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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 24 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1835. Discussion des articles. Travaux publics (A : construction de routes
et/ou répartition du produit des barrières ; B : chemin de fer ;
C : voies navigables ; D : canal de Meuse et Moselle ;
E : service de
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1835 et Moniteur belge n°26, du 26
janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1835) M.
de Renesse procède à l’appel nominal ; la séance est ouverte à une
heure et un quart.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Davreux, ancien fabricant de tulles à Bouillon
(Luxembourg), demande une réduction de droits à l’entrée sur les cotons filés
retors pour tulle. »
________________
« Plusieurs
bateliers de Lokeren, Tamise et Tilrode adressent des
observations relatives à la navigation. »
________________
« Le sieur J.-L.-M.
Thouvage, médecin, demande que les chevaux des médecins
ne soient plus assimilés aux chevaux de luxe. »
________________
« Le sieur Maurius-Oppenheim, négociant, né à Francfort, habitant
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission chargée d’en faire le rapport.
________________
M.
A. Rodenbach fait hommage à la chambre de deux ouvrages intitulés, le
premier : Lettre sur les aveugles ;
le second : Coup d’œil d’un aveugle sur les
sourds-muets.
Discussion des articles
Chapitre IX. Travaux publics
Discussion générale sur le
chapitre (ou article 1er)
M.
le président. - La chambre est
arrivée au chapitre IX, « Travaux publics. »
« Art. 1er. Routes
: fr. 2,150,000. »
Ce chiffre est admis par
la section centrale.
M.
de Nef. - Si le pays entier doit des remerciements aux chambres et au
gouvernement pour l’esprit qui les anime au sujet de la création de nouvelles
communications,
Toutefois, ne pouvant
avoir en vue que l’intérêt général, je n’insisterait pas sur la faveur à
accorder aux nouvelles communications si je n’avais en même temps l’entière
conviction que leur achèvement doit tourner au profit de tout le pays et non
d’une simple contrée ; grâce aux travaux entrepris et dont je ne cesserai de
réclamer la continuation et l’achèvement, un vaste terrain en grande partie
inculte jusqu’à ce jour va se convertir en terres fertiles ; ce changement va
d’abord profiter au trésor en faisant verser à titre de contribution foncière
des sommes considérables pour des propriétés qui précédemment, à raison de leur
peu de valeur, ne pouvaient rien rapporter de ce chef. D’un autre côté, la
majoration de valeur des terres et de leurs produits doit aussi avoir
nécessairement pour résultat d’augmenter le chiffre et le bien-être ou
l’aisance de la population, et de donner lieu de cette manière à une plus
grande consommation des produits des autres contrées du royaume. Il est donc
essentiel de continuer des travaux d’une utilité aussi générale, et à cet
effet, s’il n’est pas encore permis d’adopter dès à présent le plan d’un emprunt,
il est au moins nécessaire d’accorder la somme entière proposée par la section
centrale au chapitre des travaux publics, pour mettre le gouvernement en état
de faire exécuter des ouvrages ultérieurs, qui vont en quelque sorte devenir
indispensables.
En
effet, la chambre n’ignore pas qu’une nouvelle forteresse près d’Oosterloo va incessamment être construite ; dès lors il
sera nécessaire de la faire communiquer à la route de Turnhout à Diest, par le
moyen d’un embranchement, qui pousserait par Westerloo
sur Boisschot, où passera en même temps la route de
Malines à Aerschot. Les routes provinciales d’Herenthals par Gheel vers
Hechtel, et de la forteresse projetée de Beringen vers Hasselt, sont à la
vérité principalement à la charge de la province, mais celle-ci cependant a
droit à des secours de la part du gouvernement.
Enfin, je ne parlerai
pas des deux Nèthes, qui devraient être rendues
navigables aussi loin que possible ; il me suffira d’avoir fait sentir que la
somme proposée pour le chapitre dont s’agit ne peut être susceptible de la plus
légère réduction, persuadé d’ailleurs que des travaux non moins utiles, mais
que je ne puis autant apprécier, doivent aussi être exécutes dans d’autres
localités et nommément dans certaines parties de la province de Luxembourg.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je
demande la parole pour remplir la promesse que j’ai faite de vous entretenir
des communications empierrées, lorsque j’ai pris la parole sur l’ensemble du budget
des voies et moyens. En traitant cette question, on ne me forcera pas d’être
exclusivement occupé de l’intérêt de l’agriculture ; les routes sont autant
nécessaires à l’industrie, au commerce, qu’à l’agriculture, et je suis heureux
de pouvoir traiter des intérêts d’une industrie à laquelle on me croit
contraire. Mes démarches, messieurs, tendent à favoriser toutes les industries.
En d’autres termes je serai toujours guidé par des vues d’intérêts généraux,
mais jamais je ne donnerai mon assentiment à des mesures tendantes à accorder
des privilèges.
J’aborde la question, en
faisant observer qu’il ne s’agit pas d’enfler le budget de l’Etat ni de grever
les contribuables, mais bien d’employer d’avance des fonds destinés à des constructions
nouvelles, en vue d’en faire jouir plus tôt le pays.
Construire des routes
dans les pays manufacturiers, commerciaux ou agricoles, c’est créer une source
de prospérité, c’est vivifier, c’est en un mot l’âme de l’industrie en tous
genres. Vouloir démontrer cette vérité, ce serait vouloir prouver l’existence
du soleil : personne ne la conteste.
Cette vérité reconnue,
on doit admettre qu’en faire jouir son pays le plus tôt possible est un
bienfait et un immense avantage.
La législature, en vue
de procurer des communications dans les diverses localités de
Dans la séance du 6 mars
Ce projet est resté dans
l’oubli, et cependant, dans mon opinion, il est digne de fixer l’attention de
la chambre. Je propose que ce projet soit pris en considération
immédiatement, non pour le laisser
moisir dans les cartons, mais pour que suite lui soit donnée à partir de 1835.
On me fera peut-être
remarquer que le projet de M. de Puydt est établi sur une trop grande échelle,
c’est aussi mon opinion ; sous ce rapport, je présenterai des amendements,
d’autres en feront, et la majorité décidera. Pour le moment, je ne vous
entretiens que du principe, et dans mon opinion, je crois qu’en levant dix
millions en trois ans, auxquels ou ajouterait l’excédant du produit des
barrières, et les dons et prestations à obtenir des localités où on construira
des routes, il en résulterait que, dans l’espace de trois ou quatre ans, on
ferait construire environ 120 lieues de route dont le pays jouirait
immédiatement, tandis que, par le système suivi actuellement, il n’en jouirait
complètement qu’au bout de 12 à 15 ans.
Pour le moment, je crois
inutile d’entrer dans de longs développements pour démontrer combien les
constructions de routes sont avantageuses, non seulement aux localités qui en
manquent, mais au pays tout entier.
Les
nouvelles communications rendent les anciennes plus productives, donnent un
avantage immense à l’industrie, au commerce, à l’agriculture, augmentent les
revenus de l’Etat par suite de la valeur supérieure des propriétés, lors des
mutations ; elles augmentent la consommation des denrées sujettes à l’accise ;
donc plus de produits pour l’Etat. On bâtit des auberges, donc plus de
patentables et plus d’habitations imposables, tant sous le rapport de l’impôt
foncier des propriétés bâties et sur l’impôt personnel.
Je crois inutile, pour
le moment, d’en dire davantage ; je me borne à demander que l’art. 1er, chap.
IX, litt. C, ne soit discuté que lorsque la chambre aura statué sur la question
de l’emprunt, si toutefois elle est d’intention de s’en occuper immédiatement ;
en cas contraire, je retire ma proposition. Dans tous les cas, en 1835 il ne
s’agirait que d’un emprunt de 7 à 800,000 fr.
M. H. Vilain XIIII. - Le projet de construction de
routes nouvelles, l’annonce faite par la section centrale de la prochaine
application d’un emprunt de dix millions de francs à l’érection de ces routes,
et l’accueil favorable que ce projet semble recevoir tant du gouvernement que
d’une partie des sections, me font un devoir de rechercher en premier lieu si
l’état de nos communications nécessite une pareille entreprise, et d’émettre ensuite
quelques réflexions sur ses avantages comme sur ses inconvénients.
Et d’abord, messieurs,
je dois ici exprimer mes regrets de l’exiguïté des renseignements qui chaque
année nous sont donnés sur cette matière par le ministère et le corps des
ingénieurs. On nous indique fort exactement le revenu des barrières et les
sommes nécessaires tant à l’entretien des chaussées de première et deuxième
classe qu’à la construction des routes nouvelles ; mais, l’année suivante, on
ne vient pas nous faire rapport de l’emploi de ces fonds, de la répartition
exacte des subventions entre les provinces, et surtout des quantités de
kilomètres de pavages achevés dans l’exercice par spécialités de routes, du
prix de ces adjudications, du nombre des concessions de routes sollicitées et
obtenues, de la part enfin de secours que le gouvernement a cru devoir accorder
à des sociétés particulières ou à des localités pour aider à leurs travaux. Un
tel détail bien circonstancié par catégorie de routes de première classe,
provinciales et chaussées concédées ; une statistique aussi exacte des ouvrages
doit
Ainsi devrait-il en être
de la généralité des travaux publics ; et chaque député, par la connaissance
particulière des localités qui habite, serait a même de confronter l’exactitude
des rapports, tant sur les ouvrages accomplis, que sur l’utilité des nouvelles
entreprises. Le ministre de l’intérieur sentira sans doute le prix d’un pareil
travail et s’empressera de l’annexer chaque année à son budget.
Un autre
perfectionnement qu’il importerait d’apporter aux routes déjà existantes avant
d’en établir de nouvelles, ce serait d’allouer des fonds suffisants pour donner
dès à présent à nos grandes voies de communication tontes les facilités et
principalement toute la sécurité de circulation désirables. Au milieu du pays
le plus peuplé de l’Europe, à l’abord de nos plus grandes villes, ne voit-on
pas chaque jour les accidents survenir faute de parapets à des ponts ou aux abords
d’un canal ? Combien de fois la chaussée de Vilvorde à Bruxelles n’a-t-elle pas
été le théâtre de tristes catastrophes faute de barrières le long du canal ;
combien de fois, par les tournants ou les descentes rapides et si peu ménagées
des chaussées du Hainaut, de Liége et du pays de Namur, n’a-t-on pas vu
l’existence des voyageurs compromise et les voitures se précipiter dans des
fondrières par le bombage trop élevé du milieu de la chaussée ! Ce sont à tous
ces inconvénients qu’il faut d’abord porter remède avant de méditer de plus
vastes travaux ; et, pour résoudre le problème de la rapidité de la marche
combinée avec la sécurité la plus grande du voyageur, qu’on imite la
construction des routes d’Angleterre et surtout de l’Allemagne, où au milieu d’un
grand luxe de constructions éclate partout la constante sollicitude de
l’administration pour la sûreté publique. Ce sont là des marques de haute
civilisation aux yeux de l’étranger, et
Une fois ces
perfectionnements obtenus, on pourra songer à fonder un système bien coordonné
de chaussées nouvelles, mais il faut avant tout qu’un plan en soit dressé et
soumis à la législature, il faut que la répartition des fonds de l’emprunt
entre les provinces soit dès l’origine bien connue et non point laissée à
l’arbitraire de quelque haute administration qui pourrait plus tard l’appliquer
à d’autres besoins. Rappelons-nous qu’une pareille levée de fonds de six
millions de florins a été dans le même but opérée en 1815 par l’ancien gouvernement
; que, sous prétexte de rembourser ces avances au syndicat, la fiscalité
hollandaise a pendant bien des années privé
Il fera bien aussi, au
sujet de cet emprunt, de consulter les mesures analogues prises depuis 1824 par
le gouvernement prussien. Ce gouvernement, dont la politique ne captive pas
toujours nos sympathies, donne cependant aux autres peuples des exemples
fréquents d’une sage administration intérieure et prudente économie. De 1824 à
1832, une grande extension a été donnée aux nouvelles constructions de
chaussées dans ce royaume, et un emprunt de 12,000,000
d’écus de Prusse avec lots et prime, contracté en son nom par la société
maritime et remboursable en 25 années, lui permettra de poursuivre avec vigueur
et d’achever en 1834 le complément de ses travaux.
Notre position est moins
urgente que celle de
Enfin, messieurs, si
l’on veut mettre en application immédiate et sur une vaste échelle les
conceptions que le corps des ingénieurs s’apprête à nous soumettre, je crois
qu’il faut au préalable élaborer une nouvelle loi sur les expropriations
publiques. L’actualité de cette loi me paraît urgente, et chaque jour nous en
démontre la nécessité par les entraves qu’éprouvent nos travaux publics dans
les concessions du Hainaut et, depuis peu, dans les expropriations du chemin de
fer.
Le
dernier rapport des ingénieurs de cette route nous mentionne les difficultés
qu’ils éprouvent à ce sujet et les prétentions souvent exagérées des
propriétaires riverains. La propriété doit être sans doute garantie coutre
toute atteinte arbitraire et toute violation injuste ; mais là où la loi
intervient pour l’exécution de travaux d’utilité générale, il ne faut pas que
l’intérêt particulier, à l’abri de longues formalités, puisse en suspendre le
cours et ainsi doubler la valeur des terrains à acquérir. Un projet de loi
devait être formulé l’an dernier au sein de la section centrale du chemin de
fer, dont je faisais partie ; mais le temps a manqué pour le discuter. Il
serait, je crois, utile de le préparer si l’on veut réellement et utilement
mettre en œuvre les projets que l’on médite. Je crois cette loi une annexe indispensable
à tous nos grands travaux. J’ai dit.
M.
de Puydt. - A l’occasion de cette discussion, j’ai une explication à
demander à M. le ministre de l’intérieur sur l’interprétation qu’il donne à
l’art. 6 de la loi du 1er mai relative à la construction de la route en fer.
Cet article porte que le gouvernement devra rendre compte aux chambres de
l’état des travaux. Hier, on a distribué aux membres de la chambre une notice
sur l’état des travaux émanée de MM. les ingénieurs qui dirigent cette
opération. Je désirerais savoir si le gouvernement considère cette notice comme
le compte rendu qu’il doit donner à la législature.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne considère pas cette notice comme le compte rendu que le gouvernement
doit donner à la chambre sur la construction de la route en fer, c’est un
simple exposé sur l’état des travaux que les ingénieurs ont été autorisés à
publier pour tenir le public au courant des travaux.
M. de Puydt. - Je remercie M. le ministre de
l’intérieur de cette explication ; d’après cela je me bornerai à une seule
observation. Je lis ce qui suit dans la notice : « A peine huit mois se
sont écoulés, que déjà, sur les douze sections spécialement décrétées, trois
sont entreprises ; les projets pour deux autres sont entièrement prêts pour
l’exécution et les plans terriers achevés en partie pour les quatre sections
nouvelles ; les modèles du matériel, tant locomotives et wagons que dépendances
de la route, sont recueillis et vont être incessamment livrés à l’industrie
indigène. » Je n’ai reçu aucune information relativement à la confection des
diverses sections, mais j’ai de fortes raisons de croire que l’on ne s’occupe
en aucune manière d’opérer sur le terrain, relativement à la section du chemin
de fer qui doit se diriger vers
M.
Desmet. - Je ne puis bien comprendre quel a été le but de la distribution
du dernier imprimé sur le chemin de fer, car je ne sais pas ce qu’il nous
apprendra sur les travaux faits de ce chemin ; il est tellement vague et
précise si peu les choses qu’on ne sait pas voir quelle est la quantité de
travaux exécutée, où ils le sont, de quelle manière ils ont réussi, et combien
ils ont déjà coûté, surtout qu’il paraît qu’on fait des dépenses qui ne
figurent point dans les cahiers des charges.
Tout ce qu’on dit dans
cet imprimé, c’est que les supports des ornières peuvent aussi bien être en
traverses de bois qu’en blocs de pierres et qu’ils sont aussi solides et aussi
durables, ce que, je pense, personne ne croira ; et comme la bonté de la route
dépend beaucoup de la solidité des supports, de la manière dont ils sont places
et du degré de précision avec lequel ils sont arrangés, je pense que cette
partie du travail offre matière à beaucoup de critiques.
Je ne puis non plus
croire que la trouvaille faite par MM. Simons et de Ridder
sera couronnée de succès, que les bois blancs et de hêtre pourront être
employés en terre comme le chêne ; je crois au contraire que c’est un essai
dangereux, et que pour faire croire au public que les ouvrages du chemin de fer
coûteront moins qu’on ne l’avait prédit dans cette chambre, on aura exécuté un travail
qui n’aura pas de durée, et en résultat dépensé beaucoup plus que l’on n’aurait
dû le faire en s’attachant à un ouvrage solide.
Ceux qui auront suivi
l’exécution des travaux du chemin de fer, sauront juger quel est l’ordre qui y
a régné et comment elle a été faite ; ils auront surtout pu apprécier de quelle
manière les terrassements ont été exécutés et quels talus ont été donnés aux
deux côtés des chaussées ; ils auront pu reconnaître que les règles à observer
dans ces travaux ont été bien peu observées dans les parties faites, et je ne
doute pas qu’on ne tardera pas longtemps à en voir les effets.
Je lis aussi dans cet
imprimé qu’on se propose de faire encore venir d’Angleterre 4 à 500 tonneaux de
rails ; c’est certainement pour favoriser les forges de
Si
le pays doit subir les énormes dépenses du chemin de fer arrêté, du moins qu’on
veuille soigner à faire un travail solide, et qu’on ne jette pas plus de
millions qu’on ne le devrait, et qu’on ne fasse pas un ouvrage qui devra être
refait sous très peu de temps.
C’est pour ces motifs
que j’ai l’honneur de demander à M. le ministre si la surveillance des travaux
du chemin de fer n’est pas laissée à la direction des ponts et chaussées, et
comment il se fait que nous n’ayons pas tenu le rapport de sa part plutôt que
de MM. Simons et de Ridder.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je répondrai d’abord à ce qui est relatif à la construction de la route en
fer. On a demandé si la surveillance de ces travaux n’était pas laissée à
l’administration supérieure des ponts et chaussées. Je répondrai que, par un
arrêté spécial, la surveillance des travaux du chemin de fer a été attribuée
aux deux ingénieurs auteurs du projet. Jusqu’à présent l’administration
supérieure des ponts et chaussées ne s’en est nullement occupée.
Le même orateur a fait
remarquer que, dans le rapport des ingénieurs sur l’état des travaux, il était
question de faire venir 4 à 500 tonneaux de rails pour le chemins de fer : ceci
n’est qu’une indication et n’est nullement un projet définitivement arrêté.
Cela est subordonné à la quantité des rails que pourront fournir les maîtres de
forges de
Quant à la qualité des
bois, je dois dire que l’on a calculé leur durée, leur prix et les frais
ultérieurs auxquels leur remplacement donnerait lieu, et l’on a reconnu que
l’on pouvait employer avec avantage d’autre bois que le chêne. Ceci est une
affaire de calcul.
Quant à l’exécution de
la section de la route en fer à travers le Hainaut et vers
Indépendamment de cela,
peut-être sera-t-il nécessaire de connaître la détermination du gouvernement
français au sujet du projet d’une route en fer vers le département du Nord ; ce
sera seulement alors que l’on pourra déterminer le tracé par le Hainaut.
J’arrive aux travaux des
routes ordinaires. Un honorable député a demandé l’ajournement du vote sur
l’allocation proposés pour construction de routes nouvelles, jusqu’à ce qu’une
décision ait été prise au sujet de la proposition de l’honorable M. de Puydt. Je crois cet ajournement
inutile. La proposition de M. de Puydt tend à majorer les fonds dont on pouvait
disposer pour construction de routes nouvelles. Ainsi rien n’empêcher d’allouer
les 814,000 fr. demandés au budget ; on peut fort bien les voter, alors même
que la proposition de M. de Puydt devrait ultérieurement être admise. Quant à
moi je désire autant que qui que ce soit réaliser le but auquel tend la proposition
à M. de Puydt. J’ai même réuni tous les renseignements désirable sur cet objet.
Quant à l’emprunt dont
il est question dans cette proposition, il y a une question de finances à
examiner, et sur laquelle je devrai me concerter avec mon collègue le ministre
des finances pour me mettre d’accord avec lui sur la hauteur de l’emprunt et la
manière d’y procéder. Tant que nous ne serons pas tombés d’accord sur ces
différents points, il sera impossible d’appuyer un projet tendant à ce but.
Probablement, si nous parvenons à nous entendre, je prendrai à cet égard
l’initiative auprès de la législature.
Un honorable orateur a
regretté que le gouvernement communiquât à la chambre si peu de renseignements
sur les travaux entrepris. Jamais aucun renseignement n’a été refusé par le
gouvernement ; il a donné tous ceux qu’on lui a demandés. Si on eût exprimé le
désir d’en avoir d’autres, il aurait pu également les fournir. Au reste, je
puis dire qu’en général à aucune époque il n’a été entrepris autant de routes
qu’à l’époque actuelle, C’est ainsi que diverses routes entreprises aux frais
de l’Etat représentent un capital de 2 millions 300 et quelques mille francs.
Les travaux qui restent à faire pour leur entier achèvement coûteront 1,334,000 fr.
Quant aux routes
actuellement en construction, aux frais de sociétés, le capital en est évalué à
3,480,000 fr. Les subsides accordés à ces diverses
sociétés s’élèvent seulement à 444,000 fr. Ainsi, au moyen de cette somme de
444,000 fr., on a déterminé l’entreprise de routes qui présentent un capital de
trois millions et demi. Il y a encore plusieurs autres routes entreprises sans
aucun subside ni concours de la part du gouvernement, et qui ont également une
certaine importance.
Il résulte de ces
renseignements qu’une impulsion réelle est donnée à la construction des routes,
et que si le gouvernement était mis à même par un emprunt de donner encore plus
d’activité aux travaux, il y a lieu d’espérer qu’au bout de plusieurs années,
il ne resterait plus aucune route importante à construire.
Indépendamment
de ces routes on a également donné en concession la construction de plusieurs
ponts importants sur des rivières de
En outre une entreprise
a commencé l’exécution d’une route en fer dans le Hainaut ; une autre
entreprise du même genre a envoyé sa demande. On a également commencé des
travaux de navigation, et l’on en projette qui ne sont pas sans importance,
notamment l’embranchement du canal de Charleroy, qui vous est actuellement
soumis.
Je ne pense pas que
d’autres renseignements aient été demandés. J’attendrai la suite de la
discussion.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la
parole pour répliquer par quelques mots à M. le ministre de l’intérieur qui
bien voulu répondre à ce que j’avais eu l’honneur d’avancer, surtout sous le
rapport de ma demande tendant à l’ajournement du vote de sommes proposées pour
la construction de routes nouvelles, jusqu’à ce que suite ait été donnée à la
proposition de l’honorable M. de Puydt.
D’après ce qui a été
dit, je ne trouverai aucune espèce d’inconvénient au vote des 814 mille francs
proposés pour la construction de routes nouvelles. Mais je demande et j’insiste
pour que la chambre décide qu’une commission sera nommée à l’effet d’examiner
la proposition de l’honorable M. de
Puydt.
M.
le ministre de l'intérieur a dit aussi qu’avant de faire une proposition
tendant à lever des capitaux pour la construction de routes nouvelles, il
devait s’entendre avec M. le ministre des finances. A cet égard, je crois qu’il
sera nécessaire de lever en 1835 une somme bien minime, et selon mes prévision, on ne sera pas embarrassé de les trouver.
Pour la première année, il ne sera pas nécessaire d’avoir plus de 6 à 700 mille
francs ; dans les années suivantes, en 1836, 37 et 38, on lèvera les capitaux
nécessaires pour la continuation des routes commencées. On a donc tout le temps
de se concerter sur cet objet.
Je demande que M. le
président veuille bien ne pas soumettre ma proposition et qu’en temps et lieu
il la soumette au vote de l’assemblée.
M.
de Puydt. - D’après les explications que vient de donner M. le ministre
de l'intérieur, vous avez pu reconnaître qu’avec de faibles allocations, on
pouvait exécuter d’immenses travaux. En effet, il vous a dit qu’au moyen d’un
subside de 440,000 fr., il avait fait exécuter des travaux évalués à 3 millions
en demi. C’est parce que la section centrale a reconnu tous les avantages de
ces allocations, qu’elle a proposé un emprunt de dix millions, dont les fonds seraient
consacrés à l’exécution de toutes les communications dont le pays a besoin. Les
intérêts et l’amortissement de cet emprunt seraient prélevés sur l’excédant du
produit des barrières. Mais, messieurs, il est tout aussi important de
compléter le système de nos communications navigables à l’intérieur, que celui
de nos communications par terre.
C’est particulièrement
dans les provinces qui ont le moins de canaux, comme celles du Limbourg et du
Luxembourg, que des voies navigables produiraient un effet utile et immédiat.
Je ferai remarquer que les sommes allouées pour travaux publics ne doivent pas
être mises dans la série des dépenses ordinaires : de ces allocations et des
travaux qu’elles ont pour objet, résultent des péages, des contributions
directes et indirectes, des intérêts. Le trésor profite nécessairement de ce
mouvement de fonds et de la prospérité publique qui en est l’effet. Or, ce qui
est vrai en thèse générale, l’est bien davantage quand il s’agit de l’exécution
de travaux dans une province entièrement inculte par suite du défaut de
communications, comme l’est la province du Luxembourg.
L’ancien gouvernement
avait parfaitement compris qu’en exécutant, dans le Luxembourg, des
communications navigables, on aurait entièrement changé la face du pays. Il
avait autorisé une société à lui présenter un projet à cet égard, projet dont
l’exécution a été commencée et est aujourd’hui interrompue. Comme cette
province est peu connue, je crois qu’il ne sera pas inopportun de donner
quelques détails sur sa situation intérieure.
La province du
Luxembourg présente une surface plus grande que les deux Flandres réunies ;
elle a 630 mille hectares : les Flandres n’en ont que 530 mille. Il y a, dans
cette province, un peu plus du tiers de cultivé ; le reste est inculte. Les
Flandres, au contraire, n’ont que 1/200 qui soit inculte. La province du
Luxembourg a une population de 300,000 habitants ; les Flandres ont une
population plus que quadruple. Toutes ces différences résultant de la
différence des communications.
Dans les Flandres, la
moyenne est de
Le sol du Luxembourg a
en outre des richesses minérales, qui restent enfouies par le défaut de
communications. Si vous donniez à ce pays des voies navigables, sa population
aurait bientôt triplé, la surface de terrain cultivé triplerait également. Si
notamment on faisait achever le canal de Meuse et Moselle destiné à traverser
la partie inculte des Ardennes, et qui constituerait avec ses divers
embranchements un système de communications navigables propres à développer
l’agriculture de ce pays, on ne tarderait pas à en ressentir les heureux
effets. En peu d’années la surface des terres cultivées triplerait, et la
population augmentant progressivement, vous auriez avant un siècle trois
provinces de Luxembourg au lieu d’une.
Dans cette opinion, je
ferai à la chambre une proposition qui n’est qu’un corollaire de telle que j’ai
eu l’honneur de lui faire pour l’exécution des routes.
D’après la loi sur les
barrières, le produit des barrières est consacré spécialement à l’entretien des
routes et à l’amélioration du système des routes. Je voudrais qu’une semblable
disposition fût prise pour consacrer le produit des canaux à leur entretien et
l’excédant à la construction de canaux nouveaux. Si la loi accordait une
semblable faculté, on devrait autoriser le gouvernement à appliquer ensuite
l’excédant de ce produit à l’amortissement d’un emprunt que l’on ferait pour
l’exécution de nouveaux canaux.
Voici ma proposition :
« Art. Le
gouvernement est autorisé à faire un emprunt de 15,000,000
fr., dont le montant sera affecté à l’exécution de routes et canaux, d’après un
système général.
« Le paiement des
intérêts et l’amortissement de cet emprunt seront effectués sur l’excédant du
produit des péages des canaux et des barrières, dans la proportion suivante :
« 10,000,000 sur les barrières,
« 5 000,000 sur les
canaux.
« Pour
l’exécution de ce qui précède, les fonds provenant des péages établis sur les
canaux navigables appartenant à l’Etat seront versés au trésor et seront
affectés à l’entretien de ces canaux et à l’amélioration du système de
navigation intérieure du pays, soit par des modifications aux canaux existants,
soit par la construction de canaux nouveaux. »
Cette proposition
complète celle que vous a faite la section centrale, relativement aux
communications par terre ; elle la majore même, puisqu’elle propose pour
chiffre de l’emprunt 12 millions au lieu de 10.
L’adoption de cette
proposition rendrait possible la continuation des travaux commencés, et
l’achèvement du canal de Meuse et Moselle.
M.
Pirson. - M. le ministre de l'intérieur a parlé des travaux commencés
et de ceux projetés ; quant à ceux-ci, il n’a pas parlé de la canalisation de
Il est de fait que déjà
un ingénieur est venu examiner les travaux et que rien ne se fait pour sa
canalisation de
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Non aucune.
M. Pirson. - C’est cependant un objet de la plus
haute importance pour
M.
de Puydt. - La canalisation de
Si
le gouvernement ne fait pas faire de projet d’office, par ses ingénieurs, on
pourra donner suite à la demande en concession qui a été faite dans d’autres
temps.
M.
Pirson. -
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce n’est pas le gouvernement français qui est entré en relation avec le
gouvernement belge pour la canalisation de
L’honorable M. de Puydt
qui avait proposé un emprunt pour la construction des routes, présente
aujourd’hui une modification à sa première proposition.
Il voudrait que l’on fît
un fonds commun du produit des barrières et des canaux pour l’affecter au
paiement des intérêts et de l’amortissement d’un emprunt destiné tout à la fois
à l’achèvement des routes et des voies navigables : je ne pense pas que nous
puissions admettre cette confusion. Les fonds du produit des barrières doivent
conserver leur destination exclusive. Le système de communication par les
routes se lie parfaitement bien dans toutes ses parties, et il est naturel que
l’excédant des produits sur les dépenses soit affecté spécialement à étendre ce
système. Il en est autrement des canaux. Leurs produits qui appartiennent au gouvernement
sont peu importants. Quant au projet soumis à la chambre, l’excédant du produit
du canal de Charleroy sera destiné à ses embranchements. Reste le canal
d’Antoing qui est seul productif ; mais ce canal a été payé par l’Etat, et si
on décompte le prix d’acquisition, l’excédant sera peu considérable.
Au surplus je reconnais
avec le même orateur l’utilité d’achever aussitôt qu’il sera possible les voies
navigables qui sont encore à ouvrir en Belgique, et comme il l’a indiqué,
particulièrement dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg : mais tous
ces travaux se résolvent en questions de finances. Il faudrait pour les traiter
un moment plus opportun, Il est impossible de rien préjuger à cet égard.
J’ai
oublié de répondre tout à l’heure à l’observation faite par l’honorable député
qui a dit que le gouvernement devait surtout intéresser les provinces, les
communes et les propriétaires dans la construction des routes : c’est aussi
cette marche que suit le gouvernement, et celle qu’il se propose de suivre avec
le plus de constance. Il concourra, en s’imposant le plus de sacrifices qu’il
pourra, avec les provinces, les communes et les propriétaires, qui
s’associeront aux constructions de routes qu’on voudra entreprendre. C’est par
des efforts communs que l’on pourra achever les routes sans trop grever le
trésor. C’est là une règle très simple et à laquelle l’administration doit
tenir.
M. Eloy de Burdinne. - A propos des
routes on est venu vous entretenir des canaux. Relativement à ce dernier moyen
de communication je n’y connais rien ; ou plutôt ce que je sais c’est qu’en
thèse générale les canaux coûtent beaucoup d’argent et en rapportent fort peu.
Si nous nous occupons de canaux et de routes pavées en même temps, nous
finirons par ne rien avoir. Je demanderai que pour le moment on s’occupe
exclusivement des routes et que l’on ajourne la question des canaux ; ou, si on
persiste, que l’on nomme une commission qui serait chargée d’examiner la
question de la canalisation de
M. de Robaulx. - Je croyais que c’était la
mer que l’orateur voulait canaliser.
M. Eloy de Burdinne. - Lorsqu’il s’est
agi de construire une route en fer, la question relative à un emprunt qui doit
monter jusqu’à 30 ou 40 millions n’a pas souffert de difficulté ; s’il s’agit
d’emprunter pour des routes en pierres, la difficulté doit être moindre encore,
car les capitaux ne manqueront pas pour de telles entreprises.
J’insiste pour
l’admission de la proposition que je vous ai faite, c’est-à-dire, pour qu’une
commission soit nommée et chargée d’examiner le projet de M. de Puydt.
M.
de Puydt. - Je crois qu’on a mal compris ma dernière proposition. Le
gouvernement est autorisé par une loi de barrières à consacrer leur produit à
l’entretien et à l’amélioration des routes ; je demande qu’une loi consacre
également le produit des canaux à l’entretien et à l’amélioration des canaux ;
et je dis que l’on pourrait faire un emprunt de 12 millions, dont 7 seraient
affectés aux barrières, et les 5 autres seraient affectés aux voies navigables.
Ainsi, il n’y a pas de confusion.
Nous
avons vu par le budget des voies et moyens que les canaux produisent 400,000
fr., et nous voyons maintenant par le budget des dépenses du ministère de
l’intérieur que leur entretien coûte 114,000 fr. ; reste donc 296,000 fr.
Il est clair que si une
loi autorise l’application de l’excédant du produit des canaux à la
construction de nouveaux canaux, on pourra faire un emprunt proportionnel à ces
296,000 fr., et dont le capital s’élèverait, par conséquent, à 5,000,000 au moins.
M. Rogier. - Messieurs, je pense avoir compris que l’intention
du gouvernement était de préparer un projet qui comprendrait un système général
de communications dont les frais seraient couverts par un emprunt que les
chambres autoriseraient et qui serait garanti par les produits des barrières.
Il me semble que si le gouvernement se livrait à ce travail, il ne pourrait se
dispenser de s’occuper à la fois et des communications par terre et des
communications par eau. Je ne sais pourquoi M. Eloy de Burdinne proscrit ces
dernières qui sont si utiles au transport des produits agricoles.
La deuxième proposition
de M. de Puydt est la conséquence de celle qu’il a déjà faite. Il me paraît
naturel que les produits des canaux soient appliqués aux canaux. Le seul canal
qui aujourd’hui rapporte au trésor offre un excédant de près de 300,000 francs
sur les frais d’entretien ; c’est plus du tiers ou presque la moitié du produit
des routes ; il est donc avantageux de construire des canaux. Mais,
relativement aux canaux et aux routes, je ne puis imaginer autre chose qu’un système
complet qui serait le résultat de la combinaison des communications par terre
et par eau.
On a parlé du projet de
canaliser
Je ne pense pas que le
gouvernement consente à retrancher du budget l’allocation pour le canal de Blankenberghe, entreprise vraiment nationale et pour
laquelle les travaux préparatoires sont déjà achevés.
En second lieu, il faut
que l’on en finisse avec la question du canal d’Espierre. Cette question est
importante ; elle est délicate. Le ministre de l’intérieur, qui faisait partie
de l’administration précédente, avait hésité longtemps à la résoudre.
Toutefois, il faudra lui donner une solution. Pour cet objet, il sera
nécessaire de voter des fonds ; car il est probable que le gouvernement devra
intervenir, si l’on exécute le plan proposé par les Flandres.
En troisième lieu, un
canal d’une très haute importance serait celui que l’on substituerait, dans des
dimensions moins grandes, au canal du Nord, projeté et resté sans exécution :
je veux parler d’un canal, à petite section, qui lierait l’Escaut à
Je
sais que l’on s’occupe sur le terrain et dans le cabinet d’un travail sur cet
objet. L’exécution de ce travail n’entraînerait pas des dépenses considérables,
surtout si on rapproche les revenus des dépenses. Si les renseignements qu’où
m’a fournis sont exacts, je crois qu’avec deux ou trois millions on pourrait
joindre
Je suppose que tous ces
travaux feront partie du plan général qui nous sera proposé.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne crois pas
que dans les motifs que j’ai fait valoir en faveur des chemins en pierre, j’ai
contesté l’utilité des canaux ; cependant M. Rogier m’en fait un reproche ; je
le répète, je ne connais rien relativement aux canaux, et quand je ne connais
pas une chose, je ne m’en occupe pas.
J’ai demandé que l’on
ajournât l’entreprise des canaux, car si nous commençons ensemble les canaux et
les routes, nous ne finirons rien.
Je
n’ai traité que la question qui concerne les routes pavées, en un mot que la
proposition première de M. de Puydt.
Si nous canalisions toutes nos rivières et tous nos ruisseaux, il en
résulterait que
M.
Rogier prétend que les canaux sont utiles à l’agriculture : en vérité les
canaux sont aussi peu utiles à l’agriculture que le seront les chemins en fer.
Les uns et les autres pourront à peine servir à transporter des engrais.
M. de Robaulx. - Je demande la lecture de la
proposition de M. de Puydt, afin que nous sachions si elle peut avoir une
solution actuelle, si elle se rattache au budget.
M.
le président. donne ici lecture de la
proposition déposée par M. de Puydt.
M. Watlet. - Je m’opposerai à l’adoption des
amendements proposés par M. Eloy de Burdinne et par M. de Puydt, et je
soutiendrai les conclusions de la section centrale. Elles tendent à autoriser
un emprunt de dix millions pour la construction de routes nouvelles. L’intérêt
et l’amortissement de cet emprunt seraient servis par les 814,000 fr. donnés
par l’excédant du produit des barrières. L’amendement de M. de Puydt, tout en
ayant l’air de renchérir sur la proposition de la section centrale, présente
réellement une réduction.
Au lieu de 10 millions
il propose un emprunt de 12 millions ; mais la manière dont il répartit ces 12
millions fait que 7 millions seulement seront employés en construction de
roules nouvelles, puisque les 5 autres millions sont destinés aux canaux ; de
sorte qu’en définitive ce serait consacrer aux routes trois millions de moins
que par le projet de la section centrale, tout en paraissant vouloir faire plus
qu’elle.
Et je remarquerai en
passant que les dix millions ont été calculés d’une manière peut-être trop
rigoureuse ; que c’est le strict nécessaire pour les constructions de nouvelles
routes.
J’ajouterai que dans
l’opinion de M. de Puydt cette somme de 10 millions n’est pas même suffisante,
puisque dans le projet qu’il avait d’abord présenté il demandait 16 millions.
Mon intention n’est pas
de m’opposer à ce que l’on fasse, avec l’excédant du produit des canaux, ce que
l’on a jugé à propos de faire avec l’excédant du produit des barrières ;
c’est-à-dire, qu’on emploie cet excédant à la construction de canaux nouveaux
et à l’amélioration des canaux subsistants ; mais avant que l’on puisse
insérer, à cet égard, quelque chose au budget, il faut stipuler, par une loi,
que l’excédant des péages sera, en effet, employé à l’ouverture de nouveaux
canaux. Voilà ce que j’avais à dire sur l’amendement de M. de Puydt, et ce sont
là les motifs pour lesquels je m’opposerai à son adoption.
Quant à l’amendement de
M. Eloy de Burdinne, je le crois également inadmissible. La section centrale
demande seulement 10 millions pour des routes nouvelles ; mais elle n’entre
dans aucun détail relativement aux communications qu’il conviendrait d’établir
: elle a cru que ces détails rentraient dans les attributions du ministre de
l’intérieur et de l’administration des ponts et chaussées. Si nous agissions
autrement, nous ferions de l’administration et il nous arriverait ce qui est
arrivé il y a quelques années : chaque localité réclamait un bout de route par
l’organe de son député. C’est le ministre qui sait ce qu’il convient
d’entreprendre pour former un système complet de
communications. Je crois donc que la proposition de l’honorable M, Eloy de
Burdinne est au moins intempestive. C’est quand on discutera un système complet
de grandes routes que l’on s’occupera des détails. On peut cependant, et je le
conçois, donner la préférence au projet de M. de Puydt, car il est plus complet
que celui de la section centrale ; toutefois ce n’est pas le moment de s’en
occuper. Si le principe d’un système complet était admis, je donnerais mon
assentiment à la proposition de M. de
Puydt.
M. de Puydt. - L’honorable M. Watlet a raison,
j’ai fait une erreur de chiffres que je me hâte de rectifier. Mais ce n’est pas
tant le chiffre de ma proposition qu’il faut considérer. C’est plutôt le
principe du projet qui consacre à l’entretien des canaux les mêmes fonds que
ceux que la section centrale veut employer à l’amélioration des routes. Pour me
rapprocher du projet de la section centrale, je change le chiffre de 7 millions
pour les routes en celui de 10 millions. Je maintiendrai celui de 7 millions que
j’ai proposé pour les canaux. Je crois de cette manière être d’accord avec
l’honorable M. Watlet.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Tout le
monde avait senti la nécessité d’adopter un système général pour la construction
des routes. Aussi longtemps que l’on se bornera à affecter à cet objet les
fonds provenant de l’excédant des barrières, l’on ne fera rien. Cependant
peut-on chaque année construire 8 à 9 lieues de routes, qui, partagées entre
toutes les provinces, en font à peine une pour chacune ?
Il y a un projet de
route très important qui se dirige sur Hasselt, c’est une communication
militaire. Eh bien, il est impossible de l’achever faute de fonds. La section
centrale, saisie de la proposition de la 4ème section, l’a examinée et a
demandé l’avis de M. le ministre de l'intérieur, qui a partagé cette manière de
voir. Il nous a semblé qu’en affectant à la construction des routes un capital
représentant le produit des barrières, l’on pourrait parvenir à doter le pays
de routes convenables et à sillonner de voies de communication les provinces
qui en sont dépourvues. Il y a beaucoup à faire même dans les Flandres et dans
le Hainaut, qui sont cependant les provinces les mieux dotées. Les routes dans
Nous avons cru qu’il
était possible d’obtenir ce résultat sans grever l’Etat. Il ne s’agirait que
d’employer comme intérêt ce que l’on a employé comme capital. Toutes les routes
commerciales seraient promptement achevées et par conséquent productives. Nous
avons surtout évité de grever le trésor public. Le projet de M. de Puydt a une
portée beaucoup trop étendue, car il nécessiterait un capital de 16 millions,
tandis que l’excédant du produit des barrières n’est que de 800,000 fr.
Messieurs, avec un pareil produit qui deviendrait un intérêt annuel, on
pourrait, en décomptant l’amortissement, se procurer un capital de 10 à 12
millions. Soit 100,000,000 de fr. à 500,000 fr.
d’intérêt annuel, 100,000 fr. seraient consacré à l’amortissement, et 200,000 à
l’entretien et à l’amélioration des routes existantes.
La proposition qui vient
de vous être faite paraît, de l’aveu de son auteur, être un projet nouveau. Je
ne pense pas que nous puissions la discuter actuellement. L’intérêt du capital
à emprunter dépasserait le produit de l’excédant des barrières. Il faudrait
donc majorer les allocations du budget. Je ne pense pas que nous soyons dans
des circonstances favorables pour le faire.
Nous devons nous en
tenir aux fonds que nous avons à notre disposition. II est impossible de voter
actuellement la proposition de M. de
Puydt. Si c’est un projet nouveau, il y a lieu de le renvoyer dans les
sections. Si c’est un amendement à la proposition que l’honorable membre a
faite l’année dernière, il me semble qu’il serait convenable de le réunir au
projet lui-même et de le renvoyer par conséquent également aux sections qui en
sont saisies.
Il
est impossible de voter la proposition dans la forme actuelle. On ne peut
mettre à la disposition du gouvernement une loi dont on ne connaît pas la
portée. M. le ministre de l’intérieur a fait observer avec raison qu’il
s’agirait auparavant de se fixer sur le plan à suivre. Je crois qu’il faut
attendre, pour voter un système semblable, que M. le ministre ait fait les
diligences nécessaires, et qu’il ait consulté les administrations provinciales.
Alors, seulement, nous pourrons discuter en connaissance de cause, et faire un
bon emploi des sommes détaillées au projet.
La discussion de la
proposition de M. de Puydt pourra avoir lieu en même temps que celle du projet présenté
l’année dernière par l’honorable membre.
En attendant, nous
n’avons qu’à passer outre faute de documents.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je vois avec plaisir se produire de toutes parts
l’intention de contribuer à l’établissement de nouvelles communications. Il
n’est pas de pays en Europe, peut-être, qui offre autant de routes et de canaux
qu’une partie de
Incontestablement
alors vous aurez à examiner une foule de questions accessoires, et notamment
celle de savoir si vous ne pouvez pas arriver au résultat qu’on se propose
d’ouvrir de nouvelles communications sans imposer de nouvelles charges aux
contribuables, sans grever le budget de l’intérieur. Il me paraît que la
section centrale a suggéré une très bonne idée. Ce serait d’emprunter un
capital qui serait exclusivement employé à l’achèvement de nouvelles routes, au
creusement de nouveaux canaux, capital dont les intérêts seraient payés, dont
le montant serait remboursé au moyen du produit même de ces routes, de ces
canaux. Mais c’est une question que nous n’avons pas à examiner maintenant. En
ce moment nous devons nous borner à voter l’art. 3. En temps et lieu nous
examinerons toutes les questions qui se rattachent à la proposition de
l’honorable M. de Puydt et à celle qu’a faite la section centrale elle-même ;
je crois que tout examen actuellement est superflu, est inutile.
M. Eloy de
Burdinne. - Je demande la parole pour rectifier un fait avancé par
l’honorable M. Watlet. Ce membre pense qu’en demandant le renvoi de la
proposition de M. de Puydt à une commission, je désire que cette commission se
prononce sur ce projet. Il est dans l’erreur. Je demande seulement que la commission
qui sera nommée décide la question de principe, et rien de plus.
- La clôture de la
discussion est demandée.
M. de Robaulx. - Je désirerais que les
auteurs des propositions nous voulussent dire si leur intention a été de
présenter des amendements au budget ou des projets séparés.
M.
de Puydt. - Ma proposition est un projet séparé.
M. de Robaulx. - Alors je ne vois pas
pourquoi nous avons discuté si longtemps.
- La discussion est
close.
M. de Puydt. - J’ai considéré que dans le cours
d’une discussion, il pouvait être fait des motions de propositions. Celle que
j’ai présentée ne constituait pas un amendement au budget. Le ministre de
l’intérieur s’étant rallié à la proposition qui avait pour but d’affecter à
l’emprunt d’un capital pour construction de routes nouvelles le produit des
barrières, j’ai voulu étendre le bienfait de cet emprunt à la construction des
canaux en faisant participer au paiement l’intérêt, le produit des péages. Mon
nouveau projet pourra être soumis à l’examen d’une commission conjointement
avec celui que j’ai présenté antérieurement. Ma proposition nouvelle n’est donc
qu’une proposition de l’année dernière modifiée. Je me contente de la déposer
sur le bureau.
M. Eloy de
Burdinne. - Comme une année s’est déjà écoulée depuis la présentation
d’un premier projet par M. de Puydt, et que le gouvernement ne paraît pas en
mesure de prendre une décision à cet égard, j’ai demandé qu’une commission
spéciale décidât le principe.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - La
proposition de M. Eloy de Burdinne est une simple motion d’ordre. Je ne crois
pas qu’il y ait lieu de s’y opposer.
M. de Robaulx. - La proposition de M. de
Puydt n’ayant pas été examinée dans les sections, l’on ne peut s’opposer à la
nomination d’une commission chargée d’en faire l’examen.
Une voix. - Il y a déjà une commission des
travaux publics.
M. de Robaulx. - La motion de l’honorable M.
Eloy de Burdinne est donc admissible. Le bureau peut être chargé de nommer
cette commission.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je voulais faire remarquer
qu’il existe une commission des travaux publics dont j’avais l’honneur de faire
partie. Il suffira de renvoyer la proposition de M. de Puydt à son examen.
J’ajouterai un mot sur
la réflexion faite par M. de Puydt...
M.
le président. - C’est rentrer dans la discussion.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je le sais, mais je demande à
l’assemblée de me le permettre. Ce que j’ai à dire peut être utile pour le
renvoi à la commission.
Plusieurs membres. - Parlez, parlez.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. de Puydt paraît
croire que M. le ministre de l'intérieur partage pour la construction de
nouveaux canaux l’idée de l’emprunt auquel il s’est rallié pour l’achèvement
des routes. Il est dans l’erreur. M. le ministre de l’intérieur n’a entendu que
la question des routes. Il s’agissait d’abord de faire simplement un emprunt de
6 millions, ce qui aurait pu se faire très promptement, attendu que l’excédant
du produit des barrières est assez élevé. La proposition de M. de Puydt
comprend maintenant les canaux. Il demande non pas 6 millions, mais bien 15
millions, J’ai fait cette observation pour prier la commission chargée le
projet de M. de Puydt, de disjoindre ce qui regarde les canaux de ce qui est
relatif aux routes.
M. de Robaulx. - La commission présentera
son rapport.
- La proposition de M. de
Puydt est renvoyée à la commission des travaux publics.
« Art. 1er. Travaux
publics : fr. 2,150,000. »
- Adopté.
« Art 2. Canaux et
rivières : fr. 174,600. »
M.
le président. - M. Simons présente l’amendement suivant : « J’ai
l’honneur de proposer qu’en addition à l’art. du chap.
IV pour réparations urgentes aux rives de
M.
Simons. - Messieurs, je n’entrerai pas dans de longs développements
pour justifier l’amendement que j’ai l’honneur de présenter. Après les débats
qui ont eu lieu successivement lors de la discussion des budgets des exercices
de 1833 et de 1834 à l’occasion de demandes d’allocations de la même nature, ce
serait vraiment abuser des moments précieux de la chambre que de l’entretenir
de nouveau de l’Etat déplorable dans lequel se trouvent en plusieurs endroits
les rives de
Les rapports qui ont été
faits par vos sections centrales, chargées respectivement de l’examen des deux
derniers budgets du département de l’intérieur, savoir l’un par M. Dubus,
l’autre par l’honorable M. de Puydt, ne peuvent laisser le moindre doute sur
l’extrême urgence des travaux pour l’exécution desquels je demande la nouvelle
allocation.
Ces deux sections, après
avoir recueilli des renseignements exacts sur l’état des choses, après s’être
environnées de tout ce qui peut jeter du jour sur la question d’urgence, n’ont
pu s’empêcher de la reconnaître, et ensuite de prendre des conclusions
favorables aux propositions qui vous avaient été présentées.
Voici le final du
rapport de M. de Puydt :
« En ce qui
concerne l’amendement de M. Olislagers, la section centrale a reconnu, par les
rapports de l’administration des ponts et chaussées, que les travaux dont cet
honorable membre réclame l’exécution, sont urgents, et que la somme de 75,000
fr., allouée au budget de 1833 pour des ouvrages analogues, ne fait pas double
emploi avec celle de 50,000 demandée par l’amendement ; en effet, les
débordements de
Le rapport de
l’honorable M. Dubus n’était pas moins positif, pas moins alarmant. Après avoir
signalé plusieurs points où
Pour achever dans vos
esprits la conviction de l’urgence de ces travaux et de l’imminence du danger
qui menace différentes communes riveraines, permettez-moi, messieurs, que je
vous donne lecture d’un passage du dernier rapport de l’administration
provinciale à M. le ministre de l’intérieur en ce qui concerne
Après avoir signalé
l’état déplorable des rives de ce fleuve, après avoir indiqué les causes du
délabrement des ouvrages de défense et les moyens que l’administration n’a
cessé d’employer pour lutter contre la force des eaux et obvier aux
dégradations des rives, la députation rend compte des travaux exécutés au moyen
du subside que la législature a accordé à cette province précédemment.
Voici comme elle
s’exprime : « La vive allégresse des habitants à la vue des progrès des travaux
qui doivent les sauver d’une ruine inévitable, atteste le mieux l’imminence des
dangers qu’ils avaient à redouter de la crue des eaux pendant l’hiver.
« L’intervention du
gouvernement a été un bienfait inappréciable pour les habitants de ces diverses
communes ; leur reconnaissance est égale au bienfait.
« Dans d’autres
localités la nécessité de défense a été également constatée ; mais, en égard à
leur urgence moins excessive et à l’insuffisance des fonds, il a été impossible
de les faire cette année. »
Si, pour justifier mon
amendement, je me suis surtout attaché à attirer votre attention sur les
rapports qui vous ont été présentés par vos sections centrales, ainsi que sur
celui officiel de l’administration provinciale, c’est pour écarter les
considérations dilatoires que, sans cela, on ne manquerait pas de mettre en
avant pour écarter ma proposition.
Il résulte de ces
rapports que les allocations précédentes ne suffisaient pas à beaucoup près
pour confectionner tous les ouvrages qui alors déjà furent reconnus
indispensables. Elles n’ont servi qu’à faire les travaux les plus urgents.
Après l’emploi de ces fonds il reste encore beaucoup à désirer. Aussi vous vous
rappellerez, messieurs, que, lors de la discussion de cet objet l’année
dernière, l’honorable M. Rogier, alors chef du département de l’intérieur, vous
a positivement déclaré qu’en demandant 50,000 fr., c’était véritablement le
minimum qu’il réclamait.
Il ajouta que
« s’il avait demandé la somme absolument nécessaire, ce ne serait pas
50,000 fr., mais 100,000 fr. qu’il demanderait. Il finissait par dire que si,
pour cette campagne, il restreignait la somme à 50,000 fr., il comptait encore
assez sur le concours de la chambre pour espérer qu’elle ne refuserait pas
l’année prochaine pareille allocation, si on venait, comme cette année, lui
déclarer qu’elle est indispensable. »
Je ne vous expliquerai
pas pourquoi cette année encore la province du Limbourg est restée dans l’oubli
; mais puisqu’il en est ainsi, force est bien aux députés de cette localité de
faire retentir dans cette enceinte leurs justes réclamations.
J’ai commencé par le
faire à l’occasion de la discussion de budget de 1833, ce qui donna lieu à
l’amendement de l’honorable M. de Theux qui fut adopté par vous à une forte
majorité. Les motifs étant les mêmes, et l’urgence pas moins imminente, j’ose
me promettre le même accueil.
Le vice le plus
dangereux dans tout gouvernement, mais surtout dans un gouvernement
constitutionnel, c’est de se montrer généreux à l’égard de quelques localités
et de traiter les autres comme indignes de sa sollicitude. C’est cependant ce
que les deux malheureuses provinces de Limbourg et de Luxembourg n’ont que trop
souvent occasion de remarquer. Pour les charges, pour les impôts, on ne les
oublie guère ; elles figurent avec distinction aux budgets de l’Etat ; mais
s’agit-il, je ne dirai pas d’accorder des faveurs, elles n’en demandent pas,
elles ne réclament qu’impartialité ; mais, dis-je, s’agit-il de travaux
urgents, de dépenses indispensables, alors ces deux provinces. sont traitées comme ne faisant plus partie de
Telle
ne peut être, telle ne sera jamais, j’en ai la conviction intime, l’opinion de
la grande majorité de cette assemblée. Je ne doute donc nullement qu’on ne
prenne ma proposition en considération ; je me réserve de développer
ultérieurement d’autres considérations, fort desquelles j’ose me promettre que
la chambre y donnera un accueil favorable.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1835)
M. H. Dellafaille, rapporteur. - L’art.
2 en discussion a pour objet les frais d’entretien des rivières et canaux.
Déjà, dans les années précédentes, des sommes montant à un total de 123,000
francs, avaient été accordées pour réparations urgentes aux rives de
M. Simons. - Je ne m’oppose pas à ce qu’une
proposition forme un article séparé. Mais je ne puis consentir au renvoi à la
section centrale. Je démontrerai qu’il ne peut être question de différer le
subside, attendu que l’urgence en est constatée. Je prouverai que ce n’est pas
un subside, mais bien une indemnité à laquelle les habitants du Limbourg ont
droit. Je demande que la discussion continue. Mais je consens à ce que ma
proposition forme un article séparé.
- L’article 2 est mis
aux voix et adopté.
M. de Robaulx. - Messieurs, on a accordé les
années précédentes des fonds pour le même objet que celui sur lequel M. Simons
appelle l’attention de l’assemblée. Mais alors il s’agissait, disait-on, de
réparer des dommages tellement urgents, qu’il ne pouvait être question
d’examiner si l’Etat ou la province ou les habitants devaient être chargés de
la dépense. Comme on vous disait que les dommages pouvaient devenir
irréparables, vous avez accordé les sommes sauf recours à qui de droit : nous
avons voté une première somme de 73,000 francs ; nous en avons accordé une
seconde, ce qui a fait monter le total à 123,000 fr.
Maintenant l’on compte
davantage sur notre facilité. Ce n’est plus une avance que l’on demande. C’est
une indemnité que vous devez. Si vous l’accordez, l’année prochaine on vous
promet de vous demander encore 50,000
francs, si j’ai bien compris l’honorable M. Simons.
M.
Simons. - L’année passée, l’honorable M. Rogier, ministre de
l’intérieur, avait dit à la chambre que 100,000 fr. étaient nécessaires, et
après le vote des 50,000 fr., il se réserva de demander, l’année suivante, les
autres 50,000 fr. C’est ce que je réclame en ce moment.
M. de Robaulx. - En ce cas, j’appuie le
renvoi à la section centrale, parce qu’il serait facile d’obtenir des subsides
en prétextant toujours l’urgence de la dépense. Nous n’avons aucun moyen de
nous en assurer immédiatement. Il faut que nous sachions si c’est sur l’Etat
seulement qu’elle doit peser. Autrement, il faudrait, tous les ans, payer une
rente de 50,000 fr. à
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’appuierai le renvoi à la section centrale. Si la chambre veut bien accorder
encore cette année la somme demandée, je désire qu’on ne puisse pas dire
qu’elle l’a fait sans avoir mûrement examiné la question. Je fournirai à la
section centrale tous les renseignements qu’elle pourra désirer. Je crois
devoir faire observer que les produits de
Maintenant
on aura à examiner dans la section centrale s’il est équitable que les dépenses
de ces réparations soient supportées par les propriétaires riverains ou par la
province, alors qu’elle est privée de tout revenu.
Je le répète, je
remettrai à la section centrale tous les renseignement
désirables.
M. d'Hoffschmidt. - L’auteur de la
proposition s’est opposé au renvoi en disant qu’il avait produit...
M.
Simons. - Je ne m’y oppose plus.
M. d'Hoffschmidt. - Alors, je ferai observer.,..
M.
le président. - C’est inutile, quant à présent, d’entrer dans le fond,
car il ne s’agit que du renvoi à la section centrale.
M. d'Hoffschmidt. - S’il ne s’agit
maintenant que du renvoi, je renonce à la parole.
M. Pirson. - Je demande la parole pour répondre au
ministre.
M.
le président. - Toute la question maintenant est celle de savoir si le renvoi
sera ordonné. Est-ce sur le renvoi que vous voulez prendre la parole ?
M. de Robaulx. - On doit toujours pouvoir
répondre à un ministre ; et quoiqu’il ne s’agisse ici que d’un renvoi à la
section centrale, si les considérations que vient de présenter le ministre sont
de nature à exercer plus ou moins d’influence sur les membres de la section
centrale, je ne vois pas pourquoi un membre de cette chambre ne pourrait pas
essayer de contrebalancer cette influence, par d’autres considérations.
M.
le président. - Je n’ai nullement l’intention d’empêcher de répondre au
ministre, mais je dois dire que la section centrale ne se laissera influencer
par l’opinion de personne, qu’elle examinera la question avec attention et
qu’elle prononcera d’après ses propres lumières.
- Le renvoi à la section
centrale est mis aux voix et ordonné.
« Art. 3. Canal de Blankenberghe à Zelzaete, pour l’écoulement des eaux des
Flandres : fr. 550,000. »
M.
le président. - La section centrale propose de retrancher ce chiffre.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, le gouvernement vous
avait demandé une somme de 550,000 fr. pour la construction d’un canal
d’écoulement dans les Flandres. La section centrale, dans un but d’économie,
vous propose l’ajournement de cette allocation. Je conçois, messieurs, qu’en
présence des charges qui pèsent déjà sur la nation, on soit sobre de dépenses
nouvelles ; mais les motifs qui militent en faveur de la construction du canal
proposé sont tellement péremptoires, que je n’hésite nullement à vous demander
le maintien de la somme portée au budget.
Il serait en effet
difficile de contester l’utilité d’un travail qui doit nous affranchir pour
toujours de ces inondations, qui depuis des siècles désolent nos plus belles
campagnes, et qui, en provoquant un immense développement à l’agriculture de
cette belle contrée, doit ajouter un chiffre très élevé à la somme de nos
richesses territoriales. Cependant ce n’est pas aujourd’hui dans l’intérêt d’un
district, quelque digne qu’il soit de votre attention, que j’élèverais la voix
; j’examinerai la question exclusivement sous le point de vue politique, et
j’espère, messieurs, vous démontrer jusqu’à l’évidence que le principal mérite
de ce canal repose sur l’actualité de sa construction.
De tout temps
Car, messieurs, il ne
faut pas vous méprendre sur le but du canal et sur ses résultats. Creusé dans
la partie la plus basse de toute la rive gauche de l’Escaut, non seulement il
assurera un écoulement certain aux eaux des Flandres, mais il mettra les
Hollandais dans l’impossibilité d’inonder leur propre territoire sans
l’intervention de nos écluses ; de sorte que leurs forts, privés de leur
principal système de défense, cesseront d’être redoutables pour nous, et la
liberté de l’Escaut ne sera plus une chimère, puisque dans quelques heures, et
en tout temps, vos légions pourront se rendre au pied des bastions de leurs
forts et venger l’injure nationale. La confiance du commerce renaîtra lorsqu’on
comprendra que vous ne devez plus recourir aux interventions longues et
chanceuses des puissances étrangères pour faire respecter la foi des traités.
Après cela ne doit-on pas s’étonner que la majorité de la section centrale ait
cru devoir ajourner la construction de ce canal à l’époque de l’arrangement de
nos affaires avec
Je sens, messieurs, qu’à
cause des charges bien lourdes déjà pour le pays, il faut être sobre de
dépenses. Mais cette considération s’affaiblira sensiblement pour les personnes
qui voudront bien se donner la peine de pénétrer an fond des questions. La
construction de ce canal renversait entièrement la position respective de
D’ailleurs, messieurs,
il répugnera à votre humanité de baser votre système de défense sur la ruine et
la désolation de plusieurs milliers de familles, et pour ma part, je ne serais
pas surpris que la pensée du ministère soit, à défaut du canal en question, de
continuer sur la lisière des Flandres les constructions stratégiques qu’il se
propose d’établir sur la ligne du Demer. Mais dès lors la dépense
qu’occasionnerait cette mesure ne serait-elle pas beaucoup plus élevée que
celle qui résulterait du canal, sans jamais compenser les avantages que
celui-ci présente. Ce canal vous donnerait immédiatement une ligne de douanes,
et ferait rentrer dans les caisses de l’Etat des sommes très considérables, qui
en sont détournées aujourd’hui par la facilité avec laquelle la fraude se fait
dans un pays entrecoupé de bois et de clôtures.
Je
pourrais, messieurs, faire valoir d’autres considérations, qui ne seraient pas
sans influence sur vos esprits ; mais il est des choses qu’il serait
impolitique de livrer à la publicité. Je crois d’ailleurs vous en avoir dit
assez pour vous démontrer que ce canal rendra incessamment inutile, onéreuse
même entre la mains de
M.
de Roo. - Vous voyez que l’allocation demandée de 550,000 fr. pour le
canal de dessèchement de Blankenberghe à Zelzaete a
rencontré quelques difficultés dans la section centrale.
Cependant,les 1ère, 4ème, 5ème et 6ème sections l’ont admises sans
observations.
La 2ème seulement, à la
majorité d’une voix, renvoie l’exécution de ce projet à l’époque où nos
différends avec
Je dois vous observer,
messieurs, qu’il est de principe, que lorsqu’un canal traverse plusieurs
provinces, il en doit être de même que lorsqu’une chaussée traverse également
deux ou plusieurs provinces. Et bien, dans une pareille hypothèse, il est admis
que ce n’est point là un intérêt provincial seul, et que par conséquent un
pareil canal, une pareille route, sont réputés faits dans l’intérêt général, et
que les charges et les bénéfices en sont pour l’Etat.
Mais ce qui a divisé la
section centrale sur ce point, c’est que quelques membres avaient en vue la
construction d’un canal d’une plus grande dimension ; enfin, un second Escaut.
Quant à moi, je n’ai pu
partager cette opinion gigantesque, pour différents motifs.
Le premier, c’est qu’un
pareil projet ne coûterait pas seulement 3 ou 4 millions, comme doit coûter
celui proposé par le gouvernement, mais en coûterait 30 ou 40.
Le second est que, si
l’on veut construire un canal de navigation au lieu d’un canal de dérivation ou
d’écoulement, nous avons, à cet effet, le canal d’Ostende à Bruges, qui
débouche également dans la mer du Nord, et qui est le plus beau de l’Europe ;
de Bruges, nous en avons un qui conduit à Gand : celui-ci, on pourrait
l’élargir et le rendre navigable à de plus grands bâtiments ; et de là vous
avez l’Escaut jusqu’à Rupelmonde, que l’on pourrait
également canaliser, approfondir, en le rendant navigable aux bâtiments de mer
; ceci coûterait infiniment moins et aurait le même résultat.
En troisième lieu, vous
avez le chemin de fer qui, d’Ostende, communiquera avec presque toutes les
grandes villes du pays et même avec l’Allemagne. Ce chemin, outre qu’il
remplira le même but que votre grand canal, aura en plus l’utilité d’être
praticable pendant l’hiver, où le canal se trouvera gelé pendant au moins trois
mois par an.
Quant à l’utilité du
canal de desséchement, elle a été établie à l’évidence par un précédent orateur
et a été reconnu de tout temps ; en premier lieu, par l’Autriche qui a fait
construire l’écluse du Hazegras ; par
Le
projet du gouvernement est aussi utile à l’Etat sous le rapport des
contributions dont il est privé en cas d’inondation, et des secours que l’on
demande en ce cas, et qui finissent par coûter plus à l’Etat que la somme
demandée pour la construction du canal.
Je ne parlerai pas de
l’utilité en fait de douane, c’est-à-dire pour empêcher la contrebande, qui est
assez considérable de ce côté ; étant une barrière naturelle, elle sera plus
difficile.
Cela tient également à
l’indépendance du pays ; il faut s’affranchir du joug de l’étranger lorsqu’il y
a possibilité de le faire ; dans le cas actuel, nous sommes tributaires de
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Messieurs,
d’après ce qui vient de vous être dit, je crois devoir me borner à vous faire
part du sujet qui a divisé la section centrale.
Toutes les sections
particulières avaient accordé l’allocation, à l’exception d’une seule qui à la
majorité d’une voix l’a refusée. La section centrale a d’abord admis le
principe à l’unanimité ; mais quand on est venu examiner le mode d’exécution
proposé, une division s’est manifestée dans son sein. On a craint que ce canal
ne fût pas conçu sur un plan assez large, on a critiqué le tracé. D’après la
carte fournie par M. le ministre de l’intérieur, il paraît que le canal du côté
de
M.
de Roo et moi avons pensé qu’on pouvait commencer dès à présent les travaux
dans
Je comptais vous
entretenir de la nécessité du canal et de l’urgence de commencer les travaux là
où l’exécution ne rencontrait pas de difficulté. Mais MM. de Roo et Van
Hoobrouck ayant rempli cette tâche, je crois devoir m’en référer aux détails
dans lesquels ils sont entrés, après vous avoir exposé les motifs qui ont
divisé la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le canal dont il est question peut se diviser en deux parties distinctes,
entièrement indépendantes l’une de l’autre. La partie la plus considérable de
ce canal doit coûter environ quatre millions. Elle prendra son origine à
Zelzaete et ira aboutir au canal dit de l’Ecluse. Ce n’est pas de cette partie
que nous avons à nous occuper aujourd’hui. Le chiffre demandé s’élève à 550,000
francs, c’est environ ce que coûtera la deuxième partie du canal, dont le point
de départ est le canal de l’Ecluse et qui doit déboucher à la mer près de Blankenberghe. Pour cette partie, comme vous voyez, la
dépense n’est pas considérable, et je ferai de plus observer qu’en la votant on
ne s’engage en aucune manière pour l’exécution de l’autre partie du projet.
On a argumenté contre
l’exécution immédiate de cette partie, en disant que peut-être il serait
préférable de se fixer sur la construction d’un grand canal de navigation qui
pourrait au besoin suppléer à l’Escaut. Messieurs, je ne pense pas que cette
considération puisse faite différer l’exécution du projet dont il s’agit. En
effet, il paraît démontré qu’en aucun cas le canal de navigation qu’on voudrait
exécuter, pour remplacer l’Escaut, ne pourrait servir à l’usage auquel le canal
dont nous nous occupons est destiné, parce que pour un canal de navigation il
faut tenir les eaux à une grande élévation ; ce qui ne permet plus l’écoulement
des eaux et par conséquent le dessèchement des terres basses. C’est pour cela
qu’il faut un canal de desséchement. Ainsi, la considération d’un canal de
navigation doit être entièrement écartée.
D’ailleurs, il ne peut
pas être question maintenant d’un grand canal de navigation, Ce canal devrait
avoir au moins une longueur de dix-huit lieues et être construit à grande
dimension. Un travail semblable coûterait des sommes considérables. Mais
puisque la liberté de l’Escaut nous est garantie, il ne doit pas être question
de nous engager dans une dépense de cette nature. Il n’y a pas non plus de
motif suffisant pour ajourner un travail utile, dans la prévision d’un autre
travail, qui, selon toutes les vraisemblances, n’aura pas lieu.
Mais, messieurs, comme
je viens de le dire, il faut se fixer sur cette question : un canal de
dessèchement est-il nécessaire pour les Flandres, ou tout du moins, la partie
qu’il s’agit de construire maintenant et qui ne doit coûter que 600,000 fr.
est- elle nécessaire ; son utilité n’est-elle pas de beaucoup supérieure à la
dépense ? Sur ce point, je crois qu’il ne peut pas y avoir de doute.
Une enquête a été
ouverte dans trois provinces : Anvers,
Lorsque le projet a été
discuté dans la section centrale, le plan détaillé n’était pas encore fait ;
mais il est actuellement achevé et soumis au conseil des ponts et chaussées.
Mais il n’est pas nécessaire de retarder pour cela le vote de la chambre, car
il ne s’agit là que d’une question d’art, d’une question très simple en
elle-même, et qui ne peut donner lieu à aucune difficulté. D’un autre côté, il
ne pourra pas y avoir de grande différence dans l’évaluation des dépenses.
Je pense donc que l’on
peut sans crainte et que l’on doit voter la construction de cette première
partie du canal.
M. le président. - La parole est à M. A. Rodenbach.
M.
A. Rodenbach. - Mon intention étant de parler en faveur du projet, si
quelqu’un veut parler contre, j’attendrai pour répondre.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, en général
je suis pour tous les travaux tendant à créer des communications nouvelles dans
le pays, parce qu’à mon avis, comme l’a dit l’honorable M. dé Puydt, l’argent
ainsi employé est de l’argent placé à haut intérêt. Cependant je viens demander
l’ajournement du crédit réclamé pour le canal de Blankenberghe
à Zelzaete. D’après le rapport, les plans de ce canal ne sont pas encore
terminés. Il est vrai que M. le ministre de l’intérieur vient de dire
qu’actuellement ils étaient achevés. Mais toujours est-il que personne n’a eu
entre les mains des documents suffisants pont pouvoir voter en connaissance de
cause. Avant une somme comme celle qu’on vous demande, il faut avoir été mis à
même de savoir l’usage qu’on en veut faire et d’en apprécier l’utilité.
Je demanderai que M. le
ministre veuille bien déposer sur le bureau les rapports des ingénieurs, plans
et devis sur ce canal. Si ces documents ne nous étaient pas remis avant le
vote, je déclare que, quant à moi, je voterai contre l’allocation, parce que je
ne me trouve pas suffisamment éclairé sur la demande qui nous est faite.
Je conçois que, comme
l’a dit M. le ministre, le projet ait reçu l’accueil le plus favorable dans les
Flandres : cela n’est pas étonnant, puisque le projet à été conçu dans leur
intérêt. Mais ce ne doit pas là être un motif déterminant pour la chambre. Il
en résultera, dit encore le ministre, une grande amélioration pour
l’agriculture des Flandres. Sous ce rapport, je suis disposé à donner mon
assentiment, lorsqu’on nous aura fournis tous les documents que je réclame.
Cependant, si l’amélioration de l’agriculture dans les Flandres était le seul
motif qui dût nous faire accorder le crédit, je ferai observer qu’il y a
d’autres pays où l’agriculture a plus besoin d’améliorations que dans les
Flandres, car là déjà l’agriculture est florissante, c’est même le pays de
Nous avons dans les
Ardennes un canal commencé depuis huit ans ; il est vrai que c’est par une
société, mais les travaux faits pour plusieurs millions dépérissent malgré tous
les soins de l’administration pour les conserver. Le Luxembourg entier réclame
l’exécution de ce canal qui doit être la grande artère par où s’écouleront tous
ses produits. S’il s’agit d’améliorer l’agriculture, il est plus urgent de
terminer ce canal que de faire celui des Flandres car il traverse les parties
les plus arides de notre pays et qu’on cultiverait cependant si on ne manquait
pas de communication. Ce canal, en facilitant les moyens de cultiver ces
terrains, les rendrait productifs pour les habitants et pour le trésor.
Mais, messieurs, nous
vous fatiguons peut-être en vous parlant toujours du Luxembourg. Ces jours-ci,
j’avais demandé deux mille francs pour cette province, qui depuis la révolution
n’a obtenu en tout et pour tout que 35 mille fr.
Et bien, parce que nous
avons obtenu ces deux mille francs, à la sortie de la séance tout le monde nous
faisait compliment. Ah, nous disait-on, vous avez remporté une victoire, vous
avez obtenu ce que vous vouliez pour votre province ; je vous en félicite. Il y
avait bien lieu de nous féliciter pour 35 mille fr. que nous avions obtenus
depuis la révolution, tant pour nos routes que pour l’instruction publique. La
chambre nous avait accordé 25 mille fr. pour un petit bout de route de Virton,
et heureusement hier, par commisération, elle nous a accordé 10 mille fr. pour
notre instruction.
Je prie la chambre de me
pardonner cette digression en faveur d’une province qu’on oublie trop souvent.
On nous permettra de rappeler de temps en temps que nous faisons partie de
Messieurs, j’ai un autre
motif pour demander l’ajournement du crédit demandé.
L’honorable
M. de Puydt a fait une proposition relative aux canaux, et si je l’ai bien
compris, il propose de faire pour les canaux ce qu’on a fait pour les routes.
Une commission doit examiner cette proposition. Eh bien, cette commission vous
fera un rapport général sur tous les travaux de canalisation, sur le canal de Blankenberghe comme sur les autres.
Il n’y a pas de
nécessité de voter aujourd’hui les 500,000 fr. demandés, alors que vous êtes
sans documents et que vous n’avez d’autres renseignements que ceux qui viennent
de vous être donnés par le ministre : à moins cependant que l’accueil fait au
projet par les Flandres, les Flandres ayant ici trente-trois députés, ne soit
un motif pour voter tout de suite.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, quant à
l’agriculture florissante des Flandres, dont a parlé l’honorable préopinant, je
dois dire qu’autrefois ces terres, aujourd’hui si bien cultivées, étaient
couvertes de bruyères, et que les améliorations qui ont été apportées sont dues
au travail, aux succès des habitants. La question essentielle ici, messieurs,
c’est que lorsqu’il y a quinze jours de pluie seulement, tout y est inondé ;
des maisons entières y sont perdues ; les Hollandais peuvent, quand cela leur
plaira, inonder tout ce pays. En 1831 et 1832, il y eût de fortes pluies et
l’on ne fît pas de récoltes ; on vous l’a déjà dit, et plusieurs honorables
préopinants vous ont fait sentir la nécessité d’un canal de dessèchement. Les gouvernements
autrichien, français, hollandais, ont tous commencé des travaux dans ce but,
qui sont restés inachevés. Je le répète, ce canal est de la plus importante
nécessité et s’il faut faire valoir de nouveaux titres en faveur des habitants
de cette contrée, je dirai qu’ils se sont vaillamment conduits en marchant à
l’ennemi et qu’ils ont des titres comme les autres Belges à la bienveillance du
gouvernement.
M.
Donny. - Lorsque j’ai entendu un honorable membre de la section centrale
vous dire que dans cette section quelques membres avaient voulu faire de la
construction actuellement en discussion un canal de dessèchement, tandis que
d’autres avaient parlé d’un second Escaut, j’ai dû croire que le gouvernement
ne s’était pas suffisamment expliqué, et j’ai ultérieurement conclu que puisque
nous n’avions eu sous les yeux aucun devis, aucun plan, nous étions dans une
entière ignorance des intentions du gouvernement. Je me suis alors souvenu
qu’il nous avait fourni une carte et qu’on y avait fait figurer ce canal, et
j’ai pensé que la section centrale avait, pour se décider, voulu connaître ce
plan. Depuis que M. le ministre de l’intérieur a déclaré qu’il ne s’agissait
que d’un simple canal de dessèchement, la question a pris à mes yeux une forme
plus déterminée, et je ne saurais contester l’utilité de la construction
demandée. Il faut croire que le gouvernement, en portant la dépense à 550 mille
francs, a pris les informations nécessaires.
Aujourd’hui
donc que j’ai acquis de nouveaux documents sur la question, je dois me
prononcer contre la section centrale et appuyer l’opinion des honorables MM.
van Hoobrouck et de Roo.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la
parole pour expliquer le vote de la majorité de la section centrale. Cette
section n’a pu contester l’utilité et même l’urgence d’un canal de dessèchement
; mais elle avait voulu, avant d’émettre son opinion, obtenir des
renseignements nécessaires, et pour ce fait demander des renseignements au
ministère de l’intérieur, tant sur les devis que sur les plans de construction.
Il en est résulté que la section centrale s’est trouvée nantie d’un plan, mais
non de projets ni de devis, ainsi que l’a dit l’honorable rapporteur : la section centrale ayant reconnu que cette
construction serait aussi favorable à
M.
Watlet. - J’avais demandé la parole pour m’exprimer dans le même sens
que M. Eloy de Burdinne, et dire quelques mots en faveur de la section centrale
en raison du vote qu’elle a émis. Personne dans la section centrale, ni dans
les autres sections, n’a méconnu l’utilité et l’urgence de ces constructions ;
mais, et sans partir du principe qui veut que lorsqu’une construction se fait
dans l’intérêt d’une ville ou d’une province, ce soit à elles à en supporter
les frais ou partie des frais, sans nous arrêter à cette considération
évidemment applicable à ce cas-ci, je dirai que la section centrale a été
guidée par des considérations d’une tout autre nature que celles auxquelles
fait allusion un honorable préopinant, en disant qu’elle a été guidée par un
but d’économie. Je dirai ensuite que l’on n’a pas, ainsi que cela a été dit,
voulu ajourner cette construction jusqu’à un arrangement définitif avec
Nous n’avons pas pensé
non plus à un canal de grande navigation, à un deuxième Escaut ; il n’a été
nullement question de cela. La section centrale ayant vu que, sur un simple
projet, la dépense était évaluée à quatre millions, et sachant bien qu’il faut
toujours ajouter au moins un tiers aux projets des ingénieurs (mais restons-en
aux 4,000,000), la section centrale, dis-je, a pensé
qu’avant d’allouer une somme si considérable au bénéfice d’une province, il lui
fallait examiner mûrement la question. C’est alors qu’elle a demandé à M. le
ministre de l'intérieur des plans, des devis. Au lieu de faire droit à ces
réclamations, et il ne le pouvait sans doute pas alors, M. le ministre envoya
une simple carte des Flandres avec un tracé à l’encre rouge ; ce qui ne nous
satisfit nullement.
Notre but, le voici :
Nous avons pensé que si l’Etat, au lieu de subvenir par subside à la construction
de ce canal, prenait sur lui de le construire à ses frais, il fallait au moins
qu’il servît à l’intérêt général, ce qui pouvait arriver si on l’appliquait à
un double but, c’est-à-dire en faire premièrement un canal de dessèchement pour
les deux Flandres, puis un moyen de défense pour le pays. C’est là le motif qui
nous a fait demander les plans et devis qu’on ne nous a pas fournis. Nous
voulions examiner si, au moyen de ces 6 millions et plus même encore, on
pourrait atteindre ce double but de dessèchement et de moyen de défense. Voilà
quelle a été l’intention de la section centrale, et si les honorables membres
qui ont parlé contre son vote avaient bien voulu prendre connaissance du
rapport, ils auraient appris quels étaient ses motifs, car ce rapport s’exprime
ainsi :
« Dans la section
centrale, on a vivement contesté, non l’utilité du projet lui-même, mais le
mérite du plan d’après lequel les travaux doivent, à ce qu’on dit, s’exécuter.
« Les plans et devis ont
été demandés au ministère.
« Il n’a pu être
fourni qu’une carte sur laquelle se trouve indiqué le tracé de ce canal. Quant
au devis, le gouvernement répond que l’avant-projet, qui a été soumis à
l’enquête, n’ayant donné qu’une estimation globale de la dépense, l’on a
demandé à l’inspecteur-général des projets détaillés pour l’exécution. Ce
travail, dont les ingénieurs s’occupent, n’est point encore terminé.
« La carte transmise a
paru venir à l’appui des critiques dont le plan avait été l’objet. Le tracé
touche en deux points la frontière hollandaise. Cependant deux membres ont
pensé qu’il n’y avait nulle difficulté à voter dès à présent la somme demandée.
La partie du canal qu’on se propose d’exécuter en 1835, s’étend sur le
territoire de
« En conséquence,
la section centrale, à la majorité de trois voix contre deux, vous propose
d’écarter pour le moment l’article 3. »
Vous voyez donc bien que
la section centrale n’a pas voulu ajourner indéfiniment ces constructions, mais
que son but a été de ne pas voter en aveugle : il n’y a point ici de but
d’économie, puisque la majorité de la section centrale était d’avis d’allouer
une somme plus forte que celle demandée, si l’on pouvait atteindre le double
but que l’on désirait.
Je
dirai encore que le tracé à l’encre rouge ne nous a pas satisfait, parce qu’il
touche à
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- En effet, tous les projets de routes et de canaux qui touchent les frontières
d’un pays voisin sont soumis à l’inspection du génie militaire ; quoiqu’il n’y
ait pas de commission mixte établie en ce moment, cela se pratique toujours
ainsi. Dans l’espèce le projet dont il s’agit n’a pas été soumis au ministre de
la guerre, parce qu’il n’était pas encore tracé, arrêté : mais je dois dire
qu’il résulte d’un rapport de l’ingénieur général des ponts et chaussées qui
s’est rendu sur les lieux, que ce projet ne souffrirait aucune opposition de la
part de cette administration ni aucune modification de la sienne. Dès que les
ponts et chaussées prononceront, j’en parlerai au ministre de la guerre pour
avoir son avis, et alors les travaux commenceront.
M.
Dumont. - Il me reste peu de chose à dire après ce qui a été avancé par
d’honorables préopinants. Il s’agit d’un demi-million pour constructions ; on
presse pour le voter, et cependant le conseil des ponts et chaussées n’a pas
fait son travail ; il s’agit d’un travail sur la ligne ennemie, et le ministre
de la guerre n’a pas été consulté. Il n’a pas été répondu aux questions
soulevées dans la section centrale. On a dit que, puisque ces constructions
devaient favoriser des localités spéciales, les frais devraient incomber à ces
localités. M. le ministre de l'intérieur vient de vous apprendre qu’il ne
s’agissait que d’un canal de dessèchement et non pas d’un canal de navigation ?
S’il ne s’agit que d’un canal de dessèchement, pourquoi les localités
n’interviendraient-elles pas ? Il y a des lois qui s’expliquent formellement à
cet égard. Il s’agit d’empêcher des inondations, dira-t-on ? Mais si vous
adoptez ce principe, vous serez bientôt obligés de venir au secours d’autres
localités.
Les
rives de l’Escaut sont exposées à des inondations fréquentes. On a cherché
souvent à y remédier, mais l’idée de faire peser les frais sur l’Etat n’est
jamais venu à personne. Je dirai en définitive que la
question n’est nullement examinée. N’est-il pas possible, comme ont dit les
honorables préopinants, d’atteindre le double but favorable soit à la défense
du pays soit au commerce ? On ne peut se prononcer sans connaître l’avis du
conseil des ponts et chaussées et du ministère de la guerre.
Voilà tout ce que
j’avais à dire ; je ne voterai pas indéfiniment contre le projet, mais je
demande qu’il soit ajourné et fasse l’objet d’une loi spéciale : je demande que
l’on fournisse des documents propres à éclairer l’assemblée, qu’il soit dit,
s’il n’est pas possible de faire intervenir les localités dans la dépense, et
enfin que l’on sache, en commençant, à quelle dépense on s’engage pour la
totalité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Un honorable préopinant a déjà fait valoir de hautes
considérations en faveur du canal de Blankenberghe à
Zelzaete.
Il ne faut pas,
messieurs, confondre deux choses très distinctes. Le projet se compose de deux
parties : la deuxième, qui est celle dont il s’agit ici, est entièrement
indépendante de la première pour l’exécution. Toutes les observations faites
sur la rectification du tracé sont étrangères à la partie qui s’exécute sur le
territoire de
Je n’aperçois donc rien qui
doive raisonnablement faire ajourner à une autre époque le commencement
d’exécution d’un travail qui depuis si longtemps a éveillé la sollicitude de
tous les gouvernements qui se sont succédé. L’exécution isolée de cette
deuxième partie du canal aurait, à la vérité, moins d’importance pour les
Flandres et pour le pays tout entier, si l’autre partie ne s’exécutait point.
Mais cette deuxième
partie seule offre déjà un haut degré d’utilité pour l’écoulement de toutes les
eaux dont cette partie de
On vous a dit,
messieurs, que les Flandres jouissaient déjà de grands avantages, qu’elles
étaient dotées d’une foule de routes et canaux. Mais il est à remarquer que
personne n’a le droit d’envier ces avantages aux Flandres ; ces provinces n’en
sont redevables qu’à elles-mêmes. Toutes leurs routes, tous leurs canaux ont
été construits en grande partie à leurs frais ; le gouvernement central y est
presque constamment resté étranger.
D’ailleurs, il me semble
que c’est cette position des Flandres qui est surtout favorable aux autres
provinces ; car si l’on fait un emprunt dont l’objet sera de doter le pays des
grandes communications qui lui manquent encore, ce n’est pas les deux Flandres,
ce n’est pas surtout
On a dit que le travail
dont il s’agit était un canal de dessèchement ; ce n’est pas à proprement
parler un canal de dessèchement, c’est plutôt un canal d’écoulement ; car il
est destiné à écouler les eaux qui à certaines époques fixes affluent trop
abondamment dans les Flandres. Considéré sous ce rapport seulement, je conviens
que ce canal est plus utile aux Flandres qu’à d’autres provinces. Mais de même,
lorsqu’une route traverse plusieurs provinces, ces provinces en retirent plus
d’avantages que les autres.
Si l’on veut consacrer
aujourd’hui en principe que, lorsque des travaux seront d’une utilité plus
particulière pour une ou plusieurs provinces, ce seront ces provinces qui en
feront les frais, je le veux bien. Chaque province fera tous ses grands travaux
de communication, ses routes pavées, ses canaux, et par conséquent en supportera
tous les frais. Ce n’est pas une proposition que je fais ; je crois qu’une
telle proposition, si elle pouvait être accueillie, serait fatale pour
Il est à remarquer,
messieurs, que dans les sections, 4 sur 6 n’avaient fait aucune observation
contre la somme pétitionnée par le gouvernement. Je lis dans le rapport de la
section centrale sur l’art. 3 : « Canal de Blankenberghe
à Zelzaete pour l’écoulement des eaux des Flandres : fr. 550,000. »
« Adopté sans
observations par les 1ère, 4ème, 5ème et 6ème sections.
« La deuxième, à la
majorité d’une voix, rejette l’article et renvoie l’exécution de ce projet à
l’époque où nos différends avec
« La 3ème section
subordonne son votre approbatif à la condition que ce canal, creusé aux frais
de l’Etat, soit exécuté de manière à ne pas servir exclusivement à l’écoulement
des eaux des Flandres, mais à offrir, dans l’intérêt général, la plus grande
utilité possible.
Si par cette plus grande
utilité possible on a voulu dire que le canal d’écoulement devait être creusé
de manière à pouvoir servir en même temps de ligne défensive contre
J’entends près de moi
l’honorable M. Fleussu dire que c’est faire le procès au canal, que de
reconnaître qu’il ne sera qu’un canal de dérivation.
Je ferai remarquer à
l’honorable député que l’utilité immédiate de ce canal, pour les Flandres,
c’est d’être un canal de décharge et de dérivation des eaux. Mais j’ai déjà dit
que dès à présent, et surtout lorsque l’autre partie du canal, sur le
territoire de
Au reste, sous ce
rapport, il n’y a pas de différence essentielle entre ce canal et une route ;
celle-ci offre également deux sortes d’avantages ; indépendamment d’un avantage
plus ou moins général, chaque route qu’on construit offre un avantage spécial,
direct, immédiat pour les habitants de la province que parcourt la nouvelle
route.
Je crois donc que, sans
attendre même d’autres renseignements, la chambre peut voter la somme de
550,000 fr. demandée pour l’exécution de la partie du canal qui doit s’étendre
sur le territoire de
- La séance est levée à
4 heures et demie.