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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 novembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
3)
Projet de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Du
conseil communal. Actes du conseil communal soumis à l’approbation de la
députation permanente portant, notamment, sur les remises à accorder aux
fermiers de la commune, sur la nomination du personnel des établissements de
bienfaisance (de Nef, Verdussen,
Dumortier, Pollénus, de Theux, Pollénus, Dumortier, Pollénus, Dubus, de Theux, Pollénus,
Fallon, Dumortier, Pollénus, Gendebien, Desmanet de Biesme, Dumortier, de Brouckere, Pollénus, Fallon, Dubus, de
Brouckere, Fallon, Gendebien,
H. Dellafaille, Dumortier,
Gendebien, Dumortier, Gendebien, Desmanet de Biesme, Gendebien, Dumortier, Pollénus), sur la nomination du personnel salarié de la
commune (Troye, Fallon, H. Dellafaille, Troye),
autorités compétentes (notamment gouverneur, Roi et/ou pouvoir législatif) pour
suspendre/annuler les actes du conseil communal (de Theux,
Verdussen, H. Dellafaille,
Dubus, H. Dellafaille, Verdussen, Dubus, de Theux, Dumortier, de Theux, Dubus, de
Theux, Dubus, Dumortier, Dubus, Dumortier)
3)
Projet de loi portant transformation des pièces de cuivres ou des cents en
centimes (d’Huart)
4)
Projet de loi portant transfert de crédits au budget du département de
l’intérieur pour les exercices 1832 et 1833
(Moniteur belge n°330, du 26 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
une heure.
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été envoyées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Leprevost, de Basserode, demande
que la chambre adopte la disposition du projet de circonscription des cantons,
qui permet aux notaires de campagne d’instrumenter dans tout
l’arrondissement. »
_______________
« Le conseil
communal et des habitants notables de la commune de Leke
demande à faire partie de canton de Dixmude. »
_______________
« Cinq experts du
cadastre réclament le paiement des indemnités qui leur sont acquises. »
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Titre
II. - Des attributions municipales.
Chapitre Ier. - Des attributions du
conseil municipal.
Article 78 (du projet du
gouvernement) et article 80 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - La chambre est parvenue à l’article 78 du projet du
gouvernement, correspondant à l’article 80 du projet présenté par la section
centrale.
Voici l’article du
gouvernement :
« Art. 78. Le conseil,
s’il y a lieu, d’après les lois ou conditions et contrats existants, accorde
aux fermiers des propriétés, passages d’eau, barrières ou autres droits, les
remises que ces fermiers ont droit de réclamer ; mais lorsqu’il s’agira de
remises ou diminutions de prix qui, sans être formellement stipulées,
pourraient être réclamées par les fermiers, comme dans les cas prévus par les
articles 1722, 1769 et 1773 du code civil, ou pour tout autre motif de droit ou
d’équité, le conseil ne pourra les accorder que sous l’approbation de la
députation permanente. »
Voici l’article de la
section centrale :
« Art. 80. Le
conseil accorde, s’il y a lieu, aux fermiers ou adjudicataires de la commune,
les remises qu’ils ont droit de réclamer aux termes de la loi ou en vertu de
leur contrat ; mais lorsqu’il s’agit de remises réclamées pour motifs d’équité
et non prévues par la loi ou le contrat, le conseil ne peut les accorder que
sous l’approbation de la députation permanente. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
adopte la rédaction proposée par la section centrale.
- L’article 80 est en
conséquence mis aux voix et adopté.
Article 79 (du projet du
gouvernement) et article 81 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - Voici l’article 79 du projet du gouvernement,
correspondant à l’article 81 du projet de la section centrale :
« Article 79. Le
conseil nomme :
« 1° Les employés
de tout grade des taxes municipales ;
« 2° Les membres
des administrations et des hospices publics, ou établissements de charité et de
l’administration générale des pauvres, pour autant qu’il n’ait pas été décidé
autrement par les actes de fondation.
« Cette nomination
a lieu sur la présentation d’un nombre double de personnes, laquelle sera faite
par l’administration de ces établissements, et sera augmentée d’un nombre égal
de candidats à y joindre par les bourgmestres et échevins.
« Cette nomination
sera en outre soumise à l’approbation de la députation permanente du conseil
provincial.
« 3° Les
architectes et les employés chargés de la construction et de la conservation
des bâtiments communaux ;
« 4° Les directeurs
et conservateurs des établissements d’utilité publique et de la conservation
des bâtiments communaux ;
« 5° Les médecins,
chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier
des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune.
« 6° Les
instituteurs salariés par la commune ;
« 7° Tous les
employés ressortissant de l’administration municipale, et dont la présente loi
n’a pas attribué la nomination à l’autorité supérieure. »
Voici l’article de la
section centrale :
« Article 79. Le
conseil nomme :
« 1° Les employés
de tout grade des taxes municipales ; néanmoins le conseil pourra autoriser le
collège des bourgmestre et échevins à nommer les simples employés ;
« 2° Les membres
des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, à moins qu’il
n’ait pas été décidé autrement par les actes de fondation.
« Cette nomination
est faite pour le terme fixé par la loi ; elle a lieu sur la présentation d’une
liste triple de candidats, par l’administration de ces établissements ;
« 3° Les
architectes et les employés chargés de la construction et de la conservation
des bâtiments communaux ;
« 4° Les directeurs
et conservateurs des établissements d’utilité publique ou d’agrément
appartenant à la commune, et les membres de toutes les commissions qui
concernent l’administration de la ville ;
« 5° Les médecins,
chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier
des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune.
« Cette disposition
n’est pas applicable aux médecins et chirurgiens des administrations des pauvres
ou établissement de bienfaisance, lesquels continuent d’être nommés et révoqués
par les administrations dont ils dépendent ;
« 6° Les
professeurs et instituteurs attachés aux établissements communaux d’instruction
publique ;
« 7° Tous les
autres employés et titulaires ressortissant de l’administration municipale,
dont le conseil n’aurait pas expressément abandonné le choix au collège des
bourgmestre et échevins, et dont la présente loi n’aura pas attribué la
nomination, soit à ce collège, soit à l’autorité supérieure. »
- La chambre, sur la
proposition de M. le président, délibère séparément sur chaque paragraphe.
Paragraphe 1er
- Le paragraphe premier
de l’article 81 de la section centrale est mis aux voix et adopté.
Le second paragraphe du
même art. 81 de la section centrale est mis en discussion.
M. de Nef. - Il ne peut avoir d’inconvénients à
laisser la nomination des directeurs des établissements de charité aux
régences, sous la condition néanmoins que les expéditions des nominations
seront adressées par elles à l’autorité supérieure provinciale, afin que
celle-ci surveille l’exécution de la loi ; c’est-à-dire, veille à ce qu’il n’y
ait pas d’incompatibilités dans les nominations faites. Je demande en conséquence
que l’on mette à la fin du second paragraphe : « Expédition des actes de
nomination sera transmise à la députation provinciale. »
M. Verdussen. - Je prends ici la parole pour
faire connaître à la chambre une note qui m’a été transmise par M. le
bourgmestre de la ville d’Anvers au nom de la régence de cette cité. Le conseil
de régence d’Anvers, actuellement, et depuis très longtemps a dans ses
attributions la nomination des administrateurs des hospices et des bureaux de bienfaisance.
Il est permis au bourgmestre et aux échevins de présenter deux candidats, (erratum au Moniteur belge n°331, du 27
novembre 1834 :) et c’est sur la liste formée et par les administrations
des pauvres et par le collège des bourgmestre et échevins que le conseil de
régence fait la nomination. On voudrait conserver ce mode de nomination ;
cependant je ne puis faire de proposition incidente sur ce point, parce que je
ne partage pas l’avis de la régence d’Anvers.
Toutefois, je ne puis me
dispenser de faire observer que l’on change l’état des choses dans les
propositions qui sont faites ; cette remarque pourrait permettre à quelque
membre de faire une proposition à cet égard ; quant à moi, je ne puis en faire
contre ma pensée.
M. Dumortier, rapporteur. - J’aurai un
amendement à faire sur le second paragraphe présenté par la section centrale.
Cet amendement aura pour but de maintenir, à l’égard des membres des
administrations de bienfaisance, les mêmes incompatibilités qui existent
relativement aux membres des régences. Il ne peut y avoir à la fois deux ou
trois frères membres d’un conseil de bienfaisance ; de telles affaires ne
peuvent être gérées en famille. Je voudrais donc que les hospices présentassent
seulement les candidats. Je vais rédiger une proposition dans ce but.
M.
le président. - Il n’y a qu’à mettre dans le paragraphe : sans
préjudice des incompatibilité signalées par M. Dumortier.
M.
Pollénus. - Mais il se présente pour moi une difficulté dans l’adoption
de la dernière partie du premier aliéna du second paragraphe. J’entends dire
que, par suite d’un acte de bienfaisance fait dans une ville les plus
importantes du pays, on a nommé ou désigné pour administrateur une personne
étrangères au pays. On assure que ce fait a eu lieu dans la ville de Tournay.
Il y a donc inconvénient
à autoriser les fondateurs à nommer les administrateurs sans que la loi stipule
des garanties. Je voudrais savoir si l’amendement que rédige M. le rapporteur
de la section centrale, M. Dumortier, corrige l’abus que je signale. Je demande
la division du premier alinéa ; j’en voterai la première partie ; mais je
voterai le rejet de la seconde, à moins qu’on ne me donne la satisfaction que je
réclame.
Je ne comprends pas non
plus comment un particulier puisse conférer la qualité de membre d’une
administration publique sans l’intervention de l’autorité, comme paraît le
supposer la disposition finale du paragraphe en discussion.
M. le président. - Voici la proposition de M.
Dumortier :
« Les
incompatibilités établies relativement aux membres composant le conseil de
régence, s’appliquent aux membres des administrations des hospices et des
bureaux de bienfaisance. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne vois aucune disposition relative à la révocation des membres des
bureaux de bienfaisance, des membres des administrations des hospices ;
cependant cette disposition pourrait être d’une nécessité absolue.
Dernièrement, on a vu une administration de bienfaisance aimer mieux se
dissoudre que de rester telle qu’elle avait été formée, avec un collègue qui
déplaisait. Je crois qu’il faudrait ajouter au paragraphe : « Les membres
de ces administrations pourront être révoqués par la députation
provinciale. »
M. Pollénus. - Je désirerais que M. le
rapporteur de la section centrale nous dît si, par la manière dont le second
paragraphe est conçu, un particulier
aurait droit de déférer à quelqu’un la qualité de membre d’une administration
de bienfaisance ; si enfin un particulier peut déférer une qualité emportant
avec elle un caractère public ?
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ferai d’abord remarquer que ces mots ont
été empruntés par la section centrale au deuxième paragraphe de l’article du
gouvernement. Le but que nous nous sommes proposé avant tout a été de respecter
les intentions du fondateur, si le fondateur entend que l’établissement soit
administré par tel ou tel de ses parents. Une telle décision est la loi de
l’établissement : elle est la condition sous laquelle le legs a été fait. Vous
ne pouvez changer ce que le testateur a fait à cet égard. Sa volonté est une loi
à laquelle on ne peut déroger.
Je pense donc qu’il y a
lieu de maintenir la proposition du gouvernement, afin qu’il n’y ait aucun
doute ; car il y en aurait si cette disposition n’était pas dans la loi.
Je
propose un amendement tendant à établir pour les membres des administrations
des hospices et des bureaux de bienfaisance les mêmes incompatibilités existant
pour les membres des conseils de régence. Evidemment ces incompatibilités ne
seront pas applicables aux établissements dont je viens de parler, et qui sont
institués par testament. Car le testateur appelle le plus souvent ses parents à
gérer le bien de ces établissements.
M.
Pollénus. - D’après les explications que vient de donner l’honorable
rapporteur, il ne s’agit pas ici de conférer l’autorité publique à une personne
privée ; l’article tend seulement, dit-il, à sanctionner les nominations
d’administrateurs spéciaux faites par acte de fondation pour gérer une dotation
spéciale. Eh bien, messieurs, je dis que les termes de l’article n’expriment
pas les intentions du rapporteur. Par exemple, dans le deuxième paragraphe, on
confond le droit de nommer l’administrateur d’un établissement spécial et le
droit de conférer la qualité de membre de l’administration des hospices et bureaux
de bienfaisance. Or, ce droit d’introduire quelqu’un dans une administration
publique ne peut appartenir à un
particulier.
Assurément
l’article ne contient pas la limitation que l’honorable rapporteur croit y
trouver. Je crois donc qu’un changement de rédaction est nécessaire dans cette
disposition pour qu’elle rende l’idée qu’il a exprimée ; je pense que dans ses
termes actuels elle ne peut être admise.
M.
Dubus. - Je remarque d’abord que la rédaction de la section centrale
qui a donné lieu aux observations de l’honorable préopinant est empruntée
textuellement au règlement des villes ; l’art. 68 de ce règlement porte : « Le
conseil de régence nomme les membres des administrations des hospices et autres
établissements de charité, pour autant qu’il n’aura pas été décidé autrement à
cet égard par l’acte de fondation. La section centrale a dit : « Le
conseil nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de
bienfaisance, à moins qu’il n’ait été décidé autrement par les actes de
fondation. »
Ainsi, les observations
de l’honorable préopinant s’appliqueraient autant au projet de la section
centrale qu’au règlement des villes. Or, dans l’application, je ne crois pas
que cette disposition ait présenté des difficultés ; elle n’a même pu en
présenter : l’exception ne s’applique que là où l’acte de fondation indique
l’administrateur né de tel ou tel hospice, on indique le mode de leur
nomination. Il n’est pas impossible que dans telle ou telle localité il
n’existe pas d’autres établissements de bienfaisance que ceux fondés de cette
manière ; et alors il est juste de dire que l’administrateur nommé par un acte
de fondation serait membre de l’administration du seul établissement de
bienfaisance de la commune. On pourrait donc changer la rédaction de l’article
et y substituer une rédaction moins générale. Ainsi au lieu de : « à moins
qu’il n’ait été décidé autrement par les actes de fondation, » on pourrait dire
: « on suivra, quant à la nomination, l’acte de fondation. »
Je pense que la
rédaction de l’article doit s’appliquer aux cas où dans une ville il y aurait
des hospices, des établissements de bienfaisance dans les conditions
ordinaires, et en outre un hospice ayant un administrateur spécial nommé par
son fondateur ou ses parents d’après sa volonté.
On me communique à
l’instant cette rédaction qu’on substituerait à celle de la section centrale :
« Il n’est pas dérogé par cette disposition aux actes de fondation qui
établissent des administrateurs spéciaux. » Je crois qu’on pourrait
adopter cette rédaction.
M. le ministre de
l’intérieur propose que l’on discute tous les amendements en même temps ; je
ferai donc des observations sur ces divers amendements.
M. le ministre de
propose d’ajouter à l’article que les membres des administrations de
bienfaisance soient révoqués par la députation provinciale. Nous ne pouvons
admettre une telle disposition. Si elle est utile, je demande que vous
déclariez que les membres des administrations de bienfaisance seront nommés par
la députation. Car nous ne pouvons lui donner le droit de faire indirectement
ce que nous ne lui permettons pas de faire directement. Vous accordez comme une
apparence de liberté que les membres des administrations de bienfaisance soient
nommés par le conseil communal ; puis vous ajoutez qu’ils pourront être cassés
par l’administration provinciale. Alors toutes les fois que le membre nommé ne
plaira pas à l’administration provinciale, qu’il ne sera pas celui qu’elle
aurait choisi, elle le cassera pour forcer le conseil à nommer son candidat. Si
quelqu’un a le droit de révocation, ce doit être sans aucun doute le conseil
communal ; car il est incontestable que
le droit de révocation est la conséquence du droit de nomination.
M.
de Nef propose d’ajouter qu’une expédition de la nomination sera adressée à
l’administration provinciale. Ainsi l’administration provinciale pourra
s’assurer si les nominations sont faites conformément à la loi. Si le conseil
de régence se permettait d’attribuer ces fonctions à un étranger au mépris de
la constitution, qui porte que les emplois publics ne pourront être donnés qu’à
des Belges, l’administration provinciale pourrait redresser un tel abus. Sous
ce rapport, je trouve des avantages à la proposition de M. de Nef, et je
l’appuie.
Mon honorable ami M.
Dumortier propose pour les administrations de bienfaisance les mêmes
incompatibilités de parenté qui existent pour les membres des conseils de
régence. J’appuie également cette disposition. Il y a plus de raison
d’introduire cette incompatibilité parmi les membres des conseils
d’administration de bienfaisance, composes de 5 membres, que dans les conseils
de régence ordinairement plus nombreux.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Si j’ai proposé d’attribuer à la députation provinciale le pouvoir de
révoquer les membres des administrations des hospices et des bureaux de
bienfaisance, c’est que j’ai voulu donner à ces administrations la garantie
qu’elles ne seraient pas victimes de quelques passions de la commune. Je
consens à ajouter : « Sur la demande des administrations elles-mêmes ou
des conseils communaux. » Alors il n’y a aucun abus à craindre. D’après la
loi du 16 messidor an VI, le droit de révocation appartenait a
la députation provinciale et au ministre de l’intérieur. C’était encore une
garantie de plus que dans le projet actuel.
Quant à l’objection
soulevée par l’honorable député d’Hasselt, je ferai remarquer que cette limite :
« à moins qu’il n’ait été décidé autrement par des actes de fondation, »
se trouve insérée dans les règlements actuellement existants.
L’article
68 du règlement des villes est conçu dans les mêmes termes : « Le conseil
nomme les membres des administrations des hospices publics, des établissements
de charité et de l’administration générale des pauvres de la ville, pour autant
qu’il n’ait pas été décidé autrement à cet égard pour les actes de
fondation. »
La même disposition se
trouve dans le règlement du plat pays. La rédaction que je propose est copiée
du règlement des villes. Or, puisqu’on ne veut pas d’innovation, il n’y a rien
de mieux à faire que d’adopter la disposition du gouvernement. Nous resterons
ainsi dans les termes où nous nous trouvons aujourd’hui, et il n’y aura aucune
espèce de doute sur l’application de la loi.
M. Pollénus. - L’honorable M. Dumortier avait
manifesté l’intention de présenter un amendement. S’il ne le faisait pas, j’en
proposerais un ainsi conçu :
« Il n’est pas
dérogé au droit des particuliers de nommer des administrateurs spéciaux, par
des actes de fondation. »
Je
crois pouvoir me référer à ce que j’ai dit précédemment pour motiver mon
amendement. On dit que cette disposition se trouve dans les anciens règlements,
mais on ne doit pas oublier que la rédaction en est vicieuse. Or les doutes qui
en résultent nous ne devons pas les laisser subsister. Quand on fait des lois
nouvelles, il importe de les rendre aussi claires et aussi précises que possible.
M.
Fallon. - Je prierai M. le rapporteur de présenter son amendement ; la
rédaction en est peut-être plus complète que celle de l’amendement de M. Pollénus.
M. Dumortier,
rapporteur. - La proposition de M. Pollénus ne pourrait pas être
admise, car elle ne stipule que pour les fondations qui seront faites à
l’avenir. Cependant les droits sont les mêmes, soit que les fondations soient
antérieures ou postérieures à la loi. Voici comment je proposerais de rédiger
la disposition :
« Il n’est pas
dérogé par les dispositions qui précèdent aux actes de fondation qui
établissent des administrateurs spéciaux. »
M.
Pollénus. - Je me rallie à l’amendement de M. Dumortier.
M.
Gendebien. - Il me semble qu’on devrait s’expliquer sur le sens qu’on
attache à la disposition proposée. Si on veut parler de la fondation
d’établissements complets, comme celui qui existe à Namur, je conçois très bien
qu’on ne puisse pas ôter au fondateur le droit d’établir des administrateurs
spéciaux.
Mais voulez-vous étendre
ce droit à toutes les petites dispositions particulières ? Par exemple, si un
citoyen lègue à un établissement de bienfaisance un demi-bonnier
de terre, une rente, un capital, consentirez-vous à ce qu’il y ait autant
d’administrateurs que de legs, quand les legs auront été faits à ces conditions
?
Laisserez-vous à
l’administrateur nommé par le testateur qui aura légué cent mille francs, lui
laisserez-vous le soin d’administrer ce capital et de le manger ? Si vous ne
voulez appliquer la disposition qu’à des établissements complets, je
l’admettrai ; mais vous ne pouvez l’admettre dans le sens que je lui trouve,
sans jeter la perturbation dans les administrations de bienfaisance, sans
annuler les intentions et faire courir le plus grand risque aux legs des
testateurs.
Vous
savez que quand on arrive au moment de faire un testament, on est très
susceptible de captation, on cède facilement à des obsessions ; eh bien, si
vous adoptez la disposition qu’on vous propose, vous trouverez des spéculateurs
qui feront donner à des hospices ou à des établissements de bienfaisance des
legs de cent ou de dix mille fr., à condition qu’ils seront chargés de les
administrer. Et ils les administreront en les mettant en poche
Voyez si vous croyez
devoir donner cette portée à votre disposition.
M. Desmanet de Biesme. - Les
observations de l’honorable préopinant sont très fondées. L’amendement proposé
aurait les plus graves inconvénients. L’hospice qu’il a cité comme un
établissement complexe où la disposition pourrait être appliquée, n’est
administré par les parents que concurremment avec les hospices. L’article du
règlement est assez obscur, des contestations se sont élevées ; cependant nous
avons été maintenus dans nos droits, relativement à l’administration de cet
établissement, mais toujours concurremment avec les hospices. On s’exposerait à
de grandes difficultés en laissant l’article tel qu’il est rédigé.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ne comprends pas, messieurs, comment on
pourrait accepter un legs fait à un hospice et refuser de remplir la condition
qu’il y met. La distinction qu’on a faite entre un établissement complexe et un
établissement qui ne l’est pas ne me touche pas. Car comment prendre la bourse
que donne le testateur sans laisser à ses parents ou à la personne qui avait sa
confiance, le soin d’en surveiller l’emploi, lorsqu’il en a exprimé la volonté
? Un pareil système est une violation de toute espèce de droit, un abus de la
force. Je pense que la chambre sera assez sage pour le repousser.
Quand on est prés de
mourir, a-t-on dit, on est susceptible de captation, et des spéculateurs
profiteraient de cette disposition pour faire leurs affaires. Messieurs, quand
des spéculateurs se trouvent au lit d’un mourant, ils font faire des legs à
leur profit, et non au profit d’établissements de charité. D’ailleurs, s’il y a
captation, les tribunaux seront là pour prononcer. Si la crainte qu’on
manifeste était fondée, il faudrait adopter une disposition portant qu’on ne
peut plus faire d’établissements de charité. Quant à moi, je ne sais pas ce que
c’est que la captation en pareil cas, aussi longtemps qu’elle n’est pas
démontrée ; et quand elle est prouvée, le devoir des tribunaux est d’annuler le
testament. C’est ce qu’ils ont toujours fait.
Nous
devons donner l’exemple du respect pour les dernières volontés d’un mourant et surtout
quand il s’agit d’établissements d’utilité publique, car les établissements de
charité sont fondés dans l’intérêt du peuple. Et, comme l’a dit un homme
célèbre, on estime le degré de civilisation d’un pays d’après les
établissements de bienfaisance qui s’y créent. La véritable civilisation est
celle qui apporte du soulagement aux souffrances des malheureux.
Pour moi, j’appelle de
tous mes voeux des actes de captation qui auront pour objet des legs à des
établissements d’utilité publique. Ceux qui font de pareils legs sont, à mes
yeux, les véritables bienfaiteurs de l’humanité, quelles que soient les
conditions qu’ils imposent.
M. de Brouckere. - La disposition proposée
par la section centrale était ainsi conçue : « Le conseil nomme les membres des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, à moins qu’il
n’ait été décidé autrement par des actes de fondation. » Evidemment, une
semblable disposition n’était pas admissible, Car, en l’analysant, voici ce que
vous trouvez : Que si en règle générale, le conseil nommait les membres des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, il pouvait
dépendre d’un seul individu que ces membres ne fussent plus à la nomination du
conseil. Or, une semblable intention ne pouvait entrer dans l’esprit d’aucun de
nous. Tout au plus pouvait-on vouloir qu’en règle générale les biens laissés
aux pauvres pussent être ainsi administrés, c’est-à-dire que la gestion des
biens laissés aux hospices pût être soustraite par le testateur à
l’administration de ces établissements, mais en maintenant toujours intact le
droit du conseil de nommer les membres des administrations des hospices.
Il paraît que
l’honorable rapporteur de la section centrale a senti que la rédaction de la
section centrale devait être ainsi entendue, car il vous en propose une autre.
D’après cette nouvelle rédaction, il serait convenu que c’est le conseil qui
nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de
bienfaisance ; mais on ajouterait : « il n’est pas dérogé par les
dispositions qui précèdent aux actes de fondation qui établissent des
administrateurs spéciaux. »
Pour moi, je trouve fort
inutile ou d’approuver ou de combattre cette disposition, parce qu’elle ne
trouve pas ici sa place.
Il
ne s’agit pas de régler quels seront les biens à placer sous la régie des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ; il s’agit
simplement de savoir qui nommera les membres de ces administrations. A quoi bon
venir ainsi ajouter un paragraphe qui ne sert qu’à maintenir la législation
existante, quant à l’administration de certains biens légués à de certaines
conditions. C’est une chose fort inutile qui ne trouve pas sa place dans cet
article. Je propose donc que la disposition en discussion soit rédigée de la
manière suivante : « Les membres des administrations des hospices et des
bureaux de bienfaisance, » et que l’amendement proposé par l’honorable
rapporteur de la section centrale soit écarté.
M.
Pollénus. - Lorsque j’ai demandé la parole, j’avais l’intention de
présenter â l’assemblée les mêmes observations que l’honorable M. Dumortier
vient de développer. Je me bornerai à en faire une seule afin de réfuter ce que
vient de dire l’honorable préopinant.
L’honorable M. de
Brouckere convient avec moi que la rédaction de la section centrale ne rend pas
l’idée qu’y attachait dans le principe l’honorable rapporteur. Il est inutile,
dit ce membre, de parler d’autre chose que du droit de nomination des administrateurs
des établissements de bienfaisance par le conseil communal.
Je
crois, pour ma part, qu’il est utile et nécessaire de reconnaître aux
particuliers le droit de nommer des administrateurs spéciaux, d’autant plus que
si on ne reconnaissait pas ce droit, on pourrait dire que la disposition
générale non limitée qui accorde aux conseils la nomination des membres des
administrations de charité est exclusive du droit que nous reconnaissons aux
particuliers de confier la gestion de leurs dotations â des administrations
particulières. Je crois qu’il faut mettre à côté de la règle générale la
reconnaissance du droit particulier sur lequel nous sommes tous d’accord.
L’honorable M. de
Brouckere ne conteste pas ce droit de nommer des administrateurs spéciaux.
Comme je viens de le dire, il est utile et nécessaire de formuler cette opinion
dans la loi. Je demeure donc persuadé de la nécessité de l’amendement, quand ce
ne serait que pour prévenir l’incertitude qui résulterait infailliblement du
silence de la loi.
M.
Fallon. - Je prends la parole pour tâcher de démontrer que
l’inconvénient signalé par M. Gendebien dans l’addition du paragraphe proposé
n’existe pas. Il a supposé le cas où, par une disposition testamentaire, un
nouvel établissement serait érigé, et le cas où un legs serait fait en faveur
d’un établissement existant.
Dans le premier cas, il
appartient au testateur de régler l’administration de ses biens, comme il le
juge convenable. Il va sans dire que ses intentions ne pourront être mises à
exécution qu’après l’approbation royale. Tout legs exige une autorisation
royale. Il n’y a donc pas là d’inconvénient.
Dans
le second cas je ne vois non plus aucune espèce d’inconvénient. Je suppose
qu’un testateur lègue cent mille francs à un établissement existant, à charge
que les parents du testateur auront le droit de concourir avec la régence à la
nomination des membres de l’administration de charité. Il ne se présente pas là
de difficulté. Il est dit dans le code civil que tout acte disposé d’après les
dernières volontés mourant est annulé s’il est contraire aux lois existantes.
Au moyen de cette ligne de conduite, l’inconvénient signalé par l’honorable M.
Gendebien disparaîtra.
M.
Dubus. - L’honorable M. de Brouckere a regardé comme inutile la
restriction posée dans la première partie du deuxième paragraphe de la section
centrale. Il a regardé également comme inutile l’amendement destiné à la
remplacer. Loin de partager son opinion, je considère cet amendement comme
éminemment utile. Et je crois qu’il y aurait un grand danger à le supprimer.
Car, on en tirerait les conséquences que nous en sommes revenus à une époque
réellement déplorable pour le pays, celle où toutes les fondations ont été
dépouillées de leurs administrations particulières et où toutes ont été
confondues dans une administration commune. Après l’invasion française, tous
les biens des fondations se trouvèrent menacés de spoliation. Une loi avait été
jusqu’à réunir au domaine ce qui servait à doter les fondations particulières.
Cette loi fut révoquée sans avoir jamais été mise à exécution dans notre pays.
En France, toutes les administrations particulières des établissements de
charité furent réunies à une administration commune que l’on créa à cet effet.
On n’y respecta en
aucune manière la volonté des fondateurs. On la viola et on la foula aux pieds.
On détourna les revenus des fondations de leur destination spéciale. Le
résultat a été de détourner les particuliers de leurs intentions bienfaisantes
dans la persuasion où ils étaient qu’elles ne seraient pas respectées ; ils ont
vu en perspective un gouvernement spoliateur qui appliquerait leur legs à des
fins différentes de celles qu’ils auraient en vue, et en ferait servir les
revenus à subvenir aux besoins du trésor public. Aussi, pour donner aux
fondateurs la garantie que désormais leur volonté serait respectée, dans les
règlements qui ont été portés dans ce pays en 1817, et plus tard en 1824, on a
ajouté à l’article relatif à la nomination des membres des administrations de
charité, ces mois : « Pour autant qu’il n’aurait pas été décidé autrement par
les actes de fondation. »
C’était
annoncer au pays que les intentions des fondateurs seraient respectées.
Voulez-vous leur annoncer maintenant que vous allez rétrograder vers une époque
contre laquelle il n’y a qu’une voix ? Et n’est-ce pas le faire que de passer
sous silence la garantie qu’avaient les fondateurs de l’accomplissement de
leurs dernières volontés ?
La disposition que je
défends est donc éminemment utile. Au reste, comme les honorables préopinants
qui ont parlé avant moi l’ont suffisamment prouvé, je bornerai là mes
observations.
M. de Brouckere. - Je persiste à penser,
quoi qu’en aient dit les honorables orateurs
qui m’ont précédé, que l’amendement proposé par l’honorable M. Dumortier ne
trouve pas ici sa place. Je demanderai à l’honorable rédacteur de cette
proposition si son intention est d’introduire une innovation dans la
législation sur la matière. Si telle n’est pas son intention, je dis que son
amendement est tout à fait inutile. Car les lois existantes resteront en
vigueur jusqu’à ce qu’elles aient été abrogées. Or, en ne disant rien, nous
n’abrogeons aucune loi. Que si, au contraire, l’intention de M. Dumortier est
d’introduire une innovation, je le répète encore, ce n’est pas ici la place
d’une semblable disposition. Car, dans le numéro 2° que nous discutons, il
s’agit tout simplement du droit de nominations par les conseils communaux des
membres des administrations de charité. Il ne s’agit nullement de décider quels
biens seront soumis à la régie de ces administrations. De quelque manière que
l’on envisage l’amendement, il est évident qu’il ne peut être introduit dans le
paragraphe en discussion. Si c’est une innovation que l’on demande, il faut
faire pour cet objet une disposition spéciale. Sinon, il ne faut faire aucune
mention à cet égard.
Mais, a dit un honorable
orateur, et c’est de M. Pollénus que je veux parler, si nous nous taisons, on
pourra en induire que nous voulons à l’avenir refuser à tout fondateur le droit
de nommer des administrateurs spéciaux des biens qu’il voudra léguer à une
administration de bienfaisance ; oui, ceux qui raisonneront mal tireront cette
conclusion ; mais tout homme qui prendra pour base le bon sens, ne raisonnera
pas comme l’honorable M. Pollénus.
Nous ne disons rien, par conséquent nous ne changeons rien. Si nous ne disons
rien, on ne pourra pas en inférer que nous ayons voulu dire quelque chose.
Mais, continue l’honorable
orateur, vous admettez le droit qu’a tout fondateur d’imposer à un legs les
conditions qu’il juge convenables. Ce n’est pas ici le lieu d’entamer une
discussion à cet égard. Tout ce que la loi admet, je l’admets. Tout ce qu’elle
rejette, je le rejette.
Je
ne veux aucune innovation. Nous ne traitons même pas la matière dont on veut
que nous nous occupions. Nous ne traitons pas la question de savoir quels biens
seront placés sous la régie des administrations de charité. Nous ne réglons que
le mode de nomination des membres de ces administrations.
C’est bien certainement
le conseil communal qui nomme les membres des administrations des hospices et
des bureaux de bienfaisance ; vous ne voulez mettre aucune restriction à cette
règle ; c’est une règle générale ; et je ne vois pas ce que vient faire la
disposition présentée par M. Dumortier, qui, comme je l’ai déjà dit, ne trouve
nullement ici sa place.
M.
Fallon. - Je ne puis partager la manière de raisonner de mon honorable
ami M. de Brouckere. Il demande
à M. le rapporteur de la section centrale si son intention est d’innover.
L’intention de M. Dumortier n’est pas d’innover ; cela est évident ; il veut
conserver les garanties que les règlements actuellement en vigueur accordent à
certaines fonctions. Je vais citer un exemple qui montrera combien la
disposition est utile.
Il
s’agit d’un établissement de charité qui a été érigé sous la foi des règlements
existants. Jusqu’à ce que ces règlements aient été promulgués, personne ne voulait
faire de fondations pour des établissements de bienfaisance ; mais quand
l’ancien état de choses eut fait place aux règlements que nous suivons, dans la
ville de Namur un hospice complet de maternité a été érigé. Cet hospice a ses
administrateurs particuliers ; les autres hospices n’ont rien à y voir : eh
bien, si vous rayez des règlements actuellement en vigueur la garantie sous
laquelle cet hospice de maternité a été créé, il est bien clair que les
administrateurs des autres hospices se croiront autorisés à prendre part à la
gestion de celui que je cite. Cela me paraît évident (Oui ! oui ! oui !)
M.
Gendebien. - On m’a fait cette objection : de quel droit viendrez-vous contester
à un testateur la faculté de nommer un administrateur pour un hospice ? Ce
serait là un abus de la force ; respect avant tout à la volonté du mourant.
Messieurs, ce sont là de très grands mots mais quand on a une très légère
teinture de la législation, on ne tombe pas dans d’aussi graves erreurs.
De qui le testateur
tient-il le droit de dicter ses dernières volontés ? Il tient ce droit de la
loi ; le droit de tester, chacun le puise dans la loi : eh bien, si c’est en
vertu d’une loi que l’on dispose de ses biens par un testament, je demande
comment on peut être accusé de violence, d’abuser de la force, alors que par
une loi on dit sous quelles conditions on peut disposer de ses biens ? Voilà
des idées bien simples : l’honorable membre aurait dû les connaître avant
d’avoir recours à de grandes phrases.
Messieurs, on ne veut
faire violence à personne, et si violence il y a, c’est dans les paroles de
l’honorable rapporteur ; le législateur a le droit d’établir la condition que
nous réclamons.
En établissant dans le
texte de la proposition faite par la section centrale une modification telle
que je l’ai indiquée, il en résultera que le testateur ne disposera de ses
biens qu’en se privant de la faculté de designer un administrateur. Est-ce la caprice
ou abus de la force ? Non ; c’est sagesse.
Je persiste à penser
qu’il serait très utile de faire ici une distinction. J’ai considéré comme
étant sans grand danger la faculté donnée à un citoyen d’établir une maison de
bienfaisance et d’en désigner les administrateurs ; et j’ai signalé les abus
qui pouvaient résulter de la même faculté de désigner un administrateur pour
des legs particuliers.
On s’est plaint de ce
qu’à une époque assez éloignée, toutes les institutions particulières ou
publiques de bienfaisance aient été confondues, et placées sous le même régime
: pour répondre à cette plainte, je pourrais citer une ville où tous les
revenus des hospices ayant été ainsi confondus, ou plutôt réunis, ont triplé de
valeur, et où les frais d’administration ont été réduits au quart : les
malheureux ayant pu recevoir plus de secours, il suit de là que les volontés
des testateurs ont été mieux exécutées.
C’est une belle chose
que la théorie des établissements particuliers de bienfaisance pour lesquels le
testateur nomme un administrateur, mais la pratique n’en est pas toujours aussi
belle.
Il est tel établissement
où, par suite de cette manière de gérer les dons d’un testateur, il y a tout
juste de quoi nourrir, héberger, l’administrateur et sa famille.
Il y a tel autre
établissement où, par suite de la même mesure, l’administration coûte quatre
fois plus qu’il ne faut pour atteindre le but de l’institution. Ailleurs, comme
les dons étaient restreints, l’administration absorbent tout, les malheureux
meurent de faim ; ailleurs, on a vu les administrateurs gérer admirablement
dans les commencements, puis absorber pour eux-mêmes tous les revenus.
Je vous le demande, dans
ce moment où nous avons à prendre une mesure législative relativement aux
hospices, aux établissements de bienfaisance, n’avons-nous pas de bons
arguments pour justifier la centralisation ?
Je vous l’ai déjà dit,
et je vous le répète, il se présente tous les jours des spéculateurs sur les
donations, et qui, ne pouvant rien obtenir directement, se font nommer
administrateurs de legs de bienfaisance, afin d’en détourner les revenus à leur
profit et contre les intentions du testateur.
On m’a répondu : Mais
s’il y a des spéculateurs capables de détourner à leur profit les deniers
laissés aux malheureux, ils aimeront mieux user de leur influence pour se faire
désigner légataires que pour se faire désigner seulement administrateurs des
deniers consacrés à la bienfaisance.
Eh, messieurs, ne
sait-on pas que le plus ordinairement on n’oserait obséder un mourant pour se
faire donner directement une partie de son bien ; et qu’on préfère, au moyen de
conditions détournées, indirectes, obtenir les revenus d’un legs, sous le
prétexte d’un acte de bienfaisance ? Interrogez toutes les familles à cet
égard, et vous verrez ce qu’elles vous répondront. Elles vous diront que tel
individu qui n’aurait pu obtenir directement 50 fr, obtient un legs de 50,000
fr., sous le prétexte d’un établissement de bienfaisance dont il se fait
désigner l’administrateur.
Supposons que le testateur
laisse de l’argent, quelle garantie aurez-vous que le spéculateur donnera aux
deniers la destination prescrite par le donateur ? Le spéculateur dissipera la
somme, mangera l’argent, comme on dit vulgairement. Le but du testateur
sera-t-il rempli ?
Voulez-vous supposer que
les biens légués sont des terres, des maisons : pourquoi ces biens ne
seraient-ils pas administrés par les administrateurs ordinaires ? A quoi bon
multiplier les frais d’administration ? Quel moyens
avez-vous pour contraindre l’administrateur particulier à verser les revenus
dans la caisse des pauvres ? Prenez-y garde, vous allez jeter la perturbation
dans l’administration sans remplir la volonté du testateur.
Si
ces réflexions ne vous touchent pas, faites comme vous l’entendez ; mais, dans
25 ou 30 ans, vous tomberez dans les maux qui se sont présentés il y a environ
une quarantaine d’années. Je ne prétends pas ici justifier les abus qui
viennent du gouvernement ; mais je dis qu’il ne faut jamais argumenter des abus
commis par le pouvoir pour repousser une mesure législative ; nous n’avons
qu’une chose à considérer, c’est de faire une bonne loi : si elle est mal
exécutée, la faute en est au gouvernement.
En un mot comme en cent,
je persiste à considérer la disposition en discussion, dans l’étendue qu’on lui
donne, comme pernicieuse : elle occasionnera les intrigues, les obsessions, les
captations, et le testateur n’aura en définitive doté que les fripons ; et il
en existe beaucoup comme chacun sait.
M. H. Dellafaille - Un honorable député de
Bruxelles a dit que l’amendement de M. Dumortier n’était pas à sa place ; mais
après avoir posé la règle, il me semble qu’il faut poser l’exception. Les
droits actuels restent en vigueur ; voilà la règle générale.
Les règlements de 1817
et 1824 ont eu pour objet de faire respecter les intentions de fondateur. Or,
c’est l’articlé de ces règlements que nous avons reproduit. Il me paraît
indifférent que la chambre adopte la rédaction de M. Dumortier ou celle de la
section centrale. Mais pour éviter toute espèce de doute, je crois qu’il est
nécessaire d’adopter l’une ou l’autre.
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande à donner
lecture des règlements en vigueur pour les villes et pour le plat pays. On
verra que mon amendement ne fait que reproduire une de leurs dispositions.
M.
Gendebien. - Il est parfaitement inutile de lire les règlements des
villes et du plat pays. Nous les connaissons aussi bien que vous. Mais prétendez-vous
qu’ils aient été donnés dans des intentions libérales !
Tous ceux qui ont
parcouru
On
veut donc implanter en Belgique les abus existant en Hollande en vertu des
règlements. Les règlements, dites-vous, sont encore en vigueur ; mais est-ce là
répondre aux abus que j’ai signalés ? Qui ne sait que les règlements ont été
donnés à
M.
Dumortier, rapporteur. - L’honorable préopinant m’a reproché d’employer
les grands mots. Sont-ce des petits mots quand il nous reproche de vouloir
implanter en Belgique les abus existant en Hollande ? et
cela parce que nous produisons la législation en vigueur. Les abus, dit-on,
pullulent en Hollande en vertu des règlements. Je ne sais ce qui en est ; mais
je sais fort bien qu’il n’en est pas ainsi en Belgique, et que pendant dix-huit
ans qu’a duré le gouvernement du roi Guillaume, aucun abus n’a été, sous ce
rapport, signalé en Belgique ; je crois même qu’il est impossible d’en signaler
aucun .
L’honorable préopinant
prétend que j’ai tort de voir, dans le système qu’il veut faire prévaloir dans
la loi, une violence imposée à la dernière volonté du testateur ; il ajoute
que, si j’avais la plus légère teinture de législation, je ne tomberais pas
dans une pareille erreur. Il est vrai que je n’ai pas l’honneur d’être avocat,
et sous ce rapport je suis fort à plaindre. (On rit.) Cependant je connais assez de droit pour savoir que toutes
les fois que la loi n’est pas basée sur la justice, elle repose sur la
violence. Et je soutiens qu’il est contraire à toute justice de conserver le legs
d’un testateur en annulant ce qu’il a stipulé comme condition de la donation.
Ce sera, direz-vous, en
vertu de la loi que le testateur ne pourra nommer l’administrateur des
établissements qu’il a fondés, puisque vous établirez telle ou telle stipulation
qui le lui interdira. Mais assurément les lois ne sont pas toujours
l’expression de la justice, mais quelquefois celle de la violence des partis.
Témoin les lois de la révolution française, les lois rendues par la convention
: elles étaient peut-être l’expression des besoins du moment, mais assurément
elles n’étaient pas l’expression de la vérité.
Vous verrez, a dit aussi
l’honorable préopinant, que l’on mangera les legs, les donations. Mais,
messieurs, c’est qu’alors l’administration publique ne ferait pas son devoir ;
ne devra-t-elle pas demander les comptes de ces établissements et en surveiller
la gestion ? Si. l’administration permet que l’on
mange les legs, la faute en est à elle et non aux testateurs.
Si, comme le veut
l’honorable préopinant, le testateur ne peut fonder un établissement sous la
condition d’en confier la gestion à une personne de sa famille,
qu’arrivera-t-il ? Qu’on n’instituera aucun établissement de bienfaisance,
qu’on ne fera du aucun legs en leur faveur. Voilà ce qui résultera du système
de centralisation qu’on a, à mon avis, préconisé.
Au reste, nous avons
établi dans le projet une disposition conservatrice qui pare à toute espèce
d’inconvénients, comme ceux redoutés par l’honorable préopinant. L’art. 90 porte :
« Le
collège des bourgmestre et échevins a la surveillance des hospices, bureaux de
bienfaisance et monts-de-piété. A cet effet, il visite lesdits établissements
chaque fois qu’il le juge convenable, veille à ce qu’ils ne s’écartent pas de
la volonté des donateurs et testateurs, et fait rapport au conseil des
améliorations à y introduire et des abus qu’il y a découverts. »
Si donc il y a des abus,
le conseil de régence les fera disparaître. Assurément les élus du peuple rempliront
leur devoir de surveillance sur les administrations de bienfaisance, et
empêcheront qu’on ne mange les legs et donations.
M.
Gendebien. - L’honorable M. Dumortier dit toujours que c’est mettre la
violence à la place de la loi, que c’est faire une loi contraire â l’équité et
la justice. Mais c’est résoudre la question par la question. La question est de
savoir s’il n’est pas juste et équitable d’adopter une disposition qui
prévienne toute espèce d’abus, plutôt que consacrer une législation qui
introduira une infinité d’abus que j’ai signalés ; ce à quoi par parenthèse
l’honorable M. Dumortier n’a pas répondu.
Les conseils de régence
surveilleront la gestion des hospices administrés par un individu qu’un
testateur aura nommé. Mais, je le demande, quel est l’article de votre, loi qui
autorise l’administration communale à surveiller la gestion d’établissements de
ce genre ?
(Erratum au Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1834 :) Votre
article 90 parle des hospices, mais non des legs et fondations dont
l’administrateur aura été nommé par l’acte de fondation. Dites donc quel
article de votre loi autorise une telle surveillance ?
Si
j’étais nommé demain administrateur d’un legs à l’effet de verser des fonds à
un établissement de bienfaisance ou de distribuer directement et à époques
indiquées de la houille, du pain, des paillasses, des couvertures de laine, des
aumônes aux pauvres de telle paroisse,
je voudrais bien voir de quel droit on voudrait contrôler mon administration,
quelle disposition de la loi donne à une autorité quelconque, depuis le Roi
jusqu’à la dernière administration communale, le pouvoir de se faire rendre des
comptes. Aucune ne le pourrait. Vous voyez donc bien que ce qu’on a répondu n’a
aucun rapport avec les abus que j’ai signalés.
Le premier devoir du
législateur est d’éviter les, abus. Or, évidemment l’absence de tout contrôle
dans une administration est une source inévitable d’abus. Eh bien, je vous
défie d’indiquer ici un contrôle quelconque.
M. Desmanet de Biesme. - Comme je l’ai
dit tout à l’heure, j’ai été frappé des inconvénients signalés par l’honorable
M. Gendebien ; je persiste dans mon opinion à cet égard.
Je crois qu’en général
les hospices et établissements sont mieux administrés à présent qu’autrefois.
Cependant, une considération générale me fera voter pour la proposition de
l’honorable M. Dumortier ; cette considération, c’est la crainte de voir
diminuer les legs en faveur des établissements de bienfaisance, si vous
restreignez les pouvoirs du testateur.
J’ai été frappé d’un
fait qui s’est passé sous le gouvernement français ; l’administration de tous
ces établissements lui était dévolue ; eh bien, alors il y eut fort peu de
fondations, très peu de legs ou donations. Depuis, au contraire, que le
gouvernement hollandais avait permis leur administration séparée, il y a eu
beaucoup de legs en faveur des hospices et bureaux de bienfaisance.
L’hospice
de Namur, dans la pensée de la fondatrice, aurait dû être administré par les
parents ; c’est un fait que je connais pertinemment. Elle a dû, pour la
nomination des administrateurs, se concerter avec l’administration des hospices
; et cette nomination a été approuvée par l’empereur.
La considération
générale me détermine à voter pour l’amendement de M. Dumortier, sans que
néanmoins je m’en dissimule les inconvénients.
M.
Gendebien. - Je conviens que ce n’est pas tout à fait ici la place de
la distinction que je crois nécessaire d’établir dans la loi. J’en ferai
l’objet d’une proposition particulière que je présenterai soit à la fin de
l’article en délibération soit ultérieurement, et notamment lorsque nous serons
arrivés à la distinction de l’article 90.
- L’amendement de M.
Dumortier est mis aux voix et adopté.
M. le président.
- Je vais mettre aux voix la seconde disposition qui est ainsi conçue :
« Cette nomination
est faite pour le terme fixé par la loi, elle a lieu sur la présentation d’une
liste triple de candidats formée par l’administration de ces
établissements. »
M. Dumortier propose
d’ajouter cette disposition :
« Les
incompatibilités établies par le n°… de l’article, relativement aux membres du
conseil de régence, sont applicables aux membres des hospices et des bureaux de
bienfaisance. »
M.
Pollénus. - Je ne pense pas que l’intention de l’auteur de cet
amendement soit de l’appliquer aux administrateurs spéciaux.
M.
Dumortier, rapporteur. - Non
sans doute. C’est pour cela que j’ai proposé à la fin du paragraphe une
disposition portant que les dispositions qui précèdent ne dérogent pas aux
volontés des testateurs.
- L’amendement de M.
Dumortier est mis aux voix et adopté.
M.
le président. - M. de Nef propose au même paragraphe l’addition
suivante :
(Erratum au Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1834 :)
« Expédition des acte de nomination sera transmise à la députation
provinciale. »
- Cet amendement est
adopté.
M.
le président. - M. le ministre de l'intérieur propose une autre
disposition additionnelle conçue en ces termes :
« Les membres de
cette administration pourront être révoqués par la députation provinciale sur
la proposition de ces administrations ou des conseils communaux.
- Cet amendement est
adopté.
M.
le président. - C’est ici que vient l’amendement de M. Dumortier déjà
adopté par la chambre, portant qu’il n’est pas dérogé par les dispositions qui
précèdent aux actes de fondation qui établissent des administrateurs spéciaux.
- L’ensemble du
paragraphe tel qu’il vient d’être amendé est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 3
« 3° Les architectes
et les employés chargés de la construction et de la conservation des bâtiments
communaux. »
- Adopté.
Paragraphe 4
« 4° Les directeurs
et conservateurs des établissements d’utilité publique ou d’agrément
appartenant à la commune. »
M.
le président. - La section centrale propose d’ajouter : « Et les
membres de toutes les commissions qui concernent l’administration de la ville.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
se rallie à cet amendement
- La disposition est
adoptée.
Paragraphe 5
« 5° Les médecins,
chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier
des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune. »
M.
le président. - La section centrale propose d’ajouter :
« Cette disposition
n’est pas applicable aux médecins et chirurgiens des administrations des
pauvres ou établissements de bienfaisance, lesquels sont nommés et révoqués par
les administrations dont ils dépendent. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
se réunit à la section centrale.
M.
de Foere propose d’ajouter le mot hospice.
- Le paragraphe ainsi
amendé est adopté.
Paragraphe 6
« 6° Les
instituteurs salariés par la commune. »
M.
le président. - La section centrale propose de rédiger ainsi ce
paragraphe :
« Les professeurs
et instituteurs attaches aux établissements communaux d’instruction publique. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
se réunit à la section centrale.
- La disposition est
adoptée.
Paragraphe 7
« 7° Tous les employés
ressortissant de l’administration municipale et dont la présente loi n’a pas
attribué la nomination à l’autorité supérieure. »
M.
le président. - La section centrale propose d’amender ainsi ce
paragraphe :
« Tous les autres
employés et titulaires ressortissant de l’administration communale, dont le
conseil n’aurait pas expressément abandonné le choix au collège des bourgmestre
et échevins, et dont la présente loi n’aura pas attribué la nomination, soit à
ce collège, soit à l’autorité supérieure.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
se réunit à la section centrale.
Le paragraphe est adopté
ainsi que l’ensemble de l’art. 81.
Article 80 (du projet du
gouvernement)
M.
le président. - La section centrale propose la suppression de l’article
80 du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
ne s’oppose pas à cette suppression.
- L’article demeure
supprimé.
Article
82 (du projet de la section centrale)
« Art. 82 (du
projet de la section centrale). Le conseil révoque et suspend les employés
salariés par la commune, et dont la nomination lui est attribuée. »
M. Troye. - Je propose d’ajouter que toute
décision portant révocation ou suspension d’employés devra être motivée.
Je vois dans cette
disposition une garantie en faveur des employés et spécialement des professeurs
nommés par la commune à qui une destitution brusque et sans motifs pourrait
causer un grand préjudice.
M. Fallon. - Je demande que l’on corrige l’art. 82
et qu’au lieu de « révoque et suspend » l’on dise « révoque ou
suspend. » (Adhésion.)
Je ne puis admettre l’amendement
de l’honorable M. Troye, parce qu’il serait plus préjudiciable aux employés
eux-mêmes qu’il ne leur serait utile.
M. H. Dellafaille. - Je ferai observer à
l’honorable M. Troye que son amendement aurait pour résultat de rendre publics
des sujets de plainte qui pourraient être très nuisibles aux employés révoqués
ou destitués. La suspension de leurs fonctions n’est souvent qu’une punition
temporaire dont les conséquences morales, si l’amendement était adopté, deviendraient
très grandes.
M. Troye. - L’amendement que j’ai proposé
avait pour but de prévenir un abus signalé dans une commune de ma province. Une
destitution injuste a causé un grand préjudice à l’individu qui en acté
l’objet. Mais puisque la chambre paraît trouver des inconvénients à ma
proposition, je consens à la retirer.
Article 82 (du projet du
gouvernement)
- La suppression de
l’art. 82 du projet du gouvernement, proposée par la section centrale, à
laquelle M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier, est mise aux voix et
adoptée.
Il était ainsi conçu :
« Les délibérations des conseils municipaux, qui doivent être soumises à
l’approbation de l’autorité supérieure, seront considérées de plein droit comme
approuvées si, dans le délai de 40 jours après la réception des pièces aux
bureaux et l’administration provinciale, le gouvernement n’y a pas mis
opposition. »
Article 81 (du
projet du gouvernement) et article 83 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article 81 du projet du
gouvernement ainsi conçu :
« Le gouverneur
peut suspendre l’exécution des décisions des conseils municipaux. Dans ce cas, la
députation permanente décide si la suspension peut être maintenue, sauf l’appel
au Roi soit par le gouverneur, soit par le conseil municipal.
« Les motifs de la
suspension seront immédiatement communiqués au conseil municipal.
« Si l’annulation
n’intervient pas dans les 40 jours, la suspension est levée. »
L’article 83 de la
section centrale porte :
« Lorsque le
conseil a pris une résolution qui sort de ses attributions ou qui blesse
l’intérêt général, le gouverneur peut en suspendre l’exécution. Dans ce cas, la
députation permanente décide si la suspension peut être maintenue, sauf l’appel
au Roi soit par le gouverneur, soit par le conseil municipal.
« Les motifs de la
suspension seront immédiatement communiqués au conseil municipal.
« Si l’annulation
n’intervient pas dans les 30 jours à partir de la signification au conseil, la
suspension est levée. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je me rallie à la proposition de la section centrale en ce qui concerne le
paragraphe premier de cet article. Quant au dernier paragraphe, je demande que
le délai de 40 jours soit maintenu et que le terme de 30 jours fixé par la
section centrale ne soit pas adopté. Lorsqu’il s’agit d’annulation d’un acte
communal, il y a échange de correspondance entre le gouvernement et le
gouverneur d’une part, et le gouverneur et l’administration communal de
l’autre. Cette correspondance peut nécessiter un terme de 40 jours. Je demande
donc qu’il soit maintenu.
Je proposerai également
un autre changement, c’est la substitution du mot « communication » à
celui de « signification. » Il me paraît le plus convenable. (Adhésion.)
- Les changements
proposés par M. le ministre de l'intérieur sont mis aux voix et adoptés.
L’article 83 est mis aux
voix et adopté.
Article 83 (du projet du
gouvernement) et article 84 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article 83 du projet du
gouvernement ainsi conçu :
« Le Roi peut en
tout temps annuler les actes des autorités municipales qui sortent de leurs
attributions, qui sont contraires aux lois ou qui blessent l’intérêt général.
« Dans tous les cas
où le gouvernement annulera une résolution du conseil municipal devenue
légalement exécutoire, il sera tenu d’accorder aux tiers une juste indemnité
pour les dommages réels qu’ils en éprouvent. »
L’article 84 du projet
de la section centrale porte :
« Le Roi peut en
tout temps annuler les actes de l’autorité communale, qui sortent de leurs attributions,
qui sont contraires aux lois ou qui blessent l’intérêt général. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
déclare se rallier à la rédaction de la section centrale.
M. de Brouckere. - Il y a une faute de
rédaction. Au lieu de « leurs », il faut dire : « ses. »
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que la
section centrale a rejeté la proposition des sections qui désiraient qu’on
étendît à la loi communale les dispositions de l’article 89 de la loi
provinciale. La section centrale n’a pas donné de motif de ce rejet. Il est une
disposition sur laquelle j’appelle l’attention de la chambre. Je veux parler de
l’obligation imposée au pouvoir royal de motiver les arrêtés d’annulation. Je
désirerais que l’on rétablît cette lacune dans l’article en discussion. J’en
fais la proposition.
M. H. Dellafaille. - En appuyant
l’amendement de M. Verdussen, je désire que l’on ajoute au dernier paragraphe
de l’article ces mots : « Les conseils communaux ne pourront sous aucun
prétexte refuser de se conformer aux arrêtés portant suspension ou annulation
de leurs actes. » Une semblable disposition est insérée dans la loi provinciale.
M. Dubus. - Si l’on veut insérer dans
l’article en discussion ces dispositions de l’article 89 de la loi provinciale,
il serait convenable de l’insérer tout entier, en y faisant les changements que
leur application aux institutions communales nécessitera. On n’accordait pas au
Roi la faculté d’annuler tous les actes indistinctement des autorités
provinciales. Passé un délai déterminé, ces actes avaient force de loi et ne
pouvaient être annulés que par le pouvoir législatif. Si l’on faisait une
distinction à l’égard des conseils communaux, on violerait l’article 108,
paragraphe 3 de la constitution qui veut que les institutions provinciales
soient sur la même ligne que les institutions provinciales. Comme l’annulation
après un délai déterminé pourrait froisser beaucoup d’intérêt, il est juste
qu’après ce délai le pouvoir législatif seul ait le droit de révocation des
actes des conseils communaux. Je propose donc l’insertion dans la loi communale
de l’article 89 de la loi provinciale, sauf modifications de rédaction.
M. H. Dellafaille. - Si j’ai bonne mémoire,
la question soulevée par l’honorable M. Dubus a été agitée dans la section
centrale. Ce qui l’a fait résoudre dans un sens différent pour la loi
communale, c’est que l’on a fait l’observation qu’il n’y a que 9 provinces, et
que par conséquent il est facile au gouvernement d’avoir les yeux ouverts sur
les actes des conseils provinciaux, tandis qu’il n’en serait pas de même s’il
s’agissait de chercher dans les actes journaliers de 2,500 conseils communaux
ceux qui pourraient blesser l’intérêt général. Je soumets cette considération à
l’appréciation de la chambre.
M.
Verdussen. - Je viens appuyer l’observation de l’honorable M.
Dellafaille. Il n’est pas possible que le pouvoir royal porte son attention sur
les actes de 2,500 corps administratifs et révoque leurs actes dans un délai de
30 jours.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Dubus
: « Le Roi peut dans le délai de 6 mois, annuler les actes de l’autorité
communale qui sortent de ses attributions. Les actes de l’autorité communale
qui n’auront pas été annulés par le Roi dans le délai ci-dessus, ne pourront
être annulés que par le corps législatif, etc. »
M.
Dubus. - La question ayant été débattue, je crois devoir répondre à une
objection qui a été faite.
On a dit que le délai fixé
par l’article 89 de la loi provinciale serait insuffisant parce que
l’intervention du pouvoir central serait appelée pour un trop grand nombre
d’actes ; j’ai répondu en étendant le délai de 40 jours à 6 mois.
Mais, s’est-on écrié
encore, vous allez occuper le pouvoir législatif d’une foule de questions
concernant les intérêts de localité : messieurs, le nombre de ces affaires ne
sera pas si grand que le suppose l’honorable préopinant. Si nous consultons
l’expérience, vous aurez de la peine à citer par année, dix actes de l’autorité
communale qui soient annulés ; je crois qu’on aurait de la peine à citer dix
actes annulés en 10 années. Ainsi le pouvoir législatif ne sera pas trop
occupé.
Mais,
ajoute-t-on, ces actes sont relatif à des intérêts de localité : c’est une
erreur. Quels seront les motifs de l’annulation ? C’est parce que les autorités
seront sorties de leurs attributions, auront pris des résolutions contraire aux
lois, contraires à l’intérêt général ; ainsi vous n’aurez à envisager ces actes
que sous le point de vue de la législation, que sous le point de vue de
l’intérêt général.
Encore une fois, lorsque
les actes ont été exécutés, leur annulation cause toujours une perturbation
plus ou moins grande ; sous ce rapport, il y a un grand avantage à en rendre
l’annulation plus difficile.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois combattre l’amendement, et pour le repousser, je m’appuierai sur deux
motifs qui ont déjà été allégués.
Il ne fait pas occuper
le pouvoir législatif d’affaires de cette nature : il y en a de bien plus
graves à traiter.
En second lieu, il faut
remarquer qu’il y a une différence immense entre les acte des conseils
communaux et ceux des conseils provinciaux ; aussi la règle qu’on veut établir,
et qui s’applique bien à ceux-ci, s’appliquerait fort mal à ceux-là. Le
gouvernement a dans chaque province un agent qui peut le tenir au courant des
délibérations contraires à la loi ou aux intérêts généraux ; le gouvernement
ainsi informé est à même d’annuler dans un délai déterminé, et sans
inconvénient, des actes vicieux.
Relativement aux actes
des conseils communaux, la position du gouvernement n’est plus la même. Le
gouvernement peut rester dans l’ignorance de ce qui se passe dans ces conseils
; le gouverneur lui-même peut n’en être pas informé dans beaucoup de
circonstances ; il faut donc accorder un temps moral pour que les
renseignements puissent parvenir au gouvernement ; il est impossible d’ailleurs
de fixer un délai pou l’annulation parce qu’on ne sait pas quand ni comment
l’administration centrale pourra être avertie que tel acte de tel conseil
communal est illégal ou contraire à l’intérêt général.
Vous le savez,
messieurs, ce n’est qu’après une longue discussion qu’on a déféré au pouvoir
législatif l’annulation des actes des conseils provinciaux ; vous vous
rappelez, sans doute, ce qui a été allégué pour soutenir l’opinion contraire
dans l’examen de cette question ; et vous ne pouvez nier la différence qui
existe entre des actes d’intérêt local, entre des actes pour ainsi dire privés,
et les actes des conseils provinciaux qui, stipulant pour les intérêts d’une
grande portion du territoire, sont presque des actes d’un intérêt général.
S’il
y avait convenance de déférer ces derniers à l’annulation de la législature, il
y a ici convenance contraire de ne pas occuper la législature des délibérations
communales.
D’après ces
considérations, j’appuie la proposition de la section centrale, qui est
conforme à celle du gouvernement.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’appuie de tous mes moyens la proposition
faite par mon honorable ami. On a produit des arguments pour la combattre, et
pour soutenir celle de la section centrale.
Il ne faut pas occuper
la législature de ces objets ; on a déjà répondu que les cas dont il s’agit
sont extrêmement rares ; et, en effet, chacun de nous en connaît à peine deux
ou trois exemples. Dans les pays où la constitution est analogue à la nôtre,
les chambres législatives sont fréquemment occupées à régler des intérêts
communaux : c’est ce que vous voyez en France ; c’est ce que vous voyez surtout
en Angleterre, où les chambres n’ont jamais repoussé une telle besogne, jamais
répudié cet examen.
C’est aussi ce qu’a
voulu le congrès par l’article 108 de la constitution, dans lequel on trouve en
termes formels que la loi établira l’intervention du pouvoir législatif et du
pouvoir royal, pour que les conseils communaux ne sortent pas de leurs
attributions.
Vous ne pouvez sans
violer la constitution ne pas consacrer ici le principe de l’intervention du
pouvoir législatif. Dans quel cas en effet ce pouvoir interviendra-t-il si ce
n’est dans celui-ci ? Or, si le pouvoir législatif n’intervient dans aucun cas,
la constitution n’est-elle pas violée ? Que dit en effet l’art. 108 ? Il porte
(paragraphe 5) : « Les lois provinciales et communales consacreront
l’application du principe de l’intervention du Roi ou du pouvoir législatif
pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs
attributions et ne blessent l’intérêt général. »
Si le congrès avait
voulu dire un pouvoir à l’exclusion d’un autre, il n’aurait parlé que de l’un
de ces pouvoirs ; il aurait dit : « Le pouvoir législatif » et non «
le pouvoir royal » ; car il tenait plus au pouvoir législatif qu’à aucun autre
pouvoir.
Eh ! Messieurs, s’il
pouvait avoir encore quelque doute à cet égard, je rappellerais la discussion
de la loi provinciale et un document doit il fut alors question : les
observations de la régence de Mons, dont plusieurs membres, vous le savez,
faisaient partie du congrès.
Ces observations portent
que si le pouvoir législatif n’intervient pas en ce qui concerne l’annulation
des actes du conseil provincial, on ne voit pas quand il y aura lieu à son
intervention dont le paragraphe 5 de l’art.
Comme on l’a dit, dans
beaucoup de cas, l’annulation des actes des régences nécessitera l’allocation
d’indemnités ; et ce serait le pouvoir royal qui serait appelé à établir ces
dépenses, à grever le budget ; il le ferait en vertu de la loi ; et par
conséquent ces dépenses une fois faites, la représentation nationale n’aurait
plus qu’à les sanctionner. Non, messieurs, aucune dépense ne peut être faite
qu’elle n’ait été primitivement approuvée par la législature.
Si
ce principe est exact, comme personne ne peut le contester, vous ne pouvez
soustraire le cas dont il s’agit à l’intervention du pouvoir législatif.
Je ne pense pas que M.
le ministre puisse réfuter des faits aussi positif, aussi évidents. Je
maintiens donc la proposition de mon honorable ami, et je l’appuie de tous mes
moyens.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois réfuter les assertions de l’honorable préopinant. Il demande si le
gouvernement, en annulant des décisions du conseil communal, aura le droit de
grever le budget d’indemnités quelconques. Je répondrai qu’il n’y a pas lieu à
indemnité pour annulation d’actes du conseil communal, qu’il n’avait pas le
droit de faire, et que s’il y avait lieu à indemnité après les 6 mois, il y
aurait également lieu à indemnité avant les 6 mois. Par conséquent, la question
reste entière.
On a cité ce qui se passe en Angleterre, où le
parlement décide sur une foule d’intérêts locaux. Il faut croire que le
parlement anglais suit un autre mode de délibération que nous. Si nous avions à
statuer sur autant de questions d’intérêt local que lui, je ne sais pas le
temps qu’il nous resterait pour nous occuper d’affaires publiques. Car ces
dernières absorbent toute la durée de notre session ; nous n’avons pas même le
temps suffisant pour les terminer.
On est encore revenu sur
la comparaison entre les conseils communaux et les conseils provinciaux. Je
dois ici faire remarquer à cet égard une nouvelle différence, outre celles que j’ai
déjà établies. D’après un article déjà voté, les conseils communaux ont le
droit de faire des délibérations secrètes, et par conséquent soustraites à la
connaissance du gouverneur de la province et de la députation des états ; eh
bien, un conseil communal prend, je suppose, une résolution contraire à la loi
; et cette résolution est ensuite enfouie dans les cartons pendant les 6 mois.
Elle se trouvera ainsi soustrait à l’investigation de l’autorité royale. Je dis
donc qu’il est impossible d’admettre l’amendement proposé par l’honorable M.
Dubus. Je ferai remarquer pour ce qui concerne les actes du conseil provincial
(auxquels on a voulu assimiler ceux du conseil communal), que le gouverneur
assiste de droit à toutes ses délibérations.
J’ajouterai de plus que
si vous admettez la proposition de M.
Dubus, vous retirez au gouvernement et au pouvoir législatif le droit de
surveillance sur les actes du conseil communal. Car le pouvoir législatif n’est
pas toujours assemblé, et alors même qu’il est assemblé, il n’est pas toujours
prêt à s’occuper de questions d’intérêt local. Ainsi, les décisions annulées
des conseils communaux resteraient des années entières sans solution. Je
pourrais rappeler ce qui s’est passé cette année même, des questions du
puissant intérêt n’ont pas reçu de solution ; il n’est certes personne qui
veuille provoquer le renouvellement de pareil abus.
On a
dit que la constitution consacrait le principe de l’intervention du pouvoir
législatif ; messieurs, j’étais membre de la section centrale du congrès ; j’ai
entendu toute la discussion de cet article ; eh bien j’en appelle à tous mes
anciens collègues du congrès, n’est-il pas manifeste que, d’après la
constitution, le droit appartient à l’un ou l’autre des pouvoirs exécutif et
législatif ? La constitution dit « l’un ou l’autre, » et non pas
« l’un et l’autre. » Pour ces motifs, je dois repousser l’amendement
de l’honorable M. Dubus.
M.
Dubus. - Messieurs, il me semble que M. le ministre de l’intérieur a
commencé par trancher d’une manière assez leste la question d’indemnité.
Suivant lui, quels que soient les actes de l’autorité communale qu’on annule,
il n’y aurait jamais lieu d’accorder d’indemnité aux tiers intéressés,
quoiqu’ils ne soient jamais admis à faire valoir leurs moyens pour le maintien
de l’acte. Non, selon le ministre, ce ne fait même pas question, et ceux qui
peuvent souffrir de l’annulation d’un acte doivent l’imputer à ce que
l’administration communale n’avait pas le droit de prendre la décision.
Il n’est pas difficile
de prouver que la décision de M. le ministre est tout au moins trop générale.
On peut citer tel cas où il est évident que les tiers auraient droit à une
indemnité, ou bien il faudrait renoncer à toute idée de justice et d’équité.
Voyez combien la
disposition est générale : « Le Roi peut en tout temps annuler les actes
de l’autorité communale qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires
aux lois, et qui blessent l’intérêt général. »
Quel que soit l’acte,
quelle que soit l’approbation à laquelle il ait déjà été soumis, n’importe :
dès que plus tard, dans deux ans, trois ans, dix ans, le pouvoir central trouve
qu’il est de son intérêt de l’annuler, il l’annule pour un motif tel quel, en
vertu de son autorité souveraine. Eh
bien, vous direz que dans ce cas les tiers ne doivent pas être
indemnisés ? Il s’agira d’actes soumis à l’approbation de la députation et
approuvés depuis trois ou dix ans, et le gouvernement peut annuler l’acte parce
qu’il trouve qu’il est contraire à l’intérêt général ? Mais cet intérêt peut
varier en deux ans, et à plus forte raison en dix. Tel acte qui ne blesse pas
aujourd’hui l’intérêt général, pourra le blesser dans deux ans. Le tiers qui
aurait contracté en vertu d’une décision de l’autorité communale, approuvée par
l’autorité provinciale, ne recevrait pas d’indemnité, si, deux ans après, cette
décision était annulée ; je dis qu’il aurait droit à une indemnité, il faudrait
fouler aux pieds tous les principes de la bonne foi et de l’équité pour la
refuser. Mais il y a plus, d’après cette disposition un acte même qui, en 1834,
aurait reçu l’approbation royale, pourrait être annulé en 1835, car l’article
de la section centrale ne fait aucune distinction.
Je suppose qu’il
s’agisse d’une adjudication faite en vertu d’une délibération du conseil
communal approuvée par la députation provinciale, et que cette adjudication ait
déjà reçu un commencement d’exécution.
Dans le grand nombre de
conditions que renferme une adjudication, une peut paraître contraire aux lois
ou blesser l’intérêt général. Dès qu’une clause d’un contrat est déclarée
nulle, tour l’acte tombe. Eh bien, celui qui aura traité ne recevra pas
d’indemnité ? Cela est absurde.
Vous voyez que pour les
actes qui ont reçu un commencement d’exécution, la question est excessivement
grave. Nous n’avons pas à envisager si la décision du conseil blesse plus ou
moins l’intérêt général, mais le grave dommage qui résultera pour la commune
qui sera obligée de payer l’indemnité.
Messieurs, il n’y a pas
seulement ici une raison puisée dans la nature des choses pour introduire à
l’art. 84 la disposition admise dans le projet de loi provinciale à l’art. 89.
Il y a encore un motif puisé dans la constitution. A cet égard, on répond qu’il
est satisfait à la constitution dés qu’on a consacré l’intervention d’un des
deux pouvoirs de l’Etat, car l’article dit l’intervention du Roi ou du pouvoir
législatif. Mais il résulte de ce n°5 de l’article 108 de la constitution, que
le congrès entendait que dans certains cas le pouvoir royal interviendrait et
que dans d’autres ce serait le pouvoir législatif. C’est précisément ce que
j’ai l’honneur de proposer, que l’intervention royale s’exerce dans les six
mois de la délibération, et qu’après ce délai l’intervention du pouvoir législatif
soit nécessaire pour annuler un acte qui aurait un caractère assez grave pour
nécessiter cette mesure. De cette manière, il sera satisfait au n°5 de
l’article 108 de la constitution.
Ce n’est pas sans motif
qu’on a mis dans cet article « l’un ou l’autre pouvoir. » C’est parce
qu’on a pensé que dans les cas les plus graves, l’intervention du pouvoir
législatif était nécessaire, et que l’intervention du pouvoir exécutif
suffisait dans les autres.
Le ministre a de nouveau
énoncé la crainte que ces sortes d’affaires prissent beaucoup de temps. Il a
dit qu’en Angleterre, la plus grande partie des séances étaient consacrées à
ces sorties d’affaires d’intérêt communal. Mais il ne s’agit pas de recourir au
pouvoir législatif pour toutes les affaires de ce genre.
Je répéterai ce à quoi
le ministre n’a pas répondu, que les cas d’annulation des actes des conseils
communaux sont déjà très rares. Si vous attribuez au gouvernement le droit
d’annuler dans le délai de six mois, il n’y aura que ceux qui, dans ce délai,
auront échappé au pouvoir législatif. Cela rendra ces recours beaucoup plus
rares encore. Je ne pense pas qu’on prétende qu’il se présentera dans une année
beaucoup d’affaires de ce genre.
Mais, a dit le ministre,
il y a une grande différence entre les actes des autorités provinciales et ceux
des autorités communales. Dans le sein de la députation provinciale, siège le
gouverneur qui peut donner sur ses actes les renseignements nécessaires et
déférer aussitôt au gouvernement ceux qui lui paraîtraient contraires aux lois
ou blessant l’intérêt général.
Mais cet-ce
qu’il n’existe aucun mode de surveillance pour les actes des conseils communaux
? est-ce que les commissaires de district ne sont pas
en mesure de signaler à la députation ce que les conseils communaux pourraient
faire de contraire aux lois ou à l’intérêt général ? Est-ce que les plus
importants de ces actes ne sont pas soumis à l’approbation royale ; est-ce que
d’autres moins importants ne sont pas soumis à l’approbation de la députation
provinciale ? N’y en a-t-il pas un grand nombre qui doivent être communiqués,
non seulement à l’autorité administrative supérieure, mais à des autorités
spéciales ?
On a organisé la
surveillance de manière qu’aucun acte ne puisse échapper à l’examen de
l’autorité qui pourra toujours s’assurer si ces actes ne sont pas contraires
aux lois ou ne blessent pas l’intérêt général.
Mais
on a cité, à propos de l’inconvénient d’occuper le pouvoir législatif de ces
sortes de questions, on vous a cité, dis-je, un exemple où on a eu recours aux
chambres, sans que ce recours ait amené de solution. Je ne répondrai qu’un mot.
Si la chambre n’a pas délibéré sur l’objet qui lui a été soumis, c’est que le
gouvernement ne l’a pas voulu, parce qu’il a retiré sa proposition. Il est
certain que la section centrale avait achevé son rapport ; que ce rapport,
conforme au projet du gouvernement allait être présenté à la chambre, lorsque
le gouvernement est venu nous prier de ne pas donner suite à l’affaire dont
nous étions saisis. Il est étonnant que ce soit le gouvernement lui-même qui
vienne aujourd’hui nous reprocher de n’avoir donné aucune solution à un projet
qu’il est venu retirer au moment ou nous allions en délibérer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’exemple que j’ai cité est à lui seul l’argument le plus invincible que l’on
puisse alléguer dans cette discussion, Cependant le préopinant s’est attardé à
une autre catégorie de faits dont il n’avait pas encore été question. Il a
appelé l’attention de la chambre sur les actes qui auraient reçu l’approbation
de l’autorité provinciale. Quant à ces actes, je crois qu’il y aurait lieu
d’admettre une distinction à leur égard. Il faudrait exiger que l’annulation
eût lieu dans le délai de 40 jours à partir de la date de l’approbation.
Quant
aux actes qui ont reçu l’approbation royale, il ne peut être question de les
annuler. Il n’est pas statué à cet égard dans la loi provinciale. Je ne vois
aucune difficulté, je le répète, à fixer un délai de 40 jours pour l’annulation
des actes du conseil communal approuvés par l’autorité provinciale, parce que
tout en reconnaissant que la décision du gouverneur n’est que temporaire,
j’admets que le gouvernement pourra prononcer plus tôt son annulation en
connaissance de cause.
Quant
à la question constitutionnelle, je ne conçois pas que l’on prétende qu’il
faille établir l’intervention législative dans la loi communale, puisque la
constitution a laissé à la législature la faculté de choisir entre
l’intervention royale et l’intervention législative.
- La clôture est
demandée.
M.
Dubus. - Il me semble que l’on ne peut clore la discussion sur un
amendement qui n’a pas encore été lu. Pour clore une discussion, il faut
qu’elle ait été ouverte.
M. Dumortier, rapporteur. - L’article en
discussion est un des plus importants de la loi. M. le ministre de l’intérieur
a émis des hérésies constitutionnellement parlant. Je demande à parler. Je
demande de pouvoir les réfuter.
M. le président. - La clôture ayant été demandée,
je ne puis m’empêcher de consulter l’assemblée.
M.
Dubus. - Je demande la parole sur la position de la question. Avant que
la clôture soit mise aux voix, il importe de savoir sur quoi on veut clore. Il
faut nécessairement que la délibération s’ouvre sur l’amendement de M. le
ministre. La chambre ne pourrait prononcer la clôture que sur le reste de
l’article. Il resterait à savoir s’il conviendrait de faire une pareille
scission.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il est impossible de prononcer la clôture sur
une question constitutionnelle, qui a à peine été effleurée. M. le ministre de
l’intérieur a prétendu que la constitution (article 108) laissait à la
législature l’option à l’égard de l’annulation des actes des conseils communaux
entre l’intervention du pouvoir royal et celle du pouvoir législatif, tandis
que je tiens dans les mains le rapport du congrès à cet égard, rapport rédigé
par notre honorable président, qui établit positivement le contraire, Il faut
que la question soit vidée. La clôture ne peut évidemment pas être prononcée.
M.
le président. - Je vais mettre la clôture aux voix.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il n’y a pas 50 membres dans l’assemblée.
M.
le président. - Si la chambre n’est plus en nombre, mon intention n’est
pas, l’assemblée me rendra cette justice, de mettre aucune proposition aux
voix.
Plusieurs voix. - Nous sommes en nombre.
M.
Dubus. et M.
Dumortier, rapporteur. - Je demande l’appel nominal.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- On ne peut demander l’appel nominal ; tous les membres ont quitté leurs
banquettes ; la séance est comme levée.
Plusieurs membres. - A demain ! à
demain !
M.
le président. - Je n’ai pas dit que la séance était levée.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart) monte à la tribune, Il se fait un
moment de silence. Il présente un projet de loi monétaire relatif à la
transformation, en les frappant de nouveau, des pièces de cuivre ou des cents
en centimes.
Le ministre, en déposant
son projet de loi sur le bureau, y dépose en même temps une douzaine de ces
pièces refrappées et sur lesquelles on n’aperçoit aucune trace de l’ancienne
marque monétaire. La mesure proposée produirait une économie dont les résultats
sont indiqués dans l’exposé des motifs.
- Le projet est renvoyé
devant une commission.
PROJET DE LOI PORTANT
TRANSFERT DE CREDITS AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR LES EXERCICES
1832 ET 1833
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
monte à son tour à la tribune. Il dépose sur le bureau
de la chambre un projet de loi portant transfert de diverses sommes sur les
exercices des années 1832 et 1833.
- Ce projet est
également renvoyé à une commission.
La séance est levée à
cinq heures environ.