté que présenterait
l’augmentation des contributions. D’ailleurs le système de laisser les communes
subvenir au déficit des fabriques présente cet avantage que les besoins étant
communaux les autorités communales peuvent en apprécier la nécessité.
De cette manière, en effet,
les intérêts locaux étaient garantis et le service du culte assuré.
A l’appui de notre doctrine,
nous pouvons encore citer un exemple et nous le trouvons dans la charte
française. L’art. 6 de la charte dit que les ministres de la religion
chrétienne, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français, et
ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du trésor public.
Voilà une disposition aussi générale que celle de l’art. 117 de la constitution
; cependant aujourd’hui encore les traitements des vicaires continuent à être à
la charge des communes, sauf le supplément de 350 fr. qui est au budget de
l’Etat. Pourquoi a-t-on cru devoir en agir ainsi ? C’est parce que les auteurs
de la charte n’ont pas voulu étendre les obligations de l’Etat, mais seulement
donner une sanction constitutionnelle à la dette de l’Etat.
Jamais en France on n’a
soutenu que les traitements des vicaires dussent être à la charge de l’Etat ;
ce n’est qu’en Belgique, et dans quelques localités, que l’on a prétendu qu’il
devait en être ainsi.
M.
de Foere. - Je ne veux pas agiter de nouveau les questions qui ont été discutées
; car, à mon avis, le ministre de l’intérieur n’a rien dit qui atténue les
objections des adversaires de sa proposition. Ce ministre prétend que c’était
l’opinion de l’assemblée constituante de ne pas rétribuer tous les ministres
des cultes ; vous savez que Mirabeau a exercé la plus grande influence sur la
délibération de cette assemblée ; vous savez, d’un autre côté, par toutes les
pièces diplomatiques et par toutes les transactions qui ont eu lieu entre le
souverain pontife et le gouvernement français, par le concordat qui a été si
lumineusement analysé par M. Barthélemy, que c’est en raison des biens pris au
clergé que le gouvernement s’est chargé des traitements. Or voici qu’elle a été
l’opinion de Mirabeau sur cette question. Il a déclaré que si le clergé n’avait
pas de revenus et de biens, l’Etat serait obligé de le salarier, et il a dit en
outre :
« Mon objet n’a point été
de montrer que le clergé dût être dépouillé de ses biens, ni que d’autres
citoyens, ni que d’autres acquéreurs dussent être mis à la place.
« Je n’ai pas non plus
entendu soutenir que les créanciers de l’Etat dussent être payés par les biens
du clergé, puisque, dit-il, il n’y a pas de dette plus sacrée que les frais du
culte, l’entretien des temples et les aumônes des pauvres.
« Je n’ai pas voulu dire
non plus, qu’il fallût priver les ecclésiastiques des biens et des revenus dont
le produit doit leur être assuré. Eh ! quel intérêt
aurions-nous à substituer les agents du fisc à des économes fidèles, et des
mains toujours pures à des mains si souvent suspectes ?
« Qu’ai-je
donc, messieurs, voulu montrer ? Une seule chose : C’est qu’il est, et
qu’il doit être de principe, que toute la nation est seule le véritable
propriétaire des biens de son clergé. Je ne vous ai demandé que de consacrer ce
principe, parce que ce sont les erreurs et les vérités qui perdent ou qui
sauvent les nations. Mais, en même temps, afin que personne ne pût douter de la
générosité de la nation française envers la portion la plus nécessaire et la
plus respectée de ses membres, j’ai demandé qu’il fût décrété qu’aucun curé,
même ceux des campagnes, n’auraient moins de
Maintenant, il est bien établi
que l’Etat s’est chargé du traitement des ministres du culte ; que c’est
l’équité qui impose cette charge au trésor public ; or, dans notre pays, les
vicaires recevaient des traitements sur les biens du clergé, et puisque l’État
s’est emparé de ces biens, la conséquence est positive, est formelle ; l’Etat
doit aux vicaires aussi bien qu’aux curés les traitements, attendu que les
fondations pour les vicaires ont été spoliées par l’Etat, comme les biens sur
lesquels les curés recevaient des traitements.
Je pourrais développer
d’autres raisonnements, mais je craindrais de répéter ceux qui ont été si bien
exposés par d’autres orateurs, et je m’arrêterai là.
M.
Lardinois. - La question qui nous occupe ne peut être bien traitée que
par ceux qui ont fait une étude approfondie des principes de droit, et qui
savent disséquer un système pour en démontrer la théorie vraie ou fausse. En
pareille occurrence je me fais un devoir d’écouler, en silence, les différents
arguments, afin de former ma conviction et de voter avec connaissance de cause.
Je n’ai donc d’autre but en prenant la parole que d’expliquer les motifs de mon
vote.
Vous aurez remarqué avec moi,
messieurs, que les jurisconsultes distingués qui ont parlé sur l’article 129,
paragraphe 9, de la loi communale, modifié par M. le ministre de l’intérieur,
ne sont pas d’accord entre eux. Ils invoquent tour à tour à l’appui d’opinions
divergentes l’article 117 de la constitution, et chacun l’explique à sa
manière, c’est-à-dire avec une interprétation différente.
Je veux bien reconnaître avec
un honorable orateur que le texte de ce dernier article est clair et qu’il
n’offre aucune ambiguïté ; mais je demanderai si, en fait, il n’y a pas eu
contrariété entre ce qui se pratiquait, au sujet des traitements d’une partie
des ministres du culte catholique, avant et depuis la révolution, et la disposition,
que vous prétendez absolue, de l’article 117 de la constitution En d’autres
termes, les vicaires n’ont-ils pas été jusqu’à présent salariés par les
fabriques ou par les communes.
Malgré quelques protestations
isolées, je pense que les lois et arrêtes qui régissent la matière ont été
généralement exécutés dans le pays, et que les administrations communales n’ont
pas cru violer la constitution en se conformant à ces dispositions antérieures
à l’article 117. Dans ce cas et quelle que soit la précision du texte de cet
article, ne doit-on pas rechercher quelle a été la pensée du congrès en
décrétant cette disposition ?
Pour moi, je ne me laisserai
pas arrêter par cette imputation devenue presque banale, à cause de la fausse
application qu’on en fait souvent, de violer le pacte fondamental chaque fois
qu’on n’en observe pas minutieusement la lettre. Je respecte tous les scrupules
constitutionnels, mais dans le doute je crois qu’on doit toujours expliquer la
constitution en faveur du pays et de ses institutions.
En remontant aux discussions
qui ont eu lieu dans le sein du congrès on voit que la nation a voulu, par
l’art. 117 de la constitution, consacrer un acte de justice en mettant à la
charge de l’Etat les traitements et pensions des ministres des cultes. Les uns
étaient guidés par le motif que le clergé ayant été dépouillé de ses biens
avait droit à une indemnité, les autres (et j’étais de ce nombre) entendaient
uniquement rétribuer un service public. Mais prétendre que son intention était
de changer ou de dépasser les bases que l’on suivait à cette époque, je
soutiens que telle n’a pas été la pensée du congres
national.
En effet, si l’on consulte les
procès-verbaux des sections, on remarque que l’idée principale qui y a dominé
était de garantir aux ministres des cultes les avantages pécuniaires dont ils
jouissaient alors ; et pourvu que cette garantie fût écrite dans la
constitution, on ne s’embarrassait pas de quelle manière elle serait réglée
ultérieurement. Aussi la section centrale résumant toutes les opinions adopta à
l’unanimité la rédaction suivante :
« Les traitements,
pensions et autres avantages de quelque nature que ce soit, dont jouissent
actuellement les différents cultes et leurs ministres leur sont garantis.
« II pourra être alloué
par la loi un traitement aux ministres qui n’en ont point, ou un supplément à
ceux dont le traitement est insuffisant. »
Veuillez faire attention,
messieurs, à ce dernier paragraphe, vous reconnaîtrez que la pensée formelle du
congrès était d’abandonner quelque chose à la loi en ce qui concernait les
traitements des ministres des cultes. Remarquez aussi que la section centrale
ne perdait pas de vue l’actualité et dit : « Les traitements, etc., dont
jouissent actuellement les différents cultes et leurs ministres, leur sont
garantis. »
L’article 117 de la
constitution exprime la même garantie ; il ne diffère de celui de la section
centrale que par les termes. A la vérité, le mot actuellement ne s’y trouve pas inséré ; mais qu’on me prouve qu’il
a été supprimé à dessein et que l’intention du congrès a été de porter à la
charge de l’Etat tous les traitements quelconques des ministres des cultes, et
je ne balancerai alors pas à adopter l’opinion de ceux qui argumentent du texte
précis de l’art. 117 de la constitution.
En attendant cette preuve, je
conclus de ce qui précède que le congrès national n’a voulu formuler qu’un
principe, et quant au mode d’application, se rapporter à l’état de choses
existant en 1830. Si je recueille mes souvenirs, mon opinion se trouve encore fortifiée
lorsque je me rappelle que je trouvais énorme le sacrifice de quatre millions
que nous imposions à l’Etat en faveur d’un corps qui voulait être indépendant
du gouvernement. Je suis persuadé que si dans cette circonstance on avait
proposé de mettre à charge de l’Etat les traitements des vicaires et
chapelains, cette proposition eût été repoussée à une forte majorité par la
raison que cette dépense incombe davantage aux fabriques d’églises ou aux
communes en cas d’insuffisance des revenus des fabriques
A part la question de principe
je voudrais bien savoir quelle utilité présente le système préconisé par les
adversaires qui combattent les conclusions du rapport de la section centrale ?
Certainement ce n’est pas le trésor public qu’ils veulent ménager en demandant
qu’on fasse figurer chaque année au budget des dépenses un million de plus pour
le culte catholique. Ce n’est pas non plus dans l’intérêt des communes qu’ils
plaident, car peu importe aux contribuables qu’ils paient un salaire légitime,
soit directement par la caisse communale, ou indirectement par la caisse de
l’Etat.
L’on objecte qu’il est
nécessaire de faire figurer au budget de l’État toutes les dépenses relatives
aux cultes, parce qu’alors on sera effrayé de l’élévation du chiffre, et que ce
sera un frein à la dispensation de nouvelles faveurs pour leurs ministres. Si
j’avais la certitude d’un pareil résultat, cette économie exercerait sans doute
une influence sur mon opinion, mais je crois qu’on s’abuse à cet égard ; je
pense que l’économie se rencontrera en maintenant le système actuel qui est
celui du gouvernement et de la section centrale. Admettre le contraire,
considérer comme absolu le texte de l’article 117 de la constitution sans
permettre qu’on en recherche l’esprit, c’est vouloir enchaîner le droit
politique ; c’est aussi plaider une cause non en faveur du trésor public, ni
des communes, mais dans l’intérêt presque exclusif des fabriques d’églises.
Il n y a
qu’à ouvrir les yeux et examiner ce qui se passe en Belgique depuis la révolution
pour résoudre la question d’économie. Quelle profusion, messieurs, de dons et
legs aux fabriques d’église ! Bientôt elles posséderont toutes des revenus
suffisants pour pourvoir à leurs dépenses. Que demande le gouvernement ? Que
vous laissiez les traitements des vicaires à la charge des fabriques,
c’est-à-dire que vous dispensiez l’Etat et plus tard les communes de cette
dépense obligatoire. Je ne doute pas que la majorité de la chambre n’adhère à
une proposition aussi avantageuse que rationnelle. Quant à moi je suis décidé à
lui donner mon assentiment, à moins qu’on ne me démontre clairement que
l’intention du congrès a été d’imputer au budget de l’Etat le paiement des
traitements en général des ministres des cultes.
Je finirai par me joindre à
ceux de mes collègues qui ont exprimé le vœu d’une amélioration dans le sort
des vicaires et des curés de campagnes, ce sont ceux qui rendent le plus de
services réels.
J’ai dit.
M.
Raikem. - Messieurs, je ne me proposais pas de prendre la parole dans
cette discussion ; mais un honorable membre ayant déclaré que son opinion était
contraire à celle de la majorité de la section centrale dont il est
ordinairement l’organe, j’ai cru devoir par quelques mots motiver mon vote en
faveur des conclusions qu’elle a prises. J’ai toujours partagé l’avis de la
majorité de la section centrale.
Toute la discussion roule sur
cette partie de l’amendement, qui met à la charge des communes les subsides aux
ministres des cultes. Je m’occuperai de la question constitutionnelle que cet
objet soulève, et je m’abstiendrai de toute question étrangère ; je me
renfermerai donc dans cette unique question : L’article 117 de la constitution
s’oppose-t-il à ce que cette partie de l’amendement, y compris les subsides aux
ministres des cultes, soit adoptée ; et s’il ne s’y oppose pas y a-t-il lieu à
l’adopter ?
Je crois que, dans cette
assemblée, chacun est d’avis que les vicaires doivent avoir un traitement
convenable, un traitement qui les mette dans une position décente, et en
harmonie avec la gravité de leurs fonctions ; et l’on a déjà fait observer que
si le traitement est à la charge de l’État ou à la charge de la commune, le
résultat est le même pour les contribuables, ce sont toujours eux qui le paient
en définitive.
J’arrive maintenant à la
question de constitutionnalité.
On a parlé de l’art 7 de la
charte française de 1830 et on l’a mis en rapport avec l’art. 117 de la
constitution ; permettez-moi aussi de revenir sur ces deux textes et de les
comparer.
L’article de le charte française porte :
« Les ministres de la
religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des
Français, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du
trésor. »
Et l’art. 17 de notre pacte
constitutionnel porte :
« Les traitements et
pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat ; les sommes
nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. »
D’après la charte française
les ministres du culte reçoivent des traitements du trésor public ; cela y est
écrit en toutes lettres. On conviendra que si le mot exclusivement se trouvait dans la charte, son expression serait
claire, et qu’alors les ministres ne pourraient recevoir des traitements que du
trésor public et ne pourraient pas en recevoir d’ailleurs. Mais si les
ministres du culte, d’après la charte, reçoivent des traitements du trésor
public, ces traitements sont donc à la charge de l’Etat, car le trésor public
est trésor de l’Etat, et ce que paie le trésor est une charge de l’Etat. Rien
n’est plus clair.
S’il y a en France des
ministres du culte qui ne reçoivent pas de traitements du trésor, il sera donc
vrai de dire qu’en France tous les ministres du culte ne reçoivent pas des
traitements à la charge de l’Etat, et la locution employée dans l’art. 7 de la
charte, quoique générale, quoique se présentant dans un sens absolu, ne
comprend pas tous les ministres du culte, ni tous les traitements des ministres
du culte ; et cependant il est formellement stipulé que les ministres du culte
reçoivent des traitements du trésor public. Or, quelle différence y-a-t-il
entre cette locution : « Les traitements et pensions des ministres des
cultes sont à la charge de l’Etat, » et celle-ci : « Les ministres
des cultes reçoivent des traitements du trésor public ? »
Il n’y a de différence que
dans les termes, dans la tournure de la phrase ; mais au fond, les deux
locutions expriment une seule et même chose ; et l’on sait que les lois sont
faites pour les choses et non pour les mots.
Et remarquez que ni l’une ni
l’autre de ces expressions ne déterminent la quotité des traitements. Il est
vrai que dans l’article 117 on dit qu’il faudra porter au budget les sommes
nécessaires, mais cette obligation n’est que la mise à exécution de la disposition
qui précède, et ne change nullement cette disposition qui est identiquement la
même que celle de la charte française, malgré la différence des termes. Eh bien
vous savez comment l’art. 7 de la charte a reçu son exécution et quel sens on y
attache.
Vous savez de plus qu’au
congrès un honorable membre de cette assemblée constituante avait proposé
l’amendement suivant :
« Les traitements des
ministres du culte sont payés exclusivement par le trésor. » Sans doute
que l’auteur de l’amendement attachait un certain sens à cette rédaction qui
n’était pas la même que la rédaction primitive de l’article ; vous savez encore
que cette rédaction n’est pas celle de la constitution ; donc le congrès n’a
pas voulu adopter une disposition absolue ; s’il l’avait voulu, il aurait admis
le mot exclusivement.
Mais, dit-on, l’expression est
exclusive par cela seul qu’elle est générale ; et on s’appuie de règles connues
pour soutenir cette opinion : « Quand il a pas d’ambiguïté dans
l’expression, on ne doit pas rechercher la volonté. Quand la loi ne distingue
pas, on ne doit pas distinguer. »
Je répondrai qu’on trouve
aussi des maximes de droit pour appuyer l’opinion que je partage.
En voici qui ne sont pas sans
valeur : « La lettre tue, l’esprit vivifie. » Il faut plutôt s’attacher
à l’intention qu’aux expressions ; les termes ne sont employés que pour
exprimer la pensée ; ainsi attachez-vous à l’intention, à la pensée. Quand je
compare ces règles de droit à celles qu’on nous oppose, je préfère ces
dernières qui prescrivent de s’attacher à la pensée du législateur, à son
intention, plutôt qu’à ses expressions. Or, ici vous devez voir l’intention du
législateur ; une loi claire et précise n’a pas besoin de commentaires pour son
exécution, ainsi l’article 117 a-t-il paru jusqu’à ce jour d’une exécution
facile. Cette amendement qui nous occupe tant actuellement : « y compris
les traitements des ministres des cultes, » s’exécutait réellement sans la
loi communale ; c’était là le sens que l’on donnait à l’article 117.
D’abord, une bonne partie des
membres qui avaient siégé au congrès se trouvaient dans la première séance
législative. Leur premier soin aurait été de demander qu’on portât au budget
tous les traitements des ministres des cultes, y compris ceux des vicaires, de
cette classe si intéressante de ces ministres. Eh bien, personne n’en parle,
personne ne pense que cet article de la constitution soit si clair, si évident
qu’on vient de le prétendre ; cependant il s’agissait d’un simple calcul et on
n’avait pas besoin de loi communale pour faire ce calcul. On en conviendra,
dans les budgets de 1832 et 1833 aucune difficulté ne se présente à cet égard,
et pendant ces années aucune contestation que je sache n’est élevée par les
communes, et elles portent à leur budget, comme précédemment, les traitements
des vicaires, ou plutôt les subsides alloués aux fabriques pour le traitement
des vicaires.
Or, vous le savez, c’est un
bon moyen de déterminer le véritable sens d’une loi que de voir comment elle a
été exécutée dans le principe, et alors que les traditions de l’intention du
législateur étaient encore fraîches et présentes à la mémoire. C’est seulement
en 1834 que non pas toutes les communes mais quelques communes seulement, ont
refusé d’allouer le traitement des vicaires. Il est singulier, il faut en
convenir, que l’art 117 de la constitution que l’on prétend si clair, n’ait
frappé ni la chambre ni les communes avant cette année 1834.
Est-ce que jusque-là on avait
été frappé d’aveuglement, et nos yeux ne se sont-ils ouverts à la lumière que
deux ou trois ans après la promulgation de la constitution ?
Remarquez que cet art. 117 de
la constitution ne crée pas un état de choses nouveau, il trouve un état de
choses existant avant la constitution ; il y avait des vicaires avant la
constitution et ces vicaires étaient salariés par les communes. Chacun doit
convenir que cette classe intéressante des ministres du culte était salariée à
très juste titre.
Des amendements qui avaient
pour but de changer l’état de choses existant avaient été proposés par M.
Jottrand et M. Thienpont, qui siège encore dans cette enceinte. Ces amendements
n’ont pas été adoptés, et je crois pouvoir entendre l’article 117 de la
constitution, sans pouvoir être taxé d’inconstitutionnalité, comme on entend en
France l’art. 7 de la charte de 1830, ou cet article, ou plutôt l’exécution de
cet article de la charte, n’a souffert aucune espèce de difficulté.
J’ai dit, messieurs, qu’il y
avait un état de choses existant avant la constitution. En effet, vous aviez le
dernier décret sur la matière, qui est celui du 30 décembre 1809, qui établit
les charges des fabriques, et dans ces charges sont compris les traitements des
vicaires. Si les revenus de la fabrique sont insuffisants pour payer ces
traitements, d’après ce décret, la commune y supplée, et c’est la fabrique qui
administre les biens destinés à pourvoir aux dépenses du culte et les sommes
supplémentaires fournies par les communes.
Mais le paiement des vicaires
a-t-il cessé d’être une charge de la fabrique, par suite de l’article 117 de la
constitution ? Je ne le crois pas. J’avoue même que je n’ai pas de doute à cet
égard. Les fonds destines à l’exercice du culte doivent d’abord être employés à
ce à quoi ils sont destinés, notamment au paiement des vicaires, et s’il y a
insuffisance, la commune supplée. Les fabriques doivent continuer à accomplir
leurs obligations.
La constitution n’abroge que
les dispositions qui lui sont contraires, à compter de l’époque de sa
promulgation.
L’art. 138 porte : « A
compter du jour où la constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets,
arrêtés, règlements, et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés. »
J’en induis que ces lois,
décrets, arrêtés, règlements, actes qui ne sont pas contraires à la
constitution, ne sont pas abrogés.
Et ce décret, qui met le
traitement à la charge des fabriques, et en cas d’insuffisante des revenus de
la fabrique, à la charge des communes, ne me paraît nullement contraire à la
constitution.
C’est au titre des finances
que l’on trouve l’obligation imposée à l’Etat de salarier les membres du culte.
Mais cette disposition : « Les traitements des ministres des cultes sont à
la charge de l’Etat, » cela veut-il dire que tout ministre du culte recevra un
traitement de l’Etat ? Je ne sais pas si on veut aller jusque-là. Mais moi je
ne vois nullement d’obstacle à ce que les vicaires reçoivent un traitement à la
charge de la fabrique. Mais si ces traitements sont restés à la charge des
fabriques, quel obstacle peut-il y avoir à ce que les communes soient obligées
de suppléer à l’insuffisance des revenus de ces fabriques ?
Quel était le but de la
constitution ? de reconnaître les obligations
existantes à la charge de l’Etat. Les traitements des ministres du culte étaient
à la charge de l’Etat, mais tous ne recevaient pas un traitement intégral de
l’Etat. Les ministres que l’Etat ne salariait pas n’ont aucun droit à être
salariés par lui, aux termes de l’art. 117 de la constitution. Il faudrait,
pour prétendre le contraire, donner à cet article une portée qui n’a pas été
dans l’intention du législateur.
Enfin
toute la question, à mon avis, revient à savoir si l’art. 117 de la
constitution est limitatif, en ce sens qu’il n’y a aucun traitement de ministre
de culte qui ne soit à la charge de l’Etat.
Or aucune expression ne m’a
dit que dans la pensée du législateur l’art. 117 soit limitatif. Dès qu’il
n’est pas limitatif, l’amendement ne rencontre pas d’obstacle dans la
constitution. Quelque généraux que soient les termes d’une loi, ils doivent se
renfermer dans leur objet, et l’objet de la loi était de maintenir les
traitements des ministres du culte à la charge de l’Etat et non de faire de ces
traitements une charge exclusive de l’Etat. Dire qu’on se pourra plus mettre aucun
traitement de ministre du culte à la charge des communes, c’est étendre la
portée de la disposition de la constitution au-delà de son objet.
Je crois pouvoir finir par la
comparaison que j’ai faite en commençant. J’ai comparé l’art. 117 de notre constitution
avec l’art. 7 de la charte française de 1830. Je vois la même disposition dans
l’un et dans l’autre article ; je n’y vois qu’une simple différence dans les
expressions, mais au fond la même pensée, et je crois pouvoir, sans craindre
d’être accusé d’inconstitutionnalité, exécuter l’art. 117 de notre constitution
comme l’art. 7 de la charte française a été exécuté en France.
M.
Jullien. - Messieurs, il s’est passé quelque chose d’étrange dans cette
discussion. C’est qu’hier on a semblé nous faire le reproche à nous d’être
beaucoup plus favorables au clergé que MM. les ministres, c’est-à-dire que MM.
de Theux et de Mérode. Ce reproche qu’on a cru pouvoir nous adresser, quant à
moi, je l’accepte, et je m’en fais honneur. Tontes les fois que le clergé
viendra réclamer des droits qui lui sont acquis par la constitution, c’est dans
les hommes qui s’opposent avec le plus d’énergie aux empiétements du clergé,
dans les hommes vraiment amis du trône et de leur pays, dans les hommes enfin
qui ne (erratum inséré au Moniteur n°47,
du 16 février 1835 :) qu’on mette le trône sous l’autel, qu’il trouvera
ses plus ardents défenseurs, parce que quand ces hommes discutent une question
de droit, ils ne voient que la loi, se dégagent de tout esprit de parti, et que
si la loi impose une obligation, ils veulent son exécution entière, ne voyant
dans ceux qui réclament leurs droits que des citoyens et des frères. Telle est
mon opinion ; et telle est aussi celle des honorables membres qui ont parlé
dans le même sens que moi.
Quand on a demandé la clôture,
j’ai dit qu’on aurait beau ressasser toute la discussion d’hier, on tournerait
toujours dans le même cercle ; et j’avais raison, car on n’a pas reproduit un
seul argument nouveau, une seule objection qui n’ait été réfutée. Cependant,
puisqu’on me force de rentrer dans la discussion, je vais y revenir.
Si la violation de la
constitution est patente, a dit le ministre de l’intérieur, et cette objection
a été répétée par l’honorable préopinant, comment se fait-il qu’on ne s’en soit
pas aperçu plus tôt ? Depuis trois ans sommes-nous frappés d’aveuglement ? nos yeux s’ouvrent-ils pour la première fois à la lumière ?
Rien de tout cela. Si on n’a pas parlé plus tôt, non pas de cette violation,
mais de ce rappel à l’exécution complète de la constitution, la raison en est
simple, c’est qu’on s’est trouvé dans le même cas pour une infinité de choses.
Lisez l’art. 139 de la constitution. Le congrès nous prescrit une infinité de
choses qui n’ont pas encore été faites. Direz-vous qu’on a été aveugle, parce qu’on
n’a pas fait de loi sur la responsabilité des ministres, parce qu’on ne s’est
pas occupé de la révision des pensions ? Assurément non. D’ailleurs, il y avait
une autre considération qui nous a échappé, mais qui m’est rappelée par ce que
vient de dire l’honorable préopinant, c’est qu’une partie de ces assemblées
croyait que la plus grande partie des vicaires étaient rétribués par les
fabriques.
Si les fabriques pouvaient
pourvoir au traitement des vicaires, certainement pas un de nous ne voudrait
innover. Que les fabriques paient les traitements des vicaires, que l’Etat n’en
soit pas chargé et à plus forte raison les communes, nous ne demanderons pas
mieux. Mais il est constant que les communes sont obligées de subsidier les
fabriques pour pourvoir aux traitements des vicaires. Moi, en ma qualité de
conseiller municipal, j’ai encore voté cette année un budget où on a porté huit
mille francs pour les vicaires de la ville de Bruges. Et, ce n’est pas sans
contestation ou du moins sans observation que cette somme a été votée.
Il y a peu de villes, dit-on,
qui aient réclamé. Il n’y en a que deux ou trois ; mais n’y en eût-il qu’une
seule, cela suffirait pour prouver que les communes veulent rester dans leurs
droits. Qu’elles aient négligé pendant quelques années de les faire valoir,
cela ne prouve rien. On n’acquiert pas des droits et on ne les perd pas sans
les formalités et conditions qui accompagnent la perte ou l’acquisition de
droits. Ces raisonnements ne me touchent en aucune manière.
Mais je vous ai déjà fait
observer que l’Etat paie aux vicaires un traitement de 210 fr. Or, si vous
n’êtes tenus à rien, pourquoi leur donnez-vous ces 210 fr. ? car
vous avez porté au budget 210 fr. pour les traitements des vicaires. De sorte
que toute la question se réduit à ceci : Ce traitement est-il suffisant ? Mais
au moins vous avez satisfait à la constitution, quand vous avez porté une somme
même insuffisante pour le traitement des vicaires ; mais vous vous êtes traînés
sur les traditions du gouvernement français et du gouvernement précédent, qui
par un coup rompu, ont mis les traitements des vicaires à la charge des
fabriques, et par suite des communes. Et comme on a de la difficulté à sortir
des vieilles routines, on est resté sans vouloir s’éclairer, parce qu’il n’y avait
pas de réclamations. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Namur, Liége, Bruges et
d’autres grandes villes n’auraient manqué de réclamer si la discussion actuelle
n’avait pas dû avoir lieu.
Je crois avoir réduit à leur
juste valeur les arguments qu’on a tirés de l’inobservance de la constitution.
Je vais répondre à une autre
objection. Puisque vous mettez tant d’insistance à raisonner de ce que le mot
exclusivement n’a pas été inséré dans l’article 117 de la constitution, je vais
vous faire le même raisonnement pour les curés et les chanoines dont vous
portez le traitement infiniment au-dessus de ce qui leur est dû ; vous leur
accordez trois mille francs, alors qu’aux termes du concordat ils n’ont droit
qu’à 1.500 francs ; réduisez leur traitement à 3 ou 400 francs, et vous pourrez
les mettre à la charge des communes. Car vos arguments ont la même conséquence
pour le traitement des curés que pour celui des vicaires. Vous pouvez dire :
Nous leur donnerons 400 francs et les communes suppléeront. Pour justifier cette
manière d’appliquer l’art. 117 de la constitution, vous n’aurez pas besoin
d’employer d’autres arguments que ceux dont vous avez fait usage à propos des
vicaires.
N’est-ce pas la même chose,
qu’on mette les 800,000 fr. du traitement des vicaires à la charge de l’Etat,
ou qu’on les mette à la charge des communes ? En définitive, comme on vous l’a
très bien expliqué, pour le contribuable c’est toujours la même chose, puisque
c’est toujours lui qui doit payer. Sans doute ; mais, constitutionnellement parlant,
ce n’est pas la même chose, car si vous mettez à la charge de la commune ce qui
doit être à la charge de l’Etat, vous violez la constitution, vous violez le
droit qu’ont les communes de ne pas contribuer aux frais du culte, vous violez
les art. 14 et 15 de la constitution.
Que chaque citoyen contribue
aux frais de tous les cultes comme charge de l’entretien, rien de plus juste,
parce que tout citoyen est obligé de contribuer dans ce dont l’Etat a besoin
pour salarier son culte comme celui des autres. Mais dans une commune, où vous
avez différentes religions, où vous avez des gens qui ne prennent part à aucune
religion, eh bien, dans cette commune, je vous le demande, de quel droit
ferez-vous contribuer un homme qui n’appartient pas à la religion catholique,
dans les frais de la fabrique ? Si vous le faites, ne violerez-vous pas les
articles 14 et 15 de la constitution, qui disent que vous ne pouvez forcer
personne à contribuer aux frais d’un culte quelconque ? Double violation de la
constitution, en mettant le traitement des vicaires à la charge des communes ;
car vous forcerez le juif, l’anglican, et les autres sectes, à contribuer aux
frais de la fabrique. Vous voyez donc que ce n’est pas la même chose que la
dépense soit mise à la charge de l’Etat, ou bien à la charge de la commune.
L’honorable préopinant a voulu
faire ou plutôt refaire un rapprochement entre la charte française et notre
constitution, il a trouvé dans la charte française ces expressions : « Les
ministres du culte reçoivent des traitement du trésor public. » Voilà tout
ce que dit l’article de la charte française.
Le mot exclusivement y serait inséré, qu’il ne changerait rien à la
signification de cet article. Il signifie : « Vous, ministres du culte, vous
recevrez le traitement qu’on voudra bien vous donner. Mais l’art. 117 de notre
constitution va infiniment plus loin. Il n’a pas voulu qu’il existât la moindre
lacune. Après avoir dit que les traitements des ministres des cultes sont à la
charge de l’Etat, il ajoute : « On est obligé de porter annuellement au
budget de l’Etat les sommes nécessaires pour y faire face. »
Les sommes nécessaires,
entendez-vous ? c’est-à-dire, ce qui est convenable
pour le traitement d’un curé, d’un vicaire. Il ne peut plus y avoir
d’hésitation quant à l’interprétation de cet article. On est obligé de porter
au budget les sommes nécessaires pour rétribuer convenablement les ministres
des cultes. On s’est beaucoup étendu sur un système d’interprétation. A cet
égard, je vous rappellerai qu’en matière d’interprétation, la première règle,
c’est que là où il n’y a pas ambiguïté dans les termes, il n’y a pas lieu de
rechercher la volonté du législateur. Il ne s’agit pas ici, a dit M. de Mérode,
de gens qui viennent parler de lois comme des procureurs et discuter des articles
du code.
L’honorable membre voulait
bien se faire l’honneur d’être législateur, mais il aurait rougi d’être
légiste.
Toute la sagesse humaine dit
que là où les termes sont clairs, il n’y a pas à rechercher l’intention du
législateur. On ne doit rechercher cette intention que quand les termes sont
douteux. Si vous vous écartez de cette règle, vous pourriez vous laisser aller
à l’esprit de parti, céder à l’influence de tel événement, de telle
circonstance, et vous arriveriez à faire déclarer par voie d’interprétation que
ce qui est blanc comme neige est noir comme du charbon. Voilà où vous
conduirait le mépris de cette règle.
On a cité d’autres cas, on a
dit : Dans un contrat douteux. Il faut rechercher la commune intention des
parties. Oui, mais seulement pour les cas qui présentent des doutes, et l’art.
117 de la constitution ne permet pas un doute raisonnable sur les
Voilà un dernier argument. Je
finirai par là. Je vous prie de me continuer un instant encore votre attention.
On a dit :
Mais dans l’origine ce sont les fabriques qui ont été chargées de rétribuer les
vicaires. Si elles peuvent encore le faire, pourquoi voulez-vous mettre les
traitements de ces vicaires à la charge de l’Etat ? Certainement si les
fabriques peuvent rétribuer les vicaires, il ne faut mettre leurs traitements
ni à la charge de l’Etat, ni à la charge des communes, parce que là où les
fabriques peuvent suffire, elles n’ont besoin du secours de personne. Il y a
plus, c’est que si les choses continuent comme elles vont depuis quelque temps,
les fabriques seront assez riches non seulement pour ne plus demander des
secours, mais pour en donner à tout le monde.
Je vous prie, de faire
attention à ceci : Si les fabriques ont des ressources suffisantes pour
pourvoir au traitement des vicaires, sous ce rapport, j’approuve les intentions
du préopinant. Mais si elles n’ont pas de ressources suffisantes, à qui
doivent-elles s’adresser ? Dans le système constitutionnel, c’est à celui qui
doit supporter la dépense, à celui qui doit fournir le traitement, si la
fabrique n’a pas de ressources suffisantes pour le payer. Eh bien, dites que
dans ce cas, dites que l’Etat devra fournir le supplément, parce que l’art. 117
l’oblige à payer un traitement aux ministres du culte. Alors vous serez
conséquents et justes. Mais quand vous voulez vous servir de lois abrogées pour
mettre à la charge des communes déjà surchargées des traitements des vicaires,
vous violez les articles 117, 14 et 15 de la constitution.
Je persiste en conséquence, à
m’opposer à l’amendement du ministre.
M.
Dubus. - Dès hier, en prenant la parole sur cette question, j’ai dit
que je la trouvais tout entière dans le texte de l’art. 117 de la constitution.
Comme j’ai écarté toute autre considération, je n’ai pas voulu m’occuper de la
question des inconvénients trouvés à telle ou telle manière d’interpréter cet
article. J’ai dit qu’il était clair et qu’il devait être exécuté conformément à
la portée de ses termes. Je ne veux donc pas examiner si l’amendement présenté
par le ministre de l’intérieur serait ou non favorable au clergé, ou si
l’opinion de l’honorable membre qui a parlé immédiatement avant moi est plus
favorable au clergé que l’opinion du ministre de l’intérieur. Cela me paraît
tout à fait étranger à la question qui nous occupe.
Si réellement le système que
je défends devait par ses conséquences être défavorable au clergé, cela ne me
ferait pas changer d’opinion, parce qu’avant tout je dois respect et obéissance
à la constitution et que je veux l’exécution franche et entière de la
constitution. Mais je ne pense pas qu’il y aura aucun dommage pour les
ministres du culte dans l’exécution de l’art. 117 de la constitution. Les
traitements dont jouissent les ministres du culte de l’immense majorité de la
nation, en réunissant à leur traitement fixe à la charge de l’Etat, quand ils
en ont un, celui que leur allouent les communes, sont tellement modiques qu’il
ne viendra à la pensée de personne de proposer une réduction. Sur ce point on
doit être parfaitement tranquille. D’une autre part, il y aura selon moi
avantage à ce que ce traitement, ils le reçoivent en une fois du trésor public.
Je n’aime pas voir, en ce qui arrive dans les communes qui n’ont aucune
ressource, faire une cotisation personnelle spécialement pour rétribuer le
ministre du culte.
Je ne vois pas pourquoi les
ministres du culte seraient dans une aussi pénible position, alors que tous les
autres fonctionnaires publics reçoivent leur traitement de la caisse de l’Etat.
Toute la question, messieurs, est
dans le texte de l’art. 117, et si je veux me prévaloir de l’aveu qu’a fait
l’honorable député de Verviers, j’ai cause gagnée, car il a avoué que le texte
était clair ; mais, contre un texte clair, il lui arrive un doute, et il ajoute
qu’il doit expliquer ce doute en faveur du pays. C’est une argumentation
vicieuse : si le texte est clair, vous n’avez pas de raisons pour douter qu’il
y ait eu jusqu’à présent tel ou tel abus ; ce n’est pas un motif pour inférer
que cela n’aurait pas dû être autrement. Vous dites que vous devez interpréter
ce doute en faveur du pays. Il est, je crois, de l’intérêt du pays que les
charges soient justement reparties et d’une manière proportionnelle, et on a
déjà fait observer que l’état de choses actuel entraînait de grandes
injustices, et que rien n’était plus inique que de voir des communes de mille
habitants avoir un vicaire qui ne leur coûtait rien, tandis que d’autres
communes de trois à quatre mille étaient obligées d’en payer un sur les deux
que les besoins du culte exigeaient.
Cela est évidemment une
injustice criante. Je pense donc que l’honorable député de Verviers, avec
lequel je suis parfaitement d’accord sous ce rapport que le texte est clair,
aurait dû en tirer la conséquence qu’il fallait s’incliner devant ce texte, et
en demander l’exécution.
D’autres orateurs craignent
d’aborder la question du texte et c’est dans des constitutions étrangères
qu’ils se jettent pour appuyer leur système. Ils vous disent, par exemple, que
la charte française, dont le texte est également clair, statue dans le sens
qu’ils veulent donner à l’article 117. Ainsi, messieurs, ne vous attachez pas à
votre constitution, mais bien à la constitution française.
D’abord, je dirai qu’il y a
une grande différence entre les deux textes. Je ne prétends pas que le texte
français n’emporte pas que le traitement soit à charge des communes, mais je
dis que le nôtre l’emporte bien plus énergiquement et de telle sorte, que
l’article de la constitution répond directement à la question qui s’agite en ce
moment. Il me semble que d’après la forme de cet article, on peut se dire : A
la charge de qui tombent ces traitements ? et qu’il
est positivement répondu : A la charge de l’Etat. Pour tout homme de bonne foi,
il est impossible d’équivoquer à cet égard. Maintenant vous élevez des doutes,
vous allez chercher des textes étrangers où il n’est parlé de l’Etat que d’une
manière incidente, tandis que le nôtre est exprès à cet égard. Mais il est vrai
qu’en France on viole l’article de la charte, en supposant qu’il doive être
entendu de la même manière que doit s’entendre l’art. 117 de la constitution.
Le traitement des vicaires
n’est pas en France à la charge de l’Etat, a-t-on dit, mais à la charge des
communes. Il y a en France, comme partout, des années de transition, qui
entraînent des mesures auxquelles on met fin dès que cela devient possible. Une
ordonnance de 1831 met à la charge de l’Etat les traitements des vicaires pour
les villes d’une population inférieure à 5,000 habitants ; et c’est la
population de la grande majorité des communes ; et il y est accordé à ces
vicaires un traitement de 500 francs. Je ne puis voir là que le dessein de
rendre hommage à la disposition de la charte française. Mais, dira-t-on, dans
les communes de plus de 8,000 habitants, la constitution ne sera-t-elle pas
violée si l’Etat ne subvient pas aux traitements des vicaires ? Je n’en sais
rien. Peut-être a-t-on calculé que les vicaires de communes plus populeuses ne
devaient pas recevoir de traitement. Cela est possible, car on lit dans un
arrêté de 1812 que les vicaires auront pour traitement leur casuel pour actes
de leur ministère. Je ne m’étonne donc pas qu’on ait dit : Ce sera leur
traitement dans les communes populeuses, et dans les autres il leur sera payé
500 fr. à la charge de l’Etat. Ce serait à tort qu’on dirait que l’on reconnaît
en France que partie des traitements est à la charge des communes et que cela
doive être ainsi. Voilà, messieurs, qui répond, me paraît-il, dans toutes les
suppositions, à l’argumentation de la charte française.
D’abord, messieurs, la loi
française n’est pas notre loi. Les abus qui existent en France, rien ne nous
oblige à les implanter en Belgique. Mais pourquoi, objecte-t-on, dans les
communes a-t-on continué en général à voter ces sortes d’allocations ? Je
répondrai d’abord, et je crois que tout le monde en conviendra, que dans la
plupart des communes il y a un esprit de routine qui domine toujours. Ce qu’on
a fait depuis un an, depuis deux, depuis dix ans, elles le font encore jusqu’à
ce qu’elles soient éclairées, et je crois que d’après la manière dont se font
les budgets des communes, toujours d’après celui de l’année précédente, l’état
de choses existant peut fort bien se maintenir longtemps sans modifications. La
forme de ce budget est un imprimé, et si on n’a pas changé l’imprimé, le budget
reste toujours formulé de même.
Dans certaines communes, on a
songé à soulever des questions tendant à changer l’état existant, et là
pourtant on a continué à y voter les mêmes fonds et de la même manière. Je citerai
Tournay. On y a voté ces traitements, mais ne croyez pas, messieurs, pour cela
qu’on ait douté du sens de l’art. 117. On savait bien que plus tard ces
allocations seraient à la charge de l’Etat ; mais on a pensé qu’il y avait des
années de transitions, et l’on a patienté jusqu’à l’organisation de la loi
communale ; et l’on savait fort bien qu’elle déterminerait quelles devaient
être les charges de l’Etat et des communes non seulement pour le culte, mais
pour toutes les autres questions. C’est d’après la loi communale, a-t-on dit,
qu’on réglera les dépenses des communes, en attendant, on a continué à faire le
budget comme auparavant. Voilà ce qui a déterminé le vote des conseils
communaux. D’autres communes ont refusé de payer. Qu’en est-il advenu ? on ne les a pas contraintes à payer, et la caisse de l’Etat
a été obligée de le faire. Quoi que l’on fasse, il n’est pas possible de
contester l’extrême clarté de l’article 117. Tout se réunir pour en démontrer
le sens précis et irrécusable.
En troisième lieu et toujours
pour éviter d’aborder le texte, on agite une autre question. On demande si les
fabriques devront supporter une partie de ces dépenses. On répond que cela ne
fait pas de doute. Il y a sans doute des raisons particulières qui déterminent
à parler ainsi. La question qui nous occupe n’est pas de savoir si les
fabriques doivent ou non subvenir à ces dépenses. La question qui nous occupe
est de décider si une partie de ces dépenses incombe aux communes. Car,
remarquez-le bien, quoiqu’on se serve du mot subside, il s’agit de dépenses
obligées à la commune. Restons donc dans la question. Arrivez donc au texte de
la constitution. On le laisse toujours de côté, tant on a peur qu’il
n’apparaisse sous son véritable point de vue.
Il y a eu un orateur qui a abordé
le texte de la constitution, c’est l’honorable M. Rodenbach. Il a exprimé un
doute ; il a exprimé un doute ; il a demandé des explications et personne ne
lui en a donné. M. le ministre de l'intérieur s’est soigneusement abstenu de
lui en fournir : M. Rodenbach voulait apprécier, selon lui, le sens du texte de
l’art. 117 et surtout l’omission du fameux adverbe exclusivement. Il s’est dit : Un membre du congrès, l’honorable M.
Jottrand, avait pris un système extrême, celui de mettre toutes les dépenses à
la charge des provinces et des communes ; un autre membre, l’honorable M.
Thienpont, a pris l’extrême contraire qui était de tout mettre à la charge de
l’État. Par cela seulement que le mot exclusivement ne se trouve plus dans
l’article, ne devons-nous pas croire que la proposition de l’honorable M.
Destouvelles ait voulu établir un juste milieu entre ces deux extrêmes ? Il est
facile de résoudre le doute.
Il est impossible de croire
que le dessein du jurisconsulte fût de prendre un juste milieu, c’est-à-dire
que les traitements incomberaient en partie à l’Etat, en partie aux communes. Si telle eût été
l’intention de l’honorable M. Destouvelles, il eût été bien plus naturel de
dire : Ces traitements sont en partie à la charge de l’Etat, en partie à la charge
des communes. Toutes personnes qui voudraient atteindre ce but, se serviraient
de paroles propres à bien le faire comprendre. M. Destouvelles a dit que ces
dépenses étaient toutes à la charge de l’Etat, cela me paraît hors de doute.
Mais le mot exclusivement, il l’a
retranché. En cela il a amélioré le texte. J’ai déjà fait voir que d’autres
articles constitutionnels qui renfermaient des textes absolus, ne renfermaient
pas le mot exclusivement. Il en est un que je citerai encore, parce que la
chambre a rendu hommage à sa généralité, bien que le mot exclusivement ne s’y
trouve pas. C’est l’art. 102 :
« Les traitements des
membres de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi. »
Je cite cet article, parce
qu’il n’est pas au titre des Belges et de leurs droits, et il y est question de
traitement. Au moment où cet arrêté a été fait, il y avait des traitements qui
n’étaient pas fixés par la loi, mais par des arrêtés. A-t-on cherché pour cela
à établir une distinction ? Vous le voyez, messieurs, le mot exclusivement qui
aurait fait redondance dans l’article ne doit former aucun regret. Je ferai
remarquer de plus à l’honorable M. Rodenbach qu’il ne fait pas difficulté
d’admettre l’article de l’honorable M. Jottrand en sens général, et il n’y a
pas dans cet article, exclusivement
ou sans exception.
Parce que le mot exclusivement ne s’y trouve pas, on veut
que l’article signifie que les traitements sont à la charge des communes et de
l’Etat ; de sorte que deux propositions contraires, celle de M. Jottrand et celle
de M. Destouvelles, doivent signifier la même chose. Voilà où nous en venons
avec les arguments que l’on propose. Il y a bien loin de là aux deux extrêmes
qu’avait imaginés M. A. Rodenbach.
On a prétendu encore que
l’article ne déclare pas que tout ministre du culte a un traitement à la charge
de l’Etat ; et on en a conclu qu’il n’y avait pas d’inconstitutionnalité à
mettre les traitements à la charge des communes : cet argument ne peut être
spécieux que pour ceux qui ne veulent pas l’examiner. Prétendons-nous que
partout où il y a un ministre du culte le traitement est à la charge de l’Etat
? Nous disons que l’Etat doit des traitements convenables à tous les ministres
nécessaires au culte, et que là se bornent ses obligations.
Si une commune pour laquelle
deux ministres du culte suffisent voulait en obtenir un troisième et voulait en
payer le traitement, libre à elle, il n’y a pas là violation de la constitution
; mais vous violeriez la constitution si vous forciez la commune à payer ce
troisième traitement. Ainsi, vous le voyez, on peut répondre que tous les
traitements des ministres des cultes ne sont pas nécessairement à la charge de
l’Etat et on doit conclure qu’il n’y a aucun traitement de ministre du culte
que l’on puisse imposer à une commune. Et voila pourquoi on ne peut adopter la
proposition de la section centrale.
J’arrive à un autre argument
présenté par M. le ministre de l'intérieur. Cet argument est tout à fait
étranger au texte de la constitution. Il est même étranger à la question.
Il prétend
que le rejet de son amendement présenterait un inconvénient en ce sens que les
communes ont actuellement une ressource pour faire face à la dépense ; ce sont
les deux et demi pour cent sur le principal de la contribution foncière et
personnelle ; que si on leur ôte cette ressource, elles ne pourront pas payer
d’autres dépenses. Ainsi, il, n’est donc pas vrai que ces centimes additionnels
soient affectés principalement aux traitements des vicaires, puisqu’ils paient
d’autres dépenses ; et si vous laissez peser sur les communes les charges qui
exigent ces centimes, laissez-leur aussi la faculté de s’imposer
extraordinairement pour compléter leur budget des voies et moyens.
Si j’ai bien compris M. le
ministre de l’intérieur, ces centimes seraient les mêmes partout ; et cependant
les charges du culte sont inégales ; il y a des provinces qui paient des
suppléments de traitement, il en est d’autres qui n’en paient pas ; d’où il
suit que l’inconvénient signalé existe déjà.
Mais ce prétendu inconvénient
n’en est pas un. En définitive il faudra toujours bien accorder aux communes
les moyens de couvrir leurs dépenses ; et les centimes additionnels sont un
moyen plus convenable que les répartitions personnelles.
Je bornerai là, messieurs, les
observations que l’on peut vous soumettre.
M.
Dumortier. - Je demande à la chambre la permission de dire deux mots
qui me paraissent indispensables pour rectifier un fait important. Cependant,
si quelque orateur veut soutenir l’amendement, je céderai la parole.
M.
F. de Mérode. - Je veux bien parler. (Aux voix ! aux voix !)
Hier, messieurs, vous avez
entendu de la bouche de M. Thienpont des explications très précises sur
l’amendement proposé par lui au congrès. « Je demandai, dit-il qu’on ajoutât au
premier paragraphe de l’article 8 de la section centrale la disposition
suivante : « Ces traitements seront exclusivement payés sur le trésor
public. » Pendant la discussion à laquelle les amendements donnèrent lieu,
M. Destouvelles déposa celui qui forme actuellement l’article 117 qui n’est,
comme vous le voyez, qu’un changement de rédaction. Je déclarai par conséquent
m’y rallier, et seul il fut mis aux voix. Il est donc inexact de la part de M.
le rapporteur de dire que mon amendement ait été rejeté, puisque, par suite de
ce que j’avais déclaré me rallier à la rédaction de M. Destouvelles, ce fut sur
son amendement seul que le congrès a eu à voter. Voici, messieurs un narré
succinct de la manière dont l’article
M. Dubus a essayé d’établir un
rapport entre le libellé de cet article et celui des articles qui concernent la
presse, le secret des lettres, la sanction et la promulgation des lois par
l’autorité royale, le traitement des juges. Messieurs, ces analogies n’ont
aucun fondement, parce qu’il existait à l’égard du salaire des ministre des cultes un ordre de choses compliqué, laissant
une part des frais au trésor public, une autre aux communes et aux fabriques.
C’était donc le cas d’admettre le terme très significatif exclusivement, qui était ici nécessaire pour trancher toute
difficulté. Ce n’est point par oubli que ce terme a été éliminé, comme le
prouve évidemment la discussion qui a eu lieu au congrès, mais bien en pleine
et parfaite connaissance de cause et pour éviter à l’Etat des obligations
indéfinies auxquelles il n’était point astreint jusque-là. Ce n’est point non
plus par oubli que les communes se sont abstenues longtemps de réclamer contre
les charges qui leur incombaient pour l’entretien des vicaires, mais, comme l’a
dit M. Raikem, parce que le souvenir des intentions du congrès était encore
présent à l’esprit de chacun et qu’on n’eût pas osé alors proposer au budget
une surcharge de 800 mille francs ou d’un million.
Messieurs, il est ici des membres
qui ne s’effraient jamais de rien. Ils proclament hardiment que lorsqu’il
s’agit d’exécuter la constitution, il n’est point permis de calculer la hauteur
des sacrifices. Je pense au contraire que si la constitution ne doit pas être
une lettre morte, sa destination n’est pas non plus de devenir une lettre
meurtrière et toutes les fois qu’il s’agira de mesures dangereuses ou
perturbatrices, il faudra non pas certes suspendre la constitution mais
examiner avec la plus scrupuleuse investigation l’intention du législateur, les
motifs qui ont déterminé l’adoption par le congrès de tel ou tel article ou
paragraphe de l’acte constitutionnel. Voter avec une aveugle obséquiosité
envers un texte moralement susceptible de contrôle, des dispositions qui
seraient reconnues nuisibles, c’est après avoir échappé au despotisme des
hommes, retomber sous le despotisme des mots. C’est avec ce despotisme que
Charles X et son ministre principal trouvaient dans l’art. 14 de la charte : «
Le roi fait des ordonnances pour la sûreté de l’Etat, » les moyens de
détruire la charte tout entière : et en effet, messieurs, se référant à la
signification rigoureusement grammatical de cet article 14, le roi se trouvait
seul juge de la nécessité des ordonnances relatives à la sûreté de l’Etat, et
de l’étendue qu’il pouvait leur donner ; aussi les puritains de l’absolutisme
ne manquent pas de soutenir la légalité des ordonnances de juillet, et j’en ai
entendu plusieurs développer cette thèse avec une logique qui n’était pas sans
force apparente. Nous avons chez nous d’autres exemples de l’abus qu’entraîne
ce genre d’interprétation pharisaïque.
L’article 52 de la
constitution porte : « Chaque membre de la chambre des représentants jouit
d’une indemnité mensuelle de 200 florins pendant toute la durée de la
session. » Au lieu de régler, conformément au vœu manifeste du congrès,
l’application de l’article 52 qui a eu pour but non pas de donner des
appointements mensuels aux représentants, mais une indemnité de déplacement, on
accorde aux absents comme aux présents la totalité de cette indemnité, et cela
au préjudice notable et du trésor et de la marche des affaires. L’intérêt
public est compté pour rien, et la déférence grammaticale la plus entière
envers des mots dont le sens moral n’est pas équivoque, lorsqu’on lit le second
paragraphe de l’article : « Ceux qui habitent la ville où se tient la
session ne jouissent d’aucune indemnité, » favorise un scandale destructif
de l’essence même du gouvernement.
Dans la question qui nous
occupe, ce qui m’effraie donc le plus, c’est la tendance à s’éloigner de cette
bonne foi pratique qui doit toujours animer les interprètes d’une constitution.
Si vous voulez que l’Etat paie tous les ministres du culte catholique, demandez
à cette fin chaque année une somme au budget ; mais ne placez pas la chambre
dans un cercle de fer au moyen de l’article 117, comme on l’y a jusqu’ici
placée au milieu de l’article 52.
Si l’article 117 doit être
pris à la lettre, comme on le prétend, sans égard pour aucun précédent quelconque,
et sans égard pour des prévisions qui se rattachent à l’avenir, sachez,
messieurs, qu’il n’est pas un culte professé par un nombre suffisant d’adeptes,
que vous ne serez forcés de payer ultérieurement.
En effet, ce texte :
« Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de
l’Etat, » dès qu’il se trouve dégagé des
précédents dont il a été fait mention par mes amis, ne permet plus de refus de
subside à l’égard d’aucun culte nouveau ; il suffira que ce culte soit professé
avec une réelle ou apparente crédibilité par des sectateurs belges suffisamment
nombreux pour que leur ministre soit en droit de réclamer un salaire de l’Etat.
Lorsqu’on a discuté avant-hier au sénat le subside attribué par vous au culte
anglican, un honorable sénateur a dit avec une vérité que l’on ne peut
méconnaître qu’arbitrairement en adoptant le système absolu de nos adversaires
: « Les termes de l’article non seulement n’excluent aucun culte, mais si
je les combine avec les articles 14, 15 et 16 de la même constitution, je vois
qu’il y a au contraire quasi-obligation de rétribuer un culte lorsqu’il n’est
pas en opposition avec l’ordre public. Je vois que les articles que je viens de
citer ne restreignent la liberté des cultes que quand ils troublent l’ordre
public. Je demande quelle différence sinon celle-là peut être établie entre un
culte et un autre. » Dans l’espèce, comme il s’agissait d’étrangers,
l’orateur s’est empressé d’ajouter : « Maintenant si le sénat trouve la
dépense inutile, superflue, il est maître de l’écarter ; je me réserve de
prouver les avantages de l’allocation. »
Je le dis encore une fois, que ceux qui veulent
porter au budget des traitements pour les vicaires qui sont maintenant à la
charge des fabriques et des communes le décident chaque année s’ils le jugent
convenable. Je déclare quant à moi que je voterai contre toute allocation
générale de cette nature ; mais que du moins ils se gardent d’attribuer à
l’article 117 de la constitution une extension impérieuse que le congrès n’a pas
voulu lui donner, et qui n’a jamais été reconnue depuis la vente des biens du
clergé et en France et en Belgique.
Messieurs, j’estime beaucoup
les avocats et les procureurs qui remplissent consciencieusement leurs
fonctions devant les tribunaux mais je persiste à croire fermement que la
législature ne doit pas appliquer dans l’interprétation d’une loi politique,
c’est-à-dire d’une loi d’intérêt national, les règles étroites et nécessaires à
l’exécution des mesures prescrites par un code de procédure, par un code
destiné à résoudre les différends qui surgissent entre les particuliers.
M.
Dumortier. - Messieurs, il y a quelque chose de fort singulier qui se
passe ici depuis quelques jours ; c’est de voir l’honorable préopinant saisir
toutes les occasions de nous montrer la constitution comme devant être
interprétée dans le sens du gouvernement.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Dans le sens du pays !
M.
Dumortier. - Dans le sens du pays dites-vous : mais lorsqu’il vous a
donné le mandat en vertu duquel vous siégez ici, vous avez commencé par jurer
de maintenir cette constitution ; le pays ne veut pas qu’elle soit une lettre
morte, il veut qu’elle soit une réalité.
Et lorsque nous voyons des
textes aussi clairs, aussi formels, auxquels le ministre cherche manifestement
à donner une interprétation fausse, auxquels il veut faire dire le contraire de
ce qu’ils renferment, il est bien permis à nous de signaler la marche du
gouvernement, de montrer qu’il veut se débarrasser des entraves que la
constitution met à son allure et qui paraissent lui peser comme un cercle de
fer.
Vous citez Charles X et l’abus
qu’il a voulu faire de la charte française ; vous citez son exemple lorsqu’il
s’agit de l’interprétation de la constitution ; eh bien, moi aussi je vous
renvoie à cet exemple : voyez ce qui est arrivé à ce malheureux monarque, pour
avoir voulu abuser de la constitution ! Il a voulu aussi faire dire à la
constitution le contraire de ce qu’elle renfermait, et la nation a mis à la
raison ce souverain prévaricateur !
Après avoir répondu à ce que
vient de dire le préopinant, et à ce qu’il ne cesse de dire en toutes les
circonstances, lui qui trouve misérables les arguments de procureurs qui
épiloguent sur la constitution dont nous réclamons l’exécution stricte, je
répondrai à un autre orateur, quoique M. Dubus lui ait déjà répondu en partie.
L’honorable député de Liége
prétend qu’il nous est loisible de mettre à la charge des communes, comme
dépenses obligatoires, les traitements des ministres des cultes, parce que l’on
en agit ainsi en France, malgré le texte de la charte.
Ouvrez le
projet de loi sur les attributions municipales en France, et lisez le tel qu’il
a été adopté par les bureaux de la chambre des députés. Parmi les dépenses
obligatoires, le ministre français, qui avait la charte devant les yeux, se
borne à parler de l’indemnité pour logement aux curés, desservants et pasteurs,
lorsqu’il ne leur est pas fourni de logement effectif ; c’est donc l’indemnité
de logement qu’on rend obligatoire ; mais il n’est pas dit un mot du
traitement. La chambre des députés a examiné le projet dans ses bureaux ; elle
l’a amendé. Voici l’amendement qu’elle a fait à l’art. 15, paragraphe 9 :
« Les dépenses obligées de la commune sont : les indemnités de logement
lorsque ce logement n’est pas fourni en nature ou par prestations. » ainsi, la
chambre française n’a pas reconnu que le traitement fût à la charge de la
commune ; ainsi tombent les grands arguments que l’on avait tirés de la charte
française.
Vous ne pouvez donc point,
vous qui avez un texte plus formel que celui de la charte, texte dans lequel il
y a un double emploi de mots, une répétition qui peut paraître ridicule, vous
ne pouvez pas vous refuser à porter à la charge de l’Etat les traitements des
ministres des cultes ; vous ne pouvez, sans violer la constitution, mettre ces
traitements à la charge des communes ; vous ne pouvez, en présence d’un texte
aussi clair, admettre la proposition de la section centrale. Nous ne demandons
ici qu’une seule chose : l’exécution d’un article de la constitution, les
garanties que les ministres des cultes doivent avoir ; et vous ne pouvez les
refuser sans violer votre mandat.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Malgré la charte française, je demanderai si les traitements des vicaires ne
sont pas à la charge des communes ? Mais en faisant cette question à
l’honorable orateur, je la résoudrai moi-même. Je dirai donc que malgré l’art.
7 de la charte, le gouvernement donne un supplément de traitement.
M.
Dumortier. - M. Dubus a déjà réfuté cet argument. Il existe une
ordonnance de 1831 qui porte à la charge de l’Etat les traitements des
vicaires. Mais lors même que l’art. 7 de la charte française n’aurait pas reçu
son exécution, ce ne serait pas une raison pour que la constitution belge ne
fût pas exécutée. (La clôture ! la
clôture !)
- La clôture est mise aux voix
et adoptée à une grande majorité.
M. le
président. - Nous avons discuté une seule question qui tombe sur les
mots : « y compris les subsides aux ministres des cultes. » Il faut savoir
si ces mots seront insérés dans la loi communale.
- Cette insertion est mise aux
voix par appel nominal.
79 membres sont présents,
48 votent contre l’insertion,
28 votent pour l’insertion,
3 membres s’abstiennent de
prendre part à la délibération.
En conséquence les mots :
« y compris les subsides au ministres des cultes » ne feront pas partie de
la loi communale.
M. de
Nef. - Je me suis abstenu, ne voulant pas dire non parce que le mode de
paiement établi me paraît plus avantageux au pays, mais ne voulant pas dire oui
parce que l’article 117 de la constitution s’y oppose. (On rit.)
M.
Duvivier et M. Eloy de Burdinne
se sont abstenus parce qu’ils n’ont assisté qu’à une partie du débat.
Ont voté pour l’insertion :
MM. Bekaert, Berger, Brixhe, Cols, de Man d’Attenrode, de Mérode, de
Muelenaere, de Renesse, de Theux, d’Hane, d’Huart, Dubois, Dumont, Ernst,
Lardinois, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Raikem, A. Rodenbach,
Schaetzen, Smits, Vanderbelen, C. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
Ont voté contre : MM. Verrue,
Brabant, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, Dams, Dautrebande, de Behr, de
Brouckere, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Roo, de Sécus,
Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Dewitte, Doignon, Dubus,
Dumortier, Fallon, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Legrelle, Liedts,
Olislagers, Pirson, Polfvliet, Troye, Quirini, Rouppe, Simons, Thienpont,
Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderheyden, Van Hoobrouck, Verdussen,
Vergauwen, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Watlet.
M. le
président met aux voix le paragraphe de la loi communale ainsi conçu :
« Les secours aux
fabriques d’églises et aux consistoires, conformément aux dispositions existantes
sur la matière, en cas d’insuffisance constatée des moyens de ces
établissements. »
Le paragraphe est adopté.
M.
de Brouckere. - Je demande à M. le ministre de l’intérieur si les
renseignements qu’il a été invité par la chambre à se procurer sur la pétition
du chanoine de Judicibus, lui sont parvenus.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le fait dont il s’agit n’a pas été consommé sous la direction de
l’administrateur de la sûreté publique. Aussi ce fonctionnaire n’a-t-il pu me
donner aucun renseignement à cet égard. Tout ce que je puis dire, c’est que le
fait s’est passé sous les ordres de la police locale. J’ai demandé des
renseignements immédiatement après le renvoi de la pétition ordonné par la
chambre. Dès que je les aurai reçus, je m’empresserai de lui en faire part.
M . Van Hoobrouck. - Si je suis bien informé, M. le ministre de la
justice a déjà reçu un rapport sur l’expulsion du chanoine de Judicibus. Je le
prie de vouloir nous faire connaître si les informations qu’on m’a données sont
exactes.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai cru que la chambre désirait
avoir l’ensemble des renseignements à la fois. C’est pourquoi je me suis
abstenu de fournir ceux qui me sont parvenus jusqu’à présent, attendu que si je
les soumettais immédiatement à l’assemblée, ils seraient incomplets.
M.
Gendebien. - Si j’ai bien compris M. le ministre de l’intérieur, nous
sommes en progrès. Auparavant c’était par un arrêté royal qu’on se permettait
d’expulser 27 étrangers, et de violer la constitution en exhumant une
disposition abrogée par une mesure que M. le ministre de la justice actuel
regardait alors lui-même comme inconstitutionnelle. Maintenant, voilà
l’autorité municipale qui se permet aussi de faire des expulsions. Je ne sais
pas où l’on s’arrêtera. Il n’y a pas de raison pour que nous-mêmes nous ne
soyons expulsés par un simple arrêté ministériel, au sortir de la chambre. Je
n’entamerai pas la discussion sur cet objet. Mais je demande que les ministres
se hâtent de nous présenter, sur l’expulsion du chanoine de Judicibus, tous les
renseignements que nous sommes en droit d’exiger dans le plus bref délai.
- La séance est levée à 5
heures.