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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 24 janvier 1835

(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1835 et Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1835) M. de Renesse procède à l’appel nominal ; la séance est ouverte à une heure et un quart.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Davreux, ancien fabricant de tulles à Bouillon (Luxembourg), demande une réduction de droits à l’entrée sur les cotons filés retors pour tulle. »

« Plusieurs bateliers de Lokeren, Tamise et Tilrode adressent des observations relatives à la navigation. »

« Le sieur J.-L.-M. Thouvage, médecin, demande que les chevaux des médecins ne soient plus assimilés aux chevaux de luxe. »

« Le sieur Maurius-Oppenheim, négociant, né à Francfort, habitant la Belgique depuis 1818, demande la naturalisation.

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.


M. A. Rodenbach fait hommage à la chambre de deux ouvrages intitulés, le premier : Lettre sur les aveugles ; le second : Coup d’œil d’un aveugle sur les sourds-muets.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1835

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IX. Travaux publics

Article premier

M. le président. - La chambre est arrivée au chapitre IX, « Travaux publics. »

« Art. 1er. Routes : fr. 2,150,000. »

Ce chiffre est admis par la section centrale.

M. de Nef. - Si le pays entier doit des remerciements aux chambres et au gouvernement pour l’esprit qui les anime au sujet de la création de nouvelles communications, la Campine en particulier, abandonnée depuis des siècles et voyant aujourd’hui qu’un véritable commencement d’exécution a enfin succédé à de vaines promesses constamment éludées ; la Campine, dis-je, a lieu de témoigner toute sa reconnaissance, et je sens même le besoin de l’exprimer en son nom.

Toutefois, ne pouvant avoir en vue que l’intérêt général, je n’insisterai pas sur la faveur à accorder aux nouvelles communications si je n’avais en même temps l’entière conviction que leur achèvement doit tourner au profit de tout le pays et non d’une simple contrée ; grâce aux travaux entrepris et dont je ne cesserai de réclamer la continuation et l’achèvement, un vaste terrain en grande partie inculte jusqu’à ce jour va se convertir en terres fertiles ; ce changement va d’abord profiter au trésor en faisant verser à titre de contribution foncière des sommes considérables pour des propriétés qui précédemment, à raison de leur peu de valeur, ne pouvaient rien rapporter de ce chef.

D’un autre côté, la majoration de valeur des terres et de leurs produits doit aussi avoir nécessairement pour résultat d’augmenter le chiffre et le bien-être ou l’aisance de la population, et de donner lieu de cette manière à une plus grande consommation des produits des autres contrées du royaume. Il est donc essentiel de continuer des travaux d’une utilité aussi générale, et à cet effet, s’il n’est pas encore permis d’adopter dès à présent le plan d’un emprunt, il est au moins nécessaire d’accorder la somme entière proposée par la section centrale au chapitre des travaux publics, pour mettre le gouvernement en état de faire exécuter des ouvrages ultérieurs, qui vont en quelque sorte devenir indispensables.

En effet, la chambre n’ignore pas qu’une nouvelle forteresse près d’Oosterloo va incessamment être construite ; dès lors il sera nécessaire de la faire communiquer à la route de Turnhout à Diest, par le moyen d’un embranchement, qui pousserait par Westerloo sur Boisschot, où passera en même temps la route de Malines à Aerschot. Les routes provinciales d’Herenthals par Gheel vers Hechtel, et de la forteresse projetée de Beringen vers Hasselt, sont à la vérité principalement à la charge de la province, mais celle-ci cependant a droit à des secours de la part du gouvernement.

Enfin, je ne parlerai pas des deux Nèthes, qui devraient être rendues navigables aussi loin que possible ; il me suffira d’avoir fait sentir que la somme proposée pour le chapitre dont s’agit ne peut être susceptible de la plus légère réduction, persuadé d’ailleurs que des travaux non moins utiles, mais que je ne puis autant apprécier, doivent aussi être exécutes dans d’autres localités et nommément dans certaines parties de la province de Luxembourg.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je demande la parole pour remplir la promesse que j’ai faite de vous entretenir des communications empierrées, lorsque j’ai pris la parole sur l’ensemble du budget des voies et moyens. En traitant cette question, on ne me forcera pas d’être exclusivement occupé de l’intérêt de l’agriculture ; les routes sont autant nécessaires à l’industrie, au commerce, qu’à l’agriculture, et je suis heureux de pouvoir traiter des intérêts d’une industrie à laquelle on me croit contraire. Mes démarches, messieurs, tendent à favoriser toutes les industries. En d’autres termes je serai toujours guidé par des vues d’intérêts généraux, mais jamais je ne donnerai mon assentiment à des mesures tendantes à accorder des privilèges.

J’aborde la question, en faisant observer qu’il ne s’agit pas d’enfler le budget de l’Etat ni de grever les contribuables, mais bien d’employer d’avance des fonds destinés à des constructions nouvelles, en vue d’en faire jouir plus tôt le pays.

Construire des routes dans les pays manufacturiers, commerciaux ou agricoles, c’est créer une source de prospérité, c’est vivifier, c’est en un mot l’âme de l’industrie en tous genres. Vouloir démontrer cette vérité, ce serait vouloir prouver l’existence du soleil : personne ne la conteste.

Cette vérité reconnue, on doit admettre qu’en faire jouir son pays le plus tôt possible est un bienfait et un immense avantage.

La législature, en vue de procurer des communications dans les diverses localités de la Belgique qui en manquent, a adopté une loi en mars 1833, laquelle destine à la construction de nouvelles routes l’excédant du produit des barrières, excédant évalué année commune à 800,000 francs. Il est reconnu que chaque lieue de route coûte taux moyen 100,000 francs, de manière que cette somme employée annuellement donnera tous les ans huit lieues de route nouvelle et qu’en douze années on construira quatre-vingt- seize lieues de route.

Dans la séance du 6 mars 1834, M. de Puydt vous a soumis un projet de loi tendant à faire jouir le pays des avantages des communications dans un court délai, moyennant un emprunt spécial pour construction de routes.

Ce projet est resté dans l’oubli, et cependant, dans mon opinion, il est digne de fixer l’attention de la chambre. Je propose que ce projet soit pris en considération immédiatement, non pour le laisser moisir dans les cartons, mais pour que suite lui soit donnée à partir de 1835.

On me fera peut-être remarquer que le projet de M. de Puydt est établi sur une trop grande échelle, c’est aussi mon opinion ; sous ce rapport, je présenterai des amendements, d’autres en feront, et la majorité décidera. Pour le moment, je ne vous entretiens que du principe, et dans mon opinion, je crois qu’en levant dix millions en trois ans, auxquels ou ajouterait l’excédant du produit des barrières, et les dons et prestations à obtenir des localités où on construira des routes, il en résulterait que, dans l’espace de trois ou quatre ans, on ferait construire environ 120 lieues de route dont le pays jouirait immédiatement, tandis que, par le système suivi actuellement, il n’en jouirait complètement qu’au bout de 12 à 15 ans.

Pour le moment, je crois inutile d’entrer dans de longs développements pour démontrer combien les constructions de routes sont avantageuses, non seulement aux localités qui en manquent, mais au pays tout entier.

Les nouvelles communications rendent les anciennes plus productives, donnent un avantage immense à l’industrie, au commerce, à l’agriculture, augmentent les revenus de l’Etat par suite de la valeur supérieure des propriétés, lors des mutations ; elles augmentent la consommation des denrées sujettes à l’accise ; donc plus de produits pour l’Etat. On bâtit des auberges, donc plus de patentables et plus d’habitations imposables, tant sous le rapport de l’impôt foncier des propriétés bâties et sur l’impôt personnel.

Je crois inutile, pour le moment, d’en dire davantage ; je me borne à demander que l’article premier, chapitre IX, littera C, ne soit discuté que lorsque la chambre aura statué sur la question de l’emprunt, si toutefois elle est d’intention de s’en occuper immédiatement ; en cas contraire, je retire ma proposition. Dans tous les cas, en 1835 il ne s’agirait que d’un emprunt de 7 à 800,000 fr.

M. H. Vilain XIIII. - Le projet de construction de routes nouvelles, l’annonce faite par la section centrale de la prochaine application d’un emprunt de dix millions de francs à l’érection de ces routes, et l’accueil favorable que ce projet semble recevoir tant du gouvernement que d’une partie des sections, me font un devoir de rechercher en premier lieu si l’état de nos communications nécessite une pareille entreprise, et d’émettre ensuite quelques réflexions sur ses avantages comme sur ses inconvénients.

Et d’abord, messieurs, je dois ici exprimer mes regrets de l’exiguïté des renseignements qui chaque année nous sont donnés sur cette matière par le ministère et le corps des ingénieurs. On nous indique fort exactement le revenu des barrières et les sommes nécessaires tant à l’entretien des chaussées de première et deuxième classe qu’à la construction des routes nouvelles ; mais, l’année suivante, on ne vient pas nous faire rapport de l’emploi de ces fonds, de la répartition exacte des subventions entre les provinces, et surtout des quantités de kilomètres de pavages achevés dans l’exercice par spécialités de routes, du prix de ces adjudications, du nombre des concessions de routes sollicitées et obtenues, de la part enfin de secours que le gouvernement a cru devoir accorder à des sociétés particulières ou à des localités pour aider à leurs travaux.

Un tel détail bien circonstancié par catégorie de routes de première classe, provinciales et chaussées concédées ; une statistique aussi exacte des ouvrages dont la Belgique s’est enrichie dans l’exercice précédent et même depuis la révolution de 1830, seraient d’un grand prix à la législature pour calculer les nouvelles nécessités, pour préjuger le zèle des ingénieurs, les efforts des administrations comme des citoyens dans l’amélioration des communications ; et, mieux éclairée comme plus confiante, la chambre mettrait moins de répugnance à voter des sommes et même des emprunts dont jusqu’à ce jour l’emploi lui reste souvent inconnu. Que dans cette matière les membres du corps des ingénieurs suivent l’exemple de publicité et de compte rendu que MM. Simons et de Ridder viennent d’appliquer si heureusement pour le chemin de fer. A peine 8 à 10,000 mètres de rainures sont-ils posés, quelques sections de route expropriées et exhaussées, qu’aussitôt les résultats en sont connus et appréciés.

Ainsi devrait-il en être de la généralité des travaux publics ; et chaque député, par la connaissance particulière des localités qui habite, serait à même de confronter l’exactitude des rapports, tant sur les ouvrages accomplis, que sur l’utilité des nouvelles entreprises. Le ministre de l’intérieur sentira sans doute le prix d’un pareil travail et s’empressera de l’annexer chaque année à son budget.

Un autre perfectionnement qu’il importerait d’apporter aux routes déjà existantes avant d’en établir de nouvelles, ce serait d’allouer des fonds suffisants pour donner dès à présent à nos grandes voies de communication toutes les facilités et principalement toute la sécurité de circulation désirables. Au milieu du pays le plus peuplé de l’Europe, à l’abord de nos plus grandes villes, ne voit-on pas chaque jour les accidents survenir faute de parapets à des ponts ou aux abords d’un canal ? Combien de fois la chaussée de Vilvorde à Bruxelles n’a-t-elle pas été le théâtre de tristes catastrophes faute de barrières le long du canal ; combien de fois, par les tournants ou les descentes rapides et si peu ménagées des chaussées du Hainaut, de Liége et du pays de Namur, n’a-t-on pas vu l’existence des voyageurs compromise et les voitures se précipiter dans des fondrières par le bombage trop élevé du milieu de la chaussée !

Ce sont à tous ces inconvénients qu’il faut d’abord porter remède avant de méditer de plus vastes travaux ; et, pour résoudre le problème de la rapidité de la marche combinée avec la sécurité la plus grande du voyageur, qu’on imite la construction des routes d’Angleterre et surtout de l’Allemagne, où au milieu d’un grand luxe de constructions éclate partout la constante sollicitude de l’administration pour la sûreté publique. Ce sont là des marques de haute civilisation aux yeux de l’étranger, et la Belgique ne peut les négliger.

Une fois ces perfectionnements obtenus, on pourra songer à fonder un système bien coordonné de chaussées nouvelles, mais il faut avant tout qu’un plan en soit dressé et soumis à la législature, il faut que la répartition des fonds de l’emprunt entre les provinces soit dès l’origine bien connue et non point laissée à l’arbitraire de quelque haute administration qui pourrait plus tard l’appliquer à d’autres besoins.

Rappelons-nous qu’une pareille levée de fonds de six millions de florins a été dans le même but opérée en 1815 par l’ancien gouvernement ; que, sous prétexte de rembourser ces avances au syndicat, la fiscalité hollandaise a pendant bien des années privé la Belgique de l’excédant du produit des barrières, et que, par manque d’un contrôle suffisant, les bénéfices de cette opération n’ont nullement profité aux provinces qui en supportaient les charges.

Les circonstances sont sans doute changées, et le syndicat n’engloutit plus rien en Belgique ; mais prenons garde que celle-ci ne soit accablée par trop d’emprunts, et surtout que la spécialité de ces emprunts ne soit confondue. Sans doute que l’établissement instantané d’un vaste réseau de chaussées sur la surface du pays doit offrir plus d’un avantage à l’agriculture et à l’industrie, et que cette création présente plus d’un attrait à l’intérêt des provinces qui quelquefois prévaut dans ces matières ; mais aussi n’oublions jamais la position de notre trésor devant d’autres exigences, et surtout devant la confection de la route en fer.

Il est même à craindre que l’excédant du produit des barrières, sur lequel on paraît compter comme fonds d’amortissement et d’intérêt pour l’emprunt de 10,000,000 fr., ne vienne à manquer par suite de l’établissement de cette même route en fer. Car ce sera sur celle-ci que la circulation la plus grande viendra se porter, et la circulation se déplaçant, les bénéfices viendront aussi à cesser là ou ils se prélèvent aujourd’hui. L’emprunt que la section centrale nous annonce se trouverait ainsi sans base spéciale d’amortissement, et devrait naturellement retomber à charge du trésor général. Je suis loin cependant de vouloir rejeter ni combattre le projet que le ministre doit bientôt nous proposer à cet égard ; mais je crois qu’il fera bien de mûrir les considérations que je lui soumets.

Il fera bien aussi, au sujet de cet emprunt, de consulter les mesures analogues prises depuis 1824 par le gouvernement prussien. Ce gouvernement, dont la politique ne captive pas toujours nos sympathies, donne cependant aux autres peuples des exemples fréquents d’une sage administration intérieure et prudente économie. De 1824 à 1832, une grande extension a été donnée aux nouvelles constructions de chaussées dans ce royaume, et un emprunt de 12,000,000 d’écus de Prusse avec lots et prime, contracté en son nom par la société maritime et remboursable en 25 années, lui permettra de poursuivre avec vigueur et d’achever en 1834 le complément de ses travaux.

Notre position est moins urgente que celle de la Prusse, et nos besoins sont moins grands. Nous possédons déjà toutes les communications indispensables au grand commerce, et il s’agit ici moins de faire par soi-même que d’aider de faire aux provinces et aux particuliers. Le gouvernement doit maintenant prendre pour base de ne plus supporter à lui seul ce genre de fardeau et d’exiger le concours, soit des provinces, des villes ou des particuliers, pour l’entreprise des routes ou des concessions. Il double ainsi ses moyens tout en activant l’emploi des petits capitaux et en intéressant chaque localité à l’achèvement de ces utiles constructions. Mais si, je le répète, il médite un emprunt, qu’il prenne des mesures bien prudentes pour en garantir l’amortissement, et qu’il consulte les statuts de celui de la Prusse dont je puis lui renseigner les documents.

Enfin, messieurs, si l’on veut mettre en application immédiate et sur une vaste échelle les conceptions que le corps des ingénieurs s’apprête à nous soumettre, je crois qu’il faut au préalable élaborer une nouvelle loi sur les expropriations publiques. L’actualité de cette loi me paraît urgente, et chaque jour nous en démontre la nécessité par les entraves qu’éprouvent nos travaux publics dans les concessions du Hainaut et, depuis peu, dans les expropriations du chemin de fer. Le dernier rapport des ingénieurs de cette route nous mentionne les difficultés qu’ils éprouvent à ce sujet et les prétentions souvent exagérées des propriétaires riverains.

La propriété doit être sans doute garantie contre toute atteinte arbitraire et toute violation injuste ; mais là où la loi intervient pour l’exécution de travaux d’utilité générale, il ne faut pas que l’intérêt particulier, à l’abri de longues formalités, puisse en suspendre le cours et ainsi doubler la valeur des terrains à acquérir.

Un projet de loi devait être formulé l’an dernier au sein de la section centrale du chemin de fer, dont je faisais partie ; mais le temps a manqué pour le discuter. Il serait, je crois, utile de le préparer si l’on veut réellement et utilement mettre en œuvre les projets que l’on médite. Je crois cette loi une annexe indispensable à tous nos grands travaux. J’ai dit.

M. de Puydt. - A l’occasion de cette discussion, j’ai une explication à demander à M. le ministre de l’intérieur sur l’interprétation qu’il donne à l’article 6 de la loi du 1er mai relative à la construction de la route en fer. Cet article porte que le gouvernement devra rendre compte aux chambres de l’état des travaux. Hier, on a distribué aux membres de la chambre une notice sur l’état des travaux émanée de MM. les ingénieurs qui dirigent cette opération. Je désirerais savoir si le gouvernement considère cette notice comme le compte rendu qu’il doit donner à la législature.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne considère pas cette notice comme le compte rendu que le gouvernement doit donner à la chambre sur la construction de la route en fer, c’est un simple exposé sur l’état des travaux que les ingénieurs ont été autorisés à publier pour tenir le public au courant des travaux.

M. de Puydt. - Je remercie M. le ministre de l’intérieur de cette explication ; d’après cela je me bornerai à une seule observation. Je lis ce qui suit dans la notice : « A peine huit mois se sont écoulés, que déjà, sur les douze sections spécialement décrétées, trois sont entreprises ; les projets pour deux autres sont entièrement prêts pour l’exécution et les plans terriers achevés en partie pour les quatre sections nouvelles ; les modèles du matériel, tant locomotives et wagons que dépendances de la route, sont recueillis et vont être incessamment livrés à l’industrie indigène. »

Je n’ai reçu aucune information relativement à la confection des diverses sections, mais j’ai de fortes raisons de croire que l’on ne s’occupe en aucune manière d’opérer sur le terrain, relativement à la section du chemin de fer qui doit se diriger vers la France par le Hainaut, soit par Tournay, soit par Mons. Je ne vois pas pourquoi cette section ne serait pas commencée en même temps que les autres. Il semble que l’on n’aurait pas l’intention de l’exécuter. Je crois devoir rappeler au gouvernement que toutes les sections doivent être exécutées simultanément.

M. Desmet. - Je ne puis bien comprendre quel a été le but de la distribution du dernier imprimé sur le chemin de fer, car je ne sais pas ce qu’il nous apprendra sur les travaux faits de ce chemin ; il est tellement vague et précise si peu les choses qu’on ne sait pas voir quelle est la quantité de travaux exécutée, où ils le sont, de quelle manière ils ont réussi, et combien ils ont déjà coûté, surtout qu’il paraît qu’on fait des dépenses qui ne figurent point dans les cahiers des charges.

Tout ce qu’on dit dans cet imprimé, c’est que les supports des ornières peuvent aussi bien être en traverses de bois qu’en blocs de pierres et qu’ils sont aussi solides et aussi durables, ce que, je pense, personne ne croira ; et comme la bonté de la route dépend beaucoup de la solidité des supports, de la manière dont ils sont places et du degré de précision avec lequel ils sont arrangés, je pense que cette partie du travail offre matière à beaucoup de critiques.

Je ne puis non plus croire que la trouvaille faite par MM. Simons et de Ridder sera couronnée de succès, que les bois blancs et de hêtre pourront être employés en terre comme le chêne ; je crois au contraire que c’est un essai dangereux, et que pour faire croire au public que les ouvrages du chemin de fer coûteront moins qu’on ne l’avait prédit dans cette chambre, on aura exécuté un travail qui n’aura pas de durée, et en résultat dépensé beaucoup plus que l’on n’aurait dû le faire en s’attachant à un ouvrage solide.

Ceux qui auront suivi l’exécution des travaux du chemin de fer, sauront juger quel est l’ordre qui y a régné et comment elle a été faite ; ils auront surtout pu apprécier de quelle manière les terrassements ont été exécutés et quels talus ont été donnés aux deux côtés des chaussées ; ils auront pu reconnaître que les règles à observer dans ces travaux ont été bien peu observées dans les parties faites, et je ne doute pas qu’on ne tardera pas longtemps à en voir les effets.

Je lis aussi dans cet imprimé qu’on se propose de faire encore venir d’Angleterre 4 à 500 tonneaux de rails ; c’est certainement pour favoriser les forges de la Belgique, qui sont en souffrance, qu'on veut faire arriver dans le pays tant de fer étranger.

Si le pays doit subir les énormes dépenses du chemin de fer arrêté, du moins qu’on veuille soigner à faire un travail solide, et qu’on ne jette pas plus de millions qu’on ne le devrait, et qu’on ne fasse pas un ouvrage qui devra être refait sous très peu de temps.

C’est pour ces motifs que j’ai l’honneur de demander à M. le ministre si la surveillance des travaux du chemin de fer n’est pas laissée à la direction des ponts et chaussées, et comment il se fait que nous n’ayons pas tenu le rapport de sa part plutôt que de MM. Simons et de Ridder.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je répondrai d’abord à ce qui est relatif à la construction de la route en fer. On a demandé si la surveillance de ces travaux n’était pas laissée à l’administration supérieure des ponts et chaussées. Je répondrai que, par un arrêté spécial, la surveillance des travaux du chemin de fer a été attribuée aux deux ingénieurs auteurs du projet. Jusqu’à présent l’administration supérieure des ponts et chaussées ne s’en est nullement occupée.

Le même orateur a fait remarquer que, dans le rapport des ingénieurs sur l’état des travaux, il était question de faire venir 4 à 500 tonneaux de rails pour le chemins de fer : ceci n’est qu’une indication et n’est nullement un projet définitivement arrêté. Cela est subordonné à la quantité des rails que pourront fournir les maîtres de forges de la Belgique. S’ils sont en mesure de fournir la quantité nécessaire, alors il n’y aura pas besoin de recourir à l’Angleterre. D’un autre côté, il est bon que les maîtres de forges sachent qu’ils ne tiennent pas l’administration dans leur dépendance, s'ils sont en retard au sujet de ces fournitures, et que le gouvernement aurait toujours le moyen de se fournir à l’étranger. Tel est le but du passage du rapport dont on a parlé.

Quant à la qualité des bois, je dois dire que l’on a calculé leur durée, leur prix et les frais ultérieurs auxquels leur remplacement donnerait lieu, et l’on a reconnu que l’on pouvait employer avec avantage d’autre bois que le chêne. Ceci est une affaire de calcul.

Quant à l’exécution de la section de la route en fer à travers le Hainaut et vers la France, je ferai observer qu’il est impossible d’entreprendre toutes les sections à la fois.

Indépendamment de cela, peut-être sera-t-il nécessaire de connaître la détermination du gouvernement français au sujet du projet d’une route en fer vers le département du Nord ; ce sera seulement alors que l’on pourra déterminer le tracé par le Hainaut.

J’arrive aux travaux des routes ordinaires. Un honorable député a demandé l’ajournement du vote sur l’allocation proposés pour construction de routes nouvelles, jusqu’à ce qu’une décision ait été prise au sujet de la proposition de l’honorable M. de Puydt. Je crois cet ajournement inutile. La proposition de M. de Puydt tend à majorer les fonds dont on pouvait disposer pour construction de routes nouvelles. Ainsi rien n’empêcher d’allouer les 814,000 fr. demandés au budget ; on peut fort bien les voter, alors même que la proposition de M. de Puydt devrait ultérieurement être admise. Quant à moi je désire autant que qui que ce soit réaliser le but auquel tend la proposition à M. de Puydt. J’ai même réuni tous les renseignements désirable sur cet objet.

Quant à l’emprunt dont il est question dans cette proposition, il y a une question de finances à examiner, et sur laquelle je devrai me concerter avec mon collègue le ministre des finances pour me mettre d’accord avec lui sur la hauteur de l’emprunt et la manière d’y procéder. Tant que nous ne serons pas tombés d’accord sur ces différents points, il sera impossible d’appuyer un projet tendant à ce but. Probablement, si nous parvenons à nous entendre, je prendrai à cet égard l’initiative auprès de la législature.

Un honorable orateur a regretté que le gouvernement communiquât à la chambre si peu de renseignements sur les travaux entrepris. Jamais aucun renseignement n’a été refusé par le gouvernement ; il a donné tous ceux qu’on lui a demandés. Si on eût exprimé le désir d’en avoir d’autres, il aurait pu également les fournir. Au reste, je puis dire qu’en général à aucune époque il n’a été entrepris autant de routes qu’à l’époque actuelle. C’est ainsi que diverses routes entreprises aux frais de l’Etat représentent un capital de 2 millions 300 et quelques mille francs. Les travaux qui restent à faire pour leur entier achèvement coûteront 1,334,000 fr.

Quant aux routes actuellement en construction, aux frais de sociétés, le capital en est évalué à 3,480,000 fr. Les subsides accordés à ces diverses sociétés s’élèvent seulement à 444,000 fr. Ainsi, au moyen de cette somme de 444,000 fr., on a déterminé l’entreprise de routes qui présentent un capital de trois millions et demi. Il y a encore plusieurs autres routes entreprises sans aucun subside ni concours de la part du gouvernement, et qui ont également une certaine importance.

Il résulte de ces renseignements qu’une impulsion réelle est donnée à la construction des routes, et que si le gouvernement était mis à même par un emprunt de donner encore plus d’activité aux travaux, il y a lieu d’espérer qu’au bout de plusieurs années, il ne resterait plus aucune route importante à construire.

Indépendamment de ces routes on a également donné en concession la construction de plusieurs ponts importants sur des rivières de la Belgique.

En outre une entreprise a commencé l’exécution d’une route en fer dans le Hainaut ; une autre entreprise du même genre a envoyé sa demande. On a également commencé des travaux de navigation, et l’on en projette qui ne sont pas sans importance, notamment l’embranchement du canal de Charleroy, qui vous est actuellement soumis.

Je ne pense pas que d’autres renseignements aient été demandés. J’attendrai la suite de la discussion.

M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour répliquer par quelques mots à M. le ministre de l’intérieur qui a bien voulu répondre à ce que j’avais eu l’honneur d’avancer, surtout sous le rapport de ma demande tendant à l’ajournement du vote de sommes proposées pour la construction de routes nouvelles, jusqu’à ce que suite ait été donnée à la proposition de l’honorable M. de Puydt.

D’après ce qui a été dit, je ne trouverai aucune espèce d’inconvénient au vote des 814 mille francs proposés pour la construction de routes nouvelles. Mais je demande et j’insiste pour que la chambre décide qu’une commission sera nommée à l’effet d’examiner la proposition de l’honorable M. de Puydt.

M. le ministre de l'intérieur a dit aussi qu’avant de faire une proposition tendant à lever des capitaux pour la construction de routes nouvelles, il devait s’entendre avec M. le ministre des finances. A cet égard, je crois qu’il sera nécessaire de lever en 1835 une somme bien minime, et selon mes prévision, on ne sera pas embarrassé de les trouver. Pour la première année, il ne sera pas nécessaire d’avoir plus de 6 à 700 mille francs ; dans les années suivantes, en 1836, 37 et 38, on lèvera les capitaux nécessaires pour la continuation des routes commencées. On a donc tout le temps de se concerter sur cet objet.

Je demande que M. le président veuille bien ne pas soumettre ma proposition et qu’en temps et lieu il la soumette au vote de l’assemblée.

M. de Puydt. - D’après les explications que vient de donner M. le ministre de l'intérieur, vous avez pu reconnaître qu’avec de faibles allocations, on pouvait exécuter d’immenses travaux. En effet, il vous a dit qu’au moyen d’un subside de 440,000 fr., il avait fait exécuter des travaux évalués à 3 millions en demi. C’est parce que la section centrale a reconnu tous les avantages de ces allocations, qu’elle a proposé un emprunt de dix millions, dont les fonds seraient consacrés à l’exécution de toutes les communications dont le pays a besoin. Les intérêts et l’amortissement de cet emprunt seraient prélevés sur l’excédant du produit des barrières.

Mais, messieurs, il est tout aussi important de compléter le système de nos communications navigables à l’intérieur, que celui de nos communications par terre. C’est particulièrement dans les provinces qui ont le moins de canaux, comme celles du Limbourg et du Luxembourg, que des voies navigables produiraient un effet utile et immédiat.

Je ferai remarquer que les sommes allouées pour travaux publics ne doivent pas être mises dans la série des dépenses ordinaires : de ces allocations et des travaux qu’elles ont pour objet, résultent des péages, des contributions directes et indirectes, des intérêts. Le trésor profite nécessairement de ce mouvement de fonds et de la prospérité publique qui en est l’effet. Or, ce qui est vrai en thèse générale, l’est bien davantage quand il s’agit de l’exécution de travaux dans une province entièrement inculte par suite du défaut de communications, comme l’est la province du Luxembourg.

L’ancien gouvernement avait parfaitement compris qu’en exécutant, dans le Luxembourg, des communications navigables, on aurait entièrement changé la face du pays. Il avait autorisé une société à lui présenter un projet à cet égard, projet dont l’exécution a été commencée et est aujourd’hui interrompue. Comme cette province est peu connue, je crois qu’il ne sera pas inopportun de donner quelques détails sur sa situation intérieure.

La province du Luxembourg présente une surface plus grande que les deux Flandres réunies ; elle a 630 mille hectares : les Flandres n’en ont que 530 mille. Il y a, dans cette province, un peu plus du tiers de cultivé ; le reste est inculte. Les Flandres, au contraire, n’ont que 1/200 qui soit inculte. La province du Luxembourg a une population de 300,000 habitants ; les Flandres ont une population plus que quadruple. Toutes ces différences résultant de la différence des communications.

Dans les Flandres, la moyenne est de 5,500 mètres de routes tandis que dans le Luxembourg il n’y a que 1,000 mètres de routes par lieue carrée, et de plus cette province n’a pas un seul canal. Cependant les terrains du Luxembourg sont susceptibles d’excellents produits, même les terrains les plus arides et les plus élevés : l’expérience l’a prouvé. Dans certains villages, des propriétaires aisés ont soumis à une culture perfectionné des terres les plus mauvaises du pays, et ils en ont obtenu les meilleurs résultats.

Le sol du Luxembourg a en outre des richesses minérales, qui restent enfouies par le défaut de communications. Si vous donniez à ce pays des voies navigables, sa population aurait bientôt triplé, la surface de terrain cultivé triplerait également. Si notamment on faisait achever le canal de Meuse et Moselle destiné à traverser la partie inculte des Ardennes, et qui constituerait avec ses divers embranchements un système de communications navigables propres à développer l’agriculture de ce pays, on ne tarderait pas à en ressentir les heureux effets. En peu d’années la surface des terres cultivées triplerait, et la population augmentant progressivement, vous auriez avant un siècle trois provinces de Luxembourg au lieu d’une.

Dans cette opinion, je ferai à la chambre une proposition qui n’est qu’un corollaire de telle que j’ai eu l’honneur de lui faire pour l’exécution des routes.

D’après la loi sur les barrières, le produit des barrières est consacré spécialement à l’entretien des routes et à l’amélioration du système des routes. Je voudrais qu’une semblable disposition fût prise pour consacrer le produit des canaux à leur entretien et l’excédant à la construction de canaux nouveaux. Si la loi accordait une semblable faculté, on devrait autoriser le gouvernement à appliquer ensuite l’excédant de ce produit à l’amortissement d’un emprunt que l’on ferait pour l’exécution de nouveaux canaux.

Voici ma proposition :

« Art. Le gouvernement est autorisé à faire un emprunt de 15,000,000 fr., dont le montant sera affecté à l’exécution de routes et canaux, d’après un système général.

« Le paiement des intérêts et l’amortissement de cet emprunt seront effectués sur l’excédant du produit des péages des canaux et des barrières, dans la proportion suivante :

« 10,000,000 sur les barrières,

« 5 000,000 sur les canaux.

« Pour l’exécution de ce qui précède, les fonds provenant des péages établis sur les canaux navigables appartenant à l’Etat seront versés au trésor et seront affectés à l’entretien de ces canaux et à l’amélioration du système de navigation intérieure du pays, soit par des modifications aux canaux existants, soit par la construction de canaux nouveaux. »

Cette proposition complète celle que vous a faite la section centrale, relativement aux communications par terre ; elle la majore même, puisqu’elle propose pour chiffre de l’emprunt 12 millions au lieu de 10.

L’adoption de cette proposition rendrait possible la continuation des travaux commencés, et l’achèvement du canal de Meuse et Moselle.

M. Pirson. - M. le ministre de l'intérieur a parlé des travaux commencés et de ceux projetés ; quant à ceux-ci, il n’a pas parlé de la canalisation de la Meuse ; depuis peu cependant une pétition a été adressée sur cet objet à la législature. Dès lors, il est naturel que ceux qui habitent les bords de la Meuse viennent vous en entretenir.

Il est de fait que déjà un ingénieur est venu examiner les travaux et que rien ne se fait pour sa canalisation de la Meuse. J’ai ouï dire que l’ingénieur de la province de Namur s’était opposé à cette canalisation parce qu’elle n’est pas dans son opinion personnelle. Je ne sais jusqu’à quel point ce fait qui m’a été rapporté est vrai. Je désirerais savoir de M. le ministre de l’intérieur s’il est vrai aussi que des ingénieurs français soient venus visiter les bords de la Meuse, si des propositions relatives à cette canalisation ont été faites au gouvernement belge par la France ou les autorités voisines.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Non aucune.

M. Pirson. - C’est cependant un objet de la plus haute importance pour la Belgique ; par suite de cette canalisation, Anvers se trouverait communiquer avec la Lorraine, la Champagne et toute cette partie de la France. Ce débouché favoriserait l’écoulement des charbons de Charleroy. Aussi est-ce de cette ville que vous a été adressée la pétition que j’ai rappelée en commençant. Je désire que M. le ministre de l’intérieur s’occupe de cet objet.

M. de Puydt. - La canalisation de la Meuse, notamment entre Namur et la frontière de France, est une entreprise très utile, et qui est réclamée par une pétition des habitants de Charleroy et des bords de la Sambre. Il a été fait, il y a cinq ans, un avant-projet pour cette canalisation ; une demande a été soumise au gouvernement des Pays-Bas pour obtenir la concession de l’entreprise. Le projet a été l’objet d’une enquête, laquelle a été interrompue par la révolution. L’affaire en est restée là.

La société qui avait conçu ce projet, s’est entendue avec la compagnie Sactoris, parce que cette compagnie était autorisée par le gouvernement français à présenter un projet de canalisation de la Meuse jusqu’à l’embouchure du canal des Ardennes. L’achèvement de la navigation de la Meuse, tant sur le territoire français que sur le territoire belge, aurait complété en France la navigation de la Seine jusqu’à la Belgique. Aujourd’hui, le commerce de Charleroy qui a reconnu l’importance de ces communications pour l’écoulement de ses produits dans l’est de la France, adresse une pétition pour réclamer l’achèvement de ces travaux.

Si le gouvernement ne fait pas faire de projet d’office, par ses ingénieurs, on pourra donner suite à la demande en concession qui a été faite dans d’autres temps.

M. Pirson. - La Meuse n’a pas été navigable pendant tout l’été ; c’est à peine si elle est navigable dans cette saison ; sa canalisation est des plus importantes.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ce n’est pas le gouvernement français qui est entré en relation avec le gouvernement belge pour la canalisation de la Meuse ; il ne s’agit que de projets particuliers. Je verrai avec plaisir les auteurs du projet primitif donner suite à leurs idées, et d’autant plus que dans l’état actuel de nos finances, le gouvernement doit s’abstenir d’entreprendre directement des travaux de cette nature.

L’honorable M. de Puydt qui avait proposé un emprunt pour la construction des routes, présente aujourd’hui une modification à sa première proposition.

Il voudrait que l’on fît un fonds commun du produit des barrières et des canaux pour l’affecter au paiement des intérêts et de l’amortissement d’un emprunt destiné tout à la fois à l’achèvement des routes et des voies navigables : je ne pense pas que nous puissions admettre cette confusion.

Les fonds du produit des barrières doivent conserver leur destination exclusive. Le système de communication par les routes se lie parfaitement bien dans toutes ses parties, et il est naturel que l’excédant des produits sur les dépenses soit affecté spécialement à étendre ce système.

Il en est autrement des canaux. Leurs produits qui appartiennent au gouvernement sont peu importants. Quant au projet soumis à la chambre, l’excédant du produit du canal de Charleroy sera destiné à ses embranchements. Reste le canal d’Antoing qui est seul productif ; mais ce canal a été payé par l’Etat, et si on décompte le prix d’acquisition, l’excédant sera peu considérable.

Au surplus je reconnais avec le même orateur l’utilité d’achever aussitôt qu’il sera possible les voies navigables qui sont encore à ouvrir en Belgique, et comme il l’a indiqué, particulièrement dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg : mais tous ces travaux se résolvent en questions de finances. Il faudrait pour les traiter un moment plus opportun, Il est impossible de rien préjuger à cet égard.

J’ai oublié de répondre tout à l’heure à l’observation faite par l’honorable député qui a dit que le gouvernement devait surtout intéresser les provinces, les communes et les propriétaires dans la construction des routes : c’est aussi cette marche que suit le gouvernement, et celle qu’il se propose de suivre avec le plus de constance. Il concourra, en s’imposant le plus de sacrifices qu’il pourra, avec les provinces, les communes et les propriétaires, qui s’associeront aux constructions de routes qu’on voudra entreprendre. C’est par des efforts communs que l’on pourra achever les routes sans trop grever le trésor. C’est là une règle très simple et à laquelle l’administration doit tenir.

M. Eloy de Burdinne. - A propos des routes on est venu vous entretenir des canaux. Relativement à ce dernier moyen de communication je n’y connais rien ; ou plutôt ce que je sais c’est qu’en thèse générale les canaux coûtent beaucoup d’argent et en rapportent fort peu. Si nous nous occupons de canaux et de routes pavées en même temps, nous finirons par ne rien avoir. Je demanderai que pour le moment on s’occupe exclusivement des routes et que l’on ajourne la question des canaux ; ou, si on persiste, que l’on nomme une commission qui serait chargée d’examiner la question de la canalisation de la Meuse, de la Lys ou de tout autre ruisseau.

M. de Robaulx. - Je croyais que c’était la mer que l’orateur voulait canaliser.

M. Eloy de Burdinne. - Lorsqu’il s’est agi de construire une route en fer, la question relative à un emprunt qui doit monter jusqu’à 30 ou 40 millions n’a pas souffert de difficulté ; s’il s’agit d’emprunter pour des routes en pierres, la difficulté doit être moindre encore, car les capitaux ne manqueront pas pour de telles entreprises.

J’insiste pour l’admission de la proposition que je vous ai faite, c’est-à-dire, pour qu’une commission soit nommée et chargée d’examiner le projet de M. de Puydt.

M. de Puydt. - Je crois qu’on a mal compris ma dernière proposition. Le gouvernement est autorisé par une loi de barrières à consacrer leur produit à l’entretien et à l’amélioration des routes ; je demande qu’une loi consacre également le produit des canaux à l’entretien et à l’amélioration des canaux ; et je dis que l’on pourrait faire un emprunt de 12 millions, dont 7 seraient affectés aux barrières, et les 5 autres seraient affectés aux voies navigables. Ainsi, il n’y a pas de confusion.

Nous avons vu par le budget des voies et moyens que les canaux produisent 400,000 fr., et nous voyons maintenant par le budget des dépenses du ministère de l’intérieur que leur entretien coûte 114,000 fr. ; reste donc 296,000 fr.

Il est clair que si une loi autorise l’application de l’excédant du produit des canaux à la construction de nouveaux canaux, on pourra faire un emprunt proportionnel à ces 296,000 fr., et dont le capital s’élèverait, par conséquent, à 5,000,000 au moins.

M. Rogier. - Messieurs, je pense avoir compris que l’intention du gouvernement était de préparer un projet qui comprendrait un système général de communications dont les frais seraient couverts par un emprunt que les chambres autoriseraient et qui serait garanti par les produits des barrières. Il me semble que si le gouvernement se livrait à ce travail, il ne pourrait se dispenser de s’occuper à la fois et des communications par terre et des communications par eau. Je ne sais pourquoi M. Eloy de Burdinne proscrit ces dernières qui sont si utiles au transport des produits agricoles.

La deuxième proposition de M. de Puydt est la conséquence de celle qu’il a déjà faite. Il me paraît naturel que les produits des canaux soient appliqués aux canaux. Le seul canal qui aujourd’hui rapporte au trésor offre un excédant de près de 300,000 francs sur les frais d’entretien ; c’est plus du tiers ou presque la moitié du produit des routes ; il est donc avantageux de construire des canaux. Mais, relativement aux canaux et aux routes, je ne puis imaginer autre chose qu’un système complet qui serait le résultat de la combinaison des communications par terre et par eau.

On a parlé du projet de canaliser la Meuse ; c’est un projet qui mérite l’attention du gouvernement. Il en est d’autres qui ne seraient pas moins utiles, et dont l’exécution serait plus facile.

Je ne pense pas que le gouvernement consente à retrancher du budget l’allocation pour le canal de Blankenberghe, entreprise vraiment nationale et pour laquelle les travaux préparatoires sont déjà achevés.

En second lieu, il faut que l’on en finisse avec la question du canal d’Espierre. Cette question est importante ; elle est délicate. Le ministre de l’intérieur, qui faisait partie de l’administration précédente, avait hésité longtemps à la résoudre. Toutefois, il faudra lui donner une solution. Pour cet objet, il sera nécessaire de voter des fonds ; car il est probable que le gouvernement devra intervenir, si l’on exécute le plan proposé par les Flandres.

En troisième lieu, un canal d’une très haute importance serait celui que l’on substituerait, dans des dimensions moins grandes, au canal du Nord, projeté et resté sans exécution : je veux parler d’un canal, à petite section, qui lierait l’Escaut à la Meuse, au moyen des deux Nèthes et du canal de Bois-le-Duc à Maestricht, qui est sans emploi, et qui laisse improductif un capital de quatre millions.

Je sais que l’on s’occupe sur le terrain et dans le cabinet d’un travail sur cet objet. L’exécution de ce travail n’entraînerait pas des dépenses considérables, surtout si on rapproche les revenus des dépenses. Si les renseignements qu’où m’a fournis sont exacts, je crois qu’avec deux ou trois millions on pourrait joindre la Meuse à l’Escaut, en traversant des pays incultes et qui n’ont besoin que de moyens d’irrigation et de communication pour devenir aussi fertiles que les autres terrains de la Belgique.

Je suppose que tous ces travaux feront partie du plan général qui nous sera proposé.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne crois pas que dans les motifs que j’ai fait valoir en faveur des chemins en pierre, j’ai contesté l’utilité des canaux ; cependant M. Rogier m’en fait un reproche. Je le répète, je ne connais rien relativement aux canaux, et quand je ne connais pas une chose, je ne m’en occupe pas.

J’ai demandé que l’on ajournât l’entreprise des canaux, car si nous commençons ensemble les canaux et les routes, nous ne finirons rien.

Je n’ai traité que la question qui concerne les routes pavées, en un mot que la proposition première de M. de Puydt. Si nous canalisions toutes nos rivières et tous nos ruisseaux, il en résulterait que la Belgique deviendrait une ville de Venise. (On rit.) Pour se faire visite, on irait en gondole. (Hilarité générale.) C’est une manière agréable de voyager. En outre, nous aurions beaucoup de poissons, car les 3 quarts de notre pays seraient couverts par les eaux. (On rit de nouveau.)

M. Rogier prétend que les canaux sont utiles à l’agriculture : en vérité les canaux sont aussi peu utiles à l’agriculture que le seront les chemins en fer. Les uns et les autres pourront à peine servir à transporter des engrais.

M. de Robaulx. - Je demande la lecture de la proposition de M. de Puydt, afin que nous sachions si elle peut avoir une solution actuelle, si elle se rattache au budget.

M. le président. donne ici lecture de la proposition déposée par M. de Puydt.

M. Watlet. - Je m’opposerai à l’adoption des amendements proposés par M. Eloy de Burdinne et par M. de Puydt, et je soutiendrai les conclusions de la section centrale. Elles tendent à autoriser un emprunt de dix millions pour la construction de routes nouvelles. L’intérêt et l’amortissement de cet emprunt seraient servis par les 814,000 fr. donnés par l’excédant du produit des barrières. L’amendement de M. de Puydt, tout en ayant l’air de renchérir sur la proposition de la section centrale, présente réellement une réduction.

Au lieu de 10 millions il propose un emprunt de 12 millions ; mais la manière dont il répartit ces 12 millions fait que 7 millions seulement seront employés en construction de roules nouvelles, puisque les 5 autres millions sont destinés aux canaux ; de sorte qu’en définitive ce serait consacrer aux routes trois millions de moins que par le projet de la section centrale, tout en paraissant vouloir faire plus qu’elle.

Et je remarquerai en passant que les dix millions ont été calculés d’une manière peut-être trop rigoureuse ; que c’est le strict nécessaire pour les constructions de nouvelles routes.

J’ajouterai que dans l’opinion de M. de Puydt cette somme de 10 millions n’est pas même suffisante, puisque dans le projet qu’il avait d’abord présenté il demandait 16 millions.

Mon intention n’est pas de m’opposer à ce que l’on fasse, avec l’excédant du produit des canaux, ce que l’on a jugé à propos de faire avec l’excédant du produit des barrières ; c’est-à-dire, qu’on emploie cet excédant à la construction de canaux nouveaux et à l’amélioration des canaux subsistants ; mais avant que l’on puisse insérer, à cet égard, quelque chose au budget, il faut stipuler, par une loi, que l’excédant des péages sera, en effet, employé à l’ouverture de nouveaux canaux. Voilà ce que j’avais à dire sur l’amendement de M. de Puydt, et ce sont là les motifs pour lesquels je m’opposerai à son adoption.

Quant à l’amendement de M. Eloy de Burdinne, je le crois également inadmissible. La section centrale demande seulement 10 millions pour des routes nouvelles ; mais elle n’entre dans aucun détail relativement aux communications qu’il conviendrait d’établir : elle a cru que ces détails rentraient dans les attributions du ministre de l’intérieur et de l’administration des ponts et chaussées.

Si nous agissions autrement, nous ferions de l’administration et il nous arriverait ce qui est arrivé il y a quelques années : chaque localité réclamait un bout de route par l’organe de son député. C’est le ministre qui sait ce qu’il convient d’entreprendre pour former un système complet de communications. Je crois donc que la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne est au moins intempestive. C’est quand on discutera un système complet de grandes routes que l’on s’occupera des détails.

On peut cependant, et je le conçois, donner la préférence au projet de M. de Puydt, car il est plus complet que celui de la section centrale ; toutefois ce n’est pas le moment de s’en occuper. Si le principe d’un système complet était admis, je donnerais mon assentiment à la proposition de M. de Puydt.

M. de Puydt. - L’honorable M. Watlet a raison, j’ai fait une erreur de chiffres que je me hâte de rectifier. Mais ce n’est pas tant le chiffre de ma proposition qu’il faut considérer. C’est plutôt le principe du projet qui consacre à l’entretien des canaux les mêmes fonds que ceux que la section centrale veut employer à l’amélioration des routes. Pour me rapprocher du projet de la section centrale, je change le chiffre de 7 millions pour les routes en celui de 10 millions. Je maintiendrai celui de 7 millions que j’ai proposé pour les canaux. Je crois de cette manière être d’accord avec l’honorable M. Watlet.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Tout le monde avait senti la nécessité d’adopter un système général pour la construction des routes. Aussi longtemps que l’on se bornera à affecter à cet objet les fonds provenant de l’excédant des barrières, l’on ne fera rien. Cependant peut-on chaque année construire 8 à 9 lieues de routes, qui, partagées entre toutes les provinces, en font à peine une pour chacune ?

Il y a un projet de route très important qui se dirige sur Hasselt, c’est une communication militaire. Eh bien, il est impossible de l’achever faute de fonds. La section centrale, saisie de la proposition de la 4ème section, l’a examinée et a demandé l’avis de M. le ministre de l'intérieur, qui a partagé cette manière de voir.

Il nous a semblé qu’en affectant à la construction des routes un capital représentant le produit des barrières, l’on pourrait parvenir à doter le pays de routes convenables et à sillonner de voies de communication les provinces qui en sont dépourvues. Il y a beaucoup à faire même dans les Flandres et dans le Hainaut, qui sont cependant les provinces les mieux dotées. Les routes dans la Flandre orientale vont toutes du nord au midi ; il y en a fort peu qui aillent de l’est à l’ouest. Tout un district manque de routes. C’est le pays d’Alost. Les besoins du pays de Liége sont encore plus grands. La province du Luxembourg est dans le même cas. C’est une des provinces les plus riches du royaume en produits minéraux, mais l’on ne peut pas exploiter ces richesses, parce que, pour en tirer, il faudrait des voies de communication, qui manquent.

Nous avons cru qu’il était possible d’obtenir ce résultat sans grever l’Etat. Il ne s’agirait que d’employer comme intérêt ce que l’on a employé comme capital. Toutes les routes commerciales seraient promptement achevées et par conséquent productives. Nous avons surtout évité de grever le trésor public.

Le projet de M. de Puydt a une portée beaucoup trop étendue, car il nécessiterait un capital de 16 millions, tandis que l’excédant du produit des barrières n’est que de 800,000 fr. Messieurs, avec un pareil produit qui deviendrait un intérêt annuel, on pourrait, en décomptant l’amortissement, se procurer un capital de 10 à 12 millions. Soit 100,000,000 de fr. à 500,000 fr. d’intérêt annuel, 100,000 fr. seraient consacré à l’amortissement, et 200,000 à l’entretien et à l’amélioration des routes existantes.

La proposition qui vient de vous être faite paraît, de l’aveu de son auteur, être un projet nouveau. Je ne pense pas que nous puissions la discuter actuellement. L’intérêt du capital à emprunter dépasserait le produit de l’excédant des barrières. Il faudrait donc majorer les allocations du budget. Je ne pense pas que nous soyons dans des circonstances favorables pour le faire.

Nous devons nous en tenir aux fonds que nous avons à notre disposition. Il est impossible de voter actuellement la proposition de M. de Puydt. Si c’est un projet nouveau, il y a lieu de le renvoyer dans les sections. Si c’est un amendement à la proposition que l’honorable membre a faite l’année dernière, il me semble qu’il serait convenable de le réunir au projet lui-même et de le renvoyer par conséquent également aux sections qui en sont saisies.

Il est impossible de voter la proposition dans la forme actuelle. On ne peut mettre à la disposition du gouvernement une loi dont on ne connaît pas la portée. M. le ministre de l’intérieur a fait observer avec raison qu’il s’agirait auparavant de se fixer sur le plan à suivre. Je crois qu’il faut attendre, pour voter un système semblable, que M. le ministre ait fait les diligences nécessaires, et qu’il ait consulté les administrations provinciales. Alors, seulement, nous pourrons discuter en connaissance de cause, et faire un bon emploi des sommes détaillées au projet.

La discussion de la proposition de M. de Puydt pourra avoir lieu en même temps que celle du projet présenté l’année dernière par l’honorable membre.

En attendant, nous n’avons qu’à passer outre faute de documents.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je vois avec plaisir se produire de toutes parts l’intention de contribuer à l’établissement de nouvelles communications. Il n’est pas de pays en Europe, peut-être, qui offre autant de routes et de canaux qu’une partie de la Belgique. Toutefois il reste encore beaucoup à faire.

L’idée primitive de l’honorable M. de Puydt, idée qui a été modifiée en quelques points par la section centrale, me semble devenir fertile en heureux résultats. Mais je crois que l’on se trompe sur le but de la discussion actuelle. La proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne, de même que celle de M. de Puydt, ne sont pas des amendements au budget. Ces propositions sont des propositions principales, des propositions qui doivent faire l’objet de discussions particulières.

Incontestablement alors vous aurez à examiner une foule de questions accessoires, et notamment celle de savoir si vous ne pouvez pas arriver au résultat qu’on se propose d’ouvrir de nouvelles communications sans imposer de nouvelles charges aux contribuables, sans grever le budget de l’intérieur.

Il me paraît que la section centrale a suggéré une très bonne idée. Ce serait d’emprunter un capital qui serait exclusivement employé à l’achèvement de nouvelles routes, au creusement de nouveaux canaux, capital dont les intérêts seraient payés, dont le montant serait remboursé au moyen du produit même de ces routes, de ces canaux. Mais c’est une question que nous n’avons pas à examiner maintenant. En ce moment nous devons nous borner à voter l’article 3. En temps et lieu nous examinerons toutes les questions qui se rattachent à la proposition de l’honorable M. de Puydt et à celle qu’a faite la section centrale elle-même ; je crois que tout examen actuellement est superflu, est inutile.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour rectifier un fait avancé par l’honorable M. Watlet. Ce membre pense qu’en demandant le renvoi de la proposition de M. de Puydt à une commission, je désire que cette commission se prononce sur ce projet. Il est dans l’erreur. Je demande seulement que la commission qui sera nommée décide la question de principe, et rien de plus.

- La clôture de la discussion est demandée.

M. de Robaulx. - Je désirerais que les auteurs des propositions nous voulussent dire si leur intention a été de présenter des amendements au budget ou des projets séparés.

M. de Puydt. - Ma proposition est un projet séparé.

M. de Robaulx. - Alors je ne vois pas pourquoi nous avons discuté si longtemps.

- La discussion est close.

M. de Puydt. - J’ai considéré que dans le cours d’une discussion, il pouvait être fait des motions de propositions. Celle que j’ai présentée ne constituait pas un amendement au budget. Le ministre de l’intérieur s’étant rallié à la proposition qui avait pour but d’affecter à l’emprunt d’un capital pour construction de routes nouvelles le produit des barrières, j’ai voulu étendre le bienfait de cet emprunt à la construction des canaux en faisant participer au paiement l’intérêt, le produit des péages. Mon nouveau projet pourra être soumis à l’examen d’une commission conjointement avec celui que j’ai présenté antérieurement. Ma proposition nouvelle n’est donc qu’une proposition de l’année dernière modifiée. Je me contente de la déposer sur le bureau.

M. Eloy de Burdinne. - Comme une année s’est déjà écoulée depuis la présentation d’un premier projet par M. de Puydt, et que le gouvernement ne paraît pas en mesure de prendre une décision à cet égard, j’ai demandé qu’une commission spéciale décidât le principe.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - La proposition de M. Eloy de Burdinne est une simple motion d’ordre. Je ne crois pas qu’il y ait lieu de s’y opposer.

M. de Robaulx. - La proposition de M. de Puydt n’ayant pas été examinée dans les sections, l’on ne peut s’opposer à la nomination d’une commission chargée d’en faire l’examen.

- Une voix. - Il y a déjà une commission des travaux publics.

M. de Robaulx. - La motion de l’honorable M. Eloy de Burdinne est donc admissible. Le bureau peut être chargé de nommer cette commission.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je voulais faire remarquer qu’il existe une commission des travaux publics dont j’avais l’honneur de faire partie. Il suffira de renvoyer la proposition de M. de Puydt à son examen.

J’ajouterai un mot sur la réflexion faite par M. de Puydt...

M. le président. - C’est rentrer dans la discussion.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je le sais, mais je demande à l’assemblée de me le permettre. Ce que j’ai à dire peut être utile pour le renvoi à la commission.

- Plusieurs membres. - Parlez, parlez.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. de Puydt paraît croire que M. le ministre de l'intérieur partage pour la construction de nouveaux canaux l’idée de l’emprunt auquel il s’est rallié pour l’achèvement des routes. Il est dans l’erreur. M. le ministre de l’intérieur n’a entendu que la question des routes. Il s’agissait d’abord de faire simplement un emprunt de 6 millions, ce qui aurait pu se faire très promptement, attendu que l’excédant du produit des barrières est assez élevé. La proposition de M. de Puydt comprend maintenant les canaux. Il demande non pas 6 millions, mais bien 15 millions, J’ai fait cette observation pour prier la commission chargée le projet de M. de Puydt, de disjoindre ce qui regarde les canaux de ce qui est relatif aux routes.

M. de Robaulx. - La commission présentera son rapport.

- La proposition de M. de Puydt est renvoyée à la commission des travaux publics.

« Art. 1er. Travaux publics : fr. 2,150,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art 2. Canaux et rivières : fr. 174,600. »

M. le président. - M. Simons présente l’amendement suivant : « J’ai l’honneur de proposer qu’en addition à l’article du chapitre IV pour réparations urgentes aux rives de la Meuse dans la province du Limbourg il soit alloué une somme de 35,000 fr. »

M. Simons. - Messieurs, je n’entrerai pas dans de longs développements pour justifier l’amendement que j’ai l’honneur de présenter. Après les débats qui ont eu lieu successivement lors de la discussion des budgets des exercices de 1833 et de 1834 à l’occasion de demandes d’allocations de la même nature, ce serait vraiment abuser des moments précieux de la chambre que de l’entretenir de nouveau de l’Etat déplorable dans lequel se trouvent en plusieurs endroits les rives de la Meuse dans la province du Limbourg.

Les rapports qui ont été faits par vos sections centrales, chargées respectivement de l’examen des deux derniers budgets du département de l’intérieur, savoir l’un par M. Dubus, l’autre par l’honorable M. de Puydt, ne peuvent laisser le moindre doute sur l’extrême urgence des travaux pour l’exécution desquels je demande la nouvelle allocation.

Ces deux sections, après avoir recueilli des renseignements exacts sur l’état des choses, après s’être environnées de tout ce qui peut jeter du jour sur la question d’urgence, n’ont pu s’empêcher de la reconnaître, et ensuite de prendre des conclusions favorables aux propositions qui vous avaient été présentées.

Voici le final du rapport de M. de Puydt :

« En ce qui concerne l’amendement de M. Olislagers, la section centrale a reconnu, par les rapports de l’administration des ponts et chaussées, que les travaux dont cet honorable membre réclame l’exécution, sont urgents, et que la somme de 75,000 fr., allouée au budget de 1833 pour des ouvrages analogues, ne fait pas double emploi avec celle de 50,000 demandée par l’amendement ; en effet, les débordements de la Meuse, aux environs de Maeseyek, ont occasionné des dégâts, dont la réparation est évaluée, par le génie, à 170 mille francs au minimum ; de vastes propriétés, un village même, sont exposés à passer de la rive gauche à la rive droite, et le déversement des eaux dans les terrains riverains peut amener enfin des désordres incalculables, si on n’y apporte un prompt remède. »

Le rapport de l’honorable M. Dubus n’était pas moins positif, pas moins alarmant. Après avoir signalé plusieurs points où la Meuse menaçait de faire irruption, après avoir mis sous les yeux de la chambre l’état alarmant dans lequel se trouvent les riverains de ce fleuve, cet honorable membre ajoute : « L’ingénieur a fait la supputation des dépenses nécessaires, en distinguant celles qui sont urgentes de celles qui peuvent être différées à la campagne prochaine. Le total de ces dépenses s’élève à 180,000 fr. celles qui sont urgentes à 73,000 fr., et celles que l’on peut ajourner à 107,000 fr. »

Pour achever dans vos esprits la conviction de l’urgence de ces travaux et de l’imminence du danger qui menace différentes communes riveraines, permettez-moi, messieurs, que je vous donne lecture d’un passage du dernier rapport de l’administration provinciale à M. le ministre de l’intérieur en ce qui concerne la Meuse dans la province de Limbourg.

Après avoir signalé l’état déplorable des rives de ce fleuve, après avoir indiqué les causes du délabrement des ouvrages de défense et les moyens que l’administration n’a cessé d’employer pour lutter contre la force des eaux et obvier aux dégradations des rives, la députation rend compte des travaux exécutés au moyen du subside que la législature a accordé à cette province précédemment.

Voici comme elle s’exprime : « La vive allégresse des habitants à la vue des progrès des travaux qui doivent les sauver d’une ruine inévitable, atteste le mieux l’imminence des dangers qu’ils avaient à redouter de la crue des eaux pendant l’hiver.

« L’intervention du gouvernement a été un bienfait inappréciable pour les habitants de ces diverses communes ; leur reconnaissance est égale au bienfait.

« Dans d’autres localités la nécessité de défense a été également constatée ; mais, en égard à leur urgence moins excessive et à l’insuffisance des fonds, il a été impossible de les faire cette année. »

Si, pour justifier mon amendement, je me suis surtout attaché à attirer votre attention sur les rapports qui vous ont été présentés par vos sections centrales, ainsi que sur celui officiel de l’administration provinciale, c’est pour écarter les considérations dilatoires que, sans cela, on ne manquerait pas de mettre en avant pour écarter ma proposition.

Il résulte de ces rapports que les allocations précédentes ne suffisaient pas à beaucoup près pour confectionner tous les ouvrages qui alors déjà furent reconnus indispensables. Elles n’ont servi qu’à faire les travaux les plus urgents. Après l’emploi de ces fonds il reste encore beaucoup à désirer. Aussi vous vous rappellerez, messieurs, que, lors de la discussion de cet objet l’année dernière, l’honorable M. Rogier, alors chef du département de l’intérieur, vous a positivement déclaré qu’en demandant 50,000 fr., c’était véritablement le minimum qu’il réclamait.

Il ajouta que « s’il avait demandé la somme absolument nécessaire, ce ne serait pas 50,000 fr., mais 100,000 fr. qu’il demanderait. Il finissait par dire que si, pour cette campagne, il restreignait la somme à 50,000 fr., il comptait encore assez sur le concours de la chambre pour espérer qu’elle ne refuserait pas l’année prochaine pareille allocation, si on venait, comme cette année, lui déclarer qu’elle est indispensable. »

Je ne vous expliquerai pas pourquoi cette année encore la province du Limbourg est restée dans l’oubli ; mais puisqu’il en est ainsi, force est bien aux députés de cette localité de faire retentir dans cette enceinte leurs justes réclamations.

J’ai commencé par le faire à l’occasion de la discussion de budget de 1833, ce qui donna lieu à l’amendement de l’honorable M. de Theux qui fut adopté par vous à une forte majorité. Les motifs étant les mêmes, et l’urgence pas moins imminente, j’ose me promettre le même accueil.

Le vice le plus dangereux dans tout gouvernement, mais surtout dans un gouvernement constitutionnel, c’est de se montrer généreux à l’égard de quelques localités et de traiter les autres comme indignes de sa sollicitude. C’est cependant ce que les deux malheureuses provinces de Limbourg et de Luxembourg n’ont que trop souvent occasion de remarquer. Pour les charges, pour les impôts, on ne les oublie guère ; elles figurent avec distinction aux budgets de l’Etat ; mais s’agit-il, je ne dirai pas d’accorder des faveurs, elles n’en demandent pas, elles ne réclament qu’impartialité ; mais, dis-je, s’agit-il de travaux urgents, de dépenses indispensables, alors ces deux provinces sont traitées comme ne faisant plus partie de la Belgique. Oui, messieurs, les choses en sont venues au point que l’on a même vu invoquer le traité du 15 novembre 1831 pour écarter une allocation faite en faveur d’une de ces provinces dont on était forcé de reconnaître l’utilité.

Telle ne peut être, telle ne sera jamais, j’en ai la conviction intime, l’opinion de la grande majorité de cette assemblée. Je ne doute donc nullement qu’on ne prenne ma proposition en considération ; je me réserve de développer ultérieurement d’autres considérations, fort desquelles j’ose me promettre que la chambre y donnera un accueil favorable.

(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1835) M. H. Dellafaille, rapporteur. - L’article 2 en discussion a pour objet les frais d’entretien des rivières et canaux. Déjà, dans les années précédentes, des sommes montant à un total de 123,000 francs, avaient été accordées pour réparations urgentes aux rives de la Meuse, sauf recours. Je pense que le recours est supprimé dans la proposition de l’honorable M. Simons. Si la chambre l’adoptait, il y aurait lieu, ce me semble, d’en faire un article spécial.

Je demanderai également le renvoi de l’amendement à la section centrale. Les sections n’ont pu s’en occuper. Nous devons savoir, cependant, si le secours demandé est absolument nécessaire. Déjà deux fois l’assemblée a voté des fonds pour cet objet. Ces deux votes répondent suffisamment aux reproches de partialité adressés un peu légèrement à la chambre par l’honorable député du Limbourg. Je demande donc la formation d’un article nouveau et le renvoi à la section centrale.

M. Simons. - Je ne m’oppose pas à ce qu’une proposition forme un article séparé. Mais je ne puis consentir au renvoi à la section centrale. Je démontrerai qu’il ne peut être question de différer le subside, attendu que l’urgence en est constatée. Je prouverai que ce n’est pas un subside, mais bien une indemnité à laquelle les habitants du Limbourg ont droit. Je demande que la discussion continue. Mais je consens à ce que ma proposition forme un article séparé.

- L’article 2 est mis aux voix et adopté.

M. de Robaulx. - Messieurs, on a accordé les années précédentes des fonds pour le même objet que celui sur lequel M. Simons appelle l’attention de l’assemblée. Mais alors il s’agissait, disait-on, de réparer des dommages tellement urgents, qu’il ne pouvait être question d’examiner si l’Etat ou la province ou les habitants devaient être chargés de la dépense. Comme on vous disait que les dommages pouvaient devenir irréparables, vous avez accordé les sommes sauf recours à qui de droit : nous avons voté une première somme de 73,000 francs ; nous en avons accordé une seconde, ce qui a fait monter le total à 123,000 fr.

Maintenant l’on compte davantage sur notre facilité. Ce n’est plus une avance que l’on demande. C’est une indemnité que vous devez. Si vous l’accordez, l’année prochaine on vous promet de vous demander encore 50,000 francs, si j’ai bien compris l’honorable M. Simons.

M. Simons. - L’année passée, l’honorable M. Rogier, ministre de l’intérieur, avait dit à la chambre que 100,000 fr. étaient nécessaires, et après le vote des 50,000 fr., il se réserva de demander, l’année suivante, les autres 50,000 fr. C’est ce que je réclame en ce moment.

M. de Robaulx. - En ce cas, j’appuie le renvoi à la section centrale, parce qu’il serait facile d’obtenir des subsides en prétextant toujours l’urgence de la dépense. Nous n’avons aucun moyen de nous en assurer immédiatement. Il faut que nous sachions si c’est sur l’Etat seulement qu’elle doit peser. Autrement, il faudrait, tous les ans, payer une rente de 50,000 fr. à la Meuse et j’avoue que c’est un peu cher. Si la chambre montrait trop de facilité, il n’y aurait pas de raisons pour que l’on ne vînt nous demander des allocations pour toutes les rivières. J’appuie le renvoi à la section centrale et la demande de renseignements au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’appuierai le renvoi à la section centrale. Si la chambre veut bien accorder encore cette année la somme demandée, je désire qu’on ne puisse pas dire qu’elle l’a fait sans avoir mûrement examiné la question. Je fournirai à la section centrale tous les renseignements qu’elle pourra désirer. Je crois devoir faire observer que les produits de la Meuse, dont la province aurait dû jouir depuis septembre 1830 jusqu’aujourd’hui, s’élèvent à deux cent mille francs.

Maintenant on aura à examiner dans la section centrale s’il est équitable que les dépenses de ces réparations soient supportées par les propriétaires riverains ou par la province, alors qu’elle est privée de tout revenu.

Je le répète, je remettrai à la section centrale tous les renseignements désirables.

M. d'Hoffschmidt. - L’auteur de la proposition s’est opposé au renvoi en disant qu’il avait produit...

M. Simons. - Je ne m’y oppose plus.

M. d'Hoffschmidt. - Alors, je ferai observer...

M. le président. - C’est inutile, quant à présent, d’entrer dans le fond, car il ne s’agit que du renvoi à la section centrale.

M. d'Hoffschmidt. - S’il ne s’agit maintenant que du renvoi, je renonce à la parole.

M. Pirson. - Je demande la parole pour répondre au ministre.

M. le président. - Toute la question maintenant est celle de savoir si le renvoi sera ordonné. Est-ce sur le renvoi que vous voulez prendre la parole ?

M. de Robaulx. - On doit toujours pouvoir répondre à un ministre ; et quoiqu’il ne s’agisse ici que d’un renvoi à la section centrale, si les considérations que vient de présenter le ministre sont de nature à exercer plus ou moins d’influence sur les membres de la section centrale, je ne vois pas pourquoi un membre de cette chambre ne pourrait pas essayer de contrebalancer cette influence, par d’autres considérations.

M. le président. - Je n’ai nullement l’intention d’empêcher de répondre au ministre, mais je dois dire que la section centrale ne se laissera influencer par l’opinion de personne, qu’elle examinera la question avec attention et qu’elle prononcera d’après ses propres lumières.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et ordonné.

Article 3

« Art. 3. Canal de Blankenberghe à Zelzaete, pour l’écoulement des eaux des Flandres : fr. 550,000. »

M. le président. - La section centrale propose de retrancher ce chiffre.

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, le gouvernement vous avait demandé une somme de 550,000 fr. pour la construction d’un canal d’écoulement dans les Flandres. La section centrale, dans un but d’économie, vous propose l’ajournement de cette allocation. Je conçois, messieurs, qu’en présence des charges qui pèsent déjà sur la nation, on soit sobre de dépenses nouvelles ; mais les motifs qui militent en faveur de la construction du canal proposé sont tellement péremptoires, que je n’hésite nullement à vous demander le maintien de la somme portée au budget.

Il serait en effet difficile de contester l’utilité d’un travail qui doit nous affranchir pour toujours de ces inondations, qui depuis des siècles désolent nos plus belles campagnes, et qui, en provoquant un immense développement à l’agriculture de cette belle contrée, doit ajouter un chiffre très élevé à la somme de nos richesses territoriales. Cependant ce n’est pas aujourd’hui dans l’intérêt d’un district, quelque digne qu’il soit de votre attention, que j’élèverais la voix ; j’examinerai la question exclusivement sous le point de vue politique, et j’espère, messieurs, vous démontrer jusqu’à l’évidence que le principal mérite de ce canal repose sur l’actualité de sa construction.

De tout temps la Hollande a mis sa plus haute importance à la conservation de la Flandre zélandaise ; elle comprenait à merveille que ce n’était qu’en maîtrisant la navigation de l’Escaut qu’elle pouvait neutraliser les éléments de prospérité que son heureuse position assurait à la ville d’Anvers ; mais elle n’a rien cédé de sa domination exclusive sur ce fleuve ; et c’est en maintenant ce système avec une admirable constance qu’elle a donné à son propre commerce cette extension qui a bientôt accumulé chez elle tant de capitaux, et fait pendant quelque temps, de cette petite république, une puissance maritime de premier ordre.

Toutefois, messieurs, depuis quelques années une grande révolution s’est opérée dans le code maritime international. Les nations ont compris que ce n’était plus en étouffant le commerce chez leurs rivales qu’elles pouvaient assurer leur propre bien-être ; et le principe de la libre navigation des fleuves a été posé. Cette circonstance créa une ère nouvelle pour la ville d’Anvers : la beauté, la facilité de son port, les voies de communications qui se développent en tous sens, sa position au milieu de l’Europe, la construction gigantesque que vous avez décrétée, et qui la transporte pour ainsi dire sur les rives du Rhin, sont autant de causes de prospérité qui promettent le plus brillant avenir à cette belle ville. Aussi la Hollande ne saurait-elle se méprendre sur cet état de choses.

A peine la révolution belge avait-elle éclaté que cette puissance n’a montré de sollicitude qu pour la conservation de la Flandre des états, et dans sa préoccupation elle n’a pas hésité à livrer une grande partie de son territoire à une ruine certaine pour s’en assurer la possession incontestée. Et lorsque l’exécution du chemin de fer a été arrêtée, elle a immédiatement consacré des sommes immenses à l’extension des forts qu’elle possède sur la rive gauche de l’Escaut, dans le seul but de porter la perturbation dans l’esprit des spéculateurs, et d’entraver ainsi la construction de la partie allemande, en jetant de l’incertitude sur son utilité future.

Si le système de la Hollande a toujours été de comprimer les éléments d’avenir de sa rivale, ne devez-vous pas agir dans un sens tout inverse ? Considéré sous ce point de vue, le canal projeté a été d’une haute conception politique, puisqu’il doit rendre incessamment illusoire entre les mains de la Hollande la possession de la Flandre des états.

Car, messieurs, il ne faut pas vous méprendre sur le but du canal et sur ses résultats. Creusé dans la partie la plus basse de toute la rive gauche de l’Escaut, non seulement il assurera un écoulement certain aux eaux des Flandres, mais il mettra les Hollandais dans l’impossibilité d’inonder leur propre territoire sans l’intervention de nos écluses ; de sorte que leurs forts, privés de leur principal système de défense, cesseront d’être redoutables pour nous, et la liberté de l’Escaut ne sera plus une chimère, puisque dans quelques heures, et en tout temps, vos légions pourront se rendre au pied des bastions de leurs forts et venger l’injure nationale. La confiance du commerce renaîtra lorsqu’on comprendra que vous ne devez plus recourir aux interventions longues et chanceuses des puissances étrangères pour faire respecter la foi des traités.

Après cela ne doit-on pas s’étonner que la majorité de la section centrale ait cru devoir ajourner la construction de ce canal à l’époque de l’arrangement de nos affaires avec la Hollande ? Ce serait évidemment renoncer aux avantages que les circonstances placent entre nos mains, et dans l’éventualité d’une reprise des négociations, ce serait laisser à nos adversaires une faveur de position dont ils profiteraient avec leur habilité ordinaire.

Je sens, messieurs, qu’à cause des charges bien lourdes déjà pour le pays, il faut être sobre de dépenses. Mais cette considération s’affaiblira sensiblement pour les personnes qui voudront bien se donner la peine de pénétrer au fond des questions. La construction de ce canal renversait entièrement la position respective de la Belgique et de la Hollande ; nous n’aurions plus désormais à garantir une frontière ouverte sur une étendue de près de 20 lieues ; l’ennemi, loin d’être menaçant de ce côte, ne se croirait bientôt plus en sûreté dans les forts qu’il possède sur son territoire. De sorte que, sans inquiétude de ce côté, l’armée de 15 à 16,000 hommes que vous entretenez dans les Flandres vous deviendrait en grande partie inutile ; et si rien ne vous force à renforcer l’armée principale, vous pouvez augmenter le nombre des permissionnaires, et alléger proportionnellement les charges du trésor.

D’ailleurs, messieurs, il répugnera à votre humanité de baser votre système de défense sur la ruine et la désolation de plusieurs milliers de familles, et pour ma part, je ne serais pas surpris que la pensée du ministère soit, à défaut du canal en question, de continuer sur la lisière des Flandres les constructions stratégiques qu’il se propose d’établir sur la ligne du Demer. Mais dès lors la dépense qu’occasionnerait cette mesure ne serait-elle pas beaucoup plus élevée que celle qui résulterait du canal, sans jamais compenser les avantages que celui-ci présente.

Ce canal vous donnerait immédiatement une ligne de douanes, et ferait rentrer dans les caisses de l’Etat des sommes très considérables, qui en sont détournées aujourd’hui par la facilité avec laquelle la fraude se fait dans un pays entrecoupé de bois et de clôtures.

Je pourrais, messieurs, faire valoir d’autres considérations, qui ne seraient pas sans influence sur vos esprits ; mais il est des choses qu’il serait impolitique de livrer à la publicité. Je crois d’ailleurs vous en avoir dit assez pour vous démontrer que ce canal rendra incessamment inutile, onéreuse même entre la mains de la Hollande, la possession de la rive gauche de l’Escaut, et que le résultat nécessaire de cette construction sera de nous mettre en possession de ce territoire dans un temps qui serait facile à déterminer, si des irritations politiques ne venaient pas se jeter en travers de la marche ordinaire des événements. Mais les rois non plus que les autres hommes ne saurait échapper aux imprescriptibles lois de la nature, et vous ne pouvez, messieurs, sans encourir une grave responsabilité, contrarier la nature des choses, et retarder un événement qui est dans vos espérances et que tout tend à réaliser.

M. de Roo. - Vous voyez que l’allocation demandée de 550,000 fr. pour le canal de dessèchement de Blankenberghe à Zelzaete a rencontré quelques difficultés dans la section centrale.

Cependant,les 1ère, 4ème, 5ème et 6ème sections l’ont admises sans observations.

La 2ème seulement, à la majorité d’une voix, renvoie l’exécution de ce projet à l’époque où nos différends avec la Hollande seront définitivement aplanis. C’est là, messieurs, évidemment, nous renvoyer aux calendes grecques.

Quelques membres, cependant, de cette section ont déclaré que, dans leur opinion, le creusement de ce canal est plutôt dans l’intérêt des deux Flandres et d’Anvers que dans l’intérêt général ; et, par conséquent, qu’il est juste de faire contribuer ces provinces pour une grande partie dans les frais de ces travaux.

Je dois vous observer, messieurs, qu’il est de principe, que lorsqu’un canal traverse plusieurs provinces, il en doit être de même que lorsqu’une chaussée traverse également deux ou plusieurs provinces. Et bien, dans une pareille hypothèse, il est admis que ce n’est point là un intérêt provincial seul, et que par conséquent un pareil canal, une pareille route, sont réputés faits dans l’intérêt général, et que les charges et les bénéfices en sont pour l’Etat.

Mais ce qui a divisé la section centrale sur ce point, c’est que quelques membres avaient en vue la construction d’un canal d’une plus grande dimension ; enfin, un second Escaut.

Quant à moi, je n’ai pu partager cette opinion gigantesque, pour différents motifs.

Le premier, c’est qu’un pareil projet ne coûterait pas seulement 3 ou 4 millions, comme doit coûter celui proposé par le gouvernement, mais en coûterait 30 ou 40.

Le second est que, si l’on veut construire un canal de navigation au lieu d’un canal de dérivation ou d’écoulement, nous avons, à cet effet, le canal d’Ostende à Bruges, qui débouche également dans la mer du Nord, et qui est le plus beau de l’Europe ; de Bruges, nous en avons un qui conduit à Gand : celui-ci, on pourrait l’élargir et le rendre navigable à de plus grands bâtiments ; et de là vous avez l’Escaut jusqu’à Rupelmonde, que l’on pourrait également canaliser, approfondir, en le rendant navigable aux bâtiments de mer ; ceci coûterait infiniment moins et aurait le même résultat.

En troisième lieu, vous avez le chemin de fer qui, d’Ostende, communiquera avec presque toutes les grandes villes du pays et même avec l’Allemagne. Ce chemin, outre qu’il remplira le même but que votre grand canal, aura en plus l’utilité d’être praticable pendant l’hiver, où le canal se trouvera gelé pendant au moins trois mois par an.

Quant à l’utilité du canal de desséchement, elle a été établie à l’évidence par un précédent orateur et a été reconnu de tout temps ; en premier lieu, par l’Autriche qui a fait construire l’écluse du Hazegras ; par la France, qui a construit celle du Capitalem-Dam ; la Hollande seule n’a rien fait, parce que les deux pays étant réunis, il n’y avait pas de difficultés à opposer l’écoulement de nos eaux ; il est donc réservé à la Belgique d’exécuter ce plan conçu depuis longtemps et dont l’utilité ne peut être tirée en doute, puisque les Hollandais étant maîtres des écluses peuvent nous inonder quand bon leur semble.

Le projet du gouvernement est aussi utile à l’Etat sous le rapport des contributions dont il est privé en cas d’inondation, et des secours que l’on demande en ce cas, et qui finissent par coûter plus à l’Etat que la somme demandée pour la construction du canal.

Je ne parlerai pas de l’utilité en fait de douane, c’est-à-dire pour empêcher la contrebande, qui est assez considérable de ce côté ; étant une barrière naturelle, elle sera plus difficile.

Cela tient également à l’indépendance du pays ; il faut s’affranchir du joug de l’étranger lorsqu’il y a possibilité de le faire ; dans le cas actuel, nous sommes tributaires de la Hollande, nous sommes dans sa dépendance ; construisons notre canal, et l’objet changera de face.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Messieurs, d’après ce qui vient de vous être dit, je crois devoir me borner à vous faire part du sujet qui a divisé la section centrale.

Toutes les sections particulières avaient accordé l’allocation, à l’exception d’une seule qui à la majorité d’une voix l’a refusée. La section centrale a d’abord admis le principe à l’unanimité ; mais quand on est venu examiner le mode d’exécution proposé, une division s’est manifestée dans son sein. On a craint que ce canal ne fût pas conçu sur un plan assez large, on a critiqué le tracé. D’après la carte fournie par M. le ministre de l’intérieur, il paraît que le canal du côté de la Flandre orientale passe très près de la frontière hollandaise. On a demandé des renseignements à M. le ministre, il a répondu que le tracé n’était pas définitivement arrêté. Dans cet état de choses, la minorité, et j’en faisais partie, a cru qu’il était toujours possible de commencer les travaux qui s’étendent dans la Flandre Occidentale. D’après le plan, ces travaux iraient depuis la mer à Blankenberghe jusqu’au canal de Bruges. Le tracé de cette partie des travaux n’a rencontré aucune objection. Toutes les difficultés qui ont été élevées, portent sur la partie du canal qui passe dans la Flandre orientale. D’ici à l’époque où cette dernière partie devra être exécutée, on aura eu le temps d’examiner de nouveau les localités et de rectifier ce que le tracé peut avoir de défectueux.

M. de Roo et moi avons pensé qu’on pouvait commencer dès à présent les travaux dans la Flandre occidentale, mais les autres membres ont cru devoir ajourner la dépense jusqu’à ce que les plans et devis définitifs aient pu être soumis à la chambre.

Je comptais vous entretenir de la nécessité du canal et de l’urgence de commencer les travaux là où l’exécution ne rencontrait pas de difficulté. Mais MM. de Roo et Van Hoobrouck ayant rempli cette tâche, je crois devoir m’en référer aux détails dans lesquels ils sont entrés, après vous avoir exposé les motifs qui ont divisé la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le canal dont il est question peut se diviser en deux parties distinctes, entièrement indépendantes l’une de l’autre. La partie la plus considérable de ce canal doit coûter environ quatre millions. Elle prendra son origine à Zelzaete et ira aboutir au canal dit de l’Ecluse. Ce n’est pas de cette partie que nous avons à nous occuper aujourd’hui. Le chiffre demandé s’élève à 550,000 francs, c’est environ ce que coûtera la deuxième partie du canal, dont le point de départ est le canal de l’Ecluse et qui doit déboucher à la mer près de Blankenberghe. Pour cette partie, comme vous voyez, la dépense n’est pas considérable, et je ferai de plus observer qu’en la votant on ne s’engage en aucune manière pour l’exécution de l’autre partie du projet.

On a argumenté contre l’exécution immédiate de cette partie, en disant que peut-être il serait préférable de se fixer sur la construction d’un grand canal de navigation qui pourrait au besoin suppléer à l’Escaut. Messieurs, je ne pense pas que cette considération puisse faite différer l’exécution du projet dont il s’agit. En effet, il paraît démontré qu’en aucun cas le canal de navigation qu’on voudrait exécuter, pour remplacer l’Escaut, ne pourrait servir à l’usage auquel le canal dont nous nous occupons est destiné, parce que pour un canal de navigation il faut tenir les eaux à une grande élévation ; ce qui ne permet plus l’écoulement des eaux et par conséquent le dessèchement des terres basses. C’est pour cela qu’il faut un canal de desséchement. Ainsi, la considération d’un canal de navigation doit être entièrement écartée.

D’ailleurs, il ne peut pas être question maintenant d’un grand canal de navigation. Ce canal devrait avoir au moins une longueur de dix-huit lieues et être construit à grande dimension. Un travail semblable coûterait des sommes considérables. Mais puisque la liberté de l’Escaut nous est garantie, il ne doit pas être question de nous engager dans une dépense de cette nature. Il n’y a pas non plus de motif suffisant pour ajourner un travail utile, dans la prévision d’un autre travail, qui, selon toutes les vraisemblances, n’aura pas lieu.

Mais, messieurs, comme je viens de le dire, il faut se fixer sur cette question : un canal de dessèchement est-il nécessaire pour les Flandres, ou tout du moins, la partie qu’il s’agit de construire maintenant et qui ne doit coûter que 600,000 fr. est-elle nécessaire ; son utilité n’est-elle pas de beaucoup supérieure à la dépense ? Sur ce point, je crois qu’il ne peut pas y avoir de doute.

Une enquête a été ouverte dans trois provinces : Anvers, la Flandre orientale et la Flandre occidentale. La province d’Anvers a dit que, pour elle, elle n’était pas intéressée à la construction du canal, mais qu’elle en reconnaissait l’utilité pour les Flandres. La Flandre orientale et la Flandre occidentale ont fait au projet l’accueil le plus favorable. De manière que, dans les provinces intéressées, l’enquête a été favorable au canal de dessèchement. Il ne peut pas surtout y avoir d’objection sérieuse au projet, alors qu’on ne demande que la construction de la partie du canal qui dans tous les cas est indispensable. Cette dépense avait été évaluée à 600,000 fr., mais on a cru pouvoir le réduire à 550,000 francs.

Lorsque le projet a été discuté dans la section centrale, le plan détaillé n’était pas encore fait ; mais il est actuellement achevé et soumis au conseil des ponts et chaussées. Mais il n’est pas nécessaire de retarder pour cela le vote de la chambre, car il ne s’agit là que d’une question d’art, d’une question très simple en elle-même, et qui ne peut donner lieu à aucune difficulté. D’un autre côté, il ne pourra pas y avoir de grande différence dans l’évaluation des dépenses.

Je pense donc que l’on peut sans crainte et que l’on doit voter la construction de cette première partie du canal.

M. le président. - La parole est à M. A. Rodenbach.

M. A. Rodenbach. - Mon intention étant de parler en faveur du projet, si quelqu’un veut parler contre, j’attendrai pour répondre.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, en général je suis pour tous les travaux tendant à créer des communications nouvelles dans le pays, parce qu’à mon avis, comme l’a dit l’honorable M. dé Puydt, l’argent ainsi employé est de l’argent placé à haut intérêt. Cependant je viens demander l’ajournement du crédit réclamé pour le canal de Blankenberghe à Zelzaete. D’après le rapport, les plans de ce canal ne sont pas encore terminés. Il est vrai que M. le ministre de l’intérieur vient de dire qu’actuellement ils étaient achevés. Mais toujours est-il que personne n’a eu entre les mains des documents suffisants pour pouvoir voter en connaissance de cause. Avant une somme comme celle qu’on vous demande, il faut avoir été mis à même de savoir l’usage qu’on en veut faire et d’en apprécier l’utilité.

Je demanderai que M. le ministre veuille bien déposer sur le bureau les rapports des ingénieurs, plans et devis sur ce canal. Si ces documents ne nous étaient pas remis avant le vote, je déclare que, quant à moi, je voterai contre l’allocation, parce que je ne me trouve pas suffisamment éclairé sur la demande qui nous est faite.

Je conçois que, comme l’a dit M. le ministre, le projet ait reçu l’accueil le plus favorable dans les Flandres : cela n’est pas étonnant, puisque le projet à été conçu dans leur intérêt. Mais ce ne doit pas là être un motif déterminant pour la chambre. Il en résultera, dit encore le ministre, une grande amélioration pour l’agriculture des Flandres. Sous ce rapport, je suis disposé à donner mon assentiment, lorsqu’on nous aura fournis tous les documents que je réclame. Cependant, si l’amélioration de l’agriculture dans les Flandres était le seul motif qui dût nous faire accorder le crédit, je ferai observer qu’il y a d’autres pays où l’agriculture a plus besoin d’améliorations que dans les Flandres, car là déjà l’agriculture est florissante, c’est même le pays de la Belgique où elle l’est le plus.

Nous avons dans les Ardennes un canal commencé depuis huit ans ; il est vrai que c’est par une société, mais les travaux faits pour plusieurs millions dépérissent malgré tous les soins de l’administration pour les conserver. Le Luxembourg entier réclame l’exécution de ce canal qui doit être la grande artère par où s’écouleront tous ses produits. S’il s’agit d’améliorer l’agriculture, il est plus urgent de terminer ce canal que de faire celui des Flandres car il traverse les parties les plus arides de notre pays et qu’on cultiverait cependant si on ne manquait pas de communication. Ce canal, en facilitant les moyens de cultiver ces terrains, les rendrait productifs pour les habitants et pour le trésor.

Mais, messieurs, nous vous fatiguons peut-être en vous parlant toujours du Luxembourg. Ces jours-ci, j’avais demandé deux mille francs pour cette province, qui depuis la révolution n’a obtenu en tout et pour tout que 35 mille fr.

Et bien, parce que nous avons obtenu ces deux mille francs, à la sortie de la séance tout le monde nous faisait compliment. Ah, nous disait-on, vous avez remporté une victoire, vous avez obtenu ce que vous vouliez pour votre province ; je vous en félicite. Il y avait bien lieu de nous féliciter pour 35 mille fr. que nous avions obtenus depuis la révolution, tant pour nos routes que pour l’instruction publique. La chambre nous avait accordé 25 mille fr. pour un petit bout de route de Virton, et heureusement hier, par commisération, elle nous a accordé 10 mille fr. pour notre instruction.

Je prie la chambre de me pardonner cette digression en faveur d’une province qu’on oublie trop souvent. On nous permettra de rappeler de temps en temps que nous faisons partie de la Belgique, alors qu’on accorde aux autres provinces des sommes immenses pour routes et canaux, tandis que nous, quand nous avons besoin de quelques mille francs, nous sommes obligés de nous époumoner pour les obtenir.

Messieurs, j’ai un autre motif pour demander l’ajournement du crédit demandé.

L’honorable M. de Puydt a fait une proposition relative aux canaux, et si je l’ai bien compris, il propose de faire pour les canaux ce qu’on a fait pour les routes. Une commission doit examiner cette proposition. Eh bien, cette commission vous fera un rapport général sur tous les travaux de canalisation, sur le canal de Blankenberghe comme sur les autres.

Il n’y a pas de nécessité de voter aujourd’hui les 500,000 fr. demandés, alors que vous êtes sans documents et que vous n’avez d’autres renseignements que ceux qui viennent de vous être donnés par le ministre : à moins cependant que l’accueil fait au projet par les Flandres, les Flandres ayant ici trente-trois députés, ne soit un motif pour voter tout de suite.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, quant à l’agriculture florissante des Flandres, dont a parlé l’honorable préopinant, je dois dire qu’autrefois ces terres, aujourd’hui si bien cultivées, étaient couvertes de bruyères, et que les améliorations qui ont été apportées sont dues au travail, aux succès des habitants. La question essentielle ici, messieurs, c’est que lorsqu’il y a quinze jours de pluie seulement, tout y est inondé ; des maisons entières y sont perdues ; les Hollandais peuvent, quand cela leur plaira, inonder tout ce pays. En 1831 et 1832, il y eût de fortes pluies et l’on ne fît pas de récoltes ; on vous l’a déjà dit, et plusieurs honorables préopinants vous ont fait sentir la nécessité d’un canal de dessèchement. Les gouvernements autrichien, français, hollandais, ont tous commencé des travaux dans ce but, qui sont restés inachevés. Je le répète, ce canal est de la plus importante nécessité et s’il faut faire valoir de nouveaux titres en faveur des habitants de cette contrée, je dirai qu’ils se sont vaillamment conduits en marchant à l’ennemi et qu’ils ont des titres comme les autres Belges à la bienveillance du gouvernement.

M. Donny. - Lorsque j’ai entendu un honorable membre de la section centrale vous dire que dans cette section quelques membres avaient voulu faire de la construction actuellement en discussion un canal de dessèchement, tandis que d’autres avaient parlé d’un second Escaut, j’ai dû croire que le gouvernement ne s’était pas suffisamment expliqué, et j’ai ultérieurement conclu que puisque nous n’avions eu sous les yeux aucun devis, aucun plan, nous étions dans une entière ignorance des intentions du gouvernement. Je me suis alors souvenu qu’il nous avait fourni une carte et qu’on y avait fait figurer ce canal, et j’ai pensé que la section centrale avait, pour se décider, voulu connaître ce plan. Depuis que M. le ministre de l’intérieur a déclaré qu’il ne s’agissait que d’un simple canal de dessèchement, la question a pris à mes yeux une forme plus déterminée, et je ne saurais contester l’utilité de la construction demandée. Il faut croire que le gouvernement, en portant la dépense à 550 mille francs, a pris les informations nécessaires.

Aujourd’hui donc que j’ai acquis de nouveaux documents sur la question, je dois me prononcer contre la section centrale et appuyer l’opinion des honorables MM. Van Hoobrouck et de Roo.

M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour expliquer le vote de la majorité de la section centrale.

Cette section n’a pu contester l’utilité et même l’urgence d’un canal de dessèchement ; mais elle avait voulu, avant d’émettre son opinion, obtenir des renseignements nécessaires, et pour ce fait demander des renseignements au ministère de l’intérieur, tant sur les devis que sur les plans de construction. Il en est résulté que la section centrale s’est trouvée nantie d’un plan, mais non de projets ni de devis, ainsi que l’a dit l’honorable rapporteur : la section centrale ayant reconnu que cette construction serait aussi favorable à la Hollande qu’à la Belgique, que ce canal, si vanté pour éviter la fraude, la favoriserait au contraire, a, à la majorité de 3 voix contre 2, décidé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder la somme demandée pour cette construction en ce moment, mais bien d’ajourner cette opération jusqu’à ce que l’utilité en ait été formellement démontrée.

Remarquez bien, messieurs, que les 550 mille francs demandés ne serviront qu’à un simple commencement d’exécution. La première section devra coûter cette somme, et la seconde, 4 millions selon les expressions mêmes de M. le ministre de l’intérieur, à qui je demanderai si la province et les intéressés ne doivent rien donner, pour contribuer à ces dépenses, car il paraît que cette construction est tout à l’avantage du pays où elle se trouvera placée. Il ne me paraît pas juste que l’Etat soit seul appelé à faire toute cette dépense.

M. Watlet. - J’avais demandé la parole pour m’exprimer dans le même sens que M. Eloy de Burdinne, et dire quelques mots en faveur de la section centrale en raison du vote qu’elle a émis.

Personne dans la section centrale, ni dans les autres sections, n’a méconnu l’utilité et l’urgence de ces constructions ; mais, et sans partir du principe qui veut que lorsqu’une construction se fait dans l’intérêt d’une ville ou d’une province, ce soit à elles à en supporter les frais ou partie des frais, sans nous arrêter à cette considération évidemment applicable à ce cas-ci, je dirai que la section centrale a été guidée par des considérations d’une tout autre nature que celles auxquelles fait allusion un honorable préopinant, en disant qu’elle a été guidée par un but d’économie. Je dirai ensuite que l’on n’a pas, ainsi que cela a été dit, voulu ajourner cette construction jusqu’à un arrangement définitif avec la Hollande c’eût été la remettre aux calendes grecques.

Nous n’avons pas pensé non plus à un canal de grande navigation, à un deuxième Escaut ; il n’a été nullement question de cela. La section centrale ayant vu que, sur un simple projet, la dépense était évaluée à quatre millions, et sachant bien qu’il faut toujours ajouter au moins un tiers aux projets des ingénieurs (mais restons-en aux 4,000,000), la section centrale, dis-je, a pensé qu’avant d’allouer une somme si considérable au bénéfice d’une province, il lui fallait examiner mûrement la question. C’est alors qu’elle a demandé à M. le ministre de l'intérieur des plans, des devis. Au lieu de faire droit à ces réclamations, et il ne le pouvait sans doute pas alors, M. le ministre envoya une simple carte des Flandres avec un tracé à l’encre rouge ; ce qui ne nous satisfit nullement.

Notre but, le voici : Nous avons pensé que si l’Etat, au lieu de subvenir par subside à la construction de ce canal, prenait sur lui de le construire à ses frais, il fallait au moins qu’il servît à l’intérêt général, ce qui pouvait arriver si on l’appliquait à un double but, c’est-à-dire en faire premièrement un canal de dessèchement pour les deux Flandres, puis un moyen de défense pour le pays. C’est là le motif qui nous a fait demander les plans et devis qu’on ne nous a pas fournis. Nous voulions examiner si, au moyen de ces 6 millions et plus même encore, on pourrait atteindre ce double but de dessèchement et de moyen de défense. Voilà quelle a été l’intention de la section centrale, et si les honorables membres qui ont parlé contre son vote avaient bien voulu prendre connaissance du rapport, ils auraient appris quels étaient ses motifs, car ce rapport s’exprime ainsi :

« Dans la section centrale, on a vivement contesté, non l’utilité du projet lui-même, mais le mérite du plan d’après lequel les travaux doivent, à ce qu’on dit, s’exécuter.

« Les plans et devis ont été demandés au ministère.

« Il n’a pu être fourni qu’une carte sur laquelle se trouve indiqué le tracé de ce canal. Quant au devis, le gouvernement répond que l’avant-projet, qui a été soumis à l’enquête, n’ayant donné qu’une estimation globale de la dépense, l’on a demandé à l’inspecteur-général des projets détaillés pour l’exécution. Ce travail, dont les ingénieurs s’occupent, n’est point encore terminé.

« La carte transmise a paru venir à l’appui des critiques dont le plan avait été l’objet. Le tracé touche en deux points la frontière hollandaise. Cependant deux membres ont pensé qu’il n’y avait nulle difficulté à voter dès à présent la somme demandée. La partie du canal qu’on se propose d’exécuter en 1835, s’étend sur le territoire de la Flandre occidentale, et n’a donné lieu à aucune observation. Pendant qu’on s’occupe de ces travaux, on aura le temps d’examiner de nouveau et de rectifier, s’il y a ici, le tracé dans la province de la Flandre orientale, qui a été seul l’objet de la critique.

« La majorité n’a point partagé cet avis ; elle a jugé préférable d’ajourner cette dépense jusqu’à ce que les plans et devis définitifs aient pu être soumis à la chambre. Elle n’a toutefois point méconnu l’utilité de l’entreprise, et s’est déclarée prête à voter les fonds nécessaires dès qu’elle aura obtenu son apaisement sur les doutes que lui inspire le mode d’exécution projeté.

« En conséquence, la section centrale, à la majorité de trois voix contre deux, vous propose d’écarter pour le moment l’article 3. »

Vous voyez donc bien que la section centrale n’a pas voulu ajourner indéfiniment ces constructions, mais que son but a été de ne pas voter en aveugle : il n’y a point ici de but d’économie, puisque la majorité de la section centrale était d’avis d’allouer une somme plus forte que celle demandée, si l’on pouvait atteindre le double but que l’on désirait.

Je dirai encore que le tracé à l’encre rouge ne nous a pas satisfait, parce qu’il touche à la Hollande et que, loin de nous être favorable, un canal en cette position pourrait nous être nuisible. Je n’ai pas de connaissances militaires en matière stratégique, mais j’ai consulté des personnes versées dans ces connaissances spéciales et ils m’ont répondu que, par ces constructions, nous favoriserions et les ennemis et la fraude.

J’oubliais d’ajouter encore une observation. Je ne sais si c’est à l’occasion de ces constructions ou de quelque chose d’analogue que l’honorable M. de Puydt a proposé de nommer une commission mixte composée d’ingénieurs civils et militaires. Il me semble que ce serait ici le cas ou jamais. Je ne sais si c’est bien là sa proposition mais dans tous les cas je la ferais mienne s’il en était autrement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - En effet, tous les projets de routes et de canaux qui touchent les frontières d’un pays voisin sont soumis à l’inspection du génie militaire ; quoiqu’il n’y ait pas de commission mixte établie en ce moment, cela se pratique toujours ainsi. Dans l’espèce le projet dont il s’agit n’a pas été soumis au ministre de la guerre, parce qu’il n’était pas encore tracé, arrêté : mais je dois dire qu’il résulte d’un rapport de l’ingénieur général des ponts et chaussées qui s’est rendu sur les lieux, que ce projet ne souffrirait aucune opposition de la part de cette administration ni aucune modification de la sienne. Dès que les ponts et chaussées prononceront, j’en parlerai au ministre de la guerre pour avoir son avis, et alors les travaux commenceront.

M. Dumont. - Il me reste peu de chose à dire après ce qui a été avancé par d’honorables préopinants. Il s’agit d’un demi-million pour constructions ; on presse pour le voter, et cependant le conseil des ponts et chaussées n’a pas fait son travail ; il s’agit d’un travail sur la ligne ennemie, et le ministre de la guerre n’a pas été consulté.

Il n’a pas été répondu aux questions soulevées dans la section centrale. On a dit que, puisque ces constructions devaient favoriser des localités spéciales, les frais devraient incomber à ces localités. M. le ministre de l'intérieur vient de vous apprendre qu’il ne s’agissait que d’un canal de dessèchement et non pas d’un canal de navigation. S’il ne s’agit que d’un canal de dessèchement, pourquoi les localités n’interviendraient-elles pas ? Il y a des lois qui s’expliquent formellement à cet égard. Il s’agit d’empêcher des inondations, dira-t-on ? Mais si vous adoptez ce principe, vous serez bientôt obligés de venir au secours d’autres localités.

Les rives de l’Escaut sont exposées à des inondations fréquentes. On a cherché souvent à y remédier, mais l’idée de faire peser les frais sur l’Etat n’est jamais venu à personne. Je dirai en définitive que la question n’est nullement examinée. N’est-il pas possible, comme ont dit les honorables préopinants, d’atteindre le double but favorable soit à la défense du pays soit au commerce ? On ne peut se prononcer sans connaître l’avis du conseil des ponts et chaussées et du ministère de la guerre.

Voilà tout ce que j’avais à dire ; je ne voterai pas indéfiniment contre le projet, mais je demande qu’il soit ajourné et fasse l’objet d’une loi spéciale : je demande que l’on fournisse des documents propres à éclairer l’assemblée, qu’il soit dit, s’il n’est pas possible de faire intervenir les localités dans la dépense, et enfin que l’on sache, en commençant, à quelle dépense on s’engage pour la totalité.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Un honorable préopinant a déjà fait valoir de hautes considérations en faveur du canal de Blankenberghe à Zelzaete.

Il ne faut pas, messieurs, confondre deux choses très distinctes. Le projet se compose de deux parties : la deuxième, qui est celle dont il s’agit ici, est entièrement indépendante de la première pour l’exécution. Toutes les observations faites sur la rectification du tracé sont étrangères à la partie qui s’exécute sur le territoire de la Flandre occidentale ; ici point de difficultés, point d’objections, tout le monde est d’accord. Les changements que certaines personnes paraissent désirer dans la direction du tracé, se référent exclusivement à la deuxième partie du canal, à celle qui d’après la proposition ministérielle se trouve ajournée de fait jusqu’à la production des plans définitifs.

Je n’aperçois donc rien qui doive raisonnablement faire ajourner à une autre époque le commencement d’exécution d’un travail qui depuis si longtemps a éveillé la sollicitude de tous les gouvernements qui se sont succédé. L’exécution isolée de cette deuxième partie du canal aurait, à la vérité, moins d’importance pour les Flandres et pour le pays tout entier, si l’autre partie ne s’exécutait point.

Mais cette deuxième partie seule offre déjà un haut degré d’utilité pour l’écoulement de toutes les eaux dont cette partie de la Flandre est le bassin, et en même temps comme ligne défensive contre la Hollande.

On vous a dit, messieurs, que les Flandres jouissaient déjà de grands avantages, qu’elles étaient dotées d’une foule de routes et canaux. Mais il est à remarquer que personne n’a le droit d’envier ces avantages aux Flandres ; ces provinces n’en sont redevables qu’à elles-mêmes. Toutes leurs routes, tous leurs canaux ont été construits en grande partie à leurs frais ; le gouvernement central y est presque constamment resté étranger.

D’ailleurs, il me semble que c’est cette position des Flandres qui est surtout favorable aux autres provinces ; car si l’on fait un emprunt dont l’objet sera de doter le pays des grandes communications qui lui manquent encore, ce n’est pas les deux Flandres, ce n’est pas surtout la Flandre occidentale qui réclameront la plus forte part de cette dépense ; elle profitera plus particulièrement à d’autres localités, à d’autres provinces.

On a dit que le travail dont il s’agit était un canal de dessèchement ; ce n’est pas à proprement parler un canal de dessèchement, c’est plutôt un canal d’écoulement ; car il est destiné à écouler les eaux qui à certaines époques fixes affluent trop abondamment dans les Flandres. Considéré sous ce rapport seulement, je conviens que ce canal est plus utile aux Flandres qu’à d’autres provinces. Mais de même, lorsqu’une route traverse plusieurs provinces, ces provinces en retirent plus d’avantages que les autres.

Si l’on veut consacrer aujourd’hui en principe que, lorsque des travaux seront d’une utilité plus particulière pour une ou plusieurs provinces, ce seront ces provinces qui en feront les frais, je le veux bien. Chaque province fera tous ses grands travaux de communication, ses routes pavées, ses canaux, et par conséquent en supportera tous les frais. Ce n’est pas une proposition que je fais ; je crois qu’une telle proposition, si elle pouvait être accueillie, serait fatale pour la Belgique. Mais je dis qu’il devrait en être ainsi si l’on veut que la construction d’un canal d’écoulement, qui doit servir en même temps de ligne défensive pour le pays, ait lieu aux frais des deux Flandres, par le seul motif que ces travaux seront d’une utilité plus immédiate pour ces provinces.

Il est à remarquer, messieurs, que dans les sections, 4 sur 6 n’avaient fait aucune observation contre la somme pétitionnée par le gouvernement. Je lis dans le rapport de la section centrale sur l’article 3 : « Canal de Blankenberghe à Zelzaete pour l’écoulement des eaux des Flandres : fr. 550,000. »

« Adopté sans observations par les 1ère, 4ème, 5ème et 6ème sections.

« La deuxième, à la majorité d’une voix, rejette l’article et renvoie l’exécution de ce projet à l’époque où nos différends avec la Hollande seront définitivement aplanis. Quelques membres de cette section ont déclaré que, dans leur opinion, le creusement de ce canal est plutôt dans l’intérêt des deux Flandres et d’Anvers que dans l’intérêt général. Ils pensent qu’il est juste que les provinces intéressées soient tenues de contribuer pour une grande partie dans les frais de ces travaux.

« La 3ème section subordonne son vote approbatif à la condition que ce canal, creusé aux frais de l’Etat, soit exécuté de manière à ne pas servir exclusivement à l’écoulement des eaux des Flandres, mais à offrir, dans l’intérêt général, la plus grande utilité possible. »

Si par cette plus grande utilité possible on a voulu dire que le canal d’écoulement devait être creusé de manière à pouvoir servir en même temps de ligne défensive contre la Hollande, je suis parfaitement d’accord avec la 3ème section ; car c’est là le plus grand et le principal but d’utilité de ce canal. Mais si l’on a voulu que ce canal servît en même temps à l’écoulement des eaux et à la grande navigation, c’est là, à mes yeux, une grande erreur, et je ne comprends pas que l’on puisse soutenir cette opinion. Il est impossible qu’un canal ait utilement cette double destination : s’il est en même temps canal de dérivation et de grande navigation, il en résulte de deux choses l’une : ou que la navigation se trouve constamment interrompue, ou que l’on n’atteint pas l’autre but qu’on s’est proposé, qui consiste à pouvoir déverser en temps utile le trop plein des eaux.

J’entends près de moi l’honorable M. Fleussu dire que c’est faire le procès au canal, que de reconnaître qu’il ne sera qu’un canal de dérivation.

Je ferai remarquer à l’honorable député que l’utilité immédiate de ce canal, pour les Flandres, c’est d’être un canal de décharge et de dérivation des eaux. Mais j’ai déjà dit que dès à présent, et surtout lorsque l’autre partie du canal, sur le territoire de la Flandre orientale, sera achevée, ce canal aura un grand but d’intérêt général, qu’il servira de ligne de défense contre la Hollande, et qu’il offrira en même temps les moyens de prévenir et d’empêcher la fraude.

Au reste, sous ce rapport, il n’y a pas de différence essentielle entre ce canal et une route ; celle-ci offre également deux sortes d’avantages ; indépendamment d’un avantage plus ou moins général, chaque route qu’on construit offre un avantage spécial, direct, immédiat pour les habitants de la province que parcourt la nouvelle route.

Je crois donc que, sans attendre même d’autres renseignements, la chambre peut voter la somme de 550,000 fr. demandée pour l’exécution de la partie du canal qui doit s’étendre sur le territoire de la Flandre occidentale. Les observations que l’on pourra avoir à présenter trouveront leur place quand il s’agira de voter l’autre partie de la dépense, c’est-à-dire, l’achèvement du canal sur le territoire de la Flandre orientale.

- La séance est levée à 4 heures et demie.