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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 17 décembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à la mise à charge
des communes des suppléments de traitements des vicaires (Lardinois)
2)
Projet de loi portant le budget des affaires étrangères et de la marine pour
l’exercice 1835
3)
Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour l’année 1835 (de Puydt)
4)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1835.
Opportunité d’une contribution extraordinaire de guerre au regard de la
situation diplomatique générale et/ou d’éventuelles manœuvres de l’armée
hollandaise. Répartition de cette contribution entre les impôts, notamment
entre la contribution foncière d’une part et les droits de douane, d’accises ou
de transit d’autre part ((+nécessité de réviser le système fiscal et
proposition d’un système de taxation progressif) Pirson,
Smits, de Behr, Devaux,
d’Hoffschmidt, de Foere, A. Rodenbach, Meeus, (+impôt sur
les distilleries et sur le café) A. Rodenbach,
(+société générale) Meeus et Dumortier,
Donny, (+contribution personnelle) Seron
et d’Huart, Dumortier, de Robaulx, d’Huart, Lardinois, Dumortier, Gendebien, de Robaulx, d’Huart, F. de Mérode, Dumont, Lardinois, Dumortier)
(Moniteur
belge n°352, du 18 décembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. H. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse communique les pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les conseils de
fabrique des deux églises de Verviers demandent que dans la loi communale on
déclare que les subsides pour supplément de traitement aux vicaires sont à la
charge des communes. »
_________________
« Le baron de Wyman de Kirchberg demande que l’impôt sur la fabrication de
la bière soit diminué. »
« Le sieur Jean Loix, distillateur à Saint-Nicolas, signale des
inconstitutionnalités dans l’octroi de cette ville. »
- Sur la demande de M. Lardinois, la chambre ordonne le dépôt de la
première pétition au bureau des renseignements et sur le bureau de la chambre
pour servir à la discussion de la loi communale.
Les autres sont
renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES AFFAIRES
ETRANGERES ET DE
M.
Milcamps est appelé à la tribune pour présenter le rapport sur le
budget des affaires étrangères et de la marine.
Plusieurs voix. - Le dépôt ! l’impression
!
- La chambre décide que
ce rapport sera déposé sur le bureau, imprimé et distribué.
M.
de Puydt. - Je demande la parole pour faire le rapport de la section
centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la fixation du
contingent de l’armée active.
Quelques voix. - L’impression !
M.
de Puydt. - Le rapport n’est pas écrit.
Messieurs, la section centrale
a pris connaissance du projet de loi présenté par le gouvernement pour fixer le
contingent de l’armée active.
Ce contingent étant
établi de la même manière que celui de l’année dernière, la section centrale a
pensé que les motifs qui avaient déterminé la chambre à adopter le projet de
l’année dernière, devaient la déterminer encore aujourd’hui, les circonstances
étant absolument les mêmes ; en conséquence elle propose à l’unanimité
l’adoption pure et simple du projet qui vous est proposé.
- La chambre fixe la
discussion de ce projet entre les deux votes du budget des voies et moyens.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET
MOYENS POUR L’EXERCICE 1835
Discussion des articles
Article 2 nouveau
(subvention de guerre)
M.
le président. - « Art. 2 nouveau à introduire dans la loi des
voies et moyens.
« « Il sera en
outre prélevé dix centimes, à titre de subvention éventuelle de guerre, sur le
principal et les additionnels ordinaires et extraordinaires au profit du
trésor, de la contribution foncière, personnelle et des patentes, des droits de
douanes, de transit et de tonnage, des droits d’accises et timbres collectifs,
et des droits de timbre, enregistrement, greffe, hypothèques et successions.
« A intercaler au tableau des voies et moyens
entre les recettes effectives et les recettes pour ordre.
« Subvention de
guerre :
« Foncier, fr. 1,826,122 50
« Personnel, fr.
814,000 00
« Patentes, fr.
253,499 40
« Douanes, transit
et tonnage, fr. 797,000 00
« Accises et timbres
collectifs, fr. 1,811,000 00
« Timbre,
enregistrement, greffe, hypothèques et successions, fr. 1,736,500
00
« Ensemble, fr. 7,238,121 90. »
Amendements proposés à l’article du gouvernement :
- Par M. Pirson :
« Il sera en outre prélevé
dix centimes à titre de subvention éventuelle de guerre sur le principal et les
additionnels ordinaires et extraordinaires, au profit du trésor, de la
contribution foncière, personnelle et des patentes, qui produiront ; savoir :
« Foncier : fr. 1,826,122 50 c.
« Personnelle : fr.
814,000 00 c.
« Patentes : fr.
fr. 253,499 40 c.
« Plus une
contribution réellement personnelle répartie comme suit, sur la population
numérique du royaume ; savoir :
« Un quart de la
population paiera par tête, ci : néant
« Le 2ème quart, par
tête un franc, soit : fr. 1,000,000
« Le 3ème quart, 1
fr. 50, soit : fr. 1,500,000
« Le 4ème quart, 2
fr., soit : fr. 2,000,000
« Total : fr. 7,343,621
90. »
- Par M. Lardinois :
«
« Sur le principal (montant par approximation)
« Foncier,
15 p.c., soit fr. 2,380,000.
« Personnelle,
10 p. c., soit fr. 740,000.
« Patentes,
10 p. c., soit fr. 182,000.
« Redevances,
10 p. c., soit fr. 10,000.
« Douanes,
5 p. c., soit fr. 400,000.
« Accises
sur les vins et eaux-de-vie étrangers, 20 p. c., soit
fr. 400,000.
« Sur
le sel, bières et vinaigres, sucre, timbre collectif, 5 p. c.,
soit fr. 500,000
« Eaux-de-vie
indigène, 20 p. c., soit fr. 300,000
« Successions,
15 p. c., soit fr. 1,500,000
« Timbre,
enregistrement, greffe et hypothèques, 10 p. c., soit
fr. 400,000.
« Total
: fr. 6,362,700. »
- Par
M. Gendebien :
« «Je
demande qu’on rétablisse dans son intégrité l’art.69, paragraphe 5, de la loi
du 22 frimaire an VII, bien entendu, non pas pour accroître la somme demandée
comme subvention de guerre, mais pour dégrever celles des matières imposables
qui ne sont pas de nature à souffrir, sans inconvénients, les centimes
additionnels demandés par le gouvernement. »
- Par
M. Verrue-Lefrancq :
« Les
dix centimes de subvention éventuelle de guerre ne seront perçus sur l’accise
du sel qu’après la mise à exécution de la loi à intervenir sur cet
impôt. »
- Par
M. Meeus :
« Je
propose que la subvention de guerre soit portée à trente centimes sur la
contribution foncière, en déduction de 10 centimes sur les patentes, douanes,
transit, tonnage, accises et timbres collectifs. »
Par M.
Coghen :
« Je propose de supprimer dans le projet de M. le ministre des
finances les dix centimes extraordinaires sur le droit de douane, transit, et
droit de tonnage, sur le sel et le vinaigre.
Et de
les remplacer par :
« 5
p. c. extraordinaires au-dessus de la proposition de. M. le ministre, sur la
contribution foncière ;
« 10
p. c. sur les vins et eaux-de-vie étrangers et sur le sucre. »
- Par
M. Smits :
« Je
propose de supprimer les mots suivants : « des droits de douane, de
transit et de tonnage, » de l’art. 2 nouveau de
la loi sur les voies et moyens présenté par M. le ministre des finances.
M. Pirson. - Je demande la parole pour une motion
d’ordre. Messieurs, je crois que quand on a présenté un amendement et qu’on
veut le retirer, cela rentre bien dans la motion d’ordre. Je vais donc exposer
les motifs pour lesquels je crois devoir retirer mon amendement.
M. le
ministre des finances, après mes développements, a fait observer que ma
proposition rentrait dans un nouveau système d’impositions, dans un système
définitif, et qu’il serait dangereux d’introduire les changements que je
proposais par une disposition éventuelle ayant pour objet une subvention de
guerre. Cette considération m’a déterminé à retirer mon amendement
Puisque j’ai la parole,
je dirai quelques mots sur les amendements qui suivent le mien.
Celui de M. Lardinois
présente tant de différence dans la quotité pour laquelle les diverses natures
d’impôt sont appelées à contribuer à la subvention demandée par le
gouvernement, que je crois qu’il serait difficile de le discuter avec fruit en
séance publique, mais vous vous êtes opposés à ce que les divers amendements
fussent renvoyés à l’examen de la commission.
Dans ces circonstances,
il me semble que ce qu’il y aurait de mieux à faire et ce qui vous ferait
perdre le moins de temps serait d’adopter la proposition de notre honorable
collègue M. Gendebien, qui tend à imposer les ventes de bois et les ventes
mobilières au taux déterminé par la loi du 22 frimaire an VII, et celle de M
Smits qui propose de retrancher des articles soumis à la surtaxe de 10 centimes
d’après le projet ministériel, les droits de douane de transit et de tonnage.
La première balancerait la perte qui résulterait de la seconde.
Les
motus de l’exception proposée par M. Smits ont été suffisamment développés
hier, car la chambre m’a paru presque unanime pour reconnaître les inconvénients
qu’il y aurait à percevoir les 10 centimes sur les droits de douane, de transit
et de tonnage.
Je voterai donc pour
l’amendement de M. Smits, et, en compensation je porterais une disposition
définitive dans le sens de l’amendement de M. Gendebien. Cette disposition définitive donnerait, je crois,
une augmentation de revenus qui équivaudrait à la perte résultante de
l’amendement de M. Smits.
Je déclare donc que je
retire mon amendement, et que, selon moi, les amendements dont je viens de
parler sont ceux qui concilient mieux les besoins du trésor avec l’intérêt des
contribuables
M.
Smits. - Messieurs, si hier, à la fin de la séance, je me suis
déterminé à vous présenter l’amendement que vous avez sous les yeux, c’est
parce que j’avais cru reconnaître que ceux qui vous avaient été présentés par
quelques-uns de mes honorables collègues, modifiaient trop sensiblement le
projet de M. le ministre des finances
En effet, messieurs,
celui de l’honorable M Pirson, que l’honorable membre vient de retirer, ne
tendait à rien moins qu’à introduire dans notre législation financière le
système des capitations, arbitraire de sa nature et d’une exécution d’ailleurs
trop lente pour la circonstance, tandis que celui de l’honorable M. Lardinois quoique
beaucoup plus rationnel, admet cependant le principe d’une modification
d’urgence dans notre système de douanes que je ne saurais admettre pour le cas
qui se présente aujourd’hui.
Quant à celui de M.
Gendebien, j’avouerai, messieurs, que je n’ai pas été à même jusqu’ici d’en
apprécier la portée, n’ayant pas eu le temps d’étudier suffisamment la loi du
22 frimaire an VII, sur laquelle il s’appuie ; mais je ferai remarquer, à
l’égard de celui de l’honorable M. Meeus, que bien que j’adopte comme lui l’opinion
que la propriété foncière doit, dans les temps calamiteux ou difficiles porter
spécialement le fardeau des charges publiques, parce qu’alors ordinairement les
autres revenus viennent à tarir, il pourrait cependant paraître peu équitable
de la charger aujourd’hui de 30 centimes additionnels.
Je me serais donc rallié
à l’amendement de l’honorable M. Coghen, d’autant plus que, faisant droit à
l’amendement de M. Verrue-Lefranc, il a également pour but de supprimer les
centimes additionnels qui vous sont demandés sur deux objets de consommation de
la classe indigente, le sel et le vinaigre. Cependant, messieurs, j’ai cru ne
pouvoir pas y acquiescer entièrement, parce que la majoration de 10 p. c. qu’il
propose sur les vins et eaux-de-vie, indépendamment d’une autre majoration de 5
centimes extraordinaires sur la contribution foncière, me semble de nature, non
pas à nous mettre en état d’hostilité envers
D’après ces motifs, et
surtout d’après cette dernière remarque, que j’abandonne à l’appréciation du
gouvernement et de la chambre, j’ai cru devoir restreindre ma proposition à une
simple diminution de droit, sauf à me rallier à la proposition de M. Coghen,
pour ce qui concerne la suppression des centimes additionnels sur les sels et
les vinaigres.
Je ne pense pas,
messieurs, qu’on puisse sérieusement m’objecter que la somme de sept millions
est rigoureusement nécessaire pour se garantir d’une agression hollandaise car
ceux qui ont la moindre idée des dépenses occasionnées par les armements
militaires, savent parfaitement que ce n’est point avec une aussi faible
ressource qu’on pourvoit à tous les besoins. Telle est au moins ma conviction,
et cette conviction en amène une autre, celle que la réduction que je propose
dans l’intérêt de l’industrie, du commerce et de la navigation ne peut, nuire
en rien au service général de l’Etat.
Je pourrais, messieurs,
examiner à cette occasion si véritablement nous avons une agression à craindre
; je pourrais, les traités et la convention du 21 mai à la main, examiner si
même une pareille agression est possible ; je pourrais examiner enfin si, en la
faisant,
Celle-là, messieurs
j’ose le dire, est plus importante qu’on ne le croit ; et si, à l’époque de
l’embargo de 1832, on l’avait plus approfondie, peut-être la lutte que nous
soutenons serait déjà terminée, et n’en serions-nous pas à nous préparer de
nouveau, aux éventualités d’une guerre. J’explique cette pensée en disant que
si le blocus des ports de
Aujourd’hui, messieurs,
ce ne sont plus les intérêts de famille, ce ne sont plus les formes de
gouvernement qui changent ou modifient les relations politiques de peuple à
peuple ; tout se réduit à des questions d’intérêt matériel et c’est parce que
tel est véritablement le point de vue sous lequel on envisage les rapports
internationaux, que j’insiste pour qu’on ne modifie point dans cette circonstance
notre système de douane.
D’ailleurs, de deux
choses l’une : ou la guerre a lieu, et alors, comme l’a judicieusement fait
remarquer l’honorable M. Meeus, les produits sur lesquels on avait compté ne se
réaliseront point ; ou bien la guerre n’éclate pas, et alors on aura donné un
mauvais exemple, et on aura pris une mesure uniquement favorable à
On a, il est vrai, cité
l’exemple de l’empire pour justifier la mesure, et on nous a cité
à ce sujet des décrets de l’an VI et de l’an VII ; mais, messieurs, la position
de
J’ai dit, messieurs que
si la guerre n’a pas lieu, vous aurez pris une résolution toute favorable au
commerce hollandais, et désastreuse pour le commerce, l’industrie et le trésor
de
Cette vérité ne sera point
révoquée en doute par ceux qui se livrent aux études commerciales, et par ceux
surtout qui connaissent toute l’importance d’un commerce interlope que je ne
veux pas préconiser, mais que tous les peuples tolèrent.
Dans la discussion qui
nous occupe, on s’est laborieusement attaché à
calculer l’influence de la majoration proposée sur quelques articles du
tarif, et on en a déduit cette conséquence qu’elle ne pouvait faire aucun mal ;
mais, messieurs, il aurait fallu voir la question de plus haut et ne point
s’attacher à des calculs qui annoncent seulement une préoccupation fiscale ; il
fallait ne pas perdre de vue que la lutte que
Et en effet,
Dans ces questions ce
n’est pas la quotité de l’augmentation des droits qu’on envisage ; c’est la
mesure, prise abstractivement comme mesure ; c’est le système, c’est la
versatilité ou la fixité des principes qu’on considère pour juger de la portée
commerciale d’une nation.
Mais, me dira-t-on, nous
ne pourrons donc jamais apporter à notre système des
modifications que l’intérêt du pays réclame ? Si, messieurs ; et vous le
pourrez chaque fois que l’intérêt de l’une ou de l’autre branche de l’industrie
nationale le réclamera ; mais je soutiens que vous ne le pouvez pas
politiquement par une de ces mesures générales qui loin d’avoir l’intérêt
industriel, agricole ou commercial pour base, ne tendent au contraire qu’à
froisser cet intérêt et à vicier le système général.
Alors la règle communale
ne sert plus de guide, alors on amène dans les relations cette perturbation
dont les honorables MM. Devaux, Meeus et de Brouckere nous ont déjà parlé ;
alors aussi l’étranger perd la confiance qu’il avait dans ces relations, et
cette confiance, essentiellement nécessaire aux peuples, se détruit quelquefois
sans retour.
Je
vais plus loin, messieurs, je soutiens que cette confiance se réduit même chez
le négociant et l’industriel indigène éclairé qui connaissent la position de
leur pays, et qui, aussi éloignés du système de la liberté illimitée du
commerce, véritable utopie dans l’état actuel de la législation des autres
peuples, que du système prohibitif, véritable fléau des populations qui le
subissent, savent que ce n’est que sous l’égide de droits et d’un système modérés
et peu variables qu’ils peuvent vivre et prospérer.
Je me persuadé que ces
considérations générales, que je m’abstiens de développer davantage pour ne pas
abuser des moments de la chambre, justifieront suffisamment mon amendement et
le vote négatif que je me propose de donner à la majoration des droits
d’entrée, de sortie, de transit et de tonnage, prêt à voter toutes les sommes
dont le gouvernement croira avoir besoin pour soutenu l’honneur et
l’indépendance du pays.
M. de Behr, rapporteur. - Messieurs, puisque je vois ici
l’honorable M. Coghen, je commencerai par dire qu’il n’a pas assisté à la
dernière séance de la commission des voies et moyens, où il s’est agi de la
répartition de la subvention. C’est une justice que je dois lui rendre, de dire
que les faits qu’il a énoncés étaient parfaitement exacts.
Cependant le rapport ne
contenait rien de contraire à la vérité. Vous savez qu’après une discussion
dans le sein d’une commission on recueille les suffrages des membres présents.
Nous étions six, nous avons été unanimes pour adopter le projet du
gouvernement. C’est ce que le rapport a constaté.
Je crois que, quant à
l’opportunité du subside, M. Coghen a partagé notre avis.
J’ai demande la parole
pour répondre à quelques observations qui regardent la commission, et que son
rapporteur ne peut laisser passer en silence. L’honorable M. Meeus a trouvé que
le projet du gouvernement avait été présenté légèrement, peu élaboré dans le
sein de la commission, qui selon lui n’en aurait mesuré ni la portée ni les
conséquences. Je prierai l’honorable membre de se persuader que nous sommes
tout autant que lui avares des deniers du peuple, et que nous avons trop le
sentiment de nos devoirs pour consentir à de nouvelles charges sans une indispensable
nécessité. Lorsque la commission s’est occupée du projet de loi, elle a eu à
considérer, d’une part, le changement du cabinet anglais et toutes les
circonstances qui s’étaient passées dans le monde politique ; d’autre part,
l’influence que ces événements pouvaient avoir en Hollande, les armements qui
se pratiquaient dans ce pays, la position de son gouvernement pressé d’en finir
avec
Le mode de subvention de
guerre a été introduit en Belgique par la loi du 6 prairial an VII, et il a
pleinement répondu au résultat qu’on s’en était promis. Cependant cette
contribution de guerre n’était établie aussi que pour un an ; elle frappait
généralement toutes les bases d’impôts directs et indirects, et toutefois c’était
pour satisfaire à des besoins, non pas éventuels, mais actuels et de la
dernière urgence. Voici les motifs de la loi :
« Considérant qu’il
n’est rien de plus instant que de fournir aux dépenses de la solde, de
l’armement et équipement des défenseurs de la patrie, destinés à venger la
nation et l’humanité des attentats commis par la maison d’Autriche. » Vous
le voyez, messieurs, les hommes distingués qui étaient alors à la tête du
gouvernement français, qui siégeaient dans le conseil des cinq-cents et celui
des anciens, n’ont pas trouvé dans ce mode de subside temporaire tous les
inconvénients que des orateurs de cette assemblée se sont plu à vous signaler.
L’honorable
M. Meeus a voulu mettre la commission en contradiction avec ses propres
principes. Vous dites, s’est-il écrié, qu’il faut ménager la propriété
immobilière pour les moments pressants de l’Etat. Eh bien, ce moment est
arrivé, puisqu’il s’agit d’une subvention de guerre. Je répondrai à cet orateur
qu’il a feint probablement de ne pas nous comprendre ; il sait bien que nous
avons entendu parler de ces temps où toutes les sources des revenus publics
étant taries, les propriétaires peuvent encore venir utilement au secours de
l’Etat. Or, loin de nous trouver dans ces circonstances calamiteuses, toutes
les ressources du trésor sont au contraire augmentées. D’ailleurs la mesure
proposée a moins pour but de faire la guerre que de la prévenir ; et, puisque
toutes les branches de la richesse sociale ont également intéressées au
maintien de la paix, n’est-il pas juste que toutes supportent leur part dans le
sacrifice nécessaire pour la conserver ?
Si, ce qu’à Dieu ne
plaise, la guerre venait à éclater, l’Etat aurait besoin de nouveaux millions
pour la soutenir. Est-ce le commerce et l’industrie qui les fourniraient ? Je
pense que l’industrie viendrait plutôt réclamer des secours qu’en offrir au
trésor ; c’est donc encore à la propriété foncière qu’il faudrait s’adresser.
Mais, si l’on ne conserve pas maintenant cette ressource ; si on l’épuise
aujourd’hui sans nécessité, force sera plus tard de recourir à des emprunts
toujours difficiles à réaliser dans des temps de guerre. Ces emprunts pourront
satisfaire peut-être la cupidité de quelques hommes, mais le pays ne les
obtiendra qu’avec des sacrifices qui ruineront son crédit, et détruiront son
avenir.
M.
Devaux. - Messieurs, vous m’avez toujours vu empressé à soutenir le
gouvernement quand il est venu proposer des mesures propres à affermir notre
nationalité et à défendre notre indépendance.
J’avoue que, même avant
les communications faites hier par M. le ministre de la guerre, je n’étais pas
frappé de l’espèce de contradiction que quelques orateurs croyaient remarquer
entre les paroles du ministre des finances et celles du ministre des affaires
étrangères.
Je conçois très bien, à
part les armements de
J’ai quelques
observations à soumettre à la chambre sur l’article en discussion. Ces observations
ne porteront donc ni sur le fond ni sur le but de la mesure, mais seulement sur
quelques-uns des moyens proposés pour se procurer les ressources dont on a
besoin. Malgré tout le zèle, tout le patriotisme que nous devons mettre à aider
le gouvernement à prendre une attitude respectable vis-à-vis de
Jusqu’ici, ainsi que je l’ai
dit dans une précédente séance, c’était un principe bon ou mauvais (je
n’examine pas cette question), mais c’était un principe qui paraissait reçu par
tous, que les subventions de guerre devaient être demandées à la propriété
foncière. C’est sur ce principe, vous le savez, qu’ont été basées plusieurs
lois. C’est parce qu’elles étaient basées sur ce principe que ces lois ont été
adoptées par plusieurs d’entre nous. Je le répète, je ne décide pas si ce
principe est juste ou s’il ne l’est pas. Je dirai une seule chose, c’est qu’il
est plusieurs industries qui souffrent ordinairement beaucoup de la guerre,
tandis que l’agriculture non seulement en souffre moins, mais souvent en
profite, parce que ses produits se vendent plus cher par suite de la présence de
troupes étrangères.
Je conçois cependant
qu’il était difficile au gouvernement d’arriver à un chiffre qui passe 7
millions en mettant ce surcroît d’impôt à la seule charge de l’agriculture.
Il aurait fallu 50 centimes
additionnels à la contribution foncière. C’eût été non seulement une charge
trop forte pour l’agriculture en ce moment ; mais, outre cela, le gouvernement
avait à considérer une résistance qu’il a déjà rencontrée dans l’autre chambre.
Le gouvernement ne peut faire que le possible, et alors qu’il l’eût voulu,
peut-être eût-il été dans l’impossibilité de mettre tout le surcroît d’impôt à
la charge de l’agriculture.
Je ne serais pas éloigné
d’admettre l’extension de l’imposition extraordinaire, mais il doit être permis
d’examiner si dans cette extension on a gardé de justes proportions, si, en
voulant étendre la base de l’impôt afin qu’il fût moins onéreux à chaque classe
imposée, on n’a pas été trop loin.
J’avais demandé la
parole, il y a deux jours. Depuis lors beaucoup de questions ont été éclaircies
et ma tâche se trouve fort abrégée.
Messieurs, quand on
augmente les impositions directes, on sait qui on frappe et comment on frappe.
Mais quand on atteint les contributions indirectes, les douanes surtout, il est
extrêmement difficile de ne pas agir en aveugle ; il est extrêmement difficile
de se rendre compte des mesures que l’on propose.
Quand nous avons fait
des lois de douanes (et nous en avons fait quelques-unes), tout le monde,
quelles qu’aient été à d’autres égards les dissidences d’opinion, a été d’avis
qu’elles nécessitaient un scrupuleux examen ; aussi ne nous sommes nous pas
fait faute du travail d’une commission spéciale, de la commission d’industrie
et des chambres de commerce, qui ont contribué, chacune pour leur part, à nous
donner les renseignements dont nous avions besoin
Lorsqu’il s’est agi de
la tarification générale, l’on a attendu des renseignements sur les mesures
prises par un autre gouvernement. Mais aujourd’hui il s’agit d’une seule mesure
qui doit atteindre tout le tarif des douanes composé de 2 ou 3 cents articles ;
et je dis qu’il est extrêmement difficile de calculer l’effet qu’une pareille
mesure peut avoir sur le commerce, sur les diverses industries qu’elle atteint.
Je sais bien que M. le
ministre des finances s’est attaché à nous faire voir que l’augmentation était
très exiguë ; il a rencontré sur ce point l’avis de M. le commissaire du Roi,
et ç’a été, je crois, leur principal argument en
faveur de la mesure proposée. Ils ont, en quelque sorte, demandé grâce pour le
principe en faveur de la modération de l’augmentation. Cependant, il faut
reconnaître que les droits de douanes sont de 6, 10, 20, 30 p. c., et quelquefois plus sur la valeur des objets introduits
L’augmentation d’un dixième n’est pas, si l’on veut, très considérable sur la
valeur ; toutefois si l’on compare cette augmentation aux bénéfices du
commerce, on la trouve de quelque importance.
Les bénéfices du
commerce se composent d’une grande quantité de petits bénéfices, de petites
économies ; si vous les restreignez dans quelques parties vous faites éprouver
au commerçant une perte considérable. Je conçois bien qu’en établissant
l’augmentation sur un kil, sur la livre usuelle, comme l’a fait hier M. le
ministre des finances, on démontre que l’augmentation est peu de chose, mais ce
n’est pas ainsi que se fait le commerce avec l’étranger, commerce qui est seul
atteint par les lois de douanes : il se fait par masses et non par livres
usuelles, et sur ces masses, ce ne sera pas de l et de 2 centimes que seront
les augmentations
Il y a quelques jours,
des négociants de Bruxelles ont été trouver un de nos honorables collègues qui
m’a rapporté le fait et se sont offerts à lui fournir la preuve que la mesure
proposée apportait dans les bénéfices de quelques-uns d’entre eux une
différence de 6,000 fr., qu’elle faisait pour d’autres une différence de 10,000
fr. Cependant ces maisons ne sont pas des premières de Bruxelles, il y en a de
plus considérables. Vous voyez, messieurs, quel changement le projet du
gouvernement apporterait dans les affaires de nos commerçants.
Dira-t-on que cette
mesure n’atteint pas le commerce, qu’elle ne touche que le consommateur ? Cette
objection pourrait être vraie à la longue et si la mesure était durable ; mais
comme il s’agit d’une mesure temporaire et pour une année seulement, les
marchandises introduites avec augmentation de droits se trouveront en
concurrence avec celles qui n’auront pas payé cette augmentation et suivront la
baisse naturelle qu’éprouveront ces dernières marchandises. De même à la fin de
l’année les marchandises qui auront supporté l’augmentation se trouveront
encore en concurrence avec les marchandises introduites sans cette augmentation
et après qu’elle aura été levée. Vous voyez donc que toute la différence de
droits ne sera pas supportée par le consommateur, et qu’il est possible qu’une
seconde partie de cette différence tombe sur le commerce lui-même. Messieurs,
l’honorable ministre des finances et l’honorable commissaire du Roi ont employé
un argument que j’ai regretté de trouver dans leur bouche et qu’ils ont eu en
vue de détruire, je l’espère, parce qu’ils ont dit dans la dernière séance. Je
leur ai entendu dire que si l’on frappait d’un droit plus fort les marchandises
provenant de l’étranger, cette mesure frappait les fabricants étrangers et
favorisait ceux du pays, qu’ainsi la mesure proposée tendait à favoriser
l’industrie nationale.
J’admets, si l’on veut,
qu’il soit possible qu’il y ait des droits protecteurs en matière de douanes,
mais je ne pense pas que tous les droits établis sur les industries étrangères
soient nécessaires pour protéger l’industrie nationale. C’est une question
difficile, ce serait une question spéciale à étudier pour chaque industrie que
celle de savoir si le droit qui frappe les produits de la même industrie à
l’étranger, est protecteur ou ne l’est pas. Quoi qu’il en soit, je suis
convaincu qu’un grand nombre de droits de douanes ne sont protecteurs que du
défaut de l’habitude, de l’ignorance, de la paresse. J’aime donc à croire, tant
pour l’avenir ministériel de l’honorable M. d’Huart que pour l’avenir
industriel de
Jusqu’ici c’est un
principe assez généralement suivi, non pas sous la république française qui
avait de singuliers principes, mais dans le monde civilisé, que les douanes
n’étaient pas matière corvéable et taillable à merci ; en d’autres termes,
qu’elles n’étaient pas principalement fiscales, mais fiscales seulement
accessoirement ; que leur but était de favoriser l’industrie, et que ce n’était
qu’accessoirement qu’elles étaient une ressource pour l’Etat. Prenez garde,
messieurs, que la proposition du gouvernement tend à introduire les principes
contraires. La mesure proposée a un but seulement fiscal, elle n’a pas d’autre
but que de procurer des fonds à l’Etat. Cette élévation de droits de douanes
renverserait le principe que le but principal des droits de douanes est de
protéger l’industrie.
Il me semble qu’il y a
beaucoup de raisons (je pourrais les énumérer toutes) pour que nous devions
nous interdire en matière de douanes des mesures temporaires et extraordinaires.
La première, c’est qu’une subvention de guerre ne peut pas être levée sur une
industrie qui paie déjà une grande subvention de guerre, sur une industrie que
la guerre tue comme l’industrie du commerce. Il est des industries qui
profitent de la guerre, il en est d’autres qui en souffrent peu, mais, avec la
guerre, l’industrie commerciale, que les douanes atteignent, n’existe plus.
Ainsi, comme l’a dit
l’honorable M. Smits, au cas où réellement la guerre éclaterait les douanes
vous faisant faux bond, si je puis m’exprimer ainsi, votre contribution sera
basée sur zéro.
Je ferai remarquer qu’il
est impossible que la mesure proposée ne soit pas sans effet rétroactif. Car
dans le commerce les spéculations ne se font pas au jour le jour ; ainsi ce n’est
pas le 17 décembre qu’on demande des marchandises pour le 1er janvier ; les
spéculations se font toujours sur une plus grande échelle. Des spéculations
auront été faites d’après le tarif en vigueur, lorsqu’à la fin de décembre le
tarif se trouvera changé sans que rien ait pu le faire
prévoir ; ce changement produira donc son effet sur des spéculations
entreprises avant que la loi ait été rendue.
D’ailleurs, ainsi qu’on
l’a dit, la proposition du gouvernement n’atteindra pas le but qu’on se propose
; on l’éludera en grande partie. Déjà les entrepôts se vident ; à la fin de
l’année ils se gorgeront au contraire. Ainsi au commencement et à la fin de
l’année on tâchera d’éluder la loi et on l’éludera.
Pour les droits
d’enregistrement on a fait la même objection ; et il n’y a pas été répondu.
Pour les sucres, j’avoue
que je n’ai pas saisi la réponse de M. le commissaire du Roi ; j’attribue cela
à mon inexpérience en cette matière. Toutefois, je ferai une observation :
ou l’on restituera les additionnels, ou on ne les restituera pas : si on les
restitue, on forcera l’exportation vers la fin de l’année, cela est inévitable,
et l’on gardera dans le pays moins de sucres qu’il ne sera nécessaire à la
consommation ; si on ne les restitue pas, n’y aura-t-il pas de l’inconvénient
dans ce brusque changement apporté à une législation à laquelle beaucoup de
personnes attribuent la prospérité toujours croissante de nos raffineries ?
Voilà quelles sont mes inquiétudes ; et j’avoue que les amendement
présentés n’y ont pas satisfait.
Qu’arrivera-t-il si vous
soumettez le tarif des douanes aux éventualités politiques ? qu’arrivera-t-il
? Les événements politiques qui apportent tant de variations dans les cours de
bourse, tendront à étendre leur influence sur le commerce, si d’une année à
l’autre le commerce voit augmenter ses charges, en proportion de ce qu’exigent
les nécessités politiques et les revenus de l’Etat.
Le statu quo (nous
devons le reconnaître et ne pas l’oublier) peut durer encore très longtemps. Il
n’est pas dit que la mort du roi Guillaume y mettrait un terme. Eh bien,
pendant le statu quo vous êtes exposés aux alternations diverses de guerre et
de paix les besoins du trésor varieront, alors, quelle sera la situation du
commerce qui souffrira toujours plus ou moins du statu quo ? Si l’on change
cette année le tarif, si on l’augmente de 10 p. c., ce principe une fois admis
dans un an peut-être les besoins étant plus grands, on l’augmentera de 20 p. c.
; car il y aura moins loin de 10 à 20 p. c. que de l’état actuel au changement
de principe qui aura déterminé une première augmentation Quant à moi je ne
crois pas qu’il soit possible de tolérer un pareil système. Je ne pense pas que
vous trouviez exagéré l’intérêt que je montre pour le commerce. Je dirai à cet
égard toute ma pensée.
Reste la distance entre
les produits et les débouchés, distance qu’il est nécessaire de faire
disparaître. Qui est appelé à se charger de ce soin ? Le commerce, destiné à
rapprocher les produits de la consommation étrangère. Avant la révolution le
commerce hollandais se chargeait de cette tâche. Aujourd’hui nos relations
commerciales sont entravées, et la gêne qui en résulte pour le commerce durera
sans doute longtemps. Notre commerce d’un autre côté souffre des événements
politiques, et il est impossible qu’il n’en souffre pas longtemps.
Ensuite nous avons à
côté de nous, nous ne devons pas le perdre de vue, une rivale solidement
établie, habile, et prête à profiter de nos moindres fautes. Tout rend donc la
position de notre commerce difficile, et nécessite relativement à lui une
grande sagesse, beaucoup d’habilité, et surtout de circonspection. Je crois
qu’un mauvais principe, une faute légère qui, ailleurs, et là où le commerce
est bien établi, n’auraient que de légères conséquences, pourraient chez nous
altérer les sources de la prospérité publique. Je pense donc que lorsque nous
avons à résoudre une question qui touche au commerce, nous devons y apporter la
plus grande circonspection.
Je voterai pour les
amendements qui rentrent dans les considérations générales que je viens
d’émettre, et d’abord sans réserve pour celui de M. Smits ? Quant à
l’amendement de M. Coghen, je laisserai à cet honorable membre le soin d’y
donner les développements et les explications nécessaires ; il connaît mieux
cette matière que moi. Je désire que cet amendement se concilie avec les
considérations que j’ai émises. Je pense que si les calculs sont exacts, 5 p.
c. sur la contribution foncière doivent suffire, et je ne puis croire que les
défenseurs les plus prononcés de la propriété foncière trouvent cette
augmentation excessive.
Il est certain qu’après
ce que MM. les ministres ont dit dans la séance d’hier, après surtout les nouveaux
détails que donnent les journaux d’aujourd’hui sur le ministère anglais, nous
ne devons pas trouver que ce soit trop grever la contribution foncière que de
la frapper de 5 centimes additionnels.
Si
les divers amendements étaient écartés et que l’on en vînt à voter sur
l’article nouveau propose par M. le ministre des finances, quoique je rende
justice à ses bonnes et patriotiques intentions, quoique personne ne soit plus
disposé que moi à lui rendre cette justice, je me verrais à regret forcé de
voter contre cet article. Cependant, lorsqu’il s’agira de voter sur l’ensemble
du budget, je voterai pour l’adoption afin qu’au dehors, à l’étranger surtout,
l’on voie que si nous différons sur les moyens, nous sommes unanimes sur le
but.
Je regrette que M. le ministre
des finances ait tenu, en quelque sorte d’une manière si raide, à la régularité
arithmétique de son chiffre de 10 p.c. et n’ait voulu faire aucune concession.
Je crois qu’en faisant
quelque concession, sans surcharger aucunement la propriété foncière, il eût
été facile d’obtenir l’unanimité de cette assemblée.
M. d'Hoffschmidt. - Le rapport qui nous a
été fait hier sur les armements de
Cependant je ne puis
m’empêcher de faire remarquer que chaque année à propos de la discussion du
budget, l’on manifeste de semblables craintes ; tantôt ce sont les armements de
En vérité l’on serait
tente de croire qu’il y a en cela tactique de la part de
Mais si quelque chose
doit nous rassurer à cet égard, et nous rassurer complètement, ce sont les
paroles qu’a prononcées à la séance d’hier M. le ministre des affaires
étrangères, tout en défendant chaudement le projet du gouvernement. Je
demanderai la permission de lire le passage suivant de son discours :
« Je n’ai jamais
prétendu, que
Vous trouverez sans
doute ces paroles bien rassurantes si vous les rapprochez de la convention du
21 mai conclue non entre
Si les hostilités
recommençaient, l’Angleterre ainsi que
Et
Vous jugerez, d’après ce
que je viens de dire, que je ne partage pas les inquiétudes d’un honorable
représentant de Tournay, inquiétudes qui ont été tellement contagieuses,
qu’elles ont tout d’un coup gagné le ministère et votre section centrale.
C’est, messieurs, sous
l’impression de ces craintes que le projet vous a été présenté. Sans doute, je
saurai toujours gré à un gouvernement qui a constamment l’œil ouvert sur la
tranquillité publique. Je ne le critiquerai jamais sur ce qu’il montrerait à
cet égard de la susceptibilité ; il ne peut pas en montrer trop. Mais voyons
sur qui reposent les craintes que l’on a manifestées.
Croit-on que le
ministère tory va bouleverser l’Europe dans l’intérêt du roi Guillaume ? Je ne
crois nullement à une telle chimère. Cependant il ne pourrait soutenir
ouvertement la cause de cette nation sans jeter l’Europe dans une guerre
générale. Or, c’est là une chose incroyable, et que MM. les ministres sont
eux-mêmes sans doute bien éloignés de supposer.
Mais à tous ces
arguments puisés dans la diplomatie (et soit dit en passant je voudrais bien
les puiser ailleurs ; ce n’est pas par elle que je voudrais défendre mon pays)
; à tous ces arguments, dis-je, on me répondra :
J’ai parlé du blocus ;
Mais enfin le ministère
a manifesté des craintes, il croit à la possibilité d’une reprise d’hostilités
de la part de la Hollande ; eh bien, si
Six ou sept millions ne
sont pas propres à défendre notre territoire. Pour assurer notre indépendance
attaquée, il nous faudrait un encaisse capable de
mettre toutes nos forces sur pied, et non quelques millions. Si vous craignez
la guerre,
Alors demandez un
emprunt, demandez une émission de bons du trésor, la nation vous accordera l’un
ou l’autre, car elle a la confiance que si la guerre n’a pas lieu, vous ne
ferez pas l’emprunt, vous n’émettrez pas les bons du trésor.
M. le ministre de la
justice repousse les emprunts ; il les trouve capables de ruiner l’avenir d’un
pays. Et moi aussi je repousse les emprunts ; mais ici on peut les accorder,
parce qu’il ne s’agit que d’une éventualité, et qu’il ne faut pas pour une
éventualité jeter la perturbation dans notre système d’impôts.
Plusieurs orateurs, dans
les séances précédentes, vous ont démontré les vices du projet du gouvernement
; ils ont simplifié ma tâche sous ce rapport, et pour ne pas abuser de vos
moments, je considérerai la proposition ministérielle relativement à ses effets
sur un point relatif aux douanes.
Tout le monde sait que,
pour
Ce n’est pas de cette
manière qu’on négocie des traités aussi importants.
Messieurs,
je viens de vous exposer les motifs de mon vote, qui sera négatif, non que je
trouve les bases de la répartition, proposées par le ministre aussi mauvaises
qu’on l’a soutenu ; chacun a vu ce projet du point de vue que sa position
sociale lui découvre ; les industriels et les propriétaires ne sont pas entre
eux et nous ont fait entendre les causes de leur dissidence ; mais si je vote
le rejet, c’est que je ne crois pas à la guerre, c’est que je ne vois rien qui
la rende probable ; et que si elle devait cependant avoir lieu, les mesures
proposées seraient insuffisantes.
Messieurs, le ministre
des finances a dit avant-hier : « Ceux des membres de cette assemblée qui n’ont
pas confiance dans les assertions du ministère, libre à eux de ne pas voter la
proposition qui est faite par le gouvernement. »
Je suis bien aise que M.
le ministre m’ait fourni cette occasion de déclarer que, quoique mon vote soit
négatif, le ministère actuel a toute ma confiance, parce que je suis convaincu
qu’il mérite toute celle de la nation ; et si jamais il réclame, soit des
emprunts, soit des émissions de bons du trésor dont il nous annoncerait ne
vouloir faire usage que pour la défense du pays, je lui donnerai mon suffrage
tant qu il marchera dans la ligne constitutionnelle de laquelle je suis
persuadé qu’il ne s’écartera jamais.
M.
de Foere. - Messieurs, des attaques, je dirai même des attaques
inconvenantes ont été dirigées contre la commission que vous avez chargée
d’examiner le budget des voies et moyens et le projet de subvention de guerre.
A entendre quelques orateurs, la commission aurait procédé à la légère ; elle
aurait examiné sans discussion, sans maturité, ces importants projets de loi.
Ces attaques sont d’autant plus inconvenantes qu’elles sont dirigées par les
membres de la chambre qui se rendent le plus rarement aux sections, qui, par
conséquent, ne font jamais partie des sections centrales, ni des commissions.
Ils viennent déverser le blâme sur les travaux de leurs collègues, sur des
travaux faits avec conscience ; ils viennent critiquer et bouleverser les
projets qui leur sont présentés, et souvent sans substituer d’autres projets ou
d’autres articles à ceux qu’ils condamnent.
La défense du projet que
je vais avoir l’honneur de vous présenter, messieurs, fera voir de quel côté
est la légèreté ; ou du côté des membres de la commission, ou du côté de ceux
qui se sont constitués ses accusateurs. Elle prouvera, je l’espère, que la
commission n’a pas mérité leurs reproches.
Deux honorables députés
de Bruxelles ainsi qu’un honorable député de Hasselt, et l’honorable orateur
que vous venez d’entendre, ont contesté l’opportunité du projet ; ils ont cru que
jusqu’à présent des apparences fondées de guerre ne s’étaient pas encore
manifestées. Ils en ont conclu que puisque la chambre sera assemblée jusqu’au
mois de juin, elle pouvait s’en remettre au temps pour savoir s’il fallait
adopter le projet de subvention.
La commission a examiné
avec maturité cette question d’opportunité ; elle a même partagé cette opinion
de ses adversaires ; elle a été unanime pour croire que des symptômes fondés de
guerre ne s’étaient pas prononcés. Ceci répond à l’erreur de l’honorable
orateur qui a parlé avant moi et qui a dit que la commission avait partagé les
alarmes du député de Tournay. Mais si la commission a adopté à cet égard
l’opinion de ses adversaires elle s’est bien gardée d’en tirer la même
conclusion. Elle a examiné quelles seraient les conséquences inévitables pour
l’Etat de l’ajournement du projet de loi jusqu’à ce que les apparences de
guerre fussent plus évidentes. Le pays serait jeté dans les plus grands
embarras et forcé de recourir aux mesures les plus ruineuses. Il ne lui
resterait d’autres ressources que celle des emprunts ; or, messieurs, emprunter
lorsque les symptômes de guerre se sont manifestés, lorsqu’elle devient
probable, c’est vouloir faire perdre. au pays au moins
30 ou 40 p.c. sur le capital, sans compter les frais de négociation et les
frais de commission qu’il faudrait payer aux traitants. Ce n’est pas tout ; le
capital de ces emprunts serait inscrit sur le grand livre de la dette publique,
et leurs intérêts seraient portés tous les ans sur le budget des dépenses, et
la charge pour le pays serait permanente.
La mesure qui nous est
proposée par le gouvernement nous évite ces embarras et nous dispense de
recourir à ces moyens ruineux qui ont jeté dans les plus grands embarras, même
ruiné, les pays où on a été assez mal avisé pour ne pas se réserver des
ressources pour les cas de guerre éventuelle. Il est des nations qui éprouvent
encore le plus grand malaise pour avoir eu l’imprudence d’emprunter quand les
apparences de guerre se manifestaient, lorsqu’elles pouvaient avoir recours au
budget ordinaire des voies et moyens.
D’après cet exposé les
honorables députés de Bruxelles peuvent se convaincre que ce n’est pas à la
légère que la commission a adopté le projet et que nous avons pris aussi bien à
cœur les intérêts des contribuables que ceux du trésor.
Ce n’est pas le seul
motif qui ait déterminé la commission à adopter le projet. Lors de la
discussion générale du budget des voies et moyens, la chambre a pu se
convaincre que nos recettes n’étaient pas en rapport avec nos dépenses, que les
dépenses excédaient les revenus. Le ministre des finances semble être convenu
de ce fait dans la séance d’avant-hier ; eh bien, la commission, en présence
d’une telle situation du trésor, s’est proposé cette question : Que deviendra
la subvention si elle n’est pas applicable à la guerre ? Et pour s’en assurer,
elle a appelé M. le ministre des finances dans son sein.
Elle lui a demandé quel
emploi il comptait faire des sept millions si la guerre n’avait pas lieu : il a
répondu que dans ce cas la subvention servirait, soit à dégrever les
contribuables pour 1836, soit à amortir une partie de notre dette flottante,
soit à émettre dans une moindre proportion des bons du trésor destinés à
couvrir d’autres dépenses.
Le premier principe
d’une bonne administration est de mettre le budget des voies et moyens au
niveau de celui des dépenses, et comme il m’est prouvé que notre budget des
voies et moyens n’arrive pas à établir ce niveau, je déclare que, même sans
apparence de guerre, j’aurais voté les 7 millions demandés dans le seul but de
fixer cet équilibre indispensable. Si vous ne suiviez pas ce système,
messieurs, vous entraîneriez le pays dans les plus grands désordres financiers.
Ces observations, messieurs, vous convaincront, j’espère, d’abord que la
commission a examiné avec maturité et sous toutes ses faces le projet qui vous
a été présenté, et qu’en second lieu, quelle que soit la destination de ces 7
millions, il est d’une urgence extrême qu’on les vote.
Les honorables députés
de Bruxelles doivent sans doute s’apercevoir de nouveau que les contradictions
ne sont pas toujours du côté du ministère. L’un d’eux, l’autre jour, a donné
l’avis de diminuer les obligations de la dette flottante ; dans la séance
d’avant-hier, il s’est opposé à une mesure qui tend à diminuer la dette
flottante.
Ce n’est pas tout,
l’honorable membre conseille au ministre de lever plutôt de petits emprunts,
par la voie des banquiers, plutôt qu’au moyen des bons du trésor ; c’est-à-dire
qu’il y aurait de l’avantage pour le pays à négocier des emprunts avec une
perte certaine sur le capital, et avec 3 p. c. de frais de négociation et de
commission, lorsque, au moyen des bons du trésor le pays lève de l’argent au
pair et sans frais de négociation et de commission ! Les sept millions demandés
serviront, a dit le ministre de finances, soit à dégrever les contribuables de
1836, soit à diminuer la dette flottante. Des membres de la chambre ont élevé
des doutes sur ces assertions du ministre. Si, en cas de changement du
ministère, ces déclarations ministérielles précédemment faites ne doivent pas
servir de point d’appui à la chambre, si des ministres succédant à d’autres
peuvent défaire, sans l’intervention de la chambre, ce que leurs prédécesseurs.
ont fait avec l’intervention de la chambre, alors,
messieurs, nos discussions et nos décisions deviennent inutiles, et menacent
d’être jetées dans le plus grave désordre. Je dirai plus : si la chambre ne
sait pas faire respecter les déclarations et les promesses positives du
ministère, elle s’attire sur elle-même le reproche fondé de faiblesse et même
de lâcheté.
Un troisième motif qui a
dirigé la commission, c’est le vieux et sage principe : Si vis pacem, para bellum.
La commission a voulu faire comprendre aux puissances de l’Europe qui
voudraient se constituer les ennemis de notre indépendance, que
Un autre honorable
représentant, celui de Bruges, s’est placé sur un terrain différent pour
combattre le projet. Il a soutenu qu’il était mis à la disposition du ministère
assez de fonds pour être prêt, en cas de besoin, à la guerre, et que ces fonds
offraient au gouvernement assez de moyens sans avoir recours à la subvention
proposée. La seule ou la principale ressource qui ait assignée au ministère,
sont les 25 millions de bons du trésor. Je dira, en premier lieu, messieurs,
que dix de ces 25 millions sont déjà appliqués législativement à la route en
fer, et qu’il n’appartient pas au ministère de faire ce transfert sans
l’intervention de la chambre.
Je lui ferai cependant
cette concession qu’il s’est faite à lui-même. Je suppose que le ministère
puisse émettre pour 25 millions de bons du trésor. L’honorable député de Bruges
propose de les lever maintenant ou lorsque des symptômes fondés de guerre se
seront manifestés ; car l’honorable membre ne s’est pas expliqué à cet égard.
Dans le premier cas, si on les lève maintenant, il est évident que le pays
serait chargé dès à présent des intérêts de cette somme alors qu’en cas de paix
il ne pourrait n’en pas éprouver le besoin. Si au contraire, il veut qu’on ne
les lève que lorsque les apparences de guerre seront fondées, alors il est
indubitable que le pays ne pourra emprunter les 25 millions qu’à 30 ou 40 pour
cent de perte sur le capital, sans compter les frais de négociation et de
commission.
Il est facile de voir,
messieurs, de quel côté est le défaut d’examen et de maturité dans la
discussion, ou du côté des adversaires du projet, ou du côté de la commission
qui l’a adopté et qui le défend. Au surplus, les adversaires du projet sont
évidemment en contradiction avec eux-mêmes. L’autre jour, l’honorable député de
Bruxelles conseille au ministère de diminuer la dette flottante ; son ami vient
conseiller le contraire en proposant d’émettre des bons du trésor jusqu’à
concurrence de 25 millions. L’un veut qu’on diminue la dette flottante ;
l’autre, qu’on l’augmente.
Pour prouver, messieurs,
combien il est indispensable pour l’ordre et l’économie dans les finances d’un
pays que le budget des voies et moyens soit porté toujours au niveau des
dépenses, je citerai un fait frappant qui s’est passé en Angleterre ; le fait
est officiel ; les chiffres qui reposent sur ce fait sont donc exacts. Pendant
les 24 années de guerre que l’Angleterre a soutenue contre
L’honorable M. Meeus a
dit, en commençant son discours, que le projet était contraire d’abord à
l’intérêt général, ensuite contraire à celui du trésor.
J’ai attendu vainement
les preuves sur lesquelles l’honorable député de Bruxelles fondait son opinion
que le projet était contraire à l’intérêt général. Mais il s’est appuyé sur
deux motifs pour prouver qu’il était contraire aux intérêts du trésor.
Remarquez, messieurs,
que c’est le même membre qui a reproché à la commission sa légèreté, au point
de ne pas mettre même le projet en harmonie avec les lois existantes. A ce
sujet, il a cité les droits perçus sur les sucres.
La réponse que lui a
faite M. le ministre des finances et celle de M. le commissaire du Roi prouvent
de quel côté était la légèreté. L’honorable membre n’a plus insisté depuis sur
ce défaut d’harmonie.
L’autre motif sur lequel
l’honorable député de Bruxelles s’est appuyé pour prouver que le projet était
contraire aux intérêts du trésor, se réduit à ceci : une grande partie des
droits d’enregistrement ne seront pas payés pendant 1835, et seront retardés jusqu’en
1836.
Messieurs, en admettant
que quelques droits d’enregistrement seront remis jusqu’en 1836, ils ne seront
pas perdus pour le trésor. Si donc la subvention devait laisser une légère
lacune à cet égard., ce ne serait pas là un motif
suffisant pour rejeter le projet tout entier.
On a trouvé aussi que la
commission n’avait pas examiné le projet avec assez de maturité sous le rapport
des droits de douane. Pour effrayer la chambre, on a lancé dans la discussion,
comme il est d’usage, les grands mots de perturbation dans le commerce et
d’injustice à l’égard des négociants qui auraient fait des commandes préalables
à la présentation du projet que nous discutons.
Messieurs, les
négociants depuis quatre ans font toutes leurs opérations avec beaucoup de
circonspection. Depuis quatre ans, cette chambre et les journaux ont
constamment retenti des réclamations de l’industrie, demandant à des titres
plus ou moins fondés la majoration de notre tarif d’importation dans le but de
protéger l’industrie du pays. Moi-même j’ai acquis beaucoup de preuves de cette
circonspection commerciale, de la prudence que mettent les négociants pour ne
pas se surcharger et pour se prémunir contre les changements qui pourraient
être apportés éventuellement à votre tarif de douanes.
Au moindre changement
projeté dans le tarif des douanes, ce sont toujours les mêmes cris de
perturbation qu’on lance en avant. Si de pareils arguments pouvaient avoir
assez de crédit pour nous faire rejeter un projet de loi, il s’en suivrait que
jamais vous ne pourriez apporter aucun changement à notre tarif de douanes,
parce qu’à chaque modification qu’il s’agirait de faire, vous entendriez les
parties lésées jeter devant vous leurs grands mots de perturbation et
d’injustice.
Il est d’ailleurs un
principe suivi dans tous les Etats, c’est que l’intérêt particulier doit
toujours céder devant l’intérêt général. Or, il s’agit ici d’un intérêt
général, d’une importance majeure ; il s’agit d’exister ou de ne pas exister
comme nation. C’est une question d’indépendance et de nationalité qui nous a
amené le projet de loi en discussion. Nous ne devons donc pas reculer devant
quelques légères lésions qui pourraient être faites aux intérêts particuliers,
si tant que ces intérêts seraient lésés. D’un
autre côté, les intérêts particuliers de beaucoup d’industriels du pays
ne sont-ils pas lésés aussi par la raison que nos droits d’importation ne sont
pas assez élevés pour protéger leur industrie et le travail du pays contre
l’industrie et le travail étrangers ? Cette perturbation n’est-elle pas
permanente ?
La majoration proposée
sur le tarif des douanes ne doit donc pas nous effrayer pour ce qui regarde le
commerce et l’industrie. Examinons quels sont, à cet égard, les véritables
intérêts du pays. Consultons le mouvement des importations et des exportations
qui ont eu lieu depuis trois ans.
En 1831, d’après un
tableau qui n’a pas encore été vérifié, mais dont je puis garantir l’exactitude
approximative, nos exportations ont été de 104,880,350
fr. et nos importations de 103,217,632 Ir. Ainsi la balance des échanges
commerciaux était en notre faveur à peu près d’un million et demi. Mais depuis
cette balance commerciale est tournée contre nous dans une progression
effrayante.
En 1832 nos importations
de produits d’industrie étrangère se sont élevées à 236,633,308 fr., et les
exportations des produits de notre industrie à 121,426,993 fr., de sorte que la
balance des échanges commerciaux a été, en 1832, contre nous de 115 millions et
un quart.
En 1833 nos importations
se sont élevées à fr. 214,763,979 et nos exportations
à 116,808,971. Ainsi à la fin de 1833 la balance commerciale était contre nous
d’environ 98 millions.
Il résulte de cette
masse d’importations constatée par la douane que la fraude n’est pas si
considérable qu’on veut bien nous le faire accroire quelquefois, pour en tirer
la conséquence que les droits protecteurs établis par autre tarif de douane
sont éludés par la fraude. Je demande si quand on peut vérifier des
importations s’élevant en trois ans au-delà de 500 millions de francs, la
fraude peut être aussi considérable qu’on le prétend.
Remarquez, en outre, que
la majeure partie des importations est faite par des navires étrangers. Si
l’honorable M. Coghen veut proposer la suppression de la subvention à l’égard
du droit de tonnage, lorsque les importations sont faites par navires
nationaux, certes je me rallierai de tout mon cœur à son amendement. Mais pour
diminuer les droits que paie la navigation étrangère qui tue notre navigation
marchande, je ne puis y consentir. Je désire, au contraire, que notre
navigation marchande soit protégée par des droits différentiels plus
protecteurs qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Pour vous prouver que
les grands mots de perturbation dans le commerce ne doivent ni arrêter les
membres de la chambre, ni jeter de l’hésitation dans leur esprit, je pourrais
vous prouver par de nombreux exemples que chaque fois qu’il s’agit d’un
changement à apporter aux lois de douanes en Angleterre ou à d’autres lois qui
touchent de près aux grands intérêts de ce pays, c’est toujours par les mêmes
épouvantails de perturbation et de ruine qu’on cherche à arrêter les membres du
parlement.
Je citerai entre autres
un fait d’un caractère très grave ; je le cite de préférence à tout autre parce
qu’il peut servir à éclairer la chambre sur une question importante qui,
l’autre jour, a été agitée dans cette chambre. Les banques d’Angleterre avaient
émis jusqu’en 1826 des billets de banque d’une livre sterling. Ces émissions
avaient entraîné le pays dans de graves difficultés. Il n’était plus possible
de déterminer la valeur de ces bank-notes, parce qu’il n’y avait plus de terme
de comparaison avec une valeur métallique.
Ces obligations étaient
tombées de vingt schellings à quinze. Toutes les autres valeurs en furent
affectées. Lorsque le projet de retirer ces billets fut mis en question, il fut
attaqué et soutenu de part et d’autre par des hommes grand talent, et des deux
côtés on s’appuyait sur les mêmes épouvantails. Les adversaires du projet
disaient que si ces billets étaient retirés de la circulation, on jetterait le
pays dans la plus grande perturbation. Les autres prétendaient, au contraire,
que cette perturbation serait la conséquence du maintien des billets en
circulation. Le fait est, qu’en 1826 la législature a défendu à toutes les
banques d’émettre des billets de banque d’une livre sterling. Et ceux qui
étaient en circulation ont été retirés sans aucune perturbation et aux grands
applaudissements de la nation tout entière. Le fait prouve en outre, contre la
prétention d’un orateur de cette chambre, que les banques ne sont pas, en
Angleterre, indépendantes de la législature.
La
seule objection raisonnable que, selon moi, les adversaires du projet du
gouvernement aient présentée dans la discussion, a pour objet de mettre le
ministère en contradiction avec lui-même. D’un côté il avoue qu’en temps de
guerre c’est à la propriété à en supporter les plus grandes charges. Lorsqu’il
demande une subvention de guerre, il demande qu’on impose les autres contribuables
dans la même proportion. La commission n’a pas plus négligé cette question que
toute autre. Moi-même j’ai fait une proposition à cet égard. Elle n’a pas
trouvé l’appui de la majorité.
Je déclare que si un
honorable membre propose un amendement dans le but de faire supporter l’impôt
dans une plus grande proportion par la propriété foncière, je serai disposé à
l’adopter.
J’ai dit.
M.
A. Rodenbach. - Lorsqu’on a entendu dans la séance d’hier le discours
prononcé par M. le ministre de la guerre, et les explications données par M. le
ministre des affaires étrangères on ne peut hésiter à voter les 7,200,000 que vous demande le gouvernement, d’autant plus que
la subvention nécessaire pour la défense du pays sera répartie également entre
toutes les différentes parties de la nation. On a présenté des amendements dans
la séance d’hier, c’est de ces amendements que je vais m’occuper.
Je commence par déclarer
que je voterai contre tous les amendements.
L’honorable M. Meeus
demande la majoration de l’impôt foncier jusqu’à la somme de 5,400,000 fr., rien que cela ; c’est une bagatelle. Les
députés de Bruxelles et l’honorable M. Lardinois se bornent à porter cette
majoration à 2,500,000 ; ce n’est que la moitié de
celle proposée par l’honorable M. Meeus.
Vous avez présentes à la
mémoire, messieurs, les doléances de l’agriculture. C’est parce que l’industrie
agricole souffre que nous avons porté dans la session dernière une loi
protectrice, contre l’exécution et l’efficacité de laquelle aucun bon argument
jusqu’à présent n’a été présenté. Si l’on consulte la moyenne du prix des
céréales dans toute
Les honorables auteurs
des amendements en discussion ne sont pas d’accord. L’un demande une
augmentation de 20 p. c. sur les eaux-de-vie, sur les vins étrangers.
L’honorable M. Lardinois demande une diminution sur cette branche de commerce.
Ils ne sont pas d’accord avec M. Meeus qui a déclaré que la subvention aura
pour effet de diminuer les revenus de douanes et de favoriser la fraude. Vous
voyez donc qu’ils ne sont pas d’accord. L’honorable député d’Anvers suit une
autre marche. Il ne veut rien accorder aux douanes. Voilà donc la subvention de
7,238,000 fr. diminuée de 800,000 fr. Cette diminution
est énorme, et sous ce rapport il est en désaccord avec MM. Lardinois et
Coghen.
Le projet de la
commission des voies et moyens est plus uniforme. Il ne frappe point telle
industrie au profit de telle autre. Il les frappe toutes également. Il frappe
également le sel, les patentes. Tout contribue à la subvention dans une égale
proportion. Je ne crois pas que l’on dise que nos contributions sont réparties
d’une manière injuste. Les 10 centimes additionnels proposés par le
gouvernement sont donc équitables. Il est impossible d’admettre une autre
disposition.
On a parlé encore des
douanes. Je terminerai par quelques observations sur ce sujet. L’augmentation
du droit ne fera pas de tort aux fabriques, en ce sens que M. le ministre des
finances nous promet d’organiser promptement le service des douanes. Au
contraire vous favoriserez l’industrie cotonnière, qui vous demande une
augmentation de droit sur les produits étrangers. Si le système des douanes
était organisé comme il l’est en Angleterre, je suis persuadé que cette branche
de revenus rapporterait deux cent mille francs de plus.
Pour
ce qui est de l’augmentation de droit sur la matière première, je ne pense pas
que l’on ait à élever des plaintes à cet égard. La subvention de guerre ne
portera pas sur la laine, par exemple puisque cette matière première est libre
de tout droit à l’entrée. Le café subira une augmentation d’un demi-centime par
kilogramme. Ce n’est presque rien, et vous savez qu’il n’y a pas de pays en
Europe où cette denrée soit moins imposée que chez nous. Le coton paiera
simplement 16 francs par
Ainsi, l’augmentation
que l’on nous demande, messieurs, ne sera pas écrasante.
M. Meeus. - Messieurs, avant d’entrer dans la discussion
du fond, je commencerai par répondre à quelques attaques dirigées contre moi
par le rapporteur de la commission du budget des voies et moyens qui a examiné
l’amendement de M. le ministre des finances, attaques qui ont été répétées
aujourd’hui par l’honorable abbé de Foere.
Pour ce qui est de
l’accusation que l’on m’a portée d’avoir reproché à la commission un examen
trop léger de la proposition du gouvernement, j’ai fait un reproche pareil
effectivement ; mais ce n’est pas à la commission que je l’ai adressé ; c’est
au ministère. J’ai ajouté que son projet n’avait pas été suffisamment élaboré
par la chambre, que dans ma pensée l’amendement soulevait des questions d’une
telle importance que tout au moins ce projet aurait dû être élaboré en sections
et mûri par la section centrale, qui aurait été saisie en même temps d’autres
projets.
Messieurs, je me suis
bien gardé d’inculper le zèle de MM. les membres de la commission du budget des
voies et moyens. Je suis persuadé qu’ils ont apporté, dans leur examen, toute
la maturité possible, vu le peu de temps qui leur avait été laissé pour faire
un rapport. Car le gouvernement insistait pour que ce rapport fût fait
immédiatement.
M. l’abbé de Foere m’a
attaqué sur ce que j’avais dit que le projet était contraire à l’intérêt
général et aux intérêts du trésor. Il prétend que je n’ai pas prouvé ces deux
assertions. Messieurs, il me semble que si mes paroles sont présentes à votre
mémoire, vous devrez convenir qu’il m’était impossible dé justifier ces deux
assertions mieux que je ne l’ai fait.
Lorsque j’ai avancé que
le projet était contraire à l’intérêt général, j’ai dit qu’il résulterait de
cette loi transitoire un temps d’arrêt dans le commerce, dans l’industrie,
parce que toute loi transitoire apporte avec elle des considérations d’intérêt,
et avant l’exercice de cette loi, et après son exécution, c’est-à-dire que les
commerçants remettent à l’année où la loi expirera des opérations qui leur
seraient moins favorables sous son empire. Et sous ce rapport, je suis d’accord
avec les honorables orateurs qui m’ont précédé aujourd’hui dans la discussion.
MM. Smits et Devaux vous
ont prouvé jusqu’à l’évidence et d’une manière incontestable que les entrepôts
vides aujourd’hui seraient remplis vers la fin de 1835. En un mot, qu’on
s’abstiendrait de payer les droits sur les matières imposées en 1835, certain
que l’on serait de ne payer en 1856 qu’un droit moindre de 10 p. c. que celui
exigé eu 1835.
C’est ainsi que j’ai
prouvé que la présente loi nuirait au trésor public. Nécessairement, s’il y a
des chances pour l’industrie de payer des droits moins élevés en 1836, comme
chacun ne suit que son intérêt particulier, elle ne paiera exactement en 1835
que ce qui lui sera indispensable. C’est ce qui m’a fait dire et m’a forcé à répéter
que non seulement le gouvernement ne recevra pas en 1835 les 10 p. c. de la
subvention de guerre, mais que l’effet même de sa loi transitoire sera de
l’empêcher de recevoir une partie des droits actuellement existants. C’est pour
ces motifs que j’ai dit que si le gouvernement avait réellement des fonds pour
subvenir à des frais éventuels de guerre, il fallait chercher pour y subvenir
des moyens efficaces. Et ces moyens je vous ait dit
qu’il me semblait qu’on pouvait en trouver dans un accroissement d’impôts sur
la valeur de la contribution foncière.
En effet, messieurs,
comment voulez-vous, si les événements sont imminents, si la guerre éclate, que
le produit des accises, des douanes, des transactions, de l’enregistrement, du
timbre etc., puissent offrir des ressources réelles, alors que l’industrie, le
commerce se trouveraient blessés par cela même que la guerre éclaterait ?
Ce n’est pas quand la
guerre aura éclaté qu’il faudra venir demander à la contribution foncière de
nouveaux subsides. Il sera trop tard. Il faut, que vous ayez préparé d’avance
les ressources qui devront vous aider à repousser l’ennemi. il
faut que le trésor soit rempli et que vous ne recouriez pas au moment même à
des mesures qui n’auraient d’effet que pour un terme plus éloigné. Il ne suffit
pas de dire : Que les propriétaires, que les fermiers etc. paient 20, 30 p. c.
J’en ai besoin. Les propriétaires, les fermiers paient mensuellement. Ce ne
sera donc qu’au bout d’une année que vous aurez réalisé les fonds nécessaires
pour la guerre. Vous n’irez pas exiger que les fermiers vous paient en un mois
sur 20, 30 p. c. d’augmentation leurs contributions. Bien certainement non.
Si le discours de M. le
ministre de la guerre a la portée que ses expressions doivent lui donner, si les
paroles de M. le ministre des affaires étrangères ont la portée que j’ai cru
devoir leur attribuer, je déclare qu’il y a de la prudence à se créer dès
aujourd’hui des recettes éventuelles qui pourraient manquer entièrement si l’on
ne s’y prenait d’avance. J’ai proposé dans ce but un amendement contre lequel
on se récrie fort parce que j’impose la propriété. Mais ce que je viens de dire
justifierait assez mon amendement. Il semble que l’on ait pris à tâche de
défendre la propriété foncière. Examinons un peu sa situation.
D’abord le grand
argument que l’on fait valoir est celui-ci : Vous allez imposer outre-mesure
les petits propriétaires. La grande propriété se cache toujours derrière la
petite propriété, elle cherche à vous apitoyer sur le sort de celle-ci, pour
mettre ses intérêts à couvert sous les siens. La tactique est heureuse. Elle
aura du succès parce que je crains bien que mon amendement ne passe pas, et
cette peur, je l’ai pour des raisons que je ne veux pas énumérer.
M.
A. Rodenbach. - Dites-les, vous pouvez tout dire ici. Si vous les
taisez, c’est que vous n’osez pas parler.
M. Meeus, reprenant. - Comme député, je dis tout juste
ce qu’il me convient de dire. M. Rodenbach aura beau distiller contre moi des
paroles d’amertume (hilarité générale),
je ne dirai que ce qui me conviendra.
Je reprends mes
observations. Je dirai : C’est surtout sur la petite propriété que l’on
s’apitoie. Effectivement je conviens qu’il y a beaucoup de petits propriétaires
en Belgique. Je désirerais pour ma part, dans l’intérêt du pays, qu’il y en eût
davantage. Examinons un peu la question plus au fond, et voyons combien si y a
d’hectares en Belgique entre les mains des petits propriétaires. Si M. le
ministre des finances était prié de nous présenter un tableau statistique qui
nous indiquât combien de propriétaires possèdent mille hectares, combien il y
en a qui possèdent 100, 25, et enfin 10 ; savez-vous, messieurs, ce qui vous
serait prouvé ? c’est que les trois quarts de la
propriété foncière appartiennent à des propriétaires qui possèdent plus de
En définitive donc la
masse des propriétés en Belgique est entre les mains de personnes qui peuvent
payer facilement, qui le feront lorsqu’il le faudra. Mais en raison même de la
division d’un quart du total de la propriété foncière entre de petits
propriétaires, il importe, me dira-t-on, que l’on ait égard à leur position. Je
répondrai à cela qu’en imposant les objets de consommation, vous imposez indirectement
la petite propriété d’une somme bien plus forte que celle que vous lui
imposeriez directement. Je suppose un propriétaire de
Je l’ai dit
précédemment, lorsque le pauvre n’a pas de quoi assaisonner ses pommes de
terre, une poignée de sel lui suffit. Le lard dont il fait sa nourriture, c’est
avec le sel qu’il est préparé. En un mot, vous l’atteignez de toutes les façons
quand vous imposez le sel. Ainsi il vaut mieux que vous imposiez directement la
propriété foncière du petit fermier. Cela vaudra mieux pour lui que les
tracasseries auxquelles l’exposeront vos contributions indirectes.
Les considérations que
je viens d’émettre ne peuvent s’appliquer aux grands propriétaires, à ceux qui
ont trois ou quatre cents hectares ; bien certainement ils ne dépensent ni en
vins, ni en sel, ce que vous rapporterait l’augmentation de leurs contributions.
Et la différence que vous remarquerez sera en raison de ce qu’ils seront plus
riches.
Il est donc vrai de dire
qu’en définitive, si nous voulons bien comprendre l’intérêt du pays, il vaut
mieux imposer la contribution foncière, parce que les charges qu’on lui impose
sont supportées par ceux qui peuvent payer, tandis que dans les impositions
indirectes, non seulement vous rencontrez les inconvénients que j’ai signalés,
mais en outre, vous nuisez au travail. L’impôt rapporte d’autant moins sous le
rapport commercial et industriel que la main-d’œuvre est plus chère. Le
fabricant qui paie la journée de l’ouvrier à 10 sous, sera obligé de la payer à
quinze. De là, augmentation sur le prix des objets fabriqués ; de là,
ralentissement dans les achats ; de là, moins de chances de lutter avec
avantage sur les marchés étrangers. Vous voyez que, de quelque côté que vous
envisagiez la question, il est vrai de dire que les impôts indirects ne peuvent
jamais que nuire à la prospérité d’un pays, tandis que la contribution foncière
est surtout supporter par les riches.
Si je voulais recourir
aux discours prononcés dans l’assemblée constituante, il me serait facile de
démontrer que l’on a avancé dans cette mémorable chambre que la contribution
foncière n’est qu’une perception sur le revenu du riche. Je m’attends à ce que
l’on me réponde à cela pouvait être alors. Aujourd’hui, c’est le fermier qui
est chargé de payer les contributions directes. Ce fermier qui paiera le surtaxe que vous lui imposeriez, mérite la sollicitude de
la chambre. Permettez-moi, messieurs, de vous présenter à cet égard quelques
considérations.
D’abord, ce fermier sait
très bien qu’il est tenu par les clauses du bail qu’il a passé avec son
propriétaire, non seulement de payer la contribution foncière existante, mais
encore la majoration qui pourrait y être apportée. Les grands propriétaires (et
ils ont leur raison pour en agir ainsi) ont bien soin de stipuler cette
obligation.
Il a bien soin de
stipuler de manière qu’il lui reste de quoi couvrir les impositions que l’on
pourrait établir. Remarquez-le, tous les ans une partie des baux vient à
expirer : dans ce pays l’habitude est de les faire pour trois, six et neuf
années et nous pouvons raisonnablement croire que plus de la moitié en sont
renouvelés en Belgique depuis quatre ans. Eh bien, il est à supposer que les
fermiers auront pris en considération l’expérience du passé, et auront eu soin
de se prémunir contre l’élévation des contributions, par un prix moins élevé
des baux. Pour les fermages à venir, ils auront soin de réfléchir, d’après
l’expérience qu’ils ont acquise pendant les années précédentes ils auront soin
encore d’examiner combien il est difficile aujourd’hui de faire face aux
dépenses de l’Etat sans charger de plus en plus la contribution foncière.
Soit dit en passant,
j’ai écouté avec un vif plaisir et avec beaucoup d’attention le discours de M.
Liedts : il a prouvé que 17 millions de francs ont été, par
Il est vrai que les
propriétaires s’écrient : Que le commerce paie ! que
le commerce fasse des sacrifices
Messieurs, si vous
pouviez faire contribuer le commerce sans l’entraver, et sans nuire à la
prospérité du pays, je vous dirais : Imposez-le. Mais c’est là la pierre
d’achoppement contre laquelle se sont brisés tous les efforts.
Remarquez bien encore
que les négociants ne se trouvent pas dans la belle position où sont les
propriétaires. Quand cinquante années se sont écoulées, on retrouve à peu près
la même liste de grands propriétaires que l’on trouvait cinquante années
auparavant, mais quand vous passez en revue les négociants qui out paru sur la
scène, vous n’en retrouvez que quelques-uns, taudis qu’un nombre considérable a
fait naufrage.
Voilà en définitive
l’histoire du commerce ; et si l’homme n’avait en soi cet ardent désir du gain,
cet ardent désir de se procurer plus de jouissance, on ne verrait peut-être
pas, avec l’expérience des années passées, tant d’hommes se livrer au commerce
et à l’industrie.
J’ai entendu dire par un
homme respectable que, de plus de mille maisons de commerce commencées en 1789,
il n’en comptait en 1819 que cinq d’échappées au naufrage.
Si
vous pouviez même frapper le commerce sans tuer l’industrie, je serais le
premier à vous dire : Frappez. Mais il est impossible de toucher à l’un sans
accabler l’autre.
Messieurs, je pense en
avoir dit assez pour justifier mon amendement, et dans cette séance et dans les
précédentes. Je ne m’amuserai pas à réfuter les objections que l’on a faites,
et qui n’ont pas trait à la question
agitée devant vous ; ce serait abuser de vos moments, et je crois de mon devoir
de ne pas épuiser votre patience.
Mais, en terminant,
j’invite M. le ministre des finances à mettre à exécution l’idée que j’ai
émise, c’est-à-dire à dresser des tableaux d’après lesquels la législature
saura combien, dans le pays, il y a de propriétaires de telle classe, combien
de telle autre. C’est le seul moyen de nous éclairer sur la répartition de la
contribution foncière en Belgique.
M.
A. Rodenbach. - Je demande la parole pour un fait personnel. Vous
savez, messieurs, que j’ai pris part à la rédaction de la loi sur les
distilleries, et relativement à ce fait, l’honorable préopinant a voulu
distiller une épigramme contre moi (on
rit). Je dois déclarer ici, sur l’honneur,que
quoique je me sois beaucoup occupé de cette loi, ce n’a pas été dans des vues
personnelles, puisque je ne suis pas distillateur, ni associé à aucune
entreprise de ce genre.
Je
crois devoir faire cette déclaration parce que je m’aperçois depuis quelque
temps on lance des quolibets contre moi relativement aux distilleries ;
toutefois, cette loi, objet de tant de critiques, rapporte ce qu’elle devait rapporter
: j’ai dit que l’impôt sur les distilleries produirait 18 à 19 cent mille fr.,
et la prévision s’est réalisée. Si le ministre des finances trouve que des
revenus manquent au trésor, il a des moyens d’en créer sans frapper une
industrie utile à l’agriculture.
Il y a les cafés qu’il
peut imposer. Demain ou après demain, je déposerai un projet de loi dans ce
but. (Appuyé ! appuyé !)
Toutes les fois que
l’honorable membre, dont je repousse les attaques, a parlé, ç’a été pour nous
entretenir de la banque, pour nous occuper de son métier, pour le défendre et
en soutenir les intérêts : moi, on ne m’a peut-être jamais entendu parler du
mien ; je suis brasseur ; voilà mon métier, et cependant j’ai proposé
d’augmenter l’impôt sur la bière.
M. Meeus. - Il n’est jamais entré dans mes principes
parlementaires d’attaquer qui que ce soit dans cette assemblée. Si le mot
distillerie n’est échappé, c’est parce que je n’en ai pas trouver
d’autre pour caractériser l’empressement avec lequel l’honorable M. Rodenbach
m’attaque quand je parle de la propriété foncière.
J’ignorais qu’il fût
brasseur ; je viens de l’apprendre ; je lui en fais mon compliment ; c’est un
métier fort honorable dont il pourrait parler. Si je parle souvent de la
banque, je ferai remarquer que je ne suis pas banquier ; que, comme gouverneur
de la banque, je ne l’ai pas défendue, mais comme député j’ai cru devoir
repousser les attaques inconsidérées dont elle a été l’objet. Ce n’est jamais
moi qui ai entamé de semblables discussions. Je crois que l’on aurait bien
mieux fait, et dans l’intérêt public et dans l’intérêt de la banque, de ne
point s’occuper de questions qui ne peuvent être résolues dans cette enceinte,
et qui ne peuvent conduire à aucun résultat.
Plusieurs membres. - Nous verrons ! nous verrons !
M. Meeus. - Depuis quatre ans, pour me servir d’une
expression employée par M. Dumortier, on a testicoté
souvent sur les questions concernant la banque et on n’est arrivé à aucune
solution ; je n’ai pas testicoté ; j’ai dit :
Examinez la position de la banque relativement au trésor ; si elle doit, les
tribunaux sont là et ils prononceront.
M.
Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je suis
étonné qu’on vienne mêler à une discussion importante des questions d’une
nature si hétérogène. Il ne s’agit pas maintenant de la banque. L’honorable
membre a sans doute bien fait d’en prendre la défense ; mais qu’il sache que si
elle ne veut pas rendre ses comptes à l’Etat, la législature prendra telles
mesures...
M.
Fleussu. - Mais cela n’a rien de relatif à un fait personnel.
M.
Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je viens
exprimer mon étonnement de ce qu’on entremêle la banque à toutes les affaires…
M. le président. - Quelle est votre motion d’ordre
?
M.
Dumortier. - Je demande que l’on suive le cours de la discussion et
qu’on laisse la banque de côté… Je sais bien que beaucoup de personnes vont
dire : Ne mettez pas d’impôts, la banque vous donnera de l’argent ; oui, elle
nous en donnera, mais à quel taux ? Je préfère le projet du gouvernement à
l’obligeance ruineuse de la banque.
M.
Donny. - Messieurs, j’accorderai au gouvernement la subvention qu’il
demande, à l’exception de, la partie de cette subvention qui doit frapper les
douanes.
De nombreux orateurs se
sont déjà élevés coutre la mesure que je combats ; je ne répéterai pas leurs
arguments ; mais je dois déclarer que je n’ai entendu jusqu’à présent aucune
bonne raison contre les arguments dont ils ont fait usage. Ce que j’ai entendu
de plus spécieux a été mis en avant par M. le ministre des finances, et après
lui par M. le commissaire du Roi, et je crois pouvoir prouver que leurs
observations ne sont pas concluantes.
Le ministre a dit que la
subvention ou la surtaxe, comme il l’appelle, était si exiguë, si légère,
qu’elle doit être insensible pour le commerce. C’est là une grave erreur,
messieurs, et deux simples observations vous le démontreront.
Depuis longtemps on a
reconnu la nécessité d’accorder à la marine nationale une protection qui lui
permette de lutter avec la navigation étrangère. A cet effet il fut établi que
les marchandises, importées par des navires nationaux, paieraient des droits de
douanes moins élevés que celles importées par des navires étrangers ; et cette
différence protectrice a été fixée à dix pour cent des droits. C’est une preuve,
à mon avis, que dix pour cent sur les droits de douanes ne sont pas un objet
aussi insignifiant pour le commerce que le ministre le suppose. Je puis
ajouter, messieurs, qu’il s’organise en ce moment une société de commerce dont
les principaux bénéfices auront pour base cette protection de 10 pour cent
accordée à la navigation nationale.
Il y a tous les jours
des négociants qui, dans leurs déclarations de douanes, donnent à leurs
marchandises des mesures, des quantités ou des valeurs inférieures à la réalité.
Les négociants qui font usage de semblables pratiques, sont très satisfaits de
leur opération lorsqu’ils parviennent à se procurer, de cette manière, un
bénéfice égal au dixième du droit ; et notez que, pour l’obtenir, ils
s’exposent à des amendes et à des confiscations ; nouvelle preuve que la
surtaxe de 10 pour cent n’est pas chose insignifiante pour le commerce.
M. le ministre des
finances vous a fait une énumération de quelques articles du tarif, en vous
faisant remarquer que sur un kilo ou sur une livre usuelle de ces marchandises,
la surtaxe serait pour ainsi dire insensible. En raisonnant ainsi, M. le
ministre fait le compte non pas du négociant, mais du consommateur. Pour ce
dernier un kilo d’une denrée quelconque est souvent une provision assez
considérable, et l’on conçoit que pour lui un centime de plus ou de moins par
kilo peut être de très peu d’importance Quant au négociant c’est tout autre
chose ; ce n’est pas par kilo ou par livre usuelle qui peut calculer ses
bénéfices ou ses pertes ; il opère par grande parties, quelquefois par
cargaisons entières ; et le plus souvent les bénéfices qu’il retire
d’opérations faites sur une échelle aussi grande seraient réellement dérisoires
si l’on voulait les énoncer par kilo ou par livre usuelle. Les calculs au kilo
que M. le ministre des finances vous a présentés ne doivent donc nullement
influencer vos esprits.
Je
finirai par une remarque. Les observations que je viens de vous faire, et les
nombreux arguments que l’on vous a exposés avant moi, tout cela ne devait pas
avoir grand poids dans cette discussion, si la surtaxe sur les douanes était
réellement une nécessité. Mais il est loin d’en être ainsi ; la somme qu’on
vous demande est quelque chose d’arbitraire ; le chiffre en aurait pu être
moindre, comme il aurait pu être plus élevé. Les douanes. auraient
pu être affranchies de la subvention tout aussi facilement qu’elles ont été
comprises dans la proposition du ministre. Ce n’est pas la nécessité, c’est le
hasard qui a fait demander la surtaxe aussi bien sur les douanes que sur
d’autres contributions. Le ministre n’aurait certainement pas suivi cette
marche, s’il avait pu réfléchir aux inconvénients que beaucoup d’honorables
préopinants ont signalés avec moi ; et je crois, messieurs, que vous pouvez,
ainsi que le propose l’honorable M. Smits, effacer les mots douanes, transit et
tonnage de la proposition ministérielle.
M.
Seron. - M. le ministre des finances vous a dit hier : « Il y aurait
partialité, injustice criante à faire peser sur la contribution foncière seule
une augmentation que les autres impôts ne sont pas moins en état de
supporter. » C’est la répétition en d’autres termes, de ce qu’il a avancé
dans son exposé du 15 novembre. Il suppose qu’avant qu’on ajoutât 40 p. c. au
principal de l’impôt foncier cette contribution était en rapport avec la
contribution personnelle ; que l’addition de ces 40 p. c. en 1833, et les 20 p.
c. qu’on a laissés subsister encore en 1834, sont des sacrifices imposés à la
propriété immobilière, en violation du principe d’après lequel les
contribuables ont droit à l’égalité proportionnelle.
S’il existait, en effet,
une juste proportion entre le principal de la contribution foncière et le
principal de la contribution personnelle, ce que le ministre n’a ni prouvé ni
même essayé de prouver, il pourrait être fondé à soutenir que les centimes
additionnels de l’une ne doivent pas, proportion gardée, excéder les centimes
additionnels de l’autre.
Mais encore une fois,
comme je l’ai déjà dit, comme l’a dit mon honorable ami M. de Robaulx, le
ministre pose en fait ce qui est en question. Qu’il nous comprenne bien. Nous
soutenons, nous, que le principal de la contribution foncière est trop faible
comparé au principal de la contribution personnelle ; nous en concluons que les
centimes additionnels de la contribution foncière doivent être plus élevés que
les centimes additionnels de la contribution personnelle, et que, par exemple,
il était juste de laisser subsister en 1835 les 20 centimes additionnels de
1834.
Pour justifier notre
opinion, nous citons des faits ; nous disons : l’impôt foncier enlève à peine
au propriétaire le huitième de son revenu net ; cette quotité est raisonnable
et très supportable considérée en elle-même ; elle est très légère si on en
compare à l’ancienne imposition territoriale du règne de Marie-Thérèse, temps
heureux que veulent faire revivre les charitables aristocrates et les honnêtes
gens qui s’occupent du salut de nos âmes et du soin de faire bombance et de
s’enrichir à nos dépens. M. le ministre nous répond : « Attendez la
péréquation, et vous verrez si la contribution foncière est aussi légère que
vous le supposez. » Mais la péréquation, si les évaluations cadastrales sont
proportionnelles, ne peut produire qu’une répartition plus juste et plus égale
entre les provinces ; elle n’empêchera pas, si les employés du cadastre nous
ont dit la vérité, que la quotité de l’impôt ne soit au-dessous du huitième des
revenus nets imposables.
Nous disons qu’à la
différence de l’impôt foncier, la contribution personnelle est beaucoup trop
élevée, et pour preuve nous alléguons l’énorme augmentation qu’elle a subie. En
effet, en 1822 la contribution personnelle et mobilière ne montait, pour toutes
les provinces de
On nous répond : La loi
le veut. Oui sans doute. ; mais en attendant que vous
en changiez les bases, ne devez-vous pas remédier autant que possible au mal
qu’on vous fait toucher du bout du doigt ? Que dis-je ! Vous voulez l’aggraver
en faveur des riches. La révolution, dit-on, a été faite pour le peuple. Je ne
sais pour qui elle a été faite, mais le peuple n’en profite guère, et le
proverbe : « au pauvre diable la besace, » demeure toujours vrai.
Je ne parle que de la
contribution personnelle parce que d’autres membres de cette assemblée ont
suffisamment exposé les motifs qui s’opposaient également à l’augmentation des
impôts indirects, des droits d’enregistrement et des patentes. Ces motifs,
joints à ceux que moi-même j’ai déjà fait valoir dans une autre séance, me
porteront à voter en faveur de l’amendement proposé par M. Meeus et à l’appui
duquel il a allégué d’excellentes raisons.
Après
tout, messieurs je n’ai la parole que pour motiver le vote négatif dont je me
propose d’accueillir la demande de 7 à 8 millions de centimes additionnels,
destinés à couvrir en partie les frais d’une guerre contre les Hollandais, à
laquelle je ne crois pas ; car 1° l’exposé présenté hier par M. le ministre de
la guerre ayant produit sur un grand nombre de membres de cette assemblée un
effet tel qu’ils croient toute délibération inopportune et dangereuse, j’ai dû
pressentir que la passion, aveugle et mauvaise conseillère qui les domine, les
empêcherait de m’écouter. En second lieu, M. le ministre des finances ayant dit
que chacun pouvait voter comme il voudrait, nous a fait sentir qu’il est sûr de
son affaire, que la majorité adoptera le projet par lui présenté, et que dès
lors il est inutile de le combattre.
Messieurs,
j’ajoute une observation. M. le ministre des finances a dit hier, ce me semble
: Mais si les membres qui s’opposent à ce projet de loi ont des projets à eux,
qu’ils les présentent donc. Je vous prierai d’observer que moi, j’ai demandé
qu’on rétablît la contribution immobilière personnelle, qui, si on voulait la
remettre en vigueur, rapporterait de deux à trois millions.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
L’honorable M. Seron aura sans doute oublié qu’un projet de loi sur la
contribution personnelle était soumis à la commission dont lui-même, M. Seron,
fait partie. Quand j’ai fait un appel aux membres, c’était sur le projet de loi
et non sur l’art. 2 nouveau introduit comme
amendement.
M.
Dumortier. - Voilà quatre ou cinq jours que nous discutons sur ce misérable
budget des voies et moyens. Il faut en terminer, messieurs. Le sénat s’assemble
demain. Il faut au moins lui soumettre un projet de loi. Je demande la clôture.
Chacun de vous connaît le fond de la discussion et a son opinion arrêtée à cet
égard.
M. de Robaulx. - Je demanderai à l’honorable
M. Dumortier sur quoi il demande la clôture. Entendez-vous la clôture sur tous
les amendements qui ont été proposés relativement à l’article nouveau du budget
des voies et moyens ? Je défie l’honorable M. Dumortier, malgré toute sa
perspicacité ; d’avoir son jugement arrêté sur tous. Je vous ai dit, quand vous
avez rejeté ma proposition que vous vous lanciez dans un dédale d’où vous ne
pourriez sortir. Si le ministre des finances avait voulu renvoyer à la
commission tous les amendements, nous aurions eu ce matin ou demain matin un
ensemble où se seraient groupées toutes les opinions à l’égard de cet art. 2.
Mais non, on a préféré que cela n’eût pas lieu, on s’est opposé à ce qu’on nous
fît voir clair dans la discussion.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il est évident que tous les amendements sont
suffisamment discutés, que toute la question est également bien connue, et il
est à remarquer que le sénat s’assemble demain et que nous n’en terminons pas :
ce corps attendra peut-être quinze jours avent qu’il lui soit soumis un projet
de loi. Quand il y a des amendements, on les discute, et quand ils sont
suffisamment discutés, on vote sur l’ensemble de la loi.
M.
Lardinois. - Je ferai remarquer qu’on n’a parlé que sur l’ensemble des
amendements et non sur le détail.
M. Dumortier. - Je ne comprends pas ce que
c’est que de voter le détail des amendements.
C’est à chacun, de voir
quels sont ceux de ces amendements qui lui conviennent.
Depuis cinq ou six jours
que nous discutons, chacun a pu former son opinion. Une discussion ultérieure
serait un vain partage qui ne serait pas digne d’une représentation nationale.
Vous avez vu à la bourse
d’hier le résultat de la longueur de nos discussions.
Nous devons montrer que
la nation sera toujours prête à soutenir le gouvernement quand il s’agira de
défendre son indépendance.
M.
Gendebien. - C’est vraiment une chose inconcevable qu’on vienne
invoquer aussi maladroitement ce qui se passe à la bourse, pour nous faire
voter en aveugles. S’il y a eu baisse hier à la bourse, ce n’est pas notre
discussion qui en a été cause, ce sont les événements qui se passent en
Angleterre et en Hollande.
Je ne concevrais pas
qu’un peuple fût assez léger pour trouver mauvais que les représentants
délibérassent deux ou trois jours de plus qu’il ne faudrait, quand il s’agit de
savoir s’il faut imposer de 10 p. c. en plus toutes les branches d’industrie.
Si nous avions voté
aussi légèrement que le voulaient M. Dumortier et quelques autres orateurs un
amendement jeté au hasard dans la chambre, sans discussion préalable, c’est
alors que nous aurions jeté la perturbation dans le commerce, et qu’on nous
aurait, avec raison, adressé des reproches.
Parce qu’on suppose que
Ainsi que je le disais
le 1er mars, s’il y a danger imminent de guerre comme plusieurs membres le
supposent, puisque c’est là-dessus qu’ils montrent leur empressement à voter la
somme demandée est insuffisante pour la soutenir. Si au contraire la guerre ne
doit pas avoir lieu, vous surchargez inutilement les contribuables.
Au mois de mars dernier,
je disais avec la commission qui a été unanime sur ce point : Si le
gouvernement veut appuyer la diplomatie pour obtenir la réparation de l’affront
fait à
L’expérience a prouvé en
effet que c’était trop, car on n’a rien fait.
Plusieurs voix. - Parlez sur la clôture !
M.
Gendebien. - C’est ce que je fais. Je crois avoir démontré qu’il est
indispensable de continuer la discussion afin que le public sache bien que
personne ne veut refuser au gouvernement l’argent qu’il demande pour défendre
l’indépendance du pays, mais aussi que l’immense majorité de la chambre ne se
compose pas d’hommes qui se laissent aller à la peur, qui se laissent aveugler
par le moindre événement, sans pouvoir le peser. Si nous votons comme le
propose le préopinant, nous serons accusés ou de n’avoir pas fait assez ou
d’avoir trop fait.
Si M. le président veut
me le permettre, je ne serai pas long.
M.
F. de Mérode. - On ne peut pas parler sur le fond. Moi je n’ai pas
parlé non plus.
M.
le président. Je ne puis vous permettre de parler que sur la clôture.
M.
Gendebien. - La chose est bien simple.
Personne n’a soumis à
l’assemblée cette idée. Je déclare que pour ma part, s’il y a des craintes
fondées qui puissent faire croire à la guerre, ce n’est pas huit millions qu’il
faut que le gouvernement nous demande, c’est 15, c’est 20 millions. Si donc une
subvention de guerre est nécessaire il faut voter une somme suffisante
Plusieurs membres. - Parlez sur la clôture.
M. Gendebien. - Que la chambre vote ce qu’elle
voudra, j’ai cru devoir protester contre une accusation, qui serait lancée
contre moi, si l’on croyait au-dehors que je partage le système de la majorité.
J’ai rempli mon devoir. Peu m’importe que d’autres ne veuillent pas remplir le
leur. (La clôture.)
- La clôture de la
discussion générale sur l’article 2 du budget des voies et moyens est mise aux
voix et adoptée.
M. de Robaulx. - Je demande la parole.
M.
le président. - Sur quoi ?
M. de Robaulx. - Sur tout ce que l’on voudra.
Cela fait murmurer les impatients. S’ils sont dans le secret, qu’ils nous le
disent.
Je demande que l’on ne
vote que demain, La raison en est simple. Plusieurs amendements nous ont été
présentés. La clôture a été prononcée sur la discussion de tous ces
amendements, Les membres qui les ont présentés pourront, d’ici à demain se
concerter pour prendre dans leurs propositions respectives ce qu’elles pourront
contenir de bon. Je défie bien que dix membres de cette assemblée puissent me
dire s’ils connaissent seulement la teneur des amendements qui ont été
présentés dans la séance.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous les avons sous les yeux.
M. de Robaulx. - Si vous me les lisez, c’est
différent. Mais s’il est dix membres qui puissent se les rappeler, je passe
condamnation. Il y en a qui n’ont pas été développés. Je demande donc pour le
moins que les auteurs des amendements aient le temps de se réunir et de
s’entendre. S’il vous convient de voter sans désemparer, votons. Mais ne vous
étonnez pas. si par la suite il vous arrive des
pétitions inconvenantes....
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - La chambre ne les recevra pas.
M. de Robaulx. - Des pétitions irritantes,
si vous le voulez. C’est vous qui l’aurez voulu.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne m’oppose pas à ce que le
vote soit remis à demain. Mais il est bien entendu qu’on ne pourra recommencer
la discussion. Les membres qui voudront adopter telle partie d’un amendement,
n’auront qu’à en demander la division.
Quelques membres. - Ils pourront y proposer des
modifications.
D’autres membres. - Non, non.
M. F. de Mérode. - Je demande que l’on vote
aujourd’hui. (Réclamations.) Quel
avantage y aura-t-il à voter demain puisque l’on ne pourra plus discuter ? Ne
perdons pas de temps. Nous avons à discuter des lois plus importantes que ce
fameux dixième qu’il faut payer. Après tout l’on ne sera pas mort pour cela.
M. Dumont. - Je ferai observer à l’assemblée
que la proposition de l’honorable M. de Robaulx serait inusitée. Si les auteurs
des amendements présentés dans la discussion pouvaient les réunir, les
amalgamer, ce seraient de nouveaux amendements, que la chambre ne pourrait
admettre sans en entendre les développements. Or, la chambre venant de fermer
la discussion, la proposition de M. de Robaulx est inadmissible.
M. Lardinois. - J’appuie la proposition. Il
faut renvoyer la délibération à demain. Les auteurs des amendements pourront se
concerter et en proposer un résultat des propositions particulières. Je suis très
disposé à adopter l’amendement présenté par M. Coghen.
M.
Dumortier. - J’aurais mauvaise grâce à refuser la demande qui est faite
de renvoyer le vote à demain ; mais ce renvoi ne peut avoir lieu pour autoriser
des changements dans les amendements ; toute modification aux
amendement serait contraire au règlement.
Je fais cette
observation aujourd’hui pour que demain on ne recommence pas une discussion
trop longue et trop oiseuse. Je demande que demain toute discussion soit interdite.
- La chambre consultée
renvoie la délibération à demain.
La séance est levée à 5
heures.