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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 6 février 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Proposition de loi augmentant le personnel du tribunal de première instance de Charleroy
(Frison, Pirson, Desmanet de Biesme, Gendebien, Dumortier, Frison, Gendebien, de Roo, Dumortier, Desmanet de Biesme, Dumont, Pirson, Dubus)
3)
Projet de loi portant le budget de la dette publique pour l’exercice 1835.
Second vote des articles. Pensions du personnel de l’Etat à charge de la caisse
de retraite du ministère des finances (Jadot, Pirson, Seron, Trentesaux,
d’Huart, Pirson, Trentesaux, Verdussen, Gendebien, d’Huart, Jadot,
Gendebien, d’Huart, Verdussen, Coghen, Dumont, d’Huart, Duvivier,
de Brouckere, Fallon, Dumortier, Jadot, Gendebien, Duvivier, Dumortier, Dujardin, Dumortier, Duvivier, Jadot, Dumortier, Dumortier, d’Huart, de Brouckere, Dumortier, d’Huart, Coghen, Duvivier,
Gendebien, Coghen, d’Huart, Gendebien, Dumortier, Duvivier)
(Moniteur belge n°38, du 7 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
midi trois quarts.
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est
adopté.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur L. Thomassin,
marchand tailleur à Liége, né en Prusse et habitant
_______________
« Le chanoine don
Francesco de Judicibus, refugié italien, se plaint
d’avoir été arrêté par le procureur du Roi de Gand, et retenu 5 jours en prison
sous prétexte que son passeport n’était pas régulier ; il articule également
plusieurs propos outrageants, dont il aurait été l’objet de la part de ce
magistrat et des agents de la police, et demande que la chambre ait égard à sa
plainte. »
- Ces deux pétitions
sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
_______________
La commission pour les
los-renten est composée de la manière suivante :
MM. Raikem, Legrelle,
Davignon, Lardinois, Donny, d’Hoffschmidt, Dumortier, Dubus, Fallon, Jadot,
Verdussen.
________________
M. de Brouckere. - Je demande que si la
pétition est renvoyée à la commission des pétitions, celle-ci soit invitée à
faire son rapport. Demain nous nous occuperons du rapport des pétitions. Il est
urgent qu’une prompte décision soit prise à l’égard de cette requête.
- La commission est
chargée d’en faire le rapport au commencement de la séance de demain.
M.
Frison demande une augmentation du personnel pour le tribunal de
Charleroy. (Nous ferons connaître les développements.) -
- La proposition de M.
Frison est prise en considération.
M. Pirson. - Je crois qu’il y a lieu de renvoyer
le projet qui vient de vous être présenté a une
commission ; en voici la raison. Les sections ne peuvent prendre les
renseignements qui sont nécessaires pour déterminer la chambre sur cet objet.
Il faudra que la commission que je propose se mette en contact avec M. le
ministre de la justice qui doit avoir des renseignements sur les besoins du
tribunal de Charleroy au moyen des rapports que lui transmettent les
procureurs-généraux. Le renvoi à une commission est d’autant plus désirable que
cette commission pourra examiner en même temps les demandes de même nature qui
ont été adressées par différentes villes de
M. Desmanet
de Biesme. - Les raisons alléguées par l’honorable préopinant en faveur
du renvoi du projet à une commission ne me paraissent pas fondées. Les sections
pourront s’entendre tout aussi bien qu’une commission spéciale avec M. le
ministre de la justice. Il y a ici une question de principe à examiner sur
l’augmentation du personnel des tribunaux de première instance. Si on prétend
que les renseignements à demander ne pourront être envoyés à toutes les
sections, la section centrale ne sera-t-elle pas dans la même position que la
commission pour les recevoir ? ne pourra-t- elle pas
comme elle s’entendre avec M. le ministre de la justice ? Lorsqu’une commission
a passé par la filière des sections, il y a bien plus de certitude que l’examen
qu’elle a subi représente l’opinion de l’assemblée que si elle est examinée que
par une commission spéciale.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il n’y a pas à
hésiter, qu’il faut renvoyer le projet à une commission. Dans le cas dont il
s’agit il y a urgence reconnue même par M. le ministre de la justice. Il y a
7,000 causes en retard au tribunal de Charleroy. Une deuxième chambre est d’une
nécessité telle que si vous tardiez plus longtemps à l’accorder, il faudrait
pendant quelque temps en établir une troisième provisoire. Il faudra, comme on
l’a déjà dit, que des renseignements soient fournis par M. le ministre de la
justice. Il n’y a donc que la section centrale qui pourrait les recevoir, si la
chambre adoptait le renvoi en sections. L’examen de la proposition ne serait
donc pas fait en section centrale par un nombre plus grand de membres que si
une commission était nommée. Je ne vois pas pourquoi l’on s’oppose au renvoi à
une commission.
M.
Dumortier. - L’arrondissement de Charleroy n’est pas le seul qui
demande une augmentation de personnel pour son tribunal. La ville de Dinant a
adressé une demande semblable à la chambre. Le barreau de Tournay a signé une
pétition pour la ville que j’ai l’honneur de représenter. Elle est datée de
l’an dernier. Le tribunal de Tournay est peut-être, de tous les tribunaux de
première instance, celui qui a le plus besoin d’une troisième section.
J’apprends
que le tribunal de Termonde réclame aussi une augmentation. Si vous renvoyez la
proposition de l’honorable M. Frison à une commission, elle n’aura à faire un
rapport que sur cet objet spécial. Si au contraire vous admettez le renvoi en
sections, les députés des différentes localités que je viens de nommer pourront
faire entendre leurs voix et faire apprécier les droits des villes qu’ils
représentent. Il y a en outre une question préalable à examiner ; c’est celle
de savoir s’il n’y aurait pas lieu de créer un tribunal de commerce dans la
ville de Charleroy. D’ailleurs les députés de Charleroy ne pourront-ils pas
soutenir le projet dans leurs sections respectives, de même que les députés des
arrondissements qui réclament aussi une augmentation dans le personnel de leur
tribunal. J’appuie donc le renvoi en sections.
M.
Frison. - Nous ne contestons pas le droit que peuvent avoir les
tribunaux de différents arrondissements à obtenir une augmentation de
personnel. Mais la nécessité d’augmenter celui du tribunal de Charleroy est
tellement impérieuse, sa position est tellement exceptionnelle que différer
plus longtemps d’y porter remède serait une espèce de déni de justice. Voilà 4
ans que cet état de choses se prolonge, sans qu’on y ait fait droit.
M. Gendebien. - L’honorable M. Dumortier
n’était pas au commencement de la séance. Son absence est cause qu’il a
confondu deux choses bien distinctes. La proposition de M. Frison a été prise
en considération avant l’arrivée de M.
Dumortier. C’est une proposition formulée en projet de loi sur laquelle
il s’agit de prendre une décision sur le mode d’examen qui en sera fait, tandis
que les différentes réclamations dont a parlé l’honorable M. Dumortier ne sont
que de simples pétitions. Elles ne sont point arrivées au même point de maturité
que le projet pour le tribunal de Charleroy. Chaque membre est libre d’imiter
l’exemple de M. Frison. Mais il s’agit seulement en ce moment de savoir si la
proposition sera renvoyée en sections ou à une commission. Il me semble qu’il
serait injuste de retarder la juste réclamation de l’arrondissement de
Charleroy, sous prétexte qu’il y a d’autres arrondissements qui réclament la
même faveur. Il n’y a aucune espèce de connexité entre les besoins des
tribunaux de Dinant, Termonde, et ceux du tribunal de Charleroy. Il n’y a pas
la même urgence. Chaque question devra être traitée séparément. Les arguments
émis en faveur du renvoi en sections ne sont donc fondés en aucune manière.
M. de Roo. - Les motifs que l’on avance à l’appui
de l’augmentation demandée sembleraient plutôt arguer en faveur de
l’établissement d’un tribunal de commerce dans la ville de Charleroy ; car
c’est principalement dans l’intérêt du commerce que cette augmentation est
demandée. Cependant il paraît qu’il serait très difficile d’établir un tribunal
de commerce dans cette ville, attendu que les grands industriels, qui devraient
le composer sont disséminés dans l’arrondissement à des distances assez
éloignées du chef-lieu pour qu’il fût difficile de les réunir. Il paraît donc
juste de créer une nouvelle section au tribunal de première instance, au lieu
d’un tribunal de commerce.
J’appuie donc la
proposition et me prononce pour le renvoi à une commission, comme cela a eu
lieu pour le tribunal de Bruges. Le cas est identique.
M.
Dumortier. - L’honorable député de Mons ne m’a pas compris. J’étais
présent à la prise en considération. Je sais fort bien qu’il s’agit d’une
proposition spéciale. il s’agit de savoir si la
proposition de M. Frison sera soumise à l’examen des sections ou d’une
commission. Les choses ainsi posées, je crois devoir faire remarquer à la
chambre que, saisie qu’elle est de plusieurs autres réclamations de la même
nature, elle fera mieux de renvoyer le projet de M. Frison à l’examen des
sections. On nous dit : Si vous voulez faire une proposition semblable,
faites-en une.
Je suis persuadé que si
l’on renvoyait le projet à une commission, chaque représentant des
arrondissements qui ont fait une réclamation déposerait une proposition sur le
bureau. M. de Terbecq en ferait une pour le tribunal de Termonde. Moi, j’en
ferais une pour le tribunal de Tournay. M. Lardinois me dit qu’il en ferait une
pour le tribunal de Verviers, et M. Pirson qui me fait signe, continuerait ses
réclamations en faveur de celui de Dinant.
M. Gendebien. - Eh bien, l’on nommerait des
commissions spéciales.
M. Dumortier. - Il y a ici une question de
principe à examiner. Il est donc nécessaire de renvoyer le projet aux sections,
c’est la marche que l’on a suivie pour l’organisation judiciaire. Il n’y a
aucun motif pour s’opposer au renvoi en sections, à moins que l’on ne craigne
l’examen des sections.
Nous avons tous les
mêmes droits.
M. Desmanet de Biesme. - J’ai été mal
compris par l’honorable M. Gendebien.
Il a paru croire qu’en demandant le renvoi en sections, je voulais écarter la
discussion de la proposition de M.
Frison. Mais l’honorable auteur lui-même n’a demandé qu’elle fût
discutée qu’après la discussion du budget du ministère des finances. Les sections
auront donc tout le temps d’examiner la question qui leur sera soumise. Je
pense qu’il ne faut s’écarter de la règle du renvoi en sections et nommer des
commissions que quand il y a urgence ou quand il s’agit d’un objet spécial. Je
répète que quand les sections ont formulé une proposition, elle est mieux
accueillie, et la discussion va plus vite que quand elle n’a passé que par une
commission.
M. Dumont. - Je demande le renvoi de la
proposition de M. Frison à une commission. Ma raison déterminante c’est que
l’objet dont il s’agit exige des connaissances spéciales. Il faut être versé
dans la marche des affaires judiciaires pour bien apprécier la justice de la
réclamation du tribunal de Charleroy. Les membres qui appartiennent au barreau
sont plus à même de juger ces sortes de questions que les membres des sections
qui en général les fréquentent peu.
L’honorable M. Dumortier
nous dit que d’autres arrondissements ont adressé à la chambre des réclamations
aussi fondées. Je le crois ; mais il est nécessaire que ces réclamations, pour
obtenir l’honneur d’un examen, passent par les mêmes formalités que la
proposition du tribunal de Charleroy. Je conçois bien que l’on puisse présenter
des amendements à la proposition de l’honorable M. Frison. Mais les demandes des autres tribunaux ne seraient plus
des amendements, mais de véritables propositions nouvelles.
Il
faudrait donc les envoyer à la chambre pour la formalité de la prise en
considération et statuer ensuite sur le mode d’examen de ces propositions. La
marche proposée par l’honorable M. Dumortier ne présentait aucun avantage sous
le rapport de l’économie du temps. Je persiste donc à demander le renvoi à une
commission.
M.
Pirson. - L’honorable M. Dumortier a mal compris le signe que je lui ai
fait : Mon intention est bien de présenter une proposition en faveur du
tribunal de Charleroy ; mais je ne partage nullement son opinion sur le renvoi
en sections. Je persiste à demander le renvoi à une commission parce que les
sections ne pouvant être saisies, des renseignements qu’il faudra
nécessairement demander au ministre de la justice, il n’y aura pas d’avantage à
ce qu’une section centrale les examine au lieu d’une commission. Il y aura eu
du temps perdu, et c’est ce qu’il faut éviter.
M.
Dubus. - Messieurs, comme on l’a déjà dit, la question de renvoi à une
commission n’est pas une question de temps. L’honorable M. Desmanet a fait
remarquer que, d’après la proposition même de M. Frison, ce ne serait qu’après
le vote du budget du ministère des finances que l’on s’occuperait de cette
proposition. Les sections et la section centrale auront donc le temps de
procéder mûrement à cet examen. Cet examen sera beaucoup mieux fait que s’il avait
lieu au moyen d’une commission, parce que la section centrale qui sera nommée
par toutes les sections, sera munie de tous les renseignements que les
connaissances spéciales des membres des sections auront fournis : car on dit
qu’il faut certaines connaissances pour examiner la proposition dont il s’agit.
Mais il existe dans toutes les sections des personnes qui ont des connaissances
spéciales sur ces matières. Le meilleur moyen, pour que la proposition de M.
Frison soit bien examinée, c’est de la renvoyer aux sections. D’ailleurs, si,
comme on l’a dit, différents arrondissements ont présenté des demandes fondées
pour obtenir une augmentation du personnel de leur tribunal, est-il convenable
d’examiner séparément toutes ces demandes et d’en faire autant de propositions
spéciales, au lieu de les renvoyer toutes aux sections et demander un rapport
sur l’ensemble ?
L’on a dit que la
section centrale n’avait pas mission de présenter des conclusions pour
l’augmentation du personnel d’un tribunal autre que celui de Charleroy ; mais
l’on a avancé cet argument sans se donner la peine de le prouver. Il est
certain que la section centrale a le droit d’en agir ainsi. Au surplus, il y a
un principe à examiner, que les sections et la section centrale seules sont
appelées à décider. Quand cette décision aura été prise, elle servira de règle
pour toutes les demandes de même nature. Au reste, s’il fallait que la chambre
fût saisie de propositions spéciales, je puis lui dire qu’il en serait déposé
une en faveur du tribunat de Tournay.
J’appuie, pour ces
motifs, le renvoi de la proposition de M. Frison aux sections.
- Le renvoi de la
proposition de M, Pirson aux sections est mis aux voix et adopté.
Second vote des articles
Titre II. Rémunérations
« Art. 4. Crédit
supplémentaire (pour la caisse de retraite) : fr. 50,000. »
M.
le président. - M. Jadot a proposé l’amendement suivant :
« J’ai l’honneur de
proposer à la chambre de porter à 180,000 francs le subside extraordinaire
demandé par M. le ministre des finances, pour les motifs que la chambre m’a
autorisé à faire imprimer au Moniteur.
»
M. Jadot. - Je me dispenserai de présenter de
nouveau les développements insérés au Moniteur.
Je m’y réfère pour le développement de ma proposition.
M.
Pirson. - Je voterai en faveur de la proposition de M. Jadot. Elle diffère de 20,000 fr.
de celle de M. le ministre des finances. Ce déficit pourra se combler si, comme
M. le ministre en a annoncé l’intention, le gouvernement applique la principe
consacré par les dispositions en vigueur, qui ne permettent pas d’accorder des
pensions d’un chiffre plus élevé que 6,000 fr., et si l’on opère ainsi des
diminutions sur les pensions qui dépassent ce chiffre.
M.
Seron. - Messieurs, je n’ai qu’un mot à dire sur la question soumise en
ce moment à votre examen, car il est inutile de répéter des observations que
vous avez entendues vingt fois. Si les employés du ministère des finances
avaient à leur disposition leur caisse de retraite et le droit exclusif de
fixer, d’accorder ou de refuser par eux-mêmes, ou par leurs fondés de pouvoirs,
les pensions de retraite, vous n’auriez pas à vous occuper d’eux, et ils
auraient mauvaise grâce à vous demander des subsides.
Mais il n’en est pas
ainsi : le gouvernement hollandais a mis la main sur leurs deniers et sur leurs
dotations. De son côté, le gouvernement belge, successeur du gouvernement
hollandais, a, depuis la révolution, accordé une foule de pensions nouvelles au
nombre desquelles il en est beaucoup de très élevées. De ces deux
circonstances, il est résulté un déficit considérable dans la caisse de
retraite belge. On a demandé qu’il fût comble par l’Etat. Il fallait y affecter
une somme assez considérable ; la chambre n’en a alloué qu’une très faible. Dès
lors, pour ne pas suspendre le paiement des pensions, le ministre des finances
a été forcé d’élever la retenue, de 3 p. c., taux
auquel elle était auparavant fixée, à 5 et même à 7 p. c. Aujourd’hui elle est
descendue à 5 p. c.
Est-ce
justice ? Non, car les employés soumis à la retenue n’ont pas de canons pour
contraindre le roi néerlandais à leur rendre compte et à liquider avec eux.
Non, car ils ne sont pas cause qu’une masse de pensions a été, à tort ou à
droit, accordée à des employés destitués ou démissionnaires, valides ou
invalides. Non, car il est contraire à la raison et l’équité de faire payer par
les employés actuels les pensions dont ils jouiront plus tard, au moyen d’une
retenue de 5 ou de 7 p. c., tandis que leurs prédécesseurs maintenant en
retraite n’ont payé celles qu’ils reçoivent que d’une retenue de 3 p. c. ou ne
l’ont pas même payée du tout.
Je suis grand partisan
de l’économie, mais j’aime encore mieux la justice. J’appuie donc la
proposition de mon honorable ami M. Jadot, comme tendant à ramener la retenue à
sa véritable proportion et parce qu’elle me paraît fondée. Libre à la chambre
de nommer ultérieurement une commission chargée d’examiner et de vérifier les
titres des pensions obtenues depuis plus de quatre ans, et de vous signaler
celles qui lui auront paru excessives ou abusives, comme je vous proposais de
le faire en 1833, s’il m’en souvient bien.
M. Trentesaux. - Je propose le chiffre de
125,000 fr. Messieurs, j’ai déjà dans la dernière séance eu l’honneur de vous
énoncer sommairement les motifs de mon amendement. J’ajouterai au chiffre de la
section centrale une somme égale à celle que je retranche au chiffre du
gouvernement, 75.000 fr. Ainsi je prends un juste milieu entre la proposition
du gouvernement et celle de la section centrale. Vous avez dû remarquer que la
distance entre les deux propositions était extrêmement grande.
Le gouvernement demande
200 mille fr., et la section centrale n’en veut allouer que 50,000. J’ai pris
un juste milieu entre ces deux propositions, parce que, d’après tout ce que
j’ai entendu, je crois d’une part qu’on peut retrancher quelque chose à la
proposition du gouvernement, On nous a dit d’abord qu’il y avait eu des
pensions excédant six mille francs, taux fixé par l’arrêté de 1814.
Certainement, en
ramenant ces pensions au taux fixé par la loi, on obtiendra une certaine somme,
car je crois qu’il y en a bien six à sept. D’un autre côté on a signalé des
erreurs, on a même parlé d’abus. Et moi je suis tenté de croire qu’il y a eu
dans tout cela un peu de camaraderie, surtout pour les pensions élevées. Mais
aussi, comme je l’ai déjà dit, la distance entre la proposition de la section
centrale et la demande du gouvernement est trop grande ; je ne crois pas qu’on
puisse obtenir au moyen d’une révision une somme de 150,000 fr. Le total des
pensions est de 810,000 fr. Si on retranchait le dixième, ce serait 81,000 fr.
Je ne propose de retrancher que 75 mille fr., c’est environ le onzième ; la
section centrale propose de retrancher deux onzième, c’est trop selon moi.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il paraît que ce qui a fait
rejeter la demande ministérielle dans l’avant-dernière séance, c’est l’idée
qu’il y a eu beaucoup d’abus dans la collation des pensions. Relativement à ces
abus, je dirai que la commission qui a été instituée pour réviser ces pensions
vient d’être convoquée pour le 16 de ce mois. J’ai lieu de croire qu’elle
continuera son examen avec zèle et que peut-être dans six semaines son travail
sera terminé. S’il est reconnu que beaucoup d’abus existent réellement, je
saurai les faire cesser en modifiant le taux des pensions, et je déclare que je
n’invoquerai pas la responsabilité de la commission, mais que ce sera sous ma
responsabilité personnelle et toute particulière que j’agirai dans cette
circonstance.
Je dois dire cependant
que j’ai la conviction que le redressement des abus, si tant est qu’il en
existe, n’apportera qu’une différence bien légère dans le chiffre actuel des
pensions et qui sera loin d’approcher celle de 20,000 fr. qui existe entre la
proposition de M. Jadot et la proposition ministérielle. Il me semble que
d’après la promesse que je fais de continuer la révision des pensions et de lui
donner une sanction, la chambre peut sans aucune inquiétude voter le crédit que
le gouvernement lui demande.
L’honorable M.
Trentesaux a parlé des pensions qui excédent 6,000 fr., et il a dit que si on
les réduisait à ce taux, on aurait une somme énorme. Je viens d’en faire le
calcul. Il y a six pensions, dont l’une est de 6,000 fr. et cinq qui dépassent
ce chiffre. Si on les réduisait toutes à 6,000 fr., on obtiendrait une somme de
6,765 fr.
On a prétendu
irrévocablement qu’il y avait abus lorsque des pensions étaient accordées qui
dépassassent six mille fr. Je ne suis pas d’accord avec les honorables membres
qui ont émis cette opinion. Il n’est pas toujours exact de dire, même en
appliquant l’arrêté de 1814, qu’aucune pension ne puisse être accordée en
dépassant six mille francs.
En effet, si j’examine
l’art. 9 de l’arrêté de 1814 relatif à ces pensions, j’y trouve que la pension
d’un employé qui a servi 40 ans et au-delà peut aller jusqu’aux deux tiers de
la moyenne du traitement qu’il a eu pendant les trois dernières années de son
service.
Ainsi la pension d’un
employé qui a 40 ans de service peut s’élever jusqu’aux deux tiers du traitement
qu’il a touché pendant les trois dernières années.
Le paragraphe 2 porte
que la pension d’un employé qui a dix années de service est fixée au sixième du
traitement qu’il a touché pendant ses trois dernières années de service, et
qu’il y sera ajouté un soixantième pour chaque année de service au-dessus de
dix ans et au-dessous de 40 ans. Cette pension ne pourra excéder 6 mille fr.,
c’est-à-dire que quand la durée du service est au-dessous de 40 ans, dans ce
cas la pension ne peut pas dépasser six mille fr. Voilà comment il faut
entendre l’article 9 de l’arrêté de 1814.
Ainsi les pensions dont
nous nous occupons peuvent s’élever au-delà du maximum de six mille fr. Aussi
il y en a dont on n’a jamais contesté la légalité et qui cependant dépassent le
maximum de six mille fr.
La proposition de M.
Trentesaux, qui diffère de 75 mille francs de la demande ministérielle,
s’écarte infiniment trop des besoins de la caisse de retraite. Si cette
proposition était adoptée, je serais encore dans la nécessité ou de réduire les
pensions, ou d’élever à 6 ou 6 1/2 p.c. environ la retenue sur les traitements
des employés qui dépassent 1,200 francs.
On
conviendra que ce serait exorbitant.
Je pense, au reste, que la
révision dont j’ai parlé sera un grand bien. Quand elle aura été terminée, les
pensionnés pourront vivre en repos et avoir la certitude que chaque année on ne
viendra pas leur contester des moyens d’existence qu’ils ont acquis par de
longs et loyaux services.
Il ne faut pas perdre de
vue que, pour faire cesser quelques abus, on risque de porter atteinte aux
droits acquis de personnes qui méritent la bienveillance de la nation.
C’est assez que chaque
année on vienne remettre en question le traitement des employés en activité, on
devrait au moins s’abstenir de revenir sur les pensions de ceux qui n’ont plus
que quelques années à vivre. Quand nous en viendrons à la discussion du budget
de mon département je démontrerai combien il est nuisible aux intérêts de
l’Etat de critiquer à chaque discussion de budget le traitement d’employés qui
travaillent avec le zèle le plus louable et qui ont de plus le mérite de ne
s’être pas découragés en voyant contester les droits qu’ils ont acquis à des
traitements qui ne sont pas très élevés et qui sont beaucoup au-dessous de ceux
accordés dans d’autres pays pour des fonctions analogues.
M. Pirson. - Je demande la parole ; ce n’est pas
pour proposer une modification au chiffre de M. Jadot, mais pour présenter une
observation. Il me semble, que quand il y a des employés supprimés par suite de
nouveaux règlements pris par les ministres, et, qu’on donne à ces employés une
pension de retraite, il y a là une sorte d’abus. Il faudrait tenir ces employés
en disponibilité, comme on le fait à l’égard des militaires, et les replacer
dès qu’une place se trouve vacante. On gagnerait ainsi beaucoup de pensions de
retraite.
Maintenant, quand un
employé a été mis à la retraite, valide ou non, on n’y pense plus, il y a tant
de solliciteurs pour venir demander les places vacantes, qu’on ne songe pas à
rappeler à l’activité ceux qui sont à la retraite. Il faudrait créer une classe
particulière que j’appellerais la disponibilité. C’est une simple observation
que, je soumets au ministre, ce qui ne change rien au chiffre proposé par M.
Jadot.
M. Trentesaux. - Je demande la permission de
rappeler à l’assemblée que je suis cause qu’une modification a été apportée à
la proposition de la section centrale ; car le chiffre du gouvernement avait
été rejeté et on allait passer au vote de celui de la section centrale. Il m’a
paru que la distance entre les deux chiffres était trop grande, et j’ai pris,
ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire, un juste milieu.
J’y ai été déterminé par
l’opinion où je suis que le ministre des finances actuel peut, sans rien
ajouter à la retenue faite sur le traitement des employés, opérer sur le
montant des 810 mille francs de pensions de retraite une réduction de 75 mille
francs. C’est pour lui donner force que je propose un retranchement aussi
considérable parce que je suis sûr que la camaraderie a été pour beaucoup dans
les abus qui ont présidé à la collation des pensions.
Je dis que le
retranchement est considérable. Mais après tout je vous prie de remarquer qu’il
n’est que le onzième de la somme demandée.
M.
Verdussen. - Messieurs, avant de parler contre les deux amendements qui
vous sont présentés, je commencerai par dire que peut-être plus tard ne
m’opposerai-je pas à l’admission d’un chiffre plus fort que celui que propose
aujourd’hui le gouvernement, lorsqu’il me sera prouvé qu’il est nécessaire,
qu’il y a justice et équité à solder une dette sacrée.
C’est précisément parce
que nous sommes dans la perspective d’un rapport détaillé, mûri et approfondi,
que je me tiendrai au chiffre de 50,000 fr. proposé par la section centrale. Je
suis persuadé que ce chiffre est insuffisant, et c’est parce qu’il s’éloigne de
beaucoup de la somme nécessaire que je le voterai, parce que si je m’approchais
trop du chiffre demandé par le gouvernement, le gouvernement se trouverait dans
un singulier embarras. Par exemple, si l’amendement de M. Jadot était adopté,
faudra-t-il considérer l’allocation de 260 mille francs comme définitive et
réduire les pensions au prorata de ce qui a été alloué, ou faudra-t-il élever
la retenue sur les employés, jusqu’à concurrence de 6 ou 7 p. c., afin de combler le déficit ?
Je me prononce d’abord
contre la proposition de M. Trentesaux ; parce qu’il n’a nullement justifié son
chiffre. Il me paraît qu’il a fait une espèce de marché avec la chambre. Son
juste milieu est nécessairement erroné et ne prouve rien, car si le
gouvernement peut faire avec un onzième de moins, il n’y a pas de raison pour
qu’il ne puisse pas faire avec un cinquième ou un tiers de moins, si la
réduction n’est pas motivée. Il n’y a ni justice, ni justesse dans un pareil
chiffre.
Quant à la proposition
de M. Jadot, j’ai lu attentivement les développements qu’il lui a donnés, et
j’avoue que, malgré toute sa lucidité, il n’a pas pu me convaincre. Il a bien
dit que toute la question résidait dans ceci : Le règlement du 20 mai 1822
a-t-il abrogé la loi du 14 septembre 1814, à l’égard des employés du
département des finances ?
Oui, messieurs, c’est là
la question, mais elle n’a jamais été résolue, ni par les raisonnements de M.
Jadot, du moins ils n’ont pas porté la conviction dans mon esprit, ni par les
votes antérieurs de la chambre. Car toujours, et depuis deux années surtout,
quand la chambre a accordé des sommes pour le service de la caisse de retraite,
elle ne les a accordées qu’à titre d’avance. Je rappellerai que l’allocation de
145,000 fr. n’a été votée qu’à la condition qu’elle serait remboursée par la
caisse de retraite de deux en deux ans et par cinquièmes.
Cela prouve que jamais
la chambre n’a tranché la question, que jamais elle n’a considéré l’arrêté du
14 septembre 1814 comme abrogé. Je suppose qu’il en soit ainsi. Mais je veux
que la chose soit approfondie ; car on dit que les 30 mille florins alloués par
la législature, pour combler le déficit de la caisse de retraite, n’étaient
qu’une somme qui pourrait être augmentée, si les besoins de la caisse
l’exigeaient. Où cela est-il dit ? Je n’en sais rien.
Je dois à la
complaisance de. M. Jadot, qui me l’a procuré, le règlement du 29 mai 1822, et
tout ce que j’y ai vu prouve contre lui. Il prétend que le but de
l’établissement des caisses de retraite n’a nullement été de faire acheter aux
employés des finances leurs pensions, mais d’assurer à leurs veuves et à leurs
orphelins la réversibilité de la pension dont ils auraient joui si par
infirmité ils avaient dû quitter le service.
Je
demanderai encore où voit-on cela ?
J’ai lu les articles
cités par l’honorable M. Jadot et je ne trouve rien à cet égard, et je trouve
au contraire que la présomption est contre lui, car il a rappelé l’art. 6 du
décret du 13 septembre 1806. Ce décret porte que :
« Les dispositions
ci-dessus ne sont point applicables aux employés des ministères et des
administrations dont les pensions sont acquises au moyen des retenues et
conformément à des règlements particuliers arrêtés par nous, à l’exception
néanmoins de ceux qui auraient pris leur retraite avant que lesdits règlements
eussent été rendus. »
Il résulte selon moi, de
cet article 6, invoqué par M. Jadot, que les pensions dont il s’agit ne sont
nullement une dette de l’Etat.
Tout cela me semble
confirmer que la chambre n’a jamais voulu que faire une avance, sauf à voir si
la caisse de retraite était ou non tenue au remboursement.
Je termine comme j’ai
commencé, en déclarant, que peut-être je voterai une somme plus forte quand
j’aurai été à même de me prononcer en connaissance de cause. Aujourd’hui je ne
voterai que le chiffre de 50 mille fr. propose par la section centrale, afin de
forcer à revenir sur la matière.
M.
Gendebien. - Il me semble que quand on aura discuté pendant trois
heures encore, nous ne serons pas plus avancés. Le ministre sait qu’à la dernière
séance, où on s’est occupé des pensions, un vote a repoussé la demande qu’il
avait faite. Il connaît les motifs de ce vote. J’ai énoncé les miens, et il m’a
paru que l’assemblée partageait mon opinion, qu’elle pensait qu’on avait abusé
de la caisse des retraites, et qu’elle voulait connaître positivement quels
étaient les droits des parties prenantes, parce qu’elle voulait être juste
envers tous, et que dans cet état de choses elle ne pouvait voter la somme
demandée par le gouvernement, ni celle proposée par la section centrale.
Puisque le ministre doit
nous donner communication du rapport de la commission chargée de la révision
des pensions et de l’examen des lois et règlements sur la matière, et qu’avant
six semaines ce rapport doit nous être remis, nous n’avons rien de mieux à
faire que d’attendre ce rapport.
Le dernier semestre qui
doit être payé en janvier, est couvert au moyen de l’allocation portée au
budget de 1834 ; vous n’aurez rien à payer pour ce service, qu’au mois de
juillet prochain. Ainsi vous avez le temps d’attendre le rapport de la
commission qui vous est promis, et vous aurez encore deux ou trois mois pour
l’examiner et prendre une résolution.
Je persiste donc dans
l’opinion que j’ai émise que je ne puis voter ni pour le chiffre proposé par le
ministre ni pour le chiffre réduit par la section centrale. J’ai déclaré
positivement que je ne souffrirais jamais qu’on diminuât d’un centime toute
pension légalement acquise, et que d’un autre côté je ne souffrirais pas non
plus qu’on augmentât la retenue faite sur les traitements des employés, et
particulièrement sur les employés subalternes. J’ai prouvé que 5 p. c. était le
maximum de la retenue qu’on pouvait opérer sur le traitement des employés, et
l’assemblée a paru être d’accord avec moi sur ccs principes.
Je crois donc devoir
inciter le ministre à retirer son chiffre de 200,000 fr. avec réserve de le
représenter, lorsque la chambre aura pu examiner le rapport de la commission
chargée de la révision des pensions, parce qu’alors elle pourra discuter la
question en pleine connaissance de cause, tandis que maintenant toute
discussion serait complètement oiseuse.
Je
suis persuadé que la grande majorité de l’assemblée sera de mon avis à cet
égard.
Je répète itérativement que
je veux pleine et entière justice pour tous, que toute pension légitimement
acquise soit maintenue ; mais que tout ce qui a été accordé à la faveur soit
restreint aux strictes limites du droit.
Je pense que le ministre
ne trouvera aucun inconvénient à ma proposition, car l’amour-propre le plus
susceptible ne pourrait s’en trouver blessé. Je ne pense pas qu’il puisse avoir
de besoins avant l’époque que j’ai indiquée ; du moins je n’en connais pas ; le
dernier semestre de 1834, comme je l’ai déjà dit, est couvert par le budget de
l’année dernière, et quant au premier semestre de 1835 il suffit que les fonds
soient faits pour le 1er juillet prochain.
Je demande donc que la
question reste entière jusqu’à ce que le rapport de la commission nous ait été
présente et que la chambre ait été mise à même de se prononcer en pleine
connaissance de cause.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Mes observations ont pu faire
comprendre que je me ralliais à la proposition de M. Jadot. J’ai parlé d’un déficit de 20 à 25 mille fr. entre les
besoins réels et l’allocation. Ce déficit me semblait suffisant pour garantir
la chambre qu’on s’occuperait de la recherche des abus et qu’on aviserait au
moyen de les faire cesser si tant est qu’il en existe.
J’ai la conviction que
quand on aura examiné les titres des divers pensionnés, on sera loin d’arriver
à une réduction de 25 mille fr. sur le chiffre total des pensions.
Il a ajouté que
d’ailleurs je pourrais faire face au premier semestre de 1835 au moyen du
crédit ordinaire déjà alloué ; mais vous comprenez qu’il serait imprudent
d’absorber au paiement de ce semestre un crédit alloué pour toute l’année sans
avoir la certitude qu’avant la fin du deuxième semestre la commission aura fait
son rapport au ministre, que le ministre aura pu le soumettre aux chambres, que
les chambres auront eu le temps d’examiner, et qu’après l’avoir examiné, elles
consentiront à voter les fonds réclamés.
Je
crois, messieurs, que, par respect pour la législature, les ministres ne
doivent pas agir avec cette confiance, dans des occasions urgentes, dans des
circonstances extraordinaires, seulement le ministre doit avoir le courage de
disposer sous sa responsabilité d’avances sur le trésor pour servir les vrais
intérêts du pays.
Vous voyez donc bien,
messieurs, que si la chambre se bornait à voter les 50,000 fr. proposés par la
section centrale elle placerait le gouvernement dans l’impossibilité de remplir
ses engagement, à moins d’admettre les moyens déjà indiqués et consistant à
réduire les pensions ou à augmenter encore les retenues sur les traitements. Je
ne puis donc adhérer à la motion d’ordre, et je me rallierai plutôt à la
proposition de M. Jadot.
Je suis persuadé que
l’honorable M. Gendebien ne veut que s’éclairer ; il n’entend diminuer en rien
des droits acquis ; je comprends fort bien sa pensée, mais j’ai lieu de croire
que l’admission de sa motion d’ordre n’atteindrait pas le but qu’il se propose
lui-même.
M.
Jadot. - L’honorable M. Verdussen a demandé où l’on trouve que le
subside de 30,000 florins accordé par l’article 34 du règlement du 29 mai 1822
ne peut jamais être augmenté par le gouvernement. Eh ! mais,
messieurs, c’est dans cet article même. Le voici :
« Sont affectés à
l’établissement, à l’entretien et à l’augmentation de ladite caisse : (…)
annuellement une subvention à la charge du trésor, équivalente au déficit, mais
seulement à la concurrence de 30,000 florins, lorsqu’il sera prouvé au Roi que
les revenus de la caisse ne suffisent point pour faire face aux dépenses ; avec
réserve d’augmenter ladite subvention, pour autant que la caisse pourrait être
trop chargé, par l’effet de la première subdivision de l’art. 104, concernant
les fonctionnaires qui perdent leur emploi, par suite de suppressions, de
combinaisons ou d’autres circonstances. »
J’appelle votre
attention sur les deux lignes qui résument cet article :
« La subvention
susmentionnée sera imputée sur l’article des pensions civiles porté au budget
de l’Etat. »
C’est pour satisfaire
aux besoins nés des suppressions, des combinaisons et des autres circonstances
dont parle cet article, que la loi du 27 décembre 1822 et celle du 5 juin 1824
ont mis un capital de 60 millions de florins à la disposition du syndicat
d’amortissement ; les rentes et pensions qui s’éteignaient successivement, dont
on l’a chargé, ont fait l’objet d’un article au budget extraordinaire à charge
du syndicat ; mais, depuis la révolution, toutes les rentes ou pensions ont été
laissées à la charge de la caisse, et n’ont conséquemment pas été portées au
budget extraordinaire de l’Etat, conformément à l’art. 34 du règlement et aux
lois que je viens de citer.
Or, depuis la révolution, des combinaisons, des
suppressions et d’autres circonstances, ont engagé le gouvernement à renvoyer
des employés comme orangistes, qui ont ensuite été admis à jouir d’un traitement, en attendant qu’ils fussent
purifiés ; à supprimer des emplois, etc. Mais, au lieu de porter les
traitements et les pensions accordés dans ces circonstances, on les a mis la
charge de la caisse de retraite, et le budget de l’Etat en a été déchargé.
M. Verdussen a aussi
parlé du décret du 13 septembre 1806 ; il me paraît ne pas en avoir bien
compris le but.
On avait invoqué ce décret comme excluant les
employés des finances du droit de prétendre à des pensions sur le trésor
public. J’ai répondu que ce décret, postérieur à l’établissement des caisses de
retraite, n’a pour objet que de régler les formalités à observer par ceux qui
réclament des pensions à charge du trésor ; qu’il exclut les employés des
autres départements ministériels tout aussi bien que les employés des finances
; mais il n’exclut personne. J’aime à croire que, par ces observations, j’aurai
fait disparaître les objections de M.
Verdussen.
M.
le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien : « Je demande
que la chambre ajourne toute délibération sur la somme pétitionnée pour
suppléer au déficit de la caisse des retraites jusqu’après le rapport de la
commission chargée de la révision des pensions. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
dois m’opposer à cet amendement ; c’est le moyen de rejeter l’amendement de
l’honorable M. Jadot, c’en est le rejet indéfini. Qui nous dit que la chambre
pourra s’occuper, sous un prochain délai, du rapport dont il s’agit ? Il y a
tant de lois qui attendent que je regarde comme presque impossible que celle-ci
trouve place avant un temps illimité. Si le crédit est ainsi éliminé, c’est un
déficit de 200,000 francs que vous créez. Le ministre doit-il réduire les
pensions, ou augmenter les retenues ? Nous avons 810,000 fr.
Je regrette que
l’honorable M Verdussen ne m’ait pas compris : mais je lui dirai qu’il est
pourtant aisé de se convaincre qu’il est beaucoup plus facile de répartir un
déficit de 25,000 francs sur les pensions ou sur les retenues qu’un déficit de
150,000 francs, qui forcerait d’élever ces dernières, pendant les derniers mois
de l’exercice, peut-être à 12 p. c. sur les traitements dépassant 1,200 francs,
si je devais pourvoir aux pensions du dernier semestre, sans avoir obtenu
l’allocation demandée. Il n’est pas certain, remarquez-le bien, que la chambre
puisse ou veuille voter ultérieurement, cette année, un crédit pour la caisse
des retraites. Voyez alors la position où je me trouverais placé.
Une
circonstance que l’on semble déjà avoir perdue de vue, c’est que la commission
de révision va s’occuper de son travail sur les pensions, et que j’ai déclaré
que s’il y avait des abus tels que ceux dont on a parlé, je les ferais cesser,
en proposant au Roi de prononcer les réductions jusqu’aux taux légitimement
acquis. Il me paraît dès lors que la chambre doit décider, conformément à la
demande que je lui présente, c’est-à-dire en faveur de l’amendement de M.
Jadot, si elle veut bien accorder quelque confiance au ministre des finances.
M.
Verdussen. - Je vous avoue que je suis étonné de voir ainsi M. le
ministre rejeter la proposition de l’honorable M. Gendebien. Tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire, c’est de
suspendre un vote définitif. Je demande à M. le ministre ce qu’il trouve de mal
à avancer le premier semestre, quand il a en main les 4/5 des sommes qu’il lui faut
pour payer. La responsabilité de M. le ministre s’effraie-t-elle donc d’une
somme moindre ou plus forte ? Il consent à un déficit de 25 mille francs et non
pas à un déficit plus considérable. Il me semble que dans ces deux cas il ne
peut payer les pensions. Je pense qu’il devrait en faire la subdivision au
prorata. J’avoue que je n’y comprends plus rien. Mon intention du reste est
d’appuyer l’amendement de l’honorable M.
Gendebien.
M. Coghen - Au point où en est venue la discussion,
je me bornerai à dire que je crois que M. le ministre des finances a besoin
d’une somme de 785,000 fr. pour payer les pensions légalement accordées ; il
demande une subvention de 400,000 fr. à l’Etat : 200,000 fr. sont votés,
200,000 fr. forment la discussion qui nous occupe. L’honorable M. Jadot a
proposé de ne réduire le chiffre qu’à 180,000 fr., parce qu’il paraît résulter
de la discussion que s’il y a eu quelques abus, quelques facilités dans la
collation des pensions, cette différence ne peut s’élever au-delà de 200,000
fr. ; par conséquent, je crois que la chambre peut voter les 180,000 fr. en
abandonnant à la prudence du ministre des finances le soin d’une juste
répartition. Aucun de nous ne veut refuser aux anciens employés du pays la
rémunération qui leur est due. Ce sont des droits acquis, des droits sacrés que
l’Etat doit payer. On ne doit pas faire une exception pour les employés des
finances parce que tous les employés en général des autres administrations,
ainsi que la magistrature de l’ordre judiciaire et les militaires, reçoivent
après un temps voulu la juste récompense des longs travaux qu’ils ont faits
dans l’intérêt public, pensions de retraite que réclame souvent leur âge. Quant
à l’élévation des pensions, qu’on y fixe des bornes si déjà elles ne sont pas
fixées. Je me résume et m’oppose à la proposition d’ajournement de l’honorable
M. Gendebien ; j’appuie celle de M. Jadot, parce qu’il est reconnu par la
discussion que dans tous les cas possibles, la différence à résulter des réductions
ne doit jamais s’élever au-delà de 20,000 fr.
M. Dumont. - Je prends la parole pour appuyer
l’amendement de l’honorable M, Gendebien ; pour moi, je crois que c’est le
parti le plus sage à prendre, je crois que c’est le seul moyen de pouvoir voter
en connaissance de cause. M. le ministre objecte la nécessité où il se
trouverait au premier juillet de payer les pensions sans allocation. Si j’ai
bien compris la proposition de M. Gendebien, il n’y aurait pas d’allocation. Je
pense qu’il peut ajourner les 50,000 fr. aussi bien que toute autre somme. Je
vois dans cette proposition un grand avantage, c’est de mettre le gouvernement
dans la nécessité de présenter un projet de loi et la commission un rapport sur
la matière, avant le premier juillet prochain. Si vous adoptez ou l’amendement
de M. Jadot, ou celui de M. Trentesaux, vous décidez une question pour laquelle
vous n’êtes pas assez éclairés, une question vitale pour moi, et qui est
celle-ci : Est-ce que le trésor public est tenu de subvenir au déficit de la
caisse des retraites ? Je désire obtenir des éclaircissements à cet égard, car
je soupçonne très fort qu’on n’a jamais envisagé l’Etat comme tenu de subvenir
à ce déficit puisque sous le gouvernement précédent, un subside fixe était
accordé, subside de 30,000 florins au-delà desquels rien n’a jamais été
demandé. Les choses sont-elles changées ? Je n’en sais rien, et j’attends des
lumières à cet égard.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant a dit
que depuis longtemps on s’était récrié sur les abus du règlement de la caisse
des retraites ; et que le gouvernement se bornait à vous demander des
allocations à chaque budget sans chercher à modifier l’état de choses existant.
Il a sans doute perdu de vue que le 5 mars dernier, le ministre des finances,
mon prédécesseur, est venu proposer un projet de loi pour réviser la matière,
le gouvernement n’est donc pas en défaut. Le long délai qui s’est écoulé depuis
doit vous mettre en garde contre l’idée de croire que l’ajournement proposé par
l’honorable M. Gendebien pourra rester en-deçà de la fin de cette session.
L’honorable préopinant a
demandé si l’Etat était tenu de venir au secours de la caisse des retraites ;
j’ignore si par cette question il entend contester les droits des
fonctionnaires du département des finances à la caisse des pensions.
Si c’était là sa pensée, je lui répondrais par
l’arrêté de 1814, et je lui dirais qu’alors même que l’on n’opérerait aucune
retenue sur les traitements de ces fonctionnaires, l’Etat serait tenu de leur
accorder la pension comme à tous les autres employé civils. J’en appelle aux
honorables membres de cette chambre qui ont étudié à fond la matière, ils vous
diront que c’est ainsi qu’il faut entendre légalement la chose ; ils vous
diront enfin que les retenues opérées au profit de la caisse de retraite n’ont
d’autre destination que celle de rendre la pension de ceux qui subissent ces
retenues, réversible sur leurs veuves ou sur leurs orphelins.
L’honorable M. Jadot a
déjà répondu à la demande de M. Dumortier, tendante à savoir si la somme de
30,00 florins allouée sous le gouvernement précédent pouvait être dépassée.
Il vous a dit, en effet
qu’un fonds de 60 millions de florins avait été ouvert au profit du syndicat
d’amortissement et au moyen duquel celui-ci a été chargé, entre autres
dépenses, de suppléer à l’insuffisance de la somme de 30,000 florins incombant
au trésor, afin de soutenir toujours les revenus de la caisse de retraite à la
hauteur des besoins.
M.
Duvivier. - Il est inutile que je prenne la parole, car M. le ministre
des finances vient de faire les observations que je voulais soumettre à la
chambre.
M. de Brouckere. - On vient de révoquer en
doute si les fonctionnaires des finances ont droit à la pension aussi bien que
les autres fonctionnaires ; je ne crains pas de décider la question
affirmativement. J’ai la conviction que l’arrêté-loi de 1814 avait aussi bien
en vue ces fonctionnaires que tous les autres ; et pour ceux qui pourraient
avoir des doutes à cet égard, je donnerai lecture de l’article. (L’orateur fait cette lecture.) Vous
voyez, par la disposition de la loi de 1814, qu’il est prouvé qu’on avait eu en
vue les employés des finances comme les autres employés ; car ce n’est qu’en
finance qu’il y a des receveurs et des comptables.
Depuis que cet arrêté a
été rendu, il est survenu non pas un règlement, mais plusieurs règlements ; ces
règlements avaient deux buts : de rendre les pensions des employés des finances
meilleures que celles des autres fonctionnaires, (or, dans ces règlements le
tarif des pensions des finances est plus avantageux que dans l’arrêté de 1814),
et en second lieu d’assurer aux veuves et aux orphelins la réversibilité de ces
pensions. Pour atteindre ce but, on a chargé de retenues les appointements de
ces fonctionnaires. Mais il n’en est pas moins vrai qu’alors qu’il n’y aurait
pas de retenue, ils auraient droit à une pension moins forte, j’en conviens, et
non réversible sur les veuves et les orphelins ; mais toujours est-il qu’ils
auraient droit à cette pension. J’arrive à la motion d’ordre. L’honorable M.
Gendebien propose de remettre le vote jusqu’à ce que le travail de la
commission ait mis le gouvernement à même de fixer les pensions au taux
convenable ; je déclare que, quant à moi, j’aime mieux cet amendement que la
proposition de la section centrale, et même que l’amendement de M. Trentesaux. Si vous allez voter une
somme de 125,000 francs, je ne doute pas que le gouvernement se trouve dans un
grand embarras. Quelque sévérité qu’on apporte, jamais on ne pourra réduire les
pensions ni de 50, ni de 75,000 francs ; vous allez mettre le gouvernement dans
l’alternative ou de faire des réductions outre mesure, ou d’augmenter d’une
manière exorbitante la retenue sur les appointements des employés.
La retenue est selon moi
portée au maximum. J’aime mieux voir adopter l’amendement de M. Gendebien,
parce qu’il ne préjuge rien et suppose le désir d’être juste, que de voir
adopter la proposition de la section centrale ou celle de M Trentesaux. ; mais il y a quelque chose que je préfère encore, ce serait
l’adoption de la proposition de M. Jadot. Si vous adoptiez cette dernière
proposition par laquelle on vous demande 180,000 fr., il en résulterait qu’en
laissant les pensions au taux où elles sont, il y aurait un déficit de 25,000
fr. Il n’est guère probable que les réductions s’élèveront beaucoup au-delà de
cette somme de 25,000 fr. Admettons cependant pour un moment que les réductions
faites dans le courant de 1835 dépassent le chiffre et qu’il faille voter
actuellement un crédit qui dépasserait les besoins ; mais vous avez l’assurance
que le gouvernement sera nanti d’un rapport présenté par des membres de cette
assemblée ; vous avez l’assurance que le gouvernement s’empressera de réviser
les pensions et de les porter au taux où elles doivent être.
Je
ne peux croire qu’en présence des assurances données, le gouvernement ne tienne
pas sa parole : il faudrait qu’il eût oublié tous ses devoirs, toutes les
convenances pour y manquer. Si le subside de 180,000 francs ne peut être
employé tout entier, il y aura économie. Les économies résultant de la révision
des pensions ne s’élèveront pas beaucoup au-dessus de 25,000 francs, car je ne
pense pas qu’il faille apporter dans la révision une sévérité tellement grande
que l’on s’expose à réduire les retraités à la dernière misère.
Il y a trois règlements
sur la caisse des retraites, s’il n’y en a pas davantage ; leurs dispositions
sont tellement obscures qu’il faut souvent plutôt consulter la justice, les
convenances que leurs textes. Toutes les fois qu’une question litigieuse se
présentera à moi, je déclare que la position de l’individu pensionné entrera
pour beaucoup dans mes décisions. Je ne prétends pas cependant qu’il faille
violer les règlements ; mais il est des questions que l’on peut envisager sous
divers aspects, et j’annonce comment je les envisagerai quand les règlements ne
les résoudront pas.
J’appuie l’amendement
déposé par M. Jadot ; je crois que la chambre ne se compromettra pas en
l’adoptant. Subsidiairement, je voterai pour la proposition de M. Gendebien. Adopter la proposition
de M. Trentesaux, ou toute autre, ce serait mettre le gouvernement dans
l’embarras et s’exposer à diminuer les pensions au-delà des limites prescrites
par l’équité.
M. Fallon. - Si la proposition de M. Gendebien
entraînait le rejet de toute allocation en faveur de la caisse de retraite, ou
si cette proposition entraînait une manifestation de défiance qui fût
personnelle au ministre des finances, je m’empresserais de la repousser. Quant
à moi je considère la motion d’ordre comme le seul moyen de sortir de
l’embarras dans lequel nous nous trouvons. Nous voulons tous faire un acte de
justice ; mais nous voulons connaître exactement le chiffre nécessaire pour le
service des pensions.
Je ne suis pas d’avis
que l’on augmente la retenue exercée sur le traitement des employés ; je ne
veux pas non plus que l’on fasse supporter une diminution proportionnelle aux
retraités, je veux que l’on accorde la somme nécessaire aux pensions légalement
liquidées.
M. Gendebien vous a dit
que d’ici au 1er juillet aucun paiement ne serait à faire ; s’il en est ainsi,
il est bien certain que d’ici à cette époque la responsabilité du ministre des
finances ne sera pas engagée, puisqu’il n’aura aucun acte à exécuter. Le
ministre nous a même assuré que dans six semaines environ il était probable que
l’on aurait un rapport de la commission ; dans ces circonstances ajournons donc
toute décision jusqu’à la présentation de ce travail ; alors nous pourrons
statuer en connaissance de cause.
Le ministre des finances
n’a fait aucune objection sérieuse contre le gouvernement ; il a seulement fait
observer qu’il n’avait pas de garantie que la chambre eût le temps de s’occuper
de la question ; cette crainte n’est pas fondée : s’il s’agissait d’un projet
de loi ordinaire, cela pourrait arriver ; mais il s’agit ici d’un article du
budget des finances, et la chambre ne peut pas se séparer avant de compléter ce
budget (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - Si l’on désire adopter la
motion d’ordre, je n’ai plus rien à dire ; mais si l’on prétend mettre aux voix
les amendements, je m’y opposerai parce que j’ai en main les pièces qui
prouvent que les chiffres posés par la section centrale l’année dernière, sont
vrais et exacts, et que si des pensions ont été accordées depuis, ce n’est que
par abus.
Je vous demande la
permission de répondre quelques mots aux assertions de M. de Brouckere. L’honorable membre soutient que les employés du
ministère des finances ont droit à des pensions sur l’Etat ; il nous dit que
quand l’arrêté-loi de
M.
Jadot. - Pour les employés des douanes !
M.
Dumortier. - Les employés des douanes font la majeure partie des
employés des finances.
M.
Jadot. - Mais ce ne sont pas tous les employés des finances.
M.
Dumortier. - Vous avez écouté M. de Brouckere avec beaucoup de patience
et beaucoup d’intérêt peut-être ; écoutez-moi, et vous me répondrez.
Cet arrêté-loi que l’on
avait tenu jusqu’ici caché prouve jusqu’à l’évidence l’illégalité de
l’opération par laquelle le ministre des finances a accordé, pendant l’année
dernière, pour 200,000 fr. de pensions. L’arrêté 1815, d’abord applicable aux
douanes, a été successivement applicable à tous les employés des finances en
conséquence d’arrêtés postérieurs. Que porte l’art. 11 de cet arrêté de 1815 ?
« Il ne sera accordé des pensions (sur la caisse des retraites) que
jusqu’à concurrence des fonds libres sur le montant annuel des retenues sur les
traitements, auxquels on ajoutera le montant approximatif annuel des autres
recettes attribuées à la caisse des pensions. » La caisse des retraites n’est
donc autorisée à accorder des pensions que jusqu’à concurrence des fonds restés
libres chaque année : si l’on avait maintenu la disposition fondamentale de cet
arrêté-loi, il n’y aurait pas eu l’année dernière un déficit, et l’on ne
viendrait pas cette année demander un crédit de 200.000 fr. Toute la faute du ministre
vient de l’oubli de cet arrêté-loi de 1815, lequel a même force et vigueur que
l’arrêté-loi de 1814. Ce qui prouve d’ailleurs que l’Etat n’est pas tenu envers
la caisse des retraites, que l’Etat ne lui doit rien, au-delà de ce qui est
fixé par les règlements, c’est l’art. 4 de l’arrêté de 1822 qui porte :
« La subvention annuelle de l’Etat sera de 30,000 florins. » Il est
évident par là, ainsi qu’on l’a répété à satiété dans cette enceinte, que
lorsque le trésor a fourni la somme de 30,000 fl., il ne doit plus rien.
M.
Jadot. - Puisque vous avez commencé de lire, continuez !
M.
Dumortier. - Oui, je continuerai de lire. Je vois que le gouvernement pourra
augmenter la subvention de 30,000 florins pour autant que la caisse des
retraites sera surchargée par suite de suppressions d’emplois : eh bien, vous
avez rempli cette condition. L’année dernière vous avez accorde 200,000 fr.,
sur le rapport de M. Liedts.
J’ai ici les pièces à l’appui de tout ce que j’avance ; elles sont signées A.
Duvivier. (On rit.) Le ministre
actuel dira-t-il que les documents fournis par son prédécesseur ne prouvent
rien ? Cependant ils prouvent quelque chose ; ils contiennent des faits. Je
déposerai tous ces documents sur le bureau.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - On ne les conteste pas
M. Dumortier. - On ne les conteste pas ! cependant ils prouvent beaucoup ; ils prouvent que l’on a
accordé pour 200,000 fr. de pensions au-delà de ce qui restait disponible à la
caisse ; et c’est là une chose très curieuse, pour ne pas dire autrement. Vous
voyez donc, messieurs, que vous pouvez voter en toute sûreté de conscience le
chiffre de la section centrale.
Si on vote la motion
faite par M. Gendebien, je ne m’y opposerai pas.
Dans tous les cas, la
chambre doit forcer le ministre à nous montrer qu’il sait porter la hache là où
il y a des abus. La section centrale veut empêcher ces abus de croître chaque
année. Elle a vu que le ministre des finances n’a pas le droit d’accorder des
pensions quand la chambre n’a pas accordé de crédits ; la chambre, dans ce cas,
peut dire : Si vous avez fait une dépense, vous avez manqué à vos devoirs. La
doctrine constitutionnelle est que toute dépense, quelle qu’elle soit, doit
avoir l’assentiment de la chambre ; le ministre a méconnu cette doctrine en
accordant des pensions pour des sommes qui surpassent celles en disponibilité.
Si vous faiblissez, si vous accordez ce que l’on demande, chaque année on
augmentera les budgets, et vous ne serez plus qu’une chambre d’enregistrement.
(Aux voix ! aux voix !)
M.
Gendebien. - Je serai très court. Je veux faire un rappel au règlement.
J’ai eu l’honneur de soumettre une motion d’ordre, et au lieu de la discuter,
chacun a fait de longues digressions sur la question au fond, et chacun a
prouvé que nous ne pouvions, actuellement, rien décider en connaissance de
cause.
Le ministre des finances
prétend que l’adoption de ma motion est l’équivalent du rejet de toute
proposition : si telle pouvait être le résultat de cette motion, je
n’hésiterais pas à voter plutôt les 200,00 fr. que de persister dans une
proposition qui réduirait même d’un centime une pension légitiment acquise. Le
même ministre nous a déclaré que malgré l’amendement de M. Jadot, il y aurait
encore un déficit de 25,000 fr., mais qu’il lui serait facile de le couvrir par
une répartition : je ne veux pas plus qu’on répartisse 25,000 fr. que 150,000
fr. ; je veux justice entière ; je veux la justice et rien que la justice.
Un honorable membre a
supposé que je demandais le rapport de la commission afin de réduire les
pensions ; j’ai demandé le rapport, afin de rétablir les pensions au taux
légal.
Dans
une précédente séance l’ex-ministre des finances nous a fait entendre que s’il
y avait eu abus dans la dispensation des pensions, que si les uns prenaient
trop, il y en avait d’autres qui ne prenaient pas assez, qu’il y avait
compensation et que le trésor ne perdait pas. Je ne veux pas de pareilles
compensations, c’est pour cela que je demande que l’on attende le rapport de la
commission. S’il y a des parties prenantes qui sont lésées, vous pouvez être
assurés que c’est parmi les petits employés. Ceux-là n’ont pas le talent, ni le
temps de se défendre, et souvent ne sont pas reçus à défendre leurs intérêts.
Je veux, non pas que l’on diminue, mais qu’on arrive à la légalité, à la
rigoureuse justice envers tous. Et pour éviter de perdre un temps précieux, je
demande que l’on passe aux voix sur ma motion d’ordre. Si on la rejette, que
l’on passe à la discussion au fond, et qu’on examine quel amendement on
adoptera. Que l’on discute cette question au long et au large ; quant à moi je
ne suis pas assez éclairé pour la résoudre, et j’insiste pour le renvoi après
le rapport de la commission, c’est-à-dire vers le mois de mars, et il restera
encore assez de temps pour prendre une décision avec connaissance de cause.
Si à défaut de temps ou
d’éclaircissements suffisants on ne pouvait voter un crédit définitif, on
pourrait allouer un crédit quelconque pour le paiement du premier semestre ;
car, je le répète, je veux la justice et rien que la justice, et je ne veux
faire souffrir ni attendre personne.
M.
Duvivier. - Je n’ai que peu de mots à répondre à M. Dumortier. Il a cité l’arrêté-loi
de 1815 ; mais le dernier article de l’arrêté-loi de 1822 est ainsi conçu :
« Toutes dispositions relatives aux anciens fonds de pension et non
expressément renouvelées par le règlement actuel sont abrogées et
annulées. » Ainsi celui de 1815 et tous autres sont annulés.
Je vois que la chambre
désire aller aux voix, je n’insisterai pas (Aux
voix ! aux voix !)
-
La clôture de la discussion est mise aux voix et ordonnée.
La motion d’ordre de M.
Gendebien est ensuite mise en délibération.
63 membres sont présents
et répondent à l’appel.
30 adoptent.
33 rejettent.
En conséquence la motion
d’ordre de M. Gendebien est écartée.
M.
Dumortier. - Les personnes qui prennent la défense du crédit demandé
par M. le ministre des finances me paraissent être dans une grave erreur ou du
moins ne me paraissent fonder leur opinion que sur des erreurs.
L’honorable député de
Philippeville, mu par des sentiments de philanthropie que je me plais à
reconnaître, a invoqué la compassion de la chambre en disant que si les
employés du ministère des finances avaient encore en main les fonds qui
existent en Hollande, ils ne viendraient rien demander.
Dans une séance
précédente, l’on a beaucoup parlé du fonds de la caisse de retraite que retient
Il est difficile,
messieurs, de savoir au juste quelle était l’importance de ce fonds. On varie
beaucoup là-dessus. Néanmoins, j’ai trouvé dans une pièce qui a été publiée en
Hollande, à l’usage des employés, et qui se trouve annexée à l’arrêté du
conseil d’administration de la caisse de retraite, en date 22 octobre 1817, un
document très précieux sur la question qui nous occupe.
D’après cette notice
qui, si elle ne sort pas de l’imprimerie royale, doit avoir été imprimée aux
frais du gouvernement hollandais, le fonds de la caisse de retraite se
composerait de ce qui suit :
1° Capital inscrit, au
profit de la caisse de retraite des impositions indirectes, au grand livre de
la dette nationale, montant à la somme de 678,900 florins.
2° Capital inscrit au
livre de la dette différée 192,000 florins.
3° Capital inscrit au
profit de la même caisse au grand livre de la dette nationale, néant.
4° Retenues et part dans
les amendes et confiscations, néant.
D’après ces documents,
le capital de la caisse de retraite se composait donc seulement de 678,000
florins en dette active et de 192,000 florins eu dette différée. Or cette
dernière partie du capital ne doit pas entrer en ligne de compte. Car on sait
que la dette différée ne portait pas d’intérêt. Il y avait donc seulement une
somme de 678,000 florins à 10 p. c. d’intérêt, ce qui faisait un revenu annuel
de 16,972 florins.
Ainsi, pour tout le
royaume des Pays-Bas, les ressources de la caisse de retraite étaient à peine
de 17 mille florins. Donc pour les provinces méridionales elles ne devaient
être que de 17,000 francs. J’avais donc raison de dire dans une séance
précédente que si le fonds de la caisse de retraite qui revient à
Ainsi l’on a donc grand
tort de venir invoquer les ressources que la caisse de retraites donnait aux
employés des finances, puisque ces ressources sont très bornées.
Le ministre, nous
dit-on, est forcé d’élever le taux des retenues de 5 p. c. sur les traitements
supérieurs à 1,200 francs. Cela est très vrai. Mais remarquez qu’en France,
depuis plus de dix ans cette retenue est faite sur tous les traitements
indistinctement.
Les chambres françaises
ont exigé que les retenues fussent portées à ce chiffre, afin de mettre un
frein à la facilité avec laquelle le ministre des finances accordait des
pensions de retraite : Ce que l’on nous représente comme une mesure extrêmement
fâcheuse existe donc en France depuis longtemps, et les ministres n’y viennent
pas tous les ans demander aux chambres un subside extraordinaire pour la caisse
de retraite.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Par exemple !
M.
Dumortier. - Le ministre des finances a fait plusieurs demandes comme la
vôtre, je le sais, et plusieurs fois les chambres françaises les ont rejetées.
Comment représente-t-on
la proposition de la section centrale ? On représente la section centrale sous
les couleurs les plus sombres. Vous voulez enlever aux employés, nous dit-on,
dans leur vieillesse, ce qu’ils ont gagné dans le cours d’une longue et
laborieuse existence. Vous venez rendre victimes des hommes honorables d’un
déficit dont ils ne sont pas la cause. Chaque année l’on remet en doute
l’existence de vieux fonctionnaires. Je m’étonne qu’un homme aussi judicieux
que l’est M. le ministre des finances actuel puise se servir de pareilles
expressions. Est-ce que chaque année la chambre a voté des réductions sur les
traitements des employés du ministère des finances ? A l’exception de la
réduction de 60,000 francs adoptée l’année passée, chaque année la section
centrale et la chambre ont admis le chiffre des traitements du budget des
finances comme ceux des autres budgets. Si l’on venait proposer des diminutions
de ce chef, je serais le premier à m’y opposer. Mais ce que nous ne voulons
pas, ce à quoi je m’opposerai toujours, ce sont des augmentations de
traitements. Fidèle aux principes que j’ai professés, que j’ai défendus dans
cette enceinte, je combattrai toutes les augmentations que demandera le
ministre des finances. Je pense que tout gouvernement qui n’arrête pas une
bonne fois la limite de ses dépenses, et qui va toujours en les augmentant,
marche nécessairement à sa ruine.
Il faut régler pour
l’avenir le budget du ministère des finances. Je ne demande pas qu’on en
diminue les allocations ; mais je ne veux pas qu’on les dépasse désormais. On
nous dit encore, messieurs, que la chambre va créer un déficit de 200,000 fr.
J’ai déjà répondu à cette objection. Ce n’est pas la chambre qui crée un
déficit. C’est le ministre des finances qui l’a créé en s’écartant des
dispositions encore en vigueur de l’article 11 de l’arrêté-loi de 1815, dispositions qui sont
formelles et qui ne permettent pas au gouvernement d’accorder une seule pension
au-delà du chiffre de la somme destinée à y faire face. Vous avez accordé
150,000 francs de pensions au-delà de la ressource que la législature avait
mise à voire disposition. Ce n’est donc pas la chambre qui crée le déficit.
C’est sur vous qu’il retombe tout entier.
Oui, messieurs, il est
de mon devoir de prendre la défense de la représentation nationale. Il ne faut
pas que l’on nous représente dans le pays comme créant des déficits. Les
principes constitutionnels sont formels en matière de finances. Le gouvernement
ne peut opérer aucune dépense sans y avoir été autorisé par la législature.
Les chambres avaient
alloué en 1834 à la caisse de retraite une subvention de 200,000 fr. et un
crédit extraordinaire de 30,000 fr. Le gouvernement ne devait pas dépasser ce
chiffre. Car il n’a pas le pouvoir de grever l’Etat à son gré.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Toutes les pensions accordées
ne l’ont pas été en 1834.
M.
Dumortier. - Puisque M. le ministre des finances soutient que le
déficit ne provient pas de l’année 1834, je lui prouverai le contraire par les
documents qui ont été fournis à la section centrale l’année passée par le
gouvernement lui-même. Cette pièce que j’ai sous les yeux est signée Duvivier,
ministre des finances d’alors.
Ainsi ce n’est pas moi
qui parle, c’est M. Duvivier.
Pensions anciennes,
actuellement inscrites, 364,734 fr.
Pensions nouvelles, y
compris la révision d’anciennes et de nouvelles pensions, 261,266 fr.
Total, 626,000 fr.
Ces chiffres sont les
mêmes que ceux qui sont imprimés dans le rapport de la section centrale de
l’année passée.
Décès présumés survenues
en 1834, 20,000 fr. Reste donc pour les pensions présumées en 1834, 606,000 fr.
Voilà les chiffres
présentés par le ministre des finances de cette époque ; on ne peut pas les
contester, à moins de contester la signature du ministre lui-même.
Alors il y avait en
outre pour pensions, d’employés admis à la retraite par arrêtés royaux, non
encore liquidées, 44,000 fr. De sorte que les besoins pour tout le service des
pensions, d’après la lettre du ministre étaient de 550,000 fr.
Comparons ce que disait
le ministre des finances de cette époque avec ce que dit le ministre des
finances actuel.
Le ministre des finances
actuel porte le total des pensions à 810,729 fr. Eh bien, il résulte de la
lettre dont je viens d’avoir l’honneur de vous donner connaissance, que, depuis
la date de cette lettre, vous avez créé pour 160,000 fr. de pensions, y compris
les décès qui ont pu avoir lieu dans l’intervalle.
Voila ce que vous ne
pouvez méconnaître, voilà ce qui résulte des documents remis à la chambre. Je
demande si l’assemblée peut autoriser le gouvernement à grever ainsi le pays.
Je
reviens à mon éternel argument, quand un ministère dépasse le crédit qui lui
est alloué, il forfait à son devoir, il fait un acte nul à nos yeux.
Si le gouvernement était
resté dans les limites tracées par le règlement de 1822, s’il n’avait mis à la
retraite que les personnes qui par leurs infirmités étaient incapables de
continuer leur service, il n’y aurait pas aujourd’hui de déficit.
Voilà ce que portent les
art. 56 et 57 de ce règlement tant invoqué :
« Art. 56. Les
pensions pourront être accordées à charge de la caisse, et de la manière
déterminée par le présent règlement, aux employés admis à y participer, et qui,
soit par leur âge, soit à cause de maladies ou d’infirmités, seront dans
l’impossibilité de continuer plus longtemps leurs fonctions. »
« Art. 57. Ni
l’âge, ni l’état de service, ne donnent droit à être pensionné, aussi longtemps
qu’un employé peut remplir convenablement les devoirs qui lui sont
imposés. »
Si le ministre vent
rentrer dans les termes de ces dispositions, il trouvera moyen de combler son
déficit.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, je crois qu’il est
nécessaire de rétablir les faits relativement au fonds de la caisse de retraite
retenu actuellement en Hollande. L’honorable M. Dumortier a cité un document
duquel il résulte que 672,000 et quelques florins sont inscrits au grand-livre
de la dette publique à Amsterdam, provenant de retenues faites sur le
traitement des employés des finances. A cette somme, il a ajouté environ
192,000 florins également inscrits, mais en dette différée, ce qui fait que ce
dernier capital a très peu de valeur. Ce document, je ne le conteste pas, Je le
crois même exact ; mais si l’honorable M. Dumortier veut en examiner la date,
il verra qu’il est antérieur au traité fait avec
M.
Dumortier. - Je n’ai pas la date du document, mais il est annexé à un
arrêté du 22 octobre 1817. Je ferai remarquer que la section centrale de
l’année dernière, dont j’étais rapporteur, ayant désiré connaître quel était le
fonds qui se trouvait en Hollande, le ministre des finances n’a pu nous
communiquer d’autre document que celui-là.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, mon argument reste
debout. Le document est de 1817 et peut-être même antérieur à cette époque. Il
ne pouvait donc comprendre les fonds restitués par
Dans tous les cas, en
demandant une avance sur le fonds de la caisse de retraite, le gouvernement est
certain de pouvoir la restituer. En effet, les sommes demandées jusqu’à ce jour
à ce titre ne dépassent pas 485 mille fr., y compris les 200 mille fr. qui font
l’objet de la discussion.
Je crois avoir rétabli
les faits relativement au fonds des pensions.
L’honorable M. Dumortier
vous a dit qu’en France on ne venait pas ainsi chaque année demander à la
législature des subsides pour combler le déficit de la caisse des retraites.
Il suffit d’ouvrir les
budgets français pour demeurer convaincu qu’il est complètement dans l’erreur.
Non seulement l’administration française est obligée de réclamer des subsides
annuels pour ce service, mais elle vient de demander et d’obtenir 1,950,000 fr. pour combler le déficit de la caisse des
retraites, non pas d’une année, mais du dernier trimestre de 1834 et du premier
trimestre de 1835. Ainsi près de deux millions pour pourvoir à l’insuffisance
d’un semestre des pensions au-delà des retenues et des suppléments ordinaires.
Et notez, messieurs, que
ce projet de loi n’a donné lieu qu’à une très légère discussion de la part de
la chambre des députés, parce qu’elle a reconnu de la manière la plus positive,
par suite de l’examen que la question a subi dans une commission spéciale,
qu’il était impossible que le fonds de retraite subvît aux pension auxquelles
il était affecté.
Le ministre de France ne
s’est pas borné à signaler le mal pour deux trimestres ; il a déclaré qu’il
était impossible à l’avenir que, sans une mesure particulière et efficace, on
parvînt à porter remède à ce mal qui afflige toutes les caisses de vétérance.
Aussi a-t-elle proposé
de prendre à la charge du trésor, non seulement les pensions liquidées et
celles en instance, mais aussi de faire liquider tous les services rendus
jusqu’au 1er janvier 1836, afin qu’au moment où les fonctionnaires actuellement
en activité seront mis à la retraite, cette portion de leurs droits soit aussi
supportée par l’Etat, sauf à créer une nouvelle caisse de retenues, qui se
chargerait de rémunérer tous les services à venir.
En France, comme ici, le
mal provient de la même cause, du même principe. La caisse des pensions n’a pas
été instituée pour fournir des pensions à la décharge du trésor, mais pour
améliorer la position des employés des finances, et pourvoir au sort de leurs
veuves et orphelins. Il y a encore une autre cause de la pénurie où ces
tontines se trouvent, ce sont les guerres de la révolution et de l’empire,
ainsi que les bouleversements et les commotions politiques. J’ai dit
primitivement les guerres de la révolution et de l’empire, parce que la caisse
des retraites est chargée de payer les services militaires, qui entrent pour un
quart au moins dans la liquidation des pensions dont il s’agit.
Il
y a un assez grand nombre d’employés, et notamment dans les douanes, qui ont
jusqu’à 20 ans de service militaire, et qui au bout de 5 années, par exemple,
sont admis à la retraite, et obtiennent une pension comme s’ils avaient 20 ans
de service dans l’administration à laquelle ils appartiennent. Voilà le
véritable mal de la caisse des retraites et la cause principale de sa pénurie,
et c’est aussi ce qui lui donne un droit incontestable à obtenir des secours du
trésor ; car il est impossible d’admettre en principe que les employés des
finances doivent s’assujettir à une retenue pour rémunérer des services
militaires. L’honorable M. Dumortier a dit que M. le ministre des finances
n’avait pas assez justifié le chiffre qu’il demandait ; il a cité un document
de son prédécesseur, qui ne portait le chiffre qu’à 650,000 francs, tandis
qu’aujourd’hui il en était demandé 800,000 fr. ; et il en a conclu qu’il avait
été accordé 200,000 fr. de pensions depuis l’année dernière. Dans une séance
précédente, je croyais, messieurs, avoir répondu suffisamment à cette
assertion.
M.
Dumortier. - Pas le moins du monde.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Alors je vais y répondre de
nouveau. L’honorable M. Dumortier a dit que les pensions d’avant la révolution
montaient à 356,000 fr. je crois, tandis que les pensions anciennes actuellement
inscrites au grand-livre montent à plus de 400,000 fr., de. là
résulte une différence de 50,000 fr., et si j’ajoute cette somme à celle
demandée par l’honorable M. Duvivier, j’ai 700,000. Les pensions nouvellement
accordées étant, ainsi que déjà je l’ai dit, de 110,000 fr,,
le chiffre de 810,000 fr. établi dans les explications du ministre se trouve
complètement justifié.
M.
Dumortier. - L’état est nominal !
M. Dujardin, commissaire du Roi. - On pourra vous fournir un autre
état nominal plus complet. Il est de fait qu’on ne peut pas faire perdre leurs
titres aux pensionnaires, parce qu’ils fournissent tardivement les
justifications nécessaires ; cela arrive chaque jour, et motive la différence
signalée.
L’honorable député de
Tournay a dit de plus qu’un receveur des finances jouissait d’une pension
s’élevant à plus de 8,000 fr. Je dois déclarer à la chambre qu’aucun receveur
ne touche de pension excédant 6,000 francs ; il a été reconnu, il est vrai, que
ce receveur d’après les règlements aurait droit à une pension montant à 7,000
francs passés, mais le gouvernement a restreint cette pension au taux de 6.000
francs.
M. de Brouckere. - On ne lui paie que 6,000
francs provisoirement.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Il n’est inscrit au grand livre
que pour 6,000 francs et n’en reçoit pas d’avantage.
L’honorable M. Dumortier
vous a dit encore qu’on n’était jamais venu demander aux états-généraux qu’une
subvention de 30,000 florins. C’est pour la troisième fois que cette assertion
sera réfutée dans cette séance. Le syndicat d’amortissement avait reçu 60
millions de florins, pour pourvoir à divers besoins et entre autres aux
pensions extraordinaires et à toutes dépenses qui devaient s’éteindre
successivement.
Or, il est à la
connaissance de tout le monde que le syndicat a fourni des subsides annuels à
la caisse des retraites ; ceci est un fait qu’on ne peut pas prouver, parce que
rien dans les actes du syndicat ne peut l’être, mais on peut l’établir en
comparant les dépenses de cette caisse avec ses ressources ordinaires.
Messieurs, on a dit que
l’année 1834 avait été fertile en allocations de pensions ; en effet, il en a
été accordé à cette époque plus qu’à toute autre peut-être, et ces pensions
même étaient d’une certaine importance ; ces pensions proviennent des mesures
d’économie prises par la législature elle-même. Car, quoiqu’en ait dit
l’honorable M. Dumortier, des réductions très fortes ont été faites. Il suffit
d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur le rapport au roi, accompagnant l’arrêté
du 15 mai dernier, qui réorganise l’administration centrale du ministère des
finances pour se convaincre du nombre et de l’importance des emplois supprimés,
tant par cet arrêté que par celui du 18 octobre 1833. Si cela a grevé la caisse
des retraites, cela a soulagé le trésor d’une dépense continue, tandis que la
première s’éteindra.
L’honorable M. Dumortier
a argué d’un article du règlement pour dire qu’aucun fonctionnaire n’a droit à
être pensionné qu’en cas d’impossibilité par lui de remplir ses fonctions. Cela
est vrai, mais cette disposition qui est en opposition avec le règlement
français qui dit qu’au bout de trente ans tout fonctionnaire a droit de faire
liquider sa pension, ne peut être invoquée que contre les employés qui
prétendraient en obtenir une, alors qu’ils sont encore en état de servir, mais
ne prouve pas qu’on ne peut pas les mettre à la retraite quand il y a lieu de
supprimer des emplois, ou lorsque les nécessités du service l’exigent. On a dit
que le conseil des pensions accordait des retraites avec beaucoup de facilité,
et que cela se faisait par camaraderie.
La
position des employés supérieurs des finances qui forment le conseil des
retraites, est déjà assez peu agréable, lorsqu’ils sont appelés a juger les
droits des employés, et à statuer sur des réclamations inadmissibles, mais
fondées souvent sur des motifs d’humanité, sans qu’on leur attribue des
sentiments indignes d’eux ; ces fonctionnaires n’ont que la pensée de leur devoir,
et je crois que lorsque la commission aura fait son rapport, toute justice leur
sera rendue. S’il y a eu des abus, ils proviennent d’erreurs involontaires,
mais nullement de favoritisme ou de camaraderie. Je crois devoir terminer par
une dernière citation, On vous a dit que les pensions de retraites étaient
extrêmement élevées. Il me suffit de vous citer leur moyenne, elle est de 519
francs par individu, tandis que les pensions civiles sont à 841 francs.
M. de Brouckere. - Cela ne prouve rien.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Cela prouve au moins qu’elles ne
sont pas excessives, et c’est ce que j’ai voulu faire.
M.
Duvivier. - Je ne dirai que quelques mots après les explications
lumineuses de M. le commissaire du Roi, mais j’opposerai à tous les articles
que cite M. Dumortier pour arriver à ses preuves un autre article dont il ne
veut pas se souvenir.
C’est l’art. 104. C’est
l’application de cet article qui a singulièrement entre le chiffre des
pensions, et vous allez voir qu’il était impossible qu’il en fût autrement,
Dans les finances nous n’avons pas de positions intermédiaires : si un employé
est privé de son traitement, il faut qu’il tombe à la retraite, à moins qu’on
ne veuille le mettre dans un autre emploi ou le laisser dans la misère. Voilà
ce qu’a dit, avec raison, M. Pirson.
Au ministère de la guerre, par exemple, il en est autrement ; il y a trois
positions pour chaque officier ; il est en disponibilité, à la demi-solde ou à
la retraite. Les dispositions de l’art. 104 ont été appliquées aux employés
supérieurs.
Quant aux employés
inférieurs, loin d’en diminuer le nombre, on vous demande de l’augmenter ; on
vous demandera 300 mille francs pour renforcer la ligne des douanes ; mais dans
les fonctions supérieures on fait des suppressions. Par une combinaison assez
heureuse on a trouvé moyen de placer le chef du cadastre à la monnaie ; si on
n’avait pas trouve à l’employer il aurait fallu le pensionner, quoiqu’il ne
soit pas avance en âge, et que ses services puissent être utiles encore
plusieurs années. Mais d’autres employés du cadastre ont été mis à la retraite,
parce qu’on n’a pas pu trouver des emplois pour eux.
Que les employés soient
capables de servir encore ou non, dès qu’ils sont déplacés il faut le retraiter
: tel est le résultat des suppressions d’emplois. On se récrie sur les pensions
qu’on leur accorde : mais le trésor y perd-il ? Lequel vaut mieux pour le
trésor, de payer intégralement les traitements ou de ne payer que la retraite ?
la caisse des retraites ne paie-t-elle pas en décharge
du trésor ?
M.
Dumortier prétend que l’on doit employer des hommes valides et, à cette
occasion il a fait allusion à un homme dont l’extérieur annonce la santé et qui
cependant a obtenu sa retraite comme incapable de servir. C’est que cet homme a
produit des certificats de gens de l’art qui attestent qu’il est atteint d’un
anévrisme : faut-il porter le scalpel dans la poitrine de cet homme pour
s’assurer de l’état de sa santé, ou faut-il s’en rapporteur aux gens de l’art
qui lui défendent toute occupations sédentaire ? Vous voyez bien qu’on a été
obligé à lui donner pension.
Dans les pensions
accordées il n’y a pas eu de camaraderie, il n’y a pas eu de faveur. Dans le
conseil des retraites, il y a eu uniquement examen des pièces produites, des
certificats, des années de service ; toutes les opérations y ont été faites de
bonne foi et dans l’intention de faire justice et non de faire de la
camaraderie, comme on n’a cessé de nous le faire entendre.
Il
fait, s’écrie-t-on, remplacer les employés supprimés, quand ils sont
valides mais cela n’est pas toujours possible. Je vais vous le montrer
par une analogie. Si au département de la guerre vous mettez en disponibilité
un colonel, vous ne pourrez lui offrir qu’un régiment ; lui offririez-vous une
compagnie ? non certes. Il est une foule d’employés
qui ont été directeurs, inspecteurs ; leur offrira-t-on des positions qui ne
seront pas équivalentes ? Ce serait les dégrader, et l’homme ne peut se laisser
dégrader.
M.
Jadot. - M. le commissaire du Roi a dit n’avoir pas les documents
relatifs aux sommes payées par l’ancien gouvernement pour les pensions au-delà
de 30,000 florins. J’en ai qui prouvent qu’en 1824, aux états-généraux, les
sections ont demandé 455,684 florins pour les pensions. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Dumortier. - Je demande que la chambre veuille m’écouter. Je veux
présenter la rectification de quelques faits. J’ai avancé que les pensions
antérieures à la révolution s’élevaient à 365,000 fr. ; voici l’état nominal
des pensionnaires, l’état indiquant leur nom, prénoms, domicile, le montant
annuel de la pension de chaque individu. Cet état a été fourni par le ministre
à la section centrale, il porte, comme je vous l’ai dit, le total des pensions
à 365,000 fr. M. le commissaire du Roi peut-il être reçu à dire que cet état
n’est pas complet ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - On peut expliquer cela !
M.
Dumortier. - Les explications ne signifieront rien. On nous présentera
un nouvel état ? Il fallait le présenter avant la discussion ; vous avez
mauvaise grâce à venir maintenant nous proposer un nouveau tableau. Direz-vous
que de nouvelles pensions ont été accordées ?
Mais est-ce que la
révolution, est-ce que la mortalité n’en ont pas
éteint ? Est-il possible de nous présenter des pensions pour 60,000 fr. de plus
? Supposons qu’il y ait eu pour 20,000 fr. de pensions amorties, c’est donc en
tout 80,000 fr. de plus que contiendrait votre déclaration : il y a encore ici
une réticence semblable à celle dont a parlé M. de Brouckere relativement à
certaines pensions : auriez-vous accordé des pensions pour des services rendus
aux Hollandais ?
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Ce n’est pas ainsi que cela se
passe.
M.
Dumortier. - Ce n’est pas ainsi que cela se passe : quelle garantie
ai-je dans votre assertion ? Le syndicat n’a jamais dû fournir que 30,000
florins, et c’est ce qui résulte d’un arrêté-loi ; et comme il ne devait les
fournir que quand le déficit était supérieur à cette somme, je dis qu’il ne les
a pas fournis et je défie qu’on me prouve qu’il les ait donnés.
M.
Duvivier. - Parlez des pensions qui viennent des réductions faites
l’année dernière.
M.
Dumortier. - Eh bien, comment se fait-il encore qu’une augmentation de
60,000 fr. devienne une augmentation de 150,000 fr. ? Tout est incompréhensible.
Parmi les employés
frappés par des suppressions, on nous dit que les sommités ne peuvent être
replacées : soit ; mais ces cas sont rares, tandis que les employés subalternes
peuvent fort bien être replacés. Comment se fait-il que les suppressions
opérées l’année dernière aient eu si peu d’influence sur les 150.000 fr. ?
M.
Duvivier. - Et les suppressions antérieures !
M.
Dumortier. - L’année dernière on nous demandait 650,000 francs ; cette
année on nous demande 800,000 fr. ; où s’arrêtera-t-on ? Messieurs, dans la
stricte équité, quand vous aurez donné à la caisse 100,000 fr., vous serez
quittes avec elle. Les abus ont fait le mal.
En voulez-vous avoir la
preuve ? En l832, d’après le chiffre même du budget présenté par l’honorable M.
Coghen, le total des pensions accordées s’élevait à 1,051 ; le montant de la
somme qu’elles représentaient à 261,000 florins, ce qui fait 553,000 fr.
En 1833, ce chiffre
était de 608,000 fr. Voici qu’aujourd’hui, il est de 810,000, indépendamment
des pensions qui se sont éteintes par suite de la mortalité et qui ont pu
monter à 25,000 fr. annuellement. Ainsi voilà la progression qui a eu lieu
depuis quatre années. C’est un abus criant et scandaleux, nous devons y porter
remède. Nous ne pouvons consentir à ce que le gouvernement augmente ainsi
indéfiniment le chiffre des pensions. il n’y a jamais
d’arrêt en pareille matière.
Quant à la moyenne des
pensions que l’on a citées, cette moyenne ne prouve rien, parce qu’il y a parmi
les employés des finances un très grand nombre de douaniers qui ne touchent
qu’une faible pension et qui diminuent ainsi la moyenne, pour mettre à couvert
les gros matadors (hilarité) qui
touchent des pensions plus fortes que dans toutes les autres administrations.
Les causes du déficit
actuel sont au nombre de trois.
1° L’on n’a pas observé
l’article 11 de l’arrêté-loi de 1815 qui stipule que l’on ne peut accorder de
pension que jusqu’à concurrence des fonds disponibles.
2° L’on a mis à la retraite
des employés valides, malgré les dispositions formelles de l’article 50.
Je prends acte des
paroles de M. le commissaire du Roi qui a dit que, malgré cet article, on donne
des pensions à tous les employés.
3° Le ministre n’a pas
craint de donner des pensions au-delà de la limite extrême établie par la loi.
Vous aviez arrêté le
chiffre des pensions de retraite à 650,000 francs. Si les ministres voulaient
en accorder de nouvelles, c’était à eux à en prélever les fonds sur leurs
traitements. (Oh ! oh !)
Il faut que l’on
s’arrête enfin. Prenez-y garde, si vous votez 800,000 francs de pensions,
quelle garantie avez- vous que l’année prochaine le chiffre ne s’élèvera pas à
3 millions ?
Vous verrez les dépenses
s’augmenter en dépit de la chambre. Encore une fois nous ne sommes pas une
chambre d’enregistrement. Je demande positivement que l’on maintienne la somme
proposée par la section centrale.
Le ministre a des moyens
de parer au déficit qu’il redoute. Je ne demande pas que l’on réduise le
chiffre des pensions légitimement acquises ; mais qu’il établisse sur les
traitements les mêmes retenues que dans un pays voisin, et qu’il remette en
activité les pensionnés valides, qui sont encore en état de rendre des services
à l’Etat.
- La clôture de la discussion
est adoptée.
M. le ministre des
finances se ralliant au chiffre de M. Jadot (180,000 fr.), ce chiffre est mis
aux voix.
La chambre vote par
appel nominal sur ce chiffre.
57 membres sont
présents.
51 répondent à l’appel.
6 s’abstiennent. Ce sont
MM. A. Dellafaille, Desmanet de Biesme, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien,
Jullien.
38 membres adoptent.
19 rejettent.
En conséquence de ce
vote, le crédit extraordinaire de la caisse de retraite est fixé à 180,000 fr.
Ont adopté : MM. Berger,
Brixhe, Coghen, Cols, Corbisier, Dams, de Behr, de Brouckere, de Longrée, F. de
Mérode, de Muelenaere de Nef, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Stembier,
de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Jadot, Meeus,
Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson, Raikem, Seron, Vandenhove,,
Vanderbelen, Watlet, Zoude.
Ont rejeté : MM. Cornet
de Grez, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Roo, Desmet, Doignon ;
Dubus, Dumont, Dumortier, Liedts, Polfvliet, Schaetzen, Simons, Thienpont,
Trentesaux, Ullens, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen.
M.
le président. - MM. les membres qui se sont abstenus sont invités, aux
termes du règlement, à exposer les motifs de leur abstention.
M. A. Dellafaille. - Je me suis abstenu parce que je
n’étais pas présent au commencement de la discussion, et que la proposition m’a
paru avoir trop d’importance pour la voter sans avoir entendu toutes les considérations,
pour ou contre.
M. Desmanet de Biesme. - Quoique
l’abstention ne soit pas dans mes habitudes parlementaires, j’ai cru devoir
m’abstenir dans cette occasion, parce que je suis persuadé qu’il y a eu abus
dans la collation des pensions. Mais comme je ne sais pas jusqu’à quel point va
l’abus, je ne veux pas priver les pensionnés de recevoir ce qui leur est dû ;
je ne veux pas non plus consacrer par mon vote les sommes qu’on leur donne sans
avoir pu m’éclairer.
Si on avait adopté la
motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien, nous aurions pu être éclairés,
tandis que dans l’état actuel des choses l’assemblée est obligée de voter sans
connaissance de cause.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis
abstenu par les motifs énoncés par l’honorable préopinant.
M.
Fallon. - Je me suis abstenu parce qu’on ne nous a pas fourni les
renseignements nécessaires pour éclairer notre conscience.
M. Gendebien. - Il est inutile que je vous
répète ce que j’ai en l’honneur de vous dire à l’appui de ma motion d’ordre. Je
n’ai voulu adopter ni le chiffre de la section centrale, ni celui du
gouvernement. Je ne veux pas diminuer les pensions légitimement acquises ; et
je ne veux pas non plus mettre le ministre dans la position de devoir faire une
plus forte retenue sur le traitement des employés.
M.
Jullien. - Je me sui abstenus parce que je n’ai pas assisté à la
discussion principale.
M. le président. - M. Dumortier propose un article
additionnel ainsi conçu :
« Il ne sera accordé de
pensions a la caisse de retraites que jusqu’à concurrence des fonds restés
disponibles. »
M. Dumortier. - J’ai peu de chose à dire pour
justifier ma proposition. Je ne fais que réparer un oubli par suite duquel le
trésor se trouve grevé de 400,000 francs, tandis qu’aux jours de la révolution
on n’accordait au même titre que 30,000 florins, Si vous ne voulez pas que
l’année prochaine on vienne vous demander 5 ou 6 cent mille francs, il faut
absolument poser une limite au gouvernement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si
l’amendement de l’honorable M. Dumortier était adopté, le gouvernement serait
dans l’impossibilité d’accorder une seule pension pendant le cours de l’année,
quelque légitime qu’elle fût dans le cas où rien ne resterait disponible sur le
fonds de la caisse des retraites.
M. de Brouckere. - J’ajouterai à ce que
vient de dire le ministre que si quelques employés venaient à mourir, leurs
veuves ou leurs enfants ne pourraient recevoir la pension à laquelle ils
auraient droit, si l’on avait disposé de tous les fonds de la caisse des
retraites.
L’amendement de M.
Dumortier me paraît inadmissible.
M. Dumortier. - Depuis quatre ans on a accordé
plus de pensions qu’il n’en existait avant la révolution, Depuis 1832, on en a
accordé pour plus de 400,000 fr. ; si vous ne voulez pas que l’on continue à
dilapider ainsi les fonds de l’Etat, il est indispensable que vous adoptiez ma
proposition.
Si M. le ministre la
repousse je croirai qu’il veut suivre le système de son prédécesseur, et je
voterai alors contre le budget.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
L’honorable préopinant vient de dire que l’on a accordé depuis 1832 pour plus
de 400,000 fr. de pensions. Il résulte des pièces remises à la chambre que
depuis la révolution il n’en a été accordé que pour 402,000 fr.
M. Coghen - Le ministre ne peut pas se lier comme
le veut le préopinant. Un employé meurt ; li laisse une veuve, des enfants. Si
le ministre ne peut pas aller au-devant de leurs besoins, ils sont exposés à
mourir de misère, lorsque leur mari ou leur père aura consacre 25 années de sa
vie au service de l’Etat.
Je m’en rapporte
volontiers à la prudence de M. le ministre des finances, pour éviter que des
abus ou des erreurs ne se renouvellent. Je suis certain qu’il sera économe des
deniers publics.
M.
Duvivier. - Je remercie l’honorable préopinant de ce qu’il vient de me
dire de flatteur. Je lui répondrai que si, dans les discussions précédentes,
j’avais voulu lui faire de semblables compliments, il y a longtemps que nous
serions quittes, et je ne manquerai pas d’occasions dans les temps futurs.
M. Gendebien. - Je ne veux pas entrer dans les
discussions personnelles qui viennent d’avoir lieu entre deux ex-ministres ; je
ferai seulement remarquer que des reproches qu’ils se sont adressés
respectivement on peut tirer la conséquence que nous avons eu de bien mauvais
ministres des finances et que j’ai eu raison de repousser presque toutes leurs
propositions. La chambre y pourra puiser une utile leçon.
Je
rentre dans la discussion et je demande si dans l’allocation ne se trouve pas
compris un fonds pour les pensions de veuves de fonctionnaires décédés ou de
fonctionnaires jugés aptes à recevoir des pensions sur la caisse de retraite.
S’il en est du budget du ministère des finances comme des autres ministères, je
dois croire qu’il contient tous les besoins du service, aussi bien pour les
pensions acquises que pour celles à créer éventuellement pendant l’année 1835,
car le budget n’est autre chose que l’évaluation des dépenses de l’année à
laquelle il correspond. S’il en est ainsi, l’amendement de M. Dumortier est
inutile. Car le ministre des finances comme les autres est obligé de rester
dans le cercle des allocations qui lui sont faites ; s’il en est autrement,
qu’on veuille bien me le dire, car dans ce cas il y aurait une omission qu’il
faudrait réparer. Il est possible que je sois dans l’erreur, ce que je ne pense
pas ; mais s’il en est ainsi, je demande qu’on veuille m’éclairer.
M.
Coghen - En citant tout à l’heure à la chambre ce que je pensais de la
manière dont on avait accordé les pensions sous le ministère précédent, j’ai
cru avoir fait chose utile ; si l’honorable M. Duvivier a de pareils faits à
alléguer sur mon compte, je prie de les signaler à la chambre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le crédit est destiné à pourvoir aux pensions
nouvelles à accorder, quoique représentant seulement le montant des pensions
existantes ; il y a toujours en prévision un certain nombre d’extinctions et
l’on présume que ces extinctions permettront de couvrir les besoins nouveaux.
Lorsqu’un pensionnaire
meurt en laissant une veuve ou des orphelins, sa pension se réduit d’ailleurs
toujours par la réversibilité.
Il en est au reste du
crédit pour les pensions comme de tous les crédits basés sur des données variables
et éventuelles, il peut arriver qu’ils soient très forts ou très faibles ; la
fin de l’exercice seule vient en constater l’élévation précise.
M.
Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la discussion ;
d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, l’amendement de M.
Dumortier doit être rejeté comme inutile, puisqu’il reconnaît qu’il a tout
prévu, qu’il a pétitionné pour l’avenir comme pour le passé, et qu’il
reconnaît, comme cela doit être d’ailleurs, qu’il ne peut dépasser le crédit
qui lui est alloué et qui comprend les éventualités comme les pensions
allouées.
M.
Duvivier. - L’honorable M. Coghen a pris l’initiative. Qu’il signale en
conséquence les abus qu’il dit avoir eu lieu sous mon administration, je lui
répondrai et lui rendrai le même service en ce qui touche la sienne à laquelle
j’ai succédé.
- L’amendement de M.
Dumortier est mis aux voix et rejeté.
Vote sur l’ensemble du projet
L’article premier est
mis aux voix et adopté.
On procède à l’appel
nominal sur l’ensemble de la loi.
54 membres sont
présents.
48 votent l’adoption.
2 votent le rejet.
4 s’abstiennent de
prendre part à la délibération.
Ce sont MM. Dumortier et
Seron qui ont voté le rejet de la loi.
M. A. Dellafaille et M.
Jullien se sont abstenus parce qu’ils n’avaient pas assisté à toute la
discussion.
M. Desmanet de Biesme et M. Gendebien se sont abstenus par les mêmes
motifs qui les avaient empêchés de prendre part à la délibération relative au
crédit demandé pour la caisse des retraites.
Le projet est adopté et
sera transmis au sénat.
La séance est levée à
cinq heures.